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L'ombre du rapace.


Ils n'ont rien vu venir. Après-midi sombre sur Manshon, des nuages grisâtres, une atmosphère humide, un léger crachin tombant sur la ville, rien pour faire sortir les clients. Par les vitrines de sa boutique, l'antiquaire n'aperçoit que quelques passants pressés qui, parapluie à la main, marchent tête basse. Bedonnant, l'homme lisse sa moustache en jetant un œil vers l'arrière boutique, par la porte juste derrière son comptoir, ils ont presque terminé. Il referme la porte. Au même moment, les deux cent pendules accrochées aux murs s'égosillent de concert pour fêter, dans une harmonie de sonneries diverses, un nouveau quart d'heure. Ils n'ont rien vu venir. Son acolyte, un jeune frisé, le teint cireux, la barbe bien rasée, classe les objets sur les étagères du magasin. À l'extérieur, quatre silhouettes passent devant la vitrine.

Ils n'ont rien vu venir.

La porte s'ouvre avec fracas , faisant pratiquement sauter les gonds. L'un époussetait les vitrines de la boutique, l'autre se tenait au comptoir. Ils n'ont rien vu venir. Quatre soldats qui fondent dans la pièce, les deux hommes n'ont à peine le temps de sursauter qu'ils sont sur eux. Celui à la vitrine est jeté contre le sol, sa pommette heurte le plancher de céramique alors qu'il braille avec protestation, son bras est tordu dans son dos, un genou est planté entre ses omoplates. Ils les ont eu. Et il n'ont rien vu venir.

Tu bouges plus mon gars !



Il porte l'uniforme de la Marine, le soldat qui écrase le nettoyeur contre le sol. Des yeux bleus perçants, un nez légèrement retroussé, un sourire en coin et une longue tignasse brune bardée de dreadlocks complète le portrait du jeune matelot. Sur la manche de son uniforme, un galon. Matelot d'Élite. Will Clarke, la vingtaine, fougueux et rêveur, maintient sa cible contre le plancher froid, le sommant de garder le silence. Le tenancier, lui, a bien moins de chance. Un rouquin s'avance vers lui, l'air hargneux, les cheveux en bataille et une affreuse cicatrice barrant son visage. C'est le Sergent d'Élite Blake Daniels, un ratoureux soldat qui grogne en sautant par-dessus le comptoir pour se jeter sur l'antiquaire, lui assénant un violent coup de poing au visage. Le tenancier cri, demande pitié alors que le rouquin lui coupe le souffle d'un genou en plein dans l'estomac.

Clarke, tu me sors ce mec à l'extérieur et tu l'alignes contre le mur ! lance-t-il au premier soldat.
Bien reçu Sergent ! répond-il avant de relever l'homme qu'il maîtrisait pour l'escorter vers la porte complètement fichue.

L'antiquaire, lui, profite de ce moment de répit pour dégainer un revolver qu'il braque vers le rouquin. Trop tard, une nouvelle ombre enjambe le comptoir pour violemment le tackler contre le mur. Un soldat, particulièrement grand et mince, un regard d'acier acéré, costume impeccable, plaque le pauvre tenancier contre le mur, sans dire un mot.

Bien joué Morneplume !
C'est un plaisir, Sergent.




Répond simplement le froid soldat en immobilisant sa proie d'un bon coup de coude. Étourdi et effrayé, le vendeur a le souffle coupé lorsque Edwin lui appui son avant-bras contre la trachée. Rapide et efficace. Raide et violent. Le Caporal Edwin Morneplume, 45 ans. Daniels, lui se tourne vers la porte de l'arrière boutique en faisant signe au dernier membre du quatuor de le suivre.

Hadzi, ça va être à toi !
Bien reçu Sergent .

Cette porte là s'écroule lorsque la botte du caporal Jäak la jette contre terre. L'arrière boutique, une salle d'inventaire donnant sur la ruelle, où six hommes tout à fait génériques entassent des caisses dans une charrette. Comme un seul homme, ils font tous volte-face et lâchent leurs caisses lorsque deux pistolets sont pointés vers eux. Un troisième s'ajoute. Daniels, Morneplume et Hadzi.

Qu'est-ce que t'as fait du tenancier, Morneplume ?
Je l'ai mis hors d'état de nuire, Sergent.
Parfait ça. Eh bien messieurs, vous êtes tous en état d'arrestation !

L'escouade du Sergent Blake Daniels, le rouquin teigneux de North Blue. Un quatuor s'attaquant aux cartels de la contrebande de l'océan du Nord, et leur enquête les a mené sur Manshon, où ils espèrent bien  remonter le dernier filon de leur longue traque, un dealer de marchandises non-déclarées, mais aussi de substances rendues illégales par le Gouvernement ; la Chouette.


Dernière édition par Edwin Morneplume le Ven 19 Déc 2014 - 4:07, édité 1 fois
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Et maintenant, ils ne leur restaient plus rien. Ils étaient prisonniers d’une geôle qu’ils avaient construites eux-mêmes. Ils la sentaient, l’horreur de l’aura que nous dégagions, ses mouvements et l’ampleur qu’elle prenait. Des semaines passées à les traquer, nous étions las. Une fois la ligne d’arrivée en vue, il y a comme un félin qui s’agite en nous. Adrénaline ou lassitude ? Rien… Rien, plus rien. Ce n’était pas seulement le calibre de l’arme qui s’agitait devant eux, mais des regards encore plus menaçants. Et ceux-ci hurlaient que c’était leur fin. Ils n’avaient rien vu venir.

Des trucs à dire ? C’est le moment.

C’était tout le Paradis qui passait. Et même Dieu. Le silence était tellement lourd que j’en avais des sueurs froides. Cependant mes collègues n’avaient pas ma patience et je savais que ça pouvait se terminer en bain de sang rapidement si je ne parvenais pas à les faire parler.

Bon… Disons que si je fais exploser une des caisses et que je trouve un quelconque machin que aucun de mes amis ici n’a envie de voir, c’est votre tête que je fais exploser.

Je me rapprochais, méthodiquement, de l’homme qui semblait être celui qui avait le plus à perdre. Une famille, des enfants, de l’argent, la fierté de sa mère folle ? Il me regardait comme si j’étais vêtu d’une cape noire et armé d’une faux. La goutte aux tempes et les yeux hagards d’un adepte de l’opium. Une respiration, deux, enfin trois, et j’avais mon rifle, chargé, qui frôlait son crâne.

Tu ne me crois pas capable de le faire ?

C’étaient maintenant deux globes affreusement écarquillés qui me fixaient. Ses cheveux étaient encore mouillés, et quelques mèches tombaient sur une partie de son visage… Ils avaient rapportés la cargaison… récemment.

