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Drop the game.

Une fois par an, eut-elle envie de lui dire, penchée au-dessus de lui à le regarder avec un grand sourire. Les mains posées sur les genoux, à lui cacher le soleil trop haut pour l'heure qui lui faisait cuir la peau à petit feu. Sa risette s'étendit un peu plus, en creusant ses joues déjà amaigries, et une lueur malicieuse teinta dans ses pupilles rosées. Groot était là, allongé à même le sol, inconscient et une partie du visage tuméfiée par un bleu énorme qui lui mangeait l'oeil. Durant quelques secondes, elle s'interrogea : était-ce vraiment un hématome ? Alors, cela voulait dire que les Hommes-poissons pouvaient souffrir comme les humains d'ecchymoses causées par la maladresse ? C'était fou.

Mais elle ne s'en étonna qu'une poignée de secondes, avant de se redresser, de s'étendre en cherchant à se grandir un peu plus, faisant craquer ses vertèbres. Il lui sembla que les paupières de Kurn se soulevèrent brièvement. Il reprenait conscience ? Elle devait en profiter :

« 'Faisait longtemps, Groot. »

Mais a peine eut-elle dit ça qu'il ressombra sans lui répondre.

Soit. Elle allait s'occuper du reste.
A sa manière.

*

Et on ne pouvait pas dire que sa manière de faire était la plus douce et la plus pratique en général. Fantine s'était débrouillée comme elle avait pu, passant bien une heure à tenter de le hisser sur son dos avant de se retrouver écraser par le corps de l'homme-poisson. Finalement, elle avait déniché un chariot, et l'avait fourré à l'intérieur en le recouvrant d'une couverture. Et l'acheminée jusqu'à sa planque squattée n'avait pas été des plus simples. Les roues du chariot refusant de se promener sur les cailloux, se prenant dans les pavés, attirant aussi l'attention des habitants... La jeune fille avait fait au mieux... De même, lorsqu'elle avait traîné Kurn sur le navire, à la force de ses petits bras, tentant de le faire passer par-dessus la rambarde, l'assommant contre le mât sans s'en rendre compte, puis contre le chambranle de la porte. Au bilan, Groot s'était retrouvé avec plus de blessures qu'à son départ, et elle n'avait pas ménagé les anciennes, mais qu'importait...

La cabine dans laquelle ils se trouvaient tous les deux était étroite, et tanguait au rythme des vagues venant s'écraser contre les pierres du port. Fantine regarda par le hublot, faisant une petite moue. Elle retourna sur sa chaise, remontant ses jambes à sa poitrine en poussant un long soupir. Sa tête se posa contre le dossier. Ses yeux se portèrent vers Kurn, qui squattait la couchette. Ses jambes y dépassait, son buste était presque trop large pour s'y contenir, mais Fantine avait fait comme elle avait pu pour l'y installer... Et pour le soigner aussi.
Au final, elle avait surtout perdu patience, et avait terminé par l'enrouler intégralement dans des bandes pour être sûre et certaine de recouvrir toutes les blessures qu'il avait. Au fond, elle faisait partie de ses gens qui pensaient qu'un pansement arrangeait tout. Alors, forcément, si Kurn en était complètement recouvert, il finirait bien par se remettre sur pied. Forcément.

Fantine poussa un long soupir. Se relevant précipitamment, elle était lassée d'attendre après un signe de vie.

Elle sauta dans ses bottes, les attacha à la va-vite, et sortit sur le pont en claquant la porte derrière elle. L'air de l'extérieur s'engouffra dans la cabine quelques secondes, emportant avec lui une odeur de sel et le bruit des mouettes. Mais Kurn n'en profita pas plus.

Elle passa sur le parquet grinçant, manquant de glisser dans le sang que le passage de l'homme-poisson avait laissé, et se hissa jusqu'à la proue du navire (une tête d'aigle assez large pour qu'elle puisse s'y asseoir). Et de là, elle jaugea le monde en attendant que son membre d'équipage récupéré à la sauvette ne revienne à lui.


Dernière édition par Fantine le Mar 18 Aoû 2015 - 15:01, édité 1 fois
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D'abord, ce fut une douleur sourde. Puis cette douleur sourde ne partit pas. Elle gagna même plutôt en puissance. La où le sommeil protecteur l'attendait ne se trouvait que la souffrance. Kurn ouvrit doucement, difficilement, les yeux. La lumière du jour l'agressa. La douleur se fit aigue, perçante. Il les referma aussitôt.

Je suis Kurn T'Erlhitan, fils de Vrarr, fils de Torl.

Les souvenirs des derniers événements se remettaient doucement en place. Poiscaille, retrouver les Jazzmen, l'attaque de l'inconnu, celui qui était très fort. Puis le Capitaine Maxwell Toreshky Percebrume. Le Serment qu'il avait prêté à sa famille, à son grand-père, son père, ses aïeux.
Il se redressa en sursaut, et se cogna la tête contre le plafond de la couchette étroite sur laquelle il était allongé. C'est alors qu'il regarda autour de lui : l'intérieur d'une cabine, étant donné que l'ensemble du mobilier était fixé au sol, comme sur tous les navires.

L'homme-poisson était également couvert de bandages, des pieds à la tête, serrés au point qu'il devenait malaisé pour lui de se mouvoir, de faire jouer ses articulations. Sa tête tournait, aussi, mais pas en raison du choc. Son estomac criait famine, et tout devint flou devant ses yeux.

Il tomba du lit.

La tête en bas, avec uniquement le bas des jambes encore sur le matelas, il place ses mains devant son visage. Même les doigts étaient fermement enturbannés, et il devait ressembler davantage à une momie qu'à un homme-poisson. Et il ne parvenait pas à retirer les pansements de fortune, alors que la chair dessous le démangeait. Plaçant ses doigts dans sa bouche, il tenta d'arracher les bandes avec les dents, sans plus de succès.

Abandonnant là ces efforts, il ferma les yeux quelques instants.

Déterminer la situation. Réagir en conséquence. Je suis probablement sur le bateau du Capitaine Percebrume, ou alors celui de cet Erik Ellington. Que s'est-il passé depuis ?

Basculant ses jambes au sol, il passa à quatre pattes, avant de se redresser en s'appuyant lourdement sur la table. Et sans se relever complètement, de crainte de se taper la tête contre le plafond de la cabine qui lui semblait exigue.
Pesant autant que possible sur tous les meubles et les murs à portée, il manqua disloquer la poignée de la porte en la tournant. Un couloir étroit suivi en tâtonnant l'amena au pont du bateau. Oui, c'était un bateau, mais probablement à quai, à la manière dont il remuait dans la houle faible du port.

