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Un Soir de Pleine Brume

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Il y a de ces spectacles que seule la pleine mer est en mesure de pouvoir offrir à vos yeux. Cet homme-là, par exemple, a bien de la chance de pouvoir contempler ce spectacle calmement, sans se préoccuper de la bonne marche du navire. Il n’est pas à bord pour cela. Lui, il a simplement embarqué en tant que marchand. Ce qu’il fait dans la vie ? On a dit marchand, faut le répéter combien de fois ? Dans les cales, une cargaison inconnue, dont il a monnayé le transport. Dans les Blues c’est chose courante : un homme qui vous est totalement inconnu vient vous voir alors que vous êtes au port et vous demande de le prendre à son bord, avec ses affaires, contre paiement. Vous ne savez pas qui est cet homme, mais toute monnaie sonnante et trébuchante est bonne à prendre. Après tout, il ne pourra pas vous faire de mal, il est tout seul.

Mais parfois, on tombe sur des types vraiment barrés. Parfois.

Ainsi donc, cet homme-là n’en a rien à faire des manœuvres du bâtiment, parce qu’il a justement payé pour qu’on lui foute la paix. Et ainsi, le voilà face au soleil couchant qui se dessine au-dessus d’une vaste étendue de mer brumeuse. Un brouillard à couper au couteau, dont l’opacité s’épaissit au fur et à mesure qu’on baisse les yeux vers le niveau de la mer. Mais en hauteur, le soleil orangé perce et offre aux personnes placées au bon endroit au bon moment un délicat aperçu du paradis.

Vous savez, cette oscillation rougeoyante empreinte d’un voile blanchâtre, ces rayons qui, traversant les fines gouttelettes de brume, forme un arc-en-ciel partiel qui se découpe sous vos yeux. Vous ne savez pas ? C’est que vous n’avez jamais été à la place de cet homme-là.

A bord, même les matelots les plus occupés marquent une pause dans leur devoir pour laisser traîner leur regard sur cette beauté, cette unique merveille du monde.

Et alors, petit à petit, le navire pénètre le brouillard, laissant derrière lui la plus parfaite des vues de ce monde. C’est sa route après tout, il ne va pas faire de détour pour qu’un ahuri d’artiste en profite pour dépeindre ce paysage éphémère qu’il n’aura pas le temps de terminer de toute manière et devra finir de tête. Sauf s’il peint vite. Mais là n’est pas la question, ne nous égarons pas.

Parce que maintenant, on ne voit plus qu’à une cinquantaine de mètres devant la proue du bâtiment. Le soleil, continuant sa descente, se reflète dans la brume et illumine une large portion demi-circulaire face au navire. A cet endroit, l’épais brouillard est empreint de cette couleur orangée typique que l’on connaît tous.

Alors il continue son avancée, découpant la brume palpable de la pointe de sa proue, le laissant se refermer sur lui au passage de sa poupe. Tout est calme, il n’y a que peu de vent. Mais ce souffle léger, presque imperceptible, même s’il n’est pas assez puissant pour déplacer la brume, les pousse lentement dans la bonne direction.

Et, au fur et à mesure que le temps passe, la masse orangée descend, et sa surface projetée dans le brouillard diminue en même temps.

Et les heures passent, la masse orangée diminue toujours, le blanc de la brume environnante vire au gris clair puis foncé, en même temps que le soleil se cache derrière cette horizon qu’aucun homme du navire ne peut déceler.

Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, la masse orangée flamboyante de cet astre divin ne disparaît pas alors que le temps défile. Plus bizarre, même, la surface projetée dans la brume recommence à croître, comme si le soleil se levait à nouveau. L’homme, parti se reposer, est de retour sur le pont, observant ce phénomène. D’ailleurs, la plupart des matelots l’imitent. Nul besoin de manœuvres par ce temps, tous peuvent rester à admirer la vue. Aucun n’a besoin d’y être pour la bonne route du bâtiment, mais tous les hommes sont sur le pont, là, à regarder.

Et alors le demi-disque orange flamboyant grossit avec l’avancée du navire. Ses contours jusque-là réguliers commencent à osciller, à trembler. Le demi-disque se déforme légèrement, des parties diminuent alors que d’autres grossissent.

