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Entracte sur l'île aux poissons

ROUND I
Remise en Question & Remède

[D'ICI]

Debout au bord du quai, une jeune femme à la longue chevelure blanche fixait le fond de l’eau salée dont les vagues, bloquées par les rochers qui isolaient la baie du reste de la mer, ne venaient troubler la surface. Les vêtements et cheveux dansant dans le vent, elle semblait être absorbée par une bande de poissons qui dansaient au fond de l’eau pellucide et la scène durait déjà plus de quinze minutes. Chose plutôt surprenante quand on connaissait que le protagoniste était un être incapable de rester inactive pendant plus de cinq minutes. Le comportement plutôt inhabituel de la jeune femme s’expliquait par le fait qu’en réalité, elle était partie en voyage dans le méandre de ses pensées. Si la raison de son arrêt au bord de l’eau était effectivement les poissons, dont le nombre l’avait quelque peu surpris, elle avait fini par être absorbé par des souvenirs qui ne cessaient de la hanter depuis son départ de Las Camp. C’était il y a plusieurs jours mais les agressions dont elle avait été victime étaient comme des entraves dont elle ne pouvait se libérer malgré l’effort qu’elle déployait pour s’en débarrasser. Celles-ci lui avaient fait comprendre sa faiblesse en tant qu'être mais surtout en tant que femme et cela la hantait même durant son sommeil qu’elle terminait en sursaut et en sueur. Elle se posait de tas de questions dont les réponses aboutissaient toujours à la même conclusion : si elle comptait poursuivre le chemin qu’elle avait tracé, elle allait devoir devenir beaucoup plus forte sinon c’était la mort qui l’attendrait et ce, sans avoir atteint son objectif. Une péroraison qui l’amenait à se remettre en question. Ne devrait-elle pas abandonner cette idée de vouloir retrouver les siens et se reconstruire une vie tranquille ?

Elle était en chemin pour se rendre au quartier général de la BNA, la guilde la plus puissante des chasseurs de primes qu’elle comptait rejoindre dans l’espoir de pouvoir atteindre son objectif plus rapidement, mais sa remise en question l’avait poussé à faire une halte sur cette île, alors que le bateau qui l’amenait avait fait escale sur celle-ci. Le navire n’était resté que le temps de charger quelques marchandises avant de repartir sans la jeune borgne à son bord. Elle pensait qu’il n’était pas raisonnable de poursuivre son voyage, tant qu’elle n’était pas sûre de ce qu’elle souhaitait faire de son avenir. Elle avait débarqué la veille et avait dormi dans une auberge tenue par un gentil couple dans cette ville portuaire. Désirant faire une pause dans la chasse aux vilains, elle avait laissé son sabre avec ses affaires à l’hôtel.

- Mon sac ! Il a volé mon sac !

Le cri de détresse ramena la jeune femme au bord de la berge dans la réalité. Elle se tourna dans la direction de l’alarme pour voir un homme courir vers elle, un sac qui était bien trop féminin pour lui, serré contre sa poitrine. Instinctivement, alors que le coureur était à sa portée, sa jambe droite se leva à une vitesse folle à cent trente-cinq degrés pour aller accueillir le visage du fuyard que l’impact fit tomber sur le postérieur. Il lâcha prise le sac que la jeune femme ramassa aussi tôt, sans accorder la moindre attention à la victime qui essuyait à présent d'une main du sang qui coulait de son nez. L’homme regarda ensuite autour de lui et constatant qu’il était devenu le centre de tous les regards, il se leva pour reprendre sa course mais sans le butin que de son côté, la chasseuse de primes ramenait à la propriétaire légale.