Et, une fois dehors...
« GROOOOOOOOOOOOOT ! ♥
- Hein ? »
Evidemment, il lui était impossible de ne pas reconnaître la gamine maigrelette aux longs cheveux bleus qui venait de se jeter sur lui, sans tenir compte de ses douleurs, qui disparaissaient d'ailleurs déjà.
« Fantine ?
- Groot ! Une fois par an, t’as vu ? T’as vu ?
- Hm, oui, une fois par an, mais… pourquoi ? Et, comment ?
- Je t’ai trouvé dans une ruelle, alors je t’ai ramené là ! »

Kurn ferma les yeux, cherchant à se concentrer.
« Et l’équipage du Capitaine ? Tu les as vus ?
- Quel capitaine ?
- Maxwell Percebrume. Les autres.
- Connais pas. C’est tes amis ?
- Je… Oui. Je crois.
- Si tu n’est pas sûr c’est pas des vrais amis ! ♥
- Mon Serment. Combien de temps suis-je resté endormi ? »

La jeune fille haussa les épaules.
« Plusieurs jours ? Je n’ai pas vraiment compté, j’ai juste attendu que tu te réveilles. On fait quoi ? On va jouer ?
- Tu aurais un journal ?
- Un journal intime ?
- Un journal avec les informations récentes.
- Ah. Euuuuuh, non ! »

La rascasse soupira, puis se frotta les yeux.
« On peut retirer les bandages ?
- Tu vas mieux ? C’est grâce à mes pansements magiques !
- Oui, je vais mieux, merci. »

Cela faisait plusieurs jours. Mon équipage est parti. Ils ont dû me considérer comme disparu, mort. Comment leur en vouloir ? Ils n’aurait pas pu me retrouver.

C’est sur ces considérations de solitude qye Kurn regarda le jour tomber, assis au bastingage du navire que Fantine occupait actuellement, sans l’accord, évidemment, de son propriétaire légitime, pour peu qu’il soit encore en vie.

Je… Je n’ai qu’à les retrouver, pas vrai ?

Mais l’océan est si vaste…

Il m’a déjà falllu des mois pour trouver Maxwell…



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Elle ne put s'empêcher de sourire. C'était tellement chouette, ces rendez-vous annuels. Parce que c'était ça, dans les faits. Et c'était sacré, respecté par le destin. Sauf que cette fois, ça avait l'air d'être engagé pour s'éterniser un peu plus longtemps. Et c'était d'autant plus génial, parce qu'il s'agissait de Groot, et d'elle. Comme s'il n'y avait pas de hasard en définitive.

Quand Kurn alla s'installer sur le bastingage du navire, elle retourna sur la proue, là où elle avait sa place. Pour voir l'horizon. Pour voir le port qui s'étalait sous ses yeux. Les marins allaient et venaient, les marchands chargeaient leurs cargaisons à même les dalles, le marché se fermait et grouillait encore de monde, et elle, elle guettait l'arrivée du potentiel propriétaire du navire qu'elle squattait. Elle n'en avait pas vu la couleur depuis qu'elle était dans le coin, mais peut-être qu'elle pourrait être amené à lui demander violemment la permission. Au moins le temps que son nouveau compagnon d'infortune se remette.

Jusqu'à ce que Kurn ne la sorte de sa torpeur, en tout cas :

« Fantine ?
Oui Groot ? ♥ »

Elle se retourna vivement, avec un grand sourire, tandis qu'il était en train de se défaire de ses innombrables bandes. Les unes tombées à ses pieds, les autres les retrouvant dans la minute, découvrant au passage sa peau brune et par endroit amochée. Ses plaies s'étaient en partie refermées, une bonne chose, prouvant une fois pour toute que les pansements étaient vraiment efficaces, et qu'elle faisait à l'évidence une très bonne aide-soignante (au moins dans ses rêves).

« Tu penses qu'on peut partir ?
Bawai ! Tu veux aller où ? »

Elle sauta de son siège, se dressant pile devant lui, prête à bondir sur les cordages pour tendre la voile. Quand bien même faire ça reviendrait à s'encastrer sur le quai, elle n'était pas tout à fait du genre à faire très attention à ce genre de détails de toute façon...

« Hm... Chercher mon équipage. »

Fantine se stoppa un instant. C'était bizarre. Pourquoi tenait-il autant à son équipage, s'ils n'étaient pas ses amis ? Il avait hésité, tantôt. Et l'hésitation avait été dûment noté par la jeune fille qui le fixait étrangement. Et puis, elle ne comprenait pas, parce qu'elle n'avait pas un si bon souvenir de ses voyages avec d'autres gens. Enfin... Haussant les épaules, elle mit quelques secondes à se rendre compte qu'elle s'en moquait :

« D'accord ! Tu sais où ils vont ? »

Ils auraient eu besoin de faire le plein de nourritures, d'eau, de biens, pour la traversée. Surtout après la réponse de Kurn, qui indiquait qu'il n'y avait aucune certitude sur le temps qu'allait prendre le voyage, ni même quand serait la prochaine escale :

« Pas vraiment...
On a qu'a prendre le large, coupa-t-elle. On les trouvera bien comme ça ! »

Les probabilités de mettre la main sur eux ? Proche de zéro. Mais Fantine n'était pas du genre à s'en rendre compte ni même à s'en soucier. Les statistiques ? Elle était plutôt persuadée que c'était un plat qui se mangeait. Elle bondit à l'arrière pour relever l'ancre, et le navire commença déjà à tanguer. Elle défit la corde qui le relier au quai, en se tournant vers Kurn avec un grand sourire :

« T'es prêt ? C'est moi ton capitaine maintenant ! On va tout droit ! »

Enfin...

« Bon, peut-être pas tout droit tout droit... Fit-elle en regardant devant elle, se mordillant la lèvre.
Laisse moi faire ça.
D'accord ! »

Kurn avait l'air de s'y connaître un peu plus en navigation qu'elle. Sensiblement plus, à peine. Assez pour sortir un navire comme le leur de la baie où ils se trouvaient, sans trop rayer la carrosserie en tout cas. Ils eurent du mal, mais ils y parvinrent, et alors qu'ils commençaient à prendre le vent pour s'en aller, Groot se permit de poser une bonne question :

« Dis voir... C'est ton navire ?
Absolument pas ! »

Elle lui offrit un grand sourire dévoilant toutes ses dents pointues.

