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C'était nous

Si ce post vide vous déplait, c'est la faute à Santa/Alric/Kurn.


Dernière édition par Pludto le Lun 9 Nov 2015 - 0:02, édité 4 fois
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Dis, Pluplu, c'est quoi, pour toi, le nombre parfait d'enfants ?

Je recrache tout ce que j'ai en bouche, c'est à dire, la totalité de mon verre de lait et quelques morceaux de pain qui baignaient dans le liquide plein de calcium. C'est Milly qui le dit et elle veut que je boive du lait pour renforcer mes os. Je ne suis pas opposé. Par contre, elle a le don de poser les questions qui savent me surprendre. Et c'est lentement que je tourne la tête vers elle, délaissant mon voisin d'en face qui, lui, n'aime pas le lait. Je la regarde, les yeux exorbités comme si elle venait de prononcer un juron particulièrement odieux. Elle esquive mon regard, les joues légèrement rosies.

Tu … tu … tu as dis quoi ?
Et bien … Plu. Je voulais savoir si, dans l'hypothèse ou tu voulais avoir des enfants, et que c'était techniquement possible d'en faire, en supposant que tout se passe bien, combien d'enfants te semble être le … le …

Elle se tait un instant, cherchant le mot qui lui manque. Son regard croise le mien. Elle frissonne. Je baisse les yeux, dans le vague, esquissant un sourire niais.

Des … enfants ?
Oui … tu sais ? Les petits adorables bambins qu'on élève avec amours.
Je … je vois. Je crois.
Il y'en a qui disent que deux, c'est bien. D'autres disent trois. Toi, tu dis quoi ?

Je tourne la tête à droite et à gauche à la recherche d'une échappatoire. Je ne sais pas quoi répondre. Je ne sais pas ce que je dois répondre. C'est un piège ! Mais les voisins de tables ne sont pas les derniers des crétins, ni les premiers dans le domaine de la maternité. La question est universellement compliquée pour nous. Étrangement, les voisins semblent soudainement préoccupés par le fond de leur bol de soupe ou l'examen des patates à la recherche d'un défaut inexistant. Merci les mecs. Échec de la solidarité masculine. Et ce n'est pas leurs encouragements silencieux qui vont me sauver. Je reviens vers Milly qui me regarde, légèrement rouge, en me faisant les yeux doux. Ma gorge se noue. Ne pas paniquer. Ne pas paniquer. Dire quelque chose d'intelligent.

Euuuuuuh …

C'est un bon début. Je fais quelques gestes avec mes mains comme pour commencer une explication ; c'est juste pour gagner du temps.

Tu … tu ne veux.
JE ! Euh. Je ne sais pas, en fait. Je me suis jamais posé la question.

J'ai failli subir une question encore pire que celle-là. Bien esquivé. Maintenant, il faut enfoncer la brèche ouverte. Pour ça, il y a les incontournables.

En fait, je n'arrive plus à penser depuis que tu es dans ma vie.

Bon, c'est un peu gros, mais Milly gobe le truc. En d'autres circonstances, j'aurais été odieux de faire ça. Mais pour ce genre de question, tous les coups sont permis pour s'en sortir. C'est une lutte qui remonte jusqu'aux premiers membres de l'espèce.

T'es trop chou.

Elle approche son visage pour déposer un baiser sur ma joue. Autour, les voisins toussotent dans leur verre. Ils me félicitent.

Et maintenant que je te pose la question, tu en penses quoi ?

Argh. On ne sème pas si facilement une fille. Et encore moins Milly. L'histoire a prouvé que des dizaines d'années après, on s'est retrouvé. Je vois que je n'ai aucune échappatoire, il va falloir être franc. La question n'est pas anodine. Combien on aurait de gosses ensemble ? J'essaie de m'imaginer la scène. Celle avec les enfants. Pas celle d'avant.

Plu ? T'es malade ? Tu deviens rouge.
Non … c'est rien. Oublie.
Alors ? Combien ?
Hé bien … C'est toi qui dois les porter. C'est toi qui dois … en souffrir, un peu. Alors, c'est à toi d'en décider.

Toussotement plus fort. Joli coup de pied en touche. Et je passe pour un homme se souciant du bien-être de mon amour. Des siècles d'échecs pour qu'on en arrive à cette pensée.

J'aime bien les enfants...
Ah ?
Alors, je crois que tant que je pourrais en faire, je voudrais en faire ! Même si on en a dix !
DIX?!
Et encore, on peut en avoir plus !

Mon dieu. Elle n'a aucune limite. Et malgré l'énormité du chiffre, elle me sourit. Pire, elle me prend la main et vient la poser sur son ventre. Un instant, j'ai un horrible doute. Mais non, ça ne se peut. Elle me fait démentir.

Tu t'imagines ? Il pourrait y avoir de la vie, ici.

C'est pas la première fois que je lui touche le ventre, mais c'est la première fois que ça se fait sur le thème des enfants. Ça a le don de me couper la voix, me limitant à un simple son de créature mourante, ce qui en dit long sur mon désarroi. Je cherche du secours. Allez les gars ! Vous allez pas me laisser dans cette situation. Mais ils sont vraiment des lâches à Navarone. À dix mètres aux alentours, tous les types ont pivoté sur leur chaise pour nous tourner le dos. Les seuls qui ont pas tourné le dos, c'est les filles qui nous regardent avec des étoiles dans les yeux.

J'ai envie de pleurer. Je prends les premiers mots qui me viennent à l'esprit.

C'est … fascinant.
Oui ! C'est le mot.

J'essaie d'enlever ma main. C'est extrêmement gênant. Milly enchaine, pleine de joie.

Ça serait fantastique, d'être là, ensemble … tout les trois.

Elle me sourit. Je le regarde. Et dans ses yeux, je me vois. Je me vois et, dans un clignement de l'oeil, je ne me vois plus. Ils ne me voient plus. À trois. À quatre. À cinq. À plus. Le chiffre ne peut qu'augmenter. Et pourtant, dans pas si longtemps que ça, il baissera d'un cran.

Car je ne serai plus là.

Milly n'a pas vu le changement chez moi. J'en suis quasiment devenu livide. Avant qu'elle ne me pose la question, j'étais dans mes pensées. J'avais pris une décision. Une décision douloureuse. Et je me morfondais avec. Elle m'en a sorti. Elle vient de m'y replonger. Oui. C'est beau. Mais tout ça n'est qu'un mirage. Un rêve à durée limitée. Un kleenex. Pour sécher les larmes à la fin. Alors que mon sourire s'est éteint que mes yeux se sont faits plus humides, elle continue.

J'y ai pensé ce matin. C'est quelque chose que je ne croyais plus jamais penser. Et depuis, j'en suis toute folle !
Ah ?
Oui … et je crois que … mon … mon corps … apprécie l'idée.
HEIN ?
Non … oublie.

Comment peut-on oublier ? L'espace d'un instant, elle parvient encore à me tirer des mes idées sombres.

J'ai juste … des bouffées de chaleur. Une sorte d'euphorie. Un peu la migraine, aussi. Enfin, c'est bizarre.
Tu devrais aller voir le médecin.

J'ai tilté. Elle fait écho à ce que j'ai évoqué plus tôt. Va-t-elle bien ?

Rooh. Tu veux vraiment que j'aille le voir.
C'est important Milly. Ce n'est pas juste une petite douleur. C'est ton corps.
Mais …
Pense aux enfants, Milly.

C'est bas. Mais ça a le don de la faire réagir.

S'il y a une complication pour un truc bénin, tu le supporterais ?
… non …
ça ne coûte rien d'aller le voir. Il faut être sûr que tout va bien.
Il faut que j'en sois sûr...

D'accord, j'irais …
Tu y vas. Tout de suite !

Elle fait la moue, boudeuse.

Maiieuh.

Je m'approche d'elle, lui attrapant la main et je l'embrasse doucement. Les yeux dans les yeux, nez contre nez, je conclus.

C'est important. Pour nous.
D'a … d'accord.
C'est bien.

Elle se lève, hésite à partir, puis revient vers moi. Attrapant une serviette, elle se met à essuyer les coins de ma bouche. Du lait.

Tu es un mauvais exemple comme père à faire ça.
Heureusement qu'ils auront une mère formidable.

Elle tique. Je l'ai dit sans grande émotion. Elle penche la tête, inquiète.

Tu fais la même tête que quand tu es sorti du bureau de monsieur Andermann.

De quoi avez-vous pu bien parler ?
De rien.
Sûr ?
Oui. Il m'en veut juste de lui avoir piqué son pantalon, l'autre jour.
Ah ? Mais c'est ma faute !
Il ne peut pas en vouloir à une demoiselle, alors, c'est pour ma pomme. Mais c'est pas grave.
Mais …
Va. Je te rejoins.

Elle hésite, puis fait volt-face, partant pour l'infirmerie. Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Et après ça, je reste là, à regarder dans le vide, avant de revenir à mon plateau. Je croise les regards des voisins. Il y a des excuses dans leurs regards. Je m'en moque. Je finis rapidement mon plat, puis je réunis les deux plateaux de Milly et moi et je m'en vais les déposer à l'endroit prévu à cet effet. Tout près, c'est une chaise qui recule, moi qui fait un détour et un obstacle humain qui s'interpose sur mon chemin. Je bascule. Bruits de vaisselles cassés. Je suis à terre.

Raah.

Et c'est là qu'elle m'interpelle.

Pépé ! Je te croise enfin !

***

Je veux savoir.
Quoi donc ?
Tu as accès à nos dossiers médicaux. J'ai … cette chose. Mais qu'en est-il de Milly ?

Il me jauge du regard un instant.

Que feras-tu de cette information ?
J'ai besoin de le savoir.
Je ne sais pas si …
DIS-LE-MOI !

Il me fixe, puis lâche.

Dans l'affaire, elle a récupéré toute la chance. Elle est promise à une nouvelle vie. La vieillesse la prendra comme elle me prendra, à un âge avancé. Elle n'a rien, mon ami. Elle vivra.

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Vraiment, Pépé ! Je t’aurais pas reconnu !
Moi aussi.

Je ne me serais pas reconnu, aussi. Et je me fends d’un sourire las, les deux mains sur mon gobelet brulant. Le café par ici est bon. Et il est agréable quand il est bu en bonne compagnie. Ma bonne compagnie prend la forme d’une jeune demoiselle qui fait plus un peu plus jeune que son âge. Elle est heureuse de vivre. Belle aussi. Rares sont ceux à ne pas se retourner sur elle. Et j’en ressens une petite pointe de colère. Tous ces gens qui osent la regarder. Penser à des choses très masculines ; choses que Pludbus a pensé à une époque. Mais pas elle. Je ne veux pas. Je ne veux pas qu’ils pensent ainsi d’elle. Pourquoi ?

Parce que c’est une Céldèborde.


Maëlys est l’une de mes petites nièces. Parmi les jeunes Céldèborde que Pludbus a côtoyés durant sa vieillesse, les rares fois où il était au milieu de sa famille, Maëlys était celle qui écoutait avec le plus d’attention les paroles du vieux. Ses grandes épopées, ses combats illustres, son honneur et son courage ; elle gobait tout sans une once de doute. Elle était la première réveillée le matin pour tirer Pludbus de ses songes lubriques. Elle était la dernière à réclamer une histoire quand les paupières étaient lourdes. Dès l’âge de dix ans, elle a exprimé le souhait de devenir une marine, souhait qui a fait la joie de Pludbus, ce jour-là. Et malgré les errances de son modèle, elle a poursuivi dans sa voie. La dernière fois qu’il a eu des nouvelles d’elles, elle était entrée dans la marine et allait commencer la formation. Ça remonte à deux ans. Peut-être trois.

Aujourd’hui, c’est une merveilleuse jeune demoiselle qui se tient devant moi. Et je vois dans ces yeux cette lueur d’émerveillement, la même que quand elle était jeune. Même si son corps est devenu adulte, elle a gardé un cœur d’enfant en elle. Et c’est ce qui rehausse son charme. C’est une belle Céldèborde. Plus belle que tout ce qu’aurait pu faire Pludbus. Et ça me rend fier.

