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Il faut payer la taxe, mec! Part 2

En plein milieu de North Blue, 1627

Heureusement que l’alcool existe. La vie serait nulle sinon.

Accoudé au bastingage, je regarde les vagues s’écraser sur la coque, manquant de faire chavirer l’embarcation poussive à chaque impact. Une bouteille à la main pour me donner la force de supporter cette traversée dans cette épave avec un parfait abruti en guise de navigateur. Je commence à avoir mal aux jambes à force de rester debout mais je n’ai pas le choix. Skippy, notre guide, nous a fait nous asseoir sur ces fauteuils trempés alors maintenant il faut que ça sèche. Ce dernier est un véritable moulin à paroles avec un débit de conneries carrément impressionnant. Des pulsions meurtrières me traversent mais on a encore besoin de lui. Et puis il vaut mieux éviter de tuer des révos si je ne veux pas trop attirer l’attention sur nous. Maintenir une couverture en place, c’est comme faire un cunnilingus. Il faut prendre le temps de bien faire les choses si on veut gagner des points pour plus tard. Mais au moindre pet de travers, on peut se retrouver dans la merde. Alors pas question de se lâcher, même si ce type ne manquerait sûrement à personne.

Dieu merci, il semble avoir désigné Mindy comme son interlocutrice officielle. La pauvre tend parfois le cou pour tenter de trouver un peu de soutien de notre part mais en vain. On se regarde avec Simon et Jason et on explose de rire. Skippy interrompt quelques instants son monologue pour voir ce qui nous fait rire et, ne voyant rien, reprend de plus belle devant le regard vide de Mindy. Je fais un petit signe de la main à ma chère collègue et je sors un cigare que j’allume en attendant que le temps passe. Cette embarcation avance vraiment lentement. Un cigare et du saké. Je ne demande rien de plus.

Au loin, je remarque un navire qui avance au rythme des vagues, les voiles baissées. En plissant les yeux, j’arrive à voir un drapeau mais je ne le reconnais pas. Je file un coup de coude à Jason qui est en train de bricoler un petit robot. Une vis glisse de sa main et il se penche pour la ramasser en pestant. Alors qu’il se relève, je pointe la masse sombre loin devant.


-Tu crois que c’est des pirates ?
-J’espère que non. Avec une poubelle comme ça, fait-il en désignant le pont du navire, on n’a aucune chance dans un combat naval.
-Ouais… Et j’ai franchement pas envie de me battre là. Déjà que j’ai le fion mouillé, ce serait bien que j’évite de me présenter face à Harlem Snake avec du sang plein les fringues.

On continue d’observer l’embarcation mais l’idée d’une menace semble de plus en plus à écarter. Aucun signe de mouvement du côté de l’autre navire. Aucun homme en arme ne se montre sur le pont et aucun canon ne pointe le bout de son nez par les écoutilles. Il semblerait que l’on se croise simplement sans aucuns sentiments, qu’ils soient amicaux ou hostiles. Tant mieux. Mais il est tout de même étonnant de trouver un navire à l’arrêt, comme ça, au beau milieu de la mer. Qu’est-ce qu’ils attendent ? Soudain, la coque du bateau s’ouvre en deux et quatre petites embarcations très rapides en sortent. Comme des fusées, elles foncent droit vers nous. J’ai juste le temps de remettre le bouchon de la bouteille pour éviter d’en renverser que les frêles esquifs nous percutent déjà. Je demande ce qu’il se passe et c’est Skippy qui nous répond.

-Hey ! Ha ba on est déjà arrivés ! J’étais tellement pris dans la discussion que je m’en suis pas rendu compte.
-Quoi ?! C’est le navire des Saturn ? Mais espèce d’abruti, on devait monter le pavillon convenu avant de les rejoindre ! Je t’avais demandé de me prévenir une demi-heure avant !! Ils nous prennent pour des gêneurs là!
-Ha mince… C’est vrai.
-L’Orchidée, Le Magnum, Le Boulon ! A la cale vite, ils ne doivent pas vous voir !