O-okay… Mais nous, on s’occupe juste du chargement et du voyage… Ils auraient dû passer le récupérer da-

PAN

Coup de pétard ! Ma tête, comme toutes les autres, pivotaient au derrière. Daniels avait ouvert le feu ! Et avait tué un des h-

SCHPLAF

Un coup de planche dans la tête, je percutais le sol du front, et l’homme surchargeait quasi-immédiatement de son poing droit. Il fallait qu’un de ses coups atteignent ma mâchoire pour que je m’aperçoive qu’il était loin d’être faible. Mais j’en avais vu d’autres. Pas le temps de riposter qu’une balle venait lui transpercer la tête. Edwin. Il parait que lui aussi, il avait vu pire.
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Daniels tire, et c'est un signal de départ pour Morneplume. Il n'attend rien de mieux, rien de plus simple, que de pouvoir appliquer la Justice face à ces contrebandiers qui, surpris, grognent et dégainent des revolvers. S'il pouvait jubiler, Edwin le ferait probablement, sentant en lui affluer cette vague de bien-être typique de l'homme qui sait qu'il fait son juste devoir. Il est juste envers les Injustes, Morneplume. Il sait comment amadouer la Justice, sa capricieuse maîtresse, en lui faisant un présent exquis. Et ce présent, il consiste en les âmes de ces idiots qui n'ont pas suivit le droit chemin. Quatre flingues se braquent vers Daniels et Morneplume, mais déjà, le Caporal est sur eux.

Déjà deux mois qu'ils traquent cette bande. Deux mois d'une traque incessante à travers North Blue en compagnie des autres membres de l'escouade Daniels. Il s'est trouvé agréablement surpris, Morneplume, en rencontrant son supérieur. Un jeunot, certes, mais aussi un fougueux soldat, prêt à tout pour accomplir la mission. Loin d'être un laxiste, contrairement au Soldat Will Clark, Daniels s'est avéré un leader hors pair, respecté par tous. Et puis, il y avait Jäak. Un homme presque de son âge, à une quinzaine d'années près, mais surtout un soldat exemplaire. Expérimenté, fiable, un élément clé du quatuor que Edwin a appris à apprécier silencieusement, au point de parfois le tutoyer. Chose à laquelle il ne s'est toujours pas laissé aller envers le petit Will Clarke, un jeunot rêveur, parfois trop joyeux et optimiste. Qualités non-nécessaires chez un instrument de la Justice, selon Morneplume.

Pourquoi vous avez tiré, Sergent …
Il allait tirer son arme, ce connard. réplique Daniels en s'approchant, le canon de son mousquet toujours fumant. Bien réagi, d'ailleurs, Morneplume.
Je vous remercie, Sergent Daniels. répond Edwin en ajustant ses gants immaculés, trois des six contrebandiers gisant autour de lui, comateux, voire morts.
Bon … Et si on jetait au moins un œil à ces caisses ?
On s'doute très bien de c'qu'y a à l'intérieur non ?

Clarke apparaît depuis l'intérieur de la boutique, les mains dans les poches, l'air morose. Ce n'est pas faux, Hadzi a mis le doigt dessus tout à l'heure en interrogeant les trafiquants. Narcotrafiquants, même, constate-t-il néanmoins en vidant une caisse d'un coup de pied. Edwin soupire, braquant son regard polaire sur Clarke, une pointe de réprobation sur le visage.

Soldat Clarke, ne deviez-vous pas vous occuper des deux hommes à l'intérieur ?
Ouais, ouais, j'ai menotté le premier au bâtiment et l'autre va probablement pas se réveiller avant une bonne demi-heure. Pas de chance qu'il file ! Héhé !
J'appelle le QG, on va faire saisir toute cette merde. On rentre Sergent ?
Ouais, on rentre les gars.




QG de Manshon, plus tard le même jour.


Ils sont les quatre dans un bureau spacieux. Quatre fauteuils en cuir noir répartis en demi-cercle face à une seule chaise. Assis, Morneplume consume silencieusement une cigarette en attendant patiemment. Clarke, lui, consulte avec curiosité une bibliothèque dans le coin de la pièce. Atmosphère enfumée et tamisée, même la lumière émanant de la fenêtre à laquelle Jäak se tient est absorbée par le nuage omniprésent dans la pièce. Une cigarette en bouche, Daniels fait mine de relire un document, assis à une table derrière les fauteuils. Edwin sait très bien qu'il ne lit pas, il ne lit jamais, c'est plutôt son travail à lui que de gérer la bureaucratie de l'enquête. Et il le fait avec délice, lorsqu'il est question de coucher sur papier les exploits qu'il accompli au nom de sa douce.  

Il écrase sa cigarette dans le cendrier sur l'appui-coude de son fauteuil. Il a assez attendu.

Sergent Daniels. Je vais le faire entrer.
Hmm.

Il prend le son pour un accord, se lève de son fauteuil, contourne la chaise qui y trône au centre du demi cercle et fait entrer l'antiquaire. Il est menotté et bâillonné, l'air haineux et retord. Sans prévenir Edwin pose sa longue main calleuse sur son épaule. Il gémit lorsque les doigts du Caporal s'enfonce dans ses muscles pour le faire ployer sur la chaise.

Prenez place messieurs, nous allons faire progresser un peu cette enquête.
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Et même à cette époque, je voyais des ombres. Elles rongeaient ma vision au fur et à mesure que le temps passait. Et je n'étais pas d'accord avec ceux qui se faisaient érudits en rapportant qu'à chaque jour suffisait sa peine. Demain est le voisin d'aujourd'hui. Fais un pas... et c'est son gazon que frôle ta botte. Aussi, je n'accordais pas au couleur une signification précise et inconsciente comme le faisait si bien le bon monde. Mes pensées étaient claires. Aveuglantes, même. Et ça me semblait être la pire des choses qu'il soit. Alors, quand dans ma tête résonnait cette pensée "Surveille tes arrières en regardant au devant", je frissonnais quand Edwin nous appelait.

Sa voix m'était aussi agréable qu'un crochet à l'arcade, et elle éclatait, pas le coin de mes sourcils, mais les bulles de songes anti-philosophiques du bric-à-brac qu'était mon cerveau. Et peu à peu, je redevenais Jäak, redoutable trentenaire et caporal d'élite. Quel parcours !

Je m'asseyais juste devant le bâillonné. Sa gueule avait bien changé et pourtant, il ne s'était même pas écoulé dix heures. Les gars de Manshon était habitué au muet, avec la mafia qui contrôlait presque tout, c'était difficile de faire parler les mouchards. Et celui-là, s'il avait été embauché par les Tempiesta, pour sûr que l'affaire était finie.

On lui enlevait le sparadrap qu'il avait sur la bouche. C'était tout le Paradis qui passait, pas seulement un ange. D'ailleurs, Dieu prenait son temps et se foutait bien de notre gueule en détaillant le faciès de l'antiquaire en murmurant "bon courage". Et il repartait. La pièce était froide et vide. Une odeur de tabac froid flottait dans l'air et me piquait le nez. J'éternuais.

Bon, Daniels, t'as p'têt un truc à dire, toi qu'es si mal-...

Fais pas chier Hadz' ! Si j'avais pas buté l'autre, tu serais froid !

Ah ça, j'demande à voir ! J'ai la tête dure, sal-

Bwahahah, ah ça c'est pro les mecs. Là à s'prendre la tête pour de la daube. Relax, prenez exemple sur Morneplume. Lui l'est calme, et pis il fait son taf quand il faut !

Teh.

Daniels me dévisageait, les sourcils froncés avant de se retourner vers l'antiquaire et de frapper son poing contre la table. Si fort qu'on l'a entendu résonné.

