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Un monstre pour maître

ROUND I
Requête Suicidaire

[D'ICI]

Alors qu'elle ne pensait pas le rencontrer si tôt, il était apparu le lendemain même de son arrivée. Était-ce le destin ? En tout cas, la jeune borgne y croyait fort. Debout derrière la table, le contenu de son verre renversé ruisselant sur le sol, la chasseuse de primes ne voyait que lui. Frau, le rasoir des Blues était là. Sa présence avait ramené le silence sur le lieu qui était pourtant habituellement si bruyant. Tous semblaient êtres figés pour le regarder. Même ceux qui étaient en train de s'arracher les vêtements, à cause d'une accusation de triche dans leur partie de jeu de cartes, cessèrent leurs mouvements pour lui prêter l'attention. Pas un seul n'avait pas daigné ne pas le fixer mais de tous, la jeune borgne semblait être la plus absorbée par sa présence. La jeune femme semblait être déconnectée de la réalité où elle fut ramenée lorsque Sunny se précipita vers le nouvel arrivant, les bras ouverts s'apprêtant à l'étreindre.

Frau:

- Frauuuuuuuuu-san !

Le rasoir ramena devant lui son arme, qu'il tenait en équilibre par le manche sur son épaule droite, obligeant Sunny à faire un grand bond en arrière au risque de se manger la lame de la faux géante. Cette dernière était l'arme de prédilection de Frau. Une faute de gout pour beaucoup mais la jeune borgne trouvait que l'outil peu banal lui seyait à merveille.

- Je t'ai déjà dit de ne pas me toucher avec cette chose immonde !
- Je t'ai déjà dit de te tenir à plus de dix mètres de moi !
- Toujours aussi froid … mais j'aime aussi ce côté de toi !

Sunny:

Sunny tenta de nouveau de se rapprocher de sa cible, une fois que celle-ci avait ramené son arme sur son épaule, mais le rasoir stoppa son élan en reposant le dessous de sa chaussure gauche en plein milieu du visage de l'Excentrique. Ce dernier se figea quelques secondes alors qu'une aura meurtrière se dégagea de son corps. Puis ses cheveux se mirent à se hérisser avant de former des piques qui se dirigèrent à toute vitesse vers Frau, menaçant de le perforer, mais le rasoir les esquiva toutes avec une facilité déconcertante. Irrité au plus haut point, Sunny ne semblait pas vouloir abandonner mais après une dernière esquive, de sa main libre, Frau attrapa une mèche avec aisance, malgré leur vitesse, puis il tira violemment sur celle-ci. Sunny fut expulsé vers sa cible et sans avoir le temps de réaliser ce qui se passait, son visage s'était retrouvé fermé dans la main gauche du rasoir. L'excentrique de service de la B.N.A; n'avait même pas tenu deux minutes face au rasoir de l'organisation.

D’un regard royalement placide, le rasoir fixa quelques seconds son assaillant devenu sa proie qui se débattait, tel un insecte pris dans une toile d’araignée, entre sa main avant de la jeter sans ménagement. L’Excentrique se retrouva les fesses à terre. De sa position de défaite, il fixa d’un regard animé de colère l’Ange de la mort qui lui, continuait de la toiser de son regard éternellement indifférent. L’atmosphère était devenue pesante. Personne n’osait bouger, comme si le moindre mouvement pourrait déclencher une explosion meurtrière. Même après avoir perdu misérablement une guerre, Sunny ne semblait pas vouloir abandonner la bataille. Il n’était pas idiot au point de ne pas comprendre que jamais il ne gagnerait contre le rasoir mais en plus d’être colérique, l’Excentrique de service se révélait être un personnage d’extrêmement têtu.