En mission, et lorsque l’on endosse nos rôles de révolutionnaires, on utilise nos surnoms. Ça limite les risques. Nos véritables identités ne nous servent que pour le Cipher Pol. A cette seconde précise, des grappins surgissent de toute part et s’accrochent à tout ce qui se trouve sur leur chemin. Mes trois collègues ont tout juste le temps de se planquer et moi de prendre le fameux pavillon à pleine main qu’une douzaine d’hommes débarquent sur le ponton, visiblement énervés. Ils se présentent comme les anneaux de Saturn et exigent que je décline mon identité. Je lève bien haut le drapeau qui était supposé les prévenir de notre arrivée.

-Je suis « Le Docteur », envoyé par les Echos de la Liberté. Je dois m’entretenir avec votre chef, il est au courant de mon arrivée.
-Et le signal ?
-Je l’ai dans la main. Navré, nous n’avons pas pu l’attacher en haut du mat. Comme vous le voyez, je suis handicapé du bras droit.

Je lève ma prothèse mécanique et espère que cette excuse bidon suffira. Ils se regardent, se concertent et finissent par acquiescer. Ils demandent à ce que je les suive. Skippy (Dieu, merci !) est sommé de rester sur son navire et d’attendre la fin de l’entretien. D’un bond, j’atterris quelques mètres en dessous, sur leurs petites torpilles. Je manque de peu de me casser la gueule tellement le départ est fulgurant comparé au vieux tacot qui nous a emmené jusqu’ici. A l’approche du petit bateau, la coque du navire des Saturn s’ouvre à nouveau et nous nous faisons littéralement dévorer. Le mécanisme se referme dans un grand claquement et nous nous retrouvons dans l’obscurité totale.
    Une vive lumière de forme rectangulaire apparaît à quelques mètres de moi. Je plisse les yeux et je distingue une silhouette dans l’embrasure de la porte. Son ombre se dessine par contraste. C’est une jeune femme d’une vingtaine d‘années aux courbes alléchantes. Guidé par l’instinct reproducteur, je m’approche d’elle. Mais, arrivé à un mètre d’elle, juste avant que je n’entame la conversation, elle me repousse du plat de la main.

    -Vous êtes armé ?
    -Armé ? Non. Pourquoi je devrais ?

    Sans se donner la peine de répondre, elle me demande de lever les bras et je me laisse fouiller sans la moindre résistance, surtout dans les endroits les plus intimes. Fort heureusement, j’ai pris la peine de glisser mon badge de Cipher Pol dans ma raie des fesses. La main de la demoiselle bute sur la droite de ma hanche. Je réponds à son regard interrogateur en soulevant le pan de mon manteau, ce qui révèle les petites bouteilles de saké SanSan que j’ai apporté. Elle ignore que ces alcools sont en réalité mes armes de prédilection. Après un haussement d’épaule, elle reprend sa fouille mais finit par reconnaître que je ne suis pas armé. Elle reste assez prudente vis-à-vis de mon bras mécanique, mais de toute évidence, elle ne peut pas me demander de le retirer. Ce serait une humiliation impardonnable de leur part. Je suis tout de même leur invité.

    Après cette inspection, la demoiselle consent enfin à me souhaiter la bienvenue à bord et m’invite à la suivre vers la cabine du capitaine. Des escaliers succèdent à des couloirs, suivis par d’autres escaliers. Je me contente de suivre le joli petit cul qui se dandine à quelques mètres devant. Le navire semble assez compliqué, il y a beaucoup de machinerie, plus de métal que de bois. Il est probable que ce soit nécessaire pour échapper aux Marines après un sale coup.

    On arrive finalement sur le pont qui, lui, est tout à fait classique. Des planches de bois au sol, un mat, des voiles, des cordages dans tous les sens… Rien ne laisserait penser qu’il y a une telle mécanique en dessous. Je me garde bien de tout commentaire et je traverse entièrement le navire pour finir devant la porte de la cabine. Elle frappe. Un silence. Elle refrappe.


    -ENTREZ !

    La mignonnette s’écarte pour me laisser la place et tourne les talons. J’actionne la poignée et entre dans une petite pièce d’une dizaine de mètres carrés, totalement enfumée et plongée dans la pénombre. Je devine seulement la silhouette du capitaine, derrière le brouillard de cigare.

    -Je suis Le Docteur, envoyé par le groupe révolutionnaire de Luvneel.

