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Elles étaient aussi bien de fesses que de face.

[HRP : ce RP est en continuité directe de ce RP dans lequel Shaïness rencontre son premier ange en la personne de James Fermal, personnage hautement suspicieux, qui s'envola vers d'autres cieux en faisant s'effondrer (en fait en profitant de) une auberge sur le coin du museau de la serial shoppeuse. Blessée puis inconsciente, cette dernière fut conduite à la base Marine du coin où se trouvait justement un ange, puisqu'elle n'arrêtait pas de délirer sur « je dois retrouver l'ange »...]


Parfois, la vie est mal faite. Je m'étais évanouie à cause de la douleur, une bonne chose qui me permettait justement d'en fuir les désagréments. Mais je me réveillai exactement pour la même cause : la douleur. Cette sensation irritante d'être en vie, mais douloureusement en vie. Un inconfort dans sa propre peau. J'aurais préféré rester inconsciente mais lentement, mais sûrement, la brûlure en vrille sur mon front me tira de ma torpeur, et comme tout bon crétin d'humain, je portai ma main à mon sourcil et oui, aïe, ça faisait mal... pour de vrai. D'un côté, c'était rassurant, ce n'était pas que dans ma tête. Bon, vu que c'était mon cuir chevelu, c'était aussi dans ma tête, mais là, c'est couper les cheveux en quatre... et ceci n'aidait pas mon cas. Bref... j'avais mal, pour de vrai, et maintenant, j'étais réveillée.

« Mais où diable suis-je encore ? » pensai-je en me redressant sur ce qui s'avéra être, après un bref examen, un lit d’hôpital militaire des plus conventionnel. Puis les événements me revinrent, et je dus me corriger : pas où diable, mais où ange... La longue litanie de jurons profanes grommelée à l'adresse de James Fermal s'interrompit brusquement quand je réalisai, à ma plus grande horreur, que j'étais vêtue, en tout et pour tout, d'une de ses horribles chemises hospitalières, qui ne couvrait que le minimum vital devant et dévoilait mon envers du décor à qui voudrait !

Un piaillement indigné s'échappa de mes lèvres ! Hérésie ! Crime de lèse-majesté ! Et mon courroux fut coupé court – encore une fois – par un couinement effrayé quand je réalisai que la porte était en train de s'ouvrir vers quelqu'un – qu'importe ! - qui allait me trouver dans cette situation vestimentaire des plus déplorables. Avais-je vécu auparavant situation plus dramatique ? Même lors de mon naufrage sur cette île avec Pludbus, j'avais conservé mon intégrité d'élégance. Alas ! J'étais faite comme un rat, sans possibilité de m'échapper (non, il était hors de question que je fuisse par la fenêtre !!! Pas dans cet accoutrement!!!) Je ne pus que retarder l'inévitable, en resserrant le drap autour de moi, mince rempart contre l'absurdité et la méchanceté du monde.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Ven 9 Mai 2014 - 23:13, édité 1 fois
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Le type qui vint chercher Jeska était des plus étranges. Apparemment il y avait une personne à l’hôpital qu'elle devait voir absolument. Pourquoi, elle n'en savait rien! Elle essaya bien de questionner le messager avant qu'il ne parte, mais tout ce qu'elle put tirer de lui c'était que celui ou celle qui était aux soins cherchait l'ange.

Et parce que les anges ça ne court pas les rues, les médecins de la base Marine pensèrent immédiatement à Jeska. Elle n'était là que depuis quelques jours mais déjà son physique si particulier, ainsi que son handicap la rendaient aussi reconnaissable que le loup blanc. Mais, c'était plus par obligation que par réel sens du devoir que la jeune soldate de vingt trois ans se trouvait ici. En effet, le navire sur lequel elle voguait d'habitude avait été maltraité durant une tempête, et, malgré les talents de navigatrice de l'aveugle, la caravelle avait fini par échouer sur un récif. Il avait donc été nécessaire d’affréter un remorqueur de Baterilla afin de ramener le navire à bon port. Et de le réparer en cale sèche.

En bref, elle n'avait rien d'autre à faire que de suivre le type et de se rendre au dispensaire pour visiter le fameux patient qui souhaitait tant la voir. Sans prendre la peine de frapper à la porte, le messager ouvrit laissant passer l'ange qui rentra prudemment dans la pièce. Jeska n'aimait pas les hôpitaux, il y avait dans l'air une odeur indescriptible qui la dérangeait fortement. Une fragrance de "trop propre pour être honnête". En somme un parfum que l'aveugle n'aimait pas. Mais dans cet endroit, il y avait une odeur douce et sucrée. Celle du miel des fleurs des montagnes. C'était vraiment très agréable. A moins que ce ne soit du au contraste avec celle du dispensaire. Sans plus se faire prier, elle se présenta.

Bonjour, je suis la Lieutenant Jeska Kamahlsson. L'ange que vous avez demandée...

Délicatement, l'aveugle referma la porte derrière elle. Elle réalisa alors que l'autre personne à l'intérieur de la pièce était une femme et qu'elle avait peur. En effet, les odeurs sucrées étaient assez caractéristiques du sexe féminin, et la façon dont elle tremblait ne pouvait indiquer que deux choses, soit elle avait froid, soit elle avait peur. Et vu que Jeska ne sentait pas de courant d'air, elle était plus tentée de pencher vers la seconde option. Avec une voix qui se voulait rassurante, elle continua.

N'ayez pas peur, je suis de la Marine, je ne vous veut aucun mal.

L'ange qui se baladait toujours les yeux fermés (pourquoi les ouvrir, vu qu'elle n'y voit rien...) fit un pas en avant, les bras grand écartés, afin de bien montrer qu'elle n'était en rien une menace.
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Je clignai des yeux, totalement perdue. Qui était cette fille, que me voulait-elle ? Et pourquoi avait-elle dit que je l'avais demandée ? Pourquoi aurais-je demandé un ange, hein ? Est-ce que j'ai une gueule à demander un ange, moi ? En plus, si j'avais demandé un ange, il serait venu sous forme masculine, avec un fessier compressé pour aller avec une ceinture abdominale des plus divines. L'espace d'un instant, je fus prise d'un délire métaphysique : en fait, j'étais morte, pour de bon, et cet hôpital était le purgatoire, et cette femme, mon ange gardien qui allait juger mon âme et m'ouvrir les portes de l'enfer ou du paradis. Bah, pas besoin d'être devin pour savoir que j'allais rôtir pendant une ou deux éternités. Je n'étais pas spécialement une fille bien.
Puis je percutai sur son grade et cette Jeska confirma mes doutes sur le fait que non, je n'étais pas morte, mais oui, je m'étais sérieusement cognée la cervelle. Je ne savais pas si je regrettais d'être encore en vie. D'un côté, si c'était ça le Paradis et mon ange gardien, autant rester en vie. D'un autre côté, vivre avec « ça » pour veiller sur moi.... pas étonnant que mon karma fut pourri.
Elle avait l'air bien gentille et c'était bien ça le problème. Oui, bon, un ange pas gentil, ça semble antinomique, mais quand je m'imaginais mon ange gardien, l'image qui me venait était soit celle d'une plantureuse blonde à l'insolente assurance, soit un machin tout rachitique au bord de la dépression à cause des heures supp que je l'obligeais à se taper.

Et ceci était encore une divagation de mon esprit. Je m'y faisais, à force. En fait, c'était presque marrant d'étudier, d'un point de vue extérieur, ce que je pensais, quand et comment... Précis de moi par moi, pour moi. L'égoïsme personnifié et--- elle attendait visiblement quelque chose de ma part...
- « Eeeeeuurrrr... Bonjour... Je suis...... »
Je suis quoi ? Désolée ? Je ne l'ai plus été depuis mes six ans. Mal à l'aise... c'était visible à l'oeil nu et à moins d'être aveugle... Hum, oui, laissez-moi faire comme si je n'étais pas moi-même atteinte de cécité soudaine. Une bonne chose, que les humains ne fussent pas télépathes. Sauf que elle, c'était un ange. James n'était pas télépathe pour un sous, mais c'était peut-être parce qu'il était le lardon de la portée. Qui sait, les anges sont peut-être tous à même de lire nos pensées ?

Je me raclai le fond de la gorge :
- « … je suis Shaïness Raven-Cooper. Agent du Cinquième Bureau. Je ne sais pas pourquoi on vous a dit que je vous cherchais. Je ne cherche aucun ange, sauf que si je mets la main sur un certain individu, il sera plumé jusqu'au.... enfin, vous voyez l'image. Sauf si vous êtes télépathe, bien entendu... »
Que quelqu'un me donne un coussin pour m'étouffer. Achevez-moi !!! Mais que m'arrivait-il ? D'habitude, je n'étais pas à ce point pataude. Peut-être que ma blessure était plus grave. Misère...

- « Hum, vous êtes médecin ? Vous savez comment je vais ? Ah, et où sont mes vêtements ? Je veux mes vêtements !!!!. »


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La demoiselle tarda à répondre, elle semblait perdue au point que Jeska aurait même pu entendre les pensées de Madame Papillon s'entrechoquer dans ce qui lui servait de caboche. Seulement l'ange n'était pas télépathe. Non pas que ça ne lui aurait pas été utile. Surtout lorsqu'on connait son handicap. Mais, pour le dire crument, à chacun ses dons. Et celui ci ne figurait pas dans ceux à disposition de l'aveugle.

