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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

- C'est pas qu'on a quelque chose contre vous capitaine Biutag... mais on a rien pour non plus.

Rien de tel que la paix pour que les héros et les braves ne s'engraissent et ne s'affaissent. Pancho Shima, colonel - paraît-il - émérite de la marine régulière s'était donné la peine de recevoir cet invité de marque qu'était le capitaine corsaire nommé sous les augures de Greed. Plus qu'une invitation mondaine entre gens du même monde pour ne pas dire entre raclures, recevoir le cafard dès qu'il arrivait sur une île tenue par le gouvernement mondial tenait du protocole. Dissipé, peut-être même facétieux et taquin, Joe avait le don de créer quelques menus remous partout où il s'installait. D'aucuns - mauvais esprits - auraient même été jusqu'à prétendre que sa présence avait quelque chose de nuisible pour tous ceux susceptibles de l'approcher.
Pancho n'était ni un zélé contributeur à l'effort de guerre du G.M ni un parangon de Justice. Qu'on lui foute la paix, il n'en demandait pas plus. Des années entières à administrer ce nid de casinos et de bordels l'avaient ramolli si tant est qu'il y ait jamais eu quoi que ce soit de solide en cet homme. Sa vie était un long fleuve tranquille car, en dépit de la présence massive de flibustiers venus frayer et se ruiner dans les tripots de Kikai, la paix régnait. À croire que le vivre ensemble™️ n'avait besoin que de flux massifs d'argent pour que le ciment puisse prendre.
Vivre ensemble, n'était décidément pas le crédo du cafard. Pragmatique, calculateur même, il était parvenu à la conclusion selon laquelle les cadavres généraient plus de fortunes que les vivant du moment que les cartouches étaient destinées aux bonnes personnes.

Un colonel mal rasé assis dans son fauteuil à remuer délicatement le whisky dans son verre, un corsaire à l'allégeance douteuse trônant devant son bureau les bras croisés, on avait là le plus beau portrait de la déliquescence de ce corps constitué autrefois honorable qu'était la marine. L'un et l'autre se jaugeaient mollement, considérant celui qu'ils avaient en face comme un fieffé casse-couille venu rompre la monotonie de sa roublardise. Pancho laissa passer un filet de whisky entre ses dents pour en savourer l'arôme.

- Et là mon colonel ! C'est comme ça qu'on reçoit ses alliés, que dis-je, ses frères d'armes ?! hin-hin-hin. Qui vous dit que l'entente ne sera pas cordiale ? Je viens, je vaque, je vais, je ne fais rien de mal. Alors pourquoi tant de remontrances déjà ? Hein ?!

Avec la sournoiserie d'un virus venant demander à un système immunitaire de baisser sa garde, Joe aussi aspirait à la paix, celle qu'on lui foutait pendant qu'il s'adonnait à quelques activités que la loi tend à réprouver. Seulement, il laissait des traces derrière lui, des traces dont l'odeur se rapprochaient dangereusement du souffre tant la poudre y était mêlée. Le colonel sortit un rapport qu'il posa sur son bureau avant de se gratter le ventre, faisant étalage de son absence absolue de prestance.

- Il s'est passé des choses capitaine...

Des "choses" pour le moins fâcheuses puisque sur Allod, île qu'il avait quitté il y a trois jours à peine, un débit de boisson avait pris feu avec à l'intérieur des officiers de marine et les compagnons du cafard, courageusement abandonnés à leur triste sort par un capitaine aussi responsable que soucieux de leur bien-être. Le rapport faisait étalage de la curieuse incidence entre le début de l'incendie et la présence de Greed sur les lieux du crime.

- Ah tiens ? Un incendie ? C'est curieux. Mais je me suis renseigné colonel, la plupart des casinos ici sont construits de sorte à éviter les incendies criminels. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.

Rangeant le document, Pancho étouffa une légère quinte de toux avant de se rincer à nouveau le gosier - plus généreusement cette fois. Grinçant des dents du fait de l'âcreté du liquide venu lui écorcher l'œsophage, il reporta son regard sur cet encombrant corsaire.

- Capitaine Biutag... Le simple fait que vous ayez cherché à vous renseigner sur la propension des casinos à prendre feu vous rend déjà suspicieux à mes yeux.

Il y avait de quoi.