Alors, comme ça, tu es de passage à Navarone ?
Oui ! J’ai intégré l’équipage du Commodore Warsong.
Warsong … ça me dit quelque chose …
Il te connait ! Il dit souvent que ta seule présence a détruit des dizaines d’années d’efforts de la marine.
Charmant. Tu pourrais être un peu moins cruel avec ton pépé.
Mais c’est surement pas vrai, ça ! Il a pas eu la chance de te cotoyer, c’est tout ! Au début, il disait qu’il me balancerait par-dessus bord dès le premier soir, mais ça fait six mois que je suis avec lui, il l’a toujours pas fait ! Il m’apprécie parce qu’il me connait ! ça serait pareil si tu le cotoyais !
Héhé. Peut être.

Même si j’en doute.
Elle est restée la même. Toujours aussi joyeuse. Plein d’entrain. Elle est un rayon de soleil pour ceux qui l’accompagnent. Une lumière qui réchauffe les cœurs. Un sourire qui vous fait fondre.

Et quelle est ta spécialité ?
La traque sous marine ! J’ai toujours aimé nagé ! Tu te souviens de la fois où on a fait du bateau ?
Je ne sais plus trop…
Je t’ai même poussé à l’eau !
Ah … cette fois là…
Oui ! Et bien, j’ai attrapé une gros poisson ! Toute seul ! Depuis, je me suis entrainé à nager, à plonger. Il y a pas mieux pour aborder un navire par la coque, même en pleine tempête. Je suis trop forte, comme toi !
C’est bien. Je ne suis plus si fort que ça.
Mais si ! Tu es fort !
Mais…
C’est tout !
Par contre, je nage comme une enclume.

Elle penche la tête sur le côté, la bouche en o. Puis elle sourit d’avoir compris.

C’est donc vrai ? Tu as un fruit du démon ? C’est trop bien ! J’en veux un moi aussi !
Non, tu ne voudras pas. Tu ne pourras plus nager comme tu l’aimes.
Ah oui, c’est vrai. Pour rien au monde je ne veux être séparé de l’eau et de ces sensations de nager ! C’est nul. On devrait avoir des fruits du démon qui empêchent de marcher. C’est nul de marcher.
Ahahahah. Et tu ne pourrais plus voir ton Pépé ?
Ah oui… c’est pas bien aussi.
Tu as bien raison.

Instant de flottement. J’agite mon gobelet. Elle me fixe avec un petit sourire en coin.

Tu es vraiment petit, Pépé.
Hein ?
Par rapport à avant. Quand tu étais vieux.
Il était aussi petit. Bossu sur sa canne.
Il ?
Non. Rien.

Je me mords la lèvre, pris d’une hésitation. Elle attend. Elle sait qu’il y a un souci. Elles savent les choses, les femmes.

Je suis … différent de ce que j’étais avant. Je regrette ce qu’a pu être Pludbus durant les dernières années de sa vie. Et quand je suis devenu ce que je suis, il est un peu … mort ce jour-là. Tu comprends ?
Oui, je comprends. Et c’est tant mieux ! C’est trop bien d’avoir un pépé trop trop trop trop trognon !

Elle réagit trop vite. Elle fait le tour de la table et vient me prendre dans ses bras, mettant sa tête dans mon coup comme l’aurait fait une petite fille à son pépé. Sauf que le Pépé en question ne ressemble pas à un Pépé et que la petite fille est devenue une grande et belle femme.

Maëlys ! Doucement ! Un peu de tenue voyons.
M’en fiche. T’m’on pépé.

Têtue en plus. Comme une Céldèborde. Néanmoins, elle finit par se décoller, le visage espiègle.

Tu l’as annoncé à la famille ?
Non …
Tu devrais. Ils doivent l’apprendre. C’est important.
Je … je comptais aller les voir.
Ah oui ? C’est trop bien ! Tu me dis quand pour que je puisse venir aussi !
J’essaierais.

Elle sautille sur place, heureuse. Une vraie enfant.

Mais au fait, comment as-tu su que c’était moi ?

Lorsqu’on s’est percuté. Elle prend une pause mystérieuse, moqueuse.

Je le savais, c’est tout. On sait ce genre de choses, nous, les filles !
Ah ?

Elle éclate de rire.

Non ! C’est une blague ! C’est le vice-amiral Andermann qui me l’a dit.
Tu as parlé à Otto ?!
Oui ! J’ai accompagné le Commodore à son bureau et lorsqu’il a parlé de moi, il m’a tout de suite parlé de toi !
Aaah.

Elle s’approche soudainement, sur le ton de la confidence.

Elle m’a dit aussi que tu fricotais avec une fille.

Je ne sais pourquoi, mais je rougis jusqu’aux oreilles. Ou peut-être que je sais pourquoi. Elle est de ma famille. Et même si je suis en théorie plus âgé qu’elle. Le fait qu’elle apprenne ma relation avec Milly, c’est un peu comme si mes parents venaient de l’apprendre alors que je le cachais. Ça a quelque chose de dérangeant. Et puis, Maëlys enfonce le clou, mielleux.

Tu es un vilain garnement Pépé. Un charmeur. Tu caches des choses. Si c’est pas meugnons.
Hé … héhé .. oui, c’est ça …

Je bois mon café d’un trait pour cacher mon désarroi.

Il y a déjà un enfant en chemin ?

Décidément, j’ai le chic pour attirer la question quand je bois. Maëlys évite le tir, son sourire s’élargissant davantage.

Ça veut dire oui ?
Ça veut dire que tu m’as surpris avec ta question et qu’il n’y a rien en chemin !
Maiieuuuh ! C’pas bien de cacher des choses à sa petite nièce adorée …

Botter en touche. Je devrais être un expert depuis le temps.

Et toi ? Tu en es où côté amour ? Pas moins de 90% des types qui sont passés depuis tout à l’heure par ici t’ont reluqué avec intérêt !

Et pendant que je dis ça, je fusille du regard un jeune à lunette qui portait un peu trop d'attention à ma petite nièce. Il s’enfuit en courant. Maëlys accuse le coup et touche ses doigts entre eux, la tête basse.

Bah … c’est que …
Quoi ?
C’est que je suis pas très à l’aise … avec les garçons.
Quoi ? Mais tu devrais avoir un succès fou !
Moui, mais j’arrive pas à savoir ce que je dois faire …
Dit moi … tu as déjà embrassé un garçon ?

Elle vire au rouge pivoine.

C’est … que … euh…
Non. Ne dit rien, j’ai ma réponse.

Elle fuit mon regard. Je ne peux m’empêcher de sourire. Si j’avais su qu’un jour, j’aurais plus d’expérience en trucs romantiques qu’une jeune femme, je ne l’aurais pas cru. Elle est encore plus mignonne à être aussi innocente.

C’est pas grave, tu sais.
Si ! C’est … c’est grave. A chaque fois … il y a des garçons. Et je sais pas quoi faire. Même parfois, le commodore, il est gentil, et je ne sais pas comment … comment réagir.
Raaah …

Il me vient une idée. Il faut bien l’aider. C’est ma famille après tout. Et puis, ça pourrait faire plaisir à Milly. Et dans un autre temps, il me vient une autre idée. Moins joyeuse. Quelque chose qui pourrait m’aider. Surement. Je me lance.

Si tu veux, avec Milly, on pourrait t’apprendre.

Je l’ai souvent vue heureuse, mais je l’ai rarement vu autant. Son visage est transfiguré et elle ne met pas longtemps avant de me sauter en coup dans calin étouffant.

Tu ferais ça pour moi, Pépé ? Tu es trooooop gentil ! Tu es le plus merveilleux des Pépé ! Je t’adore !
J’éééé…. Touffe …
Oh ! Pardon pépé ! Mais je ne peux pas m’empêcher de te faire un calin !

Et pendant ce temps, une dizaine de jeunes marines me maudissent. Elle finit par desserrer son étreinte. Je prends mon souffle avec difficulté.

On commence quand ?! On commence quand ?
Quand … j’aurais … repris… mon souffle…
Tu es trop gentil de m’aider !

Je recule d’un pas. Histoire d’éviter une nouvelle étreinte étouffante. Au moins, son sourire me donne un peu de baume au cœur. Car mon cœur souffre et j’en viens à hésiter. De ce que je voudrais faire. Pour elle. Pour elles.

On va y aller. Elle est à l’infirmerie là, on a le temps.
L’infirmerie ? C’est grave ?
Non. Probablement que non. Et toi, tu as du temps pour faire cette formation … extrèmement compliqué.
Arrête de te moquer Pépé ! Et oui ! On reste au moins deux semaines et à part quelques exercices d’équipages, je n’ai rien d’autres !
Parfait. J’espère que tu seras déterminé !
Oui ! Je ne te décevrais pas !
Héhé…

Et mon rire s’étouffe dans un rauque. Ce pourrait-il que … ?

Maëlys…
Oui ?
Tu sais, moi aussi, je ne connais pas forcément les choses avec les femmes.
Ah ? Bah on t’apprendra ! Enfin, Milly est mieux pour satisfaire ta curiosité, non ?

Clin d’œil plein de sous-entendus. Je ne relève même pas.

Justement … il y a des choses que je n’arrive pas à lui dire. À savoir. Et je ne voudrais pas qu’elle le sache…

Maëlys fronce les sourcils.

Pour quoi ?
Ça ne te dérange pas ?
Non, non ! Je ferais tout pour mon Pépé adoré !
Merci …

J’hésite. Est-ce vraiment important de la poser ?

Oui ?
Maëlys…
Oui ?
Pour toi … en tant que femme …
Oui ?
En amour…
..Oui… ?
Quelle serait la pire trahison qui soi ?


***


Une minute s'est écoulée. Je n'ai pas réagi. Ni en bien. Ni en mal. Ça l'inquiète.

Tu sembles avoir prévu cette réponse.
Je l'espérais.
Et pourtant, tu es encore plus sombre qu'auparavant.

Oui. Je n'ai plus d'échappatoire. Le chemin est clair désormais.
Qu'est ce que tu veux dire ?
Je vais … je vais lui faire le plus beau des cadeaux.

Il fronce les sourcils.

Lui donner … une vie.


Rictus.

Qu'est ce que tu manigances … ?
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Le silence s’installe. Dans ses yeux brille l’inquiétude. Dans mes yeux sommeille la résignation. Baissés, ils fixent la table. Maëlys approche sa main de la mienne. Elle touche. Je lève les yeux en fronçant les sourcils. Elle, gênée, la retire.

Pépé ? Tu … ? Tu ?
Merci, Maëlys. Finalement, je ne suis pas aussi ignorant sur ce que vous pensez.
Qu’est ce que tu… vas faire ?
Moi ? Rien. Je vais juste éviter de faire des erreurs. Tout doit être parfait.

Elle me regarde de côté, puis sourit.

Ah ! Je vois !
Tu m’aideras ?
Bien sûr ! Tu sais que tu peux compter sur moi !
Bien. Merci.
On y va ?
On y va.

Et on y va. Elle devant marchant gaiment. Toute trace de doute a disparu de ses traits. Et moi derrière, le visage un peu plus lumineux. Le chemin est tracé, oui. Les pièces s’assemblent. Certaines mieux que prévu. Comme si le destin voulait être au rendez-vous. Je n’allais pas le lui reprocher.

Même si l’on s’est perdu dans les couloirs, à notre arrivée au centre médical, Milly n’en avait toujours pas fini. On l’a entendu, discutant de l’ancien temps, de la famille et, surtout, des anecdotes que Pludbus a pu raconter par le passé. C’est ainsi que j’ai pu me rendre compte que Pludbus, même avec sa famille, il en disait, des conneries. Et la demi-heure qui a suivi a beaucoup amusé Maëlys. Pour chaque anecdote qu’elle me rappelait, je lui disais que non, Pludbus n’avait pas vaincu les milliers d’ennemis et que non, on ne l’avait pas félicité pour ses actions. La vérité ? La vérité n’est jamais très reluisante. Abattre les mensonges est déjà bien suffisant, inutile d’en rajouter. Et Milly ne sortant toujours pas des mains des médecins, on a décidé de l’attendre dans ma chambre.

Plus tard.

Mmmmmmmmmmmh ….
Non Maëlys … Arrête … Ce n’est pas le moment …
Pépéeuuuh…
Non … c’est non …
Plu ?

Pourquoi faut-il que les filles arrivent toujours au mauvais moment ? On dirait que c’est une loi générale. Et ce mauvais moment, c’est celui où Maëlys cherche à me faire un bisou sur la joue, comme le feraient les amoureux, sauf que je suis pas son amoureux, et que j’ai assez de mobilité au niveau du cou pour l’empêcher de viser les lèvres. La scène est assez étrange avec moi qui tourne la tête en tout sens tandis que Maëlys a ses lèvres prêtes à un gros bisou tout en fermant les yeux parce que c’est comme ça qu’il faut faire, il parait. L’intervention de Milly a le don de bloquer dans mes esquives et Maëlys finit par réussir sa tentative. C’est le nez qui prend.