Le séant toujours cloué au sol, les cheveux de Sunny commencèrent à prendre du volume mais un obstacle qui vint s’interférer entre lui et sa cible, le força à interrompre sa nouvelle tentative d’assaut. Désirant mettre fin à l’hostilité, qu’elle jugeait ne pas avoir sa place, la nouvelle recrue s’était précipitée pour se mettre entre les deux hommes, avant qu’ils ne recommencèrent à s’en découdre. Une action qui aurait pu très bien lui couter la vie si Sunny ne l’avait pas remarqué à temps. Son initiative déplut d’ailleurs fortement à celui-ci dont un rictus de colère, poussée à son point culminant, avait fini par déformer complètement le visage. Il se leva brusquement pour se poster derrière la suicidaire.

- Non mais tu veux mourir ou quoi … On ne t’a pas appris à ne pas te mêler de combat des autres ?

La jeune borgne ne lui accorda aucune attention qu’elle avait portée entièrement à Frau dont le regard semblait être perdu sur son opulente poitrine. Le rasoir était connu être un homme friand des filles aux jolies formes et celles de la nouvelle ne semblaient pas le laisser indifférent.

Au lieu de rétorquer à L’excentrique qui lui reprochait son intervention, rapidement, la chasseuse de primes aux cheveux blancs griffonna quelques mots sur son calepin qui lui servait de moyen de communication, le temps de retrouver sa voix perdue à cause de l’effet secondaire de son étrange test de résistance de la veille par le Chevalier blanc. Une torture qui avait consisté à la faire rire sans interruption pendant plusieurs minutes, après lui avoir fait boire à son insu, une substance qui avait décuplé sa sensibilité au toucher. Elle montra ensuite le message au rasoir mais ce furent ceux qui se retrouvèrent derrière lui qui réagirent à la missive.

- Quoi ?
- Mais elle est folle ?
- Elle veut mourir ou quoi ?

Intrigué, Sunny oublia la raison de son exacerbation et se rapprocha rapidement de la jeune borgne pour lui arracher le calepin sur lequel était marqué : « faites de moi votre disciple, s’il vous plaît !». Certains qui n’avaient pas pu prendre connaissance de l'écrit, dont Fozia, avaient encerclé l’Excentrique.

Fozia:

- T’as rejoint l’organisation pour te suicider ou quoi ? Lâcha Fozia d’un ton plein de reproche.
- Non … non … tu te trompes. Je ne veux pas me suicider. C’est … c’est juste que …
- Si vous vous occupez de vos affaires au lieu de vous interférer dans celles des autres ? ... Et puis dégagez, vous me pompez l’air !

Volontaire ou pas, l’intervention de Frau sauva la mise à la jeune borgne qui ne tenait pas à confier à autant de monde la raison qui l’avait poussé à effectuer une demande aussi insensée. Elle avait tellement espéré ce moment de rencontre que la présence des autres avait été complètement effacée de son esprit. Prise au dépourvu, elle avait donc tenté de se justifier maladroitement.

- Non mais pour qui tu te prends ? Nous étions là avant toi alors si tu n’es pas …
- Vous acceptez ?

Une fois de plus, la jeune borgne n’avait accordé aucune attention à Sunny à qui elle coupa la parole involontairement. Il n’était pas dans ses habitudes de faire preuve d’autant de manque de respect, surtout pas envers ses propres camarades, mais son exaltation semblait l’avoir complètement isolée dans une bulle avec l’être qu’elle admirait. Sans surprise, son comportement réveilla la colère de Sunny qui venait à peine de sommeiller. Après une fraction de seconde d’une vaine tentative de résistance pour ne pas s'adonner à la violence, le jeune homme tira sans ménagement sur les cheveux de la jeune borgne qui posa alors instinctivement ses mains à la base de ceux-ci, pour tenter d’atténuer la douleur de son cuir chevelu.

- De quel droit oses-tu me couper la parole !? … Si tu tiens tant que ça à mourir, je peux te rendre ce service tout de suite !
- Pardon ! Pardon ! Pardon !

