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Dixième Epoque: Le Chapeau d'osier vieux de trente ans.

- Ela, pas ici.
- Pas ici ? Mais pourquoi !?


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Cette nuque.


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- Ela, s’il te plaît, pas ici.
- Mais enfin, colonel, nous étions d’accord, Shabondy n’est pas une option...


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Ces boucles.


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- Colonel, que se passe-t-il ? Dites-moi !
- La Mort est une mère plus loin, hein...
- Pardon ? Je ne vous ai pas compris, Colonel.
- Il faut que je me rase, Ela. Il y a de quoi se raser, sur ce rafiot ?
- Que... Plaît-il ?
- Et des frusques en moins piteux état que celles-là, tu as ? Tu as bien prévu de me livrer avec une tenue décente, à Shiro, non ? Où est-elle ? Là, dans le coffre ? Dans ton sac ?
- Je, euh, je pensais... vous acheter ça... à Marie-Joie... une fois arrivés… mais vous voulez bien arrêter de bouger partout et me dire ce qu’il y a, Colonel ?
- Rah... Ça ne va pas, ça ne va pas du tout, il faut que je trouve quelque chose à me m
- COLONEL !


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Ce chapeau.


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- Et surtout vous restez ici, je pars en repérage.
- Hm.

Je n’ai pas beaucoup ouvert la bouche depuis que Ela m’a avoiné. Ma fierté en a pris un coup, ou au moins ce qu’il en reste. La crise de panique par-dessus n’a pas aidé, heureusement qu’il n’y avait que nous deux à bord. Quoique, cet albatros a bien pu aller cafter à des gens pas très recommandables, il faudra que je le surveille. Je sais où il niche, par là-bas dans les bicoques rajoutées à la va-vite sur des pilotis instables, derrière le cœur de Terminus où notre coque de noix vient de toucher quai. Ma matone dénie au bon gars qui se propose le droit d’amarrer le lot. Eh oui, ladre, béquille pour toi ce soir. Ela est d’une ligue bien supérieure à la tienne, elle ne t’a même pas regardé…

À vrai dire, c’est moi qu’elle regarde depuis tout à l’heure, moi mal caché dans ma cabine, sans autorisation de sortir encore. J’opine au moins de la tête, quand même, ça la soulage sans la soulager vraiment et elle file dans un courant d’air qui me force le frisson. Je ne lui ai pas dit que Maman est ici, quelque part, mais elle se doute bien que j’ai encore des arrières-pensées et que la méfiance est de mise. Je pourrais préparer un mauvais coup. On pourrait me préparer un mauvais coup. Le nom de sa cargaison – Tahar Tahgel – a pu fuiter malgré ses précautions et un comité d’accueil pas désintéressé pour un sou, ni pour cinq cents millions en fait, pourrait vouloir me récupérer...

Elle est là, Maman, omniprésente. Par-là, à l’opposé du piaf. J’ai su que c’était elle comme elle saura que c’est moi quand on se croisera. Malgré trente années de distance. Oh, on se croisera, je ne me fais pas d’illusions. Si je ne lis pas vraiment l’avenir je sais du moins comment les histoires sont faites, et elle ne peut pas se trouver ici, sur ma dernière marche, sans être vouée à me servir le dernier plat du condamné. D’autres regrets desquels me nourrir, sans doute, d’autres souvenirs heureux prêts à surgir quand je la verrai, ternis par mon présent indélébile.

Encore que. Des souvenirs heureux ? En ai-je seulement...

Depuis la couchette sur laquelle je suis allongé, je ne vois que le soleil par le hublot, ou plutôt le jaune de son aura. Les cieux sont tranquilles comme les eaux des derniers jours. Grand Line me salue à sa manière et notre traversée sans heurts n’est qu’un signe de plus : les douze univers s’alignent enfin, en fin de mon existence. L’harmonie vient, qui marquera l’ultime arrêt de mon cursus. Même ma jambe malade se refait vigoureuse comme à mes vingt ans. Si je voulais, si je bravais ma promesse à Ela, je pourrais courir tout mon saoûl sur ces pontons mélancoliques dehors, courir comme un jeune chiot plein de vie, pour la première fois depuis bien longtemps, depuis Impel Down, depuis Dead End. Les pontons de Terminus Station... Je me demande qui a trouvé ce nom.