Quelle gamine.

Plu … ?
Euh … ce n’est pas ce que tu crois.
Bonjour !
Bon … jour …
C’est Maëlys, ma petite nièce !
Très contente de rencontrer la petite amie de Pépé !
Ah ? Enchanté !
Tu es donc ma mémé ?
Euh… c’est pas vraiment pertinent comme remarque.
Ah …
Mais … vous faisiez quoi ?
Rien de bien méchant, on…
On faisait des bisous !

Je sens son regard m’abattre sur place. J’en ai des sueurs froides d’un coup. Mon cœur s’emballe. Je déglutis. Je cherche mes mots, ma bouche ouverte, mais c’est le manque d’air qui comble le vide. Je suffoque.

Des bisous … ?
Oui ! J’ai dit à Pépé que j’avais du mal avec les garçons. Ce qu’il faut faire, tout ça. Alors, il m’a dit qu’il pouvait m’aider. Et surtout toi ! En fait ! Et du coup, en attendant, je voulais savoir comment on faisait des bisous avec Pépé.
Ah ? Et bien, Maë, tu as choisi le mauvais instructeur, parce que Pluplu embrasse très mal.

Et vlan, ça sonne comme un coup de genou dans mon orgueil masculin. J’en grimace tandis que Milly partage un sourire communicatif avec Maëlys. Son regard noir est repassé au rire et déjà, les deux filles vont s’assoir sur le lit comme deux amies. C’est un coup bas, certes, mais ça me permet de reprendre ma respiration. Son regard. Ce regard rempli d’une brève rage. Il m’a terrifié. Il m’a horrifié. Un regard que je n’ai absolument pas envie de revoir. Je voudrais tout faire pour ne pas le revoir. La fugitive souffrance que j’ai lue dans son regard, je l’ai ressenti dans mon cœur. Ça fait mal. Et dans un sens, ça rassure. Rassurer avec un gout amer en bouche.
Un éclat de rire me fait sortir de mes pensées.

Hé … t’aurais pu me le dire, que j’embrassais mal …
Et puis, je vois vraiment pas en quoi j’embrasse mal…


J’en bouderais presque tiens ; je baisse la tête en faisant la moue. Un sourire de tendresse vient s’étaler sur le visage de Milly qui se lève et vient mettre ses bras autour de ma taille. Elle me fait lever la tête. On se regarde l’un l’autre.

C’est ce que j’aime chez toi. Moi aussi, je ne sais pas embrasser.
Ah bon ? Pourtant, j’aime beau…

Elle me coupe d’un baiser. En traitre. Elle y met un terme avec mon regret le plus grand.

…coup… les tiens.
C’est trop choupi !

À genoux, les deux mains en poings sous les yeux, Maëlys n’a pas manqué une seconde de la scène. J’en rougis jusqu’aux oreilles parce que c’est gênant. J’ai pas signé pour embrasser devant du public. Milly le prend bien avec un sourire cajoleur. C’est bien un truc de fille, ça. Ça les dérange pas. Alors que nous, les garçons, on y met du sien dedans. C’est vachement personnel.

J’ai tout noté sur ta technique de bisous, Milly ! Je pourrais avoir la tienne, Pépé ?
Euh…
Pas la peine. Il te faut apprendre les techniques ancestrales des filles. Les techniques des garçons, ça se résume à pas grand-chose.
Ah, quoi ?
Ils adorent mettre la langue.

Je lève les yeux au ciel. Où va-t-on ? Quand même jusqu’à la couleur de mon caleçon quand on dort ensemble ?! Et pendant ce temps, Milly me darde du regard, espiègle, tandis que Maëlys a les yeux grands ouverts d’apprendre tout ça.

Mais au fait, pourquoi commencer par les bisous ?
C’est pas le truc le plus important ?
Qui t’a dit ça ?

Je redeviens l’attention des deux. Pour pas changer.

Pluplu …
Hé… oh ! Je sais pas trop en parler, moi ! Alors, j’ai fait au plus simple ! C’est pas ma faute !
Tu es tellement prévisible !

Je souffle. Je fais la grimace. Et je tourne le dos aux deux gamines parce qu’il y’en a marre. Je leur laisse faire leur discussion et je vais aller faire quelque chose de plus constructif. Décidément, elle a le don pour me gêner même dans des situations pareilles.

… Et … Et … quand vous êtes tous les deux … la nuit… Entre un garçon et une fille … ça se passe comment … tout ça ? ça doit se passer comment ?

Je me retourne d’un bloc, pointant un doigt autoritaire vers Milly.

NON !
Qu’est ce qu’il y a Pluplu ?

Ce regard débordant d’une innocence feinte. J’ai presque l’impression qu’elle se venge de lui avoir fait une petite frayeur. Ça craint. Mais il y a plus urgent.

J’ai dit : NON !
Ma…
NON ! C’est même pas la peine d’y penser !
Qu’est ce qu’il y a Pépé ?

Elle continue de sourire. Ça m’éneeeeeeeeerve !

Pluplu … voyons …
Ne me force pas à me répéter !
Mais …
C’est pas drôle !

Et Maëlys qui ne comprend pas tout. Jusqu’à ce que Milly finit par lâcher les mots avec beaucoup trop de sous-entendus.

Il y a des choses … dont tu aurais honte … Pluplu ?
GRRRRMMMLLLGRR ! GLLRRRLMHGLR …
Oh …
Hum … Pas du tout ! C’est que … Je …
S’il n’y a rien du tout, je peux tout raconter alors.
Non !
C’est pour le bien de ta petite nièce. Je suis sûr qu’elle sera heureuse de savoir ce que son futur petit ami sera amené à faire.

Je la hais. Et je ne trouve pas les mots pour lui dire. Peut-être parce que je n’en suis pas capable. Saloperie d’amour de merde !

Enfin, à lui faire.

Et un petit coup mouvement de tête sur le côté, les yeux dans le vague vers le plafond, comme si c’était rien.

Ooooh ! Oui ! Je veux savoir !
Tu vois ! Plu ! Plu ?

Si c’est comme ça, je me casse ! Monde de merde !

Ah. C’est sorti. Ça fait du bien. Et j’en profite pour sortir en faisant en sorte de bien claquer la porte pour exprimer toute ma désapprobation sur les mots qui vont être échangés dans cette pièce.

Merci Pépé !
Laisse-nous une heure ou deux ! Je pense que j’arriverais à lui dire l’essentiel ! Bonne journée !

Je les déteste.
Mais ça, ça sortira pas.

***

Tu l’aimes ?
Oui.

Réponse très rapide. La question n’était pas terminée.

Plus que tout au monde…

C’est bien…

Et c’est pour ça que je vais le faire. Je dois le faire.

Mmh… Tes histoires ne me concernent probablement pas … mais réfléchis bien à ce que tu fais. Les choses de l’amour sont des choses aussi dures que le diamant, mais qui peuvent se transformer en sable.

J’y ai pensé. Je le pense. Et j’y penserais toute ma vie.

Hum…
Enfin… ma vie…
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Pendant deux journées entières, j’ai fait la tête. Et c’était plutôt juste, je trouve. A chaque fois que je les croisais, Maëlys avait ce petit regard de celle qui sait tout. Et Milly celui de celle qui n’a pas fait de bêtise. A chaque fois, j’ai fait volte-face, le rouge aux oreilles, pour fuir le plus loin possible. Les deux soirs, j’ai dormi avec Milly, mais c’est à peine si je répondais à ces taquineries. Au bout d’un moment, elle a commencé à le regretter. A s’excuser. Et dernièrement, elle m’a poursuivi dans les couloirs après l’avoir fui une nouvelle fois. Du côté de Maëlys, elle ne fait pas la fière. Elle regrette beaucoup, constatant ce qui se passe entre moi et Milly. Plusieurs fois, elle est venue plaider la cause de Milly. Que c’était elle la fautive.

La vérité, c’est que je ne lui en veux pas. C’est juste un prétexte. Un prétexte pour rester au calme et préparer ce que j’ai à faire. Préparer ma surprise. Préparer ce que je projette depuis quelque temps. Et plus je suis tenu éloigner de Milly, plus je peux agir avec aisance. C’est pour cela, qu’aussi, je dois faire plus rapidement la paix avec Maëlys. Elle est censé m’aider. Et je compte beaucoup sur elle. Malgré tout, on ne peut pas effacer ce qu’on a écouté avec tant d’avidité.

Mais c’est vrai ce que Milly m’a dit ?

Pépé ?
N’aborde pas le sujet.
D’accord …
Si maman savait ça …

Ah non ! Ne va pas raconter ça à toute la famille ! J’ai déjà suffisemment de casseroles aux pieds pour ne pas avoir ça aussi sur la conscience !
Mais c’est meugnon, pépé !
Mouai … Tout est mignon, pour toi. Grande fille, va.

Elle fait mine de bouder un instant.

Tu comptes aller les voir quand ?
Qui ?
Les autres. La famille. Tout ça.

Bonne question.  J’en reste songeur. C’est vrai que renouer avec les liens familiaux serait une bonne chose. Et puis, aussi, cela fait bien longtemps que je ne me suis pas recueilli sur la tombe de mes parents. L’espace d’un instant, ça me prend le cœur. Avec mon rajeunissement, je suis un peu orphelin. Et au fond de moi, au fond de cette chair rajeuni, il y a le besoin de ressentir un peu de cette chaleur humaine que l’on ne trouve qu’au sein d’une famille. C’est indispensable. Rien que le fait de côtoyer Maëlys me procure une chaleur qui irradie mon corps. Le sentiment de ne pas être seul à avoir ce sang.

Probablement. Un jour. J’ai beaucoup à faire.
Il faut que tu leur présentes Milly.

Je manque de m’étouffer.

Mais faut toujours ramener tout à Milly et moi !
Mais vous êtes trop beau !
Surtout elle…
Ne te sous-estime pas, Pépé ! Tu es un merveilleux garçon !
Je ne sais pas si tu es très objective, là.
Maieuh …
Bref. Oui, j’irais leur présenter Milly. Peut-être.
Et puis, il faudra vous marier !
Qu’est ce que je disais ! Toujours pareil !
Mais c’est trop beau les mariages ! Je pourrais être la demoiselle d’honneur ?
Est-ce que j’ai dit qu’on allait se marier ?
T’es vilain Pépé ! Les filles veulent se marier ! C’est le plus beau moment de leur vie.
Et tu veux pas le faire avec Milly ! Méchant !
Tu es sûr que ce n’est pas toi qui veux te marier ?

Elle rougit. Elle se cache le visage. J’arrive toujours à viser juste.

Pas du tout …
Tu es inimitable, Maëlys.
Oh ! Et puis, j’irais demander l’avis de Milly ! Nah !

Ça, c’est le genre de chose qui peut me retomber dessus.  Je lui fais les gros yeux. Elle se débine pas.

Faut bien que je l’occupe puisque tu la boudes !
Je la boude pas !
Ah ?! Et bah je vais lui dire !

Et elle s’en va en courant comme une enfant. Et le pire dans tout ça ? C’est que je me force à la poursuivre.
Plus tard, j’ai croisé Otto. Il a failli me louper, mais dès qu’il m’a vu, il s’est immobilisé. Il y a quelque chose de froid entre nous. Je le comprends. J’espère qu’un jour, il me comprendra. Il a des doutes. Et c’est bien comme ça. Moins les gens savent, mieux c’est. Il n’y a besoin que de moi pour supporter ce fardeau. Ce secret. Et peut être de Maëlys, mais je compte sur sa jeunesse pour qu’elle ne le prenne pas pour elle. Et si c’était le cas ? Je ne pense pas ça sera pire. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas concevable.

J’ai passé le reste de la journée à préparer ma surprise. Otto m’a aidé. Il me l’avait promis. Et quand on a la signature d’un vice-amiral, on peut faire bouger beaucoup de choses. J’ai connu ça, mais c’était la signature de Pludbus.  A cette époque, ce n’était pas le même genre de surprise. C’est du passé. Et c’est triste de se dire, pour une fois, que l’on regrette le passé. Cette insouciance. Ce sentiment de ne pas être rattacher aux autres. A d’autres.

Des moments, j’ai l’impression d’être dans le flou. C’est que tout cela est compliqué. Non. Dur. Dur à vivre. Ce n’est pas vivre. C’est autre chose.