    L’homme se lève et contourne son bureau. Je commence à voir apparaître son visage. Le même sourire mauvais que sur l’avis de recherche. Il me tend une main ferme que je saisis de ma main métallique. Il semble surpris mais se reprend vite.

    -Aaaaahhhh ! Mon ami ! Entrez, entrez, prenez un siège et un cigare !
    -Ha ba je dis pas non, cette traversée m’a épuisé.
    -Des problèmes de navigation ? La météo est plutôt bonne aujourd’hui pourtant.
    -Plutôt  un problème de navire et de navigateur. La révolution a peu de moyens, hein.
    -Ha, ça. Ne m’en parlez pas…

    Il retourne s’asseoir dans son fauteuil et je l’imite. Je me pose dans un fauteuil en cuir d’un moelleux exquis. Il me tend un cigare provenant directement de chez Toji Arashibourei, le grand luxe. Je l’accepte avec un grand sourire et entame une conversation banale sur les différentes actualités dans la région. Après quelques minutes, il me propose un verre de scotch. J’aimerais rester sobre. Vraiment, je le voudrais. Mais j’ai été éduqué de façon à ne jamais refuser un cadeau. Bahaha ! Je tuerais pour un verre ! C’est du whisky de 25 ans d’âge qui a été fermenté dans les cales d’un navire qui a coulé au large. Les bouteilles qui ont vieilli dans l’obscurité et la fraîcheur sont d’un goût divin. Lors de ventes aux enchères, ce genre de bouteilles peut atteindre des millions de berrys. Je constate que Monsieur Snake ne se refuse absolument rien. La conversation suit son cours, comme si nous étions de vieux amis. Il finit par se redresser et poser son verre.

    -Au fait. Vous n’êtes pas venu jusqu’ici pour boire un verre avec moi, si ?
    -En vérité, presque. Disons que votre mouvement s’étant détaché du nôtre, je viens voir comment il évolue. Nous n’avons plus beaucoup de retour de votre part donc… Je passe prendre des nouvelles.
    -Ha, à propos du mouvement révolutionnaire ! Et bien comme vous pouvez le voir, nous nous portons bien et nous sommes toujours là. Tout va pour le mieux. Vous avez faim ?
    -Hummm. Un peu.

    Il tape dans les mains et appelle Sylvia très fort. La femme qui m’a accueilli entre et s’incline. Harlem lui demande d’apporter le repas du soir. En effet, il est déjà plus de vingt heures. Intérieurement, je pense à mes collègues restés sur le navire qui doivent commencer à trouver le temps long. A peine dix minutes plus tard, des hommes et des femmes entrent les bras chargés de plats qui ont tous l’air plus succulents les uns que les autres. Du homard, des poissons de toutes les couleurs, des viandes baignant dans leurs jus et des légumes de toutes les formes. Pas moins d’une dizaine de bouteilles accompagnent le tout. Je me redresse grâce aux accoudoirs et j’observe la table en bavant. Le capitaine m’invite à me servir comme bon me semble et je ne me fais pas prier. Je mange, je bois, je remange et je rebois. A vingt et une heures, je commence à voir un peu flou. Il est bon le picrate, mais il tabasse sévère. Mon interlocuteur n’en mène pas large non plus. On se met à chanter des vieilles chansons de marins en tenant haut nos verres. Ce Harlem est décidément assez sympa. Tellement qu’on a tous les deux laissé tomber le vouvoiement.

    -Il est bon ce vin ! C’est quoi ?
    -C’est du Quoticanti ! Il vient de Grand Line.
    -La vache, c’est pas de la merde. Tu arrives à te payer ce genre de trucs ?
    -Ho, ba on bricole. Faut bien se débrouiller. On est un peu devenu la bête noire des Marines. Ils ont beaucoup de choses à piller et à voler.
    -Nan, je dis ça parce que de notre côté, comme on a rien reçu de votre part depuis prés de cinq ans, on se demandait, quoi… Mais apparemment ça à l’air d’aller.

    L’atmosphère se refroidit en quelques instants. Harlem repose son verre et son regard redevient sérieux. Je viens de toucher une corde sensible. Il me demande si, finalement, ce ne serait pas pour ça que je suis venu à sa rencontre. Je ne le nie pas. Il se lève et fait quelques pas autour du bureau, passe derrière mon fauteuil et continue à tourner lentement sans dire un mot.