Vingt ans… J’en ai deux fois plus aujourd’hui. Ou hier, qu’importe. Tant de bulles dans l’écume de mes souvenirs, chacune sur le point d’éclater devant mes yeux quand viendra l’heure. Je me prépare, depuis Water Seven. Ela ne s’est jamais plainte pendant le trajet mais je sais que parfois je me suis absenté en plein milieu de conversations qu’on avait. Ce gamin roux de... Prosperity Island, celui que j’ai revu à Impel Down justement, je me suis demandé ce qu’il est devenu alors qu’on parlait de Sar. Et ce broc de lait de chèvre qui s’est brisé à cause d’un petit roulis un peu soudain, ça m’a rappelé le visage de Satoshi Noriyaki à Kage Berg alors qu’on jouait à "je n’ai jamais" un soir de calme plat.

- Je n’ai jamais pensé que je te reverrais vraiment un jour.
- ... Moi non plus, jusqu’aux échos des blessures de la Harpie. À vous de boire.
...
- Tahar, je n’ai jamais jamais cessé de vous ai-Oh. Euh, vous êtes toujours avec moi... ? Allô ?
...
- Colonel ?
- Ah, hm. J’étais loin d’ici... Très loin. Un gratuit pour moi, mettons. Tu disais ?
- ... Je... je n’ai jamais revu Marie-Joie depuis...

Je crois que ça nous épargné un peu de gêne. Sans doute mieux ainsi.

- Les chants...

Nous n’avons pas rejoué, ensuite. Et elle n’a pas rebu une gou-Qu’est-ce que ?!


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...transmettent les glorieuses infortunes
Saignant et crissant sous l’autre pression des plumes
Moi je me souviens
D’un sacré refrain
Ni lu ni chanté
Par des yeux si nus
Mais déblatéré
Ce que j’ai vécu.
On disait vaurien
On disait malin
Instable terrien
Un fieffé coquin
C’était mon copain
C’est mon copain
Mon copain.


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Quand je mets pied à terre après un petit instant de flottement, la voix s’arrête et quelques bruits de bottes emportent la fille qui chantonnait près de l’embarcation. D’autres ramènent Ela à mes côtés avant que j’aie pu envisager de poursuivre l’inconnue. Elle est plus détendue qu’à l’arrivée, mais elle fronce les sourcils en me voyant à quai. Face à son air sévère d’institutrice mécontente de son élève turbulent, je sens monter en moi un besoin de me justifier aussi absurde qu’impérieux.

- Je n’ai pas quitté la zone, personne ne m’a... J’ai juste entendu...
- Hum, qu’importe, tant qu’on ne vous a pas vu... Il nous faut rester ici quelques jours, le temps qu’un navire passe refaire les réserves du bar-restaurant et que nous puissions nous-mêmes ravitailler pour... vous avez entendu ça ? Non ? ... pour la fin... Je jurerais avoir... la fin du traj-GARE !

Ehh ! Pas le temps de voir la tête du nouveau badaud apparu dans le champ de mon hyperception qu’un coup de coude paniqué dans les côtes m’envoie à l’eau sans que, lui, je l’aie prévu. Et ce n’est pas le fruit mais la surprise, le froid subit et les menottes toujours bien ajustées qui m’empêchent de remonter. Le granit flotte mal. Des voix étouffées m’arrivent malgré mes préoccupations plus urgentes.

- Oh, quelque chose est tombé à l’eau ? Vous voulez un coup de main ma bonne dame ?
- Non !
- Vous êtes sûre ?
- Non non, tout va bien, merci !
- Mais, les bulles à la surface... Il y a quelqu’un là-dessous ?
- Déguerpissez !
- Bon, bon...

