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La voix du Samouraï

-Qu’est ce qu’on a là, Carver ?
-Rien de très importants. Des outils, du matériel. La routine quoi.
-Pourquoi d’aussi gros boulons ? Et d’aussi grosses vis ?
-Ah ? Ça ? C’est pour les grosses réparations, on ne sait jamais…
-Je vous où vous voulez en venir, Carver …
-Ah bon ?
-Et c’est non.
-Roooh ! Faites pas l’enfant. Ça pourra vous sauver la vie une nouvelle fois…

Je m’apprête à répondre à l’ingénieur principal de la GM42 lorsque des voix font état d’un problème : une vingtaine de marines transportant diverses marchandises pour la base mobile font la queue et ils n’aimeraient pas y passer toute la journée, surtout que le commandant Trovahechnik a fixé une heure de plus en plus proche pour que l’ensemble des troupes soit prêt à opérer. Et pour certains, la poussière et la saleté ayant pris possession de la cale compromettent déjà beaucoup trop la qualité du cirage de leur botte. Vaut mieux pas attirer le regard sournois et inquisiteur du commandant. Je soupire, jetant un regard entendu au visage faussement innocent de Sam Carver. Il veut me travailler de l’intérieur. Me recoller des plaques de métal sous la peau pour me rendre plus solide. On en reparlera. Je le laisse passer avant de passer au suivant. Des vivres. Rien de surprenant. Je laisse à nouveau passer. Dans la cale, ça s’active de tout côté tout autant que ça s’active sur le pont du Passeur. Pour la plupart des hommes de la GM42, il est l’heure de regarder une dernière fois la lumière du jour avant de s’enfoncer pour un temps inconnu au sein des ténèbres de la forteresse. Pour ce que l’on attend de nous, les promenades frivoles n’y ont pas leur place. Je les laisse faire, acceptant même certains membres de l’équipe d’approvisionnement de profiteur de ces derniers instants. Les plus jeunes la plupart. Pour d’autres baroudeurs, le voyage enfermé est beaucoup plus supportable.

On pourrait croire que c’est du favoritisme et que ce dernier entraine la division au sein de l’unité. Pas après ce que l’on a vécu au Trou. Au milieu d’une horde d’ennemis qui n’ont reculé devant rien pour tenter de cueillir nos vies, mes hommes se sont battus et se sont défendus mutuellement avec courage. Celui qui fume une dernière cigarette en laissant son visage profiter des rayons du soleil, c’est celui qui sera une arme ou un bouclier dans les moments les plus précaires de nos prochaines missions. Un petit sacrifice pour quelques vies de gagné, ce n’est pas cher payé. Moi-même, je n’ai pas le droit à de traitement de faveur. Si ce n’est une chaise, mais qui fait de la figuration. Je passe mon temps debout à laisser les gens entrer et sortir de la GM42. On refait les stocks. L’espace autour est dégagé, histoire d’éviter les sorties hasardeuses et les collisions. Surtout si c’est de la poudre. Un peu plus loin, le lieutenant Grit supervise les derniers arrangements de postes. Certains soldats fragilisés par le Trou essaient d’éviter les affiliations dangereuses de la forteresse. Heureusement, d'autres, plus courageux, acceptent de changer de place. Pas toujours. Et Grit doit faire avec un sang-froid qui n’a rien à envier celui qu’il a arboré face aux criminels du Trou.

C’est la fin de la file. Je ne cache pas un bâillement puissant et certains soldats sourient en passant. Une matinée à faire ça, c’est usant. L’un des derniers est le médecin-chef Avnell, avançant lentement, une caisse fermée entre les bras. A son approche, je lui lance un regard entendu en murmurant.

-Vous les avez ?

Conrad, d’habitude imperturbable, ne peut s’empêcher de lâcher une grimace exagérée, prouvant bien que l’affaire n’était pas si mince que ça.

-A peu de choses prête. J’espère qu’ils fermeront les yeux sur l’absence de pousses de bambous. Ce n’est pas par ici que l’on trouvera ce genre de chose.
-Je l’espère, Avnell, je l’espère. Allez vous débarrasser.

