Banaro, me voila !

Après son incartade avec la bande de sauvages, le pauvre chat éreinté s'était retrouvé aux prises d'un sort à peine plus enviable lorsqu'une jeune fille capricieuse s'était emparée de lui, impuissant devant cela au vu de sa condition physique du moment...

Les jours qui suivirent furent un calvaire, peigné, dorloté et parfumé, il avait du subir les horribles dînettes et autre pauses thé de la gamine. Vêtu comme une princesse, le matou avait pris un sérieux coup au moral et à son ego alors qu'il commençait tout juste à ressentir à nouveau ses pattes inférieures, vacillant dangereusement chaque fois qu'il devait se remettre debout...

Il lui fallut une semaine entière pour réussir à se sortir de cette avalanche de maquillage et d'attention mielleuse lorsqu'il retrouva pleinement ses capacités et qu'il eut la chance d'avoir sous la main l'arme parfaite...



"Piti chaaaat ! Viens là c'est l'heure de jouer !!" s'écria la petite, ce qui hérissa les poils du félin alors que ses oreilles se redressaient, en alerte.

Allongé sur le lit, et roulé en boule, Milo feignit de ne rien entendre... Du moins jusqu'à ce que les deux couettes de la peste dépassent au dessus du matelas, indiquant clairement son approche au rusé qui n’ouvrit qu'un œil en l'attendant patiemment. Pendant ce temps, ses pattes supérieures se refermaient sur l'arme du crime.


*Mouahahahahah ça va saigner !* pensa-t-il alors.

"Piti Chaaa..."

"TA GUEEEUUULE !!! MIAHAHAH ATTAQUE SURPRISE DU CHAT FOURBE !" hurla alors Milo en se redressant, stupéfiant sur place la petite qui le regarda, choquée.

"Héhéhé, désolé mais vraiment c'est pour ton bien t'as vraiment besoin qu'on te remette les idées en place !"

Tenant l'immense polochon comme une batte de baseball, un sourire carnassier sur les lèvres, le félidé pivota sur lui même, envoyant l'objet de plumes et de tissu directement dans la face de la gamine qui s'envola comme une fleur, finissant sa course dans une monstrueuse montagne de peluches.

"HOOOOMMMEEERUUUUUNNNN !"

Il se prit alors à ricaner tandis que sa tortionnaire dans les vapes peinait à se redresser... Pourtant, ses oreilles sensibles tiquèrent lorsqu'elles entendirent la maison de la jeune bourgeoise se mettre en branle après le raffut qu'il venait de faire.

Bondissant de son piédestal, Milo attrapa rapidement son manteau et son arme bien rangées dans une armoire avant de filer vers la fenêtre et s'arrêter devant le tas de jouet, s'adressant à la petite alors qu'il s'habillait.


"En tout cas, merci pour les soins c'était chouette ! Mais je peux vraiment pas continuer de supporter ça plus longtemps. Apprend à reconnaître les chats des chattes ça t'éviteras les mauvaises surprises du genre petite tête, tu m'as vraiment poussé à bout pour le coup miahahahahahah"

A cet instant, les gorilles de cette famille de fous ouvrirent la porte sans sommation, bien engoncés dans leurs smokings, lunettes de soleil bien ancrées sur leurs nez. Instantanément ils prirent en joug le pauvre Nekomata qui du bondir en arrière pour éviter les premières balles.

"Miawww ! Mais vous êtes vraiment tous cinglés ici ?!? C'était de l'auto-défense je vous jure !"

"Foutu chat parlant, qu'as tu fais à Darla-sama !? Meurs !"

Les balles filèrent et le félin se retourna aussi vite que possible prenant ses jambes à son coups et se jeta au travers de la fenêtre. Les hommes le suivirent mais lorsqu'ils pointèrent finalement leurs nez au dehors, ils ne découvrirent en définitive que les bris de verre de la vitre et plus aucune trace du contrevenant si ce n'était un ricanement lointain.