Mais il y a une sorte de karma qui fait qu’on ne refuse pas deux fois de suite une aide bienveillante dans un si court laps de temps. À peine sens-je les mèches d’Ela toucher la surface de l’onde, en quête d’un signe de moi déjà quelques brasses trop profond pour qu’elle elle puisse me voir, qu’une explosion d’écume me brouille tout champ de perception dans les hauteurs, un peu décalée par rapport à elle. Pendant un moment je n’ai plus autour de moi que le vide d’en dessous, toujours plus froid, toujours plus noir, comme cette fois où j’ai coulé à pic vers Serenity. Sauf que cette fois aucun esquif perdu du Docteur Vegapunk ne mouille sans doute dans les abysses sous Terminus Station. C’est étrange comme cette ville qui de la surface semble bâtie sur pilotis paraît d’ici seulement flotter, seulement surplomber des encablures et des encablures d’eau sans fin, sans base solide. AH !

La perturbation s’amenuise et une main solide me saisit par le coude à travers le fluide, et me renvoie d’un élan digne du meilleur lanceur de poids vers le clapot entre deux mondes. Je reprends mon souffle sans trop de mal mais avec plus de plaisir que je ne l’aurais imaginé.

- Passé pas loin mon garçon, hein ?

La question émane du type qui m’a sauvé. Ela m’a déjà hissé, péniblement, et me laisse contre la bitte où est amarré le bateau pour l’assister lui. Il remonte une ancre en lovant peu à peu la corde autour de son coude et de sa main comme un marin aguerri. Elle n’a pas grand-chose à faire pour l’aider vraiment. De dos comme il est, entre deux filets d’eau perlant de mes cheveux, je ne vois de lui qu’une vague silhouette à la tonsure courte, grisonnante peut-être, et une épaisse gabardine. Il a réussi à me remonter avec ce truc ? Et à me remonter ? Mais cette main puissante, alors, qui m’a tracté si fort ? Chapeau, vieillard. Chapeau. Il en rajuste un sur sa tête sans que je distingue ses traits, mais lui a sûrement vu les miens. Le temps comme Ela se figent soudain à son côté, se préparant à l’irrémédiable exclamation quand il me remettra. Je repense à ce clochard de Water Seven.

- Les planches sont vermoulues, tu le sauras... Miss.

Deux doigts portés vers le plat de son couvrechef en guise de salut puis il s’éloigne, génialement indifférent, en maugréant un peu mais sans plus prêter attention aux remerciements balbutiés d’Ela. Nous regardons ses épaules s’éloigner pesamment au coin du quai, du reste désert, et, à chacun de ses pas invisibles ensuite, ses bottes font un bruit de succion. Puis on n’entend plus que nos deux incrédulités et il ne reste qu’elle et moi, elle me scrutant comme si ma complicité dans le malheur lui importait. Je commence à grelotter, mauvais signe. Elle vient m’aider à remonter sur le navire.

- Monsieur Tahgel !? Tahar Tahgel ?

Nous y avions presque cru…


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Dixième Epoque: Le Chapeau d'osier vieux de trente ans. 498376Mina


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Mais la voix ne vient pas du coin où le bourru trop modeste a disparu. Son origine revêt les traits d’une jeune fille que je reconnais à peine, que je reconnais de peu, que je reconnais quand même. En d’autres temps j’aurais noté sa combinaison moulante, ses formes et leur charme. Je les note. Mais ce que je note vraiment aujourd’hui, que je n’avais pas noté dans ce rêve eu sur Thriller Bark ; et quel rêve puisque finalement ce n’en était pas un ; ce que je note aujourd’hui c’est comme ses yeux ressemblent aux yeux que Maman avait quand je la connaissais encore, et c’est comme ses cheveux ont la même raideur que les miens, que ceux de F, que ceux de Mundan enfin et au début de tout, avant nous ses enfants. Leurs enfants. Comment avait-elle dit ? Milla ? Nina ? Mi...

- Mina ?
- Vous connaissez mon nom !?

Surprise. Ela ne comprend pas, moi non plus, elle non plus, mais trois choses distinctes nous échappent. Ela ne comprend pas qui est cette intruse qui me connaît alors que le type au chapeau ne m’a pas reconnu. Mina ne comprend pas pourquoi je la reconnais. Et moi je ne comprends pas pourquoi Mina s’étonne que je la reconnaisse. Mais comment ne peut-elle pas comprendre ? Comment n’ai-je pu avoir ce rêve que tout seul, alors qu’il nous tenait tous deux ?