Il va passer et il glisse un mot discret dans un sourire rare.

-J’ai le homard.

Je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour. Trouver un homard sur un rafiot, c’est rare. Il doit faire partie du stock réservé pour les grandes occasions. Il y’en a forcément un. Trovahechnik n’aurait pas éclipsé ce genre de détail d’une importance capitale si un membre influent du Gouvernement Mondial avait pris place à bord. Ce met rare, il ira pour les deux pirates cacher dans les profondeurs de la GM42. Plutôt illustres, pas vraiment autant souhaiter que des officiers supérieurs de l’Amirauté, ils sont toutefois une menace pour tous les hommes de ce navire. Et les quelques marines au courant de l’affaire ne laissent rien au hasard. S’ils veulent un homard, ils l’auront, si c’est possible. Mourir pour un homard, c’est un peu con.

Le chargement prend fin. Je patiente encore quelques minutes pour que les derniers gros bras puissent sortir et enfin aller à leur occupation. Grit s’approche de moi et me fait un rapport détaillé de la situation. Plusieurs éléments n’ont pu être recasés. Le lieutenant mettra l’un de ses sergents sur le coup pour les encadrer. Bonne idée. Il aurait bien aimé le faire, ça se voit, mais ses responsabilités sont grandes. Alors que le médecin Avnell sort à nouveau, c’est une autre figure de la GM42 qui déboule en manquant de se cogner le front contre l’une des poutres du plafond bas. La carrure massive de Max Coddy impressionne et la bonne humeur qui l’anime semble prometteuse.

-Hé ! Lieutenant ! Vous devinerez jamais !
-Non, je ne devinerais pas. Qu'est-ce qui se passe ?
-Trovahechnik a une extinction de voix ?

J’apprécie l’humour sarcastique de Grit, un peu trop dangereuse. Les murs peuvent avoir les oreilles choux-fleurs du Commandant. Coddy sourit aussi, mais il enchaine rapidement.

-Je viens justement de la part du Commandant, il n’avait pas le temps pour le faire, qu’il a dit. Alors, je m’en charge.
-De quoi ? Allez, Max, dépêche !
-J’ai eu une promotion !
-Sérieux ?
-Je suis caporal !

Les marines, Grit, moi-même et même le discret Conrad, nous éclatons de joie à cette annonce. Caporal Coddy ? Je ne pensais pas que ça irait si vite. Le rapport, certes ennuyeux, que j’ai rédigé a dû jouer pour cette promotion. Il la mérite. Il a beaucoup fait au Trou. Et même s’il fait actuellement le modeste en disant qu’il ne saura pas commander des hommes, je suis sûr qu’il le pourra. C’est un brave gars.

-Et vous savez pas la meilleure !
-Quoi ? Lou en a une aussi ?
-Nan ! Lieutenant !
-Hein ?
-Vous êtes promu lieutenant !

Je ne comprends pas tout de suite. Puis je lis les quelques lignes sur le papier estampillé du courrier officiel de la marine que oui, j’ai eu une promotion. Plus sous-lieutenant. Lieutenant. Tout simplement. J’ouvre la bouche. J’essaie de parler. Ça marche pas. J’essaie. Puis Grit me frappe joyeusement le dos d’une claque puissant qui me conduit presque à raser le sol. Coddy me rattrape en chemin.

-Bah ça alors ! Lieutenant Pludto. Ça sonne bien, mais on le sait déjà, ça.
-ça va Grit… n’en rajoute pas.
-Et elle dit quoi la lettre ?
-Il y a eu des médailles !
-Sérieux Max ? Genre ?
-La croix de fer !

Ah ouai.

-Et la médaille de la rescousse !

Ah ouai !

-Et le ruban rouge, évidemment !
-Ah bah ça, on pourra l’accrocher sur la plaque commémorative de Carver. Ça rendra bien.

