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Les rats ne partagent pas

Dans l'ombre de ton éclatante sournoiserie, Balty, on trouve bien trop souvent l'incompétence. Plus gauche qu'un faon malade tout juste tombé du ventre de sa mère, ta dévorante résolution n'est chez toi qu'un outil destiné à réparer les dommages que provoque ton esprit ramolli, bien trop pris à danser parmi la ronde des péchés pour s'affairer à l'élaboration de plans hauts et solides. C'est une routine qui ne m'atteint plus réellement. Les frasques de ton capricieux tempérament me laissent froide. Mais, mon tendre et psychotique petit diablotin, es-tu sûr de toi ? Cambrioler un musée te paraît sincèrement être une idée acceptable et infaillible ?

Ça ira, maman. Ce musée me nargue en exposant le trésor qui m'est du à la vue de la grouillante basse extrace, à peine capable d'en comprendre la valeur. Je ne fais que suturer les douloureuses plaies dont cet affront m'a couvert !

Ta paranoïa te murmure de bien intrigantes histoires, Balty ! Crois-tu que ces archéologues rabougris et poussiéreux pensaient une seule seconde à te défier en un stérile duel d'orgueil ? Ils ne faisaient que leur innocent et si inutile travail d'ordurier du passé ! Si cette piteuse figurine sertie de pierre précieuse puisse avoir ne serait-ce qu'une infime valeur historique, leur instinct d'antiquaires lobotomisés les a naturellement poussés vers elle. Tu sais comment sont les gueux, Balty ! Obstinés et chevauchés par leurs passions absurdes. Comme toi !

Je l'avais trouvée en premier ! S'ils désiraient tant la fixer à un socle et la laisser s'asphyxier sous un bocal, ils devaient d'abord me l'ACHETER ! ILS ME DOIVENT DES MILLIONS ! LES MILLIONS QUI ME SONT DUS !

Bah ! Ce n'est pas ta pauvre mère qui réussira à t'ôter ces sordides sottises de la tête, surtout si elle n'a plus de main à t'envoyer dans la figure pour t'apprendre la décence et le respect ! Mais mon état fantomatique -et mon assassinat, chien !- n'ont pas émoussé ma lucidité : aussi vais-je t'offrir un pertinent conseil : ne cries pas. Un dégénéré en guenilles hurlant des insanités à une présence imaginaire ne passe guère inaperçu à cette heure si tardive. Pauvre bâtard ! Si bruyant et rustre que tu finiras par attirer l'attention des étoiles elles-mêmes !

... Euh... Je... Ce quartier de Luvneel s'est plutôt dépeuplé depuis ton époque. Le voisinage ne doit plus contenir qu'une poignée d'ancêtres décrépits attendant impatiemment la mort. Ces créatures-là sont autant répugnantes que sourdes.

Hinhinhin. Adorable couplet que tu me chantes là, Balty... Et si, au lieu de te justifier, tu entamais ta quête ? Là, en face de toi, l'imposant musée se dresse comme un rival, toutes lumières éteintes. Il ne doit guère plus y rester qu'un ou deux veilleurs de nuit somnolents. Tu vas te faufiler là-dedans, attraper ta babiole et ressortir prestement. Ta puérile vendetta s'arrêtera là. Compris ?

Bien entendu. Et afin de joindre l'utile à l'agréable, j'en profiterai probablement pour dérober quelques...

Non. Nous n'avons pas toute la nuit, lopette !

Tu t'avances, à pas de velours, sur le pavé humide de cette mélancolique Luvneel. La brise hivernale tente de te glacer jusqu'à la moelle, mais ton coeur vengeur bout, et ses désirs brûlants te réchauffent. Parvenu au pied du musée, tu t'embusques dans sa ruelle adjacente, inquiétante, obscure, pressante. La classique et rassurante ruelle sombre : le lieu idéal pour épier, pour trancher une gorge, ou pour se faire trancher la gorge. Des entrées, la bâtisse n'en manque pas ! Il ne te reste qu'à choisir la meilleure... Difficile dilemme, car arrogant et sot comme je te connais, je n'escompte pas que tu aies retenu quoique ce soit de ton tour de reconnaissance durant la journée.