« Ah d'accord... »

Et sur le quai qui s'éloignait, un petit attroupement se formait. Un type au ventre bedonnant faisait
de grands signes vers eux, et sa voix portée par le vent hurlait distinctement « mon bâteau ! ».


Dernière édition par Fantine le Mar 18 Aoû 2015 - 15:12, édité 1 fois
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Le petit navire sur lequel ils se trouvaient tenaient davantage du bateau de plaisance que de l’appareil apte à naviguer en haute mer par temps de tempête. Et, pourtant, comme de nombreux bâtiments conçus pour le loisir, tout était fait pour qu’un équipage excessivement réduit puisse profiter du voyage.
Ainsi, le mât unique voyait tous ses cordages passer la poupe du navire, grâce à un ingénieux système de poulies. Cela pour permettre au skipper isolé de barrer tout en gérant la voile. Et c’était pour cela que le système n’était pas fait pour tenir par gros temps : au moindre grain nécessitant une intervention plus localisée, il devenait impossible de tenir la barre en même temps.

Kurn considérait toutes ces options, la main sur le gouvernail, tenant les cordages de l’autre, bien qu’ils soient bloqués au niveau de la poulie. Le temps était encore au grand beau, mais en mer, cela pouvait changer rapidement.

Au pire, j’expliquerai à Fantine ce qu’il faut faire.

« Dis, Groot, on mange quoi ?
- On n’avait pas dit qu’il n’y avait rien à manger à bord et qu’il fallait d’abord… ?
- Si.
- On ne mange pas, alors. »
Le silence se prolongea jusqu’à ce que leurs ventres gargouillent de concert.
« Il y a des trucs dans la cale ?
- J’vais voir ! »

Par certains côtés, elle lui rappelait son petit-frère, Vulkir. L’exubérance, l’insouciance… Ce n’est même pas une question d’âge, mais plutôt d’attitude. Je n’ai jamais été comme ça. Hm.
Fantine remonta avec une chaise longue pliante sous le bras, et des cannes à pêche dans l’autre.
« Il y a d’autre chaises, et du matériel dans des boîtes !
- Du matériel pour pêcher ? »
Elle haussa les épaules.

Attrapant la corde proche faite pour, la rascasse fixa la barre pour garder environ le même cap. Ils navigaient sans carte, sans provisions, sans destination. C’est stupide. Et pourtant, cette fuite en avant… Si je me déshonore devant mes Ancêtre…
Avec un grognement, Kurn descendit à fond de cale, ce qui au vu de la taille du bateau, ne voulait pas dire grand-chose. Là, plié en deux, la tête au niveau du plafond et de celle de Fantine, il utilisa la lumière baissante du jour pour examiner ce qui trainait. Et, effectivement, il s’agissait bien d’un kit sommaire de pêche.

Pas de doute, le bateau est un navire de plaisance utilisé par des bourgeois pour faire des balades le week-end, poser des lignes et rentrer le soir se faire des grillades. Grand bien nous fasse, nous n’aurions jamais dû partir sans rations… Mais sur le moment, cela semblait naturel.

Remontant sur le pont avec les petites caisses contenant une poignée d’appâts, des lignes de rechange et des bobs, les chapeaux moches sur lesquels on pouvait piquer les vers, et c’était globalement tout. Piquant une petite créature gigotante sur les hameçons, il monta ensuite les cannes et les accrocha au bastingage, à la poupe.

Puis il reprit la barre, tentant de garder un cap constant. S’ennuyant, Fantine était montée sur la mât après avoir joué un peu partout sur le vaisseau. Du sommet, elle se fit des jumelles avec les mains, puis pointa vers l’horizon.
« Groot ! Une voile à l’horizon !
- Quelle couleur ?
- Blanche !
- Position ?
- Derrière nous ! Hé, mais c’est moi le capitaine, d’abord ! C’est à toi de grimper en haut du mât et à moi de tenir la barre !
- …
- …
- Oui, bon, d’accord pour cette fois.
- Ils se rapprochent ?
- Non.
- Quelle taille fait leur bateau ?
- Je sais pas…
- Plus grand ou plus petit que le nôtre ?
- Je dirais plus grand ! Mais pas de beaucoup, hein !
- Hm…
- Tu penses que ce sont des amis ? Ou ton… équipage ?
- Cela m’étonnerait. Pas de drapeau ?
- Non, pas de drapeau !
- Ce n’est probablement pas eux, alors.
- Cool !
- Tu as dit quelque chose ?
- Non, rien. ♥ »

Le navire continua à les suivre quelques heures après que la nuit soit tombée, ce qu’ils pouvaient voir à la lumière des lampes-tempêtes qui avaient été allumées chez eux. Et également sur le bateau de plaisance, bien qu’il s’agisse là de lanternes tout ce qu’il y avait de plus inefficace, mais au design soigné pour éclairer avantageusement les sculptures de cygnes.

Bizarre…

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Depuis combien d'heures regardait-elle l'horizon, fixée sur ce navire ? Elle ne les comptait plus. Sans doute parce qu'elle avait cette capacité extraordinaire de l'esprit de ne pas sentir le temps comme les autres. Ce dernier était une unité diffuse dans son monde, qui n'avait que très peu d'importance, tant qu'elle vivait. Les minutes se transformaient souvent en jour, les heures en secondes. Elle ne courrait jamais après le temps, parce qu'elle avait appris qu'il mentait, sans arrêt.

La jeune fille sauta par-dessus son perchoir, attrapant une corde au passage pour glisser le long de celle-ci. Elle retomba sur ses deux jambes, fermement, se redressant devant Kurn avec une petite bouille mitigée quant à la situation :

« Le navire est toujours là. J'suis presque certaine qu'il nous suit, annonça-t-elle en faisant passer ses longues tresses dans son dos. »

Elle grimpa sur la rambarde pour se surélever légèrement, et regarder par-dessus la cabine. Kurn n'eut qu'à se redresser pour en faire autant, admirant le point de lumière à plusieurs mètres d'eux, dans la nuit, qui ne bougeait pas.

« Et à part s'il s'agit d'amis à toi, j'suis pas sûre que ça soit de bon augure. »

Groot secoua la tête. Même s'ils ne voyaient rien, le comportement de l'embarcation était trop suspect pour qu'il s'agisse en effet d'amis à lui. Et puis, avait-il vraiment des amis ? Vu l'état dans lequel elle l'avait ramassé sur l'île, tout prouvait qu'il n'était pas spécialement apprécié. Il n'y avait bien que Fantine pour le trouver trop cool.