Bref.

La marche des choses est lancée. Dans cinq jours, ce sera la fin .la fin de tout. La fin d’une vie. La fin d’un univers. La fin de tout ce que j’avais imaginé. Il s’agit maintenant de lui dire.

Je la retrouve dans ma chambre. C’est étonnant comme il se passe beaucoup de choses dans cette dernière. Et j’ai fait une erreur de langage. C’est notre chambre. Notre demeure. Notre cocon. Elle est là, assise sur le lit à parler avec Maëlys . Je n’ai pas frappé. J’ai tout simplement ouvert, m’affichant dans l’encadrement de la porte, portant mon regard vers celle que j’aime. Son sourire s’éteint dans sa gorge tandis que Maëlys se retourne vers moi. Son sourire se fletrit. J’ai jeté un froid. Alors, je m’avance un peu sans trop savoir quoi dire. Quoi faire. Je tends ma main vers elle. Un instant dans les airs. Ne réagissant pas, je la baisse, baissant les yeux. Les siens sont toujours levé vers moi. Je parviens à aligner quelques mots.

Maëlys ? Tu peux … nous laisser seul ? C’est … important.

Elle acquiesce lentement et se lève. Passant à côté de moi, je pose doucement ma main contre son bras comme pour la rassurer. Cette ambiance n’est rien. C’est juste un concours de circonstances. Un caprice qui tourne mal. A cette évocation, je souris de travers. Milly baisse les yeux, les mains sur ses genoux. Je vérifie que Maëlys sort bien de la pièce en fermant la porte avant de m’approcher d’elle, épaule contre épaule. Elle sourit timidement. Je ne la regarde pas encore directement. Elle fait mine de prononcer mon nom ; enfin,  mon surnom ; mais je me saisis d’abord de ses mains. Fraiches. Je les réchauffe. J’en fais des poings, pourtant fragiles, et je les entoure. Je m’en amuse un instant.

Plu ?

Je ne réponds pas.

Tu n’es pas fâché ?
Noon. Pourquoi je le serais ?
C’est  que … tu m’as éviter depuis beaucoup de temps. Je pensais que tu … je pensais que tu voulais plus me voir.

Je la regarde subitement. Droit dans les yeux. Ses joues deviennent écarlates.

Tu penses vraiment que je préfère regarder les traits rugueux des marines ; et je ne parle pas d’Otto ; plutôt que les tiens ?
Mais … Pourquoi tu revenais pas ?
J’avais des choses à faire.

Elle hésite. Elle veut demander. Mais elle n’ose pas. Du regard, je lui intime de le faire, espiègle.

Faire … faire quoi ?
Un cadeau.

Ses yeux s’illuminent, sans comprendre.

Un cadeau ?
Pour toi.
Que …

Elle cherche ses mots. Je le lui donne.

Qu’est ce que c’est ?
Oui ! Qu’est ce que c’est ?

Un voyage.

Elle ne comprend pas.

Otto m’a aidé dans cette entreprise. Dans cinq jours, un bateau sera là. Pour nous. Ce n’est pas le confort absolu, mais il y aura une cabine pour nous. Ce navire est un navire de la marine, mais il ne sera pas en mission. Il ira sur les quatre océans. Celui que tu voudras.

Sa lèvre inférieur frémit. Ses mains se font plus chaudes sur les miennes.

Qu’est ce que tu veux … tu veux dire ?

Je prends ma respiration. Longue.

Dans cinq jours, notre amour s’éloignera de cette forteresse. De Navaronne. Il n’y a plus sa place. Il n’y a sa place que chez nous. Dans l’endroit où tu veux le faire prospérer.

Un peu pompeux, mais qui a le mérite de ne pas être un mensonge.
Milly est totalement cramoisi.

Tu … tu quittes … ici … eux…
Oui. Pour toi, j’abandonne tout. Depuis mon rajeunissement, c’était l’inconnu. Mais c’est du passé maintenant. Je mets fin à la vie que j’ai eu.

Les mots sont choisis avec un soin très particulier. Et ils touchent leur but, heureusement. C’est une Milly baignant d’amour qui  vient entourer mes épaules de ses bras délicats. Mon front contre le sien, je me saisis de ses lèvres. Elle rit. La porte grince un peu, suffisamment pour signaler que Maëlys est resté écouter à la porte. Mais ça ne les dérange pas. Ils sont bien au dessus de tout ça. Elle. Surtout elle.

Moi, j’ai déjà un pied sous terre.



***


Est-ce que tu m’aideras, mon vieil ami ?
Les histoires romantiques, ça n’a jamais été mon fort…
C’est un non ?
Disons que … je ne m’en melerais pas. C’est ta vie. Et tu as la sienne entre tes mains. Je n’ai pas à décider.
Je comprends…
Après, si tu as besoin d’un coup de main pour des questions administratives, je peux me débrouiller. E n souvenir de l’ancien temps…
Merci, Otto.

Sourire amère.
Haussement de sourcils.

Tant que tu n’atteins pas les limites de l’acceptable…

Je le regarde. Il me détaille. Pincement de lèvre.

Je compte aller bien au-delà …


Dernière édition par Pludto le Ven 6 Juin 2014 - 17:41, édité 1 fois
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Je suis heureuse.
Il n’y a pas d’autres mots pour dire ce que je ressens. Il n’y en a pas besoin. C’est tout simplement de l’amour. C’est tout. Il n’y a pas besoin de longs discours et de belles phrases pour dire ce que c’est. Il suffit de le regarder avec son cœur. De le ressentir avec son âme. De lever les yeux et de croiser son regard. Son sourire. Un plissement au coin de ses lèvres. Ses yeux qui pétillent. Sa main qui se tend vers moi, et que je saisis. Ses doigts parcourant les miens, parcourant mon bras, mon épaule, ma nuque, ma joue. Son souffle calme. Son odeur enivrante. Ses lèvres tremblantes. Et son corps qui bat. Si fort. Si fort contre le mien. C’est tout simple.

C’est la vie.

J’aime Pludto.

Il m’a offert son cœur. Il vient de m’offrir sa vie. Car sa vie, ça a toujours été la marine. Enfin, je ne devrais pas dire ça. Puisqu’il n’est plus le même. Et je ne suis plus la même. Nous avons eu une deuxième chance de vivre notre amour. De vivre notre destin. Et je n’ai pas envie de revivre le premier. Milerva, c’est fini. Je suis Milly. Et c’est mon Pluplu. Même lorsque nous avons échangé notre premier baiser, j’ai eu peur. Mon cœur battait la chamade, à cause de lui. De plein de choses. Je voulais l’avenir tout autant que je le craignais. Je voulais vivre mon amour, mais j’avais peur de ses choix. Parce que même s’il est différent, s’il est changé, il garde en lui les valeurs de la marine. Son courage. Sa fidélité. Son honneur. Il aurait pu tout recommencer sans réaliser les erreurs de Pludbus. Il aurait pu redorer son blason tout sali par le crachat des citoyens. Des gens que Pludbus a protégés malgré ses erreurs. On ne peut pas lui enlever ça.

Je me suis demandé si j’étais capable d’être avec lui. À ses côtés durant son ascension. Être sa femme qui partagera ses doutes, guérira ses blessures, et regonflera sa détermination. Est-ce que j’aurais été capable de le voir partir de notre maison, la peur au ventre que cet instant soit le dernier, et de le revoir au travers d’un cercueil dont nos enfants seraient les clous ? C’est pour eux que tu te serais battu. Pour eux que tu serais mort. Pour notre amour aussi. Et pour l’amour de tous les gens du monde. Parce que l’amour mérite d’être protégé. Je suis bien placée pour le savoir. Et il n’est pas égoïste, mon Pluplu, il ne laissera pas les innocents agoniser sans connaitre le même amour que l’on vit.

Je suis sûre que des gens voudront me dire que j’ai l’air bien superficiel. À me contenter d’un foyer à entretenir et d’un homme à aimer. On dira que je suis une princesse qui vit un conte de fées. Et que les contes de fées, c’est pour les enfants. Et bien je leur dirais ceci : c’est bien parce que vous n’avez pas connu le grand amour que vous ne pouvez pas le concevoir ainsi. Le grand amour, c’est celui des contes de fées. C’est celui qui vous fait abandonner toutes ces considérations bien matérielles de votre vie. C’est elles qui sont superficielles. Le travail, l’argent, le prestige, la reconnaissance. Ce n’est rien. Tout cela, ce n’est pas la vie. Parce que la vie, c’est quelque chose de très simple, et cela depuis la nuit des temps. La vie, c’est de vivre le bonheur de la maternité. De fonder une famille pour que l’avenir soit plus beau grâce aux enfants que l’on aura éduqués. Nos enfants. Nos vies sont notre amour.

Ce n’est pas pour rien que les contes d’enfants parlent de princesse sauvée par leur prince pour vivre leur amour bien loin du monde en ayant plein d’enfants. Ce sont des rêves d’enfants. Les rêves que l’on inscrit dans notre cœur en disant plus tard que ce ne sont que des rêves. Des rêves impossibles. Mais c’est tout le contraire, ils sont à deux doigts de nos mains et c’est des choses bien compliquées qui nous empêchent de nous saisir de ce rêve. Ce bonheur. Quand on le voit, on ne peut que dire que c’est beau et pourtant, on devrait se mettre des œillères pour ne pas voir ce bonheur ? Et bien, on peut me traiter de rêveuse et de superficielle, mais au moins, je ne serai pas un mouton au cœur sans vie.

On s’aime. C’est le plus important.
Et pour notre amour, il a fait le choix d’abandonner la marine. D’abandonner tout ce qui pouvait le rattacher à son ancienne vie. Je n’ai pas su quoi dire. Et pendant de longues heures, je n’ai pas pu lui sortir autre chose que des larmes de joies. Et lorsque le flot s’est tari, on a parlé. Ou plutôt, j’ai parlé. J’ai vu notre vie. Notre maison. J’ai pensé qu’il était mieux pour lui de recoller avec sa famille. Je suis sûre qu’ils seront heureux de le revoir et de vivre avec lui. J’ai imaginé nos enfants et nos voisins. J’ai imaginé ma vie de tous les jours. Et la sienne. J’ai imaginé notre bonheur. Et Pluplu s’est contenté de me sourire. Parce que Pluplu a mis du temps à trouver les mots de mon cadeau. Il est comme ça, mon Plu, il a beaucoup de mal à dire ce qu’il a dans son cœur. Alors, je suis là pour dire les mots qu’il ne peut dire. J’ai beaucoup parlé. Oui. Et il s’est contenté de rester silencieux et de se blottir près de moi. De me serrer fort comme si nous allions être séparés. Comme si c’était la fin de tout. Le début de tout. Il a pleuré. Aussi. Et nous avons pleuré ensemble.

C’était il y a deux semaines.
Et aujourd’hui, je suis doublement heureuse. Parce qu’aujourd’hui, c’est le jour de notre départ. Et aujourd’hui, j’ai moi aussi préparé un cadeau à Pluplu. Je suis contente de partir enfin. Ces deux semaines ont été un peu compliquées, quand même. Surtout pour Plu, mais c’est normal. Il abandonne derrière lui bien plus de choses que moi. Moi, justement, je n’ai abandonné que la bombe à poivre qu’une marine m’avait donnée aux premiers jours de notre relation. « On ne sait jamais » m’avait-elle dit. Je ne l’ai jamais utilisé. Je n’ai même jamais pensé l’utiliser. Je l’ai gardé dans mes affaires et seulement en faisant mon sac ce matin que je l’ai retrouvé. Ça m’a fait rire. Pluplu, lui, oui, il abandonne bien plus. Ces derniers jours, je ne l’ai pas beaucoup vu. Mais je ne m’inquiète pas. J’ai cru qu’il me boudait la dernière fois, mais c’était pour mieux me surprendre. J’en frétille presque d’impatience en me demandant ce qu’il me prépare. Parce que oui, il prépare surement quelque chose. Malgré ses airs faussement déprimés, je suis persuadée que ce sera génial. Il a dit que c’était des entretiens avec Otto pour préparer sa sortie de la marine. Qu’il devait remplir de la paperasse et bien d’autres choses encore ! J’aurais pu consoler son absence avec Maëlys, mais elle aussi est occupée. C’est une marine aussi, elle doit s’exercer.

