Être une lumière n'est pas salutaire

Bon, je vous préviens ! Tous ! Ils restent moins d’une dizaine de minutes avant qu’on s’amarre au port de Rengoku. MOINS DE DIX MINUTES !
Alors je sais que le voyage à pas forcement été facile pour tout le monde. Mais je vous préviens ! Le premier que j’entends siffler, chanter, chantonner, murmurer ou même meuhmeuhmer encore UNE fois cette FICHUE CHANSON, JE LE JETTE PAR-DESSUS BORD, COMPRIS ?!

Dès jours… Des jours à entendre ce refrain entêtant toutes les cinq minutes. Des jours à essayer de me sortir cette mélodie de la tête, sans succès. Y’a rien à faire ! Rien ! Tous ces pirates sont à fond avec cette chanson !
Alors oui, oui c’est vrai, je tolérais au début… Après tout, la chanson parle en partie de moi. Mais au bout de cinq heures non stop, j’en pouvais déjà plus ! On a mangé avec, dormi avec ! Rêver avec !!! Alors à un moment, il faut dire stoppe. J’ai même attaché le capitaine du navire en haut du grand mât pour faire stopper la chose ! Parce que forcement, il était bien trop content d’avoir trouvé un truc pour m’emmerder.

Mais malgré cet exemple, malgré la bonne volonté d’une grande partie de l’équipage, il était impossible de tous les surveiller en même temps ! Et comme cette musique à réussit à rentrer dans la tête de tout l’équipage, il est évident que certains ont extériorisé… Sans même s’en rendre compte, continuant de seller cette boucle infernale de musique.

♫ Allons sur…
ARGUUUUUUUS ! LA FERME !
Oups. Pardon.
Han ! Il n’est pas passé par-dessus bord ! Alors c’est bon, on peut chanter ! Al♪
NON ! NON VOUS POUVEZ PAS !
Mais…
Il n’est pas passé UNIQUEMENT PARCE QUE J’AI BESOIN DE LUI !
Pffff… Favoritisme.
Oui ! Oui favoritisme ! Là ! Voilà !
Du coup… Je peux chanter, moi ?

Je le foudroie du regard pour le déconseiller grandement de retenter l’expérience. Mais ce vieux rabougri n’a pas l’air de comprendre mon insinuation. Et soudain, le revoilà qui se met à chanter. Et finalement, tout l’équipage le suit.

J’en ai marre. Je veux partir.

Tremblante de frustration, je prends inconsciemment ma forme hybride de vol et tourne mon visage rempli de désespoir vers Reyson.

On s’en va, dis dis, s’il te plait…

Et en même temps que je prononce la fin de ma phrase, je remarque que ses lèvres bougent…

Tu… Tu n’es pas entrain de chanter là, rassure moi…

Non parce que si je m’enfuis d’ici avec toi, en prenant soin au passage de piquer la vive card vers Armada du capitaine et volant tous les autres logs qui mèneraient ailleurs que Rengoku… C’est pas pour que cette fichue chanson vienne aussi !

Oh ! Douce sensation de légèreté.
Oh ! Doux vent caressant mon corps…
Oh ! Douce vitesse et gravité… Gravité ? Vitesse ?

Non, mais… Je chute là ?! Oh ! Je CHUTE !

WAAAAH

Vite manœuvre d’urgence ! Transformation hybride volant ! Déploiement ailes draconiques ! Et on tient ! Ralenti, ralenti, RALENTI ! OUI !
Revirement ! Reprise d’altitude ! Check !

Piouuuuf.

Un peu plus et je me changeais en crêpe contre la montagne.

Reine Izya ?! Tout va bien ?!

Oh zut… Pourquoi elle était là elle…

Oui, Dina, ça va, t’en fait pas.
Mais, je t’ai vu, et… Ce ne serait pas de la faute de cet humain qui t’accompagne quand même ! Sinon on le trouve et on lui fait la peau, hein ! Compte sur nous !
Non non ! Pas du tout ! Il n’y est pour rien… Enfin, je crois…
Tu crois ?! T’inquiète, dans le doute, on va lui faire.
NON ! Non. Vous ne le touchez pas, jamais. J’ai été négligente et je n’ai pas vu un des pièges du coin, c’est tout. D’ailleurs, je ne vous avais pas dit de tous les enlever ?
Si bien sûr, et on l’a fait ! Et puis... nos pièges étaient uniquement dans la montagne donc c'est pas nous...
Alors comment expliques-tu que je sois tombée dans un piège au milieu de la jungle ?
A cause de l’homme.
L’homme ? Non mais ça suffit Dina. Reyson c’est Mon homme, okay ?! Je le gère, toute seule, et je vous interdis de vous en mêler.
Ton… Ton homme ?! Ça veut dire que !
Ça ne veut rien dire du tout, alors arrête et tiens ta langue. Et ne change pas de sujet comme ça !
Ah, oui, pardon, désolé… Mais je parlais pas de, euh, Ton homme. Mais de l’homme qui vit ici.

Déjà, je regrette d’en avoir trop dis. Tout ça à cause de Reyson et de son manque cruel de confiance, avec ses « tu aurais préférer un ange c’est ça », beuh. Crétin. Tout le pays va savoir que sa reine voit quelqu’un maintenant… Quelle plaie. Tant pis, j’ai un autre problème sur les bras pour l’instant. Et puis, ça leur passera, non ? D’ici quelques mois, quand je reviendrai, ils auront tout oublié. Oui, c’est sûr.

L’homme… L’homme… Le naufragé ?! Mais vous deviez l’accueillir sur Stymphale, non ?!
Bah c’est qu’il se cache bien… Et il a l’air d’avoir carrément peur de nous.
Encore un malin ça… ça en fait deux à trouver, super.
Deux ? Tu… tu vas aller le chercher lui et un autre ? C’est qui l’autre ?
Oublie. Mais oui, je vais le trouver, moi, ce type. Bref, on se voit ce soir Dina.
Rentre bien avant la nuit hein ! Sinon on viendra te chercher !
Nan mais c’est pas parce que je brille que je suis vulnérable.
Bah. Si.
Ouais, allez, c’est ça. A ce soir, hein. Et tiens ta langue !