- Whouah ! Trop bien ! Comment vous avez fais ça ! Lança un jeune garçon d’environ neuf ans tout imitant maladroitement le coup de pied que venait de faire la jeune borgne, alors que cette dernière tendait le sac à sa propriétaire.
- On n’embête pas la demoiselle Al ! … Je vous remercie Mademoiselle !
- Dites ! Vous pourrez m’apprendre à faire pareil ?
- Al, je t’ai dit de ne pas embêter la demoiselle ! … Veuillez l’excuser, il est toujours comme ça !
- Ne vous inquiétez pas, lança la jeune borgne tout en posant une main délicatement sur la tête du gamin surexcité. Si tu veux, je t’apprendrais mais je te préviens, ça sera très difficile !
- C’est vrai ? … Tu as entendu maman ! Elle va m’apprendre le coup de pied éclair !
- Oui, j’ai entendu mais peut-être que la demoiselle à autre chose à faire tu sais !
- Ne vous inquiétez pas, j’ai du temps libre ! La jeune chasseuse de primes se baissa ensuite pour se mettre au niveau d’une petite fille, qui devait avoir dans les cinq ans, agrippée à la robe de sa maternelle. Contrairement au grand frère, celle-ci semblait bien timide car elle se cacha à moitié derrière sa maman lorsque la jeune borgne lui adressa un sourire. Tu t’appelles comment princesse ?
- Elizabeth mais on l’appelle toujours Eli, lança le grand frère à la place de la petite sœur qui ne semblait pas vouloir lui répondre. Et moi, c’est Alphonse mais tout le monde m’appelle Al.
- Enchantée Al, Eli et la maman d’Al et Eli, moi c’est Yamiko.

Elle fit une légère courbette à l’intention de la mère qui fit de même en retour. Fréquenter ses semblables était son meilleur remède pour oublier ses soucis. La jeune borgne avait donc profité de la situation pour établir un contact avec des habitants de cette ville, où elle pourrait bien passer quelques jours. Alors qu’elle s’apprêtait à engager une conversation plus sérieuse avec la mère, la jeune borgne fit tirer brusquement par un bras par Al.

- On y va ! Vous allez m’apprendre maintenant ! Je connais un endroit où on serait tranquille.

L’enfant n’avait fait que quelques pas qu’il rentra dans un homme. Trop occupé à tirer la jeune chasseuse de primes, il n’avait pas fait attention à ce qui se passait devant lui. La mère se précipita vers eux et pinça l'oreille de son enfant bien trop turbulent qui lâcha le bras de la jeune borgne.

- Al demande pardon à Yamiko et au Monsieur tout de suite !
- Pardon ! Lança une petite voix.
- Non, c'est bon ! Tout va bien pour ma part et vous Monsieur, rien de casser ? ...
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Il marche, tête baissée, son fardeau sur les épaules. Il avance sans prêter attention à tout ce qui peut se passer autour de lui. Les souvenirs le hantent, venant le tourmenter, encore et encore, chaque instant un peu plus. C'est une ronde macabre qui occupe ses pensées, alors qu'il revoit défiler les cadavres. Un ami qui agonise. Et quelques instants auparavant, sa famille qui se fait éventrer sous leurs yeux terrifiés. Tout deux paralysés, véritablement figés par la peur. La ville en contrebas, à feu et à sang. Les hurlements étouffés venant de là-bas, portés par le vent. Et cette fuite. Cette course. Contre sa volonté. Sa lutte contre ses propres jambes, pour s'éloigner de ce charnier. Pour fuir au plus loin. Cet instinct violent qui était venu lui retourner les entrailles, et balayer sa raison. Balayer tout ce pour quoi il avait été formé. Tout ce pour quoi il avait été entraîné. Tout avait été effacé, broyé, réduit à néant devant cet étalage de violence malsaine. Cette même violence qu'il avait fini par perpétrer. Et puis cette scène. Cette chute. Ce regard en arrière. La vision de son ami et maître, sauvagement égorgé. Puis plus rien. Rien, sinon la rage. La haine. Ce voile sanguinolent qui était tombé sur sa vision. Sur ses pensées. Sur son existence. Et tout ce sang qu'il avait fini par faire couler. Toutes ces années qu'il avait passé, à protéger un fantôme. Protéger un souvenir. Une ombre.