Du coup, je reste beaucoup seule, mais ce n’est qu’une mauvaise période à passer. Je passe le temps en m’imaginant pour la millième fois quelle nappe je choisirais pour la table ou si un lit à baldaquins ne serait pas un peu trop. Des marines que j’ai côtoyés sont passés me souhaiter un bon voyage ce matin. C’était amusant. Je suis aussi allée au centre médical pour une dernière visite. On ne sait jamais qu’ils ont dit. Et puis, je me suis sentie pas bien ces derniers jours. Pluplu m’a dit la nuit que ce devait être le stress du départ. Surement. Quand j’en suis sortie, c’était déjà l’après-midi. Plu est encore occupé dans une dernière réunion avec Otto Andermann. Alors, je me suis baladée dans la base. Puisque c’était ma dernière journée ici. Je me suis demandé combien de temps ça faisait depuis mon arrivée ici. Un mois au minimum. Surement plus. Ce fut long. Mais ça a eu le mérite de me faire découvrir des choses que je n’aurais pas su voir.


Et puis, je finis par croiser Otto.
J’ai sursauté. Je ne m’attendais pas à le voir ici. Il s’arrête en me voyant, impassible. C’est vrai que l’on ne sait pas vu depuis un moment. Toujours à parler avec Pluplu. On reste silencieux un instant. J’ai peur de le déranger. Il est quand même fort, Plu, de parler à un homme tel que le vice-amiral.


La réunion avec Pluplu … euh… Pludto est terminé ?

Il hausse un sourcil.

La réunion ? C’était hier.
Ah ?

Je souris.

Il m’a menti. Il doit me préparer une jolie surprise.

Je dévisage le marine et je sens quelque chose de très particulier chez lui. Comme s’il savait quelque chose. En même temps, c’est normal, Pluplu ne peut probablement pas préparer sa surprise sans l’aide du vice-amiral. Il sait pour la surprise.

Il ne vous a pas chargé de me dire quelque chose ?

Il hésite.

Si …
Il ferme les poings en tremblant un peu. C’est étonnant, mais je me contente de le fixer davantage, prête à capter la moindre information. Je suis curieuse.
Non… je ne sais pas … C’est… compliqué.
Aaah.

Il se mord la lèvre. Peut-être qu’il a d’autres problèmes en tête. Il me vient soudainement une question en tête.

Au fait, Pluplu, il va bien ?
Comment ça ?

Il a réagi au quart de tour.

Je pose la question parce qu’au centre médical, ils m’ont fait quelques tests pour être sûr. Ils voulaient être sûrs que je n’avais pas de maladie grave. C’est un peu étonnant de vérifier ce genre de chose. Alors, je me suis dit qu’on aurait pu vérifier ça aussi pour Pluplu, non ?
Oui …
Alors, du coup, je me demandais si Pluplu n’avait pas des trucs graves. Vous savez quelque chose ?

Il ne répond pas tout de suite. Il me fixe étrangement. Comme s’il me regardait au travers. Je baisse les yeux un instant parce que ça m’impressionne. Je finis par la relever lorsque je l’entends parler.

Il n’a rien.
Oh ! C’est bien ce que je me disais. Plu ne dit pas souvent les choses, mais il me l’aurait dit quand même !
… certes…
C’est drôle. Mais pas drôle en même temps. J’ai juste pensé à comment j’aurais réagi si on m’avait diagnostiqué une maladie grave. Tellement grave que je ne pourrais pas vivre longtemps. C’est assez morbide, je sais, mais ça m’est venu comme ça.
… Ah ?

Il semble soudainement intéressé. Alors, je poursuis.


Je me suis demandé comment j’aurais pu le dire à Pluplu. Parce que c’est vrai, c’est dur de vivre avec quelqu'un qu’on aime et qui va mourir. Après, on vit avec le regret et c’est pas quelque chose que je voudrais faire vivre à Pluplu. Je me suis dit que j’aurais pu chercher à m’éloigner de lui. Pour lui. C’est bizarre, non ?
Absolument pas.
Et après, je me suis demandé comment j’aurais réagi si ça avait été le cas de Pluplu. Et vous savez quoi ? La réponse m’est venue tout naturellement. Comme si d’autres réponses n’avaient pas de sens.
Qu’elle ait cette réponse ?
Et bien, qu’importe le temps qu’il lui resterait à vivre, je voudrais vivre ce temps avec lui. Même si ça ne doit durer qu’un jour, ce jour aura davantage de valeur que tout le reste de ma vie. Parce que c’est Pluplu. Et parce que je l’aime.

J’ai peur de paraitre un peu ridicule. Et soudainement, Le vieil homme m’attrape les épaules en me secouant. Je lève les yeux vers lui, surprise.

Allez lui dire !
De quoi ?
Allez lui dire ce que vous venez de dire ! Dites tout ! Tout ce que vous avez sur le cœur ! Allez-y !
Mais je ne sais pas où il est, monsieur Andemann…
Il passe beaucoup de temps au troisième étage du secteur H. Le couloir de droite ! Foncez ! Ne perdez pas de temps !

Il me pousse avec force. Je suis très surprise. Peut-être que la surprise est prête et que ce que j’ai dit va tout déclencher ? Je ne sais pas en fait. Mais j’ai beaucoup envie de voir Pluplu. J’ai un cadeau pour lui. Alors, je m’empresse de partir dans la direction indiquée sans oublier de saluer le monsieur.

Merci beaucoup, monsieur Andemann !
Cours le plus vite possible !
D’accord !
Avant qu’il ne soit trop tard.

J’ai cru entendre quelque chose à la fin.




***

Je crois que je vais y aller. Merci pour tout.

Mouvement vers la porte. Et Otto qui tend le bras pour me retenir.

Attends un peu. Tu m’intrigues un peu trop et je n’aime pas ça…
Tu ne veux pas le savoir…

Otto ferme ses yeux. Un instant. Et ses traits se déforment soudainement. Je l’observe avec un sourire à moitié surpris.

Tu n’aurais pas dû chercher à savoir dans ma tête, mon vieil ami.
Toi …
Lâche-moi.
Oh non. Pas avec ce que j’ai cru ressentir dans ta caboche de petit con.
Tu l’as dit toi-même. Ça ne te concerne pas. Et surveille ton langage, vice amiral.
Surveille ta langue, Pludbus.
Je ne su…
Si ! T’as beau avoir changé, tu gardes un peu de lui. Un peu de ses défauts. Et j’en ai vu assez pour réclamer une explication plus convaincante que ce que tu m’as donné jusque-là !

Souffle court.

Bien. Je vais te dire la vérité. Promets-moi juste de ne pas intervenir. Et de ne rien dire.
Je…
Promets-le.
Je … je le promets.


Dernière édition par Pludto le Ven 13 Juin 2014 - 19:27, édité 1 fois
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Tout de même, il était bizarre, monsieur Andermann. Son visage faisait un peu peur après coup. Pendant que je marche assez rapidement au lieu de courir ; parce que je peux tomber et ça serait pas génial ; je repense à ce qu’il vient de se passer. Je cogite vraiment ! Et puis, j’arrête d’y penser. Parce que je vais bientôt retrouver Pluplu et lui annoncer l’heureuse nouvelle. Il sera trop surpris, je le sais ! J’arrive au secteur H sans me perdre, ce qui est déjà bien. Là, je découvre avec surprise que c’est un quartier d’habitations. On y loge des troupes de passage. Il y a beaucoup de gens qui y passent. Entre ceux qui viennent d’arriver et ceux qui vont partir, mais aussi ceux qui entretiennent les lieux ou qui sont seulement là pour une visite. Je fais un peu tache au milieu de tous ces gens. Il m’intimide. Certains me fixent bizarrement. D’autres chuchotent entre eux en me regardant du coin de l’œil. J’en suis gênée et je ne tarde pas à rosir des joues en baissant la tête. Je passe au milieu des gens et ceux-ci me laissent plutôt passer sans difficulté.

Alors que j’entre dans le secteur H, j’aperçois un jeune marine qui me fixe. Ou pas vraiment en fait. J’ai l’impression qu’il me regarde, mais qu’il détourne la tête au bon moment pour me faire croire qu’il ne me regarde pas. Il est mignon, mais il n’est pas comme Pluplu. Je fais mine de l’ignorer, mais je ne tarde pas à retourner mon attention vers lui. C’est qu’il me suit ! À quelques mètres derrière moi, il est entré aussi. Je sens de l’appréhension monter en moi. Que me veut ce garçon ? J’en viens à croire que je l’aie charmé sans le savoir. Mais il devrait quand même apprendre que ce n’est pas bien de suivre une fille. Ça fait mauvais genre. Parce que je suis jeune dans mon corps à l’inverse de mon esprit. Et un homme qui s’éprend de vraiment plus jeune que lui, quitte à braver certaines règles de la société, c’est vraiment dégouttant. Rapidement, j’atteins le monte-charge et je fais en sorte d’entrer sans qu’il puisse me suivre. C’est un monte-charge qui fait tous les étages, il y a pas le choix. Alors, je prends mon mal en patience et j’attends d’atteindre le troisième étage. Les personnes sortent plus qu’elles ne rentrent et je finis par me retrouver seule quand j’arrive au troisième. J’arrive alors dans des couloirs assez obscurs avec peu de vie. La majorité des locataires doivent être ailleurs. Je croise plusieurs femmes discutant chiffons. À part elle, personne. Ou presque. Dans l’ombre, je vois quelqu’un bouger. Marcher comme s’il se promenait sans but, en sifflotant la tête haute. Et cette ombre, c’est l’homme de l’entrée ! Celui qui m’a suivie ! Il m’a encore suivie !

J’en ai des sueurs froides et je tressaille de peur. Ça ne peut être une coïncidence. Il me veut quelque chose ! Mais comment a-t-il su que je descendais au troisième ? Peut-être qu’il a couru dans les escaliers pour remarquer que je ne sortais pas du monte-charge à chaque étage ? Vraiment, il est très suspect ! Je m’éloigne dans la direction opposée, le pas pressé. Je dois vite trouver Pluplu. Il me protégera, lui. Je tourne la tête un instant vers lui, mais il ne me suit pas. Je profite de l’occasion pour mettre une bonne distance entre nous deux. Une fois faite, je reprends un peu mes esprits et mon calme avant de m’intéresser aux différentes portes du couloir. Des chambres, surement. J’essaie d’en ouvrir certaines après avoir frappé. Personne et fermé à clé. J’appelle plusieurs fois Pluplu, mais seul l’écho étouffé du couloir me répond. Dans la pénombre, je cherche un interrupteur, mais je n’en trouve pas. Ça fait vraiment peur ! J’avance dans le couloir, me retournant de temps à autre pour vérifier que je ne suis pas suivie. C’est le cas. Mais rapidement, je m’aperçois que je tombe dans un cul-de-sac. Et pas de trace de Pluplu ! Sauf que mon dernier appel a le don d’ouvrir une porte. De celle-ci sort une jeune femme en pyjama, la tête ensommeillée.


Mmouiii … Qu’est … c’que vous vouleeez ? J’voudrais dormir … moi …
Escusez moi madame !
Mam’selle …
Ah ! Désolé ! Je cherche un garçon d’à peu près mon âge. Il s’appelle Pludto. On m’a dit qu’on l’a beaucoup vu ces derniers temps à cet étage. Mais je suis arrivée au bout du couloir sans le trouver…
L’autre côté… le couloir. V’nez des escaliers ? L’batiment… fait un « U ». Z’arrivez au milieu. Cherchez d’l’autre côté.
Ah… merci !
Un garçon t’dis ?
Oui mademoiselle !
C’t’un étage féminin … ici… m’dit rien.
Breef. ‘nuit.

Et elle referme la porte. J’aimerais bien qu’elle m’accompagne, mais je pense que je vais la déranger. M’accompagner parce que j’ai un renouveau de peur en moi. Parce que pour trouver Plu, je dois aller de l’autre côté du « U ». Et il y aura surement mon suiveur en chemin ! Décidément, Pluplu n’est pas là quand j’ai besoin de lui ! Et quelle idée de venir dans un étage pour fille ! Il avait pas meilleure cachette ? Je retourne alors sur mes pas, appréhendant le moment où je verrais le type bizarre. À l’approche de l’endroit, j’hésite, puis je ne le vois pas. Je crois un instant en être débarrasser. Je marche un peu plus rapidement et je sursaute lorsque je le vois sortir de l’ombre. Son regard passe sur les murs comme si rien ne l’intéressait. Je reste immobile un instant, blanche de peur. Il reste tout aussi immobile sans me regarder. Vraiment très suspect. Comment on ne peut pas me jeter un regard dans pareille situation ? Pourtant, il tourne la tête ostensiblement.