C’est la deuxième fois de la conversation que je la vois froncer les sourcils, comme si elle ne comprenait pas un truc. Mais j’m’en occupe pas plus. Je dois retrouver Reyson et l’autre andouille de survivant, si possible avant la nuit alors je décolle dans la direction d’où je viens.

Mais j’aurai peut être dû m’en occupé plus. J’aurai pu voir d’un coup d’œil qu’elle a pas compris ce que signifie « tenir sa langue », vu la manière dont elle l’a tient entre son pouce et son index.
Mais tant pis pour moi, je m’en suis pas occupé.

Arg… Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai un mal de tête horrible… Horriblement horrible même. Atroce quoi. Ah, je me souviens. Un tronc m’a percuté… Mais depuis quand les troncs se promènent comme ça ? C’est quoi ces îles où on trouve des anges ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être humaine comme tout le monde ?

Bon, il ne me reste plus qu’à la retrouver d’ailleurs. En espérant que sa tête aille mieux que la mienne. Hum ? Pourquoi que je suis emmitouflé dans un filet ? J’ai une gueule de poisson ?

« Tu n’es pas un ange… »

Oh, un homme assis sur une souche face à moi. Il tient ma Shusui en main… C’était lui, l’auteur de tout ce cirque ?

« Brillante observation. Détache-moi maintenant. »
« Et pourtant tu traînais avec leur reine… »
« Reine reine… Elle est plus dragonne que reine. »
« Comment as-tu fait ? »
« De ? »
« Trois soleil ! T’as bougé, t’as perdu ! »

Houlà, lui aussi doit avoir mal à la tête, il est pas net. Il rigole à bouche déployée alors que je n’y comprends rien. Je suis perdu sur une île, attaché, avec un fou. Il lui fallut une bonne minute pour retrouver son calme.

« Bon, alors, comment tu as fait ? »
« De… Enfin, comment j’ai fait quoi ? »
« Apprivoiser une ange-reine-dragonne ? »
« Izya qu’elle s’appelle. »
« Et ? Ca change quoi à la question ? »
« … Si je te le dis, tu me détaches ? »
« Promis juré craché, ratpeu. »
« Il suffit d’avoir un peu de chocolat. »
« Du chocolat… Mais c’est bien sûr ! Il me suffit d’ajouter un peu de chocolat dans mon piège de la mort ! »
« Euh… Et donc, tu me délivres ? »
« J’ai croisé les doigts. »

REYSON ?! NON MAIS TU VAS REPONDRE OUI ?!

Bah non. Il va pas répondre, ce serait trop simple. Bon sang, mais il est parti où au juste ?! C’est pas possible ça ! Pourquoi on peut juste pas s’amuser tranquillement, hein ?! Moi, à la base, je voulais juste qu’on fasse les pilleurs d’épaves ! Mais non, non, c’est pas possible ! Ce que je prévois n’est jamais possible de toute façon !
Injuste, oui, c’est toujours injuste ! Faut toujours que je fasse tout toute seule ! Tout ça parce que ces anges sont pas foutus de trouver un type et de l’invité à vivre dans les cieux ! C’est quand même pas rien ça ! Je ne sais pas, ils n’ont pas pensé à lui laisser des messages sur les arbres par exemple ?!

Tiens, c’est quoi ce bout de papier ?

Cher Monsieur le Naufragé,

Beaucoup de choses ont changé depuis notre dernière rencontre et grâce à la nouvelle royauté de Stymphale, notre Reine est ravie de t’inviter à vivre dans notre beau pays céleste. Rends toi au plus vite vers le chemin dégagé, la montagne ou encore le nouveau port pour que l’on puisse te guider vers ta nouvelle demeure.

Bien Cordialement,
Dina des Patrouilleurs.

VOUS NE M’AUREZ JAMAIS !

Ah bah si, ils y ont pensé. Mais ce type à l’air bien parano pour prendre mon invitation comme une sorte de piège. Franchement, est-ce que j’ai une tête à piéger les gens moi ?! Non !

REYSOOOON !

Pfff. Toujours rien.
Peut être que…

HEY ! LE NABOT QUI CROIT QUE JE VAIS LE PIEGER ! MONTRE TOI, FAUT QU’ON CAUSE DE TES FOUTUS PIEGES !!!

Seul le silence pensant de la jungle me répond. Alors je continue d’avancer en volant au raz du sol. Ça m’évite au moins de me prendre les pieds dans les branches qui trainent un peu partout. Et puis comme ça, je suis sûre de ne pas retomber dans un des trous de « Monsieur le piégeur d’ange ».
Et le pire dans tout ça, c’est que je recommence à avoir faim. Si si, vraiment. Et c’est pire parce que j’ai donné toute les provisions qui n’étaient pas du chocolat, ou des gâteaux au chocolat, ou des tartelettes au chocolat, ou bien des bonbons au chocolat… A Reyson, et que les misérables boule de poils blanches m’ont bouffé toute ma part !
Quelle triste tragédie…

Hm ? Mais ? Y’a comme une odeur dans l’air là… Ce, ce ne serait pas du… ?

CHOCOLAT !

Là ! En plein milieu de nulle part entre deux arbres si touffu qu’ils ne laissent passer aucun rayon de lumière, pendouille un magnifique petit carré de chocolat tout bien emballé dans son petit papier. C’est… C’est trop beau pour être vrai !
C’est exactement ce que je voulais !
C’est !
C’est louche…

Hm…

Mais peut importe ! T’façon je vole alors je ne tomberai pas cette fois ! Haha !
Et sans plus d’observation, je fonce sur le chocolat, l’attrape, le détache d’un coup sec et…

*BAM*

Une énorme truc percute de plein fouet mon dos, m’envoyant bouler dans la pénombre des arbres ! Je m’écrase contre… un filet de corde ?! Qui se replis sur lui-même et me saucissonne avant de me faire rouler dans une pente, chuter dans une grande fosse où je n’atteint jamais le fond, comme suspendu dans le vide !