- Écoutez... je veux pas de conflit ou de je ne sais quoi. Vous capturez des pirates ? Tant mieux. Vous gagnez à la roulette ? Mes félicitations. Mais... si j'apprends qu'il y a eu des pillages d'établissement durant votre présence ici... j'appelle directement Marie-Joie pour avoir une dizaine de croiseurs en renfort.
C'est pas contre vous hein ! Mais hein... voilà quoi.


Sans se braquer, stoïque, Joe acquiesça vivement à ce qui venait de lui être dit.

- Vous inquiétez pas, je comprends tout à fait. Aucun problème.

On l'aurait cru sincère tant il avait répondu avec entrain et bonhomie.

- Je vais faire un peu de tourisme, m'imprégner de la culture locale, faire des promenades sur la plage, jouer aux machines à sous et passer un bon moment avant de repartir la tête pleine de souvenirs inoubliables.


Aurait-il crié au colonel «Je me contrefous de tes menaces de fonctionnaire espèce d'infâme connard d'éléphant de mer à la manque» que l'impression dégagée par cette dernière phrase eut été interprétée de la même manière. Il avait l'art et la manière de se foutre du monde. Le cafard était nuisible, le cafard cafardait, on ne pouvait pas lutter contre certaines réalités bien ancrées dans la nature. Que ce soit d'une manière ou d'une autre, Greed allait contrarier le gouvernement mondial. C'était inéluctable.

- Ce sera tout pour les politesses d'usage colonel ? Je peux vous envoyer chier et prendre congé ?

D'un air de dire "Je vous en prie", Pancho fit signe à son invité qu'il était libre de sévir. Aujourd'hui un Dimanche, les casinos étaient fermés, cela lui permettait de bénéficier d'un sursis de plusieurs heures avant de devoir montrer les muscles. Ce n'est que lorsque le cafard disparut du collimateur qu'il soupira lucide :

- Avec des alliés comme ça... on se passera d'ennemis.

***

Il n'avait pas menti. En tout cas, seulement partiellement, ce qui pour lui était un effort en soi. Joe s'adonnait aux activités stériles et rébarbatives du vacancier moyen. Recouvert de sa toison de fourrure noire en dépit de la chaleur, un cafard touffu et à casquette - son Burn Bazooka reposant sur l'épaule - errait sur la plage seul. Seul, car on ne venait pas à Kikai pour se bronzer le joufflu. Même si les casinos demeuraient résolument clos en ce jour, les bordels récoltaient les malheureux ludopathes qui, en manque de carte à tripoter, se reportaient la mort dans l'âme sur des demoiselles aux tarifs abordables.

Greed ne donnait pas dans le stupre. Toute pulsion issue des bas instincts était chez lui retranscrite en soif cupide qu'aucune somme d'argent ne pouvait suffisamment désaltérer. S'il marchait sur la plage ainsi irradié par le soleil couchant, ce n'était pas par mélancolie mais par nécessité.
Sur une île où l'on se vautrait dans l'oseille, on ne savait pas s'emparer des réels trésors pourtant à portée de main. Avide compulsif, Joe n'était pas intéressé par l'idée de manier les jetons. À dire vrai, il exécrait les jeux de hasard. Le hasard était selon lui une aberration scientifique et toute forme de chance ne survenait pas ex nihilo mais était provoquée par une pluralité de facteurs échappant généralement au commun des mortels. Sa force, c'était de déterminer ces facteurs et les faire agir selon son bon vouloir ; la chance, le cafard la provoquait.

Parmi les facteurs susceptibles de faire sa fortune : un plan. Fouiller les archives bibliothécaires menait à bien des découvertes valant parfois tout l'or du monde, ou en tout cas, à des sommes capables de ravir son homme. L'île entière était parsemée de galeries souterraines. Il ne s'agissait pas d'égouts, c'était autre chose, quelque chose censé demeurer secret mais qu'un zélé architecte - manifestement trop orgueilleux et trop fier de son ouvrage - n'avait pu s'empêcher de consigner dans les archives de la ville dans l'espoir d'accéder à la postérité à titre posthume. Si le plan du cafard consistant à cheminer sous terre jusqu'à se situer sous les coffres-fort des casinos afin de mieux rafler le pactole une fois le sol percé venait à se concrétiser, la postérité de l'architecte irait de paire avec une peine de mort justement assortie. L'orgueil s'apprêtait à faire le lit de la cupidité.

