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Va là, et pis basta !


Voilà ! Je crois qu'on a assez couru pour aujourd'hui, Eugène et moi. Enfin, surtout moi. Essoufflé à souhait, et trempé de la tête aux pieds. Comme d'habitude, vous me direz ? Oui et non ! Là, dans ce pays du soleil bouillant, il faut encore tout multiplier par dix, ou quelque chose comme ça.
Résultat, le temps de se faire tout petit après le dernier incident de taille, tout en évitant de me cramer la peau davantage, nous avons eu la bonne idée d'emprunter la maison d'un habitant serviable.

En tout cas, après quelques nénés-baffes, le mec s'est montré plus coopératif, quoi. Mais comme on a voulu se donner bonne conscience, Eugène lui a ensuite proposé un de ses supers massages de guérison. Il faut dire qu'avec le dernier cadavre en date à notre actif, on va peut-être oublier l'hécatombe, et donc éviter de les collectionner.
Une chance aussi que notre logeur est célibataire. Sinon, il aurait sans doute fallu que je fasse dans le prix de groupe sur toute la famille, avec ma Toupie Booblade.

Quoi qu'il en soit, le schmilblik n'a pas avancé plus pour autant. Alors d'accord, on squatte dans une ville portuaire, ce qui signifie qu'on est tout proche de l'eau. Mais comme on n'a plus de nouvelles des autres zouaves qui nous accompagnaient, c'est quoi la marche à suivre, dorénavant ? On leur pique tout bonnement leur bâteau ? Ou on s'en dégote un plus petit et plus fastoche à conduire ?
Je cogite, je cogite... et je ne vois pas d'autres choix possibles ! Sur ce, on aura donc qu'à attendre la nuit, pour éviter trop de populace et aussi trop de chaleur ambiante.

_ C'est décidé ! Fais-je, poing fermé devant moi, tout en réexpliquant le deal à mon nakama peloteur.

Mais le coquinou semble réticent, toujours les mains affairées sur son patient. Ce dernier a pourtant l'air en meilleure santé depuis ma distribution abusive de nibs dans le nez. Alors pourquoi continuer de le pétrir ?
On va dire que c'est sa manière de le garder en joue. Ainsi, l'ôtage n'a aucune possibilité de s'enfuir car il est toujours paralysé par les caresses du masseur.

_ Bah quoi ? Me dis pas que tu veux prendre racine dans ce pays ?
_ Non, c'est pas ça ! M'explique-t-il. Je pensais qu'on aurait pu d'abord t'acheter de la crême contre les coups de soleil.

J'allais râler un truc, mais je soupire juste.

N'empêche, il a tout de même raison. Par réflexe, je me palpe quelques rougeurs, et c'est vrai que ça fait un peu mal. Cependant, pas question de l'afficher trop devant lui. Sinon c'est encore un coup à ce qu'il veuille se dévouer pour s'occuper de mon c... euh, de mon cas, dira-t-on !

Après quoi, il est temps de s'attarder sur les préparatifs. Je finis donc par déambuler ici et là, dans toutes les pièces de la maison. À la recherche de ce qu'il y a moyen de piquer facilement, et qui pourrait s'avérer utile pour notre future évasion. Entre autres, du fric, de la bouffe et des vêtements. Puisqu'on ne sait pas encore sur quoi on va tomber à l'avenir exactement, il vaut mieux se garder un petit casse-croûte, et de quoi au moins se couvrir la tronche. Le strict minimum, quoi, pour espérer passer incognito.

Ah oui ! Et avant de partir, quand on est enfin prêts ? Penser à assommer le témoin occulaire restant, héhé !
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Les heures ont suffisamment défilé, sur ce. J'estime alors qu'on a n'a plus besoin de trainer dans cette baraque.

_ Allez, Eugène ! Dis-je dos tourné, tandis que je regarde par la fenêtre de la maison qui donne sur la rue.

Je ne sais pas l'heure, mais vu le vide et le silence à l'extérieur, ça doit bien être tardif. Du moins, dans cette partie résidentielle de la ville. Parce que je suis persuadé qu'ailleurs, la vie nocturne existe toujours et bat sûrement son plein.