*BOUM*

La terre tremble et la pénombre devient obscurité, comme si quelque chose avait bouché le trou. Mais heureusement, je suis une lumière !

*BOUM*
*BOUM*

Je… Je ! J’hallucine ! Je mec voulais vraiment m’attraper ou quoi ?!
Je regarde autour de moi, à la recherche de lumière, et là, écrit dans la terre avec quelque chose de lumineux, je peux lire.

BIENVENUE ANGE REINE DRAGON ! FINALEMENT, C’EST MOI QUI T’AI EU, ET PAS TOI ! HAHA !
PARCE QUE : VOUS NE M’AUREZ JAMAIS ! HA !

Non mais alors lui. Lui. Je vais me le faire. Je vais commencer par couper ces cordages à la noix, puis j’vais dégommer les trois plafonds qu’il a foutu, je vais le trouver et le bouffer ! Oui !
Et rien à foutre si ça fait de moi une cannibale !

Ou non ! Mieux, je vais juste me libérer et attendre qu’il vienne tout seul comme un grand se jeter dans la gueule du dragon.
Héhéhé…
Il ne m’échappera pas !

S’échapper ou ne pas s’échapper. Telle est la question. D’un côté, il va retrouver Izya. Pourquoi ne pas le laisser chercher à ma place ? D’autant plus que si je fouillerais seul cette jungle, je me ferais sans doute encore avoir par une plante quelconque. Alors que là, je voyage dans un confort tout terrain, tiré par le type tractant le cordage. Le seul hic est les branches qui jonchent le sol. Elles, elles passent moins crème que le gazon.

« Hey, fais plus attention ! »
« Un prisonnier ça ne râle pas ! »
« Si un prisonnier ne peut pas râler, qui le peut ? »
« … Un prisonnier, ça ne râle pas. »
« Tu sais au moins qui je suis ? Je te conseille vivement de me relâcher. »
« Oui, t’es un prisonnier. Et ton conseil, tu te le fourres là où je pense. »
« ... Pour se faire, il faudrait que je sois libre de mes mouvements non ? »
« Très juste. Attends. »
…
« Non mais tu me prends pour un imbécile ou quoi ? »
« Aieuuuuu »
« Un prisonnier, ça ne râle pas ! »

Chouette le dialogue de sourd. Bon, continue de me tracter alors. Mais un peu plus gentiment, s’il te plait. Non ? Bon bah continue juste de me tracter. Hum ? C’est quoi tout ce bruit ? Hé ! Pourquoi tu t’en vas si vite ? Me laisse pas en plan voyons ! Tu vois pas que j’illumine ? On va venir me bouffer !

Il revint quelques minutes plus tard, le sourire aux lèvres.

« Héhé, j’ai eu l’ange-reine-dragon ! J’ai plus rien à craindre ! C’est moi le patron ! »
« Et… Comment tu l’as eu ? »
« Dans un filet que j’ai confectionné moi-même ! Avec les poils de mon dos ! »
« Comment tu as fait pour les agripper ? »
« Oh c’est bon. Je pensais que ça ferait plus classe. »
« En tout cas, si c’est juste une corde, je te parie qu’elle est déjà dehors. »
« Y a aussi un gros rocher au-dessus d’elle ! »
« En tout cas, si c’est juste une corde et un gros rocher, je te parie toujours qu’elle va sortir. »
« Non… Tu crois vraiment ? »
« Dans ange-reine-dragon, il y a dragon. »
« Attends, bouge pas, je vais voir. »

Là, tapie au fond de cette antre obscur, le dragon attend l’heure de son casse dalle…

Il va venir, oui, je le sais, il va venir…
Hé hé hé hé hé…

Il ne me verra pas… Bon, peut être que si, il me verra venir, avec toute cette lumière que je dégage… Mais peut importe ! Il me verra venir, et je pourrai lire sa peur dans ses yeux avant de le croquer tout cru !
Ou peut être que ce serait meilleur cuit ? Non, ça prendrait vraiment trop de temps. Et je dois régler mes comptes avec lui, vite ! Oser se foutre de moi comme ça… Oser seulement penser qu’on peut m’avoir ainsi ! C’est tellement insultant.
Mais ce sera sa dernière insulte. Oui oui oui.

Ah ? Je crois distinguer des voix venant de dehors. Mon heure est-elle venue ? Ma vengeance va-t-elle s’accomplir ? Je tends l’oreille.
Reyson ? Il aurait trouvé Reyson ? Ce ne serait quand même pas lui qui lui aurait soufflé l’idée du chocolat ?! Non… Il ne m’aurait pas trahit de la sorte ! Non, à mon avis, le naufragé nous observe depuis plus longtemps qu’on ne le pense et il a surement vu mon engouement dans la bataille de tout à l’heure…
C’est certain !

Soudain, les voix se taisent et les seuls sons qui me parviennent sont des bruits de pas approchant. Alors, doucement, je plante mes griffes draconiques dans le mur de terre le plus proche de ces bruits. Ma grande tête triangulaire est collée contre la paroi rocheuse qui bouche ce trou.

Dès qu’il sera visible, je le boufferai.

Alors que l’attente est à son comble, un petit bruit de grattement de terre se fait entendre. Et là, juste devant mon nez, un petit trou lumineux se fait, laissant passer un semblant d’air et surtout, une odeur humaine. Puis la lumière disparait, laissant place à un œil, brun.

Ce rat, ce scélérat ! Il observe avant de venir ! Comme s’il se doutait du monstre qu’il avait attrapé ! Furieuse, je retrousse mes babines dévoilant mes crocs de la taille d’une main ! Grognant férocement.

De l’autre côté de se trou, je l’entends crier et la lumière revient soudain, signe qu’il s’est éloigné.

L’attente est terminée. Le temps d’élargir ce petit trou et je vais le bouffer !

J’attaque immédiatement le travail, concentrée sur ma colère et mon désir de lui faire payer. Soudain, la lumière disparait, comme s’il avait voulu bouché rapidement le trou avec quelque chose.