- Oh, j’oubliais !

Elle s’approche de moi sans qu’Ela sache bien si elle doit, ou peut, ou devrait s’interposer. La scène est surréaliste, comme était surréaliste le départ de mon sauveur juste avant. Elle s’approche beaucoup. Aussi proche, elle est encore plus petite que ses rondeurs et sa ceinture surchargée d’outils et barda en tout genre ne la font paraître d’un peu loin. Son nez relevé vers mon visage effleure à peine mes mèches les plus basses, même quand elle se hisse sur la pointe des pieds pour me dévisager du plus près qu’il lui est physiquement possible. L’eau qui dévale encore mes pointes inonde ses épaules et sa poitrine mais peu lui importe. Ses yeux dans mes yeux. Les yeux de Maman dans mes yeux. L’air qu’elle exhale sent bon, toute sa personne sent la fraîcheur de la jeunesse épargnée par mes vices. Ela ne sent pas ainsi. Sara, de Water Seven, ne sentait pas ainsi, viciée qu’elle était par d’autres que moi. Je ne cille pas, elle beaucoup. Il n’y a pas dans les siens la haine refroidie par les ans et présente dans les iris de Lydia à Water Seven. Il y a de l’intérêt, de la curiosité même. Un examen anarchique mais minutieux de mes tréfonds. J’essaie de riposter, de trouver une explication dans ces prunelles qui se font sérieuses soudain.

- Att- !
CLAC !

Rapide. Comme Ela, mieux qu’Ela, j’ai vu l’épaule droite se durcir, le bras se lever et la main s’agiter. Comme Ela, mieux qu’Ela, j’ai senti la chaleur de sa paume éclater le film aqueux encore présent sur ma joue. Je n’ai rien fait, j’aurais pu. Je pensais à Maman. La gifle résonne sur le quai mais personne n’est stupéfait que nous. Même elle semble un peu sous le choc de ce qu’elle vient d’oser faire, comme si son geste était une énormité d’absurde. C’est une énormité. Ela reste bouche bée un long instant, je remonte machinalement mes doigts vers la zone de chaleur née sous ma barbe hirsute et tâte cet absurde du monde pour mieux l’apprécier.

- C’est une promesse que je m’étais faite ! Votre nom m’en a vraiment, vraiment, vraiment fait baver !
- Son nom ?
- Mon nom ?
- Mon nom. Notre nom.
- Votre nom ?

Ela est perdue mais qu’importe pour l’heure. Mina hoche doucement la tête sans me lâcher du regard, comme si elle pensait que moi aussi j’ai besoin qu’elle confirme. Confirme ce que je savais, ce que l’empathie alors ne m’avait pas révélé dans ce rêve avant ma rencontre avec Méphora. Ou alors, ce que l’empathie essayait déjà de me révéler, justement ? Les voix de l’esprit semblent vouées à rester impénétrables, du moins en partie. Du moins les voix de mon esprit...

- Vous me suivez ? Il faut que je vous mène auprès de quelqu’un.
- Nous naviguions...
- Auprès de qui ? Et qui chante ainsi ?


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...dans les limbes sans gouvernail
Ma douce et tendre allait commencer son travail
On s’est rencontrés
Dans un coin paumé
Son regard lointain
Qui lui appartient
M’a rendu taquin
C’est aussi le mien.
J’ai perdu de vue
Sa mine bien veule
Mais son air déchu
M’a rendu moins seul
C’était mon compère
C’est mon compère
Mon compère.


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- Qui chante quoi ?
- Rien.