La mort se trouve au bout de mon poing. Tu comprends pas ? J'vais être clair et concis. On a passé un putain d'mois à passer North Blue au peigne fin pour finalement remonté ici. C'est ici que se cache ce putain de dealer, de chef, de trou du cul, appelle le comme tu veux et toi tu te serres de ta boutique pour couvrir sa came ! Alors tu vas nous dires gentiment pour qui est-ce que tu bosses ou tu vas vite fait comprendre ce que je voulais dire quand j'te disais qu'la mort se trouvait ici !

Et il retape. Convaincant. Mais l'antiquaire est tenace et ne dit rien. Rien du tout. Je soupire tandis que Morneplume se lève. Tout le monde se tait, en effet, l'homme est imposant, presque une tête de plus que nous tous. Deux quand il met son chapeau. Il commence lentement à tourner autour de table en fixant le témoin de ses deux yeux.

Il était une fois un antiquaire qui vivait et travaillait à Manshon. L'homme n'avait pas à se plaindre de sa situation, c'était un père de famille admirable et les affaires allaient bien. A Manshon pour survivre il suffit simplement de ne pas s'attirer les foudres de la Mafia car c'est elle, la véritable Justice en ces lieux. N'est-ce pas ? Il est arrivé qu'elle extermine bien des familles, c'est vrai, mais c'est le sort qu'elle réserve à ceux qui marchent sur ses plates bandes... A ceux qui ne coopèrent pas. Souvent, les hommes du QG de Manshon sont amenés à travailler avec elle. C'est normal, elle possède un moyen de pression que la Marine ne pourra jamais avoir : tuer, exterminer, démembrer, empailler. Femmes et enfants. Ahem, bien ! Sinon, un commerce florissant que cette substance qu'est la Chouette, non ?

On avait vu le visage du bonhomme se décomposer en direct. Morneplume ne plaisantait pas quand il parlait de faire avancer l'enquête. Et surprise, premier son qui sortait de la bouche de l'antiquaire depuis un bout...
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Sa langue se délit, à ce vieil antiquaire véreux. Elle se délit comme un serpent qui, ramassé sur lui-même, se jette sur une proie. Plus vite que ne l’aurait cru le bleu, plus facilement que ne l’aurait prévu Jäak, à merveille, comme le voulait Daniels. D’ailleurs, le regard de ce dernier s’illumine d’une lueur mauvaise lorsque le vieux tenancier gémit et supplie Morneplume de ne pas en ajouter. Le caporal Edwin, lui, affiche une moue satisfaite tandis que ses longs doigts osseux se retirent progressivement de l’épaule broyée du vieil homme qui croirait s’être fait empoigner par la Faucheuse elle-même, plutôt que par le quadragénaire au regard froid. La simple idée de sentir le piège à ours fait de chair libérer son épaule lui enlève déjà quelques tonnes, à l’antiquaire. L’homme est faible, Morneplume le sait, et il exploite à merveille cette faille universelle chez chacun de ceux qu’il croise. Il va parler, ce pauvre contrebandier réduit à l’état d’animal battu. À la droite de Daniels, le bleu a la pitié du Seigneur au creux des globes, Hadzi, lui, s’efforce de ne pas grogner.

Nous sommes toute ouïes, monsieur. Sa voix comme un poignard. Un poignard qu’on racle sur une ardoise.  

L… La… La Chouette ! On l’appelle comme ça parce que tous ceux qui en prennent deviennent les yeux comme des billes ! Pas des p’tites hein ! Des grosses billes ! Comme une chouette en p… pleine nuit… Y disent aussi que ça t’fait comme un oiseau, tu t’sens t’envoler, et pis tu vois mieux les choses… et t’en veux plus, toujours plus, tu veux r’dev’nir l’zozio qu’t’a été l’temps d’une nuit…

Évitez moi des discours que nous connaissons tous déjà, mon cher. Vous n’avez pas l’air de comprendre à qui vous avez à faire. L’escadron Daniels est la meilleure équipe de lutte aux stupéfiants de North Blue. Nous savons tous déjà quels sont les effets de cet opium dernier cri. Ce que nous apprécierions apprendre, en revanche, serait la position et le nom de la personne qui vous fait trafiquer de telles quantités de Chouette.


Ça avait été relevé quelques mois plus tôt par le QG. Une nouvelle substance saisie par les autorités locales à une petite-frappe de Inu Town, un sachet, à peine, d’un composé chimique inconnu. Rien de plus illicite, une fois qu’on en découvre les effets et la dangereuse chance d’addiction à la substance. Quoi de plus anormal que de découvrir une dizaine de cas semblables déclarés çà-et-là à travers l’océan du Nord. Une simple coïncidence, peut-être, mais peut-être aussi le premier indice d’une longue liste de petits et gros dealers formant un considérable réseau de trafic de narcotiques pouvant toujours être tué dans l’œuf avant qu’il ne prenne une ampleur trop importante. On avait dès lors sollicité le Sergent Daniels, étoile montante des environs, mais aussi d’autres coriaces éléments de l’Élite afin de stopper l’affaire le plus rapidement possible. Morneplume s’est fait un plaisir de consigner chaque témoignage, chaque aveux, chaque sous-entendu, chaque information, chaque mensonge et chaque vérité, dans l’optique de monter le dossier le plus solide face à l’affaire Chouette. Les effets de la drogue n’ont aucun secret pour lui, nombreuses ont été les fois où lui et l’escadron ont arrêté des épaves amorphes prisonnières de ses pouvoirs.

Y … Y… Y m’donne jamais son nom ! Il utilise toujours un pseudo, Le Sage, qu’il s’appelle, ouais, Le Sage ! J’sais même pas s’il est affilié aux familles ! J’l’ai jamais vu non plus, c’est toujours ses mecs à lui que j’rencontre ! J’vais dans un entrepôt désaffecté du nord d’la ville, et ils m’attendent avec une charrette pleine ! Faut juste que j’entrepose le truc le… le temps qu’ça brouille les pistes, ou qu’les contrebandiers fassent passer ça outremer. Ça prend jusqu’à une s’maine, des fois. Mais là, les contrebandiers… les z’avez tous flingué…
Le Sage …

Daniels murmure cela avec un air retord. Ce n’est pas la première fois que l’équipe tombe sur ce nom. Il s’allume une nouvelle cigarette, Morneplume, en digérant l’information d’une mine impassible. Ils sont si proches. Si proches d’enfin mettre la main sur ce Sage qui leur échappe depuis deux mois déjà, perché au sommet de la pyramide de son réseau si minutieusement construit.

Lui avez-vous déjà parlé ? Au Sage, j’veux dire.
Tss …
O… Oui, une fois, par Den Den. Il m’a embarqué dans sa combine parce que j’étais endetté dans l’temps. J’ai jamais su comment il l’a appris, mais c’est comme ça qu’il m’a abordé. « Tu veux r’filer d’la came pour pas t’faire zigouiller par les familles ? J’ai c’qui t’faut. » J’ai une fille vous savez, une fille ! Si elle savait, si elle savait… Je veux simplement qu’elle vive bien, vous comprenez ? Je veux juste qu’elle ne manque de rien, que toujours elle garde le sourire… Mais c’est difficile avec les familles qui vous mettent à la rue si vous payez pas vos taxes !
Je crois que ce sera tout pour aujourd’hui, merci de votre participation.