Un bruit sourd se fait entendre à tribord, alors tous les matelots de ce bord penchent la tête de concert pour apercevoir la raison de ce choc. Un débris flottant vient de cogner la coque. Pas de dégât bien entendu, rien ne va vite.

D’ailleurs, tout est calme. Etrangement calme. Et cette masse orangée flamboyante est si… étrange. Il n’y a que ce mot aux lèvres de chacun. Bouche bée, ces matelots qui s’étaient penchés se redressent et leurs yeux se posent un peu partout sur la ridicule étendue d’eau visible malgré la brume toujours aussi épaisse et si sombre à cause de l’heure tardive. Le soleil n’est plus là, mais la masse orangée l’est. Et cette masse éclaire la surface de la mer d’une manière tout à fait singulière. Et là, les marins découvrent une mer recouverte de débris, des petits, des plus gros. Du bois, des voiles, des vêtements.

Des corps. Sans vie. Qui flottent au gré du courant inexistant. Qui dérivent lentement sans quitter la brume.

Alors la masse flamboyante se dessine plus nettement, jusqu’à découvrir son vrai visage. Là, devant les yeux agars de l’équipage, un navire dépasse à moitié de la surface de l’eau et brûle, depuis sa ligne de flottaison coulée jusqu’à l’extrémité supérieure de son grand mât brisé. Et, à ses côtés, un autre navire plus petit est dans un état encore pire, amorçant l’étape finale de sa plongée dans les abysses froids des océans, lui aussi en feu.

Un souffle glacial parcourt tous les marins du bâtiment encore à flot. Personne n’ose le dire, ni même le chuchoter, mais tous craignent la même chose.

Et là, à travers la brume, sur tribord, plusieurs lueurs jaune-orangées clignotent, toutes alignées. L’instant d’après, les coups sourds de tirs de canons surgissent du silence pesant qui règne depuis bien trop de temps maintenant.

Sans que personne n’ait le temps de réaliser la réalité du présent, les boulets arrachent çà-et-là des morceaux du bâtiment. Des éclats volent, les marins se mettent à hurler. Là, un homme porte ses mains à ses yeux, touché. Ici, un matelot pose ses yeux sur son bras arraché. Et là-bas, un autre homme contemple le corps sans vie de son camarade, difforme, ensanglanté.

Et comme il s’était levé, le calme retombe soudainement sur la scène. Peu de dégâts, mais trois boulets ont touché le navire. Trois touches graves, potentiellement mortelles. Tous les autres projectiles ont raté la cible.

Alors une forme se dessine dans la brume. Un navire, de côté, un navire sombre, qui navigue dans le sens opposé. Et, à l’arrière de ce navire de brume, un pavillon.

Et pas n’importe quel pavillon. Un pavillon noir, orné d’un demi-crâne blanc. Et, crevant le silence, un matelot hurle à s’en rompre la gorge :

« DES PIRAAAAAAAAAATES !!! »

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Un Soir de Pleine Brume 1458852077-sans-titre3

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Dernière édition par Edward Thatch le Dim 27 Mar 2016 - 15:42, édité 1 fois
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«  Aux aaaaarmes ! »

Le capitaine hurle ses ordres sans parvenir à passer par-dessus le chaos qui s’est abattu sur le pont de son navire. Passant à côté du quartier-maître tétanisé, il le choppe par le col et le secoue d’avant en arrière.

« Monsieur Bishop ! Reprenez-vous, foutre dieu vous avez un poste à assurer !
- Des p-p-p-pirates !
- Putain Bishop ! Regardez-moi dans les yeux ! Dans les yeux ! Reprenez-vous !
- O-o-oui Capitaine.
- J’ai besoin de vous, je ne peux pas m’occuper de tout ! Vous êtes Quartier-Maître de ce bâtiment, Monsieur Bishop, alors faites votre devoir, donnez vos ordres à l’équipage, sonnez le branle-bas !
- Le branle-bas ?
- Des pirates nous attaquent bordel, vous auriez déjà dû le faire !
- T-tout de suite Capitaine ! »

« BRANLE-BAS DE COMBAAAAAAAT »

Sans attendre le résultat, le capitaine se hisse en direction du gaillard d’arrière, se frayant un passage à travers les marches détruite d’un escalier. Se tenant au niveau de la poupe, il balaie la brume du regard, cherchant le bâtiment ennemi. Après sa brève apparition, il a à nouveau disparu, ne laissant comme indice que sa dernière position et la direction qu’il prenait. Sa prochaine offensive devrait se faire sur l’arrière, si les conclusions du capitaine sont les bonnes.