***


Assis sur son derrière, le furibond chat sabreur se délectait d'un poisson fraîchement chapardé sur le marché en lorgnant la populace en train de s'affairer sur le port depuis la gouttière sur laquelle il était perché.
Tenant le met de ses deux grandes pattes, il l'enfournait dans sa gueule comme un sandwich, mâchonnant en observant les va et viens incessant, se focalisant un peu plus sur un navire en particulier qui accaparait son attention... Jusqu'à ce que son ventre gargouille et qu'il repose ses yeux sur une étale en contre bas.

Attrapant alors une canne à pêche elle aussi empruntée non loin de là, il laissa descendre sa ligne vers ce banc de poissons visiblement prêt à mordre au premier hameçon venu. Tirant la langue bêtement sur le coté en observant son fin crochet s'approcher de la gueule d'une de ses proies, le félin attendit que le marchand se retourne pour haranguer la foule avant de subtiliser habilement son butin qui s'éleva comme une fusée vers lui.

Lâchant la canne pour la poser à ses cotés, le chat attendit que le poisson remonte à sa hauteur pour le saisir de ses deux pattes à nouveau.


"Miaw, c'est quand même vachement mieux comme pêche ! Pas d'attente et pas d'horrible liquide transparent et salé qui peut vous mouiller à tout instant !"

Il planta alors ses crocs dans la chair tendre et fine de son en-cas avant de reporter à nouveau son attention vers sa cible. Le Fracasseur de Morue... Ce nom laissait le petit animal dubitatif, mais à vrai dire, les contrebandiers n'étaient pas des gens facilement compréhensible... Du moins pour lui.

Après sa folle évasion de chez l'autre folle, le chat s'était baladé en ville sous sa forme originelle, laissant traîner ses oreilles pour récolter des informations sans que personne ne se doute de qui il était ou plutôt de ce qu'il était.
Rapidement, les conversations malheureuses des marins lui apprirent que sa situation était quelque peu précaire... Cette île semblait isolé sur Grand Line, ne faisant pas partie à proprement parler de l'une des grandes voies, elle attirait de temps à autre des Log Poses perdus et leurs équipages mais rares étaient les pirates passant par ici...

De ce fait, ce n'était encore une fois pas là qu'il trouverait ce qu'il cherchait depuis son départ de chez lui, et pour cela, il se devait de rejoindre l'une de ces grandes voies de passage...
Dans ses souvenirs, alors qu'ils jouaient aux pirates avec Miranda, cette dernière faisait sans cesse mention de Banaro, une île légendaire en raison de l'affrontement dont elle avait été témoin par le passé entre deux pirates mythiques...

Pour autant qu'il s'en souvienne, c'était là bas qu'elle souhaitait se rendre en premier pour commencer leur périple, car selon elle, c'était la plus proche de leur domicile et donc la plus facile à atteindre. Cependant, avec sa dérive et cette tempête, Milo n'avait aucune idée d'où il se trouvait exactement, et ce nom était en sorte le seul guide qu'il pouvait encore suivre, et par conséquent, il se mit en tête de trouver un navire capable de s'y rendre rapidement.

La chance lui sourit lorsqu'il passa auprès d'un bar, peu après le crépuscule, et qu'une bande de soiffards laissèrent entendre que leur cargaison pour la petite île était bientôt prête et que leur "marché" allait continuer. Leur capitaine, visiblement originaire de ce port, entretenait un commerce douteux mais florissant avec ce lieu teinté d'une histoire un peu brumeuse, et possédait donc un Eternal Pose de chacune de ces îles afin de faire son affaire en toute tranquillité.

Et ce capitaine, c'était celui du Fracasseur de Morue qui accaparait à l'heure actuel l'attention du petit chat. Il devait l'admettre, il avait une chance étonnante... Mais ne disait on pas que les chats étaient des animaux chanceux ? Ou alors porte bonheur... Enfin zut ! Il fallait bien que cela lui serve un peu tout ces stéréotypes quand même !

Terminant d'avaler la queue de son poisson dans un bruit sonore, aspirant cette dernière comme un spaghetti, le chat se tapota le ventre, enfin repu.