Un soupçon d'escalade, et je pénètre ce fichu musée par là où on m'attendra le moins !

Dieu que tu es stupide. Être un phénomène de singe forcené ne fait pas de toi un acrobate de cirque, foutu gourd ! Escalader jusqu'à ces étroites corniches serait un premier miracle, ne pas te vautrer en avançant jusqu'à une fenêtre en serait un second, et l'ouvrir sans alerter tout le voisinage en serait un troisième ! Trois miracles ! Trois ! Tu n'es pas suffisamment dans les faveurs du Dieu de la merdaille pour parier sur TROIS miracles, pauvre ganache !

Quoi ? Regarde moi, mordiable ! Qu'y a-t-il ? Qu'est-ce que cette mine de chat frileux ? On dirait que tu as vu un fantôme ! Hinhinhin !


T-Tu as entendu ça ? Il y a quelqu'un, j'en suis certain. Un infect coquin qui prend plaisir à m'épier ! TU ES FAIS, MARAUD ! SORS DE TA PLANQUE !
Miaou

Ce n'était qu'un couvercle de poubelle ballotté par l'un des tiens, Balty. Un pouilleux chat de gouttière. Si le moindre tintement te hérisse à ce point les poils alors que nous n'avons même pas encore pénétré le musée, je crains fort pour la suite !

Hummf. Oui, la faune de ce genre de cité ne s'agite que la nuit, n'est-ce pas ? Mais mes instincts de chasseur m'alertent de la présence d'autres aléas tapis dans les ombres. Cette sale bête doit avoir une famille ! Je m'en vais les...

Maudit bouledogue enragé ! Révises tes priorités ! La restauration de notre honneur et de notre fortune n'est-elle pas plus importante que tes petits jeux cruels sur d'affreuses bestioles ? Tu vas me penser à un plan, et plus vite que ça !
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Spoiler:

Le Calice de Khan.
L'un des plus grands conquérant qu'ait jamais porté ce monde l'avait porté à ses lèvres. En ces périodes antiques, si éloignées que le temps lui-même n'en portait plus le souvenir, cette coupe fut le symbole de la toute-puissance d'un homme à nul autre pareil. Un roi parmi les rois, un dieu parmi les hommes.

Loth immergea de son monde de légende en trébuchant sur une pierre. Il perdit momentanément l'équilibre puis se reprit et continua son chemin d'un air digne. C'était une nuit où la lune s'était dérobée derrière une robe de nuage. Ce quartier antique du vieux Luvneel était totalement désert et seuls des animaux errants faisaient la loi dans ses ruelles.
L'objectif de Loth se profilait déjà derrière les maisons en ruines du quartier. Il découpait sa silhouette hautaine et menaçante contre le ciel bleu nuit.
Le musée de Luvneel... Le calice de Khan...
D'une manière ou d'une autre, cette petite coupe s'était emparée de son âme. Loth n'arrivait pas à diriger sa "défaite" et pourtant, il était bon perdant, habituellement.

Il avait passé deux années à financer, comme il pouvait, des recherches archéologiques menées dans un pays éloigné par un vieux professeur gauche et sénile de l'Université de Jalabert de Boréa, dans l'espoir de trouver ce Calice. Assurément une affaire rentable, s'était-il dit, le site était prometteur et l'homme qui dirigeait les recherches était une sommité dans la profession. Malgré que les espoirs de Loth fussent ternis avec le temps, jamais il n'avait pensé être humilié de la sorte, qui plus est par une jeune archéologue, qui n'avait même pas fini sa deuxième année d'étude.
Le caveau royal qui contenait le calice et d'autres trésors se trouvait seulement à cent maudit mètres au-delà de l'aire où creusait le vieux professeur.
Le troll ultime.  