« Hm... Qu'est-ce qu'on fait ?
Eh bien, minauda-t-elle en pinçant les lèvres. Dans mon monde, on prend les problèmes à bras le corps ! On devrait aller voir directement ce qu'ils veulent, et aviser en conséquence... »

Kurn tourna les yeux vers elle, la jeune fille en fit autant. Il ne semblait pas emballer par l'idée, ce qu'elle comprenait vaguement. Se jeter comme ça, dans l'inconnu, ça n'était pas toujours engageant.

« Et s'ils veulent des problèmes ? »

Elle éclata de rire :

« Depuis le temps qu'on se connaît, m'as-tu déjà vu les fuir ?
Non, tu as raison. Et c'est bien ce qui m'inquiète.
On fait demi-tour, et on y va ! Coupa-t-elle comme si elle ne l'avait pas écouté.
Mais-
Tututu ! C'est moi le capitaine, je décide !
Enf-
J'ai dit quoi !
En attendant, c'est moi qui navigue, Fantine...
Ça, c'est pas mon problème.
Si, justement...
Bon, ok, c'est mon problème. »

Elle grogna en redescendant sur le pont. Qu'avaient-ils en stock ? Pas grand chose pour se défendre ou attaquer. Elle pénétra dans la cabine et en retourna les tiroirs, à la recherche de quelque chose d'utile. Elle revint avec quelques fourchettes, un bob qu'elle avait enfoncé sur sa tête comme le casque d'une armure, elle enfila devant le nez de Kurn un gilet de pèche tout en lui demandant :

« Ouais beh quoi ? On va rester là, à attendre qu'ils fassent quelque chose ? Rétorqua-t-elle fermement. Alors qu'ils ne s'attendront pas du tout à nous voir débarquer comme ça ! On éteint la lumière, on se fond dans la nuit, on fait le tour pour les perdre, et hop, on y va ! Distribuer quelques coups, des baffes, faire craquer des os ! Et avec un peu de chance, on récupère leur cargaison ! »

Elle était pirate dans l'âme. Elle avait toujours vécu ainsi et il n'était pas question d'en changer. Sa logique était celle qu'elle pouvait partager avec une personne comme Kurn, quand bien même il ne pensait pas toujours à sa manière. A naviguer avec elle, il s'y mettrait forcément à un moment.

« Et si on s'en prend à plus fort que nous... Bah, qu'importe. Vivre n'est pas vivre si on attend dans notre coin que le ciel nous tombe sur la tête ! L'existence, faut la chopper par la gorge et lui apprendre qui est le patron ! Sinon, ça vaut carrément pas le coup. Et puis, au pire... On se sera bien amusé ! »

Elle esquissa un grand sourire, attrapant l'une des cannes, qu'elle éclata contre son genou. Le crac brisa le silence, le temps qu'elle redresse les yeux vers lui :

« Là, c'est bon, t'es convaincu ? »


Dernière édition par Fantine le Mar 18 Aoû 2015 - 15:36, édité 1 fois
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Il n’était pas convaincu. Mais alors, vraiment pas. Mais, d’un autre côté, il réfléchissait. L’autre navire nous a rattrapé en quelques heures. En plus de cela, il ne s’est pas approché jusque-là. Pourquoi ? Pourquoi nous suivre sans entrer en contact ?

Il se pourrait que Fantine ait raison. Pour les mauvaises raisons, mais tout de même.

« Bon, d’accord, faisons comme tu as dit.
- Ouaiiis !
- Mais arrête de casser les cannes à pêches, s’il te plaît, c’est déjà la troisième que tu brises, elle pourrait nous être utile…
- Oops. ♥
- Par contre, ajouta l’homme-poisson, on regarde d’abord de qui il s’agit. Et ensuite, s’ils sont méchants seulement on leur tape dessus. D’accord ?
- Hmm… D’accord !
- Promis ?
- Promis par le Capitaine ! Ou on dit la capitaine ?
- Aucune idée. »

La rascasse laissa la jeune femme éteindre les lampes tandis qu’il manoeuvrait la voile pour la réordonner un peu différemment. Un coup de barre plus tard, leur cap avait changé et ils tiraient des bords pour se rapprocher de l’autre bateau.

Sans le moindre bruit.

Le poursuivant hésita, ce qui se vit au tressaillement des lanternes alors que le timonier laissait son embarcation errer un coup vers babord et un coup vers tribord, probablement indécis. Les sons portaient beaucoup sur l’eau, surtout la nuit. Les voix, bien qu’indistinctes, leur étaient clairement audibles.

Et l’une d’elle était encore toute fraîche dans les souvenirs de Kurn : celle de l’inconnu électrifié qui l’avait attaqué sans vraiment de raison dans les ruelles de Poiscaille. Celui qui avait causé sa séparation d’avec son équipage. Celui qui avait, ce faisant, entaché son Honneur et celui de sa famille.
Il grinça des dents suffisamment fort pour que Fantine s’en rende compte. Dans l’obscurité nuageuse à peine éclairée par les étoiles, elle lui adressa une grimace et fit signe de trancher le cou. Il hocha la tête. Pas des gentils.

Leur présence fut finalement notée par le barreur alors qu’ils n’étaient qu’à une petite dizaine de mètres de distance. Pas de guet. Pas de vigie. Des cris retentirent, les alertes, les ordres. Le duo, lui, était silencieux.
Fantine avait enfilé le gilet de pêche, qui donnait un peu de flottabilité. Et, accrochés tous les deux à un cordage qui trainait dans l’eau, ils se laissaient tirer par leur bateau de plaisance. Rapidement, les coques frottèrent l’une contre l’autre dans un crissement de bois tandis qu’en face, ils accrochaient les bastingages ensemble avec de la corde.

C’est là que Fantine et Kurn partirent à la nage le long des embarcations, jusqu’à faire le tour du gouvernail ennemi, puis trouver les inévitables cordes qui trainaient à l’eau. Ils se hissèrent sans un son jusqu’au pont, désormais quasiment vide : les hommes étaient partis explorer la coque de noix qui leur était rentrée dedans, à la recherche de leurs cibles.

L’occasion rêvée de prendre l’avantage.

