Au coeur des Bermudes

Voilà quelques jours déjà que j'ai fini cette foutue mission sur Kage Berg. Une mission nulle, dans un trou paumé. Je suis en attente de mission depuis et j'espère que Roger va faire un effort pour me dégoter quelque chose d'intéressant. Le dossier de la chaise qui me soutient souffre, ça doit faire une bonne heure que je m'assois dessus, avec devant moi ma petite table sur laquelle se trouve quelques livres et de la paperasse. Agent en formation... un boulot ingrat au plus haut point.

" - Wallman, Roger t'appelle. "

Un énième homme en costard, chapeau sur le crane et lunettes noires en main. Un sbire, un type qui se trouve encore plus bas que moi. Et dire que je ne peux même pas les diriger ces sous-fifres. Tout ça parce que j'ai hérité d'un grade nul. Bon, espérons que Roger soit moins lourd que la dernière fois et qu'il m'offre quelque chose de bien à me mettre sous la dent. J'entre dans son bureau, qui reste inchangé. La pièce est petite, toujours les mêmes quatre murs de couleur beige. Au fond se trouve une étagère contenant des tonnes de classeurs et aux deux extrémités il y a des tables sur lesquelles se trouvent des montagnes de papiers.

Toujours autant plongé dans un travail qui a l'air intéressant pour lui, barbant selon moi. Il lève la tête ayant entendu le grincement de la porte de son petit chez lui. La porte grince beaucoup, ce qui a le mérite d'avertir l'homme de l'arrivée de visiteurs. Faut dire qu'il est un peu sourd sur les bords, alors tant mieux pour lui, cela lui évite d'avoir peur lorsqu'il s'aperçoit qu'il y a quelqu'un devant lui.

" - Vous revoilà donc agent Wallman... Vous avez une mission, m'voyez. Sur Hinu Town....

- Inu Town ?

- Non, Hinu Town. Avec un H devant, m'voyez. Comme dans hallo. Vous savez, on dit hallo quand on parle par escargophone... Ahin. Ahin. Arrêtez de me déconcentrer agent Wallman.

- Euh... "

Déjà on dit allô. On m'a raconté à la machine à café qu'il venait d'un endroit où on parlait un dialecte composé de H, de mots compliqués et de beaucoup de sch. Foutue diversité de langages. Pourquoi tout le monde ne parle pas comme nous ?

" - Je reprends et veuillez ne pas me couper la parole, m'voyez. On suspecte le lieutenant Mackzowitich de détournement de fonds... les rapports en sont pas nets... Il ne fait que ramener des Berrys,jamais - ou presque - d'objets précieux... On le suspecte de les prendre pour lui, m'voyez.

- D'accord.

- Pour votre couverture... Et non je ne ferai pas la même blague, n'est-ce pas. J'ai ramené ma couverture chez moi, je me suis dit qu'il fallait mieux que je dorme chez moi plutôt qu'au bureau, m'voyez.

- Et donc ?

- Vous serez... Henri Aitdeveau ! "

Mon regard reste figé sur lui et je place la paume de ma main droite sur mon visage. Ah mince, j'ai mon masque c'est vrai. J'me suis défoncé les doigts en plus sur mon masque. Roger, ton titre de "poids-lourd du CP4" est amplement mérité.

" - ...

- Je sais que vous trouvez ça chouette, je sais je sais... Vous serez caporal pour cette fois-ci, m'voyez.

- ... et pour le transport ?

- Tenez, vos billets... et vos affaires vous attendent là où vous savez.

- Merci Roger. "

J'arrache mes billets aux mains de cet imbécile et me barre de son fichu bureau, toujours énervé qu'il me prenne pour un con avec ses noms de couverture bidons. Ce n'est pas juste ! Y'en a qui ont des coordinateurs sympa et intelligents, moi j'ai... Roger. Flûte.

Le voyage fut moins long que celui pour aller à Kage Berg, car le navire que j'avais emprunté était plus rapide et l'île se trouvait moins loin par rapport à Marijoa. Le soleil est au rendez-vous à mon arrivée. Il est rayonnant, comme à son habitude. Quelques nuages éparpillés gâchent cependant un ciel qui aurait pu être d'un bleu éclatant, mais je ne me préoccupe pas de ça. Le beau temps est de mise, les imperfections ne m'importent guère.