« SILENCE ! PLUS AUCUN BRUIT !
- Silence, tous !
- Fermez-la, les gars ! »

« Eteignez les lanternes !
- Bien capitaine ! »

Plus un bruit. L’homme continue de scruter le brouillard, cherchant son adversaire.

« Où es-tu, mais où es-tu foutre d- »

Et là, dans ce voile grisâtre, une silhouette a semblé se dessiner, l’espace d’un instant. Secouant sa tête, il tente de la discerner à nouveau. Etait-ce une illusion ? Etait-ce la réalité ? Puis, provenant de ce même endroit dans la brume, un bruit métallique, une sorte de craquement, confirmant sa crainte.

« Ils sont là… Ils sont juste là putain, juste derrière nous. »

Alors il se précipite à la barre, bousculant le timonier, virant de bord sur bâbord, espérant protéger sa poupe.

« Capitaine, qu’est-ce que vous faites ?
- Ces salopards veulent nous détruire notre g- »

Mais ses mots sont recouverts par le hurlement du matelot qui l’a remplacé sur le gaillard d’arrière pour scruter la brume.

« A COUVEEEEEEEEERT »

L’instant d’après le fracas sonore des tirs de canons retentit dans l’atmosphère lourde de cette soirée noire, rapidement suivi par l’éclat des boulets sur le bois fragile du navire. La poupe est lourdement touchée, si bien que des projectiles traversent tout l’habitacle arrière, touchant des hommes sur les ponts supérieur et inférieur, semant effroi et destruction sur leur passage.

Touché à la hanche, le capitaine se relève en s’appuyant sur la barre, qui se met à rouler sous le poids de l’homme, le renvoyant au sol. Se cramponnant tant bien que mal, il parvient à se redresser à l’aide de la rambarde d’à-côté. La barre continue de tourner, dans son inertie. Mais le navire, lui, continue bêtement sa trajectoire en ligne droite. Pris d’horreur, l’homme réalise que la situation vient d’empirer.

« Le gouvernail… »

Un matelot, penché au-dessus de la poupe, bravant le danger imminent d’une seconde vague, observe les dégâts.

« Capitaine, le gouvernail est hors d’usage ! »

La situation ne pourrait être pire.

Et pourtant…

Dans un craquement monstrueux, le grand mât se brise en son milieu et s’effondre par tribord, faisant éclater les poulies qui tentaient encore de le retenir, arrachant les cordages.

Effrayé par les deux vagues de boulets de canons, le Quartier-Maître en craint une troisième.

« TOUS A COUVERT ! »

Mais le capitaine ne bouge pas d’un cil. Cramponné à une rambarde, son regard se pose sur ses matelots. Visages blafards, peaux sales, membres endoloris, blessés, arrachés…

« Non…
- Capitaine ?
- Ils ne tireront plus… »

Puis, se redressant, bravant la douleur qui lui tiraille la jambe, il s’adresse à ses hommes, tentant désespérément de leur donner du courage.

« Messieurs, vous n’avez pas été engagés pour cela, mais il vient un moment où certaines choses sont inévitables. Dès lors, vous défendez votre vie. Vous défendez votre métier. Vous défendez votre paye, et par là même, vous défendez votre famille. Votre femme, vos enfants. Vous défendez tous ceux qui croient en vous. Tous ceux qui attendent votre retour, tous ceux qui vous font confiance, tous ceux à qui vous manquez durant ces longues semaines passées en mer. Dès lors, camarades, vous défendez ceux que vous méritez plus que n’importe qui en ce monde. Ceux qui vous aiment. Ceux que vous chérissez.