J’vous raccompagne.

Daniels reste assit, sans un bruit, les mains jointes, la tête appuyée sur ses jointures. Edwin lui-même ne saurait dire si, à l’instant, le rouquin balafré est en pleine réflexion ou dans une profonde colère. La porte se ferme derrière l’antiquaire, Jäak, l’air ailleurs, la referme et s’y appuie un moment, n’osant se retourner vers le reste du quatuor. Morneplume reste bien droit, debout face à son supérieur, tirant machinalement sur sa cigarette, faute de mieux à faire. Dans sa tête tourbillonne sans arrêt les milles façons de poursuivre la chasse. Les innombrables moyens de s’insérer dans le cercle secret du Sage, de remonter un peu plus cette chaîne dont les maillons se font de moins en moins nombreux.

On va pas débarquer dans l’entrepôt dont l’vieux a parlé pour tout casser quand même ? Ils vont être plus prudents s’ils apprennent qu’on a buté les contrebandiers…
Oh, cessez donc de faire preuve d’impertinence. Bien sûr qu’on ne va pas s’y prendre aussi violemment. Il faut être plus délicat.
On pourrait les filer. Juste intercepter une de leur réunion, là-bas, et en suivre un ou deux pour comprendre comment ils se procurent la Chouette, et peut-être même que ça peut nous mener directement au Sage.

Silence. Le trio se tourne vers Daniels qui relève la tête, une flamme dans les yeux. À l’extérieur, il pleut toujours.

Bon plan, Hadzi. On va faire comme ça.

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Vous vous en êtes rendus compte au même moment, alors ?
Oui.
Quand ?
Au début.

***

Il neigeait sur Manshon. Nous étions tous en position, les dockers s'activaient sur le port clandestin. il n'était pas tous liés à la Chouette, pour la plupart c'était des employés des familles mafieuses contre lesquels on ne pouvait rien faire tant leur influence dépassait la nôtre sur le caillou. De mon côté, je guettais le faciès, stress ou tics, avec un peu de chance un des transporteurs pouvaient présenter les effets de la Chouette et ce serait plus simple pour nous de le filer. Sauf qu'ils avaient tous l'air d'être parfaitement professionnels et le froid rongeait vraiment ma concentration.

Il y avait quelque chose qui me dérangeait... depuis le début. Pas toi, Morneplume ?

Je regardais mon souffle blanc congeler ma peau, les flocons s'étaient établis sur ma barbe me donnant un look de père noël plutôt que d'agent d'élite en mission. Mais je guettais les allées et venus, les transactions, les rires. Ceux qui recevaient étaient tous différents. Jamais le même homme. Ainsi, on ne pouvait pas remonter sur eux à moins de les suivre vingt cinq heures sur vingt quatre. Des gens à usage unique qu'on payait et qu'on ne revoyait plus jamais.

Pour ceux qui venaient, ce n'était pas la même chose. On sentait l'expérience dans leur visage et dans leur bras. Ils savaient ce qu'ils faisaient, peut-être pas pour qui, mais pour quoi, si. L'argent. L'argent et l'argent. Rien que ça. Mais dans le tas, il y en avait toujours un qui était sujet à faire des erreurs. Une recrue, quelqu'un de faible, un jeune faiblard. Celui-là, je le regardais. Intensément.

Ses yeux étaient grands ouverts. Sa tête pivotait brusquement, et pour rien, à la manière d'un hibou. Il en avait pris...

Je fis signe à Morneplume que j'avais quelque chose.

Et je continuais de regarder le petit. J'identifiais les personnes à qui il parlait, ce qu'il faisait, combien de boites il déchargeait. J'allumais mon denden.

Gros déchargement... Mais faut rester concentrer sur la filature. Quand on saura où se trouve la réunion, faudra que l'un de nous appelle les renforts pour aller enfermer tout ce beau monde.
Roger.
Ouep !
Du mouvement sur la sortie Est... Oh. Regardez !

Et merde... grosses cages, on les connaissait. Et on y foutait ni des animaux, ni des esclaves de bases. A tous les coups, la Mafia avait encore réussi à récupérer un gros stock d'homme-poissons... Et de sirènes. Sur les blues, c'est rare. Très. Et les plus vieux des dockers en profitent. Pas forcément de la meilleure des façons.

On fait quoi pour ça !?
On peut pas s'en occuper, à tous les coups, c'est une commande des familles. On peut rien faire, on doit rester concentrer sur la mission.
Vous êtes sérieux !? Elles vont se faire violer !
Clarke, restez en position. Vous allez nous faire repérer !
On peut pas tolérer ça bordel !
Rah, la Chouette bouge ! On doit les filer ! Clarke, reste en position !
Pas moyen !
Daniels, t'es le plus près de Clarke, fais quelque chose ? ... Daniels ?

...

Morneplume, vas-y ! Je me charge de les filer. Tu nous rejoins après... Fais vite.
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Petit idiot empoté…! Compte sur moi Jäak.

Il quitte la ruelle de laquelle il surveillait la sortie Est du dépôt. Il s'engage sur les docks en courant à toute vitesse, tout en engouffrant à la hâte son den den sous son long trench-coat sombre. Déjà loin devant lui, Will Clarke a quitté sa position et dévore la distance le séparant des dockers qui, à l'ombre d'une bâtisse, tirent une sirène enchaînée de sa cage. Il a la hargne dans les yeux, la haine au ventre, devine Morneplume qui retient son chapeau de s'envoler alors qu'il manque héler le Matelot d'Élite pour l'empêcher d'agir. Il va bousiller leur position, il va foutre deux mois de traque en l'air. Inadmissible. La nuit est tombée sur Manshon depuis une heure déjà, avec la neige s'accumulant sur le macadam, laissant une cité à l'image du regard d'Edwin, glaciale, de quoi transir les membres de l'escouade Daniels jusqu'aux os. Même Morneplume qui ne sent déjà plus ses mains et dont le haut-de-forme est couvert de flocons.

Il n'a toujours pas compris où s'était envolé le rouquin d'ailleurs, soudainement disparu des radars au moment le plus crucial. Si quelque chose lui était arrivé, le sort de l'opération ne s'en trouverait que jeté de plus belle. Alea jacta est, Edwin Morneplume. Oh, ça jamais.

Clarke ! Stop !

Lance-t-il au Matelot qui jette distraitement son regard océan vers Morneplume avant de foncer directement vers les dockers. Ils sont sept, il est seul.

Lâchez-la bande de dégueulasses !

Haletant, il percute de plein fouet le premier, le jetant à terre d'un coup d'épaule de buffle. Un deuxième se fait fracasser la mâchoire quand les jointures de Clarke s'y impriment, puis celui qui tenait la sirène gémissante par le poignet et fauché aux tibias, s'écrasant sous le balayage de jambe du petit idéaliste teigneux. L'instant d'après, alors que Morneplume arrive enfin à leur hauteur, ce sont quatre revolvers qui se braquent sur le rictus haineux de Will Clarke.

Clarke, espèce d'imbécile ignorant… grogne-t-il en tirant son six-coups pour mettre en joue l'un des brigands au hasard, une vague de fumée s'échappant de sa bouche à chaque expiration.