    -Nan parce que tu comprends, quand je vois toute la machinerie de ce navire, ce vin, ces whiskys, ces cigares et cette bouffe, je me dis que tu as récupéré un peu plus que les cotisations de tes adhérents. Et chaque fois que tu fais un braquage, tu le fais en notre nom, si bien que c’est sur notre gueule que retombe les conséquences, les primes et les avis de recherche.
    -Oui, j’en ai bien conscience. Et donc ?
    -Et donc, soit tu es rallié aux Echos de la Liberté et tu reverses 25% de tes bénéfices, comme tout le monde, soit tu es tombé dans le piraterie et tu agis en ton nom.

    Harlem retourne s’asseoir et explose de rire. Mais ce rire est bien moins amical que celui qu’il a fait lorsqu’on lui a raconté la blague du sanglier qui pète.
      Son rictus mauvais réapparaît. Face à moi, ce n’est plus le joyeux luron, à moitié ivre qui chantait des chansons paillardes avec moi entre deux blagues grivoises. Non, c’est désormais le dirigeant d’un groupe de voleurs terroristes qui s’adresse à moi.

      -Et vous pensez peut-être que je ne le sais pas ? En utilisant le nom des Echos de la Liberté, je peux presque agir en totale liberté. Peu importe ce que je vole ou ce que détruis, ce n’est pas moi qu’ils recherchent. C’est génial, hahaha !
      -Mais tu causes du tord au mouvement en faisant ça !
      -Ecoute moi bien mon petit bonhomme. T’es assez nouveau chez les révolutionnaires parce que ton nom ne me dit rien. La révolution, c’est mort ! J’y croyais moi aussi mais j’ai pu le constater. Le gouvernement, les marines, le Cipher Pol. On peut pas lutter contre eux. Dès qu’une organisation prend un peu d’ampleur, elle se fait infiltrer et les membres se font buter. T’as qu’à voir la Purge de 1611 ! Ou encore la destruction du QG du cimetière d’épaves.
      -Ne dis pas n’importe quoi ! La révolution est toujours là, un peu partout. Il y a presque un bastion sur chaque île et petit à petit, les inégalités rongent le moral des gens qui finissent par vouloir une alternative au régime en place. Et ils nous rejoignent.
      -Nan, je te dis. Les révos, ils se regroupent, ils recrutent… Et après quoi ? Ils vont reprendre une île au GM ? Qu’ils essayent, ils devront affronter les amiraux. Et si par miracle, ils gagnent, ils subiront un Buster Call comme sur Ohara. Moi, maintenant, je vis ma vie dans mon coin et j’emmerde la révolution autant que le GM.

      En tant que membre du CP infiltré dans la révolution, je me sens doublement insulté par cette réplique. Surtout de la part d’un misérable pirate qui n’assume même pas sa situation et se cache sous des idéaux qui ne sont plus les siens. Je commence à durcir le ton. Je lui ordonne de cesser d’agir en tant que membres des Echos mais il se contente de ricaner. Il va falloir employer la manière forte. C’est mes collègues qui vont être contents. On dirait bien que la situation ne va pas tarder à se barrer en couilles. Dans exactement cinq secondes. Quatre. Je ramasse ma choppe contenant un fond de vin rouge. Trois. Je vide le fond d’alcool qui me réchauffe la gorge en descendant. Deux. Je m’essuie les lèvres d’un revers de manche. Un. Je lève la choppe vide et j’entame un crochet du droit vers son menton. Zéro. Le récipient de verre explose contre sa joue en une multitude de fragments tranchants.

      C’est parti.

      Harlem prend le temps d’encaisser le coup et bondit littéralement par-dessus son bureau, m’empoigne par le col et m’envoie au sol. Il tente de m’étrangler mais j’ai plus de force que lui et je parviens à le repousser suffisamment pour plier la jambe et intercaler mon genou entre lui et moi. D’un mouvement sec, je le repousse en arrière. Il manque de perdre l’équilibre mais se maintient debout pour me mettre des coups de pieds, moi qui suis restés au sol. J’en encaisse quelques uns mais un réflexe me pousse à me rouler en boule. J’entends alors un gros « BONG » suivi d’un cri déchirant de souffrance. Cet imbécile vient de frapper de toutes ses forces dans mon biceps en acier. Il y a des chances pour qu’il se soit brisé un orteil. Je profite de l’occasion pour me relever, l'envoyer valdinguer d'un coup d'épaule et quitter la cabine en trombe. Mais je tombe nez à nez avec trois gardes qui accourent, alertés par le cri de leur patron et les bruits de lutte.