Ses yeux sont voilés. Ses pensées sont ailleurs. Il marche, ses bûches sur le dos, l'esprit parasité par ces souvenirs macabres. Et il ne voit pas l'enfant qui se précipite devant lui. Il accuse le choc, tentant d'amortir ce dur impact avec la réalité. Brutalement tiré vers le bas, comme s'il allait se briser les jambes en rencontrant le sol. Comme si tout son être était fait d'une porcelaine bon marché, prête à être jetée et brisée avec fracas. Le fauve. La bête sauvage. Le gardien. Le voilà bien ridicule. Le voilà réduit à presque rien. A une petite statuette de cristal, fissurée, simplement fragile. Qui a bien du mal à appréhender ce retour. A accepter ce à quoi il fait face. Et pourtant il est mort. Pourtant il l'a abandonné à son sort. Il l'a laissé mourir. Il a failli à sa mission. A la mission qu'on lui avait confiée.

Alors il met un peu de temps à réagir. Les sons ne montent pas tout de suite à ses oreilles. Il reste une seconde l'air hagard, le regard perdu dans le vague, avant de comprendre les mots qu'on lui a adressé. Il se contente d'un sourire un peu timide, un peu effacé, se refusant à plus, alors qu'il accompagne son geste de quelques mots prononcés d'une voix un peu trop basse. Un peu trop chargée en émotions. Presque fêlée. Presque sur le point de se briser, elle aussi.

    Non. Ne vous inquiétez pas pour moi. Tout va bien. Tout va bien.


Une fois aurait suffit. Mais peut-être le répéter le rassurait-il. Peut-être cela avait-il un effet rassérénant sur lui. Peut-être n'avaient-ils pas entendu cette répétition, lâchée dans ce souffle rauque. Qu'ils n'avaient pas remarqué son regard presque vide, voilé. Son regard qui semblait appeler la mort. Trop chargé en désespoir pour montrer la volonté de continuer. Trop chargé de peur pour oser partir ainsi. Trop chargé en regrets. En peines. En remords. Des mains couvertes de sang. Des mains qu'il n'ose poser sur l'épaule de cet enfant, alors qu'il a pourtant mis un genou en terre pour arriver à son niveau. Un frisson le traverse, alors qu'il approche sa dextre. Et il ne finit pas son geste, reculant sa main presque brusquement, comme un enfant qui viendrait de se brûler.

    Je. Et. Et toi petit ? Ca va ?


Il a peur. Peur de l'avoir blessé. De l'effrayer. D'être devenu un monstre, après tout ce temps passé à n'être plus rien d'autre qu'une bête qui rodait autour de son territoire. Après tout ce temps passé à tuer. A massacrer, pour protéger un simple souvenir. Et il n'ose le regarder en face. Il n'ose soutenir le regard de ces individus. Bien trop mal à l'aise pour oser leur faire face. Bien trop couard pour simplement fuir la rencontre et ne pas se retourner.
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ROUND II
Agneau en Détresse

La jeune borgne fixa l’homme d’un regard plein d’interrogations. Celui-ci semblait si accablé. Son corps était parmi eux mais son esprit semblait ailleurs. Un état qu'elle avait expérimenté il y avait tout juste quelques minutes. Encore une victime du destin, se disait-elle intérieurement.

- Vous êtes sûr que tout va bien ? S’inquiéta la jeune femme.

Par cette seconde question, elle cherchait en réalité à connaître la raison du tourment de l’inconnu. La profondeur de la tristesse de ce dernier avait réussi à affecter son âme bien trop sensible. Elle ne le connaissait pas et pourtant elle désirait le soulager de ses peines ; comme si les siennes ne suffisaient pas. Elle était bien consciente, qu’elle ne devait rien à cet homme mais son être refusait de l’abandonner dans sa détresse. Elle interprétait l’état de l’inconnu, comme une réclamation de secours que sa personne contestait d’ignorer.

- On y va !