A la place, elle ne pouvait qu'analyser les dires de la jeune femme en face d'elle. Elle lui avait donné son nom et pour qui elle travaillait. Le CP5 ce qui voulait dire que l'identité qu'elle avait déclinée était sans doute un alias. En effet, dans les rares livres traduits en braille, il y avait les romans d'espionnage. Et dans les fameuses aventures de l'agent très secret au service de sa Majesté, le héros ne donnait jamais son vrai nom. Enfin, Jeska se fichait un peu qu'elle mente ou pas. En fait ce qui intéressait c'était qu'elle n'était pas la personne recherchée. Ce qui la rassurait un peu, car la Lieutenant n'avait pas très envie d'être déplumée. Ça fait horriblement mal, mine de rien.

Ensuite ce furent les questions qui arrivèrent comme une pluie d'été. Un peu abasourdie par le choc, la jeune femme ailée recula et lança.

Minute, Papillon! Je n'en sais fichtrement rien! Je suis juste une soldate moi! Je ne suis ni médecin ni gardienne de vestiaire! Je ne sais rien de votre état de santé, ou de la situation de vos habits. Si vous ne les voyez pas de vous même, ne comptez pas sur une aveugle comme moi pour vous les trouver!... mais je peux demander...

Elle s'était rapprochée de la porte et l'avait légèrement entrouverte pour pouvoir demander discrètement des infos au soldat qui l'avait escortée. Cependant, ce dernier était déjà un peu loin, et l'ange dut forcer un peu sa voix pour que l'homme comprenne qu'elle le demandait. Doucement, elle posa les mêmes questions que Shainess. Une fois les réponses obtenues, elle se retourna vers l'espionne.

Mademoiselle Shainess, vous avez été trouvée dans un état de délire post traumatique assez inquiétant. De ce fait, vous devriez rester ici en observation quelques jours. Pour ce qui est de vos habits, il semblerait que ces derniers ne soient plus... enfin... hum... ils ne sont plus disponibles. Au vu de votre état, les urgentistes ont cru bon de vérifier si vous n'aviez pas d'autres blessures. Et il ont découpé vos affaires. Mais ne vous inquiétez pas, on ne vous laissera pas sortir comme ça. Je suis certaine qu'ils auront l'élégance de vous fournir un joli uniforme.


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- « Et qu'est-ce que j'en sais, moi, que vous n'êtes pas médecin ou infirmière ? » lançai-je assez vertement à la jeune femme qui s'en prenait injustement à moi. « Je me réveille dans un hôpital et vous entrez dans ma chambre, et vous n'avez pas la gueule de l'emploi. Ce n'est pas une insulte de vous prendre pour un médecin !! » Non mais oh ! Elle allait descendre de son nuage, l'angette, et arrêter de me prendre de haut. Je n'avais pas demandé à me retrouver blessée et dépenaillée ! Je n'avais pas demandé à la voir, elle et ses ailes, et ça n'allait pas changer de si peu.
Pendant qu'elle se rendait enfin utile en agitant ses lèvres pour autre chose que des banalités ou des récriminations, je me fis un rapide bilan de santé. Mes jambes et mes bras bougeaient très bien avec un minimum de douleur. Non, il n'y avait que ma tête qui m'élançait de temps à autre.

- « C'est Mademoiselle Raven-Cooper, ou Agent Raven-Cooper ou Shaïness... » corrigeai-je d'un ton presque distrait alors que je me concentrai pour descendre du lit dans perdre ce qu'il me restait de dignité. Oui, la seule autre personne vivante et consciente de la pièce était aveugle, et si ma « chemise » devait dévoiler plus que la pudeur ne le permettait, il n'y aurait aucune conséquence. Mais depuis quand je suivais la voie de la sérénité et du bon sens ? On se le demande bien. Mais ça ne m'empêchait pas de reprendre la miss lieutenant quand elle s'emmêla les pinceaux entre patronyme et prénom. Apparemment, les anges, ça semblait être un peu limité niveau fu-fute. Difficile d'être formelle, entre James et Jeska, je manquais de référence pour réellement me faire une opinion sur la question... Peut-être une malédiction du prénom commençant pas « j », comme jugeote...

- « Alors, ce n'est pas une question de sortir ou pas, mais bien une question d'avoir des habits convenables, tout de suite. Et j'insiste sur le tout de suite. Et bien que vous ne soyez pas ma femme de chambre, je vous serais extrêmement reconnaissante de me trouver quelque chose à porter. Une jupe, une robe, un pantalon, qu'importe. J'irai faire du shopping juste après. » Parce qu'il était hors de question que je restasse plusieurs jours comme ça. Habillée comme ça - si tant fut que cette chemise d'hosto pût être qualifiée d'habit. Enfermée comme ça. Shaïness Raven-Cooper ne délirait pas, en tout cas pas à voix haute. Et Shaïness Raven-Cooper ne se laissait pas materner ou autre par des médecins qui allaient peut-être découvrir plus qu'ils ne le devaient.
Comme un fruit du démon ingéré en toute discrétion.
Qui pouvait dire ce que ces machins en pouvaient vous faire faire pendant que vous étiez endormie ou inconsciente ?
Et soudain, l'envie de partir de cette chambre, de ce bâtiment, se fit urgente...

- « Il doit bien avoir une ville avec des boutiques dans le coin... Voulez-vous m'accompagner ? »
Je ne savais pas pourquoi j'avais proposé à cette inconnue de m'accompagner. Sûrement un saut de fait à conclusion par mon cerveau, comme par exemple avoir sous la main quelqu'un pour me raccompagner si je tombais dans les pommes ou autre. Ou alors un relent de culpabilité pour avoir été un peu – un peu, j'ai dis !!! - désagréable avec la brune. Aucune idée et entre nous, je m'en contre-fichais. Tout ce que je voulais, c'était sortir de ce déguisement et de cette pièce....


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La demoiselle présente avec elle n'était pas de bonne humeur. Elle semblait en vouloir à l'ange pour une raison aussi obscure qu’insaisissable. D'ailleurs, en parlant de "vouloir", l'agent du CP5 souhaitait qu'on lui fournisse des habits dans les délais les plus brefs. C'était une drôle de requête. Enfin, pour une aveugle qui ne saisissait pas le coté embarrassant de la situation, la demande était assez ubuesque. Mais ce n'est pas pour autant que la jeune femme ailée n'y accéda point.

Lentement, elle s'approcha de la patiente. L'aveugle l'avait bien entendue se lever, et elle voulait vérifier quelque chose. Elle n'était plus qu'à une cinquantaine de centimètres de la fille papillon lorsqu'elle s'arrêta. Délicatement, elle tendit les bras. Jeska effleura à peine les courbes de l'agent. Sous ses doigts de la non-voyante, l'ange ressentait une certaine tension. Certainement due au coté inhabituellement sensuel de la chose. A moins que Shaïness se méprenne sur les intentions de la soldate croyant que sa beauté soit telle qu'elle puisse faire virer lesbienne une aveugle.

Mais il n'en était rien. Cette séance de douce palpation était en fait la façon dont la non-voyante prenait les mesure du corps de l'agent du CP5. Ainsi, Jeska put déduire qu'à peu de choses près, elles avaient le même gabarit et la même taille. Enfin, l'ange avait des hanches un peu plus larges, mais rien qu'une ceinture ne puisse arranger. Oui, l'aveugle prévoyait bien de donner sa robe à la fille papillon. Sans hésiter une seconde, elle se déshabilla sans aucune inhibition devant la donzelle à la violette crinière.

Tiens, je te donne ma robe. On est approximativement de la même taille, ça devrait t'aller.

Malheureusement, c'était maintenant Jeska qui ne pouvait sortir comme ça. Ni une, ni deux, elle piqua la chemise de patiente dont venait de se séparer la serial-shoppeuse et utilisa le drap du lit comme une sorte de paréo. C'était assez hideux, mais au moins, elle pouvait sortir dehors sans faire attentat à la pudeur. Cependant, elle semblait très mal à l'aise. La qualité du tissu qui touchait sa peau, c'était assez désagréable comme sensation. Bien qu'aveugle, Jeska était assez exigeante en ce qui concernait ses habits. Plus que l'aspect, c'était la qualité de l'étoffe qu'elle jugeait primordiale. Sa robe, par exemple, était cousue main par un petit artisan de Hinu Town sur West Blue. La fibre de coton utilisée était très fine et très longue, ce qui lui donnait une texture soyeuse et très légère.

Mademoiselle Sh... Raven Cooper... je ne serais pas contre vous accompagner en ville pour acheter une tenue plus... adéquate... Porte ça est un clavaire, même pour moi.

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Ewwwww.
Mais on les fabriquait avec quoi, les anges ? Du coton ? Du fromage frais ? Mais c'était culturel, la débilité chez eux ?
Tous les poils de mon corps se dressèrent à l'idée d'enfiler les vêtements portés par une autre, encore chauds de son corps. Déjà qu'enfiler un habit inconnu et propre, sorti d'une armoire ou mieux encore, juste retiré du fil à linge, me donnait des boutons, mais alors ça... Non que la robe de Jeska fut sale. Mais elle n'était pas propre et dans ce genre de situation, ce n'était juste pas possible.
Juste eeeewwwwwwwwww !!!

Surtout que l'ange avoua d'elle-même que sa tenue des plus spartiates ne lui convenait pas. Si j'avais été surprise par son premier geste – qu'est-ce que ses mains faisaient là ? - cette preuve de désintéressement total me prit de court. A la fois touchant et complètement stupide.