- Nous y voilà.

L'accès au souterrain se faisait via une trappe métallique en principe recouverte de sable sur la partie Ouest de la plage. En principe, car quelqu'un avait déblayé avant lui. Il ne serait pas seul dans les dédales qui l'attendaient.

- Allons bon. Va falloir que je fasse du ménage maintenant.



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Les parois métalliques du laboratoire étaient couvertes de vase, de moisissures et de balanes. Une odeur de varech émanait dans toute la galerie alors qu’un crabe blanc émergeait de son abri de fortune. En remarquant la présence de la grande femme cornue habillée de noir, le crustacé couru de guingoi se cacher derrière des débris de bouteilles brisées. Rowena avançait si vite au milieu de ces couleurs sombres qu’elle semblait presque glisser sur le sol, toujours aussi élégante et impérieuse même en l’absence de monde. Tenant une lampe à huile dans une main pour s’éclairer et son bâton climatique dans l’autre, Rowena progressait dans les boyaux de ce complexe qui paraissait plus grand encore qu’un palais. Elle avait trouvé l’entrée cachée grâce aux racontars d’un gredin filou déjà longtemps parti de Kikai et arpentait les couloirs depuis de longues minutes à la recherche de vestiges des recherches effectuées ici. Elle savait que la Marine l’avait entièrement engouffré sous les flots trois ans auparavant, mais l’eau avait eu le temps de s’évacuer et le laboratoire semblait à présent praticable.

La scientifique avait entendu parler des travaux qui avaient été effectués ici : des expériences mystérieuses sur les fruits du démon de type Zoan. Pour beaucoup de monde, les Zoans ont tout à envier aux Paramécias et aux Logias et seraient bien moins puissants que ces deux derniers types. Mais Rowena ne s’abaissait pas à de telles considérations et savait qu’ils pouvaient être très virulents...voir carrément instoppables dans certains cas. Depuis qu’elle avait appris ce qui s’était tramé dans ce complexe, elle n’avait eu qu’une idée en tête : pouvoir mettre la main sur des vestiges de ces recherches. Elle maudissait la Marine d’avoir fait noyer les labos, ces imbéciles auraient pu utiliser ce qui avait été trouvé ici, et même réutiliser le complexe en l’aménageant à leur façon pour servir leurs propres intérêts.

Un fracas soudain produisit un écho sourd au loin en se répercutant sur les parois des couloirs. Rowena n’avait pas parvenu à savoir ce que c’était. Un cri ? Un éboulement ? Peut être que des squatteurs avaient décidé d’élire domicile dans ces vestiges modernes. Bien que l’endroit soit relativement humide, personne ne viendrait les chercher ici. Ou peut être qu’un monstre marin avait réussi à se faufiler à l’intérieur lorsque l’endroit fut englouti, ça aurait sans doute plus plu à Rowena. Au moins, sur les monstres marins il y a plusieurs éléments utiles à prélever pour servir d’ingrédients à ses potions. Sur les clochards, rien de très ragoutant à part des maladies…

Tournant à droite, elle déboula sur une grande salle au plafond en dôme. Ici, les choses commençaient à être plus intéressantes. En effet, c’était la première vraie salle qu’elle croisait depuis son entrée dans ces souterrains. Elle était jonchée de bâches salies par l’eau et la terre, des éclats de verre brisés étalés partout. Ce jardin de cristal épineux comptait quelques bosquets d’algues déposés ça et là par l’eau au milieu desquels on pouvait trouver de vieux ustensils détraqués ou rongés par la rouille. Rowena reconnut un set de scalpels nécrosés et tordus, éparpillés à côté d’un support pour papier complètement délavé. Un peu plus loin, elle remarqua un tas de feuilles caché sous un alambic cabossé.

- Hm...Voyons ça.

Elle se baissa pour attraper les papiers encore humides et tenta de les déchiffrer. Malheureusement pour la cornue, il était impossible de comprendre quoi que ce soit sur ces notes grossières. L’encre était soit effacée, soit les mots bavaient de toutes parts sur le papier imbibé d’eau. Rowena crut reconnaître les mots “test” et “appréhension”, mais rien ne pouvait réellement confirmer qu’elle avait bien réussi à déchiffrer. Utilisant sa canne climatique, elle entreprit de réchauffer le papier pour en retirer l’eau. Elle laissa retomber lamentablement la paperasse lorsqu’elle remarqua que tout ceci était inutile.