La poignée d’hommes armés restés à bord leur tournaient le dos, et avaient tous leurs sens pointés vers leurs camarades. Autant dire qu’ils étaient gratuits. Ils se retournèrent en sursaut quand l’homme-poisson et la jeune femme grimpèrent juste derrière eux, et eurent à peine le temps de pousser un petit cri effarouché avant qu’une série d’attaques ne les envoie compter les moutons.

Les autres réagirent immédiatement, les pointant de leurs armes à feu. Le duo plongea derrière le mât pour Fantine, derrière l’escalier du pont pour Kurn. Les balles ricochèrent en arrachant des copeaux de bois.
« Laissez-moi l’homme-poisson ! Gronda la voix de l’inconnu de Poiscaille en bondissant sur le pont. »
Dans le même temps, la rascasse sauta sur l’embarcation adverse, celle sur laquelle ils s’étaient enfuis. Au vu de ses blessures pas encore tout à fait guéries, il avait été décidé que Fantine tenterait sa chance contre l’homme-électrique. Elle était avertie de cette capacité étrange, et sa vitesse et son agilité devraient lui permettre de s’en sortir. Dans tous les cas, Kurn comptait rapidement nettoyer ses adversaires pour aller l’aider, si besoin était.

Mes adversaires, justement.

Dans l’obscurité, il était malaisé de les distinguer. Mais leurs regards brûlants de haine suffisant à ne pas les rendre particulièrement aimables. Au-delà de cela, ils venaient dans toutes les tailles et tous les gabarits, du grand barraqué au petit tordu.
Mais aucun d’eux n’était Kurn T’Erlhitan, adepte des arts martiaux aquatiques, et également terrestres. Il se mit en garde et leur fit signe de venir, tandis que les premiers sons du duel de Fantine retentissaient à côté.

Il utilisa l’attrape-lame pour coincé le premier sabre entre ses deux paumes et, d’une torsion du poignet, désarmer son vis-à-vis. Ils n’étaient plus que trois, de toute façon, largement dans ses cordes, a priori.
Il jeta l’arme à l’eau, dans laquelle elle tomba avec un plouf ! audible. Son coude s’écrasa également avec un son de craquement à donner la nausée sur le nez de l’homme, qui tomba au sol en se tenant le visage, ensanglanté.

Le cimeterre suivant frôla sa cuisse avant qu’il ne puisse l’écarter hors de danger, y traçant une trainée rouge. Malgré l’arme blanche, il gardait une portée conséquente du fait de sa taille, et en reposant le pied par terre et tendant le bras, il put attraper le deuxième combattant par la tête, sa main englobant la totalité de celle-ci.
Un coup de poing dans le ventre, agrémenté d’un peu de poison, en des quantités non létales, puis il jeta négligemment l’inconnu à l’eau. Le temps qu’il remonte, qu’il se réveille… Le combat serait probablement achevé.

Le troisième était davantage en panique, et son arme tremblotait dans sa main. Un fleuret tout ce qu’il y avait de classique, pourtant. Attrappant un débris de canne à pêche au sol, il le lança sur l’individu qui agita frénétiquement son arme. Avec un haussement des épaules mental, il laissa son poing droit s’écraser sur son visage, de toutes ses forces, pour l’éjecter par-dessus bord.

Hm. Pas si blessé que ça, finalement.

Et Fantine ? Comment s’en sort-elle ?



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Et du côté de Fantine, elle s'en sortait un peu comme elle le pouvait. Surtout que bon... Elle devait se charger du gros méchant pas beau. C'était ce qu'ils avaient conclu avant d'arriver sur le navire qu'ils visaient. Parce qu'elle était plus rapide. Parce qu'elle était plus petite, donc moins facile à viser pour une brute comme ce Douglas qui n'aimait pas les hommes poissons.

Sûr, s'il fallait comparer la carrure de Kurn à celle de Fantine, il n'y avait pas photos. Tous deux étaient très différents, et l'homme comptait à l'évidence sur cette différence pour pousser Douglas dans ses retranchements. Cogner sur un type à la peau dure de base, mais ralentit par toute la masse qu'il avait à déplacé, c'était bien loin qu'essayer de mettre la main sur une fille fluette et aussi rapide qu'une anguille.

En débarquant, en tout cas, Douglas s'était visiblement imaginé qu'il allait pouvoir remettre une raclée à Kurn, sans doute parce qu'il n'avait d'yeux que pour lui et pour la haine qui l'aveuglait. Fantine en profita d'entrée de jeu pour se charger de son cas. Elle lui bondit dessus, armée de ses morceaux de cannes qu'elle avait cassés à la chaîne pour cogner le cyborg avec. Elle fracassa l'un des bouts sur la tête de l'homme, mais le bois éclata contre le métal qui le recouvrait, sans pour autant sonner l'homme. Soit. Ça ne serait pas simple, et elle s'en rendit compte en évitant de se faire attraper.

Car si son adversaire était à l'évidence résistant et qu'elle ne pourrait pas grand chose contre ça, il était aussi lent. Comme Kurn. Un coup pourrait probablement la sonner, mais encore fallait-il qu'il réussisse à lui mettre la main dessus, et c'était là toute sa stratégie.

Tant qu'elle restait en mouvement, vive, rapide, qu'elle évitait sa poigne, et qu'elle lui bondissait dessus, tant qu'elle menait la danse, alors elle s'en sortirait.

« Dégage de là, et je ne te ferais rien. »

Douglas commençait progressivement à s'impatienter. Sans doute parce que se faire sauter dessus par une petite harpie lui tapant violemment dans les articulations sans lui laisser porter un coup, ça avait un petit quelque chose de lassant. Mais qu'importait, ça n'était pas son problème. Elle n'allait pas le ménager, elle n'était pas là pour ça... Elle imprima son talon dans l'arrière de son genou, pour renvoyer le cyborg à terre, et fila comme elle le put pour éviter un poing qui s'imprima dans le bastingage. A nouveau, le bois vola en minuscules copeaux, s'éparpillant partout.

Fantine se faufila derrière le mât pour retrouver son souffle. Elle pouvait être rapide, mais ça l'épuisait. Il lui fallait s'économiser, pour continuer ce qu'elle faisait. Elle devait être plus méthodique. Prendre des risques ? Pour sa taille et son poids, ce qui l'inquiétait, c'était la force que pouvait avoir son adversaire. Ses grands bras la gênaient aussi, l'obligeait à rester distante, de ne porter que des chocs et à le faire tourner en bourrique. Si elle rentrait dans sa garde, elle pourrait sans doute profiter de ça pour l'handicaper et viser des zones plus sensibles.