      J’en envoie un au sol d’un coup de poing grâce à l’effet de surprise mais les deux autres réagissent rapidement. Ils s’écartent pour me prendre en sandwich et dégainent leurs sabres. Sans hésiter, je me jette sur celui à ma droite en me protégeant derrière ma prothèse. La lame frappe en faisant jaillir des étincelles mais ne me blesse pas. En revanche la chute de mes deux cents kilos sur le pauvre homme a raison de son genou gauche qui prend un angle anatomiquement impossible. Je roule sur le côté pour me retrouver sur le dos. Merde, le deuxième homme a déjà levé son sabre et s’apprête à me planter le bide. Je me recroqueville et ferme les yeux mais le coup ne vient pas. A la place, un liquide chaud m’éclabousse. En rouvrant lentement les yeux, je vois l’homme, toujours debout, le bras levé, mais avec un gros trou au milieu du visage. Après quelques secondes, il s’écroule. Ca, c’est signé L'Orchidée. Je me relève d’un bond et fais de grands signes en direction du Glaive. Mindy, son fusil sniper au niveau de l’épaule, me rend mon signe. Jason est en train d’engueuler Skippy qui met les machines en marche. C’est beau une équipe coordonnée.

      La porte de la cabine s’ouvre dans un grand fracas. Harlem surgit, les yeux injectés de sang. Il agite la tête à droite et à gauche avant de me repérer. Il saute par-dessus la barrière et arrive directement devant moi, une dague à la main. Pendant ce temps, d’autres membres de l’équipage remontent des entrailles du navire. Je n’hésite pas une seconde et j’attrape une bouteille sur le côté, j’en fais sauter le bouchon avec mon pouce et la vide d’une traite. C’est le TonicTonic. Le liquide descend dans ma gorge, traverse la paroi de mon estomac pour passer dans le sang et se diffuse dans tout mon organisme. Je me sens revigoré, plus rapide, plus fort, moins fatigué. D’un mouvement du bassin sur la gauche, j’évite un premier coup de lame visant mon ventre auquel je réponds par un uppercut. Le métal de mon poing s’enfonce dans l’estomac de Harlem qui en a le souffle coupé. Alors que je vais enchaîner, je me sens retenu en arrière. Des pirates m’ont attrapé les bras et m’immobilisent.


      -Mais lâchez-moi, bandes de bâtards !

      Ils me filent des coups de genoux dans le dos tandis que leur capitaine reprend ses esprits. Il s’approche de moi, arme en main, bien décidé à profiter de mon immobilisation. Aucune fierté. Un vrai pirate. Une raclure pareille, il pourrait intégrer le Cipher Pol, tiens. Il sourit en faisant danser sa lame d’une main à une autre.

      -Tu vois ? Je vais envoyer un message  Luvneel leur disant que tu n’es jamais venu au point de rendez-vous. Le temps qu’ils en envoient un autre, j’aurais doublé ma fortune. Et je tuerais le prochain. Et celui d’après aussi. Jusqu’à ce qu’ils comprennent que je ne leur suis redevable de rien.
      -Et tu n’as pas peur de te faire griller par le Cipher Pol ?
      -Le CP ? Qu’est-ce qu’ils viennent foutre dans l’histoire ?
      -Nan, je dis ça parce que tu as trois agents qui foncent droit sur ton navire.
      -Hein ?