- « Je vous remercie, mais ça ne va pas se faire comme ça... » dis-je simplement en lui mettant sa robe entre les mains et en décrochant le drap, pour m'en faire une toge assez minimale. - « Puisque apparemment le Gouvernement ne peut même pas fournir à ses agents une tenue convenable, le Gouvernement fera avec moi habillée d'un drap. »
J'avais fait pire. A Shell town, la base entière avait pu voir ma culotte. A Logue Town, j'avais bataillé contre la révolution sans culotte du tout. Et ici, je marcherai sans robe. Comme pour un oignon, couche après couche, j'allais tout perdre jusqu'à être à nue, jusqu'à mon « coeur ». Tu parles... La nudité me posait moins de problème que l'obligation de porter des trucs immondes. Après tout, je n'avais pas avoir honte de mes courbes. Un quart de siècle au compteur, et j'étais pimpante comme à mes seize ans ! Bon, dit comme ça, j'avais l'impression d'être une frégate. Bref.

Une fois Jeska revenue à sa tenue originelle, j'ouvris la porte en grand, faisant sursauter le plancton de garde.
- « Vous pouvez quitter votre poste, Sergent. Je suis agent du Cinquième Bureau, je ne suis pas un individu répréhensible. »
- « Oui Madame. Enfin, non Madame. J'ai des ordres, Madame. Madame... vous êtes... vêtue d'un drap. »
- « Oh, quel sens de l'observation. Ça va vous mener loin, ça. Disposez, Sergent, je vous prie.. »
- « C'est-à-dire que... »
- « Boon, puisqu'il le faut. Si vous devez vraiment me tenir la jambe, vous n'avez qu'à trouver une tenue plus appropriée. Je fais du T38. »
- « C'est que.... »
- « Oui, ça serait choupi. »

Et je me dirigeai vers le bureau des infirmières où je me pris la tête avec la chef, jusqu'à l'arrivée du médecin de garde. Un shigan plus tard dans ce qui avait été mon dossier médical, j'obtins l'autorisation de sortie ainsi que deux aspirines. Que je pris immédiatement, l'une comme les autres.
L'hôpital était au sein d'une base on ne pouvait plus classique, d'accès direct depuis le portail principal, avec un parc derrière, parc qui donnait d'ailleurs sur la résidence du commandant local. Le projet d'aller m’incruster chez lui me laissa songeuse un instant, avant de repousser cette possibilité. Après tout, il s'agissait très probablement d'un vieux célibataire, ou d'un mari lié depuis des années à sa potiche de salon attitrée et l'un dans l'autre, il n'aurait pas une garde-robe convenant à une dame de ma stature. Direction donc non pas l'inventaire – où j'aurais pourtant trouvé une laverie et donc des stocks d'uniforme standard – mais la logistique, pour réquisitionner une jeep avec chauffeur.
Mon accoutrement attira bien des regards, quelques coups de sifflets et de nombreux commentaires. Moi ? J'avançais comme la reine de Saba, puissante et libre.
- « Madame ! » s'offusqua enfin un Caporal en me voyant tirer un jeune mousse loin de son activité préféré (passer le balai) et le fourguer manu-militari dans un véhicule
- « Mademoiselle, je vous prie. »
- « Votre tenue ! Elle est inconvenante !! Je vous prierai... »
- « Je vais vous dire, ce qui est inconvenant. Votre attitude, Caporal. La moindre des choses pour le gouvernement, c'est de préserver la dignité des peuples sous son drapeau. Or, j'ai été réduite, vous entendez, réduite !!! à ce camouflage, et pourtant, de nous deux, c'est moi la plus digne. Est-ce que j'ai piaillé comme une gamine en voyant que la Marine ne pouvait même pas venir en aide à un Agent ? Ou alors, êtes-vous une de ses bases pour qui les Cipher Pol ne valent moins que rien ? » J'étrécis les yeux d'un air mauvais.
- « Bien sûr que si, je veux dire non. Madame, enfin ! »
- « Mademoiselle. Ou Agent. Enfin, soyez rassuré, moi et ma cuisse de nymphe allons en ville trouver de quoi me vêtir et soustraire à la vue de vos honorables quoique puceaux de Marines la vision cauchemardesque de mon corps si outrageux aux bonnes mœurs. » Ce qui provoqua des grognements dépités de la part de l'audience.

Et nous partîmes....


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Ven 9 Mai 2014 - 23:14, édité 1 fois
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Normalement, on ne refuse pas un cadeau. Mais voilà. Shaïness venait de rendre la robe de Jeska à sa propriétaire. Embarrassée, l'ange quitta sa tenue de fortune et enfila l'ancienne. Elle semblait gênée et confuse. Si elle avait eu des yeux, on aurait pu croire qu'elle regardait ses pieds. Elle se balançait de droite à gauche comme une petite fille qui attendait qu'on lui dise quoi faire. Elle se trouvait façe à une personne des plus déconcertantes. D'autant plus que cet agent irradiait quelque chose. Un petit je-ne-sais-quoi que Jeska aurait bien aimé avoir. Elle n'arrivait pas à le nommer, mais elle ressentait très bien ce qui se dégageait de cette femme. Et ce n'est que lorsqu'elle sortit, simplement vêtue d'un drap, apostrophant le soldat préposé à la garde de la chambre qu'elle comprit de quoi il s'agissait.

La confiance en soi. Shainess en avait, et l'aveugle en manquait. L'agent l’exsudait au point que dès qu'elle ouvrait la bouche, peu osaient lui répondre. Elle en imposait, point. L'ange, quant à elle, était toujours aussi effacée. En fait, elle faisait souvent tapisserie. Comme à l'instant. A coté de la femme-papillon, l'aveugle se savait presque invisible. Elle sentait que la femme devant elle attirait les regards, elle n'avait pas besoin de le voir, elle le sentait au plus profond d'elle. Et c'est là qu'elle ressentit pour la première fois une émotion des plus étrange. Elle aurait tout donné pour être comme la personne à qui elle emboitait le pas. Tout simplement parce que cette damnée Shaïness était exactement le genre de femme que Jeska rêverait d'être.

Si seulement l'ange n'avait pas aussi honte d'elle-même, elle pourrait se comporter comme cette femme qui était devenue à présent son modèle. Elle avait même fait un truc super avec son doigt à l'infirmerie, si elle arrivait à trouver le courage, elle lui demanderait de lui apprendre ce truc. Pour le moment, elle se contentait de marcher dans son ombre, bien qu'elle ne puisse la voir. Finalement, les deux femmes se retrouvèrent dans une sorte de véhicule avec un pauvre soldat qui ne semblait pas malheureux du tout de se faire embarquer dans cette aventure. Seulement un gradé eut le toupet de faire remarquer que la tenue de l’agent n'était pas convenable. Et voilà que l'agent montre à nouveau qu'on ne la lui fait pas. Heureusement que Jeska garde toujours les yeux clos, sinon, elle aurait été bien mal à l'aise avec des globes oculaires pleins d'étoiles à cause de l'admiration qu'elle vouait à présent à miss Raven Cooper.

La Jeep vrombit et fila en direction de la ville. Le jeune cadet mena les deux demoiselles dans une artère marchande du bled le plus proche. C'est là, juste au pied de la devanture d'un magasin de luxe, que Jeska prit enfin son courage à deux mains et osa demander quelque chose à la fille dans le drap.

Mademoiselle Sh... Raven Cooper... Je... Je me demandais si, hum... Pouvez vous m'apprendre à être comme vous?
Deavnant l'incompréhension de l'agent, elle rajouta alors.

Une fille que les autres remarquent...

Jeska était toute rouge, le visage penché en avant, les épaules inclinées vers l'avant de son corps comme si elle essayait de prendre le moins de place possible.
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[HRP : en me relisant, j'ai réalisé qu'en 1624, Shaï ne connaît pas le Shigan qu'elle n'a appris qu'en 1625. Bah, on va dire que j'ai donné un coup de poing dans le dossier médical, et vu les D de mon perso, ça devrait suffire à réduire en cendres la chose].

- « Hum ? Vous savez, si les titres, ça vous dérange, vous pouvez m'appeler Shaïness tout court. » Le protocole, j'aimais le suivre quand ça m'arrangeait, quand je pouvais en tirer parti. Là, il était clair que la lieutenant pouvait difficilement m'apporter quoi que ce fut de plus maintenant que nous étions arrivées à destination. Je pouvais donc me comporter comme une personnelle normale, c'est-à-dire, un minimum sociale.
Il fallait dire aussi que presque instinctivement, Jeska avait su m'amadouer en flattant mon orgueil. Son attitude discrète, gentille, son embarras, son manque visible de confiance en soi, tout cela en me caressant dans le sens du poil... et oui, tel un paon, je me rengorgeais d'être admirée. Je me pavanais, au moins mentalement et peut-être même un peu physiquement.