De son regard éternellement froid, Frau assista quelques secondes à la scène qu’offraient Sunny et la jeune borgne avant de se frayer un chemin pour s’éclipser. Ne souhaitant pas le laisser partir sans avoir eu une réponse à sa sollicitation, la jeune borgne s’échappa de l’emprise de Sunny et tenta de rattraper le rasoir mais l’Excentrique de service usa de sa capacité de retour à la vie pour la ressaisir avec ses cheveux ; l’empaillant telle une momie. Il alla jusqu’à l’empêcher de parler. La jeune femme se débattit pour tenter de s’extirper mais Sunny ne semblait pas vouloir la lâcher prise. Le jeune homme attendit que Frau ait complètement disparu avant de la libérer.

- Pas la peine de me remercier de t’avoir sauvé la vie !

Sunny avait retenu exprès la jeune recrue afin de l’empêcher d’insister auprès de Frau et ainsi l’éviter de commettre une erreur qui pourrait lui coûter la vie. Pour lui, comme pour la plupart des êtres présents, son idée était complètement stupide mais ; résolue, la jeune femme ne lui accorda aucune attention et s’apprêta à emprunter le chemin qu’avait emprunté le rasoir mais la voix de Fozia stoppa son élan.

- C’est une très mauvaise idée Yamiko ! … Vu ton physique, il y a de chance qu’il accède à ta requête, contre des compromis que je doute vont te plaire d’ailleurs, mais Frau est un tueur et non un entraineur. Même s'il accepte de te prendre en main, il pourrait te tuer par inadvertance ou bien faire de toi une handicapée à vie ! … C’est un être dont il vaut mieux éviter de fréquenter de trop près si tu tiens à vivre longtemps ! … Si tu tiens tant que ça à avoir un maître, pourquoi ne demanderais-tu donc pas à quelqu’un de plus qualifié pour ce rôle ?

La jeune borgne était assez informée pour ne pas savoir la dangerosité d’un rasoir. Cette simple qualification était synonyme de la mort et de la destruction mais c’était justement cette raison qui la poussait à venir vers Frau et non vers un autre chasseur de primes. Suite à sa défaite plus que lamentable face à Shin, le Loup blanc de Las Camp, elle était prête à laisser sa peau pour devenir plus forte. Si elle ne pourrait tenir face à l’entrainement du rasoir alors il était inutile qu’elle s’entêtât à vouloir atteindre son objectif, qui était celui de retrouver les rescapés des siens, vendus quelque part en ce vaste monde par un pirate responsable de la décimation de sa grande famille de cirque, dont ses parents. Un vil personnage dont elle cherchait la trace depuis cinq ans mais sans succès. Là était d’ailleurs la principale raison qui l’avait poussé à intégrer la B.N.A. Elle espérait pouvoir user du réseau d’informations de la guilde pour trouver rapidement la trace de sa cible.

Frau était la seconde raison qui avait motivé la jeune femme à s’engager. Information qu’elle avait bien sûr omise volontairement de confier au Chevalier blanc, lors de son entretien, jugeant que là était un désir personnel qu’il n’avait pas besoin de savoir. En plus de l'admiration qu'elle vouait au rasoir, elle souhaitait être entrainée par le plus fort, même si c’était par le diable en personne. Peut-être que fréquenter un monstre, endurcirait même son âme trop sensible au point que cela devenait un point faible. Elle n’aspirait pas à devenir un être sans cœur car elle aimait trop ses semblables pour cela, mais elle était consciente de sa trop forte sensibilité qui l’handicapait dans certaines situations. Son parcours de ces cinq dernières années lui avait fait comprendre que la moindre faiblesse n’avait pas de place dans sa quête car celle-ci pourrait bien la mener dans la défaite. Il n’y avait donc pas que physiquement qu’elle avait besoin de s’endurcir mais aussi mentalement.