Hmm …hmm.

On dirait qu’il va parler. J’attends en tremblant. Mais rien ne vient. Il est là. Il semble vouloir attirer l’attention. L’heure tourne pendant ce temps là. Je dois trouver Pluplu. Alors, je reprends ma marche, plus lentement. Je finis par arriver à sa hauteur. Je fixe droit devant moi, lui toussote. Il fait un pas en avant. Je m’écarte. Il s’approche. Je m’écarte encore. Il s’éloigne. Il toussote. Il se racle la gorge. Je n’en peux plus. Je me jette à l’eau.

Escusez moi, vous cherchez quelque chose ?
Hein ? Heu … moi ? Euh… non … rien du tout. Absolument rien. Je suis juste là. Héhé. Comme ça.
Ah …
Je peux peut-être vous aider ? Vous ? Vous êtes perdus ? Vous cherchez quelqu’un ?
Non … ça ira.
Non mais vous pouvez me demander, hein. Je connais des gens. N’importe qui, je vous le déniche. J’suis comme ça. Pas quelqu’un à retrouver ?
Ça ira, merci.
Vous êtes sûr ?

J’hésite. Et si ? Pourquoi pas, non ? Ça ne coute rien.

Vous sauriez où se trouve un garçon d’environs mon âge ? Il s’appelle Plu…
Pludto ? Ah ? C’est ça ?! Héhé. Ouais. Je vois. Euuuh. Il est … ouais. Suivez ce couloir. Sur une quarantaine de mètres. Le numéro quatre-vingt-quinze. Il y est. J’vous jure. J’l’ai déjà vu. Hé !
Ah … merci !
Pas de quoi ! Bonne journée ! Tchao !

Il se retourne d’un coup en restant immobile. Je m’avance en le surveillant du coin de l’œil, m’imaginant le voir me sauter dessus quand je baisserais ma vigilance. Mais rien. Il se contente juste de sortir un escargophone de sa poche et de lui parler à voix basse.

Très suspect.

Mais en même temps, je vais retrouver Pluplu. J’espère qu’il a dit vrai. De toute façon, il doit forcément être dans cette partie du couloir, j’ai déjà fait l’autre ! Constatant qu’il m’a complètement oubliée et qu’il a même quitté l’étage, je m’avance, plus calme, l’esprit libéré.

Et plus je m’approche, plus je sens quelque chose d’étrange. De mauvais. Ce couloir sombre, il ne m’inspire pas confiance. Le silence est seulement brisé par le bruit de mes pas. Seul avec moi-même, j’essaie de ne penser à ce qui va se passer. À m’imaginer la tête de Pluplu quand il apprendra la nouvelle. J’ai déjà en tête des petites phrases pour cajoler. Et puis, après, on prendra le bateau, ensemble. Et on restera à jamais ensemble. On s’aimera. Et on vivra une nouvelle vie. Notre vie. La vie que nous avons toujours rêvé. Ça me fait sourire. Ça me fait rougir. J’en ai chaud. Je presse le pas. Et malgré tout ça, l’air m’oppresse. Quelque chose dans l’air semble m’étouffer. J’entends quelque chose, comme un bourdonnement sourd. Un bruit que je ne parviens pas à localiser tellement il provient de partout. Ça pourrait même provenir de mon oreille. J’en ai une sueur froide sans savoir pourquoi. C’est irrationnel. C’est juste comme ça. La peur de l’avenir ? La peur de sauter dans le grand bain de la vie ? Peut-être. Parce qu’aujourd’hui, c’est le début de beaucoup de choses. Pas seulement notre départ d’ici. Le départ de tout. De lui. De moi. Et de lui.
C’est ça.

Au fond de moi, j’ai un peu peur. Tout m’effraie. Je comprends maintenant mes petites fâcheries avec Plu. L’avenir fait peur. Même à lui. Même à moi. Il s’agit de surmonter cette épreuve qui n’en est pas une. Car au-delà, c’est un arc-en-ciel qui s’ouvre à nous.

La lumière. J’en vois. Une porte. La porte qu’il m’a indiquée. Un trait de lumière sous la porte. Je m’en approche, discrètement, pour faire une surprise à Plu. J’entends du bruit. Il est là. Je souris tandis que je mets la main sur la poignée. Lentement, je tourne.

Et j’ouvre.


***

Je vais …
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Une petite poussée et la porte tourne lentement sur ses gonds. Ma tête se colle au niveau de la serrure, passant la tête au fur et à mesure que la porte s’ouvre grand. C’est une chambre légèrement éclairée. Une chambre comme il peut en avoir beaucoup.  Un petit bureau. Une chaise. Un lit. Et je finis par le voir. Plu. Mon Pluplu à moi. J’en souris. J’en souris de le voir coucher sur le lit. Et mon sourire se fige.

La porte tourne encore, dévoilant la scène.

Froid.

Pluplu n’est pas seul. Et il n’est pas couché sur le lit. Il est couché sur elle. Ses cheveux tombent, décoiffés, sur son visage, tandis qu’elle serre fort les mains de Pluplu, entrelacé, juste au dessus de sa tête. Je ne la vois pas sourire. Elle tourne la tête sur le côté. Le côté opposé à moi, exposant son cou. Pluplu se penche. Soufflant dans le creux de ce cou. Il en grogne.

Glacial.

Elle est là. Livré à lui. En sous-vêtements. Lui aussi. Chair contre chair. Où sont leurs vêtements ? Une question idiote que je me pose. Ils sont là. Disparates. À même le sol. Comme enlevé à la va-vite. Formant un tableau d’abandon. Abandon. Un mot qui en moi résonne sur la corde sensible. Celle qui s’accroche au cœur. Pluplu vient délier ses doigts des siens. Sa main droite caresse ses cheveux. La gauche vient flatter son flanc. Il halète. Elle aussi. Elle le lui dit. Elle le lui dit que ce n’est pas bien. Qu’il ne devrait … pas.
Il s’en moque.

Zéro absolu.


Non … Pépé …
Non … Plu…


Moins un.

Et tandis que la poignée de la porte frappe doucement le mur, Pludto embrasse le cou de Maëlys.


***

… détruire notre amour.
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Elle est là.
J’ai attendu ce moment pendant ce qui m’a semblé être une éternité. Une vie. Une infinité de vies. À me haïr. À me détester. À me dire que tout cela serait horrible. Que je n’en serais pas capable. Voilà venu ce moment. Une minute. Une minute qui va décider du sort de nos vies.

De sa vie.

Mes lèvres sur son cou. Maëlys tressaille. Elle sait. Elle sait qu’elle est là. Elle sait ce qu’elle va ressentir. Et elle sait que ce sera horrible. C’est horrible. Je n’ai pas de mots. Je reste là. Incapable de bouger. De penser. Mon cerveau est vide. Le choc. Je le ressens. Je serre les dents. Non. Je me mords la lèvre jusqu’à en faire suinter le sang. Je n’ai qu’une seule envie. Mais je dois la contenir. Pour elle. Je. Il … il continue ses caresses. Comme si je n’étais pas là. Mais il sait que je suis là. Forcément. Et pourtant, il fait comme si j’étais pas là.

Comme si je n’étais pas dans sa vie.
Comme s’il n’était pas dans ma vie.

Elle respire. Un coup. C’est le signal. Du point de rupture. Ça va venir. Je ferme les poings. Je me mords cette fois le creux de la joue. J’en bois le sang. Maëlys reste immobile. Simple marionnette dans un odieux jeu de pantin.

C’est quelque chose … qui monte. Tout se mélange. Des émotions. Des sentiments. Un cadeau. Mais … tout … Je… veux … Je dois le dire. Je dois dire… quelque chose.

Plu … plu ?

Elle l’a dit.
Je l’ai dit.
Je pourrais tout arrêter.
Il suffit juste d’un mot. D’un seul mot.
Ça serait si simple.
Un mot et tu seras pardonné.
Impossible de l’ignorer.
Il tourne la tête vers moi, lentement. Dans son regard… je veux lui dire que je l’aime. Je veux lui dire que tout cela n’est que mensonge. Je veux lui dire que je suis le plus exécrable des idiots. Des monstres mais … ses yeux ne disent rien. Il me regarde un instant. Ses yeux sont un océan d’émotions contraires. Le Maëstrom des cœurs éperdus et perdus. Elle est si belle. Elle restera toujours belle dans mon souvenir. Je sens les larmes venir. Les larmes me trahirent. Alors … il clôt ses yeux à moitié. Il détourne le regard. Il fuit la réalité. Il ne l’affronte pas. Quelque chose se brise. Pourtant, je le souhaite. Dis-le ! Dis-le ! Mais je ne dis rien. Mes muscles se crispent, mais ils doivent suivre un scénario codifié longtemps à l’avance. Un sourire. Un sourire odieux. Comment peut-on sourire en pareil moment ? Un faux sourire. Un de ceux qui ne donnent pas la joie. Un sourire moqueur.  L’aboutissement d’un plan. Et pourtant, il me débecte. C’est tout simple… Il me jette. Je l’ignore. Il n’en a que faire. Comme si sa présence n’était même pas une gêne. Comme si je ne comptais plus. Je ne cherche pas à trouver une excuse. Il l’assume. Comme un jeu. Il s’est joué de moi.  Je l’embrasse pour sceller nos destins. Ses lèvres viennent joindre celle de Maëlys. Sceller un crime interdit. Un crime de sang et de chair. Abandonner pour ma nièce.  L’inceste. Elle le pense maintenant. Il m’a trahi.  En toute conscience. Il …  Elle bouge.

Je recule. Un pas.

Le venin embrase les veines. Le venin de la trahison. L’amour qu’elle contenait brule. Elle secoue la tête. Ses yeux sont hagards. Comme après une guerre. Je la regarde entre mes paupières closes. Son regard change. Ses lèvres tressaillent. Ces yeux veulent pleurer. C’est si beaux yeux. Mais elle n’y arrivera pas. C’est au-delà de tout. Et je le sais. Je sais que j’ai réussi. J’ai odieusement réussi. J’ai totalement réussi.

Et rien au monde ne me donne plus envie que de mettre fin à mon existence.


***


Je vais … la trahir… pour que son amour se transforme en haine…
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Elle est partie. Elle s’est enfuie. Elle a tourné la tête. Elle n’a rien dit. Son regard a tout dit. Ce sentiment que je n’aurais jamais cru voir chez elle. De la haine. La plus pure qui soit. Celle que l’on ne peut guérir par des mots ou des gestes. Elle était tout en haut, je l’ai tiré vers les abysses. En un mot.

Je suis un monstre.

Je reste hagard. Je me suis assis sur le rebord du lit de la chambre de Maëlys. Elle, elle est couchée sur le côté. Elle sanglote. Ce que je lui ai presque forcé à faire est tout aussi monstrueux que ce que j’ai fait à Milly. Andermann avait raison. Pludbus existe toujours un peu. Alors que je reste immobile, Maëlys finit par se relever et récupérer quelques-uns de ses vêtements. Elle s’habille rapidement avant de passer devant moi. Elle s’en va. Elle ne me regarde pas. Je ne l’arrête pas. J’espère un moment qu’elle m’insulte. Qu’elle me crache à la figure. Qu’elle me dise la vérité. Dis-le-moi. Traite-moi de monstre ! Mais je ne le mérite pas. Ça me ferait trop plaisir. Je n’ai plus le droit à ce sentiment. Sur le pas de la porte, elle se retourne fixant le sol. Elle veut dire quelque chose. Elle lâche un sanglot qui tombe au sol. Elle s’en va. Je le prendrais comme un subtil crachat de dégout.

Je suis seul.
Et à jamais, je resterais seul, dorénavant.

Cette décision, je l’ai prise dans la douleur. À cause de maladie. Mourir dans cinq ans, ça donne une autre vision des choses. Tout semble avoir une durée illimitée à mes yeux tellement ma propre durée est très limitée. Est-ce que je pouvais concevoir de vivre cinq ans avec Milly et de la laisser seule après ces cinq années ? Ça aurait été cinq années merveilleuses. J’aurais tout fait pour qu’elles le soient. Elles l’auraient été. Sans présomption. Et j’aurais alors laissé une trace tellement forte dans son cœur qu’elle n’aurait pas pu s’en relever. À mort, nous aurons la vingtaine. Mourir à l’aube de la vraie vie, du vrai âge du grand bain, c’est inconcevable. Est-il humainement souhaitable de la laisser vivre des dizaines d’années dans le passé ? À vivre avec mon souvenir ? Sans pouvoir vivre le reste de sa vie ? Vivre jusqu’à cent ans, je la verrais bien. Non. Ce ne serait pas possible.