D’un excès de zèle, je décide de griller d’un coup d’éclair ce fameux quelque chose histoire de bien montrer la différence de puissance entre ce minable confectionneur de piège et la Reine Dragonne que je suis.

*KRIISHHHT*

AIE !

Aie ? Pourquoi Aie ?

Reyson ?

C’était lui le quelque chose ? Ah bah bien, il se laisse martyriser par un pauvre type maintenant !

CHOPPE-LUI LES BRAS REYSON ! J’ARRIVE !

Que j’ai pas à lui voler après pendant cent ans une fois sortie de ce trou !

Merci d’avoir carbonisé mon pantalon pour dévoiler une partie de mes fesses, mais ce n’était pas forcément nécessaire. Tu es une dragonne non ? Tu pouvais pas deviner que c’était moi à l’odeur ? Ca fait mal bordel !

« Qu’est-ce qu’elle a dit ? »
« Mais on s’en fiche de ce qu’elle a dit ! Pourquoi tu m’utilises pour boucher un trou ? »
« C’était la première idée qui m’était venue. »
« Et bien efface-là ! J’ai rien fait moi, je suis même pas un ange ! »
« Ah, ça explique l’absence d’ailes. »
« Sans blague ? Attends que je t’attrape ! »
« Tu comprends pourquoi tu es encore attaché à présent ? C’est pas bon d’être en colère. Surtout si c’est contre moi. J’aime pas ça. »

Mais… Mais… Mais il est totalement demeuré ma parole ? Je vais le chopper ce malade ! Tiens ? Mes bras sont libres ? Héhé, l’éclair a également pourfendu une partie du filet. Sans lui laisser le temps de comprendre, je le plaque contre le sol et le maintiens fermement dans cette position. Cette fois, c’est lui qui bouche le trou, si l’envie prenait à Izya de recommencer.

« Sacré poigne. »

Tu as raison, fais ton malin… Rends-moi Shusui pour commencer. Voilà. Qu’avait-elle demandé déjà ? Que je lui choppe les bras, c’est ça ? Elle n’avait rien dit sur le reste du corps que je sache. Prêt à perdre tes bras ? Tu ne pourras plus confectionner de pièges ainsi.

« Hé, attends, tu vas pas vraiment me… »
« Non, t’inquiète… Mais sache que j’ai croisé les doigts. »
« Arrête ! On est du même côté, je suis un humain moi aussi ! »
« Ah, ça explique l’absence d’ailes… »

Tu vois ce que ça fait ? A toi de décider à présent. Coupé par un humain ou dévoré par une ange ? Je suis sympa, je te laisse choisir.

Tu le tiens bien hein Reyson ! Tu le tiens bien ! Plus que quelques coup de patte et je le choppe, alors tiens le hein !

Hahaha, il va comprendre sa douleur quand je vais enfin sortir, lui qui a osé s’en prendre à moi. Il va comprendre et il va regretter ! Oh oui ! Il va regretter…

Au même moment, à la surface…

Bien planquée au fond d’un buisson, une jeune ange téméraire observe une scène des plus insolite sous ses yeux. Là, devant elle, un homme, une rareté à ses yeux, grand brun au gout vestimentaire douteux de part l’usure flagrant de ses vêtements tient dans une de ses mains les deux bras d’un autre homme qu’elle a déjà entraperçut plusieurs fois.

Cet homme, elle en rêve chaque nuit. Elle rêve de pouvoir le rencontrer, lui parler. Jusqu’à maintenant, elle se l’imaginait innarrêtable, innattrappable. Pour elle, il est la crème. Mais le voilà dans de beaux draps. Là, maintenant, il risque de perdre ses deux bras. Mais s’il les perd, il ne pourra plus survivre dans cette jungle hostile ! Et s’il ne peut survivre, alors jamais cette ange n’aura le plaisir, la joie immense, de pouvoir le connaitre ! Ou même simplement lui parler !

Alors pour elle, c’est évident. Elle doit intervenir. Même si elle sait pertinemment que son doux fantasme naufragé a peur des anges, a peur d’elle. Il faut tout de même qu’elle le sauve ! Pour elle ! Pour lui.

Alors, d’un bon fulgurant, elle sort de son buisson, une arme étrange en main ! D’un « clic » elle active le mécanisme, créant devant elle un véritable jet de nuage qui vient directement percuté l’homme menaçant de couper les bras de son rêve, le faisant lâché prise et basculer en arrière !

FUIES MONSIEUR LE NAUFRAGÉ ! FUIS !
AAAAAAAAAAH ! ILS M’ONT TROUVÉ !

L’homme détale comme un lapin tandis que l’ange se précipite sur le second homme pour faire en sorte de le ralentir avec ses nuages créés par son arme.
Et puis, soudain, sortant de terre…

Un énorme dragon rouge fait son apparition…

IL EST OUUUU ??!!
Reine Izya ?

Hein ?

Dina ?
Reine Izya ! Méfies toi ! Cet homme est dangereux !

Mais de quoi elle me parle… Et qu’est ce qu’elle fout là ?! Et il est où le sale rat…

Mais ? Reyson ! Mais qu’est ce que tu fiches Dina ! C’est Reyson !
Il est mauvais Reine Izya ! Je l’ai vu ! Il a voulu coupé les bras du naufragé !
Et alors ?! Arrête de mettre des nuages partout avec ton Milky Dial.
Mais ! Cet homme est mauvais ! Il pourrait te faire du mal ! Il faut le neutraliser !
Non non et NON ! Le seul qu’il fallait neutraliser, c’est ce fumier de rat de naufragé ! Et à cause de toi, IL A FILÉ ! ALORS EXPLIQUE TOI !
N…Non ! Non ! Le naufragé est bon ! Il a juste… un peu peur, c’est tout… Mais il ne ferait pas de mal à une mouche, j’en suis sûre !
Ah oui ? Et d’où tu sors ça toi, hein ? Si tu le connais si bien, pourquoi il ne se tient pas tranquille avec les anges, HEIN ?
Je… Je ne lui ai jamais parlé… Mais je le sais ! C’est tout !