BRAM !

- Put….e mer...de…!

Rowena se retourna brusquement vers le couloir d’où elle provenait. Un écho venait de retentir, quelqu’un était entré dans le souterrain. Le juron se répercutait sur les murs de métal, visiblement ce nouveau visiteur n’était pas des plus délicats. Qui était-il ? Un pillard avide de trésors ? Un squatteur ? Ou alors un autre scientifique qui lui aussi désirait mettre la main sur les recherches de ce labo ? Dans les trois cas, Rowena pourrait en tirer quelque chose. Un pillard était un être peu scrupuleux qu’elle pourrait aisément manipuler pour l’aider à trouver ce qu’elle voulait. Un squatteur serait trop idiot pour lui refuser quoi que ce soit, elle gagnerait le jeu des négociations haut la main. Et un confrère pourrait éventuellement la renseigner un peu plus, elle jouerait la carte de la science à faire avancer...avant de le poignarder dans le dos une fois les recherches acquises. Ça lui semblait être un bon plan.

La grande femme décida alors de se mettre en route pour aller aux devants de cet intru. Elle se souvenait du chemin qu’elle avait emprunté, beaucoup se seraient perdus. Les insultes redoublaient de plus belle, la chimiste crut comprendre qu’il insultait la mère de quelqu’un ? Visiblement femme de petite vertu, elle occupait un poste de coureuse de remparts et faisait fréquemment le trottoir. Il allait sans dire que l’enfant de cette femme ne devait pas être bien fier. L’insulte fut suivie d’un grand coup portée sur un débris et un fracas de verre brisé retentit alors dans les tunnels. Peut être pourrait-elle prendre les devants en jouant les intrigantes, c’est ce qu’elle savait faire de mieux. Avec un peu de chance, elle pourrait arriver à ses fins plus tôt qu’elle ne l’espérait.

- Hé bien ! Cria-t-elle de sa puissante voix. Quel organe mon cher. Et vous possédez un vocabulaire étonnamment varié.

Un silence de quelques secondes s’en suivit. Mais néanmoins l’interlocuteur ne se fit pas plus attendre.

- Tu vas voir mon bel organe ribaude, tu vas le sentir même !

Rowena lâcha un soupir désabusé...Un maniaque sexuel, il ne manquait plus que ça. Sans doute aurait-il peur lorsqu’il la verra...après tout, tout le monde serait terrifié face à une femme qui ressemblait au diable, même un psychopathe au sexe levé. D’un geste, elle forma un double d’elle même qu’elle envoya plus loin devant-elle dans le couloir grâce à sa baguette climatique. Ça lui permettrait de gagner un peu de temps sur son adversaire et de le prendre par surprise. Il voulait la prendre, il allait être déçu !
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Fraîchement débarqué, un Mahach méconnaissable déambulait tranquillement sur les boulevards de Kikai. S’il avait les deux mains dans les poches, ses yeux se portaient sur tout ce qui le dépassait. Et vu la taille des bâtiments, il dût ralentir son allure décidée afin de capter pleinement tout ce qu’il pouvait voir. Et ici, ces choses là ne manquaient pas. Tout était fait pour ruiner les touristes : des casinos bruyants et rutilants aux boutiques de souvenirs surchargées en passant les différents bars et auberges qui usaient de rabatteurs afin que les pigeons n’aient pas le malheur de se diriger chez les concurrents.

Mais aujourd’hui, rien de tout cela ne l’intéressait. Non, les casinos n’étaient qu’une façon de finir dépouillé ou encerclé par des gorilles des familles mafieuses si cela tournait au vinaigre. Les boutiques de souvenirs ? Très peu pour lui. Ceux qu’il préférait garder étaient d’un tout autre acabit. Les rades ? Peut-être plus tard, et puis c’était un coup à finir ivre et comme il avait l’alcool plutôt mauvais ou dépressif, il préférait éviter dans cette ville dirigée par la pègre.

Non, il voulait se faire tout petit. Se faire oublier un temps. Or, on lui avait soufflé la présence de maisons closes. C’était de cela qu’il avait besoin et c’était cela qu’il recherchait. Il était venu ici en quête de bon temps et de chaleur humaine monnayée, et sûrement même fortement taxée.