Je vide le contenu de la lettre dans ma paume ouverte. La médaille au ruban rouge glisse dedans. Pas les autres. Naturellement, c’est plus de l’ordre de la cérémonie officiel ce genre de chose et je suis sûr que Trovahechnik les garde quelque part. Pas d’entorse au protocole. Par contre, les rubans rouges, c’est tellement courant que c’est devenu une bagatelle. Il n’y a plus que les jeunes marines pleins d’illusions qui éprouvent de la fierté en en recevant une. Je suis un peu comme ça. Jeune marine. Nouveau marine. Je la jette dans les airs avant de l’attraper et de la porter à mon nez pour en sentir l’odeur. Discret, mais il y’en a une. Toujours la même odeur. Comme toujours l’odeur du sang pour lequel on mérite cette décoration. J’en ai eu des tonnes dans mon existence. Mais celle-ci, c’est autre chose. Je prends sur moi de cacher mon émoi en raffermissant mon poing sur le petit objet. Je souris.

-Et bien, Grit. On va pouvoir s’appeler par nos prénoms. N’est ce pas, Tan
-Nan ! Par pitié, non ! Pas mon prénom ! Si c’est ça, je continuerais à donner du lieutenant.
-J’aime mieux ça, Grit.
-Je crois qu’il faudrait aller sur le pont.
-Bien dit Conrad. J’ai hâte de demander mes écussons à Trovahechnik.
-Tu paries sur quoi ? Le visage inexpressif ou la petite moue dégoutée ?

Je regarde un instant par une écoutille. On arrive. Mon sourire se fige.

-Je ne parie pas. La situation ne se prête plus trop à rire.
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Voilà. Le royaume de l'Absurde. On ne va même pas tenter de dire que c'est beau. Pourtant ça a un côté dramatique, puisque ton cœur bat un peu plus vite, réveillant par là-même la cinquième division qui tentait de dormir un peu. C'est que c'est la fin. L'ultime étape. La fin, la der des ders. Ici est Gharr.
Le truc, c'est qu'en débarquant au port, tu ne vois personne qui semble t'attendre. Et personne qui vient vers toi. On te regarde, mais des Marines, dans le coin, ce n'est pas rare. Du coup, c'est suspect. Vu comment les Long Koüto ont toujours été là, à vous narguer, à vous mener d'un indice à l'autre, cette absence de tout, c'est soit un mauvais signe, du genre ils sont tous morts, soit un bon signe et que tu es sur la bonne voie. La voie du Gharr.
A toi de voir où il pourrait te mener, la voie du Gharr... à ne pas confondre avec la voie de garage.
    Le passeur derrière moi, je jette des regards aux alentours, faisant attention aux visages des gens du coin. Au premier coup d’œil, on ne verrait rien d’anormal. Une activité digne d’un port dans la capitale d’un royaume comme les autres. Puis on s’attarde sur les comportements de certains, qui vont davantage dans le registre du comique que du sérieux. On marche à cloche-pied. On porte des tenues étranges. On salue tout le monde. On fait des pauses tous les cinq mètres. Rien ne me surprend. La République Dictatoriale Populaire de Wakoland est un titre trompeur. On pourrait croire que par dictature, on pense ordre, mais quand on voit tout ça, on n’y pense pas. Grosse erreur. Tout est parfaitement ordonné, suivant à la lettre l’une des milliers de règles qui constituent le code de bonnes conduites de Wakoland. Ça, dans le titre, c’est purement vrai, c’est le bac à sable de Wako. Je porte un doigt à mon oreille, la pressant légèrement.

    -C’est bon ? Vous avez la vision et la vue ?

    Je sonde mon intérieur, mais dans les yeux. Regarder ses yeux, oui, c’est étrange. Pour ne pas commettre d’erreurs et braver des lois qui pourraient relever de l’incident diplomatique, Lou a pris grand soin de récupérer la majeure partie des lois du pays au dernier recensement connu, pestant toutefois qu’il n’ait pas pu récupérer l’ensemble de la paperasse. L’ensemble représentant plusieurs milliers de pages aux bas mots, c’est une quinzaine de marines qui ont pris place autour d’une table pour feuilleter l’ensemble de la documentation et fournir un appui de connaissances indispensables. S’ils voient quelque chose, ou entendent quelque chose, ils pourront regarder les lois en conséquence. Pour me communiquer les informations tout en paraissant discret, Carver a installé un marine dans mon oreille, attaché à plusieurs cordes solides, en suspension au milieu du conduit auditif à la membrane tympanique et tout le bordel qu’a voulu m’expliquer Avnell. Un escargophone dans une main, il entend les recommandations des experts en lois et me les retransmet directement dans mon oreille à l’aide d’un mégaphone. Le marine est suffisamment petit pour que les gens extérieurs ne l’entendent pas, mais suffisamment fort pour moi, j’entende. Carver l’a appelé « l’oreillette » en rigolant. Ce n’est pas sérieux. Jamais on n’utilisera pareil mot pour décrire ce genre de dispositif.