Quand je me retourne pour voir si mon compère m'a obéi, il est en train de bisouter son jouet humain sur l'oreille. Et au même moment, ses mains pratiquent un dernier et bref calinou qui a pour but d'endormir le simple civil. Comme c'est mimi, pfff !

_ T'attriste pas trop quand même sur son sort, hein !
_ Je sais bien, Gura. Je compte bien encore user de mes charmes, s'il faut convaincre quelqu'un d'autre au port.

Je hausse les sourcils, car je me voyais déjà plutôt opter pour la force brute. Et ce, sans plus de sommation. Plus vite un homme est à terre, moins il a de chance de l'ouvrir. C'est bien connu, non ?

_ Euh... ouais... voilà, j'arrive juste à lui pondre sur le coup.

Pour la peine, j'en profite pour lui refiler le sac que j'avais préparé auparavant, et qui renferme nos affaires pour la suite du voyage. Il l'accepte avec joie.

Puis, on sort enfin pour de bon. Il n'y a toujours rien de suspect à signaler pour l'instant. On se balade alors sans problème dans les premières rues, parce qu'il n'y a pas un chat à l'horizon.
En revanche, dès que les premières voix et les premières tronches se font connaître, on pense à enfiler nos tenues de euh... camouflage. C'est ridicule, il faut bien avouer, mais ça dissimule très bien nos tronches. D'autant plus, qu'en ce qui me concerne, je reste toujours le goret de deux cent cinquante kilos, et qui s'élève dans les plus de deux mètres également !

Mais cette nuit-là, on ne croise pas tant de regards indiscrets que ce qu'on aurait pu croire. Peut-être que je me suis fait trop de mourron pour pas grand chose ? Ou alors, au contraire, si les flicaillons d'ici nous recherchent vraiment, ils sont bien cachés et attendent le tout dernier moment, afin de nous alpaguer ?
Dans tous les cas, Eugène et moi s'approchons au plus près du port. Et donc, des bâteaux. Il y en a pour tous les goûts. Des petits et des grands. Des transports prévus pour de la marchandise, et d'autres exclusivement pour les civils.

Et malheureusement, pour la plupart, pas mal de clampins noctambules rodent autour. Que ce soit pour le boulot ou les vacances. Du coup, une idée me vient tout à coup :

_ Et si on se faisait passer pour l'un d'eux ? Glissé-je discrétos au masseur, avec un grand sourire diabolique.

C'est vrai, quoi ! On porte des caisses ici ou là, et on devrait pouvoir passer inaperçu, n'est-ce pas ? Avec du bol, hein. L'obscurité aidant, qui va se soucier précisément de notre physique, tant que le boulot est fait dans les règles ?
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Mais avant ça, je prends des forces. Le sandwich est donc de mise. Et puisque Eugène n'a pas faim, je me permets de me rassasier aussi grâce au sien. Ensuite de quoi, on vire nos combinaisons risibles et inutiles, puis on les balance dans un coin, en prenant soin que personne ne nous guette évidemment.

Dans un premier temps, on fait style de promener comme des touristes sortis d'une soirée. Ça nous permet de suivre discrètement les va-et-vient des bonhommes en train de bosser. Il ne s'agirait pas de se gourrer de bâteau, ni de cargaison.
Notre numéro marche plutôt bien, je dois dire. Moi, parce que j'ai eu mon expérience dans un cirque à l'époque. Et idem pour Eugène qui déhanche bien son boule de tafiole. On passe tous deux pour des péquenauds perdus et émêchés dans ce grand pays qu'est Alabasta.

Et quand l'occasion se présente de s'infiltrer dans le dos de deux livreurs, assez balaises pourtant, il n'y a plus qu'à les neutraliser le plus normalement du monde. Un violent coup dans la nuque, et hop ! Leur compte est réglé en un éclair, mouhahaha !
On écarte les corps des dormeurs, on récupère ensuite leurs caisses qu'il n'y a plus qu'à trimballer vers le navire nous tendant sous peu les bras. Mais déjà, ça coince pour l'efféminé. C'est apparemment trop lourd pour ses petits muscles moisis de sauvageon. Et pire que tout, l'andouille finit par faire tomber la grosse boîte carrément. Crak !