Et peut-être même qu’elle pourrait vouloir la mort. Pour m’accompagner si je lui avais dit. Je ne pouvais le permettre. Elle doit vivre. Je lui ai suffisamment fait de mal comme ça. Le lui dire n’aurait rien changé. Elle ne m’aurait pas quitté. Elle n’aurait pas fait ce choix. Elle était trop liée. Et c’est pour cela que je devais tout briser. Briser notre amour. Mais pas seulement. Faire en sorte qu’elle me haïsse. Qu’elle me voit comme l’un de ces innombrables salauds que regorge ce monde. Un homme. Dans toute sa splendeur nauséabonde. Pour qu’elle ne vive pas sans mon regret. Qu’elle n’est aucun souvenir de notre amour. Et qu’elle puisse construire un nouvel amour qui ne sera pas gêné par le mien. Elle est neuve. Elle est libre de nos engagements. Ainsi, elle pourra vivre pleinement la nouvelle vie que le destin lui a donnée.

Pour cela, il fallait la trahir au plus profond de son être. Au plus profond de mon amour. L’infidélité. Associé à l’inceste. Deux péchés de chairs. Inqualifiable. Le deuxième devait renforcer le premier sentiment. Le destin a mis Maëlys sur mon chemin. Pour son malheur. Pendant des jours, j’ai pensé à ce plan. À devoir moins la voir pour instaurer le doute. Pour qu’au moment fatidique, elle puisse penser que pendant tout ce temps où je lui sortais des excuses, j’étais avec Maëlys. Alors que c’était faux. Tout a été fait pour que tout cela aboutisse. Même le jour a été choisi. Le jour du départ. Le jour du renouveau. Celui où elle avait le plus d’espoir. Dorénavant, c’est un jour noir, mais elle pourra toujours s’en aller. Ce soir, il n’y aura qu’une seule place de libre.

Et alors que j’y pense encore et encore, je me dégoute. Encore et encore. Tous ses jours à lui mentir. À cacher la vérité. À sonder ses yeux et son cœur pour y trouver la force de continuer. Parce qu’il le fallait. Mais malgré toutes les raisons et les excuses.

Je reste un monstre.

Et je pleure. Les larmes coulent sans que je puisse les arrêter. Je pleure comme un enfant. Un bébé. Un bébé qui réclame le sein de sa mère. Mes mains sur mon visage, je m’abandonne à la tristesse. Parce qu’elle est là, au final. Je l’aime. Et je n’aimerais rien de plus fort au monde. Et je l’ai fait souffrir. Au-delà de mon but de la préserver des malheurs futurs, je suis comme l’amoureux qui cherche à se venger de celui qui a blessé son amour. Moi. Plus fort que les larmes, je n’ai qu’une seule envie. Me faire du mal. Me mordre la peau jusqu’au sang. Me frappe le visage. Me tordre les doigts. Me briser. Me broyer. Me réduire en miettes car je ne mérite pas mieux que ça. J’accueille la souffrance comme une expiation bien trop douce pour ce que j’ai fait. Je fais fi de mon instinct de survie. Je le musèle si fort que je l’étouffe. La lampe contre ma tête. La chaise sur mes jambes. La porte sur mes pieds. Tout y passe.

Et la colère vengeresque s’estompe. Me laissant gisant sur le sol, à l’agonie. Les larmes se sont arrêtées. Il n’y a plus rien à exprimer. Je suis vide. Vide de cette haine. Vide d’amour. Vide de tristesse. Une coquille vide. Une coquille fendue. Je ne pense plus. L’instinct reprend les rênes. Et cet instinct me conduit à me vêtir et à fuir les lieux. Fuir la scène du crime. Une femme passe dans le couloir. Elle jette un œil avant de partir dans l’autre sens. Elle va prévenir la sécurité. Il ne vaut pas mieux rester là.

L’heure qui suit, je la passe à errer dans les couloirs, sans âme, tel un zombie. Je me cache des gens et ceux qui m’aperçoivent, je les fuis. Ceux qui arrivent à me détailler, je refuse leur aide, quitte à devenir agressif. La sécurité tourne en rond. Je reste invisible. Claudiquant au hasard, mon instinct trouve son chemin. Vers un endroit de repos. Le seul. Un endroit aux lourds souvenirs. Aux lourds passés. Ma chambre. Mon antre. Et alors que je l’aperçois, mon cœur s’éveille. Car de sous la porte, on aperçoit de la lumière.

J’ai l’espoir. L’espoir qu’elle soit là. Je ne veux plus. Je ne veux plus de tout ça. Je la veux elle. Je veux vivre avec elle. Je veux le bonheur. Je ne veux plus du malheur. Alors je cours. Je trébuche. Je me relève. Je tends la main. J’ouvre la porte sans douceur et je m’écroule au milieu. Je la cherche. De tout mon cœur. Et même si je sais que tout est impossible. Que le mal est fait, j’ai l’espoir de tout sauver. De prouver que l’amour est plus fort que la haine.

Son regard n’est que haine.
Et ce regard, c’est celui d’Otto Andermann.


***

Otto m’attrape par le col de chemise et me soulève brutalement. Son regard est aussi dur que l’acier. Ses yeux jettent des éclairs. Son visage est aussi cadavérique que la mort.

Tu as promis … Otto…

Oui… j’ai promis…
Et j’ai une autre promesse pour toi… Pludbus…

Je le regarde sans comprendre.

Je te jure … que si ça va trop loin …





Je te tue.
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Ce n’est pas celui que j’aurais voulu avoir. Et peut-être que, d’un certain côté, ça me rassure. Un peu. Si ça avait été elle, je n’aurais pas su quoi faire. J’aurais peut-être tout cassé. Briser ce que j’ai essayé de faire. Briser le plan pour briser nos sentiments. Et tout ça n’aura servi à rien. Si ce n’est à faire souffrir. À faire pleurer. À faire désespérer. Et le pardon serait peut-être venu, mais ça n’aurait rien changé. Elle serait restée là. Et notre future séparation aurait été dans la douleur de la mort. Oui. Finalement, c’est mieux que ce soit comme ça. Je baisse les épaules, je souffle un coup. Je me sens un peu plus apaisé même si le feu de l’écœurement et de la tristesse me consument toujours. Je m’approche lentement d’Otto, mon vieil ami, à la recherche d’un peu de réconfort. Otto est le genre d’homme plutôt paternaliste. Prêt à écouter ses hommes et à les rassurer. Je ne suis certainement pas l’un de ses hommes, mais probablement l’un de ceux encore vivants qu’il l’a connu pendant longtemps.

Aide-moi… Otto… Je me sens pas trop dans mon assiette…

Il s’exécute sans attendre.

Je ne saurais dire de quand date la dernière fois que je me suis pris une mandale pareille. Je n’arrive pas à m’en souvenir. Et même dans l’esprit de Pludbus, c’est bien trop lointain et flou pour m’en souvenir. Malgré son air vieillot, Otto reste un vice-amiral. L’un des douze vice-amiraux. Il n’y en a pas plus parce qu’ils sont les meilleurs. Les plus compétents. Et pour atteindre ce grade, il faut souvent user de sa force plutôt que d’un coup de chance administratif. Pludbus n’a pas fait exception. Mais ce poing, il me fait l’effet d’une crise cardiaque. Frapper en plein dans le torse, la force du coup m’envoie frapper le mur opposé, y laissant ma trace. Je m’écroule au sol, comme désarticulé. La brutalité du coup m’a totalement bloqué ma respiration. Mon cœur semble peiner à garder son rythme tandis que sa deuxième promesse me revient en tête.

Je blêmis.

Mon cœur se remet à battre. Fort. Très fort. Et ça me dégoute. Mon instinct de survie me dégoute. Lui qui me donne quantité le sang dans mes veines pour me sortir de cette situation dangereuse. Il est si énergique alors que ce même cœur a contribué à en briser un autre. Voire deux. Il est lui aussi brisé. Et pourtant, il ne désire que vivre. Vivre la vie du condamné. Je lève la tête, fragile, regardant Otto d’en bas, hoquetant de douleur. Il est là. Il me toise de son visage cadavérique. Les traits marqués par une colère innommable. Il est la Colère à en faire passer Jack Calhugan pour un Rik Achilia. Son poing qui m’a frappé tremble. Ses lèvres aussi. Ses yeux jettent les éclairs qui se voudraient être des balles. Une promesse est une promesse.

Je tousse. Il m’a cassé plusieurs côtes. Lentement, son pied se déplace. Il s’approche, le pas pesant. À même le sol, chaque pas est un tremblement de terre. Un roulement de tambours annonçant l’échec et mat. Et à ce roulement de tambour répond le bruit sourd de mon cœur nourrissant la machine pour fuir. Mais l’esprit ne le veut pas. Je ne le veux pas. Je prends ça comme une délivrance. Une délivrance de mes péchés. Otto avait raison. Pludbus n’est pas mort. Et ses péchés vivent encore en moi. Ce n’est pas juste en changeant de nom que l’on redevient quelqu'un d’autre. C’est pas si facile. J’ai souillé un cœur pur. Et mon cœur corrompu ne mérite que d’être arrêté.

Il s’arrête et s’accroupis devant moi. Son regard me transperce. Il lit en moi comme dans un livre. Je voudrais lui cacher les détails, mais il sait. Il sait tout. Et ça ne me fait pas peur. Il doit tout savoir. Ainsi, il pourra remplir son office sans faiblir.

Tue-moi.
Pludbus…

Il se mord la lèvre inférieure. Il ne me quitte pas des yeux.

Je peux sentir les choses, Pludbus. Sentir les choses que les gens ressentent. Ce qu’ils ne peuvent exprimer avec leur corps, mais qu’ils expriment avec leur cœur.

J’ai été là quand tu t’es réveillé. Pludbus. J’ai senti ta souffrance. J’ai senti ta douleur. J’ai senti ta tristesse. J’ai cru que mon esprit allait se briser tellement c’était horrible. C’était dur… J’ai senti ta mort. Insoutenable.


Il se tait et ferme les yeux. Ses paupières tremblent. Ses yeux s’agitent sous celle-ci. Ses mains tremblent. Et à la commissure des yeux naissent les larmes que je n’arrive plus à émettre. Il rouvre ses yeux, humides, mais toujours aussi durs. Toutefois, c’est la pitié qui brille dans ses pupilles.

Je n’aurais jamais cru ressentir une souffrance pire que la tienne…

Je voudrais pleurer avec lui, mais je n’y arrive toujours pas, même si mon cœur se brise un peu plus. Je cherche mes mots à défaut de mes larmes. Piètre consolation.

Je… je ne voulais pas… la faire souffrir… par ma mort ! Je ne voulais pas… lui gâcher…. Sa vie !

Il a baissé la tête, mais il la relève aussitôt. Ses traits se durcissent, mais la pitié ne quitte pas son regard. Ses mains viennent me saisir la tête, me forçant à coller mon front contre le sien. Les yeux levés, ils continuent à me tirailler du regard. Ses larmes deviennent gouttes. Il pleure. Beaucoup. Alors que mes yeux sont aussi arides que mon cœur brisé.

Mais… Pludbus, c’est ce qu’elle voulait ! Elle me l’a dit ! Elle réclamait cette vie de tout son cœur ! Elle réclamait ce que tu ne voulais lui offrir. Il n’y avait pas meilleur désir pour elle !
Mais… ma… mort… change tout.
Elle y était préparée. Non, elle ne savait pas. Mais elle a imaginé le cas. Et même dans ce cas-là, elle ne voulait pas être séparée de toi. Jusqu’à ta mort, elle aura été à côté de toi. Que ta vie aurait duré cinq heures, cinq jours ou cinq ans. Elle l’aurait accepté.

Parce qu’elle n’aimera personne d’autre que toi.
EST-CE TU COMPRENDS ÇA ?! PLUDBUS ?!


Je la comprends. Tout devient clair dans mon esprit, dans mon cœur, dans mon âme. L’orage n’est plus. Il n’y a plus qu’un été radieux. Puis vient l’automne, le ciel gris et maussade. La pluie et la chute des feuilles. Mes larmes coulent. Enfin. Front contre front, nous pleurons. Mon visage se crispe, se déforme, prenant les traits poupins du bébé. Je ne pensais pas avoir encore des larmes en réserve. Mais j’en ai encore. Parce que ce n’est pas les miennes. C’est les siennes.