    Je me remémore les objectifs en tête. L’interrogatoire d’Isdaag Haston au Trou a permis à Lou de déterminer l’ile où se trouve Gharr Hadoc : Wakoland. Toutefois, les informations s’arrêtent là et il est important, dans un premier temps, de faire la chasse aux informations au sein d’un pays passé maitre dans l’art de désinformé à force de faire et refaire le monde. C’est là que j’entre en scène. Avec mes tout nouveaux galons de Lieutenant arrachés au terme d’une longue lutte des mains acariâtres de Lou ; parce qu’un lieutenant, ça fait un peu plus sérieux, j’ai pour mission de faire la chasse aux informations et de nouer les contacts avec les marines du coin et le roi. Pourquoi moi ? D’abord, parce qu’en cas de souci, je peux user de ma botte secrète de forteresse mobile et faire intervenir plusieurs centaines d’hommes rapidement sur place. Deuxièmement, avec mon physique, on se méfiera moins de moi. Et troisièmement, contrairement à ce qu’on pourrait croire, j’ai un historique de connaissance qui n’est pas à négliger. Et puis, rien que l’oreillette, c’est un sacré coup de pouce. Regard dans mon dos. Lou. Il me jette un regard sans aucune émotion, si ce n’est du mépris. Tout miser sur moi, ça doit lui faire mal.

    -On va où en premier ?

    L’oreillette est un peu basse, il faudra corriger ça.

    -Direction le palais, il faut aller prendre rendez-vous.

    On a bien tenté de contacter l’administration du palais royal pour prendre rendez-vous, mais il semblerait qu’une loi l’interdise. Ça permet d’éviter de remplir des carnets de rendez-vous pour rien. Autre loi, celle d’interdire d’accueillir les étrangers au port. Ça permet de les faire se perdre dans les ruelles de la capitale et de faire marché l’économie des guides qui offrent à ces pauvres gens des chemins balisés passant parmi les pires marchés de la ville. Comme quoi, tout est bon pour faire marcher l’économie. Heureusement pour moi, le palais n’est pas du genre discret, dans le pur gout excentrique de Wako. Et si jamais, à l’intérieur, on a dégotté un plan grossier de la ville. Rapidement, je me mets en mouvement. La progression est rapide. Je suis encadré par deux soldats de la marine plutôt balèze. L’un est mon chef Coddy qui a insisté pour venir. Un lieutenant tout seul, c’est bizarre. Il lui faut une escorte. Les gens du cru nous regardent de travers. Je me contente de les regarder en roulant mes yeux dans leur orbite. Parait que c’était une obligation, il y a deux mois. Par deux fois, Max me prévient de l’arrivée d’une troupe bariolée passant plus pour des artistes de rues que pour une police privée. La milice malicieuse est à éviter, elle peut être à la base de beaucoup d’emmerdes et il s’agirait de les éviter.