Car là est votre vie ! Alors, Messieurs. Aux armes. Défendez cette vie.

Messieurs… Préparez-vous à être abordé. »


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Comme poussé par un vent unique, qui lui semble dédié, le navire pirate surgit toutes voiles dehors de la brume impénétrable, projetant des gerbes d’eau et des souffles de brouillard tout autour de lui. Et alors que les restes du voile blanc-grisâtre glissent le long de sa coque dans de gigantesque tourbillons, sa proue rebondit sur les vagues qu’elle brise. Puis c’est au tour de ses imposantes voiles sombres de s’extraire de ce qui paraît être l’au-delà. Gonflées, tendues, tractant le bâtiment en direction du navire marchand.

L’équipage déjà blessé est sur le qui-vive, tous les hommes sur le pont, sabres en main, pistolets au poing. Leur capitaine leur a redonné un soupçon de courage, juste de quoi affronter la dure réalité en face. Ils ne laisseront pas ces pirates leur ôter leurs rêves, ah ça non !

Très rapidement, la cacophonie de l’équipage de forban parvient à leurs oreilles. Des cris, des hurlements, des rires sombres, des coups de pieds sur le sol, le métal de leurs armes qui résonne lorsqu’ils frottent leurs lames l’une contre l’autre. Les coups de pistolets tirés prématurément, l’impatience de chacun. Tout cela se sent, tout cela s’entend.

« Monsieur Bishop, c’en est où avec la pièce ?
- On y est presque Capitaine ! »

Sur le gaillard d’avant, le grand cabestan est actionné par les plus vigoureux des hommes pour actionner le palan, remontant ainsi de la cale une pièce d’artillerie toute neuve.

« Bougez-vous le cul bordel !
- Hissez-haut, matelots !
- Oui Capitaine !
- Placez-le sur bâbord et plus vite que ça ! »

Rapidement, le canon est chargé et pointé dans la bonne direction, prêt à faire feu lorsque l’adversaire sera dans la ligne de mire.

« Pas d’autre pièce, Monsieur Bishop ?
- Non Capitaine. Ça peut sembler ridicule, mais c’est tout ce qu’on a.
- On fera avec.
- Vous semblez confiant, Capitaine.
- Mon rôle l’impose. Et le vôtre également. Compris ?
- Oui Capitaine, bien Capitaine. »

« TOUS LES HOMMES A LEUR POSTE ! »

« ENVOYEZ CES PIRATES DANS LES ABYSSES ! »

Le sombre navire arrive par bâbord arrière, longeant le bâtiment marchand, côte à côte. Son pont supérieur dépasse d’une hauteur d’homme celui de sa proie, si bien que l’équipage en proie au doute et à la peur fait face aux sabords fermés de son bourreau. Un pont de différence. Une impression de puissance inébranlable soumet les pauvres gaillards à l’horreur de la réalité. Du haut de leurs positions, les pirates, penchés au bastingage, continuent leurs provocations, mimant des cordes au cou, des têtes tranchées, faisant mine de passer leur langue sur leurs lames, jouant du poignet avec leurs pistolets, grimaçant vers leurs adversaires.

« Mais foutre Dieu pourquoi n’attaquent-ils pas ? »

Les marchands n’osent ouvrir le feu, craignant le déchaînement de l’enfer sur leurs pauvres âmes. Ils ont pourtant déjà mis en joue les forbans depuis belle lurette, mais rien n’y fait. Personne ne se lance à tirer le premier. Et de leur côté, les flibustiers ne semblent pas inquiets le moins du monde, malgré les armes pointées sur eux, ils continuent leur jeu effrayant.