Je rejetai une mèche de cheveux en arrière et eut un sourire plein de superbe avant d'examiner la jeune femme devant moi de mon œil de professionnel. Opération relooking enclenchée. Qu'importe si j'étais en toge drapée en plein milieu de la rue. Là, je karlagerfeldais, comme si j'étais seule au monde. Enfin, seule avec l'angette.
- « Je peux, mais tout dépend de ce que vous voulez. Vous voulez qu'on vous remarque uniquement physiquement ? Pour votre look, votre coiffure, vos vêtements ? Ou est-ce que vous voulez avec ce petit truc en plus dans votre démarche, dans votre attitude. Avoir ce qu'on appelle communément « du chien » ? Je peux faire l'un comme l'autre, mais dans le second cas, il vaudra y mettre du votre. Tiens, vous, le mousse... Qu'est-ce que vous pensez de la lieutenant. En tant que femme, oubliez qu'elle est votre supérieur. »

Ce qui n'aida pas le pauvre garçon à émettre un avis posé et éclairé. Il en bafouilla, devint tout rouge et un peu violet, laissa tomber ses clés par terre, se releva et réalisa qu'il avait ainsi le nez à portée des ourlets de nos « habits », et je crus qu'il allait à ce moment faire une syncope.
- « C'est que... enfin, vous voyez.... »
- « Non, pas vraiment. Et elle encore moins que moi... » J'étais absolument odieuse avec ce pauvre petit, mais c'était ça, l'ordre des choses. Pour se hisser en haut de la chaîne alimentaire, il fallait avant tout agir comme si on y était déjà. Montrez la moindre faiblesse face à un prédateur, c'était un appel au suicide assisté... tout en renforçant la conviction du prédateur qu'il en était un.
- « Euuuh, elle est jolie. Très même. Un peu maigre à mon goût, mais j'dirais pas non. Enfin, dans d'autres conditions, hein... »
- « Et si vous deviez la qualifier d'un adjectif ?. »
- « Juste pour le physique ? »
- « Le physique et le tout, mon brave.. »
- «Euh... jolie et euh... douce ??? enfin, je crois .. »
- « Et moi ? »
- « ...j'ai vraiment le droit de dire ce que je veux ? »
- « Promis juré.. »
- « Sexy et chieuse. » fit-il alors sans coup flétrir.
- « Ben voilà. Lieutenant Kamahlsson, vous avez compris la différence ? »

Qu'elle l'eut ou non, j'entrais dans la boutique et après avoir réduit au silence les piaillements de vendeuses avec un très laconique « Vous l'ouvrez encore une fois et c'est votre commission qui s'envole. », je me mis en quête d'une nouvelle tenue. Brassant les portiques, décrochant les cintres, sélectionnant peu, désorganisant tout, je continuai ma conversation, comme si rien ne l'avait interrompu, pas même le temps.

- « Vous avez dit être aveugle. Votre handicap est-il total ? Ou avez-vous un moyen de vous maquiller ? » Rien que ça pouvait vous changer une femme.« Je précise aussi tout de suite que vous allez devoir vivre avec le regard des autres sur vous. Si vous ne pensez pas pouvoir assumer, autant abandonner tout de suite ! »


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Ven 9 Mai 2014 - 23:16, édité 1 fois
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Bon, l'agent était pas contre le fait d'apprendre à Jeska comment avoir confiance en elle. Seulement, voilà, l'ange était un peu décontenancée. Il y avait tant de chose qu'on pouvait changer. Elle pensait qu'il suffirait juste d'un petit coup de Shaïness magique pour qu'elle devienne une personne différente. Naïve, l'aveugle semblait un peu désarçonnée par la réponse de sa compagne. Que devait elle modifier? Sa coiffure? Elle aimait bien ses longs cheveux. Elle ne les avait jamais coupé, et ce, depuis sa plus tendre enfance. Devait-elle le faire? Elle aurait l'impression de se séparer d'une partie d'elle même. Non, on ne changerait pas sa coupe de cheveux. Par contre, les vêtements, pourquoi pas? Jeska s'était toujours attachée à la texture du tissu, et jamais vraiment à l'apparence. Il faut dire qu'elle n'y voyait rien, l'aveugle! Mais, en la matière, elle était plus ouverte. Tant qu'elle se sentirait bien dans ses habits, avoir d'autres tenues que sa robe (elle en a dix identique dans son placard) ne lui ferait pas de mal. Quant à look, elle ne savait même pas ce que c'était. Cependant, elle n'osa pas demander à la fille de drap vêtue, de peur de passer pour une demeurée. Par contre, oui, elle aurait bien aimé changer d'attitude. Avoir ce "petit quelque chose en plus". La contre partie était un véritable travail sur elle-même. Personnellement, Jeska aurait préféré que Shaïness sorte une baguette magique de dessous son drap et la transforme la grenouille aveugle en princesse rebelle.

Ensuite, il y eut la démonstration par l'exemple. Le jeune soldat participa bien malgré lui à l'épreuve. Ainsi, Jeska était perçue comme une personne jolie et douce. Ça la flattait, mais, elle ne pouvait nier que ça ne la satisfaisait pas vraiment. Elle se souvenait de ce qu'on disait des filles douces. Celles douées pour la vie à deux. Celles que les hommes recherchent car elles leur rappellent leur mère. C'était donc à ça que ressemblait l'aveugle. Une cruche. Oui, on disait aussi de ces filles qu'elles étaient un peu gourdes sur les bords. Mais... elle était jolie. Une peu trop mince, mais... jolie. Et ça, ça faisait plaisir à l'ange. Pourtant, elle n'y voyait goutte, mais ça flattait son égo que de savoir qu'elle avait des atouts physiques. Au moins, se disait elle, "je n'aurais pas à partir de zéro pour devenir une personne comme Shaïness". C'était un bon point. D'ailleurs, en ce qui concernait l'agent, elle était "sexy et chieuse". Pour l'assassin gouvernemental, il y avait une différence. Ça devait se voir comme le nez au milieu de la figure. Mais pour une fille comme Jeska, la nuance était... comment dire... de l'ordre de l'abstrait. Pourtant, elle le sentait bien. La femme-papillon avait ce petit truc qui faisait défaut à la marine.

Et hop, la voilà qui plante Jeska à l'entrée du magasin. Shaïness ne lui avait laissé ni le temps de réfléchir et encore moins celui de répondre. La nana aux cheveux roses avait déjà pénétré dans la boutique et elle avait montré aussitôt qui était le patron. Ou le client, c'est comme vous voulez. Direct, elle s'imposait. Ici, c'était elle qui menait la danse. Ça ne se discutait pas. Tout simplement parce qu'elle avait pris un ton qui ne tolérait pas la réplique. Elle savait ce qu'elle voulait, et elle allait l'obtenir. Ce n'était pas comme Jeska, qui prenait toujours soin de ménager la chèvre et le chou, toujours au détriment de ses aspirations personnelles. Si elle devait mettre du sien pour ressembler à cette femme, la première chose à faire serait sans doute d'être un peu plus égoïste. La seconde serait d'être plus ferme lorsqu'elle parlait. Après tout, elle était Lieutenant dans la Marine, ce n'était pas n'importe qui! Enfin, il faudrait aussi qu'elle soit un peu moins timide. Mais bon, on ne change pas de personnalité en trois posts. Ainsi, lorsque Shaïness l'interrogea, elle essaya se glisser dans ce personnage que devrait être la "nouvelle" Jeska.

Non, je n'y vois vraiment rien de rien. Impossible de me maquiller seule. Mais ne vous inquiétez pas Shaïness, je n'ai pas peur du regard des autres. Actuellement, je veux juste avoir "du chien" comme vous dites. Mais je ne veux pas être "chienne" pour autant! Ah, aussi, je m'en remets entièrement à votre expertise, seulement, je refuse qu'on coupe mes cheveux. Pour le reste, je vous fais confiance.

Sa voix s'était faite plus ferme. C'était un tel changement que l'ange eut du mal à croire que c'était elle qui prononçait ces mots. Il y avait aussi la disparition du "Mademoiselle" signe que Jeska était plus familière. Et surtout, qu'elle était prête.

On y va?

Voilà qui confirmait sa volonté. Elle voulait changer, maintenant!
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Me faire confiance ? Ah, elle était vraiment adorable, Jeska. Adorable et tout aussi niaise. Même le matelot première classe qui était en train de siffloter adossé au capot de sa voiture, profitant de ce moment de répit dans l'enchaînement rébarbatif de ses tâches et entraînements, savait instinctivement que me faire confiance n'était pas une bonne idée. Décidément, les anges, c'était étrange...
Mais le plus important pour le moment était de me trouver une nouvelle tenue. Quand je repense à la valise que j'avais laissé à l'île de la Veine, dans l'auberge, le temps d'aller à la base Marine négocier mon passage... Tiens, il faudra que je pense à la faire ramener ici... où que ce « ici » fut. Je m'étonnai par ailleurs de mon indifférence sur cette question. Il était clair que je n'étais pas à Marie-Joie, et vu que c'était le seul endroit sur cette terre où je désirais être, je me désintéressais totalement de « ici ». Ici qui était destiné à devenir très, très rapidement « là-bas ». Les choses éphémères n'avaient aucune importance. C'était comme la mode : je ne la suivais pas, désespérée à l'idée d'être en retard. Non, je la créais, et laissais dans mon sillage une traînée à mon image.

Ce trou n'était pas totalement désespérément vide en terme de vêtements. J'avais eu très peur de devoir me contenter du charme tranquille des robes à fleurs ou d'imprimés à motifs psychédéliques. Mais non. Ce n'était toujours pas la profusion de matériaux et de coupes à laquelle j'étais habituée, mais j'allais faire avec. Je sélectionnai quelques cintres, jetai une œillade meurtrière à la pétasse qui voulut me les prendre et me conduire jusqu'aux cabines, comme si je n'étais pas capable de m'orienter dans une boutique de quoi.... 30 mètre carré ? Pitoyable. Vu ma sélection et le fait certain que je n'allais pas remettre cette tenue, sauf si je devais aller crapahuter dans un endroit peu recommandable de la capitale, je ne fis pas ma mijaurée et ce fut vite expédié. Je sortis habillée de pied en tête avec un pantalon cintré gris clair et d'un chemisier noir, avec une paire de petits escarpins qui n'allait pas faire des milliers de kilomètres, vu les finitions. Défiant la vendeuse de dire quoi que ce fut, je posai les étiquettes sur le comptoir et lui débitai les numéros d'une des cartes de mon père. Je m'étais jurée de ne pas y avoir recours, sauf en cas d'urgence... et n'en déplaise à certains, ceci était une urgence.
Maintenant que j'avais revêtue mon armure, je pouvais m'attaquer à ma mission du jour.