Et il trouva enfin son bonheur, après plus d’une demi-heure d’errance sur cette île moderne.
Il se dirigea alors vers ce charmant petit établissement où une prostituée blonde, un verre de champagne à la main, faisait du charme à quiconque osait s’approcher trop près sans même savoir si la personne était intéressée ou non. Les pierres étaient peintes du même rouge vif que celui de la passion, et d’ici, les rideaux en velours de même couleur paraissaient lourds mais devaient assurer une ambiance tamisée, propice aux services que la maison offraient.

La fille de joie à la robe noire bien échancrée devina les désirs de Mahach. Ce n’était pas bien dur, il s’approchait de plus en plus de l’établissement. Elle se mit à agir sensuellement, en tournant son champagne dans la flûte.



- On vient passer du bon temps, gros dur ?
- Ouais. Mais t’es pas mon genre.




Il lui avait répondu du tac au tac, sans méchanceté aucune, alors qu’il poussait la porte du bordel, recouverte du même velour rouge que les rideaux. Mais la ribaude avait été piquée dans son amour propre.



- Va te faire foutre, connard !
- J’y compte bien, mais avec toi j’t’ai dit
, lui rétorqua-il machinalement. Ce à quoi elle lui répondit d’un doigt d’honneur dans son dos.


La maison close ressemblait fortement à un bar un peu plus chaleureux que la moyenne, même en oubliant les donzelles à moitié dénudées qui poussaient de petits couinements de désir ou qui gloussaient stupidement au bras de leur pigeon d’un soir. Il y avait un comptoir surélevé de marbre qui prenait une bonne partie de la place disponible, et le reste était rempli de quelques chaises, rarement plus de quatre autour d’une table. Derrière le comptoir et la mère-maquerelle, un seuil sans porte marquait l’accès à l’étage du dessus.

Une des filles vint presque immédiatement fondre sur Mahach, lui passant délicatement l’index dans le dos avant de tenir l’épaule.


- Chouette ! Un basané !


Il restait imperturbable, voire même fermé. Comme si tout le petit manège mis en place ne le touchait pas et qu’il venait pour tout autre chose. Un peu comme un contrôleur de fraude ... jusqu’à ce qu’il ouvrit la bouche pour s’adresser à la mère-maquerelle, une rousse plus agée que les autres filles mais toute aussi maquillée et décolletée.


- Bonjour mon chou. Qu’est ce qu’il lui f’rait plaisir ?
- La brune et la crêtue, là, là-bas.
- Oh, mais c’est qu’il est gourmand ! Il s’est pas fait plumer en jouant aux jeux d’argent ? Il est sûr de pouvoir s’les payer ?
- Il est sûr ouais. Combien pour qu’on ait d’quoi boire, manger, et être tranquilles un bout d’temps ?
- Oh, mais c’est que tu dois avoir une sacrée bourse, beau brun !
lui gémit à l'oreille la brune qui l’aguichait depuis son arrivée. Mahach ne la calcula même pas.
- J’sais pas, j’dirais ...
- Un million. A prendre ou à laisser.
- Ouais, j’prends. On s’en content’ra ... Chambre 12. Alexia, Romane : au boulot ! Et j’te préviens, tu m’les rends dans l’même état qu’tu m’les as prises ! On sait jamais. Avec ta gueule on dirait un détraqué ...



Dernière édition par Mahach le Ven 2 Mar 2018 - 19:25, édité 3 fois
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- Alors comme ça, la gueuse veut du bel organe hein ?

À maugréer à voix basse comme le dément qu'il était, le cafard n'aurait pas imaginé tomber sur sa proie aussi rapidement. Puisqu'elle se dévoilait au grand jour - en dépit de l'obscurité flagrante des lieux - l'heure n'était plus à la traque furtive et feutrée. D'après la voix, on devinait que l'objet du courroux Blattard n'était nulle autre qu'une femme. Joe appréciait les femmes. Elles étaient en général bien plus frêles que les hommes et moins disposées au combat ; pour en avoir crevé par wagons entiers, il connaissait son affaire et se réjouissait déjà du massacre à sens unique qu'il s'apprêtait à commettre sans vergogne ni galanterie.