Et soudain, tous se taisent, et tous les regards des deux équipages se tournent vers le gaillard d’arrière du navire pirate, accueillant ainsi l’arrivée silencieuse d’un homme empreint d’une aura si noire que toute son apparence physique reflète ce trait si sombre, de ses vêtements à ses cheveux, en passant par…

Sa barbe. Mi longue, descendant jusqu’en haut sternum, broussailleuse, épaisse, mais surtout, une barbe noire. Noire comme l’aura de cet homme, noire comme le destin de ces civils, noire comme cet ost funeste face auquel ces pauvres hères se trouvent si mal armés. Cet homme-là, si noir, affiche un sourire mesquin, parfaitement satisfait de la situation. Du regard, il trouve immédiatement le capitaine adverse et plonge ses yeux dans les siens, comme si la bataille entre les deux hommes avait déjà commencé. Et, sans perdre son sourire narquois, il détourne légèrement la tête en direction du pont de son propre navire, et, après un bref signe de tête vers le bas, descend ces quelques marches qui le font disparaitre aux yeux des civils.

« Mais qu’est-ce qu’ils f- »

Le capitaine s’interrompt immédiatement, réalisant avec horreur que cette situation qu’il ne pensait pouvoir être pire va le devenir dans quelques très brefs instants. C’est le sourire mauvais de l’homme à la barbe noire qui lui a fait comprendre. Les pirates ne vont pas aborder immédiatement. Ils ne sont pas fous, une offensive comme celle-là, contre ces hommes si déterminés, leur occasionnerait des pertes inutiles et surtout, qu’ils pourraient éviter.

« TOUS AUX ABRIS !!! »

Jamais de sa vie ce brave capitaine n’avait hurlé aussi fort, perçant le silence qui était tombé sur la scène. Ne comprenant plus rien aux ordres, ses hommes le regardent bouche bée, quittant presque des yeux leurs adversaires. Alors, sous les yeux agars du pauvre homme, et dans le dos de son équipage, les sabords de bâtiment pirate s’ouvrent de concert, dévoilant les bouches de l’interminable rangée de canons dirigés directement vers leur pont supérieur. Et avant que quiconque puisse réagir, les pièces d’artillerie déversent leur chargement sur leurs victimes, rasant le pont, arrachant les jambes, projetant des corps par-dessus le bastingage tribord, faisant gicler le sang et voler d’innombrables débris de bois provenant de toutes parts, plongeant les civils dans un nuage de fumée noire irrespirable.

Le capitaine, miraculeusement épargné, parvient à se faufiler entre les corps jonchant son navire. Lui et quelques rares hommes encore debout se mettent à tousser, peinant à se relever. Et, par instinct de survie, ignorant totalement les râles profonds de leurs camarades agonisants, certains d’entre eux se faufilent vers l’escalier menant au pont inférieur, masqués par ce voile de fumée noire.

Et, alors qu’ils retrouvent une ouïe bien abîmée par le choc récent, étourdis par une série d’acouphènes suraigus, ils parviennent à entendre ce qu’il se passe au-dessus d’eux.

Des pleurs, des cris, de la souffrance. Leurs alliés, blessés, mourants, incapables de bouger, appellent au secours. La plupart de ces hurlements de détresse sont stoppés net par des coups de feu, mettant un terme à leur brève mais puissante agonie. Puis, une série de bruits sourds marque l’arrivée par bâbord des pirates sur le pont à moitié détruit. Les pas au-dessus de capitaine et de ses hommes rescapés se diffusent partout. Ici, on entend un cadavre se faire fouiller, une bourse se faire dérober. Là, on entend une lame achever un homme. Et là-bas, un rire sadique suivi d’un cri strident, d’un râle rauque et d’un homme qui s’étouffe dans son propre sang.

Et, de concert, tous les forbans éclatent d’un rire malsain, tandis que l’aura noire de tout à l’heure revient. Et même s’il ne l’a jamais entendu auparavant, le capitaine marchand reconnaît la voix de l’homme à la barbe noire. Cette voix-là, si impérative, si puissante, si sombre, ce ne peut être que le Capitaine de cet équipage de malheur.

« Cherchez-les. Trouvez-les. Ramenez-les. »

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Débute alors un cache-cache diabolique où les participants risquent leur vie.

« Petits petits petits ! »

Les civils courent, slalomant entre les cloisons, tirant au hasard derrière eux. Les rires bruyants des pirates résonnent dans la structure du navire, les chutes des corps font trembler les plancher.