      Il tourne son regard vers la gauche et voit alors le Glaive qui s’apprête à percuter son embarcation. Simon semble avoir foutu un pain dans la gueule de Skippy et a prit les commandes. Les deux bateaux se percutent avec violence. Le Glaive explose littéralement à l’impact, broyant ses planches vermoulues contre le métal des Saturn. Mais la secousse suffit à faire perdre l’équilibre à ceux qui me retiennent et je me libère d’un coup d’épaule. Un bon coup de poing chacun pour les empêcher de se relever et je me dresse à nouveau sur mes pattes. Les trois agents du CP6 et le navigateur révolutionnaire ont sauté sur le pont, laissant l’épave sombrer dans des bruits de succion dégoûtants. Ils ont un sourire radieux. Enfin, ils sont sur le terrain. Les balles fusent et les lames s’entrechoquent. La surprise aidant, je saute sur Harlem qui tombe à la renverse sous mon poids. Mais, chose pas prévue du tout, il profite de mon élan pour m’envoyer valdinguer un peu plus loin avec une planchette japonaise super classe.

      Je frappe le rebord en bois avec violence qui émet un craquement sinistre. Encore un peu, il se pétait et je finissais à la flotte. Mais c’est qu’il se défend, l’effronté !
        Le navire est en proie à une frénésie hystérique absolument surréaliste. Au centre, Mindy et Jason se tournent le dos et résistent aux assauts de neuf pirates. Elle utilise ses longues jambes pour frapper avant d’être touchée par les sabres adverses tandis que lui utilise ses réflexes pour esquiver, s’approcher rapidement et frapper une fois arrivé au contact. Les pirates valsent dans tous les sens. A quelques mètres d’eux, Simon semble complètement déchaîné. Un pistolet dans la main droite, un sabre dans la main gauche, il s’est accroché aux cordages et s’amuse à abattre tout ceux qui veulent grimper ou à planter ceux qui ont réussi. Skippy, de son côté se planque dans un tonneau qui contient un fond de rhum et commence à être complètement déchiré par les vapeurs. L’arrière du navire est en feu suite à une explosion dans la salle des machines. Moi, je continue à rouler, agrippé au capitaine Snake.

        J’ai légèrement plus de force grâce à la potion mais il est un peu plus agile et parvient à me balancer de belles pralines dans la gueule. Profitant d’un petit temps mort, j’ouvre une deuxième bouteille et je la vide rapidement. Harlem n’a pas encore compris que ces distillats me permettent de me booster. Il va vite comprendre en subissant mon Acid Puke. Je sens déjà les effets commencer. Mon ventre se met à gargouiller et cela commence vite à être douloureux. Un premier haut le cœur. Les enzymes de mon estomac travaillent à plein régime et les sucs gastriques s’accumulent et se concentrent afin de dissoudre toute la bouffe que j’ai mangée. Mais la production d’acide continue grâce à l’alcool SanSan.


        -Tu crois que c’est le moment de picoler ?
        -Boarf, je m’ennuie un peu dans ce combat. Faut bien passer le temps.

        La réplique fait mouche et il me fonce dessus. Ses mains s’agrippent autour de ma gorge et j’en fais autant, plus pour l’empêcher de fuir que pour l’étrangler. En quelques instants, je sens un nouveau haut le cœur, beaucoup plus puissant que je libère. Une grosse giclée de gerbe me sort de la gueule et se répand sur le visage et les épaules de mon adversaire. Il se recule en gueulant, dégoûté. Mais très rapidement, ses cris de dégoût se transforment en hurlements de douleur. Mon ventre vient d’expulser de l’acide hautement concentré, bien plus que ce qu’un humain normalement constitué peut supporter. D’ailleurs j’ai la gorge en feu d’avoir expulsé ça. Le visage de Harlem fume, il se griffe le visage en se tordant de douleur, s’arrachant des lambeaux de peau avec ses ongles. D’un violent chassé, je l’envoie au sol en rigolant. Les pirates s’immobilisent en voyant leur chef dans une telle situation. Mes compères en profitent pour les attaquer en traître et les éliminer. Le calme retombe, si l’on fait abstraction des gémissements de Harlem Snake. Les rares membres des Saturn à avoir survécu ont jeté les armes et ont posé les genoux au sol en signe de soumission. Mindy s’approche de moi.

        -Joli baston. Qu’est-ce qu’on fait d’eux ?
        -Je sais pas. La mission consiste à les éliminer en cas de résistance. Mais on peut peut-être leur soutirer des infos sur les révos.
        -Hey ! Venez-là !