Sans attendre la réponse de la jeune borgne, Al, qui s'était contenté d'acquiescer de la tête pour répondre à la question de l'homme, lui avait de nouveau saisi un bras. Alors qu’elle se faisait, une fois de plus, tirer par le petit garçon, instinctivement, sa main libre se ferma sur un bras de l’homme qu’elle entraina ensuite dans leur course. Honteuse de son action qu'elle savait puérile, la jeune femme n’osa pas regarder dans la direction de l’inconnu qu’elle amenait de force avec eux mais elle refusait de le lâcher. C’était comme si elle tenait la main d’un être tombé dans un gouffre. Si elle le lâchait, c’était donc la fin pour lui et elle rejetait cette idée néfaste.

- C’est ici !

Al lâcha enfin le bras de la jeune chasseuse de primes qui elle, continua de garder celui de l’homme, tout en admirant le paysage qui s’offrait à eux. Ils avaient atterri dans une clairière au bord de mer, en dehors de la ville. La jeune femme finit par libérer l’homme pour aller se précipiter à la lisière qui séparait la verdure du sable, pour contempler la mer qui scintillait tel un ciel illuminé d’étoiles. Elle mit une main en visière pour mieux admirer la scène, le regard rayonnant de bonheur. Face à la beauté du panorama, son esprit s’était vidé de ses souvenirs moroses. Elle avait même oublié la présence de l’agneau en détresse qu’elle tentait de secourir.

- Whouah ! C’est magnifique !
- J’ai trouvé cet endroit tout seul ! Lança Al avec fierté tout en se plaçant à côté de la jeune femme.
- Merci de me l’avoir fait découvrir Al ! La jeune femme caressa les cheveux du garçon qui sourit tel un bienheureux.
- Yamiko ?
- Oui ?
- Pourquoi tu l’as amené ici ?

Pourquoi ? Elle n’avait aucune réponse raisonnable à cette question. Une fois de plus, elle avait obéi à son instinct sans réfléchir. Elle souhaitait rendre le sourire à l'inconnu mais comment ? Et puis, désirait-il seulement être consolé ? Elle et lui n’étaient que des parfaits inconnus, elle n’avait donc aucun droit de lui imposer quoi que ce soit mais pourtant, elle venait de le forcer à les accompagner.

- Bon Al, je te laisse t’échauffer. Tu n’as qu’à faire dix … non quinze tours de la clairière.
- Mais pourquoi ?
- Si tu veux apprendre le "coup de pied éclair" correctement, il faut t’échauffer sinon tu risquerais de te faire mal et ça je ne veux pas. Tu comprends ?
- Bon ok !

Alors que le petit garçon s’échauffait comme demandé, la jeune borgne alla se camper à côté de l’homme. Elle fixa le paysage devant elle au lieu de le regarder dans les yeux.

- Désolée de vous avoir traîné jusqu’ici sans demander votre avis mais … je n’ai pas pu m’en empêcher en voyant votre si profonde tristesse. … Pardonnez-moi si j’ai mal agi ! … Je sais que je n’ai aucun droit de vous proposer cela mais si je peux faire quelque chose pour vous, n’hésitez pas à demander ! Elle lui adressa un sourire sincère, alors qu’elle avait fini par le fixer. Au fait moi c’est Yamiko et vous êtes … ?

Ne voyant aucune raison de lui cacher son intention, la jeune femme avait joué sur la sincérité en faisant comprendre à l’homme son souhait de lui venir en aide. Il n’était pas le premier être à qui elle tentait de soulager la peine car sa nature généreuse ne pouvait rester indifférente face aux malheurs de ses semblables. Pour sa personnalité bien vaillante, beaucoup la considérait comme un vrai ange mais certains la traitaient aussi d’une naïve ou d’une folle, alors que d’autres la prenaient tout simplement pour une fille qui se mêlait de leurs affaires. Mais elle n’avait cure des opinions qu’on avait d’elle. Tout ce qui lui importait était de suivre ce qui lui dictait son cœur afin d’éviter d’avoir du regret. Il ne tenait donc qu'à l'homme de saisir la main qu'elle lui tendait ou de la repousser ...
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