Décidée à périr en essayant de devenir plus forte, afin d’atteindre son objectif, plutôt que de mourir misérablement en chemin, parce qu’elle s’était révélée impuissante, la jeune borgne était résolue à ne pas écouter ses camarades et ce, bien qu’elle comprenait parfaitement leur appréhension et qu’ils s’inquiétaient pour sa personne parce qu’ils tenaient à elle.

- Désolée mais c’est lui que je veux !

Sans un regard en arrière, des pas déterminés, la jeune chasseuse de primes poursuivit son chemin. Voyant son air décidé, plus personne n’osa l’arrêter. La jeune recrue laissa derrière elle un calme inhabituel dans la salle et cela dura un moment. Elle fut le centre des conversations durant les minutes qui suivirent. Tout le monde cherchait à comprendre sa motivation mais personne ne semblait la savoir. Preuve que le Chevalier blanc n’avait révélé à personne sa confession lors de son entretien d'engagement …


Dernière édition par Yamiko le Lun 25 Mai 2015 - 14:47, édité 2 fois
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ROUND II
Ange et Démon

Le lendemain, dans la matinée.

Assise sur les jambes de Frau, la jeune borgne refoulait l’envie de déguerpir alors que le rasoir la tripotait comme si elle était sa catin. Elle connaissait son penchant pour les femmes aux formes généreuses mais elle n’imaginait pas au point que celui-ci s’intéresserait à n’importe quelle fille arborant les attributs à la proportion de sa prédilection. Il venait de descendre en flèche dans son estime mais elle savait qu’il était inutile de le lui faire savoir car il s’en foutrait royalement. Elle savait que c’était un être qui n’accordait aucune importance à sa réputation. Qu’on l’admire ou qu’on le déteste, cela lui indifférait entièrement. Il arborerait la même expression d’indifférence face à un compliment qu’à une insulte.

La veille, après l’avoir suivi, la jeune borgne avait attendu longuement le rasoir dans le couloir, alors que celui-ci s’entretenait avec le Chevalier blanc. Comprenant la raison de sa présence, il lui avait dit de venir le lendemain matin à son hôtel et avec le petit déjeuner et ce, après l’avoir lorgné avec intérêt de la tête aux pieds. À ce moment-là, la jeune borgne savait alors qu’elle ne serait pas à l’abri d’attouchement mais son innocence avait espéré qu’elle ne lui intéresserait pas mais il s’avérait qu’elle avait eu tort.

Les mains glissées sous son vêtement, l’homme lui tripotait la poitrine. La jeune femme se mordit la lèvre inférieure pour résister à l’envie de lui dire de s’arrêter, alors que ses doigts se crispèrent sur sa jupe. Elle avait peur qu’il refuse sa demande, si elle lui résistait. Elle était consciente de vendre son âme au diable et de s’abaisser au niveau d’une prostituée mais, pour l'aboutissement de son projet, elle avait besoin de lui.

- Détends-toi !

Comme pour l’aider à se détendre, Frau insinua une main sous la jupe de la jeune femme tout en lui caressant la cuise mais le geste n’eut pas l’effet escompté car la jeune borgne se leva brusquement. Les poings fermés, elle fit face au rasoir qui la fixait de son regard éternellement glacial. Le corps tremblant, la chasseuse de primes s’inclina bien bas tout en s’excusant d’une voix qui manquait cruellement d’assurance mais qu’elle avait fini de retrouver après plus d’une journée.

- Navrée mais je ne peux pas faire cela ! Je ferais tout ce que vous voulez mais pas ça !
- Voici ma condition : un jour d’entrainement après une nuit dans mon lit. Si cela ne te convient pas alors casses-toi !

Tranquillement, l’homme s’alluma une cigarette alors que la jeune femme garda la tête baissée. Ses poings se serrèrent un peu plus, jusqu’à se faire mal avec ses ongles qui étaient pourtant bien courts. Son corps avait cessé de trembler alors qu’une aura bien sombre semblait l’avoir enveloppé.