On en avait appelé à son bel organe, l'occasion faisant le larron et, ne voulant pas décevoir la malheureuse, un long et épais flagelle noir s'échappa de sous son manteau de fourrure. Elle ondulait, se tortillait et à son bout, un crochet aiguisé frémissait à l'idée de se réchauffer dans la chair qu'il serait amené à perforer. Elle était imprudente, elle était seule, Greed mettait alors d'emblée tous les atouts de son côté pour mener à bien sa besogne et l'achever tout aussi rapidement.

Voûté en avant, son Burn Bazooka toujours porté à l'épaule droite, il évoluait lentement mais sûrement dans le couloir qui l'amenait dans une pièce plus sombre encore que les ténèbres dans lesquels il évoluait jusqu'à présent. D'aucuns l'auraient trouvé effrayant pour peu qu'il ne se serait pas aussi lamentablement ramassé avec fracas comme il le fit en trébuchant sur un je-ne-sais-quoi qui traînait par terre. Réceptionné sur le menton, le bazooka glissant sur le sommet de son crâne : il était vaincu.
Bien que l'affrontement fut court - inexistant même - Joe n'avait pas à rougir de son admirable combat. Après cette défaite subite, les troubadours chantant ses louanges entameraient des sérénades sur ce panache avec lequel il avait lancé un mémorable "Merdedemerdedemerde naaaaAAAAAAAN !" avant de heurter le sol et perdre momentanément connaissance. C'est par radinerie qu'il n'avait pas amené avec lui de lampe à pétrole. "Au prix du combustible par les temps qui courent ?!" s'était-il dit sans même en connaître le montant exact ou approximatif "Je peux me fier au flair" avait-il conclu. Son flair était alors défaillant car présentement affairé à débiter quelques centilitres de sang après que son arrête nasale ait violemment percuté le plancher métallique chargé de le réceptionner.

Puru puru, puru puru !

Puru puru, puru puru !

Puru puru, puru puru !

Puru puru, puru puru !


Puru puru, pu...*clac*



- MmMmmmmMh ?....


- Bonjour monsieur, agence ICCES*, auriez-vous quelques minutes à nous accorder ?

Son interlocutrice éconduite poliment - c'est ce qui sera en tout cas retenu pour la postérité - le cafard, fraîchement réveillé par le son strident de son escargophone, revenait à lui et s'installa assis, hagard. Ses déboires n'avaient pas duré cinq minutes mais il lui semblait avoir comaté plusieurs mois durant. Ce n'est qu'en levant la tête qu'une vision cauchemardesque le tétanisa aussitôt que ses yeux se portèrent dessus. Une paire de cornes ornait le crâne de l'inconsciente ayant appelé de ses vœux à leur interaction prochaine, de quoi glacer le sang du commun des mortels.

- Mais... mais... mais c'est que ça se vend rudement cher les conneries là !

Galvanisé à l'idée de faire du profit sur la traite d'êtres vivants, il bondit immédiatement pour se diriger vers la silhouette placide et immobile offerte à lui dans le laboratoire enfui qu'il avait pénétré avec pertes et fracas. Il n'était alors plus question de l'éviscérer, la valeur ajouté du produit aurait alors méchamment diminué.

*Institut Casse-Couille Et Sondagier
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Rowena n’en croyait pas ses yeux mais tâchait de rester cachée pour le moment. Après tout, l’homme qui venait de la menacer possédait une queue de scorpion, et donc du venin, mais aussi un canon portatif. Ce genre d’artillerie lourde serait bien susceptible de faire s’effondrer tout un tunnel en un seul tir et la cornue ne désirait pas tenter le diable. Mais ce qui avait réussi à l’impressionner n’était pas les armes de nouveau venu mais son identité. Joe le Cafard, le capitaine corsaire Greed, incarnation de l’avidité et de l’avarice. C’était lui, il se tenait devant-elle, à quelques pas ! Du moins se tenait-il aux pieds du double mirage qu’elle avait créé quelques secondes plus tôt. Visiblement, il avait l’air intéressé et bien moins agressif qu’auparavant. Vraisemblablement il voulait la vendre ? Elle avait déjà donné, on avait déjà essayé de la changer en esclave, ça ne s’est pas bien terminé pour ceux qui ont essayé.