"Bon maintenant... Comment je vais le convaincre de m'emmener..." se questionna-t-il à haute voix en posant l'une de ses pattes sous son infime menton.

Après quelques secondes de réflexion, il leva haut ses pattes supérieures et afficha une mine heureuse avant de bondir sur ses pattes arrières et de s'élancer, sautant du toit avant de se perdre dans la foule.


***

"Aller bougez moi tout ces foutus barils, on doit lever l'ancre dans moins d'une heure si on veut éviter la tempête et devoir décaler notre départ de plusieurs jours. Et croyez moi vous ne voudriez pas que cela arrive, parce que le frics que vous me ferez perdre je l'enlèverais de vos soldes sur le champs !" invectiva le Capitaine Fracasse en direction de ses hommes en plein chargement du Fracasseur de Morue.

Depuis le pont supérieur, il gérait l'organisation du chargement de sa cargaison pour Banaro avec un regard inquisiteur et ne laissait pas passer la moindre petite anomalie. La suspicion et la méticulosité étaient deux choses essentielles pour un contrebandier qui voulait rester libre...



"Et bah... Vous y allez pas molo molo avec vos jojos..." s'exclama une voix non loin de lui sur sa droite.

Lorsqu'il tourna son regard vers le bastingage il n'y trouva que du vide, avant que la voix ne se fasse à nouveau entendre sur sa gauche, au niveau du gouvernail.


"En tout cas ça a pas l'air rigolo de voyager avec vous, youhouhouuuuu"

Cette fois ci, ses yeux se fixèrent sur une tache orangée qui agrippait à la barre, commençant à tournoyer comme un gamin sur un manège. Il ne prit pas longtemps avant de saisir fermement l'un des barreau de cette dernière stoppant nette la course du malandrin et l'envoyant valser dans les airs avant que celui ci ne se rétablisse sur ses pattes.

"Hey c'est pas sympa je commençais à m'amuser !"

"T'es qui..." il plissa les yeux, pas vraiment sur de ce qu'il voyait "Enfin plutôt, t'es quoi toi ?"

Le chat dévoila alors ses canines avant de se courber en deux, effectuant une légère révérence devant l'homme rustre.

"On me nomme Milo et... Je suis un chat !"

"Ce monde est complètement dingue..." lâcha le Capitaine avant d'effectuer un magnifique "facepalm" "Et en plus je hais les sacs à puce ! Dégage de mon navire sur le champs !"

"Hey non mais non attendez je vous ai même pas encore dema..."

"Hors de ma vue !" gronda l'homme avant de se retourner pour ne plus voir le poil noir et blanc du petit félin.

Après quelques instants de silence et accoudé à la barre, le Fracasse se laissa aller à un soupir de soulagement, n'entendant plus le moindre bruit et heureux que ce petit... Enfin ce truc ce soit enfin carapater.


"Emmenez moi à Banaro !" s'écria alors Milo en bondissant à hauteur de ses yeux, apparaissant alors dans son champs de vision... Et il continua.

"Emmenez moi à Banaro !"

"C'est pas vrai... NON JE NE VEUX RIEN A VOIR A FAIRE AVEC TOI !"

"Emmenez moi à Banaro !" continua le matou avec une certaine espièglerie.

"NON !"


"Banaro !"

"NON !"

"Banaro !"

"NON !"

"Banaro !"

"NON !"

"Je dois partir alors !"

"NON ! ... EUH JE VOULAIS DIRE OUI !"

"Chouette je reste dans ce cas !"

"Rahh tu m'insupportes !" hurla l'homme en se saisissant du cou de la bête, visiblement à bout.

Prit dans un étau fort peu agréable, Milo ressentait la prise de son tortionnaire se resserrer peu à peu autour de la frêle jonction joignant sa tête et son corps.
Dans un ultime moment de lucidité, il estima qu'il était temps d'user de sa meilleure arme...

Spoiler:

La pupille de son unique oeil visible devint alors toute ronde, et le Nekomata afficha une mine tristounette tout en se mettant à ronronner doucement... Une arme infaillible je vous l'assure !