Au sol, la sirène ne cesse de geindre, terrorisée par cette situation qui la dépasse. Les criminels, tous de gros hommes bourrus aux visages grotesques, grimacent en voyant les leurs, au sol, se relever péniblement.

Merde… la Marine… Faut les buter et se tirer les gars !
Sachez que si l'un de vous ose tirer, je descend la sirène et m'assure qu'aucun d'entre vous ne rentre chez lui vivant.
Oh putain… Edwin Morneplume ? Les gars, c'est l'escadron Daniels ! On va se débarrasser de l'escadron Daniels, héhé !
Ne commettez pas cette erreur messieurs…

Morneplume… je suis désolé.


***


Il a dit qu'il était désolé ?
Oui.
Et vous pensez que c'était sincère ?
Oui.

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Rien, simplement le bruit de branches qui ont du mal à craquer. Elles sont molles.  La poudre blanche s'abat à la manière d'une épidémie sur Manshon, rapide et dévastatrice, elle recouvre le sol et les bâtiments de sa poussière. Condition idéale quand on sait qu'on doit être discret, moins quand on est à la recherche d'un agent peut-être en danger. Mais je devais poursuivre la mission sans me soucier de Daniels. Les contrebandiers n'avaient pas des tonnes de caisse d'un produit illicite entre les mains, dans leur pas, leur geste, c'était l'aboutissement d'une traque qui commençait à s'éterniser.

L'escouade Daniels, hein. Réputée dans le milieu pour notre efficacité, les opérations duraient pas plus de deux semaines. Il suffisait qu'on foute un pied dans la salle d'interrogatoire pour que le type qu'avait pas lâché un mot aux soldats de la régulière ouvre la bouche. Des informateurs à foison, des planques, des tuyaux, on avait tout. Mais pour cette affaire, on séchait. J'avais une explication, elle était plausible. Mais c'était pas la bonne. Et mes nerfs commençaient à s'échauffer.

Le vent agressait ma peau, et le temps me faisait plisser les yeux. Devant, deux types. Très certainement  bien armés parce que leur gabarit leur permettait pas de résister à un gosse en pleur qui veut une glace. J'appelais encore le denden de Daniels. Toujours sans réponse... Je continuerai. Sur le chemin et à bonne distance, je laissais une trace des fois que Morneplume arrive à temps.

Pas d’entrepôts là où les deux mecs se dirigeaient. Et si c'était là la planque, je comprenais pourquoi on les avait pas eus avant : on était tout proche de l'église de Manée, le coin où personne ose foutre un pied craignant qu'on pense qu'il vienne piller et non prier. Et dans le premier cas de figure, la sanction c'était l'égorgement.
Avant que les deux silhouettes ne disparaissent, je me décidais à agir. Et ça se réglait à coup de silencieux, un coup et le plus grand tombait dans les vapes. Le temps que l'autre réagisse, il avait déjà mon poing dans sa gueule.

Chhht. Y a une trappe quelque part, si ? T'as cinq secondes. Quatre...

Plutôt crever!

T'es sûr ?

Va au diable !

Bon..., je soupirais en prenant le couteau dans ma veste, une corde que j'enfonçais dans la bouche du mec avant de brandir l'arme pour ratatiner un os de son avant bras. Il hurlait. Mais malheureusement, personne ne l'entendait, même pas moi. Regarde mon visage, tu vois ? T'as mal et ce que je fais est peut être horrible mais j'en ai rien à foutre. Et je recommencerai jusqu'à ce que tu me dises où est cette putain de trappe ou jusqu'à ce que tu crèves. Choisis. et je ponctuais la phrase avec le sommet du surin en plein dans sa paume. Encore une fois, hurlement sourd. J'attendais quelques secondes avant de lui retirer la corde et couvrir sa bouche de ma main. Quand je l'enlève, tu me donnes simplement ce que je veux savoir et tu vis. Si tu cris, tu crèves. T'en fais pas, y en a qui disent qu'on se revoit.

J'enlevais. Il prenait une grande inspiration et...

A six pas! Tapez deux fois, une fois, deux fois!

Et je l'assommais. Lui et son pote allait pouvoir faire un tour chez Morphée tranquille à côté de l'église de Manée, derrière un tonneau où on les capterait pas. Moi, je transportais les caisses devant la trappe avant de taper deux fois, une fois, deux fois et de me foutre dans l'une d'elle.
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Pourquoi… Morneplume… Pourquoi...?

Il est en larmes, agenouillé dans le sang qui tâche la neige. Il courbé, piteusement, penché sur la sirène sans vie qui gît au sol, une balle en pleine tête. Elle était rousse, des lèvres comme deux oreillers, des joues comme un lever de soleil, un regard vide, dénué de vie. Ses larmes coulent le long de ses joues et s'écrasent contre le visage de la pauvre capturée dont le fluide se répand sur le sol, à chaque fois qu'il râle de tristesse, des bouffées de fumée s'échappent de sa bouche. Morneplume, lui, fait dos à Clarke, s'allumant une cigarette en fixant le ciel nuageux. Autour de lui, sept cadavres froidement abattus. Certains sont méconnaissables, tuméfiés et réduits en bouillie, d'autres sont simplement à l'agonie, atteints d'une ou deux balles. La pommette gauche enflée, le front ensanglantée, une balle dans les côtes, Edwin crache péniblement un nuage de nicotine.

Il les a prévenu de ne pas commettre une telle erreur. Ils ne l'ont pas écouté, ils en ont payé le prix. La Justice a frappé, forte et indomptable. Morneplume a tenu la promesse qu'il leur a fait, il a flingué la sirène en premier. Tant mieux pour elle, elle n'aura jamais à vivre le traumatisme de cette soirée, n'aura pas à porter le fardeau de s'être su abusée, l'espace d'un instant. Pour elle, de toute façon, la Justice devait être chose du passé depuis longtemps, Morneplume ne peut laisser en vie des gens pour qui sa Maîtresse n'existe plus. Ce sont des traîtres et des révolutionnaires en devenir, ceux qu'on laisse aller. La respiration sifflante, du sang s'écoulant toujours de son arcade sourcilière gauche, il tire son six-coups de sous sa veste, la tige coincée entre les lèvres.

Tu vas me répondre oui ?! larmes de colère, l'océan se déchaîne dans ses yeux d'azur.
Le bénéfice de poser des questions devrait plutôt être mien, Clarke.
Sur ces parole, sa poigne couverte de vermillon saisit le Matelot d'Élite par le collet et le soulève de terre.

Morneplume l'approche de son visage encadré de fumée, lui donnant un air froid et inhumain. Ce gamin est un poids, un fardeau… mais aussi plus que ça.

Lâche moi vieux con ! LÂCHE MOI ET DIS MOI POURQUOI T'AS TUÉ CETTE SIRÈNE VIEUX CONNARD !
Écoutez-moi bien jeune sot, je n'ai que faire des obstacles qui peuvent me retenir d'accomplir ma mission. Ces obstacles, je les écrase comme n'importe quel criminel, voilà comment je fonctionne…
Tu l'as tué merde ! Tu l'as tué comme une machine ! UNE MACHINE ! Tu les as tous tué comme une putain de bête !
…Et comme de fait, j'ai l'impression que vous êtes le pire de tous ces obstacles, Clarke.