- Me vendre ? Reprit-elle depuis sa cachette. Vous ne tirerez pas grand chose de moi, je ferai peur à tous vos acheteurs.

- Vous seriez surprise des lubies de certains affreux…

- Sans doute. Mais je n’aurai pas l’occasion de découvrir ça, car à l’issue de notre entrevue vous allez faire la dernière chose que vous vous imaginez capable de faire.

- Ah bon ? Quoi ?

- Vous refuserez de me vendre.

Rowena l’entendit rire distinctement, à mi-chemin entre le ricanement et la risée. De son côté, elle avait du mal à cacher son excitation également. Elle se trouvait face à un des êtres les plus admirés, craints et détestés, un pirate qui avait l’aval du Gouvernement Mondial, un type suffisamment intelligent pour avoir échappé à la Marine avec toujours autant d’astuce, qui a vaincu l’ancien Greed en lui volant son propre royaume...et s’il était réellement à la hauteur de sa réputation, alors il serait aussi increvable qu’un vrai cafard. Rowena n’avait nullement envie de le tuer. De toute façon, elle ne le pourrait pas. Non, elle avait sous ses yeux son ticket vers la gloire qu’elle avait toujours voulu atteindre. Une étincelle se mit à pétiller, à crépiter dans ses yeux dorés à la vue du capitaine corsaire. La scientifique ne laisserait pas échapper cette opportunité qu’elle attendait depuis si longtemps.

- Que ce soit sur un stand d’esclavage ou dans un sac d’engrais, tu finiras vendue ma fille !

Le corsaire semblait toujours dans l’optique de tirer de l’argent de sa nouvelle trouvaille. Rowena avait besoin de l’impressionner et de tirer sur sa corde sensible : son avidité et sa soif de richesses. De sa cachette, elle agita son bâton pour matérialiser un deuxième clone derrière le cafard. Ce dernier tourna la tête vers l’apparition, son appendice chitineux devenant plus nerveux, prêt à jaillir pour attaquer.

- On connaît des tours de passe-passe ? Tant mieux, ça fera que monter ta cote.

- Je peux vous apporter bien plus qu’un tas de berries.

- Une tonne de berries.

- Comme vous voudrez. Je peux vous être bien plus précieuse que vous ne pouvez l’imaginer.

Il n’était pas Greed pour rien, et elle le savait. Le Cafard était réputé pour être un pirate fourbe, cruel mais surtout avare, adorant mordre l’or. Les quelques mots qu’il lui avait craché au visage le prouvaient. Rowena espérait attirer son attention en lui montrant sa véritable valeur. S’il était si futé qu’on le disait, alors il verrait la véritable essence de la femme qui se trouvait devant lui. Elle n’avait nullement peur, même s’il la vendait elle finirait par s’échapper ou prendre le dessus sur son acheteur. Non, pour l’instant c’était à elle de bien se vendre aux yeux du corsaire.

- Balance toujours, ça peut servir sur ton descriptif quand tu passeras aux enchères.

- Je suis une éminente scientifique. Et si je suis là c’est pour trouver des vestiges des recherches pratiquées ici.

- Rien à foutre,  tout le monde s’en fout. Ça fait rêver personne les rats de labo.

- Ah ça, je ne vous donne pas tort. Mais je ne suis pas comme tous les autres rats de laboratoires. Non, j’ai travaillé dans les labos royaux du Sultanat de Pétales, j’ai confectionné des armes chimiques pour le sultan et suis capable de manipuler le climat.

Elle façonna deux autres clones pour encercler le cafard. Ce dernier, lassé par ce petit manège, se releva et balaya les spectres d’un revers de sa queue de scorpion. Les quatre mirages disparurent d’un seul coup et Joe se retrouva à nouveau seul dans le couloir.

- Ça me commence à me gonfler tes petits tours de magie.

- Et je peux continuer encore longtemps. D’ici, je suis bien cachée et je vous vois bien.

- Tu veux quoi exactement ? À part m’emmerder bien comme il faut ?

- Je m’appelle Rowena Clown. Et m’allier à un pirate de votre trempe me motive. J’ose avouer sans honte que pouvoir travailler à vos côtés m’intéresse.

- Encore une nana qui agit par intérêt. Peuh.

- Oui, et vous êtes un homme qui comprend la notion d’intérêt.

- Hm, pas faux...