- « On y va... Sauf que je ne suis pas sûre qu'un changement de vêtements soit approprié. Surtout si vous n'êtes pas capable de voir les couleurs, et les effets de forme, d'associations. Mieux vaut presque vous contenter de tissu aux couleurs simples. Par contre, ce que je peux tenter de vous enseigner deux-trois trucs. Allons prendre un café ou un thé, voulez-vous ? » Abandonnant le matelot à son occupation préférée – se tourner les pouces en reluquant les filles – nous nous installâmes dans un salon de thé, où je pus grignoter quelques douceurs. « Je pense que l'élément clé est de ne pas se poser de question sur ce que les autres pensent ou veulent. Quelque part, c'est être avant tout égoïste, à penser à son bien-être. Car si on fait dépendre son bonheur ou son action à celui d'autrui, si on cède le pas à autrui, on se retrouve écrasé, subordonné, contrait. Ce n'est une question de manque de respect, mais de se faire entendre. Si quelqu'un venait vous voler votre sac, vous seriez contre, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi est-ce que vous laisseriez quelqu'un vous voler votre libre-arbitre ? Si vous avez une idée, une opinion, un désir, et que cela n'a rien d'illégal ou d'irrespectueux par rapport à la morale ou à la hiérarchie, alors, exprimez-vous.

Maintenant, voyons voir... Qu'est-ce qui vous énerve ? Quelles attitudes chez les autres, vis à vis de vous ou d'une autre chose, vous fait grincer les dents ? Qu'est-ce que vous auriez aimé dire ou faire, que vous n'avez jamais dit ou fait ? »
Oh là, j'avais l'impression d'être un psychologue de bas étage, et c'en était presque grotesque. Mais que voulez-vous dire à une jeune femme que je ne connaissais pas, et que le destin m'avait jeté entre les pattes ? Bon, j'allais devoir faire preuve d'un peu d'empathie.

- « Hum... et si vous me le permettez... je serais curieuse par rapport à votre nature d'ange. Je n'ai que brièvement rencontré un ange et il était pour le moins étrange... Je n'ai pas vraiment eu le temps d'en apprendre plus sur la culture ange... seriez-vous disposée à me renseigner ? »
Et si après ça, on me vient me dire que je suis insensible ou autre, je pourrais protester énergiquement. Ce n'était pas ma faute si les sujets qui m'intéressaient vraiment étaient rares...


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Pour y aller, elles y allaient. Enfin surtout Shaïness qui avait réussi à trouver quelque chose à son goût. Quant à Jeska elle flânait dans les rayonnages, laissant courir ses doigts sur les étoffes de tissu. Elle aimait beaucoup la soie et cette impression presque liquide que ça lui faisait contre sa peau. Autant pour l'agent, cette boutique surpassait à peine le médiocre, autant, pour l'aveugle, c'était une caverne d'Ali Baba. il faut dire que l'aveugle ne mettait que rarement les pieds dans ce genre de magasin. En effet, elle avait un tailleur qui lui faisait ses tenues sur mesure. Puis, bon, ce n'était pas comme si elle n'y voyait rien, la vaillante soldate de la Marine. Seulement, d'une certaine façon, la jeune femme s'était plus ou moins faite à l'idée que la mode, ce n'était pas un truc pour elle. Alors quand elle avait pu demander à une femme de goût de se relooker gratis, elle avait bondi sur l'occasion.

Quelle ne fut donc pas sa déception de savoir que Shaïness ne pensait pas qu'un changement d'habits soit la solution. A la place de cette séance de relooking tant attendue, l'agent lui proposait d'aller prendre un café. Mortifiée, elle accepta. Malgré son immense déception, Jeska restait et resterait toujours une fille gentille et assez docile. La situation actuelle ne la satisfaisait pas, mais elle respectait l'autorité. Et, en matière de mode, miss Raven Cooper faisait office d'Amirale en Chef. Donc, si on avait plus de chance de trouver le "style" de Jeska dans un troquet que dans une boutique de mode, elle suivrait tout bonnement l'avis de sa coach. Car c'est bien de ça dont il s'agissait. Plus que de changer de garde-robe, la femme-papillon s'attaquait à la personnalité même de l'ange.

Visiblement, elle se devait d'être plus égoïste. Elle se devait d'écouter la petite voix en elle, celle de sa volonté. Elle l'avait tellement fait taire depuis toutes ces années où elle s'était échinée à tenter d'être une bonne soldate. Une fille qui respectait les ordres. Petit à petit, elle avait appris à tirer du plaisir à rendre service aux autres, et ce, malgré tous les soucis qu'elle en retirait. En fait, depuis qu'elle avait intégré la Marine, Jeska avait tenu sa personnalité en laisse. Et maintenant, cette dernière était tellement contrainte qu'elle avait fini par s'effacer naturellement devant le poids de ses devoirs et de ses obligations. A la longue, l'aveugle était devenu une sorte de stéréotype sans personnalité ni désir propre. Le simple fait de dire "je veux" lui semblait terriblement déplacé, voire même grossier. Seulement, personne ne lui avait demandé de faire ça. Elle l'avait fait d'elle-même, comme une grande. Parce qu'au plus profond d'elle même, la qualité première d'un bon soldat était l'abnégation. Elle avait donc passé toute sa courte vie à essayer d'incarner physiquement cette valeur. Et voilà que cette agent lui demander de tout mettre par terre. De laisser sa personnalité s'exprimer. D'accepter qu'elle puisse avoir des désirs et des envies. Rien qu'à entendre cette idée, elle secoua vigoureusement la tête de droite à gauche comme si elle essayait de chasser ces pensées impies de sa tête. Ce signe évident de dénégation montrait clairement à quel point Jeska refusait l'idée même d'être égoïste.

Heureusement, Sahïness embraya sur une autre sujet. Cependant, celui-ci mettait aussi Jeska dans l'embarras. Elle avait beau être un ange. Hormis ses ailes noires dans le dos, elle ne savait que très très peu de choses sur ses semblables.

Shaïness. Je ne sais que très peu de choses sur les anges. Je suis née sur South Blue et mon père est un simple humain. C'est ma mère qui était un ange, mais je n'ai pas eu le plaisir de la connaître car elle est morte en me mettant au monde. A dire vrai, je suis sans doute la personne la moins capable de vous renseigner sur mes semblables. De ce que je sais, les anges vivent sur les mers blanches qui seraient dans le ciel, leurs ailes sont blanches et c'est malheureusement tout ce que je peux vous apprendre. J'en suis désolée.

L'ange se mit alors à pencher légèrement la tête en avant sur son thé au jasmin. Elle n'avait plus du tout envie de parler. Elle respirait lentement. Elle cherchait quoi dire tout de même. Après tout, l'agent lui avait posé une question. Jeska ne voulait pas causer, mais elle se sentait dans l'obligation de lui répondre. Elle redresse son visage. Elle semble triste.

Je n'ai pas vraiment de choses qui m'énervent personnellement. Oui, je ne peux pas rester de glace devant une injustice, mais je crois que c'est plus mon cœur de soldate que le mien propre qui parle. Je crois que hormis les odeurs corporelles fortes, il n'y a pas grand chose qui puisse me faire sortir de mes gonds. En fait, d'une certaine façon, ma vie de soldate me comble parfaitement.

C'était un mensonge. Un mensonge évident, mais Jeska s'était soudain sentie un peu moins à l'aise. Jamais elle aurait pensé qu'elle devrait confier des choses aussi personnelles pour changer d'apparence. Elle n'y était pas préparée. Pudique, l'ange s'apprêtait à se fermer comme une huître.
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Pas besoin d'empathie ou de télépathie pour savoir que Jeska était en train de faire comme les trois singes « ne voit ni ne parle ni n'entend ». Enfin, dans son cas « ne voit », c'était déjà réglé. J'avais espéré que mon pilotage arbitraire allait provoquer en elle une réaction. Nenni. Ceci dit, je n'avais pas tort. Ce n'était pas les vêtements qui faisait la femme. Mettez une personne fade dans la plus provocante des tenues, vous n'aurez pas une sublimation soudaine en pin-up. Juste un boudin ridicule. Ce n'était que dans les films vus par visio-den-den qu'on voyait la « magie de la mode » déclencher on-ne-savait quoi de primal en une fille sommes toutes banale et qui en se glissant entre les pans d'une jupe ou en chaussant des bottes hautes, se transformait en une personne libre, affranchie, pleine d'audace et de bon goût.

Tant que Jeska ne m'avait pas montré qui elle était, ça ne servait à rien de lui refaire sa garde-robe. Il ne fallait assumer ses vêtements, il fallait... les incarner... quelque part, trouver une osmose. Donc, j'avais titillé un peu la jeune femme, pour ne pas en tirer grande chose. Gentille et un peu con-conne. A tel point qu'au lieu de me dire clairement que mes questions étaient dérangeantes, voire douloureuses, elle prit sur elle de me répondre. Par ce que les autres ont de sacrés !!! Ce que les gens mous pouvaient m'insupporter. Ça me donnait des envies irrésistibles de frapper dessus, juste pour voir si ils couineraient, comme les jeux en plastique pour chiens.