    Heureusement, on arrive au palais royal sans anicroche. Si besoin, on s’est glissé dans une ruelle en laissant passer les types louches en prétextant qu’on se perd. Facile. On passe pour des étrangers. Ils essaient de nous vendre des trucs. J’ai acheté un joli collier. Je l’offrirai à Lou. Il sera passablement horrible avec ça autour du cou, même s’il y a aucune chance qu’il le mette un jour. Le palais, grandiloquent au possible, est plutôt vaste. Mon œil s’arrête un instant sur la place, portant les vestiges d’une bataille. Étrange. Bon. On me désigne un bâtiment annexe, mais richement bâti, après avoir accepté de tourner trois fois sur place, parce que sur la place, c’est ce qu’il faut faire quand on pose une question. Le bâtiment annexe est une série de guichets où des fonctionnaires tentent de ne pas perdre la tête devant quantité de travail qu’ils ont à abattre. Une grande partie du bâtiment est réservé à la rédaction et l’officialisation des lois en place. Mon regard vient glisser sur l’un des papelards alors que je m’avance vers le « Service des Relations Publiques du Roi » : L’obligation à tous les étrangers de danser sur la place publique pour rester au Royaume. J’espère que la loi ne sera pas officialisée avant que je ne parte d’ici. Quoique… voir Lou danser.

    -Ahahah…
    -Vous voulez ?

    De l’autre côté, le fonctionnaire au visage amical se permet de sourire là où ses infortunés collègues ne sont que souffrances et soupires. Assis derrière un guichet parfaitement rangé et propre, un unique carnet semble être le journal de réservation de sa royale personne qu’est Wako.

    -Je voudrais prendre un rendez-vous.
    -bien sûr. Hélas, Sa Majesté est très occupée et je n’ai pas de créneau avant … le mois prochain.
    -Ah. C’est que… c’est assez urgent.
    -Pouvez m’indiquer la personne et le motif de cette entrevue ? Cela peut accélérer les choses.
    -Et bien… le sujet est assez épineux, plutôt confidentiel.
    -Ah bon. Je ne suis pas sûr que Sa Majesté soit disposée à vous voir rapidement alors…

    Temps d’hésitation. Je me mordille la lèvre. Prendre contact avec le roi est important. S’il y a quelque chose à savoir, il devrait le savoir. Je joue alors l’un de mes atouts en main. Peut être prématurément, mais le cas Wako est une pièce maitresse dans l’échiquier de cette mission.

    -Dites-lui que l’ex-Amiral en chef Pludbus Céldèborde voudrait lui parler.
    -Oh…

    Elle a tiqué sur l’amiral en chef. Et probablement sur le nom. Peut-être oublié par le temps, mais les gens connaissent parfois l’Histoire et savent reconnaitre le nom du pire amiral en chef de l’histoire de la marine. Probablement pas Wako. Je me souviens de lui, à l’époque où il a pris au pouvoir. Pludbus en a parlé avec ses anciens collègues. Wako était un mélange de curiosité, d’exubérance et d’un peu d’esprit malsain à pousser les choses jusqu’au bout. S’il est toujours aussi curieux qu’à l’époque, il ne devrait pas passer à côté d’une attraction aussi ridicule que celle de Pludbus Céldèborde.

    Dur d’en arriver là.
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    Il n'y avait aucun moyen pour Pludbus et ses hommes de le savoir, mais la fonctionnaire en face de lui avait reçu des ordres très précis. Une liste d'ordres très précis, pour être exact. D'où venaient-ils, elle l'ignorait réellement, mais ici, tout dépendait à un moment donné du bon vouloir de Wako. Les hommes du Passeur allaient devoir apprendre ça à la dure. Ils pouvaient s'en douter déjà : un roi de la désinformation n'est jamais aussi puissant que l'information véritable qu'il détient. Pour autant pouvait-il savoir qu'un Capitaine de vaisseau de la Marine enlevé par des pirates-pas-si-pirates que ça avait été caché ici ?

    - « Je vois. » La réponse fut courte, mais suivie d'actions. Elles consistèrent à consulter deux manuels qui faisaient référence à une circulaire, l'annexe d'un décret et aux amendements de la constitution. Un véritable travail digne d'Hercule. Au final, elle se retourna vers vous.  « Le protocole indique que sa Majesté doit vous recevoir. Je vous inscris à 11h45. Présentez-vous à 11h00 au portail vermillon, sans arme. Vous devrez porter votre badge et des chaussettes à pois. Jaune de préférence. Les chaussettes, pas les pois. Voici le guide du protocole, je vous invite à le lire minutieusement. »