Il le jette à terre. Lui, s'effondre dans le sang des dockers, peinant à se relever, se gelant dans la neige. Morneplume est profondément frustré, dans une colère noire qu'il peine à contenir. Jamais Clarke, aussi bouillant et idéaliste soit-il, n'a  commis un tel écart de toute leurs missions. Et pourtant, ils en ont vu des choses horribles, au cours de leurs aventures. Jäak, toujours le premier à contenir les ardeurs des autres, toujours le premier à réfléchir avant d'agir. Daniels, toujours prêt aux pires exactions pour obtenir ce qu'il veut. Morneplume, la Justice au creux des poings, principale force de frappe de l'escadron… Et Clarke. Clarke. Il n'est rien si ce n'est un élément perturbateur, dans cette équipe. Et pour la première fois, lors de leur mission la plus importante, il s'est avéré être un ennemi, un obstacle à la Justice…

Son six-coups se braque contre le front de Clarke, silence sur les docks de Manshon.

Vous avez fait exprès de foncer, Clarke. C'était un piège tendu par Le Sage, et vous nous avez fait sauter dedans à pieds joints.

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Coincé dans un même pas assez de place pour garder un nain, si je me les pelais y a quelques minutes, je sens les mèches de mes cheveux coller à mon front maintenant. Je m'étais débrouillé pour placer un den den noir discret sur les autres caisses, au cas où je ne distinguerais pas ce qu'il se disait. Et j'entendais très clairement la voix de plusieurs hommes mais une seule retenait mon attention. Celle du Sage.

Magnez-vous ! Va falloir qu'on se casse, qu'on trouve d'autres clients ! Loin ! Sur South Blue !

Stressez pas comme ça, Mister Wise, on a tout notre temps. Le reste arrive pour dans la semaine, pas plus tard que samedi. Puis, on a des customers pour au moins deux mois. On va s'en foutre plein les fouilles.

C'est moi qui donnes les ordres! Et je vous ordonne de vous magner ! On annule tout !

Le Sage semblait angoissé à propos de quelque chose, je doutais pas qu'il savait qu'on enquêtait sur lui mais par contre, qu'on le filait ce soir, c'était impossible. Trop bien planqué, presque des fantômes. Impossible. N'empêche que s'il voulait mettre les voiles maintenant, fallait que je prévienne Morneplume.

***

Morneplume ? J'suis parvenu à entrer dans leur planque, c'est derrière l'église, y a une trappe tout près des poubelles. Et deux corps. Faut que tu ramènes du renfort, vite, subitement, le type veut se casser. Et... T'en es où avec Clarke ?
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Clic. Il relève le cran de sureté de l'arme, le canon du colt presque appuyé contre le front de Will. Les yeux d'azur du Matelot défient les iris d'acier de Morneplume, combat silencieux livré dans le froid engourdissant du port.

Vous êtes de mèche avec Le Sage, Clarke. Vous n'auriez jamais abusé de la sorte. Avouez-le.
J'devais faire diversion, mais je pensais pas qu'il m'forcerait à le faire comme ça ! Il m'avait pas prévenu qu'il mettrait en jeu la vie d'esclaves innocents !
Vous êtes pathétique Clarke.
Si j'suis avec lui, c'est pour me débarrasser de monstres comme vous ! J'suis un membre d'la révo infiltré ! Il l'a su et a menacé de me vendre à la Marine si je l'aidais pas !

Pulupulu…

Jäak ?

Derrière l'Église ? J'appelle le QG dès que possible. J'ai neutralisé les dockers, mais Clarke est de mèche avec Le Sage, c'est un traître. Un révolutionnaire infiltré qui n'est là que pour se débarrasser de nous ! Tout ça n'est qu'un piège Jäak, un piège !

Pourquoi il est avec Le Sage ? Parce que le magnat menaçait de vendre sa doublure à la Marine. Comment Le Sage savait… Comment il savait… Jäak… Non. Ça ne peut pas être ça…

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Quoi !? Fais parler Clarke ! Fais le parler !
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Qui c'est ?! Dites moi qui est Le Sage, bougre de petit imbécile !

Il lui plaque le six-coups contre le tempe, le prend par le coup en se penchant vers lui, approchant son visage cerclé de volutes de fumée.

Il a tout prévu depuis trop longtemps ! Quand il a vu que l'on s'approchait trop rapidement de sa trace, il a brouillé les pistes, il a changé de clients, il a complexifié ses zones de distribution…
Donnez-moi ce que je veux entendre Clarke ! Et vite !
Si les dockers étaient là, c'était pour se débarrasser de toi Morneplume ! Il savait que t'étais trop dangereux pour le système ! Si toi tu crevais, se débarrasser de Jäak serait plus facile !
UN NOM. CLARKE. UN NOM.
Le Sage, c'est le Sergent Daniels !

Jäak ? Jäak !

BANG !
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SCHLAK !

***

Pourquoi ne pas l'avoir arrêté quand vous avez su ?
J'ai voulu croire... qu'il était honnête.


Dernière édition par Jäak Hadži le Mer 21 Jan 2015 - 23:30, édité 1 fois
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Fumée. Cigarette qui tombe dans la neige.

Argh… Aarh…

***

Lui aussi avait droit à un procès comme tout le monde, non ?
Non. Aucunement. Jamais.
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Et la caisse s'ouvrait en même temps que le rideau tombait. On passait déjà au fondu au noir. Et pourtant, l'acteur principal revenait pour une dernière acclamation. Je le voyais, le visage malsain, des sourcils boursouflés et la haine comme éclat de l’œil. Il lâchait une grimace en me prenant par le col pour me foutre à terre et me rouer de coups. Daniels n'avait jamais été un tendre, et malgré des mois passés ensemble, il ne m'accordait pas de traitement de faveur. Résultat, après cinq longues minutes, je connaissais mieux que personne la semelle froide de ses bottes. Le visage en sang, les cheveux collés par la sueur sur la caboche, je recrachais non seulement le liquide rouge mais aussi le désir de vengeance et l'incompréhension.

Rah ! Quelle poisse ! Quelle poisse bordel !

Je tremblais en essayant de me relever, mais il ne me laissait aucun répit. Et aussitôt, je prenais un coup en plein estomac. Crachat, encore. Et tout devenait flou autour de moi. Mais pas son visage. Son visage était net, ses rouflaquettes proprement coiffées, son menton parfaitement imberbe et le regard anxieux et colérique. Il passait ses deux mains sur l'arrière de sa tête et tournait en rond.

Clarke, cet imbécile à tout fait capoter ! Vous avez tout fait capoter ! Toi Hadži ! Morneplume et toi ! Je suis foutu... Hahaha, je suis foutu ! Faut qu'on se casse tout de suite... Préparez tout ! Videz moi la salle ! A cette heure-ci, le bateau doit toujours être là.

Daniels...

Je sais ce que tu vas me dire Jäak ! Mais j'ai pas à me justifier, j'étais dans ce business bien avant que tu foutes les pieds ici. Mais Morneplume et toi... Rah ! Poisse ! On va se tirer d'ici, illico ! Quant à toi... Mort dans l'exercice de tes fonctions... Honorable, non ? Honorable comme ta carrière et tout ce que tu es !