Je regarde Dina et souffle un grand coup par mes naseaux de dragon. Forcement, il fallait que je tombe sur une ange qui se fait des films… Elle serait apparentée à Eloras que ça m’étonnerait même pas. Mais, du coup, je n’ai même pas envie de lui répondre. Je me tourne donc vers Reyson qui se dépatouille comme il peut au milieu de tous ces nuages. D’un tour de poignet, je crée une mini tornade que je lance directement sur lui. Elle n’est clairement pas assez puissante pour l’envoyé voler lui, mais suffit amplement à chasser les nuages qui l’entourent. Et avant qu’il ne fasse un pas vers la pauvre ange blonde, je redeviens ange et pose une main sur son torse.

Dina ? Je te donne dix minutes. Dix, pas une de plus. Dix minutes pour te laisser une chance de trouver ton naufrager avant moi et lui faire retrouver un semblant de raison. Si tu y arrives et qu’il vient s’excuser à genoux devant moi pour ce qu’il a fait, alors j’envisagerai de garder mes plans de départ à son égard et de l’accueillir à Stymphale. Si tu ne le trouve pas ou encore qu’il refuse, ce sera tant pis pour lui. C’est clair ?
Dix minutes ?! Mais Reine Izya ! Je ne lui ai jamais parlé avant aujourd’hui, alors comment…
Tu l’as sauvé, là, non ? S’il n’est pas capable de voir ça, alors c’est qu’il est perdu pour le monde. Dix minutes, pas plus. Et ça commence maintenant.

Elle prend peur et part finalement en courant dans la direction où il est parti. Et une fois qu’elle n’est plus en vue, je laisse tomber ma main du torse de Reyson et m’éloigne un peu pour m’asseoir sur un tronc d’arbre mort.

Je souffle doucement, ennuyée de la tournure des événements.

Désolé Reyson. Elle a du me suivre quand j’ai dis que j’allais trouver le naufragé… Pfff, quel ennui. Maintenant, si elle le trouve, je vais devoir lui pardonner. Et si elle ne le trouve pas et que nous on le trouve et qu’on le chasse, elle m’en voudra à tout jamais et risque de se liguer avec d’autre contre mon règne et d’essayer de créer une rébellion et mon trône sera menacée et je serais obligée d’être tyrannique et je veux pas être tyrannique et…

Je me laisse glisser vers le sol le long du tronc et bascule ma tête en arrière, fixant le ciel.

C’est dur d’être reine…

« Tu as parlé de lui pardonner. Pas moi. »

Mais elle ne semblait pas vraiment d’humeur. Pourtant, ça devait être à moi de râler. Empêtré dans des nuages, pris dans du vent, avoir subi la pluie salée et les éclairs… D’ailleurs, la prochaine saucée ne devrait plus trop tarder je pense.

Dur le métier de reine. Pirate c’est plus simple. On s’en fiche de l’image.

« Faudrait d’abord que quelqu’un le retrouve. »

De ce que j’ai compris, il est là depuis un bout de temps. Je pensais pourtant que c’était un lieu extrêmement dangereux, notamment la nuit ? Je m’avançais vers la demoiselle, m’installant doucement à ses côtés pour lui tenir compagnie. Dix minutes de calme, de répit.

« Tu me dois un nouveau pantalon d’ailleurs. »

Au moins ça avait le mérite de la faire sourire un peu. Bien que le souci principal n’était pas réglé.

« Sinon, je peux lui donner une moustache et des seins ? Tu lui laisserais donc la vie sauve, ce qui est digne d’une grande reine, non ? »

Et comme ça elle sera forcée de constater que la loi exercée dans mon quartier est très bonne. Peut-être même qu’elle pourra me flatter et me féliciter au passage ? Ca ne fait jamais de mal, surtout pour l’égo.

« Mais au fait, comment on saura si elle l’a trouvé ou non durant cette dizaine de minutes ? »

Et paf, une grande détonation du haut de la montagne, et une nouvelle pluie fort désagréable. Ca aurait été bon signal ça, mais ce ne sont pas les anges qui contrôlent ça.

« … Tu m’expliques pourquoi je t’ai suivie déjà ? »

J’ai eu affaire à tous les types de climats en un laps de temps très court. J’ai juste envie d’aller me coucher à présent. Surtout que tout ce qui manque, c’est la neige. Et la neige, je n’en ai pas envie.

Non mais j’hallucine !

Je ne t’ai pas forcé à venir, que je sache ! T’avais le choix ! Tu pouvais très bien rester sur le bateau avec l’autre chorale pirate !

Bientôt ce sera de ma faute si le type nous a fait chier ! J’en suis sûre !

Et si t’es pas content, je te retiens pas ! T’as qu’à partir ! Voilà ! Et compte pas sur moi pour te devoir quoi que ce soit ! C’est toi qui as fait l’idiot à te faire malmener par un vieux fêlé ! C’est toi qui l’as laissé te mettre devant mon éclair ! Alors c’est de ta faute, et je ne te dois rien ! Donc si tu veux un nouveau pantalon, tu te le payes toi-même !

D’autant qu’il doit en avoir d’autres dans la valise que Sibyl lui a faite. Et grâce à qui hein ? Pas grâce à lui. Et puis, s’il s’était abstenu de ces remarques désobligeantes, genre c’est de ma faute quoi ! Je lui en aurai fait venir un de Stymphale ! Mais il ne le mérite pas ! Il n’aura rien du tout !

Et puis, en plus, il serait temps que t’arrêtes de croire que tous les problèmes peuvent se régler avec des seins et une moustache ! Parce que, hein, qui te dis que le type là, il est pas hyper fan des moustaches et qu’il donnerait n’importe quoi pour pouvoir ploter des seins ?! Rien du tout ! Si ça se trouve, tu le rendrais super heureux avec ton « châtiment ». Et si ça lui plait pas, que je lui pardonne et qu’il rentre dans mon royaume, alors tu feras outrage à l’un de mes sujets et je serai contrainte de te chasser !
Alors non, vraiment, tes méthodes à la noix n’ont rien d’une solution !