_ Eh merde ! Grogné-je aussitôt, déçu par cette sale tournure.

Pourquoi tant de haine ? Pourquoi maintenant ? Si près du but, boudidiou !

Mon subsconscient m'ordonne de baffer illico mon compagnon d'infortune, mais je résiste à la tentation. Et puis de toute manière, j'ai les mains déjà occupées. Par contre, le boucan infernal qui se propage soudain a eu de quoi alerter tous les marins alentour.
Pendant ce temps, Eugène s'est recroquevillé comme un gosse, en train de chercher à se faire pardonner. Je ne sais pas trop s'il craint ma colère ou celle des autres matelots qui débarquent pour nous encercler, mais ça revient un peu au même.

_ Qu'est-ce qu'il se passe ici, bordel ? Gueule sans doute le chef de la bande des gros bras.
_ Bah vous voyez bien ? Me moqué-je gentiment. Il s'est cassé un ongle... oups, et la marchandise aussi, dans la foulée.

Je rigole tout seul pour essayer de détendre l'atmosphère, alors que mon public, lui, se fache de plus en plus.

De un, ils comprennent rapidement que l'Okama n'a rien à faire là. Et de deux, la cargaison répandue par terre n'arrange pas du tout leur emploi du temps. Quant à ma petite provocation, elle va bientôt de paire avec mon simple sous-vêtement. En clair, notre mission d'agent secret foireux tombe carrément à l'eau !

_ Mais attendez ! Je peux tout vous expliquer, hein.

Face à ma minable prière, les mecs montrent les crocs et serrent les poings. Contre mon gabarit, ils n'ont pourtant pas des allures de combattant ou autre guerrier du genre, mais leur nombre parait les rassurer, en tout cas.

Vous sentez la bagarre venir ? Idem !
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Ma première initiative est bien sûr de me débarrasser de ce qui m'encombre. Ainsi, je m'empresse de balancer les caisses que j'avais sur les épaules. Dans leur direction, cela va de soi. Les mécontents se plaignent alors de nouveau du boxon créé, sans compter la douleur infligée.
Dans le feu de l'action, je veux aussi profiter de la confusion pour agripper mon pote, mais le saligaud a visiblement réussi à se remettre de ses émotions. Résultat, dès que je pars pour lui pincer sa longue chevelure blanche, il se grouille de se faufiler par telle ouverture improvisée : entre les jambes d'un beau mâle costaud, en l'occurrence.

Au début, je suis content qu'il ait pu se ressaisir rapidos. Mais quant à moi, en me penchant dans sa direction, je me suis évidemment baissé au niveau des autres vilains bougres. Donc, je finis par déguster d'une de leur sacrée mandale dans la bouche.

_ Eugène, grrr ! Aboyé-je pour la peine alors que je valse un peu plus loin dans le décor.

L'Okama m'entend mais préfère caresser sa victime du moment. Mais aussitôt paralysée, il se fait assaillir par d'autres jaloux. Heureusement, son agilité semble surpasser la dure sauvagerie de ses rivaux du moment.

De mon côté, moi aussi je ne tarde pas à me retrouver bien entouré derechef, par des molosses qui en veulent à ma graisse. J'exécute alors plusieurs roulades arrière pour m'éloigner autant que possible, puis je me redresse enfin sur mes jambes.
Et pendant qu'ils se mettent à raler de ma transpiration gluante sous leurs bottines, moi j'entame la suite de mon plan. Je reviens très vite vers eux, tout en glissant et tournoyant sur moi-même. De ce fait, mon poitrail a tôt fait de s'étirer et souffler comme des pâles d'hélicoptère.

_ Toupie Booblade ! Annoncé-je, une fois que les premiers coups de fouet inaugurent la perte de dents chez une de mes cibles.

Puis, c'est parti pour l'atomisation. Des cris tonnent dans la nuit, des gerbes de sang giclent dans l'air... puis, des gens qui s'envolent et qui s'impriment salement dans le premier obstacle rencontré.
J'arrive même à diminuer le quota d'ennemis qui tournaient autour de mon masseur attitré, parce que certains rebondissent ici ou là, et se cognent finalement l'un dans l'autre.