Presque au bout du couloir, il me semblait que j'avais vu bien plus de mauvais marines que de bons au cours de toute ma carrière. A l'extérieur, ces hommes qui portaient l'uniforme paraissaient être des héros mais quand on parvenait à entrer et monter assez haut pour qu'on nous appelle Monsieur, on comprenait qu'on jouait par équipe mais que de chaque camp, il y avait des traites. Aussi, je trouvais des marines plus pirates que les pirates, et des révolutionnaires plus marines que des marines. Daniels ne faisait partie d'aucun des camps, lui, c'était juste une merde. Sans honneur. Et il mourra pour ça.

Honorable...

Daniels régnait dans la pièce, son aura dominait, tant que ses associés et moi même essuyions le sol. Ses associés qui avaient rameutés toute une équipe de larbin pour pouvoir décharger les stocks de Chouette plus rapidement. Si je tentais quelque chose, je serais seul. Daniels le savait. Mais il ne savait que ça, le reste était faux.

Je ne suis pas ici parce qu'un type plus gradé l'a décidé, je suis ici parce que je le veux bien. Ça fait vingt ans. Vingt ans et je n'ai jamais cherché à être honorable et avec les types de ton genre, je suis pire que toi...

Ferme là Hadži ! Raaah !

Sa botte s'élevait encore une fois, la dernière, pour me frapper directement au visage. J'esquivais la laissant percuter le sol, et lui attrapais le mollet des deux mains pour le faire tomber, revenir avec un crochet à la mâchoire et le coude dans son abdomen. J'empoignais le rifle qu'il gardait dans son holster pendant qu'il affrontait une douloureuse remontée, et le pointais sur lui.

Le problème Daniels, c'est que je n'ai et que je n'aurai jamais aucune pitié pour les traîtres.

BANG !

Jamais. Aucune. Pitié.

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Ses genoux heurtent lourdement le sol, sa main se crispe sur la nouvelle tache de carmin qui imprègne son manteau. Un nouveau point de feu s'est inséré entre ses côtes, les brisant au passage dans une grave effusion de sang. La douleur est telle qu'il ne peut rester debout, du sang afflue dans sa trachée alors qu'il tousse difficilement. Le tir de trop. Devant lui, à nouveau debout, Clarke tient le six-coups qu'il lui a prit des mains. Ses mains tremblent, son front est couvert de sueur malgré le froid nocturne. La douleur est horrible, insoutenable, il sent son sang chaud lui couvrir les mains, poisseux, et sa vie s'extirper à grands bouillons de son être.

Ce sale révo.

Je suis désolé Morneplume… désolé ! Mais je peux pas t'laisser vivre ! De toute façon, Jäak est mort lui aussi ! Ma couverture est ruinée… celle du Sage aussi. C'est fini pour l'escadron Daniels… J'dois te tuer !
Alors fais-le.

Ses yeux encore mouillés s'écarquillent quand il réalise, péniblement, que l'arme qu'il tient est toujours chargée. Que depuis les nombreuses secondes qui se sont écoulées depuis qu'il a retourné le colt de Morneplume, il aurait pu tirer. Il aurait pu froidement abattre le Caporal sans avoir à le tenir en joue plus longtemps. Il aurait pu le tuer d'une balle en plein crâne et fuir le plus loin possible de ce lieu de massacre. Terminé les problèmes, terminé cette situation épineuse dans laquelle il les a tous tirés, terminé Edwin Morneplume le froid meurtrier des ennemis de la Justice.

Et pourtant, il est toujours là. Paralysé. Avec cette arme tremblante entre les mains.

Et les yeux d'Edwin le poignardent d'un coup, le mettent au défi d'en finir, de faire cracher le feu une dernière fois au pistolet pour se débarrasser de lui. Sa main tremble, le pistolet tremble, son regard défaille, son visage se décompose. Edwin le tue de ses yeux d'acier et sait pertinemment à quoi il pense, ce pauvre révolutionnaire désabusé. Est-ce que c'est vraiment pour ça que j'ai signé ? Pour tuer des êtres humains comme ça ? Est-ce que je suis ce genre d'homme ? Prêt à tuer pour la Cause ? Il n'est encore qu'un gamin, un pauvre idéaliste qui s'est vu trahit par son propre complice en devant défendre des minorités face à ces dockers. Il est le plus grand perdant de toute cette histoire.

Il est perdant et il n'arrive pas à tirer.

Bouge pas ! Je vais l'faire ! J'vais exploser ta tête d'extrémiste de merde !
Ça ne sert à rien Clarke, vous ne le ferez pas. Vous n'avez pas le courage nécessaire.
La ferme…!
Si vous voulez sincèrement me descendre… argh… faites-le. Ici. Maintenant.
Ta gueule !
Maintenant.
FERME-LA MORNEPLUME ! J'VAIS T'TUER ! J'VAIS T'TUER T'ENTENDS ?!
MAINTENANT.

BANG !

Silence. L'écho du tir se répercute dans la nuit. La neige tombe toujours sur Manshon. Loin derrière Edwin, une balle s'est fichée dans le macadam. Lentement, sous le regard horrifié de Clarke, il tend la main et lui retire le colt. Il tremble et est livide, ce pathétique gamin idéaliste. Il laisse l'arme aller en fixant le vide, comme paralysé par l'ampleur de son échec. Il ne peut pas être un véritable justicier, il n'est rien d'autre qu'un enfant qu'on a sorti trop rapidement de son cocon. Difficilement, la main toujours crispée contre sa seconde blessure, Edwin se relève, puis appuie le six-coups contre le crâne de Will Clarke.

Si… si vous avez signé pour vous débarrasser d'hommes comme moi, Clarke, sachez que vous avez commis la plus grave erreur de… arg... de votre vie. Car des hommes comme moi n'ont pas choisit de parfois avoir à agir en monstre… ha… Non…

C'est la Justice qui les a choisit.

Et pourtant, votre véritable problème, Clarke, c'est que je n'ai et n'aurai jamais de pitié pour les révolutionnaires.



BANG !

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***

Les pupilles glaciales, son regard gelait la pièce à chaque fois qu'il relevait la tête. Il y avait quelque chose d'étrange dans son visage et dans ses gestes, lents et méticuleux, son souffle aussi froid que le grand vent de Décembre sur North Blue. Il roulait sa cigarette comme il aimait une femme : fouillant dans le tabac brun, il le modélisait de ses longs doigts, ceux d'un pianiste. Je regardais avec intérêt la scène que je trouvais presque érotique, la mixture l'effleurait à peine, il la posait sur un papier fin en roulant délicatement avec des vas et viens. Il insérait en toute volupté un filtre sur la bordure pour adoucir les lattes. Enfin, il laissait aller sa langue sur le transparent des collants de la feuille timidement froissée. De gauche à droite il tanguait, pour coller immédiatement. Enfin dans sa bouche, elle se consumait doucement, au rythme des battements de son cœur qu'on entendait chantonner comme des sifflements d'obus.


Cet homme, c'était celui qui avait le pouvoir de changer la vie d'un marine d'un coup de maillet. C'était le juge Turner. Et c'était notre jugement.