- Profitez de la faiblesse d’une femme pour en faire votre chose ; cela vous fait bien marrer hein ? Tout doucement, elle releva la tête, une lueur de colère dansant au fond de son regard. Une expression qu’elle arborait rarement mais le comportement de Frau lui avait fait rappelé celui de Shin. Son désappointement poussé à bout face à autant d’égoïsme et de supériorité avait fini par éveiller sa personnalité que de très rares personnes connaissaient l’existence. Cela vous excite tant que ça de voir une pauvre fille se soumettre à vos caprices parce qu'elle est plus faible que vous ? … Si vous pouvez vous contenter d’une telle facilité, vous devriez bien être capable de vous contenter de mes mains pour vous soulager alors laissez-moi donc vous offrir ce plaisir !

Elle s’approcha alors de l’homme mais, bien qu'elle s'apprêtât effectivement à prendre cette chose qui faisait de lui un homme en main, ce n'était pas pour lui procurer de la jouissance mais plutôt le faire râler de souffrance. Une volonté bien vile qui ne correspondait guère à la jeune borgne connue de tous mais sa personnalité joviale et polie habituelle semblait être évanouie pour laisser placer à un être limite vulgaire. Après le massacre de sa famille, elle avait développé une seconde personnalité qui s’éveillait lorsqu’elle sombrait dans une profonde aigreur. Une séquelle qui la faisait alors devenir une créature capable de bien vilaines choses. C'était comme si l'entité parasite laissait exprimer toute la haine et la colère que la jeune femme avait refoulées jusque-là.

Devinant ce qu'elle manigançait ou juste parce qu'il ne désirait pas être touché, par un violent coup de pied dans le ventre, le rasoir renvoya la jeune femme en arrière. La frappe qu’il avait portée tout en restant assis n’avait pas envoyé la cible valser contre le mur mais elle recula d’un bon mètre avant de tomber sur les genoux, les mains sur son ventre meurtri. La jeune femme n'eut même pas le temps de lever la tête, qu'elle se fit relever de force par une main qui la tira vers le haut par la tignasse.

- Où est donc passé ta rage gamine ?

En guise de réponse, des cordes se ruèrent de l'ouverture du haut, au niveau de la poitrine de la martyrisée, vers le visage du rasoir, menaçant de lui percer les yeux et de rentrer à travers les trous de ses narines. L'homme lâcha sa cible pour effectuer une succession de bonds en arrière afin d'éviter la huée des cordes. Les mains tendues vers l'avant, des nouvelles cordes sortirent des manches de la jeune femme pour tenter d'immobiliser le rasoir. L'homme esquiva avec une facilité déconcertante chacune des cordes, comme s'il arrivait à prédire leur mouvement. Trop occupée à essayer de le capturer, la jeune borgne ne remarqua pas que sa cible se rapprochait subtilement d'elle, tout en esquivant ses assauts. Ce fut une main qui se ferma sans délicatesse sur son poignet droit alors que l'autre lui martyrisait l'épaule du même côté qui lui fit comprendre son manque d'analyse. À ce moment-là, comme pour marquer que son heure n'avait pas encore sonné, la porte qui n'était pas verrouillée, s'ouvrit brusquement pour laisser entrer un groupe de trois membres de la B.N.A. dont Fozia.

- Frau, lâchez-la je vous en prie ! Supplia Fozia qui n'osait même pas pointer une des nombreuses armes à feu dont elle était équipée sur le rasoir.
- Qui vous a invité à entrer les vermines ?
- C'est Monsieur Tagaki qui nous envoie.

Pur mensonge mais sachant qu'aucun d'entre eux ne pourrait raisonner le monstre, Fozia avait évoqué le nom du Chevalier blanc qui était l'un des rares êtres à qui l'homme obéissait. Sans la moindre hésitation, par la simple pression de ses doigts, il déboita l'épaule de la jeune borgne qui laissa échapper un cri de martyre avant de s'effondrer sur le sol alors que le rasoir retourna tranquillement s'assoir.