Et comme ça te soules de rester avec moi, et bah je m’en vais ! Voilà !

Je me lève, tourne les talons, fais deux pas puis m’arrête.

Enfaite non. Toi tu t’en vas. Si Dina trouve l’idiot de l’île et le convainc de s’excuser, elle va le ramener là. Alors je ne dois pas partir.

Je retourne vers l’arbre couché et le longe pour m’éloigner de Reyson tout en restant dans le coin, puis m’assoie dessus, en tailleur, le regard plongé dans la forêt, les coudes sur mes genoux et le menton sur mes mains.
Et surtout, le dos tourné vers Reyson.

Oui, je boude.

Non mais j’hallucine !

Tu es injuste et de mauvaise foi, bien que je commence à comprendre certains récidivistes de mon quartier…

Quand je fais ce qu’elle me demande, elle n’est pas contente. Quand je fais des efforts, pensant agir dans son sens, elle râle. Quand je n’écoute pas, elle m’en veut. Ca ne me laisse pas beaucoup d’opportunités de marquer des points. Et ça ne donne pas non plus envie de se battre pour ça… Ca. Avons-nous au moins un ça ? J’étais juste son jouet. Je devais me faire petit pour ses phobies, je devais accéder à tous ses caprices pour qu’elle soit contente… Qu’avais-je en retour ? Elle boude en me tournant le dos…

« Tu es cruelle… »

Et je m’en allais, comme elle ne pouvait pas partir. Aller où ? Je n’en avais aucune idée. Comment le saurais-je ? Je ne connaissais pas cette île. Rejoindre la chorale pirate au port ? Encore faudrait-il choisir la bonne direction. J’étais bien trop dépité pour de telles considérations. J’avançais, c’est tout. Je partais, surtout.

Au final, peut-être étais-je mieux seul ? Et elle aussi ?

Sur l’un des arbres étaient gravés quelques mots : « L’ange-reine-dragon t’a largué ? A nous deux on peut l’avoir si tu veux te venger ! »

Il était donc encore dans les parages ? Qu’importe. Je n’avais plus envie de jouer à cache-cache. Je voulais juste rentrer et me poser. Je continuais donc mon chemin malgré plusieurs autres inscriptions, notamment : « Je te déconseille de continuer par-là, c’est pas bon ». Sans doute avait-il confectionné un autre piège plus loin ? Tant pis. Je rentrerais dedans et m’en délivrerais avec Shusui. Ou bien j’userais de mes hormones. Qu’importe, je me débrouillerais. C’est une dragonne qui m’a mis au tapis, pas une jungle.

Oui, je suis blessé.

Il a dit que j’étais cruelle.

Je lui ai dit de partir s’il n’était pas content avec moi, et il est parti.
Et il a dit que j’étais cruelle…

Et il est parti…

Je…

Une fois de plus, me voici seule, abandonnée. Comme quand mon père m’a laissé sur Stymphale à moitié morte ; comme quand Red m’a jetée dans le Redcopter à Logue alors qu’on croyait avoir affaire à un grand danger ; comme quand j’étais bloquée dans le volcan de Tortuga ; comme quand mon père m’a laissée après l’évasion d’Impel…
Comme quand Léo a décidé de partir seul à l’aventure et qu’il en est mort après une heure de voyage.

Seule. Suis-je condamnée à l’être ? Suis-je condamnée à voir les gens que j’aime me tourner le dos et partir loin de moi ?
J’ai l’impression. Quelle tristesse.

Alors que devrais-je faire ? Tenter de le rattraper pour me faire une fois de plus rejeter ? Non. Arrêter d’essayer de me faire des relations ? Oui, sans doute. Mais c’est compliqué quand on est la reine d’un royaume.

Là, allongée sur mon tronc d’arbre mort, regardant le ciel qui s’assombri à mesure que la journée avance, je vois un papillon lumineux passer devant mes yeux. Et, comme s’il l’avait amené avec lui, une idée me traverse l’esprit.

Je n’ai qu’à abandonner ma vie d’ange/humaine. De toute façon, elle m’apporte plus de tristesse que de joie. A la place, je serai dragonne ! Et je n’aurai qu’à me trouver un tas d’or et de chocolat pour dormir dessus pendant des années !

HA ! Cette fois je te tiens Reine Ange Dragonne !
Oh… Zut…

L’idiot de naufragé vient de me mettre un couteau sur la gorge. Il a l’air très heureux, comme si enfin tous ses rêves s’accomplissaient. Mais déchante très vite en voyant mon sévère manque de réaction. Parce que oui, je ne réagis même pas, et pour plusieurs raisons : la première : je suis triste. Et quand je suis triste, alors je dois le montrer. Donc si je m’énerve ou que j’ai peur, on ne verra plus la tristesse.
La seconde : parce que je ne me sens absolument pas menacée. Comme si cet individu maboul pouvait me faire du mal…

Mais allez quoi ! Réagit !
J’ai dit « zut »…
ça suffit pas !
Zu… Euh, mince ?
Non non non ! Tu dois me dire : « qu’est ce que tu veux ? » d’un ton soit apeuré, soit ferme et distant.
Quelle importance puisque tu l’as déjà.
Ha ah ! Tu essayes de m’embrouiller l’esprit ! Je vois clair dans ton jeu.
Non.
Si !
Non.
Si !
Non, et tu m’embêtes. Laisse-moi donc déprimer en paix.
Déprimer ?! Ha ! Tu sens ta fin proche, c’est ça ?! Enfin une réaction ! Maintenant, demande moi ce que je veux !

Je souffle. Ce type est vraiment borné.