Alors, elle attendit. Que Douglas se relève et s’époussette comme il avait l'habitude de le faire depuis le début, et quand il se tourna pour la chercher, elle plongea dans sa direction. Le cyborg arma son poing pour la cogner, mais elle glissa pour l'éviter, et plia les phalanges pour les imprimer sur le point faible de tout homme. Droit sur les bijoux de famille.

Le choc résonna, comme si elle avait cogné sur un gong. Peut-être que c'était ce qu'elle avait fait, non ? Car elle sentit la douleur lui transpercer la main, même si Douglas ressentait exactement la même chose, à un degré différent du sien. Il voulut se plier, mais s'en abstint. Sa réaction fut tout autre...

Son poing se porta sur la joue de la jeune fille, et la renvoya au sol. Le choc fut si soudain qu'elle eut l'impression de traverser le plancher. Elle s'écrasa contre, et sentit la rouille dans sa bouche, amer. L'une de ses dents bougea. Une molaire. Merde.

Sonnée, elle n'eut pas vraiment le temps de se redresser qu'elle sentit à nouveau la paluche de Douglas sur son épaule, et une décharge électrique la traverser de part en part. C'était... Foudroyant ? Et douloureux. Elle eut l'impression que ses organes se réduisaient en cendre, avant de retomber à terre en cherchant son souffle.

« Au suivant, souffla le cyborg en se tournant vers l'homme poisson. »

Il désigna Kurn du regard, avec un mépris affiché. Lui qui venait à peine de terminer son nettoyage par le vide, reprenant son souffle pour repasser sur le bon navire.

« Je ne sais pas comment il s'en est tiré, mais ça ne se passera pas comme ça cette fo-
Oh, la ferme ! »

Il y eut un bruit sourd, celui du métal qui claquait. Fantine venait de planter un morceau de bois dans l'articulation visible de Douglas, l'enfonçant comme il le fallait à l'aide d'un bon coup de pied franc. Le genou était bloqué, mais elle ne laissa pas le temps à Douglas de réfléchir plus longtemps à ça. Elle ne s'extirpa pas de sa prise, s'occupa encore de sa jambe amochée pour continuer son travail. Elle se saisit du pied et tourna d'un coup sec pour le dévier de son axe.

Qu'il marche, avec une jambe de travers ! Un rire lui échappa et elle cracha à terre un glaviot de sang, pour afficher ensuite un grand sourire ravi.

Elle allait le déboulonner. Pièce par pièce.
Et elle y prendrait plaisir.


Dernière édition par Fantine le Mar 18 Aoû 2015 - 18:54, édité 1 fois
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Kurn enjamba la rambarde en effleurant la blessure qu’il avait maintenant à la jambe, puis goûta le sang sur ses doigts. Métallique. Il était inquiet pour Fantine : l’adversaire était fort, bien plus fort qu’un humain normal, et savait également se battre.

Et ce, sans compter les artifices dont il pourrait user…

Le bateau avait subi des dégâts, entre les rambardes qui étaient défoncées par endroits, et le pont troué à d’autres. Au milieu de tout ça, vaguement éclairés par la lumière des lampes-tempêtes, Fantine et l’inconnu, qui s’avérait être un cyborg, continuaient de batailler.
Et si la jeune femme sautait effectivement partout avec les mouvements chaotiques qui la caractérisaient, l’homme, lui, restait plus calme. Il semblait s’être reconcentré sur ce combat, et, malgré sa jambe retournée, parvenait à trouver les appuis qu’il lui fallait.

Se rendant compte qu’il était désormais à deux contre un, Douglas Thomas, affectueusement surnommé Iron Mask, recula d’un petit bond et enleva la cape qui le recouvrait des pieds à la tête, dévoilant un corps entièrement cybernétisé.
Des lames jaillirent des bras et des jambes, recouvrant et prolongeant les articulations. Se sentant acculé, il a décidé de pousser son corps à son maximum. C’est vrai qu’il avait déjà du mal en duel, donc maintenant que nous avons la supériorité numérique… Nous devons simplement faire attention à ne pas nous gêner mutuellement.

La rascasse décida de servir de support défensif. Il avança donc au corps à corps de l’homme qui n’aimait pas les hommes-poissons et l’échange de coups commença, tandis que Fantine reprenait brièvement son souffle.
Cependant, là où lors du combat précédent il pouvait se permettre de tout bloquer, la situation était plus complexe à présent : l’acier aiguisé qui recouvrait le cyborg rendait chaque tentative de parade risquée, sinon mortelle. Il ne pouvait appuyer que sur l’intérieur des membres adverses, aux endroits moins protégés.

Des coupures commençaient déjà à apparaître un peu partout sur ses bras, ses jambes, quand Fantine revint dans la dance. Elle bondit du bastingage sur Douglas, se tordant en l’air pour éviter une attaque. La modification de son centre de gravité dévia quelque peu son saut, mais pas suffisamment pour empêcher son poing de s’écraser sur la tempe du robot.
Kurn en profita également pour accentuer la pression. Prenant appui sur le sol, la jeune femme sauta bas, cette fois, son talon frappant le second genou de Douglas. Ce dernier se déroba sous lui et volta immédiatement en une attaque qui aurait touché Fantine au milieu du torse si l’homme-poisson n’avait pas paré pour elle.

La dynamique est bonne, pour le moment. Reste à savoir qui va s’essouffler le premier…

A deux contre un, Douglas Thomas avait beau être un cyborg d’excellente facture armé jusqu’aux dents –littéralement, celles-cachant au besoin des mini-grenades, il ne pouvait pas faire grand-chose. Il avait un temps espérer que le duo se gêne, mais l’agilité de la petite fille et la puissance du sale poiscaille, chacun restant dans son rôle, avaient vite montré le contraire.

Ne lui restait donc que l’endurance. L’endurance, et quelques as dans sa manche, encore à jouer. Profitant d’un coup de pied du poisson, il abandonna tous ses appuis et encaissa le coup en sautant en arrière. L’action prit légèrement au dépourvu ses adversaires, exactement ce qu’il lui fallait pour faire jaillir de son bras droit trois canons de fusil, et déloger les quatre molaires qui contenaient des explosifs.