Après des semaines à gueuler sa rage, il mit au point un plan rapide. Le calice avait été rapporté au vieux musée de Luvneel et était bien protégé. Loth mit à profit ses relations dans le milieu, fit preuve d'une patience proverbiale et finalement obtint gain de cause. Il trouva une ouverture en la personne de Rupert Oerly, un expert dans la restauration de bijoux antiques.
Soucieux de magnifier ses possessions, le musée lui avait fait appel, sûrement pour retaper le Calice.

Loth réajusta ses lunettes et sa perruque rousse. Ses moustaches et sa barbe hirsute d'un roux violent étaient bien en place. Aujourd'hui, il était Rupert Oerly. Le vrai, de son côté, dormait paisiblement sous son lit, solidement attaché, dans sa chambre d'hôtel quelque part au centre-ville de Luvneelgraad.
Il toqua à la lourde porte à double battant du musée qui s'ouvrit quelque secondes après dans un grincement strident à réveiller tout le quartier.
La tête d'un vieil édenté émergea de l’entrebâillement.

-  Rupert Oerly ? s'enquit le vieux d'une voix asthmatique.

- Lui-même.

- Votre atelier vous attend.

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Hinhinhin.

Par la sanglante gorge ! Du monde ? A cette heure-là ?

Comment, tu t'attendais à un calme plat ? Ou peut-être un portier pour t'accueillir, un laquais pour t'amener le calice ? Il va falloir que tu déterres ta défunte ruse de sa tombe, Balty. Ta folie l'a sauvagement assassiné, il y a bien longtemps, mais tu ne pourras pas aujourd'hui te contenter de te frayer un passage par la seule force de ta haine. Si tu te fais attraper, comme un mauvais clébard surpris à s'empiffrer des croquettes familiales en pleine nuit, tu es cuit, mon poulet. Ou plutôt, tu seras réfrigéré. Les geôles locales doivent se faire bien lugubres chambres froides, en cette venteuse saison. Crois-tu même que tu pourras y survivre plus longtemps qu'un cafard ?

Un ancêtre, un morceau de viande ramollie et faisandée. Par la terreur, ou par le fer, je le convaincrai de me laisser entrer !

Et cet énergumène roux, ce bouseux mal peigné aux binocles rondes propres à la caste des caricatures d'intellectuels ? Je le vois bien, entre deux de ses activités de roturier flatulant plus haut que son fessier, venir rendre visite à cet espèce de macchabée remuant qui lui sert de collègue. Autant dire que si le sang coule en mares cette nuit, tu es bon pour y perdre pied...

Je poignarderai ces gueux avec leurs propres cotes.

Non. Tu vas m'enfiler l'une de ces vieilles toiles, jeune croûte de pus fulminante. Fais-toi passer pour un nécessiteux en quête d'un logis pour la nuit, piques leur compassion, à ces charognards ! Le rat est le seul rôle que tu enfiles sans devoir t'arracher la peau, mon bouquetin. Je suis certaine que tu te feras crédible comme jamais déguisé en gueux !

Mais maman, je...

Je ne te laisserai pas te lancer dans une boucherie aveugle et uriner copieusement une fois de plus sur notre nom ! Ah ! Quelle impuissante mère je fais désormais, alors que je n'ai plus que des corrections orales à t'infliger ! Comme il me manque, mon sévère et vindicatif martinet !

Mon malheureux honneur... si délabré...

Ne me fais pas de telles manières alors que tu passes le plus clair de ton temps à saigner des primés et des caveaux pour en arracher les têtes et les trésors. Cela fait bien longtemps qu'il ne reste de ton prestige que cendres dans une urne fracturée.

Tu t'empresses donc d'enfiler ces haillons tant que les rayons de la lune sont trop lointains pour te trahir, bien, bien, il était temps... D'un pas de velours et d'une grâce toute personnelle, entendre, digne d'un chaton atteint d'obésité morbide et vomissant sa bile, tu t'élances face aux grandes portes, souriant de tes chicots pendouillant à tes gencives sanguinolentes. Ne me couvres-tu pas un petit scorbut, Balty ? Tu devras t'inquiéter à partir du premier litre de sang perdu; c'est ce que me disait toujours ce bon gentleman qu'était le docteur Crasse.