Tu veux que mes anges ne te traquent pas, et comme ils ne t’ont jamais traqué, en tout cas sous mon règne, tu l’as déjà. Maintenant laisse moi avant que je me décide à te manger comme j’avais prévu de le faire avant que Dina n’intervienne pour sauver tes fesses une fois de plus.
Elle a fait ça ? Vraiment ?
Oui, et elle te cherche en ce moment. Elle a dix minutes pour te trouver et te convaincre de t’excuser auprès de moi afin que je garde mon idée de base qui était de t’invité à vivre sur Stymphale…, ou sinon je te chasse d’ici sur un radeau fait main, et sincèrement, j’ai jamais su faire de radeau.
Enfin, elle avait dix minutes...
*Gloups*
Si je te dis que ton copain est entrain de se diriger vers la grotte des papillons, ça peut augmenter le délai ?

Hein ?! Je regarde l’état du ciel. Il reste un bon bout de temps avant la nuit, mais qui sait si les papillons ne se réveilleraient pas avant en sentant un appât approcher…

Et tu pouvais pas le dire plus tôt ?!

D’un bond, je me transforme en dragon et décolle dans le ciel.

Par où ?!
ça augmente bien le temps si je le dis ?
OU ?!

Il pointe son doigt dans une direction.

Jusqu’à ce que je revienne.
Reine Izya ! Je suis désolé, je sais que le temps est dépassé mais je l’ai pas trouvé et…

Je n’écoute pas Dina qui vient d’arriver de derrière quelques lianes et qui doit sans doute se rendre compte que son homme est juste là devant ses yeux rêveurs.
Moi, je file comme le vent dans la direction indiquée, fixant le sol, entendant les grondements de la montagne qui va bientôt recracher un torrent de flotte sur l’île. Je dois le trouver avant qu’il n’ait l’idée de se réfugier à l’intérieur de la grotte. Avant même qu’il ait l’idée de se réfugier quelque part.

La montagne se met à trembler, je vais être obligée de me poser si je ne veux pas risquer un atterrissage forcé à cause de l’eau. Le temps presse.
Je dois le trouver ou alors il sera perdu pour de bon.
Le trouver…

Là !

Je bifurque sèchement dans sa direction. Il est entrain de s’avancer à grand pas vers la grotte, pensant très certainement que c’est un bon abri. J’accélère. Sans un bruit. Et, tandis que la montagne gronde et relâche toute la pression de son eau dans le ciel, je bouscule Reyson dans mon atterrissage, me place au dessus de lui et rabais mon corps sinueux sur moi-même pour lui offrir une meilleure protection contre l’eau qui s’abat sur l’île entière.

Recevant ce déluge de plein fouet, je concentre toute mes forces dans mes pattes pour restée debout le temps que ça passe. Et lorsqu’enfin le calme revient, je redeviens Ange et m’écroule sur Reyson.

J’ai à peine le temps de reprendre mon souffle que déjà je le vois entrouvrir la bouche. Rapidement, je suis colle ma main devant pour l’en empêcher.

J’ai bien compris que tu n’étais pas heureux avec moi, mais je ne pouvais pas te laisser mourir aussi bêtement.

Il me regarde perplexe, tentant de dire quelque chose, mais je l’en empêche et pointe la grotte du doigt.

C’est la grotte des papillons. Alors allons nous en avant qu’ils ne se réveillent et qu’ils nous bouffent tout cru.

Je le libère et me relève doucement puis le regarde faire de même avant d’entamer une marche discrète qui nous éloignera de ce trou rempli de monstre.

Presque. Elle gagna presque un bon point. Pas pour le fait de me percuter subitement sans prévenir et sans aucune raison apparente, évidemment. Plutôt sur la raison de son retour. Elle aurait dû dire qu’elle était revenue pour moi. N’importe quoi d’autre qu’éviter que je ne meure bêtement… Surtout ce bêtement. Existe-t-il une façon de mourir intelligemment ? Une mort est une mort. On ne précise pas le degré de QI de la mort sur la tombe que je sache. Et on n’est pas content pour autant lorsque ça arrive savamment.

Et elle chuchote à cause d’une banale grotte de papillons. Et elle dit m’avoir sauvé de cette mort ? Donc que je n’y survivrais pas… Chouette ton avis sur moi. Que je ne suis pas plus fort que des insectes ?

…

Alors oui je me lève, mais non je ne la suis pas pour s’écarter de cet endroit. Elle c’est une dragonne, un monstre, et moi elle ne me reconnaît même pas comme un homme ? En plus d’être cruelle, elle était vexante à présent. Si je ne parvenais pas à me mesurer à des insectes, comment pourrais-je vaincre la marine un jour ?

Tu t’en es prise au corps d’un homme, et à son cœur. A présent, tu attaques sa fierté ? Ce n’est pas à la femme de protéger l’homme, aussi draconique soit-elle. Et surtout : ce n’est pas à toi de pointer la faiblesse de ton homme, même si c’est vrai. Tu dois le faire se sentir grand, fort et protecteur. Pas inutile et impuissant, source de toutes tes craintes et déclencheur de tes phobies.

Alors je demeure là, face à cette grotte, le regard déterminé. Moi, mourir à cause de vulgaires papillons ? J’hurle un coup, bien fort. Puis on voit quelques lumières s’agiter au fond de la caverne. Je dégaine lentement Shusui, la glissant hors de son fourreau dans un tintement bien reconnaissable. Je faisais face aux insectes en approche, à cette lumière au bout du tunnel.

Et avant qu’ils ne sortent, j’envoie une lame d’air juste au-dessus du trou pour faire s’effondrer la roche sur l’entrée. Je me tournais alors vers Izya, rangeant mon arme fièrement.

« On dirait que tu t’es trompée. »

Je n’étais pas mort. Je n’étais pas si faible que ça. Je ne suis pas celui que tu sembles croire !

Par contre, il y a quand même eu un papillon plus rapide que les autres qui se trouve juste derrière moi…

Je n'ai pas eu le temps de réagir.
Même pas eu le temps de me retourner que déjà, un énorme bruit retenti dans mon dos. Je me fige, le sang glacé.

Qu'a-t-il fait ?!

Et alors que je me retourne enfin, m'attendant au pire, je ne vois rien. Seulement de la forêt.
Lui, n'est pas là.