En face, la surprise fut rapidement remplacée par l’instinct de survie. Je hais les cyborgs, songea confusément Kurn en se jetant au sol, sur le côté, pour éviter balles et explosions. Les tirs ne semblaient pas vouloir s’arrêter, Douglas canardant autant qu’il pouvait dès qu’il voyait quelque chose dépasser.
La rascasse adressa un signe à Fantine et se laissa tomber à l’eau, bruyamment. Une fois dans son élément, la piqûre du sel fut rapidement considérée comme négligeable sur ses multiples blessures. Ses branchies s’ouvrirent et ses nageoires se déplièrent tandis qu’il se vrillait rapidement pour reprendre ses marques.

Puis, immédiatement, il commença à envoyer flèche d’eau sur flèche d’eau sur le pont du navire, en direction de Douglas. Les chances de le blesser étaient faibles, étant donné la dureté de son corps, mais offrir une distraction pour permettre à la jeune fille de revenir au corps, où il pourrait la rejoindre, devrait suffire.
Les tirs s’arrêtèrent la poignée de secondes nécessaires et le bruit des coups repris, le bois criant sous les impacts. Le bateau ne serait pas dans un très bon état… Se propulsant à travers l’onde, Kurn sauta de l’eau sur l’embarcation, arrivant derrière Douglas.

Celui-ci dut sentir quelque chose, car il se retourna immédiatement pour bloquer la manchette qui visait sa nuque. Fantine saisit l’occasion et, reprenant le bout de bois toujours planté dans l’articulation du genou, la dégagea dans une gerbe de sang et de fragments d’os, avant de l’enfoncer à la base du cou.
Le cyborg eut un grognement de douleur, et sa défense s’effondra. Les poings de Kurn s’abattirent sur son visage, sans s’arrêter, tandis que Fantine s’attaquait davantage à ce qui tenait lieu de points faibles chez les humains normaux.

L’armure électronique brilla d’un bref éclat bleuté avant de dégager un choc d’électricité statique. Mais, prévenus comme ils l’étaient, le duo s’arrangea pour ne pas être au contact. Avec un hoquet de haine, l’homme plongea à l’eau et ils n’eurent que le temps de voir une hélice sortir de son dos alors qu’il était encore en pleine chute.

« Vite, Groot ! Rattrapons-le !
- Dans l’eau, de nuit ?
- Oui, on va le défoncer !
- Mauvaise idée. Restons plutôt ici. Je suis fatigué, en plus.
- Il refaut des bandages magiques ?
- Oui. Mais pas autant que la dernière fois. Toi aussi, d’ailleurs.
- Bon, d’accord. Mais normalement il faut jamais laisser partir les méchants, sinon ils reviennent, ensuite…
- Tant pis pour cette fois.
- C’est moi la capitaine !
- S’il revient, on le rebattra pour de bon.
- Hm. C’est vrai que j’suis fatiguée aussi, en fait.
- Allez, attendons que le jour se lève pour examiner nos nouvelles possessions.
- Comme des vrais pirates ! »

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Le coup des grenades dans les dents, c'était quand même vachement cool. Kurn avait bien insisté sur le sujet, en lui précisant que le cyborg était muni de tout plein de trucs du genre et qu'il réservait bien des surprises en la matière. Mais franchement, les grenades, dans les dents... Fantine était totalement fan du principe.

Elle le garda pourtant pour elle, en retombant sur les fesses sur leur nouveau navire. Les mains derrière elle pour faire appui, elle ressentait à présent toute la douleur de l'effort qu'elle venait de fournir. L'adrénaline retombant avec ça, le cœur tambourinant toujours trop vite, ses poumons pompant encore pas mal d'air pour lui permettre de continuer. Elle s'effondra dans la seconde, à même le sol, en poussant un long soupir.

« Ça va aller ? »

La jeune fille secoua la tête. Elle avait tellement besoin de bandage magique, là, comme lui avait bénéficié à Poiscaille. Elle en voulait plein plein, partout, s'enrouler dedans pour aller très vite mieux, et ressembler éventuellement à une momie. Parce que les momies, c'était aussi cool que les dents grenades, évidemment.

« L'intérieur, fit-elle en se retournant à même le sol, avant de se relever en traînant les pieds vers la cabine ».

Ils avaient tellement à explorer. Déjà, pour trouver les pansements. C'était toute une aventure.

Ce navire était quand même sensiblement plus grand que l'ancien qu'ils avaient volé. Au moins, un équipage pouvait vivre dessus, même si l'équipage en question se devait d'être restreint. Fantine savait qu'il y avait un nom pour qualifier ce genre de bâtiment, mais elle l'avait oublié et aimait bien appeler son nouveau bateau « le bateau ». Parce que c'était simple et facile à retenir.

Ils firent le tour de la salle de vie, de la cabine du capitaine, que Fantine désigna forcément comme sa chambre d'entrée de jeu (ce qui arrangeait Kurn puisqu'il était trop grand pour pouvoir passer la porte sans se contorsionner). Quand Fantine mit sans dessus-dessous sa nouvelle pièce (pour s'y sentir bien, évidemment), Groot eut le temps d'explorer et de dénicher le cellier ainsi que la pharmacie. S'il prit soin de ne couvrir que ses blessures, il dut enrouler la jeune fille dans les bandages qu'il restait pour la transformer en momie et « guérir plus vite » à sa demande.  

« Alors alors alors... C'est le petit bateau d'un monsieur nommé Douglas chépakomenonlicetletre, né le jour de sa naissance, domicilié sur l'île de onsenfout- Bon !Tu sais quoi ? Moi j'pense que c'est un gars pété de thunes et qu'on devrait aller le mettre en pièce. »

Elle balança le journal qu'elle tenait dans les mains en mâchouillant un morceau de pain, tandis que Kurn finissait de lui enrouler la jambe. Il soupira, en s'installant sur un tabouret plus confortablement, en admirant également le désordre autour d'eux :

« On devrait plutôt aller chez lui, souffla-t-il d'une voix grave. »

Fantine lui lança un regard surpris, et se mit à espérer à haute voix en croisant les doigts :

« J'espère que tu vas dire « pour lui prendre sa thune »
Pour lui prendre sa... Thune...
Là, tu me parles ! »

Elle bondit de sur son siège pour se mettre sur ses grandes jambes bandées désormais, et avança comme elle le put en direction du journal qu'elle venait tout juste de jeter. Elle eut bien du mal à se baisser pour le récupérer, mais y parvint en manquant de se prendre le pied dans ses longues tresses qui traînaient au sol. Kurn s'était lui aussi remis sur ses jambes, pour prendre la direction du dehors et commencer à mettre le navire en mouvement vers la bonne direction :