- Ramassez-la et déguerpissez !

Les trois agents se précipitèrent pour récupérer l'insolente dont la douleur avait fait perdre conscience puis, pressés de quitter l'antre du diable, sans perdre une seconde ils s'éclipsèrent. Un des deux hommes, qui avaient accompagné Fozia, portant la jeune borgne sur son dos ...


Dernière édition par Yamiko le Lun 25 Mai 2015 - 11:35, édité 3 fois
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ROUND III
Nouveau Départ

L'épaule de la jeune borgne fut remise en place par des mains expertes pendant qu'elle était toujours inconsciente. Lorsqu'elle revint à elle, à l'infirmerie de l'organisation, Fozia se rapprocha du lit. Les mains sur les hanches, elle fixa l'alitée d'un regard où dansait une lueur de colère.

- Si tu n'étais pas déjà assez mal au point, je te rouerais de baffe ! … Non mais sérieusement, je me demande comment as-tu réussi à vivre jusque-là, vu comment tu joues avec la mort !?

La jeune borgne comprenait parfaitement la colère de la jeune femme. Une fois de plus elle l'avait sauvée la mise. En seulement trois jours, c'était la seconde fois. La jeune recrue s'en voulait d'inquiéter autant son camarade. Elles se connaissaient à peine mais Fozia se comportait plus que comme une simple collègue envers elle. La jeune borgne se disait que son dévouement envers sa personne méritait qu'elle lui confiât son histoire. Cela permettrait surement à Fozia de la comprendre mais pour l'heure, elle n'avait point envie de parler. Bien qu'elle avait retrouvé son état normal, un sentiment de colère mêlé à de la déception la rongeait de l'intérieur. Elle était en rage contre sa faiblesse et triste face à son échec plus que déplorable. Elle n'arrivait pas à accepter le fait de devoir tirer un trait sur son projet de faire de Frau son maitre. Elle n'était pas assez suicidaire pour insister de nouveau auprès du rasoir, vu ce qui venait de se passer. Son but n'était pas de mourir durant la négociation ; chose qui aurait pu bien très bien arrivée si on n'était pas venue la secourir à temps.

- Merci de m'avoir sauvé une fois de plus et désolée pour le désagrément !
- Je ne te de …

La jeune borgne qui lui tourna le dos, interrompit Fozia qui plissa les sourcils de vexation mais qu'elle ne laissa point exploser, avant de sortir tranquillement de la pièce. Seule, en position fœtale, le regard rivé vers le mur, la jeune borgne se rémora ses échecs passés et sans qu'elle s'en rendit compte, des larmes coulèrent de son œil valide.

Le soir tombé, Fozia revint dans la chambre avec un plateau-repas. Elle constata que l'alitée était toujours dans la même position puis, tout doucement, elle déposa le plat sur une table avant de sortir sans un mot. Le lendemain matin, ce n'était plus Fozia qui vint rendre visite à la jeune borgne mais le Chevalier blanc en personne. L'homme regarda un moment le repas amené qui n'avait pas été touché avant de tirer une chaise pour s'assoir près du lit. Il fixa un instant le dos tourné vers lui avant de lancer d'une voix calme.

- As-tu donc décidé de finir ta vie ainsi jeune fille ? … Je te croyais plus déterminée que ça !

La jeune borgne, qui n'avait jamais fermé l'œil, écouta l'homme sans broncher. Diplomate, le Chevalier blanc tentait de lui remonter le moral tout en lui faisant comprendre à quel point son comportement était pathétique. La concernée elle-même était bien consciente de son état lamentable mais malgré sa volonté de vouloir se montrer forte, elle finissait toujours par s'apitoyer. Voilà pourquoi, elle désirait tant s'endurcir autant mentalement que physiquement. À cause de sa trop forte sensibilité, chaque échec essuyé, la mettait toujours dans la même situation déplorable. Elle ne serait même pas étonnée si l'homme était venu lui annoncer qu'ils n'avaient pas besoin d'un agent aussi peu fiable au sein de l'organisation.