Et toc, et toc, et toc, trois fois, trois frappes si convenues, tu as appris à frapper à une porte comme le plus cliché des roturiers, Balty. L'illusion devrait se maintenir totale.

L'arrogant portique s'entrouvre. Et voici ce répugnant vieillard qui te scrute depuis l'entrebâillement, de deux billes torves tressautantes dans leurs orbites. Dans un réflexe presque sensé, tu soulèves ton grand chiffon pour te former une protectrice capuche.

Sa-Salutation, noble relique remarquablement conservée d'une époque probablement... lointaine... qu'on qualifierait de... prospère... et... Auriez-vous la virtuose bonté d'offrir pour la nuit un logis à un ramassis de bruine sèche et de puces affamées tel que votre -très- humble serviteur ?
T'as vu "décharge à merdeux" peint sur l'muret ?
Ma foi guère non, peut-être mon sens de l'observation se révèle autant à déplorer que l'état de décomposition de mes organes internes ?
Nan nan, ne t'inquiètes pas, c'est pas l'observation qui débloque, chez toi. Du vent !


Mais ta dague bouffie de rouille se fait plus rapide que la retraite de ce fossile, tandis que ta main gauche s'empare brusquement de la crinière de paille sèche et granuleuse qui lui sert de chevelure. Et te voici, pathétique, réduit à le menacer de raccourcir ce qui lui reste de vie. Sous ta capuche ton visage fusionné à la nuit, et les deux sinistres astres que sont tes yeux consumant brutalement la volonté du sac à croûte à te résister. Tu lui murmures un anathème des plus croustillants :

As-tu des petits-enfants, vieux chacal ?
Ça va ! Ça va ! Ne faites pas de bêtises !
Tes cheveux sont comme du vieux fumier. Crois-tu que cela me fait plaisir de me polluer la main ?
Pitié...
Rentrons. Tu recevras ton invité comme il se doit, cette fois, et tu lui offriras un plan de ce musée. Si tu cries, je te saigne comme un pourceau. Suis-je assez clair ?
Très clair !


Le désespoir que j'hume émanant de ces petits yeux révulsés trahit son instinct ! Il se doute probablement qu'il vit sa dernière nuit, et que son répugnant bourreau se délectera de chaque entaille qu'il dessinera dans sa chair. Méfiance ! Tu es bien placé pour savoir à quel point folie et désespoir sont voisins, mon amour de diablotin !

Vous vous engouffrez dans la réconfortante chaleur de l'édifice. Tu le maintiens en tête de votre odieux cortège, le coude calé dans sa nuque et la lame flânant aux alentours de sa gorge, prêts à crever le moindre son qui tenterait de s'en échapper ! Mais garde tes sens alertes. Ton hôte et toi n'êtes pas seuls.

Le poussiéreux repère du concierge t'ouvre ses portes. Enfumé par des brumes de saletés, fragile comme un bambin asmathique... Tu tousses. Foutu sot...

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L'atelier ressemblait à une cave de musée avec son lot de poussière, d'antiquité, de toiles d'araignées et de pénombre. Le vieil homme l'avait laissé déambuler tout seul dans les dédales assombries du vieux musée, se contentant juste de lui indiquer la direction de son lieu de travail de sa voix tuberculeuse. Il s'en était retourné vers la porte de sa démarche de bossu.

Loth était debout dans cette pièce où s'entassaient des étages de babioles accumulées par le musée au fil des années. Tout d'abord, il oublia la raison pour laquelle il se trouvait en ces lieux, se laissant entraîner par les reliques présentes. L'histoire avait toujours été de ses plus grandes passions et chaque pièce ci-entassée représentait une portion d'un conte, d'une légende. Par exemple...
La Lance du Régicide (il prit l'objet entouré d'un papier kraft très fin) était le prolongement de la main de Bud de Cidre, un obscur révolutionnaire du pays de L’Érable qui serait passé entre les mailles de l'histoire si seulement son arme n'avait pas été utilisée pour perpétrer non pas un mais une dizaine de meurtre de têtes couronnées.
Loth reposa l'arme rouillée dans sa boite aussi légèrement que si elle était faite de verre et reporta son attention sur une petite statuette d'ivoire grossièrement taillée censée représentée une femme agenouillée dans une position de prière. Le cœur de la vie, se dit-il. Fabuleuse relique réputée depuis près d'un demi-millénaire pour rendre féconde les femmes atteintes de stérilité...