Un instant le Capitaine lui jeta un regard dédaigneux avant que sa prise ne se desserre et qu'il commence à montrer des signes de faiblesses son visage se montrant moins agressif... Finalement, ce qui l'acheva fût l'arrivée de trois de ses sbires dans son dos qui lorgnèrent la petite bête chétive par dessus son épaule.

"Oh Cap'taine il est trop chou ! On l'adopte !"

"Nan mais vous voyez bien que..."

"Allez soyez pas sans cœur Capitaine, regardez cette bouille on peut rien refuser à ca !"

"J'entends bien, mais c'est que..."


En entendant les arguments des nouveaux arrivant, Milo acquiesçait doucement de la tête sans quitter son expression si craquante.

"Soyez pas vache, ce p'tiot a juste l'air de vouloir voyager... Et puis c'est un chat ça porte bonheur et il est marrant à parler j'en avais jamais vu des comme ça !"

"Bon bon... Mais je vous jure que s'il met en péril notre gagne pain je vous lance tous dans Calm Belt !" termina le Capitaine Fracasse sans trop de conviction tant il sentait beaucoup moins acerbe après ce tour de passe passe.

Il relâcha finalement Milo qui se réceptionna avec agilité sur le sol lorgnant les trois nouveaux.


"Mais regardez le, il dira rien sur nous de toute manière qui croirait un chat ? Pas vrai ?"

"Motus et bouche cousue, c'est juré !" déclara le Nekomata en ajoutant le geste à la parole "Enfin même si tout le monde sait déjà que vous êtes des contrebandiers hein... C'est pas comme si c'était le secret le mieux gardé du monde !"

"QUOI !?!" s'exclamèrent à l'unisson les hommes en regardant le matou avec les yeux exorbités.

"Bin je pensais que vous le saviez... Après tout personne ne vous embête ici donc vous avez pas vraiment à vous en faire..."

"Des années à travailler notre secret pour qu'il soit ainsi dévoilé ! Quels piètres menteurs nous faisons..."

"Qu'allons nous devenir ?!"

"Bin je vous l'ai dis, vous continuez pareil tout le monde s'en fout en fait..."

"MAIS NON C'EST L'ESSENCE MÊME DU CONTREBANDIER ! Nous sommes sensés être louche et intriguer pour ne pas nous faire connaitre !"


"Mais si personne vous gêne où est le problème ?"

"L'honneur du contrebandier ! Il ne faut pas !"

"Ah ouiiii, ça parait tout de suite plus logique maintenant..." répondit Milo en se grattant la joue, peu convaincu.

Le Capitaine rappela finalement ses hommes à l'ordre d'une gueulante bien sentie.

"Allons bon ! On changera de port d'attache alors ! Ce n'est pas bien grave en définitive, une couverture de perdue, dix de retrouvées ! Tous à vos poste on doit filer pour Banaro et ne plus jamais remettre les pieds ici avant que la Marine ne nous tombe dessus !"

"Nan mais en fait y a même pas de contingent de la Marine ici, vous vous en foutez vraiment hein !" tenta de les raisonner Milo sans grande conviction.

"Non Milo-kun ! C'est prendre bien trop de risque ! Mais je te remercie de nous avoir prévenu, au final je n'aime pas te voir avec tes poils pleins puce et tes moustaches si peu normales mais tu nous as rendu une fière chandèle alors prépare toi, nous filons vers Banaro."

"Hey mais j'ai pas de puces ! Et puis c'est normal que j'ai des poils et des moustaches je suis un chat !"

L'homme frissonna alors, le regardant en biais.

"Ne me le rappelle pas trop, à chaque fois je manque de m'évanouir..." termina l'homme avant de prendre la barre tandis que ses comparses laissaient tomber les voiles.

Soupirant fortement, le chat s'en retourna et alla rejoindre le pont principal où s'affairaient les hommes du Fracasseur de Morue.
S'accoudant au bastingage, le félin lorgna un instant la mer bleu qui s'étendait devant lui, frémissant légèrement à sa vue.

"J'aurais du me douter qu'ils étaient débile avec un nom de bateau pareil..."