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Vigilant #2. Couleur ébène



Vigilant #2. Couleur ébène

Solo




Vigilant #2. Couleur ébène

1625 – South Blue

Par le fond! Par la foudre! Le galion ennemi était cerné. Entre les éclairs du ciel et les lames de la mer. Entre les épées au dedans et les canons au dehors, ils étaient faits. Et pourtant ils se battaient comme des lions. Et pourtant ils ne se rendaient pas pour la plus grande joie du diable qui chantait ce soir-là. Le sang giclait des corps sans vies sous les lames vengeresses de ces assassins. Des assassins nés de tous leurs péchés, la somme de leurs vices et de leurs excès leur faisait face sous les traits d’hommes en noirs. Des sbires du gouvernement habillés élégamment en trois-quarts. Ces bourreaux dansaient sous la lune haute et pleine qui se faisait le témoin d’âmes qui s’éteignent. Un cauchemar innommable et pourtant bien réel pour ces fléaux des mers qui jamais plus ne chanteront, qui jamais plus ne reverront l’horizon.

Les flammes rongeaient le bois. Des flammes provoquées par les boulets en rafales que ne cessaient de cracher les canons des croiseurs de la marine. La fumée rendait l’affrontement plus confus qu’il ne l’était alors. Une scène intemporelle se décrivait sous ses yeux. Un tableau unique dont il se plaisait à tacher de rouge. Il courait sur le pont, une lame dans une main, l’autre tenant la crosse d’un fusil. Dans son sillage, il fauchait tout ce qu’il pouvait, tout ce qui dépassait. Des râles de douleurs du fracas des corps qui tombent, les cris de désespoir et les derniers soubresauts de quelques pirates encore animés d’espoir... Tout ce vacarme lui bourdonnait dans les oreilles, l’odeur de la mort et de la poudre lui hantait les narines. Les scènes de massacre se jouaient dans ses rétines... Tout se mélangeait dans son esprit, toutes ces horreurs inondaient son âme et son esprit. Le sourire aux lèvres, l’exquise exaltation provoquée par cette bataille le comblait de joie. Il était à sa place... au centre de ce carnage et peu importe si la mort venait le chercher à ce moment-là, aucuns regrets n’auraient pu venir effriter cette félicité dans laquelle il baignait cette nuit-là.

Le galion était en perdition, les dernières poches de résistance qui hantait encore l’embarcation condamnée fuyaient de toutes parts. Le calme s’installait peu à peu sur le pont du navire vaincu. Là, au milieu des monceaux de cadavres brisés, il avançait péniblement. Le dos vouté, blessés et le poids de la fatigue sur ses épaules, Terry cherchait un signe de vie sur le visage blême et sans expression de ceux qui n’étaient plus et qui reposaient à présent sur le sol, morts et vaincus. La pointe de son sabre caressait les planches poissées par le sang et quelques fois, il l'a plantait dans la chair pour s’assurer que le travail avait été bien fait. Les agents quittaient également le navire, non sans laisser un dernier regard sur lui. Ce qu’ils pouvaient penser ? Il s’en fichait. Certes, il n’était qu’un sbire parmi d’autres. Un pion sur l’échiquier du grand œuvre, quelqu’un de remplaçable. Cependant, c’était ce qu’il avait choisi d’être. Ce n’était qu’un prix dérisoire et ô combien honnête pour lui qui pouvait se targuer de faire et dire ce qu’il voulait à ce monde qu’il malmenait et qui l’avait lui-même malmené dans son passé. Il voyait le gouvernement comme une autorité grâce à laquelle il pouvait laisser libre court à sa folie destructrice. A tous ses bas instincts, à toute cette nuisance qui était en lui. Aussi, on allait le récompenser pour ça. On allait le payer pour ça. Le rétribuer pour agir en toute impunité et sans jamais être inquiété. C’était le paradis, un endroit fait pour lui.

Le crépitement des flammes qui engloutissaient le bois mort le rappelait à lui. Il était à présent temps de quitter les lieux. Soudain, une lourde main l’agrippait au niveau de la cheville. Lacéré aussitôt par sa lame impitoyable, le pirate ne voulait pas lâcher prise. Pire encore, il se relevait malgré la quantité de sang qu’il avait perdu et les blessures qui martelaient son corps çà et là. C’était un véritable colosse, une montagne de rancunes et de regrets qui dominait Terry d’au moins une tête. Puisant dans ses dernières ressources, il retira sa main au dernier moment avant qu’elle ne soit coupée pour la porter à la gorge de l’insolent. Les yeux mouillés par ce spectacle horrible, il mit toute sa force et sa haine dans son étreinte. Terry se balançait à présent comme une poupée de chiffon à quelques centimètres du sol. Le visage bleuit par la poigne, il balbutiait quelques insultes en maudissant ce pirate d’être toujours en vie. Le sabre au clair, il portait quelques estocs tout en cherchant la moindre bouffée d’air dont il se voyait privée. Revoyant le visage souriant de ses compagnons, la montagne ne voulait rien lâcher. Emporter dans la mort ce bourreau, ce chien du gouvernement, il s’en était fait un devoir sacré. Pendant ce temps, le navire poursuivait sa descente vers le fond, les eaux montaient au niveau du pont et emportaient les corps vers l’oubli.  Dangereusement, le galion avait commencé à chaviré, la tête la première. La proue était complétement sous l’eau, mais le géant n’avait toujours pas bougé. La mort caressait à présent l’âme de Terry qui se sentait partir, mais dans un dernier élan, il planta sa lame en travers de la gorge du pirate. Les yeux embrumés par le manque d’oxygène, il n’avait plus la force de combattre l’océan qui engloutissait tout sur son passage. Le visage de son ennemi dansait sur les flots, devant lui. Il semblait en paix, apaisé par une quiétude qu’il ne connaitrait sans doute jamais. A son réveil, il était à nouveau sur le pont d’un vaisseau, mais la voilure noire avait laissé place à une voile d’un blanc immaculé, frappé par l’emblème éternel du gouvernement mondiale... Son heure n’était pas encore arrivée.






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