Il était dans son élément et passa ainsi de pièce en pièce, se relatant leurs histoires, les revivant à chaque fois. Il n'oublia pas que c'était cette capacité à imaginer les heures glorieuses des objets que les autres humains trouvaient dénués d'intérêt qui lui avait permis de tenir durant les onze années où il avait été détenu par le groupe d'extrémistes racistes connu sous le nom du Conclave. Heureusement qu'en ces heures sombres, sa prison se trouva être des catacombes riches en reliques historiques. Il avait ainsi pu s'évader loin de son quotidien de tortures et de brimades...

Un bruit lointain ramena Loth à la réalité. Il se souvint enfin de la raison de sa présence et reporta une attention nouvelle sur les objets autour de lui. Il, Rupert Oerly, était censé les restaurer et leur donner un petit coup de jeune. Et lui, Loth, était dans la peau de Rupert parce qu'il devait en profiter pour voler le Calice de Khan. Où diable était ce Calice ? se demanda-t-il en scrutant son environnement à 360°. Était-il dans ces caisses de bois cubiques pas encore déballées ? Était-il enfoui dans ce fouillis de joailleries ternies excavé de la tombe d'une princesse du passé ?
Il n'en avait aucune idée, il ignorait où se trouvait l'objet de sa hantise. Aussi, se mit-il à fouiller avec de grands gestes fébriles et désordonnés tout ce qui se trouvait à sa portée. Loth fut forcé d'admettre après quinze minutes de fouille que le Calice n'était pas dans cette pièce.
Il s'était gouré, l'objet ne faisait pas partie des pièces à restaurer.

S'il n'était pas là, alors il devait être quelque part d'autre dans le musée. Dans la galerie consacrée aux antiquités de West Blue ? Sûrement, se dit Loth plus pour se donner de l'espoir qu'autre chose. Il sortit de la pièce et s'avança à pas feutré dans le noir. Cette pénombre lui semblait tout à coup plus opaque, presque tactile. Menaçante, oppressante, elle l'était aussi. Il avait tout à coup un mauvais pressentiment, l'absence du Calice ressemblait à un coup préparé d'avance. Quelqu'un se serait-il douté que cette coupe sertie de pierre attirerait des rôdeurs de nuit ?
Essayant de se dire que son imagination trop fertile se faisait des films, Loth progressa dans l'obscurité, tantôt éclairée par les lueurs d'une bougie vacillante ou d'une lampe à huile en équilibre précaire sur une étagère. Il atteignit la galerie des antiquités de West Blue sans accrocs. C'était une vaste pièce aussi grande qu'une petite église. Dressés à intervalle régulier tels des stalagmites, des socles et des piédestaux finement ouvragés de toutes formes entourés d'une cage de verre supportaient leur lot de relique historique. Il y avait plus d'une centaine dans le vaste espace. Loth se demanda si leurs cages de verre n'étaient pas reliées à une quelconque forme de système de sécurité par escargophone-alarme. Où le musée était-il trop vieux et trop pauvre pour se doter d'une telle sécurité ? Qu'en était-il des escargophone-vidéos alors ? Il n'en avait pas vu sur le chemin, mais cela ne signifiait pas qu'au moins n'était pas planqué dans un endroit clé comme celui-ci...
Ce qu'il désirait plus que tout, c'était de passer inaperçu, Loth n'avait aucune envie de faire la une le lendemain parce qu'une de ces satanées appareils l'aurait pris en flagrant délit de vol.

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas la silhouette qui s'était furtivement glissée par une ouverture de l'autre côté de la salle. Il ne l'était pas seul.