        Je me retourne et je vois Jason qui nous fait de grands signes quelques mètres plus loin. Simon est allongé devant lui, sa tête reposant sur la cuisse de son ami. Il a le ventre ouvert et baigne dans une énorme flaque de sang. Je me précipite vers lui et m’agenouille à côté pour voir l’étendu des dégâts. Perforation abdominale. Le fois et la rate sont touchés. Le gros intestin est endommagé. Je n’ai aucun matériel de soin et même si j’en avais, honnêtement, il n’aurait qu’une chance de survie infime. Je lève la tête vers Simon qui me regarde avec un sourire béat.

        -T’as vu ça, Dan ? Je leur ai mis une sacrée branlée, hein ?
        -Carrément, mec. Un vrai démon !
        -Haha ! Kof ! Enfin, j’ai pu me battre. Buter des connards. Grâce à toi.
        -Pas de quoi, mon gars. Sans toi, on n’aurait sûrement pas pu nous en sortir. Pas vrai ?
        -C’est clair.
        -On aurait été submergé.
        -Tiens bois, tu l’as bien mérité.
        -C’est quoi ?
        -L’alcool des vainqueurs.


        Je verse délicatement mon breuvage entre ses lèvres tremblantes. Il est de plus en plus pâle. En quelques secondes seulement, la potion somnifère fait effet et ses yeux se ferment doucement. Il a toujours le sourire aux lèvres. Nous restons tous quelques instants ainsi, à le regarder. On observe notre compagnon d’arme partir, sans souffrance. Au bout de quelques minutes, sa poitrine cesse de se soulever et il s’immobilise. Et merde !

        -Dan ? On fait quoi ?

        Mindy à des trémolos dans la voix et les yeux humides. Dans le centre de formation, on nous a entraîné à réagir à ce genre de situation. Sang froid, calme, refoulement de l’émotion… Ils peuvent bien se foutre leurs leçons dans le cul ! Je me lève d’un bond, le poing tremblant. Je repousse Jason qui est en travers du chemin et m’approche de Harlem qui s’est calmé, vidé de ses forces, se tortillant toujours au sol. Il a presque perdu connaissance. D’un coup de talon, j’écrase son crâne contre le sol, lui arrachant un cri de douleur. Et je recommence. Et je recommence. Encore. Et encore. Et encore. Jusqu’à entendre le « CRAC ». Et je continue encore un peu pour être sûr. Lorsque sa tête n’est plus qu’une bouillie rouge informe, je me retourne, je ramasse un sabre sur un cadavre et je m’approche des salauds qui ont osé se rendre dans l’espoir d’être faits prisonniers. Je passe la lame à travers le ventre du premier qui passe à ma portée. Les autres comprennent vite ce qui est en train de se passer et se relèvent en voulant fuir. Mais Mindy et Jason, restés derrière eux, s’occupe de leur sort avant qu’ils ne puissent réagir. En quelques secondes, les derniers survivants rejoignent leurs camarades en enfer.

        J’écrase une larme, je lâche le sabre et je tombe en arrière, me retenant au bastingage. Putain de mission…

          Le temps est suspendu. On est là, tous les trois à échanger des regards furtifs. C’est vraiment parti en couille sur ce coup-là. Pauvre Simon, c’était un brave gars. L’odeur de sang a tout envahit. Le silence est total, mis à part Skippy qu’est carrément en train de péter un câble, complètement shooté aux vapeurs de rhum. Putain, mais pourquoi c’est pas lui qu’est mort ? Mindy le regarde avec haine et me lance une interrogation silencieuse. Je secoue la tête doucement. Un mort dans nos rangs, c’est largement suffisant. J’interpelle Jason.

          -T’as tout ton matos sur toi ?
          -Bien sûr, comme toujours. Tu penses à quoi ?
          -A une bombe. On va envoyer cette saloperie de navire par le fond. Je ne veux plus jamais en entendre parler.
          -Mais… Comment on va rentrer ?
          -T’inquiète, on va leur piquer leurs petites navettes avec lesquelles ils sont venus à notre rencontre.