La chansonnette s’est arrêtée et je crois commencer à comprendre que seul le vent la porte à mes oreilles, que les moins sensibles ne peuvent l’entendre comme moi je l’entends. Et puis des aboiements de chien retentissent qui emplissent bien vite nos oreilles pour y supplanter même le souvenir des paroles prononcées. Aboiements d’un chien pas tout jeune, d’un chien sans doute comme moi. L’appel, car c’en est un, est rauque, presque cassé. J’y distingue plus de joie que de tristesse, pourtant. Mais bientôt un homme au même ton semble intimer le silence à la bête. Peut-être est-il moins joyeux, lui. Sa voix est trop lointaine pour que je puisse être sûr, et ses mots sont incompréhensibles même pour moi, mais si j’avais à deviner je supposerais que cet homme est celui qui m’a repêché. Nouveau paradoxe de Terminus Station, l’endroit est étendu sur la mer mais paraît peu peuplé. Aucun autre bruit d’habitation ne nous parvient en effet, comme si nous étions dans une grande plaine désolée sur une île perdue quelconque...

- Et auprès de qui ?

Mina hausse les épaules, Ela fronce le nez. Mina Tahgel. J’ai dû mal à me faire à l’idée, pourtant présente depuis si longtemps dans mon inconscient. Et comment présente ? Par quel miracle ai-je pu avoir connaissance d’un fait pareil, alors qu’elle semble si jeune ? Est-ce que pendant ma dérive vers Thriller Bark je suis passé près d’un endroit où elle se trouvait ? Est-ce qu’elle était déjà ici ? Le Triangle Florian n’est pas si loin que ce soit impossible...

J’hésite, Ela se met en retrait pour me laisser la décision. Elle me ferait assez confiance ? Je lui désigne mes poignets entravés du geste, mais elle fait non de la tête. On repassera pour la confiance. J’ai l’esprit occupé par ma... sœur ? demi-sœur ? cousine, voire ?... mais le froid gagne quand même. Ça, Ela veut bien s’en soucier, qui se défait de son épais manteau à haut col pour me le poser en guise d’épaulettes. J’y reconnais pour la première fois sa pelisse de sous-officier que, de même que j’ai conservé la mienne jusque Dead End, elle n’a visiblement jamais abandonnée en dix ans. Encore ce sacré cuir à la longévité impressionnante. Je me demande soudain ce que deviennent ces manteaux à la mort de leurs porteurs, sur un champ de bataille, s’il existe des charognards pour ces trésors comme il en existe chez les charpentiers, qui guettent de par les mers du globe le moindre débris de bois d’Adam. J’essaie de me rappeler mes champs de bataille à moi, ceux que j’ai traversés, ceux où j’ai perdu des collègues.

Et puis je me souviens qu’il y a plus actuel, et nous entamons la marche, périlleuse pour qui a comme moi les semelles mouillées de la mer, au travers du dédale anarchique, anarchiste, des pontons vermoulus de Terminus. Chacun de mes pas révèlerait au monde entier ma présence, mais comme plus tôt les réactions sont rares, et jamais révélatrices de ma notoriété. Parfois, un nez s’aventure en dehors d’un auvent, d’un voile, d’une persienne mal sertie à ses gonds. Mais toute cette ville semble mal sertie, et même les nez en question le sont sur les visages auxquels ils sont soudés. Les yeux sont torves, les teints souvent délavés, les cheveux rêches, et j’ai l’impression d’être la proie d’un Color Trap semblable à ma rouille. Mais dans ce cas mes compagnes le sont aussi. Et ce vieil homme tout à l’heure de même. Plus que mélancolique, la zone semble délétère et les énergies proches de s’évanouir ou déjà évanouies dans les plus vigoureux d’entre ses habitants. Je chuchote, à un moment où Mina ouvre la marche une ou deux dizaines de pas en avant. Elle, elle ne semble pas affectée. Ou peut-être n’est-elle pas ici depuis assez longtemps pour ça, finalement.

- Il ne faut pas qu’on reste, Ela.

Ses yeux me disent qu’elle en a déjà pris conscience, qu’il faut trouver une solution pour les vivres et l’eau. Grand Line touche à sa fin mais Marie-Joie n’est pas tout près malgré tout.

- Ah, nous y voilà !

Un grincement mécanique régulier précède l’exclamation, presque imperceptible car noyé dans ceux des girouettes et autres éoliennes dont sont parsemés les toits locaux. Une remontée de bile la suit.


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Dixième Epoque: Le Chapeau d'osier vieux de trente ans. Mundan


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- Colonel ? Tahar !