« C'est quoi le nom de l'île ?
On s'en fout.
J'en ai besoin...
On s'en fout !
Sérieusement, Fantine...
Bon ! Le nom de son île, c'est onsenfout ! T'arrête de faire répéter le capitaine tout de suite, bon dieu de banane !
… Snif.
On y va ou on attend qu'il rentre chez lui à la nage ? 
Oui, mais j'ai besoin de toi pour naviguer cette fois...
Ayé ! »


Dernière édition par Fantine le Mar 18 Aoû 2015 - 19:11, édité 1 fois
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La navigation fut fastidieuse, c’est le moins qu’on puisse dire. Le bateau était trop grand pour uniquement eux deux, et ce n’était pas pour rien que les autres étaient au moins sept pour s’en occuper, même en considérant que Douglas Thomas ne faisait pas grand-chose.
L’utilisation du sextan et du compas leur avait permis de rapidement, à la lumière des étoiles, réussir à s’orienter, et trouver là où ils se trouvaient. La boussole et les nombreuses cartes présentes dans la cabine du capitaine leur avaient permis de choisir leur direction, et de la prendre.

Restait que le bateau était un poil grand. Kurn, à la barre, et tenant en main une partie des cordages de la grand-voile, devait fréquemment attacher le gouvernail avec la corde prévue à cet effet pour ajuster la voile au vent et à leur cap.
Fantine faisait du mieux qu’elle pouvait pour suivre ses instructions, mais avait une fâcheuse tendance à… Kurn soupira.
« Groooooot ! Viens m’aideeeeer !
- Encore ?!
- C’est les cordes ! Elles m’ont attaquée ! »

Quelques instants plus tard à démêler des filins, la jeune fille était à nouveau libre de gambader, déguisée en momie toujours, sur le pont, jusqu’à la proue, sur laquelle elle se campa fièrement, jambes écartées, doigt pointé vers l’horizon.
« En route, moussaillon ! Harharhar !
- Je ne suis pas second ?
- Euh… Si, si ! En route, second ! Harharhar !
- C’est quoi le ‘’harharhar’’ ?
- Un rire de pirate, Groot ! Fais un effort, quoi !
- … Har. Har. Har.
- Yaaay ! »

Après plusieurs heures de navigation, le soleil s’était déjà levé, avait volé haut au-dessus de leurs têtes et s’apprêtait à se coucher à nouveau quand ils arrivèrent au port de l’île d’Onsenfou. Et cela faisait bien longtemps qu’ils avaient consommé les victuailles présentes à bord : de la viande séchée et salée, du poisson séché et salé, et des oranges.

L’eau douce avait vite été bue.

C’est avec l’impression que leur langue était gonflée jusqu’à deux fois sa taille normale qu’ils laissèrent le bateau s’encastrer légèrement dans le ponton en pierre. Une corde fut jetée autour de la bitte d’amarrage et ils sautèrent au sol.
L’envoyé de la capitainerie s’approcha d’eux, un papier à la main.
« Pour accoster, vous devez déclarer vos march...
- On a rien !
- Comment ça ?
- La cale est vide. Et franchement abîmée.
- Rien de rien. Donc on paye pas !
- Il faut quand même le coût de stationnement.
- J’ai pas d’argent !
- Alors vous ne pouvez pas rester !
- C’est bon, c’est bon, je peux payer. »
Kurn déposa la poignée de piécettes dans la main tendue de l’homme avant de reprendre leur route, le laissant jeter un bref coup d’œil au pont défoncé par les combats avant de repartir au pas de course vers son bureau.

S’il a reconnu l’embarcation, cela posera problème… Ne tardons pas.

En conséquence de quoi ils accélérèrent le pas, la rascasse pour partir au plus vite, Fantine pour aller voir ses cadeaux. Après quelques demandes de renseignement à divers passants et marchands, ils arrivèrent à une maison relativement isolée.

Le duo s’approcha de la porte et toqua poliment. Puis attendit quelques instants. Pas un bruit venant de l’intérieur. Kurn s’appuya un peu fort sur la poignée, et les gonds se tordirent tandis que le chambranle crissait. Et ils furent à l’intérieur. Fantine referma la porte autant que possible maintenant qu’elle jouait considérablement puis gambada en sautant partout.
Elle fourrait ses doigts partout, ouvrant et retournant les tiroirs. Rapidement, l’entrée puis le salon ressemblèrent à des champs de batailles, et le sol était couvert de papiers, de tissus, d’oreillers éventrés.

Jetant un coup d’œil à la cuisine, sans s’y arrêter, l’homme-poisson suivit la jeune fille dans le grand salon, qui était déjà devenu un tas de ruines. Un éclat mat attira son attention au-dessus de la cheminée, tandis que Fantine sauta sur place en tenant des liasses de billets.
Une lame sombre, énorme, dentelée, couvrait le mur. Le cimeterre semblait l’appeler. Tout dans l’arme le faisait penser à sa propre race, celle des hommes-poissons. Ceux qui étaient réduits en esclavage par les hommes, ceux qui vivaient cachés, loin du monde, ceux qui se faisaient agresser par des hommes masqués en pleine rue.

Pris par une pulsion incontrôlable, il leva le bras pour saisir l’épée par sa poignée, la soulevant sans trop d’effort des cales qui la maintenaient.
« Tu veux le sabre ? Il est moche, hein, Groot. Enfin, toi qui vois. Moi j’ai trouvé du vrai argent !
- Ah ? Euh, oui. On y va ?
- D’abord, le réfrigérateur !
- Hein ?
- Les provisions ! Il faut des provisions !
- Oui, bien sûr.
- C’est pour ça que c’est moi la capitaine, d’abord ! »

Ils sortaient à peine de la maison qu’ils tombèrent sur une patrouille de trois marines venus enquêter, sûrement sur requête des voisins, sur les types bizarres qui venaient d’entrer dans la maison de Douglas.
« On fonce, Groot ! »
Et ils foncèrent. En un instant, ils furent au milieu du groupe de soldats, se frayant un passage à coups de poings et de pieds. Puis ils enfilèrent les rues en sprintant pour retourner au port, ignorant les cris derrière eux à mesure qu’ils bousculaient les gens. Surtout Kurn. Fantine réussissait toujours à se faufiler.

Une fois au bateau, ils largèrent la seule amarre fissa et, prenant le vent directement, partirent au quart de tour.

Vers de nouvelles aventures.

Et les Héritiers ?


Kurn passa la main sur l’épée, accrochée dans son dos.

Hum.


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