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Eh bien ! Ce musée est bien peuplé pour une nuit d'hiver, bien pauvre en chaleur humaine ! Et non seulement les ombres ondulent sur d'inquiétantes partitions orchestrées par le vent tumultueux qui s'engouffre dans les failles de la vieille bâtisse, mais en plus, de vraies silhouettes humaines rejoignent la danse désormais. Humaines...

Un long-bras.

Presque-humaines. Du haut de mon perchoir d'éther et de médisance, je ne fais plus la distinction entre humains et entre animaux, ne prend même plus la peine de considérer l'impureté des âmes qui virevoltent autour de toi. Toutes passent un jour ou l'autre sous le fil de la faucheuse, toutes sont prêts à recourir aux pires appels pour repousser leur ultime procès ! A partir de là, où se situe la distinction entre un homme, un long-bras, et un rat ? Le vieillard qui sert de chien de garde à ce musée est réparti en pièces sanguinolentes au rez-de-chaussée : il est certain qu'il ne te causera plus grands problèmes dans l'état de délabrement où tu l'as largué. Mais cette engeance aux hilarantes et absurdes articulations...

Ces inutiles curiosités larguées entre nos griffes nobles par mère Nature n'ont grand succès que dans les cirques, mais QUELS succès ! Et regarde ! Il a mes trésors en ces pattes ! Ce filandreux destin habituellement si prompt à me faire trébucher pose aujourd'hui une fantastique offrande sur ma route ! Je vais faire d'une pierre deux coups, et amasser aujourd'hui un butin d'or et de chair !

Bien joué, chacal disgracieux. Ta voix s'est répandue jusqu'à ses tympans comme une nauséabonde flaque d'huiles à ses bottes, il décampe.

OU FILES-TU, MARAUD ? SAIS-TU QUE TU AS BIEN PLUS DE VALEUR VIVANT QUE MORT, CONTRAIREMENT A LA MAJORITÉ DES MARGINAUX DE CE MONDE ? APLANIS TOI A MES PIEDS, HIDEUX PANTIN DÉSARTICULÉ, ET JE T'ÉPARGNERAI VOLONTIERS LE SORT QUE JE RÉSERVE HABITUELLEMENT AUX TRAÎNES-MISERES QUI ONT LE MALHEUR DE GRIPPER LES ROUAGES DE MES MINUTIEUSES STRATÉ...

...


Oui. Oui. Il s'est enfui. Si tu avais moins de venin sur la langue, et plus sous le bocal fêlé qui te sert de crâne et sous lequel se débattent tes envahissantes pulsions, tu aurais bien vite deviné que t'éterniser en creuses palabres, c'est lui servir de groom avancé et lui ouvrir en grand sa porte de sortie privilégiée. L'unique témoin de ta virée nocturne gambade libre, désormais. Il n'a probablement pas aperçu les traits du sinistre masque lépreux qui te sert de visage, mais ta verve, bâtarde chaotique née de la copulation entre ton ascendance noble et ta dégringolade dans les abysses du vice, est en elle-même une flagrante signature. Si tu le laisses s'échapper, et que les marines qu'il appellera à la rescousse prennent la peine de connecter les poulpes morts qui leur servent de neurones, tu finiras rapidement au frais, aux côtés des ivrognes, des mendiants et autres épaves qui s'échouent dans la violence une fois la nuit tombée.

Tu y serais comme chez toi ! Un poisson purulent dans l'eau croupie !


Ne... NE T'EN VAS PAS ! JE SUIS UN HUMBLE REPRÉSENTANT DE LA LOI, AU SERVICE DE LA VERMINE ET DES... INSOUCIANTS... PARVENUS... BOURGEOIS... ARRIVISTES ! J'AI ENTENDU DU GRABUGE ET SUIS VENU CONSTATER L'ORIGINE DES ÉTRANGES CRIS PORCINS QUE J'AI OUÏ S'ÉLEVER DANS LE QUARTIER !