J’essaie de me rattraper à une rambarde quelconque mais il n’y a rien et je trébuche pour finir cul à terre, plus bas que lui alors que ce ne devrait pas être possible. Le contraste entre mon souvenir et la réalité m’a fait manquer un pas quand le fauteuil s’est lentement retourné, quand sa tête s’est révélée depuis l’ombre de son capuchon. Je dois avoir perdu mes couleurs, car Ela me gifle. Décidément c’est la journée. Mais c’est à peine si je l’ai sentie cette fois-ci. Je la repousse comme si d’autres bras que les miens s’en chargeaient et me relève, seul. Et maintenant je le domine, même si c’est trop tard pour la première impression comme me l’indique son petit rictus et les rides au coin de ses yeux. Lui non plus ne semble pas trop affecté par l’atmosphère qui règne alentour. Ou plutôt, je ne saurais pas dire si c’est l’atmopshère qui pèse sur lui ou si c’est dû à son état physique.

Mundan Tahgel, infirme.

Mon envie est d’en rire, mais mes instincts me commandent de ne pas le faire. Et pourtant. Si Mundan finit comme ça, mauvais père, mauvais mari, mauvais bougre, comment vais-je finir, moi tueur, pilleur, violeur, amant volage, récidiviste, démon, pirate, fils de tous les diables et père d’un ange laissée à l’agonie ? Quel sort atroce m’est réservé, quelle honte m’attend dans la sénescence ?

Oh... juste, très juste. Pas de sénescence à prévoir.

- La famille au grand complet, alors, hein ?

Je persifle et l’air n’est plus effilé tel un nuage de mélancolie cotonneuse. Il se densifie, devient tendu et lourd comme si un orage approchait. D’ailleurs, peut-être bien qu’un orage approche vraiment... Cette pensée que je n’aurai sans doute pas le temps de finir comme lui m’a redonné un peu de vivacité. Mina raidit sa posture de post-ado trop enthousiaste. Ela reste coite mais je sais sa main sur la crosse de son pistolet, prête à toute éventualité. Mes lèvres, chaque instant plus bleuies, se plissent du même cynisme que les siennes, mes yeux qui sont les siens ne tressaillent plus à s’y planter. À lui de perdre un peu de sa contenance. Vois ce qu’est devenu ton fils, père indigne. Eh, craindrais-tu désormais d’avoir fait une erreur en venant ici ? Que voulais-tu en venant ici ?

- La famille a rien de complet, fils.
- Fils, hein... Quoi, encore un rejeton dont j’ignore l’existence et qui manquerait à l’appel ?
...
- Non ? Et pourquoi j’ignorais l’existence de Mina Tahgel, d’ailleurs ? Pourquoi pas un mot quand j’étais encore très fréquentable ?
...
- Hum, évidemment ce n’est pas à toi que je devrais demander.
...
- Peu de chances que tu aies jamais vraiment eu le souci d’être au courant de ces choses-là, aye ?
- Monsieur Tahgel !

Mina me regarde un peu offusquée et je regarde le visage rattaché aux bourses qui m’ont procréé. Je me demande ce qu’elle sait de ce père. Est-ce qu’elle a vécu avec lui, est-ce qu’elle a vécu avec Maman ? Est-ce qu’à eux trois ils ont formé le foyer que F et moi n’avons jamais eu la moindre chance de former, même alors qu’on aurait encore pu y croire ? Non, c’est impossible... C’est impossible que Mundan se soit rangé, même pour une fille et surtout pour une fille. Mon rêve de lui et mon rêve de Maman disaient l’inverse, aussi. Ce même genre de rêve dont il ne se souvient visiblement pas plus que Mina. Impossible parce que je n’ai pas pu non plus. Et les enfants d’Izya s’ils naissent ne la verront pas se ranger. Et les tiens non plus, Mina Tahgel, les tiens non plus...

Mais que font-ils tous là, alors ?

- Et que me vaut le plaisir de cette petite réunion, alors ? Une dernière oraison pour le fils prodigue ?
- Alors que la vie nous...
- J...
- Shht !