- Suis-je virée ?
- Virée ? Tu me crois à ce point sans cœur pour te congédier parce que tu as perdu face à un rasoir . … Je te trouve plutôt courageuse d'avoir osé le défier tout comme le fait que tu souhaites devenir sa disciple. Idée suicidaire mais courageuse … Ou bien est-ce plutôt de l'inconscience !? … Je me le demande … En tout cas, tu es bien la première personne à souhaiter se rapprocher de Frau. La plupart des gens le fuient en général, mis à part Sunny mais lui est un être … à part on va dire ! … Dis-moi Yamiko, pourquoi donc lui ? Tu n'es pas sensée ne pas savoir qu'un rasoir est un monstre sanguinaire et non plus un être humain. Il y a tellement des agents bien plus fiables et bien moins dangereux au sein de l'organisation qui pourraient te prendre sous leur aile ! Mignonne comme tu es, je suis sûr qu'ils t'accorderont cette faveur avec plaisir.
- Parce que je veux le plus fort et le moins gentil !
- Pourquoi donc ? ... Si ton souhait est de devenir plus forte, il te faudrait donc juste un bon maitre ; chose que Frau ne sera jamais.
- Surement mais j'ai besoin d'une personne de son calibre !
- Hum … ne serais-tu pas amoureuse de lui par hasard ?

La question inattendue finit par faire bondir la jeune femme du lit. Brusquement, elle s'était retrouvée assise, le regard sur le Chevalier blanc qui la fixait d'un air amusé. Alors qu'elle n'avait pas encore sorti le moindre mot, la surprise retomba aussi rapidement qu'elle s'était pointée ; la laissant dans un profond sentiment de confusion. Gênée, la jeune femme détourna alors le visage sur le côté. Il était vrai que son initiative était motivée par un sentiment qu'elle éprouvait pour le rasoir mais on ne pouvait pas qualifier ce qu'elle ressentait comme de l'amour mais plutôt de l'admiration. Hier, ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait. Il y a deux ans, durant un soir illuminé par lune, elle l'avait aperçu perché sur le haut d'un bâtiment, tel un ange de la nuit qui surveillait les habitants de la ville. Elle-même qui adorait être haut perchée, avait eu cette nuit-là, le privilège d'avoir pu admirer le rasoir alors qu'elle était en train d'admirer la ville, sur le toit d'une autre bâtisse. L'image de ses vêtements dansant dans le vent, de son énorme faux reposant sur son épaule droite et surtout de ses yeux bleus brillants dans la nuit était restée gravée dans sa mémoire. La jeune fille de dix-huit printemps qu'elle était à l'époque, avait été tombée sous le charme de l'Ange de la mort dont la présence n'avait été pourtant que très fugace. Aujourd'hui encore, l'envoutement semblait toujours opéré. Malgré ce qu'il lui avait fait subir, elle l'avait déjà pardonné et elle espérait toujours qu'il accepterait de devenir son maitre.

Frau et ses yeux brillants dans la nuit:

- Amoureuse ? Je ne dirais pas cela. Disons plutôt que j'éprouve un profond sentiment d'admiration pour lui … C'est vraiment étrange. Je sais que c'est un monstre mais pourtant j'ai de lui, une image d'un vrai ange gardien. Pour moi, il est comme un être divin envoyé du ciel pour châtier les méchants de ce monde !

Le Chevalier blanc ne put s'empêcher d'éclater de rire face à la déclaration de la jeune borgne qui l'interrogea du regard. Elle se demanda ce qu'elle avait dit de si drôle mais elle n'eut pas de réponse à la question car une fois calmé, l'homme se leva pour se diriger vers la porte.

- Merci pour la confession et pense à t'aérer un peu !