Il n'y avait qu'un point positif jusqu'ici. Elle m'avait appelé Shaïness. Petite, maigre victoire, mais quand c'était disette, on ne crachait pas sur les navets. Et pourtant, les navets, ce n'est pas la panacée...
- « Foutaises, Jeska. Il va falloir se montrer plus convaincante que ça, pour me persuader que rien ne vous dérange. En gros, tu me dis que si un mec te passe devant à la cantine, au lieu de faire la queue, comme tu l'as fait bien gentiment, tu le laisses faire ? Je ne dis pas le gars qui a une urgence ou autre, juste le gars qui grille la queue. Ce n'est pas une injustice, juste un manque de respect. Et tu veux me faire croire qu'en plus de le laisser passer, tu le laisserais prendre le dernier... flan au caramel qui devait te revenir, alors que c'est ton dessert préféré et que tu le voulais ? »
Et pourtant, les flans au caramel, c'était assez dégueu. Personnellement, je trouvais ça infect. Rien que l'aspect gélatineux, à se trémousser dans son nappage aux moindres vibrations, comme si on marchait comme un T-Rex. Pourquoi est-ce que je pensais à un flan au caramel, moi ? Ah oui... Jeska... Jeska me faisait penser à un flan au caramel en fait. Ewwww.

- « Comment veux-tu que les autres te respectent, si tu ne te respectes pas toi-même ? Comment veux-tu qu'ils te trouvent intéressante, si toi-même, tu n'as rien d'intéressant à offrir. Si on te demande, « que préfères-tu : la tarte à la pomme ou à la poire ? » alors que tu détestes l'une comme l'autre, as-tu au moins le courage de dire que tu préfères la tarte à la fraise ? Est-ce que dans un restaurant, au moment de commander, tu arrives à faire un choix, ou tu restes hésitante comme un bovin devant la carte, et tu finis par prendre ce que les autres prennent ? Est-ce que tu as au moins un peu d'individualité dans tout ton corps ? »
Je parlais d'une voix douce, très douce, trop douce. Derrière le sucre, il y avait la carie, et qu'est-ce qu'elle pouvait être acide, cette carie. J'étais littéralement en train d'insulter cette pauvre Marine. Quelque part, elle me faisait penser à Fenyang : elle semblait sincèrement « bonne ». Avec des défauts, mais « bonne ». Mais on connaît le proverbe : trop bonne, trop conne...


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L'ange se faisait habiller pour l'hiver. Seulement, ce ne se passait pas vraiment comme prévu. Le verbe acerbe de l'agent taillait un costard à l'aveugle. Et ce dernier pouvait se vanter d'être très près du corps. Ceci dit, Jeska ne pouvait vraiment contre-dire Shaïness. Elle avait clairement raison. La jeune soldate ne savait pas vraiment quoi dire. Que devait-elle faire? taper du poing sur la table? Mais ça allait renverser le thé... et ce serait dommage. Seulement, elle ne pouvait pas se laisser insulter plus longtemps. Alors, elle fit ce qu'elle faisait d'habitude en cas de situation conflictuelle. Elle inclina légèrement sa tête sur sa droite et sourit.

Bien sur que j'en ai. Par exemple, j'ai choisi seule ma boisson ici. Je n'ai pas pris la même chose que toi. Certainement que pour toi, ça paraît insignifiant. Tu as la chance d'avoir beaucoup de personnalité. Et c'est vrai qu'en comparaison avec la mienne, je suis ridicule. Mais ça ne signifie pas pour autant que je suis du bois dont on fait les flutes. Je sais ce que je veux. Je t'ai bien demandé de m'aider à m'habiller. Non?

Elle ouvre pour la première fois ses yeux face à Shaïness. Elle prend le temps de boire une gorgée de son thé au jasmin. Il refroidissait vite, le bougre! Bientôt, il ne serait plus buvable. Elle continua.

Tu vois, je ne suis pas comme toi. Je ne laisse pas s'exprimer ma personnalité comme ça. C'est ton point fort. Pas le mien. Au même titre, je ne pense pas que tu puisse retrouver ton chemin les yeux bandé, alors que moi si. Nous avons chacune nos forces et nos faiblesses. Là tu appuie là où ça me fait mal. Je me rend bien compte que mon manque de caractère est préjudiciable. C'est une invitation à me marcher dessus.

Elle le savait très bien qu'elle était trop gentille et trop docile. Combien de fois l'avait-elle remarqué? Ce types, ces gradés. Ce a quoi elle aspirait. Ces types avaient tous une certaine personnalité. Pourtant, on lui avait bien dit que les principales qualités chez un soldat, c'était sa capacité à rentrer dans le rang. Il y avait là une terrible contradiction. Enfin, elle porta une dernière fois sa tasse à ses lèvres, et la repossa aussi sec. Le thé était froid à présent, beurk!

Puis que tu y tiens, je déteste pas mal de choses. Le thé froid, par exemple. Mais aussi les rigolos qui pensent qu'on va s'amuser dans la Marine et confondent le service militaire avec une colonie de vacances. Les gens qui croient vous connaitre au bout de deux minutes. Les tricheurs aussi. Mais par dessus tout, ce qui m'énerve le plus, ce sont les gens qui me prennent en pitié à cause de mon handicap. Et en ce qui concerne ce que j'aime, je dois avouer que j'apprécie la bonne nourriture et le bon vin. Les bains des sources chaudes. La Marine, évidemment. Et les fraises...

Bien évidemment, elle n'avait pas causé de son amoureux. Mais d'un autre coté, elle ne pouvait pas vraiment le faire. Une marine qui dit à un agent qu'elle a une aventure avec un pirate.... ça fleurait bon les ennuis.
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- « Nous sommes bien d'accord : tu ne souffres pas d'un manque de personnalité, mais de caractère. Tout le monde n'a pas ma capacité à exprimer clairement ses désirs et agir en accord avec sa volonté. » Pour moi, ce n'était pas une compétence, mais une qualité. Mais j'avais pleinement conscience que c'était ce même trait qui me valait régulièrement d'être qualifiée de « chieuse » ou même de « chiante ». Je savais aussi qu'on ne m'acceptait que parce que j'étais assez rare dans mon genre, et bien que jamais je ne le dirais à voix haute, j'admettais que c'était une très bonne chose que tous ne se comportassent pas comme moi. « Ceci dit, avoir un caractère calme ne doit pas se traduire par un mutisme généralisé. Si tu veux changer, il va falloir apprendre à exprimer ton désaccord – ou ton acceptation- bien avant d'y être poussée. »

Je me reculais dans ma chaise pour examiner encore une fois Jeska. Malgré moi, j'eus un « pff » dédaigneux à l'adresse de son commentaire sur sa cécité. C'était une bonne chose qu'elle y trouvât un motif de satisfaction. Personnellement je n'y voyais qu'une aptitude développée par la force des choses, et ça n'avait rien à voir avec le fait d'avoir une opinion, des idées claires et de ne pas s'en laisser compter. Les mutilations physiques impactaient le moral et la personnalité, mais ça n'avait jamais expliqué ou justifié des excès de colère ou de paresse.

- « Je ne sais pas pour les autres, mais je n'ai aucune pitié. Surtout pas envers les gens handicapés. Je peux avoir de l'empathie pour leur perte ou souffrance. Je ne suis pas admirative devant leur capacité à surmonter cet obstacle et à vouloir vivre « comme les autres ». Je n'ai que mépris pour ceux qui se morfondent sur eux-mêmes, quelque soit la cause, cécité, amputation, rupture amoureuse ou autre. Pour moi, les « handicapés » ne sont pas une classe à part, c'est un moyen de classer les gens, comme on peut les classer par taille – les grands et les petits – ou par couleurs de cheveux. Pour moi, il n'y a pas de différence, si ce n'est dans ce qu'on est capable de faire. Par exemple, je suis nulle en dessin. Je suis handicapée du dessin, on peut dire. Ça ne m'empêche pas de vivre. »
Qu'on soit bien claires, elle et moi. Je ne la connais pas, et je n'ai pas particulièrement envie de la connaître. Mais je la jugeait. Tout le monde juge tout le monde, sur l'apparence en premier lieu. Mais qu'elle ne m'accuse pas d'être cruelle avec elle parce que je ne la ménage pas. Si elle était lieutenant, c'était qu'elle avait prouvé qu'elle était tout aussi capable qu'un mec qui voyait clairement.

- « Vois-tu, ma famille entière est dans la Marine. Tu dois connaître plein de Raven et de Cooper. Je suis devenue une agent du Cipher Pol parce que, tous comptes faits, je ne me voyais pas dans les rangs. Les Bureaux offrent une certaine liberté d'action.
La Marine semble bien te convenir. Mais si tu veux monter en grade, il va falloir montrer que tu sais faire autre chose qu'obéir. Ils appellent ça « prendre des initiatives ». Un peu comme celle que tu as prise avec ta demande. Tu dis vouloir me ressembler ? Bien. Pour me ressembler, il faut prendre les choses en main, prendre les décisions. En tant que lieutenant, tu dois avoir une escouade sous tes ordres. En mission, tu as un but « faire ci » ou « aller là ». Tu as la destination, mais le trajet n'appartient qu'à toi. Tu es responsable du déroulé de la mission. Et bien, c'est exactement pareil dans la vie. Tu es responsable de toi-même. Sans te montrer irrespectueuse, tu dois exprimer tes choix. Tu dois assumer ces choix. Tu dois aussi les justifier, donc t'assurer avant une certaine formation ou fondation sur lesquelles appuyer tes choix. Te fixer une ligne de conduite, et ne pas accepter d'y déroger.
Par exemple, si tu juges que ton travail était plus important que prendre soin de moi, une fois qu'il était clair que je ne te cherchais pas, me dire « non, au revoir, débrouillez-vous ». Peut-être arrêter de materner tout le monde. Les gens survivront sans toi pour prendre soin d'eux. Au contraire... un peu d'adversité... ça forge le caractère. »

Et la boucle était bouclée...