          Il acquiesce et sort de son sac à dos des composants qu’il se met à assembler avec frénésie. Je me lève et m’approche du corps sans vie de Simon. Il faut récupérer sa plaque de Cipher Pol. Je la remettrai au QG qui se chargera de prévenir sa famille si il en a. Son corps, on ne peut pas se permettre de le ramener. De toute façon, si on le faisait, la révolution voudrait le garder. Un mec qui a passé sa vie a tenté en vain de faire tomber la révolution, on va quand même laisser sa dépouille entre leurs mains.

          -Mindy, fouille les cadavres. Ils ont l’air d’être blindé de thunes ces enfoirés.
          -Fouiller les morts ? C’est pas un peu…
          -Quoi ? T’as du respect pour eux ? Tu penses qu’ils en auront besoin là où ils sont ?
          -Non… T’as raison.


          Pendant ce temps, moi, je décide d’aller fouiller la cabine du capitaine. S’il y a bien un endroit où il y a moyen de trouver quelque chose qui a de la valeur, c’est là-bas. Ne serait-ce que pour récupérer son super whisky et ses cigares ! Ce serait dommage que de telles merveilles finissent aux fonds des abysses. J’entre et je fais le tour du bureau pour ouvrir un à un tous les tiroirs. J’y trouve des berrys en liquide, la fameuse boîte de cigares, des armes. Je trouve aussi des documents et des plans de QG marines mais ça je m’en branle. Je les balance par terre sans trop m’en occuper.

          Mais, le dernier est fermé. J’ai beau tirer, impossible de l’ouvrir. Il y a sûrement une clef cachée quelque part. Ou alors un mécanisme particulier. Rien à foutre. Je fais tournoyer mon bras afin de remplir mes batteries d’énergie et je frappe de toutes mes forces sur le bureau. La grosse planche de bois se fissure légèrement. Je recommence et la fissure augmente. Encore une fois et elle vole en éclat. Je peux donc voir ce que contient le tiroir. Bizarrement, il n’y a qu’une unique feuille. Je la prends. C’est un document recouvert de symboles étranges. Mais c’est…


          -Des ponéglyphes !
          -Qu’est-ce que tu as dit ?


          Mindy vient d’entrer dans la cabine.

          -Hein ? Quoi ? Heu non, non, rien ! Tu as trouvé des trucs ?
          -Un peu de thune, ouais. J’ai récupéré les armes aussi, ça fera plaisir à la base de nous voir rentrer avec des cadeaux.
          -Ouais t’as raison. On va tout charger sur les navettes et foutre le camp d’ici. T’as fait un tour aux cuisines ?
          -Ouais, Jason y est déjà. On a presque tout pris, haha !
          -Nickel. Bon ba on se casse. Vous avez récupéré l’autre abruti ?
          -Hein ?
          -Skippy.
          -Ha ! Ha ba non, t’as bien fait de le dire, je l’avais zappé.


          Elle ressort aux pas de courses et je glisse la feuille dans la poche intérieure de mon manteau. Mindy et Jonas sont devenus de véritables amis mais tout de même. Ils pourraient être tentés de remettre un document avec des ponéglyphes aux supérieurs. Pas question de le filer avant de savoir ce qu’il y a marqué dessus. J’enfourne les berrys dans mes poches et je sors de la cabine les bras chargés d’armes, de boites de cigares et de bouteilles d’alcool luxueux. Jason a déjà amarré trois navettes qu’ils ont rempli presque à ras bord de victuailles et d’armements en tout genre. Il m’annonce que la bombe est en place, au fond de la cale. Aucune chance que le navire survive à un trou central dans la coque. Je saute par-dessus bord pour atterrir sur un tas de jambons. Skippy est à l’arrière. Il roupille, le nez et les pommettes rouges. On active nos moteurs et on s’éloigne.

          -Vous voulez dire un mot pour Simon ?
          -Non. La flemme. De toute façon, il peut plus nous entendre.
          -Il savait très bien ce que je pensais de lui.
          -Okay.


          Jonas active un bouton sur une petite télécommande et une violente explosion retentit, manquant presque de me faire chavirer. De la fumée s’élève et après seulement quelques minutes, le haut du mat disparaît dans une mer de bulles. Il ne reste plus rien, comme si rien ne s’était jamais passé. Si ce n’est le vide que l’on ressent tous les trois. Je me retourne alors sans dire un mot et on démarre, direction Luvneel. Mission accomplie. Avec perte et fracas.