Le Chevalier blanc s'éclipsa, laissant la jeune borgne dans un état d'incompréhension totale. Était-il donc venu juste pour savoir si elle était amoureuse de Frau ? En tout cas, une fois de plus, il avait réussi à la faire confesser. Il n'y avait pas à dire, Tagaki Suzukawa avait réellement un don pour faire parler les gens sans avoir recours à des vils moyens.

Décidée à se ressaisir, la jeune borgne quitta le lit. Le fait d'avoir parlé au Chevalier blanc semblait lui avoir fait le plus grand bien. Dans un premier temps, elle ira s'excuser auprès de Fozia pour son égoïsme et elle en profitera pour lui parler de son passé si elle le voudrait bien. Pour elle, elle était devenue une amie dont elle souhaiterait avoir la confiance. Après, elle ira s'excuser auprès de Frau. Elle était certaine que le rasoir s'enficherait royalement de sa culpabilité mais elle s'en voulait de lui avoir parlé si mal et surtout d'avoir essayé de le tuer ; bien que son initiative s'était révélée bien vaine et avait bien failli se retourner contre elle.

Excuse et confession auprès de Fozia faites, la jeune borgne partit à la recherche de Frau qu'elle trouva, après plusieurs heures d'enquête, adossé tranquillement contre un arbre dans une nature éloignée de la ville et pas loin du QG de la Marine. L'homme était en train de lire un magazine destiné à un public adulte de sexe masculin. Plantée à plus de deux mètres devant lui, la jeune femme n'osait pas le déranger. Le rasoir ne daigna même pas lui accorder le moindre regard mais après plusieurs minutes de face à face silencieux, il finit par lever la tête de sa revue perverse.

- J'ai pas besoin de spectateur durant ma lecture !
- Désolée ! Je suis juste venue m'excuser pour hier !

La jeune femme s'était inclinée bien bas et resta ainsi un moment avant se relever. Elle tourna ensuite les talons pour retourner à la ville côtière mais Frau l'interpela par un "gamine". À peine s'était-elle retournée, que quelque chose atterrissait vers elle. Elle intercepta sans mal l'objet et constata que c'était un escargophone endormi.

- Tâche d'être présente au rendez-vous sans aucune seconde de retard !
- Vous …

Le rasoir qui s'était aussitôt replongé dans sa lecture malsaine, força la jeune femme à interrompre sa phrase à peine commencée. Ne désirant pas le déranger mais surtout parce qu'elle avait peur de le vexer, elle reprit alors son chemin pour retourner vers la civilisation, des interrogations plein la tête alors que son regard était rivé sur l'escargophone qui ronflait entre les paumes de ses mains. Elle supposa que Frau la contacterait via celui-ci pour lui proposer un rendez-vous auquel elle n'avait pas intérêt à être en retard mais elle se demandait bien pourquoi faire. Était-ce pour l'entrainement qu'elle avait sollicité ou bien pour terminer l'attouchement qu'il avait commencé avec elle ? Si c'était pour la seconde raison, alors il était hors de question qu'elle réponde présente. Elle l'admirait certes mais pas au point de finir dans sa couche. Tout en continuant de s'avancer, la jeune borgne jeta un dernier regard vers le rasoir, qui était toujours absorbé par sa lecture obscène, comme si là pouvait répondre à sa question.

Le lendemain, Frau était reparti sans un au revoir, laissant la jeune borgne dans la confusion. Sentiment qui disparut lorsqu'elle apprit plus tard que le Chevalier blanc avait convaincu Frau d'accéder à sa requête. Elle s'était alors empressée d'aller remercier le vrai ange de la B.N.A., à qui elle devait beaucoup. Elle était déterminée à ne pas décevoir le Chevalier blanc, qu'elle considérait à présent bien plus qu'un simple employeur. Pour lui prouver sa volonté de réussite, le lendemain, la jeune borgne avait quitté l'île pour accomplir sa première mission en tant que membre de la Bounty National Agency ; sans oublier d’amener l'escargophone offert par Frau avec elle ...
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