    Voilà, c'est écrit, enregistré, tamponné. L'ex-Amiral est inscrit à l'ordre du jour. Il a même son badge visiteur. Maintenant... Il y a un peu plus d'une heure à attendre pour le rendez-vous. A part trouver une paire de chaussettes jaunes à pois, l'emploi du temps du jeune ancien est assez libre. Va-t-il se pencher sur la lecture du code ? Faire du tourisme ? Faire autre chose ? Le monde n'appartient qu'à lui, et à ceux qui se lèvent tôt.
      Je tique sur les premiers. Wako doit me recevoir. Je ne crois pas que ceux qui ont contacté par escargophone l’administration royale ont donné mon nom. Ils sont tombés rapidement sur un type disant inlassablement la même chose en boucle. Alors, comment savent-ils que j’allais venir au point de m’attendre ? Cette réflexion m’incite à jeter des coups d’œil fureteur dans la rue alors que je sors du bâtiment. Au milieu des gens normaux, des terrasses et des fenêtres ouvertes, il doit se cacher des espions. De membres de la milice malicieuse ? Je plisse des yeux, avisant plusieurs individus sur les toits. Observateurs ou simples civils occupés à des tâches communes ? On ne peut savoir. De toute façon, ce n’est pas forcément une surprise d’être surveillé. Il faut savoir se tenir informé de tout ce qu’il se passe en ville.

      Mais oui, le plus dérangeant, c’est d’être attendu pour une entrevue avec Wako. Soit.

      Je m’enfonce dans les ruelles afin d’avoir un peu plus d’intimités. Vérifiant que personne ne nous regarde, je glisse le guide du protocole qui n’a rien à envier à un parpaing dans mon uniforme, contre mon cœur, au niveau de la poche de la chemise. Le volume rétréci, intégrant la forteresse et arrivant dans un bac après avoir chuté dans un tunnel prévu à cet effet. De là, un marine va s’empresser de récupérer le document et de l’amener au QG cérébral. Déjà, je donne mes instructions, même s’ils savent déjà ce qu’ils doivent faire.

      -Lisez moi tout ça. Aucun écart au protocole ne sera toléré.

      On utilise la grosse voix pour se faire comprendre, mais chacun sait les répercussions d’une erreur sans ça. Parfois, ça fait du bien de faire le chef sans que ça soit utile.

      -On fait quoi, Lieutenant ?
      -Déjà, faut que j’aille récupérer ses chaussettes, Coddy. Et vous, vous allez au QG de la marine afin de rencontrer le Colonel Alphazoulou, ou du moins, savoir où il est. Peut-être sait-il des choses. Et peut-être qu’il pourra nous apporter un soutien logistique et tactique si les choses viennent à progresser.
      -On vous laisse seul ?
      -Je ne suis jamais seul. Et il faut venir sans arme. Coddy, on pourrait te considérer comme une arme. Non. Il vaut mieux que vous alliez présenter la situation au colonel local. On en aura besoin. Et le plus tôt vaut le mieux, je ne sais pas ce qu’il ressortira de cette entrevue avec le roi.
      -Il est comment, ce Colonel ?
      -Je ne le connais pas. Il est plutôt jeune. Il parait que Lou n’avait rien à redire sur sa personne. Un bon officier, je pense.

      On en est arrivé à sortir des ruelles et d’entrer dans une rue beaucoup plus passante. Je jette un autre regard sur les toits, cherchant à nouveau une présence particulière. Rien. Je baisse les yeux vers les deux marines.

      -Allez-y. Ne trainez pas trop et faites attention à vous.
      -Bien lieutenant.