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...avait déjà brisés
Que les flots oubliaient nos complaintes passées
Il m’a retrouvé
Vingt années après
Devenu alors
Pour les gentes dames
Démon orné d’or
Égide du blâme.
Des ténèbres austères
Croupissant la veille
J’ai bravé l’enfer
Rendu la pareille
C’était mon épaule
C’est mon épaule
Mon épaule.


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- Ce n’était pas un prétexte. Je n’ai pas fui !
- Je vous crois, Tahar. Mangez, vous devez vous réchauffer de l’intérieur.

Les braises du minuscule poêle sur lequel chauffe la conserve sont la seule source de lumière dans la cabine où nous nous sommes retranchés. Dehors, c’est la fin d’un monde avant le début d’un suivant. Grand Line rattrape son retard et l’orage tonne en plein sur Terminus. J’attends qu’un éclair vienne foudroyer notre mât parmi la forêt des autres au mouillage. La houle fait s’entrechoquer les coques et soulève les cœurs, mais rien de tout ça n’a d’importance. Je n’entends que le vent et cette voix qui l’accompagnait plus tôt, cette voix que j’ai poursuivie en les abandonnant tous deux là où ils étaient, avec Maman à l’intérieur de ce bâtiment derrière eux, je le sais. Ela m’a suivi mais pas eux, comment Mundan aurait-il pu avec ses roues ? Et comment Mina aurait-elle voulu suivre son frère après une première rencontre pareille ?

Les débris de la lampe-tempête brisée avant le souper, par cette tempête trop forte pour son anse, raclent le plancher à l’occasion d’un nouveau roulis plus fort que les autres. Ballotés, Ela et moi glissons d’un pied à droite et d’un pied à gauche, face à face sur nos bancs silencieux. Je rattrape d’un geste machinal la tambouille avant qu’elle touche terre, et la contemple sans la voir avant de la reposer entre nous. L’acier de la boîte, chauffé au rouge par le feu, brûle ma paume indifférente. Je peux sentir le cuir roussi, deviner la cloque encore invisible mais déjà en train de se former.

Non, je n’ai pas fui.

- Tahar, hein.
- Pardon ?

Mais la poétesse, elle, celle qui chantait, elle m’a encore échappé.

- Depuis quand tu m’appelles comme ça ?

Les gouttes sur le toit de mon hypothermie empêchent la gêne entre nous de vraiment revenir. Ma gêne, au moins. Je l’entends à peine qui toussote, alors ses joues à elle peuvent bien rougir de l’autre côté du feu que je n’en saurais rien...

En tout cas elle avait raison. Manger chaud fait du bien. Je me fais toujours l’effet d’un vieillard dont le mou qu’il ingurgite est le dernier rempart contre la Mort assise en face de lui, patiente et certaine de la fin éventuelle du repas, mais en même temps je récupère vigueur et sérénité. Relative sérénité.

- Je ne vous aurais jamais imaginé une sœur, encore moins une sœur comme Mina.
- Moi non plus, à toi de boire.

Elle sourit dans l’ombre à la référence, et la soirée s’achève beaucoup moins mal que la journée malgré les efforts des éléments inlassables au-dehors. Les deux dernières bouteilles finissent de nous réchauffer, dont je ne suis pas seul débiteur, et l’aube point qui nous réveille par son grand silence.

J’émerge l’esprit léger, Ela la mine sombre.

- Un problème, capitaine Inboshassee ?
- Nous n’avons plus rien à manger, je savais que nous n’aurions pas dû boire...
- Et quand bien même ?
- Quoi, et quand bien même ?
- Eh bien, où est le drame ? Nous n’avons qu’à chercher ici, les gens y auront bien de quoi manger !
- ...Tahar, vous allez bien ?
- Gouge rouge, un peu que je vais bien. Mieux que jamais, même... Pourquoi cette question ?
- Hum.
- Ela ?
- ... Rappelez-moi pourquoi nous ne pouvons pas rester ici ? C’est vous-même qui l’avez dit, hier.
- Je l’ai dit hier ? Et que s’est-il passé hier ? N’a-t-on pas accosté cette nuit pendant que je dormais ?
- ... Où allons-nous, Tahar ?