Mon corps tremble sans vraiment pouvoir s'arrêter, sans vraiment que je puisse le contrôler. La peur commence à me ronger le ventre.

Que s'est-il passé ?

Mais j'entends sa voix, qui a le mérite de me sortir de ma crise de peur. Non, il n'est pas mort. Il est bien vivant et à l'air en forme. Alors quoi ? Pourquoi je ne le vois pas ?!

Pourquoi n'y a-t-il que de la forêt ?!

Et soudain je remarque l'étrangeté de la situation. Alors que j'observe, de la poussière de roche commence à arriver vers moi, contournant une part de la forêt qui s'étend devant moi. ça fait comme tilt dans ma tête. Il n'y avait pas cette forêt : il y avait la grotte. L'antre de ces papillons mangeur d'homme extrêmement doué en camouflage !

Reyson ! Derrière toi !

Et avant même que je ne sorte Narnak pour sauter sur ce faux paysage, un des troncs d'arbres bouge et se penche devant moi. Sur Reyson.

M'a-t-il entendu ? A-t-il esquivé ? S'est-il fait mangé ?!

Non ! Je refuse !

Et s'il n'avait pas pu réagir ?! Je dois agir !

Narnak en main, je saute sur le monstre qui ose s'en prendre à lui, à Reyson. Je plante ma lame dans ce corps qui ressemble en tout point à un arbre et le transperce. Je retire ma lame, laissant échapper un flot de sang et recommence l'opération encore, et encore, et encore... Et ceux jusqu'à ce que la bête tombe au sol, morte. Là, je lui donne un dernier coup, dans la tête, histoire d'être sure.

La rage qui m'habite me quitte peu à peu. Reyson est là, devant moi, son meitou tâché de sang.

Tu

Le bruit de rochers roulant les uns sur les autres m'interromps dans ma phrase. Je regarde l'entrée de la grotte que je ne pouvais plus voir, et vois les dégâts causés par Reyson. Malgré l'éboulement, les papillons ne resteront pas coincés longtemps.

S'il te plait, Reyson, partons d'ici.

Ma voix est douce et retranscrit sans aucun doute les restes de peurs qui viennent de me tordre le ventre.
La peur de le perdre.

Je pends sa main doucement dans les miennes, surement plus pour être sûre qu'il soit bien là que pour l'inciter à me suivre.

S'il te plait...

Non, vraiment, ceci m'est impensable.

Il semblerait que j’en avais raté un. Mais elle parvint à s’en charger avant qu’il ne m’atteigne. Bon… Elle n’avait qu’un point pour ça. J’avais fait un combo avec la grotte. J’ai battu la dragonne à la partie de chasse. Alors ? Suis-je si faible que ça ?

A priori oui, elle semblait avoir encore peur… Ou bien était-ce de l’inquiétude cette fois ? Pas juste un rabaissement, une sous-estimation de mes capacités ? Hum… Elle faisait des efforts. Elle répétait les mêmes mots, me suppliait, me prenait la main. Oui, elle faisait des efforts, bien qu’elle ne s’excusait pas. Mais la supplique devait déjà lui coûtait niveau fierté.

Bien que je lui en veuille encore, j’accédais à sa requête, la suivant main dans la main. De toute façon, je ne connaissais pas le chemin, alors rester seul n’était pas la meilleure des options. Puis, elle était de nouveau douce…

Ma dragonne serait-elle lunatique par moment ? Pourtant, elle n’était sans doute pas enceinte, alors pour les sautes d’humeur…

Je demeurais silencieux tout le trajet, mais au moins je l’avais suivi, et j’avais accepté sa main. C’était déjà bien non ? A voir si elle continuera ses efforts ou si ça redeviendra comme avant.

Nous retournons donc au port, au point de départ avant que le nuit n’arrive. Finalement, il semblerait que nous soyons deux débutants en la matière. Un homme n’y comprenant rien aux femmes, et une femme ne sachant parler aux hommes.

Dina ? Mais. Qu’est ce que tu fais là ? Tu n’étais pas avec le naufragé.

Là, assise devant le port, Dina attend, le regard fixé sur un mot qu’elle tient dans ses mains.

Robyn… Il est parti dès que tu as décollé.
Ah, je suis désolé pour toi.
Il m’a laissé un mot alors que j’essayais de le poursuivre.

Elle me tend son bout de papier.

Merci l’ange ! Mais je préfère rester chez moi. Parce que… VOUS NE M’AUREZ JAMAIS ! HAHAHA !
PS : Moi c’est Robyn, alors arrêtez de m’appeler « le naufragé » ! ça fait pommé et je le suis pas, pommé. Ni pomme.
Parce que je suis humain ! Haha !

Tu sais Dina… Ce type est sans doute juste complètement cinglé.
Oui. Sans doute.

Mais je vois que quelque chose l’inquiète toujours, même si elle ne dit rien. Et je crois deviner ce que c’est.

Tu sais Dina, je n’ai jamais mangé d’humain. Et je n’ai pas l’intention de commencer un jour. Ce serait vraiment inhumain et ce même si je suis aussi un dragon. Et puis, pour tout t’avouer, je n’ai pas de temps à perdre à chasser ce déjanté. Au final, il est bien là où il est, non ?

Elle relève la tête, rassurée.

Alors je la laisse à ses occupations de patrouilleuses et, ma main toujours dans celle de Reyson, nous rejoignons le navire de ces bras cassés qui ont accosté. De la, je les ignore tous promptement, même Argus, et attire Reyson dans le Redcopter que je fais décoller. Une fois à une hauteur suffisante pour nous séparer de l’agitation d’en dessous, je quitte la cabine avec une corde et ficelle solidement le bateau volant à la pointe du grand mât.

Puis je rejoins Reyson qui s’est installé et m’allonge près de lui, ma tête sur son épaule, sa main dans la mienne, mais mon corps loin du sien.

Puis dans un souffle, je lui murmure…

Je suis désolé.

Puis me laisse lentement bercer par les bras de Morphée.