      Les deux hommes exécutent un salue rapide avant de tourner les talons et de fendre la foule, aider par la haute stature de Coddy. Je les suis un instant du regard, faisant attention à d’éventuels individus qui auraient l’air de les prendre en filature. Je crois en voir un. Rien à faire. C’est normal. Alors que je les perds du regard, je me désintéresse d’eux pour me préoccuper du plus urgent : les chaussettes. Je parcours l’avenue marchande à la recherche d’une devanture qui devrait me donner satisfaction. Il ne faut pas longtemps pour en trouver une, mais elle ne fait pas dans les chaussettes à pois. Bien ma veine. Il faut attendre la troisième boutique pour trouver ce dont j’ai besoin. Le vendeur, un homme plutôt jovial et amical m’invite à entrer et à parcourir du regard les articles à sa disposition. Son établissement, de taille moyenne, accueille actuellement une demi-douzaine de clientes aidées par deux vendeurs qui n’ont pas l’air débordé. Au rayon enfant, une gamine exige des tas de vêtements que sa mère lui offre, résignés, tandis qu’au rayon chaussure, deux femmes âgées se disputent pour la dernière paire de bottes plutôt tendance. Je passe sans m’arrêter. Le rayon chaussette est au bout. Les vêtements s’alignent devant moi et je retiens ce que l’administratrice m’a dit : Jaune. Il y’en a. Je les récupère non sans avoir sautillé sur place parce qu’ils étaient assez hauts et non sans avoir regardé aux alentours que personne ne m’ait regardés. Dans la forteresse, on s’est marré. Sympa. Puisqu’on en est à être tranquille, j’en profite pour prendre les nouvelles.

      -Alors, ça avance le protocole ?

      La réponse met un instant à arriver. Le problème du décalage de l’oreillette.

      -C’est très compliqué lieutenant. Ils font leur maximum. C’est une vraie torture à étudier. Il faudrait plusieurs Lou pour ça.
      -Je vois. Je vois. Je compte sur vous, ne l’oublie…
      -A qui tu parles ?

      Coupé dans ma phrase, je me retourne brusquement, révélant le gamine qui faisait criser sa mère au rayon enfant. Pas loin des onze ans même si je suis pas physionomiste, elle lève son regard innocent vers moi, un sourire poli au visage. J’ai merdé.


      -A personne. Je me parlais à moi. C’est tout. T’inquiètes pas. Tu peux retourner voir ta maman.
      -C’est pas maman. Tu veux vraiment ces chaussettes ? Elles sont vraiment trop moches. Tu dois prendre les roses.
      -Ah non, je ne peux pas prendre les roses, je dois prendre les pois jaunes.
      -JE VEUX QUE TU PRENNES LES ROSES !

      Elle s’est mis soudainement à hausser le ton, le visage boudeur. Elle me fait un caprice. Il faut récupérer sa mère aussitôt. Je la vois passer la tête de derrière un rayon. Je lui fais signe. Elle se contente de fuir sur la pointe des pieds, me laissant avec la gosse.

      -Mais…
      -JE VEUX ! C’EST MA JOURNÉE, ALORS TU FAIS ! NAH ! SINON T’ES QU’UN MÉCHANT !
      -Que se passe t’il ici ?

      Un vendeur vient aux nouvelles. Oh ! Merci !

      -Occupez-vous d’elle. Elle veut me faire porter des trucs que je ne veux pas et sa mère vient de partir.
      -Vous ne voulez pas suivre ses ordres ? Mais vous le devez, jeune homme.

      Je reste un instant interdit, cherchant dans le regard de l’homme s’il se moque de moi. Non. Il est sérieux. Devant mon air interdit, il s’explique avec une pointe de gène.

      -Mais enfin, c’est la journée des enfants. La loi oblige les plus anciens à obéir aux plus jeunes.
      -Sérieusement ?
      -OUIIIIIII ! ALORS-TU-FAIS-CE-QUE-JE-VEUX !
      -Faites quelque chose ! Je suis plus jeune que vous !
      -Je ne peux. Vous devez aussi lui obéir. C’est la loi du plus jeune qui l’emporte. Vous ne m’avez pas l’air coopératif. Peut-être devrais-je appeler la milice…

      Ahah ! Je le vois. Il me menace. Tout ça pour que j’arrête de piquer un scandale contre une loi idiote ! ça ne serait pas passer comme ça dans une autre situation, mais en l’occurrence, je n’ai pas envie d’être confronté à la milice malicieuse. Alors, je ronge mon frein et je baisse les yeux vers la gamine qui me fixe, une lueur de défi dans le regard. J’aurais dû récupérer sa mère qui doit pas l’être et la remettre dans ses pattes. ‘Chier. Finalement, je baisse les yeux devant elle, résignés.