Tsss. Ton jeu d'acteur ne tromperait pas une taupe asociale !
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Dès son entrée dans la salle des antiquités, Loth "flasha" les détails de la centaine de socles et pieds sur lesquels reposaient autant de reliques d’un passé glorieux et si lointain que le temps lui-même les avait oubliées. Il y avait un certain nombre de coupes serties de joyaux en exposition, cependant, le temps n’était pas à la contemplation. Une seule l’intéressait et sa mémoire photographique l’aida à ne point s’attarder trop longtemps à scruter chacun de ces calices à la recherche de celui qui avait appartenu au Grand Khan. Le scannage se fit du tic au tac, il lui suffit de quelques secondes d’un balayage panoramique du regard pour repérer le calice tant convoité à l’autre extrême bout de la grande salle. Posé sur un piédestal fourchu et hautement ouvragé, le Calice de Khan à l’instar de ses sœurs reliques reposait dans une cage d’un verre blanc.
Il touchait à son but.

Ce fut à ce moment que le binoclard remarqua qu’il n’était pas seul. Se tenant à peu près au niveau du Calice, mais à l’extrême droite de la salle, une silhouette pâteuse et chiffonnée se mouvait. Dans la semi-pénombre, Loth ne put renseigner les détails de son apparence. Cela étant, un autre de ses sens, l’odorat, fut mis à contribution pour établir un profil primaire de son vis-à-vis.

- Du sang. Ce type pue le sang. Ce type vient de tuer quelqu’un, pensa Loth avec dégoût en reculant d’un pas.

En vérité, la créature dans la pénombre exhalait une forte odeur, une sorte de répugnant mélange de vieilles chaussettes, d’œufs avariés et qu’en sut-il encore. Mais plus que tout, ce furent les effluves de sang qui estomaquèrent Loth et lui fit dire que cet individu venait de donner la mort. Il pensa aussitôt au vieillot gardien du musée qui ne devait probablement plus être. Quelque part au niveau de sa pomme d’Adam, Loth sentit un caillot de regret se former. Tuer pour le plaisir, tuer pour tuer l’avait toujours répugné.
Loth prit ses jambes à son cou.

Rapidement et à reculons, il sortit de la salle et la longea vers le nord. Alors qu’il sprintait comme si sa vie en dépendait, il entendit l’infâme troll puant beugler mille et une imprécations à son encontre. Il était fou en plus s’être sanguin, se dit Loth. Un dangereux mélange qu’il lui fallait à tout prix éviter.
Eviter, certes mais pas fuir. Des claquements secs retentirent dans le couloir qu’il empruntait lui indiquant que l’autre s’était mis à sa poursuite et d’après les malédictions qu’il lui lançait, le binoclard devina qu’il en voulait à sa race. Un esclavagiste…  

Dérapant sèchement à s'en faire mal aux chevilles, Loth pénétra à nouveau dans la salle des antiquités. S'il avait pris ses jambes à son cou, ce n'était pas pour s'enfuir mais pour contourner la salle et entrer par un encadrement plus proche du Calice. Cela lui évitait de traverser le hall d'antiquités de long en large et de croiser la fétide créature.
Jetant sans ménagement son sac par terre, il s'approcha délicatement de la cage de verre qui entourait l'objet de sa convoitise. Il ne s'était pas trompé, un mini-escargophone planté dans le coin inférieur droit du verre trahissait la présence d'un système d'alarme avancé. Malédiction, même dans ce musée délabré, les autorités de Luvneel n'avaient rien laissé au hasard. Un seul contact avec le verre et la téléphonique limace se mettrait à beugler. Mais pour appeler qui ? Mystère. Il n'avait pas croisé une seule âme à part celle du vieux gardien qui devait reposer en paix et l'autre porc au visage inconnu.
D'ailleurs, une forte odeur indiqua à Loth qu'il l'avait déjà rattrapé.

- Bon, aux grands maux, les remèdes irréfléchis, marmonna-t-il tout seul dans la semi-pénombre du hall d'exposition.