MEURS ! DISPARAIS ! CRÈVE !
PLUDBUS !


Il me plaque contre lui, comme si ma tête devait se briser sur la sienne. Ça fait mal. Quelque chose en moi s’arrache.
Et c’est l’hiver. La mort.

Il arrête de forcer. Il me laisse aller contre le mur. Je me tais un instant avant de pleurer à nouveau. Des larmes plus naturelles, plus vivantes, plus vraies. Plus moi.
C’est le printemps. La renaissance. La pluie qui donne vie.

Je t’ai vu naitre une fois, Pludto. Mais tu as oublié une chose cette fois-là.

Son regard est doux. Comme celui d’un père.

Une naissance se fait dans la souffrance d’une femme et les larmes d’un enfant.
Pleure Pludto. Et né. Enfin.


C’est moi qui pleure. C’est vraiment moi. Celui que je voulais être. Pludto. Otto a réalisé sa promesse. Il l’a tué. Il a tué Pludbus. Et il a été l’homme qui m’a aidé à naitre. Celle qui m’a fait naitre, c’est celle que j’ai fait souffrir. Pour que je vive. Je le réalise. Et je lève les yeux vers Otto qui me regarde, un sourire en coin, rassuré.

Un nouveau-né se doit de réconforter celle qui a souffert pour lui donner naissance.

Sans m’attarder sur mes larmes, ma tête balaye la pièce. Mon esprit est clair. Je sais ce que je dois faire. Le seul chemin possible. Le chemin que j’ai décidé de prendre. Égoïstement. Ses affaires ne sont plus là. Elle ne viendra plus.

O… Où ?

Il se mord la lèvre.

Le bateau…, il est en train de partir.


Serait-ce trop tard ?
Non. Il n’est jamais trop tard. Je m’écarte d’Otto, rampant au sol. Puis je me redresse bien rapidement, faisant fi de la douleur de mes côtes. Et sans un regard pour Otto, je passe la porte. Juste derrière, il y a Maëlys. Blême. Souffrante. Je lui lance un regard de compassion. Je murmure des mots d’excuse. Et je fuis. Lâche. Pour rattraper mes erreurs. Son tour viendra, car, pendant ce temps, la roue tourne. Les minutes s’égrènent. Et l’un navire quitte le port.
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Bousculade. Les marines s’écartent sur mon passage. Les premiers ont peur, les autres suivent comme des moutons. On chuchote sur mon passage. On proteste. On se moque. Je m’en fiche. Plus rien ne peut entacher ma réputation. J’ai fait bien pire que tout ce que j’aurais pu faire de mal dans une vie. Je n’hésite pas jouer du coude quand l’occasion se présente. Je fais mon égoïste. Et je m’en fous. Je fais tomber plusieurs marines et je cours sous les quolibets. Je récupère le regard glacial d’un Lou Travahechnik que je ne vois pas même pas. Je hurle à ce qu’on me laisse passer. Place ! Place !

Et j’ai mal. Mes côtes me font mal. J’ai envie de m’arrêter, d’arrêter de les faire trembler dans ma chair. Je ne peux pas. J’ai longtemps été faible. Je ne le serais pas. J’irais jusqu’au bout. Le bout ? Ce n’est pas les docks. J’ai posé des questions sur ma route. Savoir l’heure. Et l’heure est passée. L’heure du départ. Le bateau n’est plus à quai, mais je sais où le trouver. Je sais ou l’intercepter. Pour sortir de la base, il devra passer par les grandes portes. Et je serais là. Je devrais descendre, mais je monte. Toujours plus haut, toujours plus loin ; mes jambes me font mal à force de marches. Je cherche l’air et à la fraicheur qui saura m’aider à continuer à avancer.

Je cours comme jamais je n’ai couru auparavant. Je ne cours pas pour survivre. Je ne cours pas pour échapper à la mort. Je cours pour rattraper la vie. La vie que j’ai laissée filée. Cette promesse. Et je l’aurais. Qu’importe les épreuves, je la rattraperais. Car j’ai le sentiment que si je la laisse disparaitre par delà l’horizon, je ne pourrais plus jamais la retrouver. La revoir. C’en sera fini. Cette rencontre entre le ciel et la mer est ma dernière chance de tout sauver.

Le gruyère de Navaronne joue en ma défaveur. Je ne le connais pas assez. Plusieurs fois, c’est un cul-de-sac qui me cueille. La frustration me gangrène. La peur de rater ce rendez-vous me taraude. Un rendez-vous qui sonne presque comme un premier rendez-vous tellement il est de taille. Et plus on monte dans les étages et plus cette terreur monte. Les couloirs se vident. Les lumières s’éteignent. Comme si l’espoir me quitte. Comme si le chemin s’efface dans le souffle de la destinée qui m’échappe. Et puis elle vient me sauver, me donnant une présence humaine pour me guider. Me conseiller. M’indiquer la sortie. La meilleure. Les derniers mètres dans l’obscurité sont les pires. Comme si chaque mètre me rapprochait d’une autre impasse.

Et puis la lumière au bout du tunnel sonne comme une semi-libération. Le vent fort des hauteurs me cueille ; glacial. Je tourne la tête et je me repère rapidement, reprenant un souffle qui me fait défaut. Encore quelques dizaines de mètres et je surplomberais les portes de l’enclave de Navarone. Je longe les falaises abruptes, trainant des jambes qui ne peuvent plus me porter. J’avance vers ce que je désire le plus au monde après l’avoir tant rejeté. Et c’est alors que je le vois.

Le navire.

Il a déjà passé les portes. Il vogue vers l’horizon. La vue du trois-mats avançant vers le soleil couchant me décompose. L’espoir s’envole dans les bourrasques balayant la bande de terre sur laquelle je m’agenouille. J’en reste hagard. Elle est là. Quelque part sur le bateau. Elle est là. Elle m’a attendu. Surement. Et je n’ai pas été là.

Alors je lui dis. Je lui crie. Je lui hurle.
Pour que mes mots aillent plus loin que l’horizon. Qu’ils fassent le tour du monde. Pour que le vent ne puisse pas luter contre ces mots. Je lui dis ce que je ressens. Je lui dis que je l’aime. Je lui dis tout ce que j’ai voulu faire avec elle. Je lui dis tout ce que j’ai rêvé de faire ensemble. Je le lui dis tout ce que je n’ai pas aimé chez elle, mais toutes ces petites choses qui faisaient son charme. Je lui dis tout ce que je n’ai jamais voulu lui dire. Je lui dis tout ce que j’ai inventé pour éviter qu’elle se moque de moi. Je lui dis tout toutes les choses que j’ai pu voir dans ses yeux. Je lui dis tout ce que j’ai su faire en sa présence. Je lui dis tout ce que je regrette. Je lui dis tout ce qui me semble important en ce monde. Alors je dis son nom. Son nom. Encore et encore. À m’en déchirer la voix. À m’en priver. Parce que pouvoir dire des mots sans avoir de personne à qui les dires est un non-sens. Je m’excuse. Encore et encore. Et je l’aime. Et je m’excuse. Et je crie au monde entier ma peine tandis qu’elle s’en va. Tandis que le navire va toujours un peu plus loin. Il ne change pas de trajectoire. Il continue sa route.

Le vent se remet à souffler. Balayant mes espoirs.
Mes mots n’ont pas su porter. Et le vent s’arrête encore un instant comme pour me narguer. Comme pour mieux faire entendre un unique mot.

Pluplu…

Une voix. Timide. Chaude. Qui me coupe dans mon malheur. Qui me fait tourner la tête.

Elle est là.
Serrant une lettre entrent ses doigts.

***

Maëlys entre dans la chambre après avoir hésité à suivre Pludto. Elle aperçoit Otto et baisse la tête, honteuse. Le vice amiral s’approche et lui relève le menton.

Tu n’as pas à te jeter des pierres, jeune fille. Le mal que l’on t’a obligé à faire, ce n’est pas toi qui l’as fait.
C’est… pépé…
Oui. Et non.

Regard interrogateur.

Il a compris. Il a compris son erreur. Et il va la corriger.


Maëlys baisse les yeux, fuyants.  Ses doigts s’entremêlent.

Tu as quelque chose à dire ?
Ou… Oui…
Parle. Je ne vais pas te manger.
C’est… c’est que… je l’ai vu, avant qu’elle n’embarque.
Milly ?
Oui…
Que lui as-tu dit ?!

Il semble inquiet. Inquiet que la naïveté et la douleur d’une jeune fille puissent en blesser une autre.

Rien. Pas grand-chose. J’ai… juste…
Juste ?
Donné une lettre…
Une lettre ?
Pour lui expliquer. Tout. Pour qu’elle sache. La vérité.
Et ?
Et…
Qu’a-t-elle dit ?!
Elle a fait… ça…


Ne me dit pas que… ?
Si.
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L’espoir. Immense. Gigantesque. Si fort.

Tuez dans l’œuf.

Maëlys me lance un regard empli de pitié. Je n’arrive pas à lui répondre correctement. Je l’ai aussi fait souffrir. Et pourtant, dans son regard, je ne cherche rien d’autre qu’une confirmation. Est-elle là ? À côté d’elle ? Je ne veux pas y croire. Je ne veux pas voir la vérité. Car son regard dit la vérité. Une vérité qui frappe. Une vérité que les mots inscrivent aux fers rouges au plus profond de ma chair. C’est un mensonge. Forcément. Mais c’est mon corps qui se dit un mensonge. C’est mon âme qui se ment à elle-même. Comme beaucoup d’autres choses. Des choses qui m’ont fait souffrir. Des choses qui ont fait souffrir.

Elle est partie…

Elle ne reviendra plus…


La vérité. La seule. Elle s’abat. Elle achève. Et même si Maëlys tente de me parler. De me dire des mots que je n’entends pas. D’agiter une lettre dans sa main tremblante, je ne la vois plus. Je ne vois que le ciel couchant. Le soleil tombe comme si notre rêve s’éteignait. L’astre embrasse la mer comme j’ai pu l’embrasser. Il la consume, faisant danser les flammes sur l’eau.

C’est la fin. La fin de notre conte. La fin d’un mythe.


Elle est partie.



Elle est partie. Sans regarder en arrière. Sans me dire un mot. Et même si mon corps me crie de ne pas accepter tout ça, je me dois de respecter son choix. Un choix que je ne peux plus arrêter. Alors, je lui dis au revoir. Avec mon cœur, les yeux pointant vers l’horizon, vers ce bateau qui s’éloigne. Je lui dis au revoir avec mon âme, soufflant mon message au creux de mes mains pour que ce vent capricieux lui transmette ce mot. Je lui dis au revoir, car il y aura un revoir. Forcément. Quelque part. Le monde est vaste et, même si la vie est courte, nos chemins se recroiseront. Quelque part. Au détour d’un chemin. Parce que nos cœurs sont à jamais liés. À jamais destiné à se retrouver. Le destin nous sépare. Il nous réunira.
Jusqu’à ce jour.

C’est un au revoir. Au revoir à toi. Au revoir au monde. Au revoir à notre amour. Au revoir à la vie. Au revoir à nous.


Je ne peux m’y résoudre et pourtant je le fais. C’est comme un blocage en moi. C’est comme si je me trahissais. Que je trahissais tout. Et pourtant, je dois lui dire. Même si je chancelle. Même si je ne tiens plus debout.

Tu disais « Jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Je te réponds autrement : « Jusqu’à ce que la mort nous réunisse. »

Au revoir, Milly.

Et mes forces m’abandonnent comme si, ma tache accomplie, plus rien ne compte. Le corps tombe. Les peurs aussi. Les doutes et les souffrances. C’est le vide. C’est la chute. Dans le vide.
Et c’est des dizaines de mètres plus bas que les vagues me cueillent.

Au revoir.

C’était bien.

C’était nous.

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Elle n’était pas prête. Elle n’était pas prête à la lire.
Assise, seule, Milly reste silencieuse, presque immobile, caressant son coude avec la main opposée tandis que l’autre main repose sur son ventre.

Devant elle, la lettre de Maëlys.
Un jour elle la lira.

En espérant que sa lettre à Pludto soit lue. Et qu’il comprenne.

Lentement, elle se met à caresser son ventre.

Oui. Elle la lira. Et elle lui lira. Quand il ou elle sera assez grand.
Pour comprendre.

Au revoir.


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