      Au sein de la forteresse, on rigole. Beaucoup. Ça se paiera.

      Par la suite, je resterais très longtemps évasive sur ce qui s’est passé dans cette boutique et les raisons qui m’ont forcée à sortir de la boutique, habillé d’un ensemble complet d’écolières lolita rose et noir pas du tout adaptée à mon profil. J’ai réussi à négocier au bout d’une longue lutte de mettre des chaussettes à pois jaunes sous mes bas noirs. J’ai attiré tous les regards quand je suis sorti dans la rue, mais ils ont tous rapidement compris quand ils ont vu la gamine sortir derrière moi, un grand sourire aux lèvres et les passants se sont empressés de fuir, de peur de subir les caprices de la … putain de sale gosse !

      Et je ne parle même pas du fou rire des 600 marines en même temps qui ont suivi le processus seconde après seconde dans l’hilarité générale, comme on peut suivre la finale de la coupe du monde de Sheepball en tant que supporters assidus. Rouge de honte et ma dignité au placard, j'ai à peine l’occasion d’être averti par le QG cérébral que je dois être dans cinq minutes au portail vermillon avant d’accourir dans cette direction pour être à l’heure pour le rendez-vous.

      Et putain.

      COMMENT QU’ON FAIT POUR COURIR AVEC DES TALONS AIGUILLES ?!
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      - « Wonderful, just wonderful. » Il t'a juste jeté un regard, le roi Wako, avant de se remettre à faire ce qu'il était en train de faire lorsque tu as été introduit dans la salle d'audience. C'est-à-dire, avachi sur son trône, une jambe par-dessus l'accoudoir, en train de zieuter intensément un kaléidoscope. « Il vous manque un serre-tête, cependant. » rajoute-t-il, sans plus te regarder  « Avec un gros nœud rouge. Non, orange. » Bien entendu, dans la cohorte diplomatique, ça s'active et ce n'est qu'une question de seconde avant qu'on ne te présente ledit serre-tête avec le plus ignoble et le plus duveteux des nœuds orange vif.

      Mais à ce stade, plus rien ne t'étonne plus. Tu es arrivé juste à temps au portail vermillon, qui était en train d'être repeint en bleu, puis tu as traversé la cour d'honneur où une partie endiablée de un-deux-trois-soleil était en cours. Là, tu as dû jouer. Parce que le fils de la cuisinière a décidé que seuls les gagnants pouvaient traverser sa cour. Les couloirs du rez-de-chaussée étaient déserts si ce n'était pour la multitude de chats miaulant à qui-mieux-mieux qui s'y trouvait, et les couloirs du premier étage étaient plongés dans une obscurité des plus pénétrantes. Même avec ta bougie, tu n'avais pas vu plus loin que ton nez.

      Soudain, le roi se redresse et darde vers toi un regard des plus acérés, et franchement ? Pas très sympathique ?
      - « Alors, que me veut l'ex-Amiral en chef Pludbus Céldèborde, membre des Ghost Dogs, venus depuis le Trou désormais écroulé, et possesseur d'un fruit du démon bien spécifique... » Il connaît ton dossier, sans aucun doute possible. Sûrement mieux que toi. « Tenez, vous me plaisez bien. Vous avez trois questions. Qu'on ne dise pas que je suis un chic type. »

      o.O.o

      Les deux PNJs sont arrivés à la base sans trop de souci. C'est surtout qu'ils se sont arrangés pour ne jamais dévoiler au reste du monde ce qu'ils ont subi sur le voyage entre le port et la caserne. Ils expliqueront toujours que la dégaine de Coddy a fait fuir tous les mioches du coin. Allez savoir.

      Leurs accréditations leur permettent de rentrer immédiatement et avec juste un peu d'attente, le temps que le Colonel en finisse avec la tâche en cours, ils sont reçus dans le bureau. L'homme de terrain est massif, impressionnant de puissance mais avec un certain charisme.
      - « Les Ghost Dogs, hum ? Mais qu'est-ce que vous venez faire ici ? » s'étonne-t-il.