Mais le capitaine marchand se défend vaillamment. A un coin de porte, il parvient à embrocher un pirate de la pointe de son épée, en travers des côtes.

« Putain d’enfoiré de mes deux. »

Et sans dire un mot de plus, la brochette humaine s’étale de tout son long sur le plancher de la cale. Le capitaine, saisi d’une idée, se précipite au fin fond du navire à la recherche d’un inventaire quelconque de la cargaison. Au-dessus de lui, les pas pressés de ses adversaires martèlent le bois de son bâtiment. Petit à petit, ils trouvent les rescapés ayant jusque-là échappé à leurs lames et les emmènent de force sur le pont supérieur.

« Ah le voilà… Alors, est-ce qu’on a ça, pitié pitié pitiééé… »

« Oui ! Rangée… 4… Place… 12 ! Merde ! »

A l’autre bout de la cale. Il va lui falloir traverser le navire de la proue à la poupe, en espérant que les pirates ne soient pas encore descendus jusqu’ici.

« EH LES GARS ! Y A MORGAN QU’EST AU SOL, L’EST MORT ! »

Merde, ils ont trouvé l’embroché. Ni une, ni deux, le capitaine traverse la cale à fond de train. Le pirate se trouve vers le milieu, au niveau du seul escalier existant pour accéder à cette zone du navire. Alors sans réfléchir, le marchand se jette sur son adversaire désemparé. Le pirate, pris au dépourvu, n’a pas le temps de se protéger le visage et ne peut que subir les coups frénétiques du capitaine, qui tente le tout pour le tout en le frappant avec l’inventaire de la cargaison qu’il a encore dans les mains.

Résistant à ce premier assaut, le forban assène un coup de genou dans les parties du civil qui, surpris, se fait envoyer balader sur le côté. Saisissant son pistolet, le pirate annonce dans un souffle :

« On déconne pas avec la mort mon gars. »

Et il tire. Mais le coup part au plafond, le capitaine ayant tout juste eu le temps de saisir le canon d’une main maintenant à moitié brûlée. Dans un élan de force de dernier recours, il se saisit de couteau du voleur et le dirige vers sa gorge. Mais le pirate intercepte son poignet. S’engage alors un combat de force auquel aucun des deux hommes ne parvient à prendre l’avantage. Alors ils tentent de faire pencher la balance en leur faveur avec des coups de tête, des coups de pieds, et tout ce qu’ils peuvent trouver à faire sans lâcher l’emprise qu’ils ont sur le couteau avec leurs deux mains.

Ils jouent leur vie. Leurs corps roulent au sol, jusqu’à heurter le cadavre du dénommé Morgan, mort embroché. Le pirate parvient à prendre un certain avantage et se tient désormais sur le capitaine, pointe du couteau dirigée vers lui. De leurs deux mains, les deux combattant œuvrent chacun à accomplir l’action suivante : l’un à tuer l’autre, l’autre à éviter – dans un premier temps – de se faire tuer par le premier.

Mais le capitaine est à bout de forces et la pointe se rapproche inéluctablement de sa gorge, jusqu’à l’effleurer.

« T’es cuit mon petit ! »

Alors, ne sachant plus quoi faire, prêt à céder, il tente dans un dernier sursaut de décaler la lame, quitte à ce qu’elle aille se planter dans le sol à côté de son cou.

« AAAAAAAH »

Le pirate, surpris par cet élan, n’a pas opposé assez de résistance, et la lame est allée se planter plus loin que prévu, directement dans l’épaule gauche du capitaine. Profitant de cet instant de surprise, rassemblant ses esprits au plus tôt, le capitaine se saisit de l’épée plantée dans le fameux Morgan et, d’un geste, la précipite sur son adversaire.

Qui parvient à l’arrêter, la tenant par la lame. Son visage exprime très nettement la douleur qu’il ressent dans sa main, certainement tailladée profondément au niveau de la paume. Mais il ne relâche rien, sachant parfaitement ce qu’il l’attend sinon.

BAM

Le regard du pirate se vide rapidement. Son corps s’emplit de froid, ses émotions disparaissent. Il n’a que le temps de baisser les yeux vers son ventre, pour voir la main du capitaine tenant l’un de ses propres pistolets, pointé vers son propre ventre, désormais déchargé.