_ Zut, Gura ! Braille d'ailleurs Eugène, alors que ses doigts manipulaient un des patients en question.
_ On n'a pas le temps de chipoter, j'te rappelle ! À qui la faute, hein ?

Bien sûr, je plaisante. Notre mission aurait, certes, pu mieux se dérouler, ça ne fait pas un pli. Mais puisqu'on finit quand même par reprendre le dessus, je ne vais pas pleurer, tout ça parce qu'on a carrément loupé le côté discrétion.

Et puis, le principal, c'est que si tous les guignols bossant sur tel bâteau en particulier ont décidé de venir prendre leur râclée, les uns après les autres, ça nous arrangerait presque. Pratiquement servis sur un plateau, il n'y a qu'à simplement faire le ménage ici même... et à nous le transport direct ensuite !
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Tada ! À la fin de notre prestation, tout le monde a bel et bien succombé. Sans exception. Pas de quoi se vanter outre mesure pourtant, car ça restait avant tout du menu fretin, en quelque sorte. Mais quoi qu'il en soit, on a remporté ce match. Ça fait plaisir.
À vrai dire, j'ai toujours un peu de mal à savoir si Eugène a bien rempli sa part du contrat, car certains de ses adversaires ne bougent plus, mais sont toujours debouts... paralysés, quoi. Néanmoins, au fond de moi, j'ai ce petit côté enfoui qui se demande toujours si les types ne vont pas réussir à se libérer de cette étrange emprise et nous abattre par la suite, par exemple.

Bref, je reprends ma respiration. Eugène me rejoint et s'excuse encore pour la cargaison qu'il a fait tomber.

_ T'inquiète pas pour ça. On s'en fout un peu de ces caisses, de toute façon. Je ne sais pas à qui elles sont destinées, mais ce qui est sûr, c'est que les clients ne recevront jamais leurs commandes, haha !

L'Okama me fait alors comprendre que ça l'embête d'avoir quand même répandu tous ces articles, parce que les gens chargés de ramasser auront du gros nettoyage à faire plus tard.

_ Ah ok, je comprends mieux. Mais tu ne seras plus là pour leur offrir tes séances, une fois qu'ils se seront bien usés le dos, j'ai bon ?

Tsss, celui-là ! Depuis qu'il ne peut plus traire les vaches de Kage Berg... qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour poser ses mains sur le premier venu !

_ Courage, prends sur toi. On rencontrera plein d'autres mâles sur Grand Line, je te le promets ! Le rassuré-je avec le genre de réplique qu'il affectionne tout particulièrement.

Mais je déglutis ensuite, car je n'ose pas imaginer qu'il a fallu que j'en arrive à de pareilles extrémités. Enfin, c'est pour la bonne cause, on va dire !

Dans tous les cas, dès que notre pause repos s'achève, on quitte la scène de crime de nouveau, d'un commun accord. Malgré les beaux dégâts en évidence, on dirait que personne d'autre dans le voisinage n'a envie de venir nous féliciter, qui plus est. Nous slalommons alors entre les bonhommes balayés plus tôt, et nous avançons au plus près du bâteau. Prudemment, car on ignore encore si tout l'équipage a été décimé jusqu'au dernier, au final.

Puis, une fois monté sur le pont du transport, je décide de siffloter. J'espère que ça fera broncher le potentiel petit garnement survivant encore dans les environs, mais aucune silhouette ne souhaite se dévoiler ici ou là. Ça doit vouloir dire qu'on est véritablement tous seuls, je suppose ?

_ Visite un peu les autres pièces, demandé-je à Eugène. Sait-on jamais, peut-être que des types restants dorment profondément, ou sont coincés sur le trône ?

Il s'exécute sur-le champ. Pour ma part, je préfère rester sur le pont. Les trop petits espaces, j'ai assez donné dernièrement, merci !

J'attends donc que Eugène ait fini son petit tour d'inspection. Quand il revient, c'est pour m'annoncer qu'on est rien que tous les deux... en tête à tête. J'acquiesce de la tête et je tire un sourire forcé, avant de redevenir plus sérieux.
En gros, c'est l'heure de lever l'ancre, de hisser les voiles et de prendre la poudre d'escampette d'Alabasta. Youpi ! Adios à cette chaleur infernale !
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