Il avait prononcé ces mots avec une certaine lassitude. Improviser lui était désagréable, surtout quand son plan tout entier s'était grippé. Il ne s'était pas attendu à un si sophistiqué système d'alarmes antivol dans un musée tombant presque en ruine, il ne s'était surtout pas imaginé qu'un autre viendrait jouer les trouble-fêtes.
Loth redressa ses lunettes et fixa l'entrebâillement de la porte. La chose qui le poursuivait s'y était plantée. La faiblesse luminosité se découpant en diagonal sur lui, Loth put détailler les plis de son aspect. Un vieux tas de bouse... pensa-t-il sans humour. Attifé comme un noble avec des vêtements si usés et rapiécés qu'ils devaient demander la grâce salvatrice d'un incinérateur. Ou d'une benne à ordure. Dans ses gros yeux humides, Loth discerna l'une des seules choses en ce monde qui pouvait lui faire perdre sa maîtrise de soi.

Et cette chose n'était pas quantifiable et quasiment ineffable. Cette lueur indicible, ce reflet, cet écarquillement particulier des pupilles qui révélait les pensées les plus obscures des gens convaincus d'être supérieurs aux autres uniquement par étaient de la race dominante par le nombre. Des regards comme celui de son vis-à-vis actuel, il avait eu sept longues années pour les imprimer dans sa mémoire, enfermé dans les geôles du Conclave, un groupuscule suprématiste prônant et défendant par des moyens radicaux l'hégémonie de la race humaine sur ce qu'ils appelaient "les difformes" à savoir, les Longs-bras, les Longues-jambes et les autres races qui ne leur ressemblaient pas.
Ou qui, à bien y réfléchir, avaient des avantages en plus.

Des avantages. Comme par exemple la portée. Doté d'une articulation supplémentaire, Loth disposait naturellement d'une force de jet supérieure à celle d'un humain normal. Quand il plongea la main dans la poche de sa veste alors que son puant adversaire ouvrait la bouche et faisait découvrir ses dents jaunies, quand, de toutes ses forces, il projeta la grenade à onde, ce fut à cet avantage qu'il fit appel. Le projectile fusa à la vitesse d'une balle et percuta le chiffon en plein visage puis explosa. Le boucan fut d'enfer, et il n'eut nullement besoin d'un coup d’œil pour savoir que l'esclavagiste avait été soufflé ou loin par la puissance de l'onde de choc de la bombe.
Bien sûr, l'onde s'était propagé dans toutes les directions, aussi, Loth s'était-il baissé pour l'éviter pendant que les cages de verres protégeant les précieux artéfacts s’effritaient en milliers de morceaux. Presque instantanément après, un Armageddon sonore emplit les lieux.

Les détecto-escargophones braillèrent de tous leurs poumons à de si hauts décibels que sûrement, le roi dans son lit douillet se réveillerait bientôt en sursaut. Quant à Loth, il détalait déjà, le Calice en sécurité dans son sac, les mains plaquées contre ses oreilles. Sa course dans le couloir était toujours rythmée par les hurlements des escargophones quand il s'arrêta brusquement comme frappé d'un sortilège d'immobilisme. Certes derrière lui, la pestilence qui lui parvenait l'informait que l'autre chiffon était de nouveau debout et sur ses talons, mais en fait, ce qui inquiétait Loth à présent, c'était ce qui se trouvait devant.

Camouflés par les cris des escargophones, il percevait de bas grognements dans les ténèbres du couloir. Des grognements de prédateurs, se dit-il. Et aussitôt pensa-t-il ça qu'une ribambelle de paires d'yeux jaunes s’illuminèrent dans les ténèbres et que des crocs blanchis aussi longs que des index apparurent.

- Des dingos... Des chiens sauvages d'attaque... pensa-t-il en reconnaissant l'espèce.

Derrière lui, son poursuivant asservisseur s'était maintenant arrêté. Lui aussi dévisageait la meute d'un regard inquiet. Loth déglutit et se sentit cerné. Par la meute d'un côté et la fétide créature de l'autre.
Nul n'était son allié.
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