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Ce que lui disait Shaïness était vrai. Jeska savait que son gros défaut provenait en fait plus d'un excès de sa plus grande qualité. Elle était trop gentille. Elle avait peur d'imposer son jugement aux autres alors elle les laissait décider à sa place. Ce qui la frustrait énormément. Elle se devait d'avoir plus confiance en elle et en ses opinions. Il fallait qu'elle ait du caractère sons pour autant être caractérielle. Cet équilibre des choses était difficile à comprendre pour l'ange. Les nuances de gris, ce n'était pas trop le truc d'une aveugle. Pour elle c'était soit blanc, soit noir. Elle devait aussi accepter que le monde dans lequel elle vivant n'était pas aussi manichéen qu'elle aurait bien pu le croire. Bref, il y avait pas mal de choses à changer chez elle.

Et puis surtout, il fallait qu'elle se fixe des objectifs clairs. Elle ne pouvait pas végéter éternellement au grade de Lieutenant! Car l'agent avait raison, lorsqu'on lui donnait l'ordre d'aller ici où là, ou d'attaquer telle ou telle cible, elle était capable de décider de la mise en œuvre. Pour sa vie, c'était pareil. Elle devait choisir comment elle voulait la vivre. Mais dans quel but? Pour quelle finalité? Elle avait toujours voulu intégrer la Marine pour être comme son mentor. Maintenant que c''était fait, elle n'avait pas réellement cherché un nouveau but dans sa vie. Par paresse, ou manque d'imagination, elle s'était laissée vivre. Seulement, elle comprenait bien à présent qu'elle n'avait fait que perdre du temps en muselant son ambition. Grâce à Shaïness, elle faisait de nouveau attention à la voix de ses désirs. C'était cocasse. Jeska disait souvent qu'il n'y avait pas plus aveugle que celui qui refusait de voir. Elle réalisait ironiquement qu'il n'y avait aussi pas plus sourde que celle qui refuse d'entendre.

Maintenant qu'elle savait ce qu'elle voulait, les choses étaient plus simples. Un léger sourire se dessina sur son visage.

Je te remercie Shaïness. D'avoir été pour moi une sorte d'adversaire. Ça m'a forcée à me remettre en question. Et à me fixer de nouveaux objectifs. Parce que je suis trop gentilles, les gens doivent avoir des scrupules à me parler comme vous l'avez fait. Sans doute ont-ils peur de me blesser. Mais toi, tu as eu le comportement d'une véritable amie. Tu m'a donné non pas ce que je désirais, mais ce dont j'avais le plus besoin. Comme quoi, un bon coup de pied aux fesses, ça fait mal sur le coup, mais ça peu se révéler être salutaire. J'ai compris que je n'ai pas vraiment besoin de changer d'apparence pour qu'on me remarque. J'ai surtout besoin de m'affirmer. Enfin, je ne serai pas contre avoir de nouveaux vêtements, ma garde robe ne contient que des uniformes et plusieurs exemplaires de la tenue que je porte actuellement. Un peu de diversité me ferait le plus grand bien. Et j'aurais besoin de tes yeux pour m'aider à ne pas ressembler à un clown.

C'est alors qu'il arriva ce qu'il se produit souvent lorsque deux nanas plutôt mignonnes prennent un café en terrasse lors d'une belle après-midi. Elle se font draguer. Une bande de types arriva et le posa devant nos deux héroïnes. Leurs ombres masquaient le soleil sur la peau de l'aveugle. Elle se tourna vers les individus, lorsque ceux-ci prirent la parole.

"Dites, mé'm'zelles! Z'étes trop charmantes quoi! Ça vous dirait d'passer l'aprem' avec nous quoi? On prendra soin de vous, quoi."

Non merci.

"Woha! T'as vu comment elle nous exprime, quoi? Genre elle est trop bien pour nous quoi! Sérieux quoi! Fais pas style t'es trop bien pour nous quoi!"

C'est pourtant exactement le fond de ma pensée.

"Lâche l'affaire gars! Ce sont juste de putes qui veulent sf'aire désirer! Allez on s'tire! Ciao les vilaines!"

Les dragueurs de pacotille s'en vont, mais l'ange semblait ne pas avoir apprécié leur langage. Elle se leva et les apostropha.

Hé, les nazes! Ouais, c'est à vous que je parle! Dites... "vous avez déjà pécho une meuf comme ça quoi? Ou vous êtes juste des puceau qui font style ils ont eu une greffe de couilles?"

Sans doute blessés dans leur orgueil de mâle, les quatre individus s'en retournèrent pour avoir une bonne explication avec l'aveugle. Bien mal leur en prit. Il ignoraient en effet qu'il allaient s'en prendre à une soldate de la marine. Il reçurent donc leur fessée en bonne et due forme. Jeska n'y alla pas de main morte avec ces goujats. Ce ne fut qu'une fois qu'elle eut fini de régler leur compte à ces malotrus qu'elle se retourna vers celle qu'elle considérait à présent comme son amie.

Je ne pouvais pas les laisser mon amie de pute.


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Une amie ? C'était donc ça, une amie ?
J'avais eu des amies. Oui, étant plus jeune. Une bande de jeunes filles bien sous tous rapports, aussi écervelées que vicieuses, capable de ruiner la réputation de quiconque, y compris l'une des leurs, d'un regard ou d'un mot glissé par tout-sauf-du-hasard. Puis j'avais tourné le dos à tout cela et j'étais entrée dans les Bureaux.
J'avais des amis. Des hommes et de femmes entre quinze et trente ans (fourchette moyenne), avec qui j'avais partagé mes classes. Nous avions sué ensemble, nous avions peiné ensemble et nous avions vu notre nombre se réduire au fur et à mesure du temps. Une poignée seulement avait été désignée capable de passer d'agent en formation à agent de rang 1. Puis nos affectations nous avaient disséminés au gré des Blues, après quelques semaines à Marie-Joie. J'avais échoué sur Logue Town et East Blue.
Et à partir de là, je n'avais plus eu que des collègues qui m'avaient jugée et cataloguée, des ennemis et des rivaux. Finalement, la première personne que j'aurais pu qualifier d'ami aurait été Alheïri Fenyang, si nous n'avions pas couché ensemble. Une fois cette limite franchie, il n'était plus question d'amitié. Plus vraiment, en tous les cas. Révolutionnaire ou Agent, j'avais eu une vie assez solitaire, à bien y repenser. Ça me pesait. Bon, quand je me souvenais de mon naufrage avec Pludbus, je pouvais sans sourciller confirmer que mieux valait seule que mal accompagnée.
Mais Jeska Kamahlsson, une amie ?
C'était donc ça, une amie ?
Une personne qu'on ne connaissait pas, qu'on n'avait pas vraiment envie de connaître, dont le sort au mieux nous indifférait et qu'au pire, nous avions envie de claquer ? D'où lui venait cette idée saugrenue ?
Ceci dit, si c'était ça, l'amitié, je comprenais finalement pourquoi je n'en avais pas, d'amis. Fille ou garçon.

Pour le coup, j'étais sceptique.
- « On m'a traitée de bien pire. Surtout que pute n'est pas forcément un mensonge dans mon cas. Il m'est arrivé d'avoir à coucher avec des hommes au cours de mes missions. » fis-je d'un ton absolument calme, comme si nous discutions de la nouvelle garde-robe de Mademoiselle. Et encore y aurais-je mis plus de passion. C'était peut-être petit et mesquin de ma part, mais, soudain, je voulais qu'elle me « vît » comme la pourriture que j'étais. Pour la défier de m'appeler encore « son amie ». Si je ne pouvais pas comprendre pourquoi les gens m'aimaient, je savais pourquoi ils me détesteraient. Parce que je savais qui j'étais, et je l'avouais sans honte : je n'étais pas le genre d'amie que je voudrais avoir. Si je n'étais pas moi, je me détesterais d'une force inouïe. Mais heureusement, j'étais moi, et jusqu'au bout des ongles.

- « Je n'aurais pas traité ainsi avec ces dégueulis de l'humanité, ceci dit. On voit bien que tu es une Marine. Personnellement, je les aurais tout simplement ignorés. J'ai tendance à faire abstraction de tout ce qui est en dessous de moi. Après tout, leur prêter de la colère, c'est encore leur donner une valeur. Mais tu es assez douée en combat. Je vais te confier : je ne te pensais pas capable de te battre. Je t'imaginais en Marine de bureau. Quoi comme, il n'y a pas d'âge pour apprendre. »
Les quatre crapauds finissaient d'agoniser au sol et lentement, ils se relevaient, comptant leur abattis. Ils regardèrent en notre direction, totalement hésitants sur la marche à suivre. Leur fierté venait d'en prendre un sacré coup, mais ils ne pouvaient pas s'avouer vaincus. Les hommes ? J'vous jure, parfois, je me demande comment l'espèce à chromosome Y a survécu jusqu'ici. Je leur dédiai un regard si glacial que ce qui leur restait de coucougnettes remonta se blottir à l'intérieur de leurs chairs et ne dut consentir à n'en redescendre que quelques jours plus tard.