J'entame une légère visite de la cité d'Attalia. Je n'ai jamais vu de telles architectures. De nombreuses colonnes ornent les rues et s'élèvent dans le ciel. La plupart des maisons sont à la couleur du sable. Peut-être faites dans cette matière, mais ça, je ne le sais point. Mes études se sont limitées au strict nécessaire, à ce que l'on apprend à l'école. Je n'ai aucune qualification, c'est pathétique... mais bon, je me rassure en me disant qu'on peut réussir sans si on prouve qu'on vaut quelque chose.

J'écourte la visite de la ville. Ça me saoule déjà. Il faut que je remplisse ma mission, apprécier l'architecture du coin ne va pas m'aider dans ma tâche. La garnison se trouve dans la ville, maintenant il faut savoir où.

Je demande à plusieurs passants avant d'en trouver un qui a connaissance de l'emplacement de la base. Il m'indique le chemin, je le retiens, le suis et arrive enfin à cette fichue garnison. Si mon trajet est assez simple à décrire, il n'en resta pas moins long. La ville étant grande, je me suis perdu de multiples fois, avant de retourner sur mes pas afin de suivre scrupuleusement les directives de mon bienfaiteur.

M'y voici. La façade de la caserne est imposante. De grands murs bordent l'établissement et des miradors sécurisent le tout. Des gardes surveillent l'extérieur. Bref, une base de la Marine bien différente de celle de Kage Berg. C'est peut-être dû au fait que l'île soit potentiellement plus clame qu'Hinu Town. A vérifier tout de même.

J'entre dans la peau de mon personnage. Caporal Henri... Henri quoi déjà ? Ah oui. Henri Aitdeveau. Bordel. Merci Roger, toujours un plaisir d'expérimenter tes blagues sur le terrain. Un garde m'intercepte à l'entrée.

- Qui êtes-vous ?

- Bonjour soldat. Caporal Henri Aitdeveau.

Je vois que l'homme sourit à ce nom. Franchement... je ne serai jamais crédible sur le terrain avec un coordinateur aussi stupide.

- Un peu de sérieux soldat.

- Oui. Désolé.

- Je suis nouveau.

- Ah ! Alors attendez, je regarde la liste des nouveaux...

Le marin regarde une feuille posée sur un support. Un classeur ou quelque chose comme ça. Le poste de contrôle se trouve en amont de la véritable entrée qui est très sécurisée. Ici, seulement quelques marins de faction pour vérifier les identités de chacun. C'est l'endroit où je suis. À vrai dire la base a été construite un peu à la va vite, ils n'ont pas vraiment pensés à un poste d'analyse des identités. Cela a eu pour conséquence l'élévation d'un mur tout autour de la garnison, avec la création d'une entrée moins grande, moins belle, mais plus fonctionnelle que l'entrée d'origine.

Le fonctionnaire se dirige vers moi, sans l'once d'une quelconque expression pouvant me confirmer ma présence sur la liste. Dans le cas contraire, je me retrouverai bien gêné.

- C'est bon, vous pouvez y aller.

- Je te remercie.

N'empêche, me vouvoyer m'a fait pousser des ailes. Ça me rappelle l'époque où j'étais dans la pègre. Non pas en tant que simple homme de main, bien que je l'eus été, mais en tant que chef. Au pouvoir limité, certes, mais j'avais quand même des hommes sous mes ordres et le respect qui était dû à mon rang. Les trois années que j'ai passées avec ce poste sont sans conteste mes meilleures années de ma vie.

La grande porte se dresse fièrement devant moi. Je me tiens droit, défiant presque l'entrée de la garnison. J'ai hâte de connaître les secrets que ses occupants renferment en eux. Un léger zéphyr caresse doucement mon visage, épousant mes traits. Je souris. Enfin une mission digne de ce nom.

Au-dessus de la grande porte est sculpté des détails esthétiques qui s'harmonisent parfaitement avec l'endroit. La porte en elle-même est ouverte. Elle est faite d'un bois sombre totalement uniforme et à certains endroits se trouvent des morceaux d'aciers utilisés pour faire fonctionner le mécanisme d'ouverture et de fermeture. Une si majestueuse entrée annonce la couleur sur la beauté de la base. Du moins je l'espère, c'est toujours plaisant de travailler dans un sublime cadre.