- Je... Je dois vous emmener quelque part, Tahar, venez avec moi. Allons, dépêchons, suivez-moi...


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Terminus Station se dévoile devant nous sans qu’Ela me laisse le loisir d’en admirer la nouveauté. Comme de peur que je me perde à batifoler devant ce que je découvre, elle me tient, me tire même, tantôt par une de mes mains tantôt par la chaîne entre elles deux. Son gant de cuir est froid quand il est dans une de mes paumes, et le frottement contre celle de gauche m’est douloureux. Je découvre, après quelques acrobaties pour la regarder tout en marchant mais sans tomber, qu’elle est brûlée assez gravement, et ça semble assez récent. Pourtant je ne me souviens pas de quand...

- Ah ! Dépêchez, Tahar, allons !

Le pas presse encore, Ela semble avoir aperçu un endroit intéressant au travers de quelques vides parmi les masures sur pilotis. Presque échevelée par ce qui est maintenant une course, elle semble proche de s’en prendre à la première personne à croiser notre chemin. Et de fait, c’est ce qu’elle fait.

- Mina ! Mina !

Nous sommes sur un ponton plus large que les autres, avec quelques tables en terrasse, à l’une desquelles est assise quelqu’un. Le bâtiment à notre droite semble un bar encore assoupi du début du jour, mais je distingue déjà quelques sons à l’intérieur, derrière cette jeune femme qu’Ela a apostrophée et qui relève maintenant la tête. Elle a un vague air de déjà-vu mais j’ignore ce que...

- Vous encore ?
- Tahar, vous ne la reconnaissez pas ?
- Je...
- Dites-lui, Mina ! Redites-lui !
- Lui redire quoi ?
- Ce qui s’est passé hier...

Après un petit instant à me fixer dans le blanc des yeux elle hoche la tête, nous invite à entrer pour nous asseoir. Comme prévu quelques tables sont déjà occupées, mais personne ne prête attention à nous, pas même l’homme au bar et sa jeune compagne aux yeux étonnamment bleus, qui doit être la serveuse. Mina se dirige vers eux après nous avoir désigné un coin un peu à l’écart, où nous serons tranquilles dit-elle, et revient quelques moments après avec un broc d’eau claire, une feuille de papier roulée sur elle-même, et de quoi manger. Ma faim, je ne l’ai pas oubliée et la course aurait suffi à me la rappeler le cas échéant.

Pendant que je bâfre elle me redit. Ce qui s’est passé hier. Elle me redit, par le menu et avec quelques précisions d’Ela, et je crois me rappeler quelques bribes de sensations. Un frisson dans le dos ou un accès de haine, mais ces mémoires seulement sensorielles n’en déclenchent aucune complète. Je ne me revois pas vraiment tomber à l’eau ou rencontrer mon père. Mon père...

- Qu’y a-t-il, Tahar ?

Plus j’y pense et plus les images que j’ai de lui semblent un agglomérat de fils de plus en plus lâches, comme un canevas dont un point aurait cédé et qui se distendrait en de vagues morceaux de portrait. Un juron dans un coin de cour de ferme mal définie elle aussi, un siège vide à table un soir où il faisait peut-être bien jour, un jour de deuil où l’alcool lui a fait perdre raison, ou peut-être était-ce le chagrin ?

- Qui est-ce, monsieur Tahgel ?

Mina a étalé devant nous sur la table l’avis de recherche qu’elle a ramenée du comptoir. Le nom du primé est masqué par son avant-bras mais je sais que la tête m’est familière, à nouveau, et je sais qu’elle me ressemble même. Moi aussi j’ai des cheveux longs et raides, des yeux presque clairs au regard parfois presque méchant, ce nez dur, cette bouche resserée sous cette barbe à l’implantation large. Et je crois bien qu’à un moment de ma vie j’ai aimé m’habiller comme un gentleman...

- C’est lui, mon père ?

Elle fait glisser son avant-bras vers la gauche, révélant le nom de famille et des zéros. J’ai bon !

Encore un peu à gauche, cependant, et le prénom ainsi que la prime apparaissent. Oh.


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