Sans vie, le forban s’effondre alors sur son adversaire, qui, dans un souffle rassuré, le repousse machinalement sur le côté pour s’en extraire. Blessé à la fois à l’épaule et aux jambes, en plus de toutes les égratignures de son corps, il avance, clopin-clopant, vers sa destination originelle.

« Rangée 2… 3… 4, place… »

« 11…12 ! »

Sur l’étagère, une demi-douzaine de barils. Puisant dans ses dernières ressources, le capitaine les extrait un à un de là et les entasse les uns sur les autres. A l’aide du couteau qu’il avait pris soin de retirer de son épaule dans un cri de souffrance, il perce les barils, laissant s’en échapper une épaisse traînée de poudre noire. Faisant cheminer la poudre, il relie les récipients entre eux.

« Alors mon mignon, on est caché ici ? »

Les pirates commencent à arriver dans la cale. Le capitaine se précipite alors sur la lanterne pendue au mur et l’approche au-dessus de la poudre. Là, il s’arrête. Tout est en place. Plus qu’à les attendre.

« Il est là-bas, y a de la lumière ! »

« Putain, il a buté Morgan et Anton ! »

« Venez les gars ! »

D’interminables secondes.

« Le voilà ! Tu vas pas faire long-feu sale…
- Oh putain !
- Quoi !
- Tirez-pas les gars ! On bouge plus ! »

Souffrant, blessé, le capitaine parvient tout de même à esquisser un sourire de satisfaction.

« Dites à votre Capitaine de se ramener ou je fais tout péter. »

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Beaucoup de pirates se sont amassés dans la cale, préférant ignorer le danger que de fuir face à lui. Mais cela ne les empêche pas de se retourner les méninges et de penser à ce qui leur arriverait si cet abruti de marchand en venait à lâcher sa lanterne sur cet amas de poudre.

Un grand feu de joie.

Pas rassurés, les types.

Le capitaine blessé commence à voir trouble à cause de la douleur lancinante à son épaule gauche. Mais il fait avec. Il doit faire avec. Pour sa famille.

Petit à petit, le brouhaha ambiant s’estompe, au fur et à mesure qu’un homme avance parmi ses membres d’équipage. Ils s’écartent tous pour le laisser passer, cet homme à la barbe noire. Il s’avance jusqu’à se tenir à moins de deux mètres de son homologue. Il s’adresse alors à lui le plus simplement du monde.

« Faites pas de connerie… Capitaine Parrett…
- C… Comment vous connaissez mon nom ?
- Une embuscade dans la brume, ça vous plaît, n’est-ce pas ? Les plans de route des marchands sont des choses fascinantes, quand on met la main dessus. Notre rencontre n’a rien du hasard.
- Partez, maintenant ! Laissez mon navire tranquille, déguerpissez !
- Sinon quoi ?
- Jouez pas au con, vous n’êtes pas de ces abrutis qui foncent tête baissée. Vous savez ce que vous risquez.
- Bien. Nous partons. Et après ? Une fois sur notre navire, qu’est-ce qui nous empêchera de vous canonner en bonne et due forme et de vous couler, vous et votre misérable réserve de poudre ?
- …
- Capitaine Parret… Que veulent les pirates, selon vous ?
- Tuer ? Voler ? Piller ?
- Pratiquement, oui. Mais tuer, voyez-vous, est un bonus. Sans tuer ça serait plus simple, mais les hommes comme vous nous empêchent de faire ça calmement. Il faut toujours que vous brandissiez votre courage en fervent défenseur de votre vie. Capitaine Parrett, des dizaines de navires passent par cette route chaque jour. La plupart ont plus de fortune dans leur cale que le vôtre. J’en ai eu deux autres avant vous, vous avez pu les apercevoir au-dehors, brûlant encore. Mais j’ai attendu votre arrivée. Alors pourquoi, selon vous ? »

Sans pouvoir y résister, le civil pose son regard sur un coffre solidement cadenassé entreposé dans un recoin, derrière lui.