- « Bon, nous parlions chiffons avant. Nous allons te trouver de nouvelles tenues, mais dans quel style ? » Pour la serial-shoppeuse que j'étais, voilà un défi intéressante : se faire décrire un style par quelqu'un qui n'avait aucune référence visuelle en tête. Vu que je remettais en doute sa capacité à savoir s'entourer, je pouvais légitimement questionner ce que Jeska pouvait avoir dans son cerveau. Mais s'il fallait tuer tous ceux qui me paraissaient étrange dans leur logique et comportement, le monde serait bien vide. Ah lala, quelle martyre je faisais, à prendre sur moi ainsi. « En route, vers l'infini et (l')au-delà ? »


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Ven 9 Mai 2014 - 23:22, édité 1 fois
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Jeska était à la fois outré, flattée et gênée.

Oui, outrée de savoir que son amie n'hésitait pas à user de ses charmes pour atteindre ses objectifs. Pourtant, elle refusait de la voir comme une femme de petite vertu. L'ange, au contraire, était bien plus disposée à prendre ça comme une marque de dévouement. Une sorte de sacrifice de son sanctuaire féminin pour la gloire de la Justice. Non, Shaïness n'était pas une demoiselle à la cuisse légère. Et elle corrigerait le premier qui oserait dire le contraire. Mais bon, que son amie arrive à parler si facilement de choses qui appartenaient à la sphère privée la choquait. D'autant plus que pour l'aveugle, le passage à l'acte était quelque chose de sacré. Alors imaginez donc ce que devait ressentir l'ange lorsque l'agent parlait de ça comme de quelque chose de banal.

Puis vint la couche de flatterie. Shaïness ne pensait pas que Jeska puisse se débrouiller aussi bien en combat. Enfin, ce n'était pas vraiment un compliment si on y regardait de plus près. Ça voulait tout de même dire que l'opinion qu'avait l'agent de l'ange était plutôt mauvaise jusqu'à présent. Mais le naturel optimiste de l'aveugle avait pris le dessus sur la situation et ainsi, elle occultait sans peine le coté négatif de la réflexion de la femme-paillon. Que son amie reconnaisse sa qualité... vraiment, rien ne pouvait lui faire plus plaisir. Et c'est d'ailleurs de là que naquit son sentiment de gêne. Que pouvait-elle répondre à ce compliment. Rien. Elle ne pouvait pas lui dire qu'elle était jolie. Ce genre de choses, venant d'une aveugle comme Jeska, ça sonnait souvent comme une provocation. Et elle ne pouvait pas non plus lui dire qu'elle la trouvait sympa. L'indifférence avec laquelle l'agent avait abordé le sujet de la prostitution laissait penser à l'ange que Shaïness avait une piètre opinion d'elle même. Seulement, ce sujet serait au moins aussi difficile à aborder que celui de la personnalité de l'aveugle.

Sur le coup, Jeska préféra rebondir sur la dernière phrase de son amie. Mais avant, elle devait déterminer quel était sons style? Pas évident. C'est alors qu'elle eut une sorte de déclic. Son style devait refléter sa personnalité. C'était un peu le miroir de ce qu'elle pensait être. C'est lors qu'elle répondit simplement.

J'aimerais de jolis ensembles décontractés, mais chics. Et hum... deux trois choses un peu plus... provocantes.

Elle venait de prononcer ce dernier mot comme s'il s'agissait de quelque chose de terrible et de secret. C'était un peu le cas. Jeska avait envie de plaire, mais elle n'assumait pas vraiment sa féminité. D'autant plus qu'elle ne souhaitait pas charmer tous les hommes, mais un seul en particulier.

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C'était amusant de lire sur le visage de Jeska le panel de ses émotions. Peut-être parce qu'elle était aveugle et qu'elle ne savait pas à quel point une bouche et un nez pouvaient être parlant, la jeune femme n'avait aucun réflexe à étouffer ce qu'elle pouvait ressentir. Je n'avais jamais été une grande psychologue, dans le sens où je n'avais aucun intérêt envers mon prochain. Au mieux m'inspirait-il du dédain, mais en général, un profond dégoût... alors, porter une attention spécifique à ce qui se passait dans leur crâne... Eww et juste mortellement ennuyeux. Mais je sortais du BAN, et le BAN m'avait largement convaincu – par les faits – qu'une agent CP et encore plus une espionne, devait faire preuve d'un minimum de psychologie. Donc j'avais eu des leçons de bases et un poil plus avancées sur la question.
Et c'était pour ça que je voyais que Jeska était troublée par ma personnalité. Un sourire presque mauvais se dessina sur mes lèvres. Malgré moi, je m'appliquais exactement à reproduire le schéma que je venais d'expliquer : je faisais tout pour qu'on me remarquât, pour qu'on me détestât. J'étais suffisamment seule pour ne pas être en plus ignorée... et être détestée, c'est encore être vue, commentée et posée au centre de l'attention. Une attention négative, mais attention tout de même.

J'enfonçai donc la porte que la jolie brune avait laissée entrouverte. Où il y a de la gêne, il n'y avait pas de plaisir et ne pas avoir de considération pour autrui me permettait d'agir en rustre totale :
- « D'accord pour le décontracté mais chic... Mais le provocant... est-ce pour des pièces... intimes ? Qui n'auraient qu'un usage interne ? Comme de la lingerie fine pour celui ou ceux que tu veux séduire ? Ou c'est aussi en terme de robe et jupe ? » Oh, j'imaginais déjà Jeska alanguie sur des draps de satin. Serait-elle plus... coquine qu'elle n'en avait l'air ? Mon premier jugement avait été qu'elle était encore TRES innocente sur les jeux de la chambre. Peut-être trop. Ceci expliquant cela. Mais là ? Aurait-elle un amoureux ? Ou une « cible en vue » ? Héhéh. Puisque j'étais lancée, je me mis en position pour un strike two. Au jeu de balles, j'étais une des meilleures. « Je préfères te prévenir. Une métamorphose, même partielle ou rare, en femme provocante va éveiller des instincts chez les autres. En moins de temps qu'il ne faudra pour dire « Vive le Gouvernement Mondial », les rumeurs comme quoi tu cherches à coucher pour réussir, ou que tu as couché pour... vont enfler. Et avec elles, certains supérieurs seront influencés et penseront qu'ils peuvent se permettre certaines propositions. »
Le pire ? Ce n'était même pas un mensonge. Les hommes et les femmes agissaient toujours ainsi, démontrant leur nature profonde de jalousie, d'amertume et d'envie. Tous cherchaient à plaire. Ce n'était le fait de la Marine. C'était le fait d'être humain, tout simplement. Ou en vie, car je savais bien que les anges et les hommes-poissons n'étaient malheureusement pas immunisés contre ce fléau.


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Jeska laissa échapper un petit rire. Elle avait beau faire son numéro de femme fatale et insensible. Il y avait en Shaïness une sorte de gentillesse dissimulée habilement sous toutes ces couches de rudesse. Sinon, pourquoi prendre autant de soin à prévenir l'ange des conséquences de son changement de look? Tout simplement parce que l'agent gouvernemental présupposait que l'aveugle l'ignorait. D'une certaine façon, on pourrait presque dire que la fille aux cheveux roses cherchait la satisfaction de la soldate. Or, ce n'était pas vraiment ce que la soldate ailée avait demandée. C'est en cela que la demoiselle-papillon était paradoxale aux yeux de Jeska. D'un coté, elle prônait l'individualisme à l'excès, mais de l'autre, elle prenait beaucoup de précaution afin de s'assurer que l'ange soit bien heureuse de son choix. Un peu comme la Lieutenant aurait pu prétexter que son travail importait plus que le bien être de Shaïness, l'agent n'avait aucune raison de se montrer aussi prévenante envers l'aveugle.

Mais ce n'était pas pour ça que la soldate venait de laisser échapper un petit rire sans joie. Tout ce dont Shaïness venait d'envisager en cas de changement de style chez l'ange, en fait, c'était déjà le cas. Non-voyante, au tempérament doux et conciliant, Jeska avait déjà eu droit  moult et moult fois à ce genre de traitement. Jamais de face. Ce ne sont pas des choses qui se disent ouvertement. Mais les gens qui murmuraient dans son dos oubliaient sans doute que l’ouïe d'une aveugle est plus développée que la normale. La Lieutenant savait quelles étaient les rumeurs qui courraient à son sujet. Elle devait être "la fille de..." ou alors elle avait bénéficié d'une promotion canapé. A l'instar de l'agent gouvernemental, les gens comprenaient que Jeska n'usurpait pas son poste en la voyant en action. Jamais avant. Elle avait eu le droit à ce genre de traitements toute sa vie. Si elle changeait de look, elle donnerait juste un peu plus d'eau à leur moulin. Pas de quoi fouetter un chat en somme. C'était la raison de ce rire nerveux.

Tu sais, Shaïness, ce genre d'attitude, c'est déjà mon quotidien. Les gens ne se gênent pas pour dire dans mon dos que je dois ma place à coup de piston familial ou plus intime. Enfin, quitte à coucher pour réussir... je trouve ça idiot de le faire pour se retrouver Lieutenant sur les Blues, non? Bref, ne t’inquiète pas pour moi, je suis une grande fille, je sais ce que je fais. Quand je dis rechercher des choses un peu provocantes, c'est aussi bien de la jolie lingerie pour moi et pour lui que des tenues qui feront de moi une personne qu'on remarque et qu'on n'oublie pas. Puis... hum... c'est pas normal pour une femme de vouloir plaire?

C'était un peu tard pour exprimer la coté féminin du complexe d’œdipe. Surtout quand sa mère est déjà morte. Mais la dernière phrase montrait bien la nature profonde de la requête de l'ange. En fait, elle ne se sentait pas "femme" elle-même. Et donc, elle croyait dur comme fer qu'un changement vestimentaire lui permettrait d'assumer sa nature plus sereinement.

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