Bien... Nous allons commencer par présenter les faits. Il y a un peu plus de deux mois, précisément le 23 Décembre de l'année 1616, vous avez commencé une opération visant à arrêter tout acte de contrebande et de marché aux stupéfiants liés à une drogue qui a été interdite de vente et de consommation par le Gouvernement, nommée La Chouette. Vous avez formé un quatuor d'élite avec le sergent d'élite Blake Daniels et le matelot d'élite Will Clarke et commencé votre traque. L'opération s'est finalement prolongée à cause du manque, et d'informations, et d'informateurs. Mais il y a une semaine, tout cela a pris une autre tournure quand vous avez attrapé et interrogé un antiquaire chez qui devait être stocké une partie de la cargaison de contrebandiers suspects que vous filiez. Vous avez décidé, le 5 février de l'année 1617, de mener une dernière filature et nous y sommes... Le Caporal d'élite Edwin Morneplume a découvert que le matelot d'élite Will Clarke était un révolutionnaire sous couverture et le Caporal d'élite Jäak Hadži que le Sergent d'élite Blake Daniels était en fait l'antagoniste principal de cette affaire. Le matelot d'élite Will Clarke et le Sergent d'élite Blake Daniels sont, suite à cette nuit de février, tous les deux morts d'une balle dans la tête... Néanmoins, l'opération de base s'est vue couronner d'un succès suite à l'arrestation des cinq associés du Sage et de, on suppose, tous leurs subordonnés. Passons à la suite et au plus étonnant, Caporaux d'élite Jäak Hadži et Edwin Morneplume, avez tous les deux eus des différends avec la Justice. Je ne révélerai pas de quel nature ils étaient mais cela joue énormément dans l'affaire... Et c'est pour ça que je vais me permettre de vous poser quelques questions.
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Il est assit de l'autre côté du bureau, dans un fauteuil adjacent à celui de Jäak. Son visage est bardé de quelques pansements, sous sa veste, son torse est bandé, ses blessures recouvertes de cataplasme. Il respire toujours difficilement, mais est de nouveau l'homme inébranlable qui ne pourrait être retenu par un simple handicap comme celui-ci. Il a appelé les renforts, puis s'est appuyé contre le mur du bâtiment le plus proche, cette nuit là. Il s'est laissé recouvrir par la neige des heures durant, laissant la vie s'échapper silencieusement de son corps. Il l'a fixé des heures durant, ne sentant plus ses membres et ses jambes, le visage pincé par les engelures, le massacre qu'il a perpétré. Personne ne viendrait si ce n'était la Marine, personne n'oserait s'approcher de la zone. C'est toujours comme ça. Sur Manshon, on se tient loin des problèmes. Ils l'ont trouvé, l'ont ramené au QG, l'ont soigné. Maintenant, il est là, dans ce bureau du QG, aux côtés du dernier membre de l'escadron Daniels.

Cigarette. Froissements de papiers. Soupire.

Morneplume, vous avez tué le Matelot d'Élite Will Clarke d'une balle dans la tête, n'est-ce pas ?
Exact.
Qu'est-ce qui vous a poussé à agir de la sorte.
Mon devoir.
Je vais reformuler ma question, Morneplume… Lui aussi avait droit à un procès comme tout le monde, non ?
Non. Aucunement. Jamais.
Pourquoi donc ? C'était un membre de la Marine que l'on aurait passer en cour martiale pour désertion, traîtrise, complot, fraude, participation à une entreprise de crime organisé… et bien plus. Les chefs d'accusation à son égard étaient plus que suffisants pour lui réserver un sort Juste.
Mais je l'ai tué.
Vous l'avez tué.
Parce que c'était un révutionnaire, un traître et un terroriste qui a attenté lui-même à ma vie.
Racontez-moi en détail comment ça s'est passé.


***


Il a dit qu'il était désolé ?
Oui.
Et vous pensez que c'était sincère ?
Oui.
Caporal Hadzi ?
Jäak ?

Deux pairs d'yeux froids se rivent vers lui. Deux pairs d'yeux étonnées, qui ne savent à quoi s'en tenir face à l'intervention de celui qui s'est tenu silencieux depuis le début de l'entretien. Lui aussi a un passé trouble, a deviné plutôt Edwin. Lui aussi est forgé dans l'acier des véritables justiciers. Ça, il le sait, après tant de missions accomplies à ses côtés. Et là, comme ça, il intervient.

Que voulez-vous dire, Hadzi ?
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Mon battant s'accélérait en découvrant comment Clarke était mort. Je ne savais pas. Il racontait en détail et calmement, comme s'il pensait que son acte était justifiée. L'humanité était morte. D'un coup de surin par les primates que nous étions. Je n'étais ni mieux, ni plus mauvais que Morneplume. Mais il me semblait être plus humain, il me semblait accorder plus d'importance à la vie, à celle d'autrui, et surtout à celle d'un enfant.

C'était un gamin !
C'était un révolutionnaire.
Et tu l'as exécuté pour quoi ? Parce qu'il voulait sauver une sirène !?
Je l'ai tué parce que c'était un traître. Et un révolutionnaire. Lui et Daniels se sont joués de nous et ce, depuis le début. Il me semble que ta situation est semblable à la mienne...
C'était un gamin...

Que je chuchotais des milliers de fois, pour finir par le murmurer à mon âme comme pour me rassurer et me dire que je n'étais pas comme cet homme horrible et cruel qu'était Morneplume. Mais quand le Juge relevait la tête, c'était la réalité qui me rattrapait. J'étais essoufflé, il ne me restait plus qu'à affronter les rats affamés du faussée du dégoût.

En ce qui vous concerne, Hadži, vous avez avoué être coupable du meurtre de Daniels. Un commentaire ?
Je l'aurais fait dans tous les cas. C'est pas la marine qu'il a trahit, c'est le monde. Je l'aurais fait dans tous les cas. Je le savais et je savais que Morneplume doutait, aussi.
Vous vous en êtes rendus compte au même moment, alors ?
Oui.
Quand ?
Au début.
Daniels était bizarre. On avait déjà travaillé avec lui. Mais cette affaire le rendait nerveux. On trouvait rien, et ça aussi c'était bizarre. C'était une affaire simple, et on avait vu pire. Alors qu'un marine du QG soit impliqué, ici à Manshon... C'était pas si gros que ça, et c'était une éventualité que nous nous devions de considérer.
Mais alors... Pourquoi ne pas l'avoir arrêté quand vous l'avez su ?
J'ai voulu croire... qu'il était honnête.

Et dans l'ombre, le charme de la Chouette opérait. Elle nous regardait, observatrice et chantante. Elle nous avait eu, c'était elle la véritable gagnante car elle avait réussi à nous marquer de ses griffes. Le plus grand malheur cependant, c'était de considérer les contes et les dires. Si elle était vraiment sage ? Si c'était elle, la vraie sagesse ? Alors Morneplume et moi étions ceux qui étaient du mauvais côté. Au final, la Chouette, le Sage, ne tuaient personne et pourtant, il y avait eu deux morts et ceux-là l'étaient à cause de l'Homme. L'Homme qui était persuadé de bien faire. Qui de nous deux avait raison, peu importe, nos pensées divergeaient mais à l'arrivée, c'était encore le rapace qui gagnait.
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