« C’est ça que vous voulez ?
- Tout juste. Donnez-moi la clé, je récupère son contenu et je pars d’ici.
- Pourquoi je vous croirais ?
- Regardez vos options. Premier choix, vous refusez et vous me forcez à partir tout de même. Une fois à une encablure de votre bâtiment, je le coule. Deuxième choix, vous jetez cette lanterne sur la poudre, tout le monde meurt, vous avec. Vous avez bien une famille, des enfants, n’est-ce pas Monsieur Parrett ? Ces deux choix sont mauvais. Mais si vous deviez choisir entre ces deux morts, je vous conseillerais la seconde : si vous me laissez en vie et mécontent, je pourrais bien rendre visite un de ces jours à Lola, Timothy et Anna Parrett, vous comprenez ?
- Enfoiré…
- Ne jouez pas au héros, Capitaine Parrett. D’autres en ce monde s’en chargent pour vous. Troisième option, vous me laissez prendre le contenu de ce coffre et partir. Et vous, vous pourrez retrouver vos enfants.
- Je répète ma question, pourquoi je vous croirais ?
- Vous avez vu vos options. Choisissez la meilleure. Mais ne tardez pas trop, je pense qu’à un moment cette lanterne s’éteindra naturellement. »

L’assemblée ricaine silencieusement.

Alors, au pied du mur, Parrett fouille dans sa poche et lance un trousseau à l’homme à la barbe noire.

« Bon choix. »

Il s’avance alors vers le coffre, le déverrouille et l’ouvre en grand. Plongeant la main dedans, il en expulse la totalité du contenu. Des objets en or, des pièces, des documents. Tout va au sol. Dans un grognement sonore, il hèle son homologue.

« Où est-elle ?
- C’est dommage, hein ?
- Que dites-vous ? »

Rapidement, le revoilà revenu face à Parrett, qui tient toujours la lanterne au-dessus de la poudre.

« Je sais que vous la cherchez depuis plusieurs mois. Pourquoi croyez-vous qu’elle ne soit pas dans ce coffre ? On s’est arrangé, avec les confrères.
- Où est l’épée ?!
- Ironique, n’est-ce pas ? Vous qui croyiez enfin pouvoir mettre la main dessus, vous venez de perdre à nouveau sa trace !
- Capitaine Parrett, où est l’épée ?!
- Vous ne la trouverez jamais. Vous venez de perdre sa trace à tout jamais ! »

Et, se tournant vers l’équipage de forbans, le marchand émet un rire malsain.

« Ha, vous entendez ça ? Votre Capitaine, le fier Edward Thatch, ne mettra jamais la main sur son trésor ! Trompé par de vulgaires march- »

Clic

Le pistolet de l’homme à la barbe noire est posé contre le front de Parret, détente relevée.

« Faites pas le con Thatch, ou je lâche cette lanterne.
- Vous n’en ferez rien. »

Il plante ses yeux dans ceux du marchand.

« Vous craignez la mort. Je l’accueille à bras ouverts tous les jours. »

De l’autre main, Thatch se saisit de la lanterne que Parrett n’a pas osé lâcher, pétrifié par le poids du regard de cet être si noir.

« Meurtrier. Voleur. Pilleur. Assassin !
- Il y a un terme pour résumer tout ça. »

« Pirate. »

BAM

Le crâne transpercé d’une balle, le corps de Parrett s’effondre. Et Thatch, s’adressant à son équipage :

« Embarquez toute la cargaison. Détruisez ce navire. On va aller revendre tout ça et profiter de notre butin, Messieurs !
- AYE CAP’TAIN !
- Capitaine, qu’est-ce qu’on fait des prisonniers ?
- Quels prisonniers ?
- Les rescapés qu’on a rassemblés sur le pont. »

Plongeant son regard sombre dans celui de l’homme d’équipage, Edward Thatch répond d’un souffle :

« Il n’y a pas de prisonnier. »

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Un jour je te trouverai, lame de Barbe Noire, gouvernante des abysses, reine des navires.
Dussé-je retourner les océans.

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Un Soir de Pleine Brume 1458852077-sans-titre3

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