Dernière édition par Rowena Clown le Sam 3 Mar 2018 - 22:21, édité 1 fois
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- Pas faux... mais... je préfère te dézinguer.

Le temps d'estimer le prix de vente s'il l'attrapait en bon état, les taxes et la fluctuation du berry d'ici à ce qu'elle arrive sur un de ses étalages à Shabondy, trop de frais devraient être engagés pour au final un bénéfice bien maigre. Là-haut, à la surface, il y avait des coffres qui ne demandaient qu'à être vidés moyennant un modeste effort de guerre.
Mettant un terme à cette forme hybride plus anxiogène qu'efficace lorsqu'il était confronté à ennemi qui se refusait à révéler son visage, Joe préféra s'en remettre à la vieille école et activa un dispositif de son Bazooka. Pas de gâchette visiblement car seul un son semblable à une aspiration inonda la pièce souterraine où ils s'étaient tous deux enterrés. Elle ne voulait pas se montrer ? Sous peu, elle se jetterai à ses pieds pour l'implorer de lui mettre les chaînes aux poignets.

Ce qui émanait alors du canon de l'arme ne se limitait pas au seul bruit qu'il émettait. Sans avoir à y être souvent confronté, n'importe qui de sain d'esprit et doté d'un système olfactif fiable aurait aisément renâclé la pestilence du dioxyde de carbone qui, lentement mais sûrement, se substituait à l'oxygène vicié de la salle.
Un breath Dial incrusté dans le revers de l'arme, le gaz se relâchait intensément et sans limite. Joe avait ça de fascinant qu'il savait concilier des idées à la fois brillantes et stupides. Qu'elle se révèle ou non au cafard, la fauteuse de trouble était bonne pour la servitude ou le trépas. Seul un bémol de taille demeurait ; comment Greed pensait-il sérieusement ne pas avoir lui aussi à subir les effets de son propre poison ?

En réalité, cette problématique devint vite secondaire puisque la question se posant présentement était Où avait-il disparu ? Son arme posée à terre, débitant inlassablement ce gaz qui aurait sous peu raison de tout ce qui vit dans les environs, Joe n'était plus. Aucun bruit de pas n'avait pourtant écorché les oreilles de Rowena ou de qui que ce soit, et pour cause, il n'y en avait pas eu un seul.
Avec un secret dont lui seul avait le secret, l'incroyable cafard avait disparu. Illusionniste à ses heures perdues, on l'ignorait jusque là si compétent en la matière.

C'était un piège qui était tendu à l'insolente qui avait eu le mauvais sens de croire qu'on pouvait s'adonner à la diplomatie avec un forcené. Dissimulée - où qu'elle fut - le gaz aurait vite fait de l'éradiquer, sous peu, lorsqu'elle ne pourrait plus retenir sa respiration, les premiers vertiges viendraient à bout de sa conscience, puis, à terme, de son existence.
Alors que l'arme était abandonnée là, à même le sol, en évidence, elle n'avait qu'à abandonner sa couverture et désactiver le mécanisme ayant enclenché le breath Dial. C'était si facile que c'en était suspect, c'en était d'ailleurs si suspect que ça paraissait suicidaire.

Une décision devait pourtant être prise, et vite, car déjà, le dioxyde de carbone avait rempli le quart de la pièce de son arôme mortelle.
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Les négociations avaient l’air d’être terminées. Enfin, du côté de la scientifique seulement c’était de la négociation. Joe n’avait pas un seul instant eut l’air de considérer changer ses plans et Rowena comprenait bien qu’il lui tendait un piège. Si elle se déplaçait pour aller arrêter le dial posé au sol, il fondrait sur elle pour la capturer après qu’elle se soit révélée. Et si elle restait cachée pour attendre qu’il réagisse, elle finirait par mourir à cause du gaz diffusé par le coquillage laissé par le corsaire. Il l’avait acculé de telle manière à ce qu’elle soit en position de faiblesse et prise dans ses filets. Malheureusement il la sous-estimait, et ce duel ressemblait plus à un duel d’araignées où l’un voulait que l’autre tombe dans sa toile. Sauf que Rowena était bien moins imposante que Joe, il fallait qu’elle joue plus finement pour pouvoir se faire entendre.

- Pour un homme qui voulait me vendre, je vous trouve bien contradictoire.

Il ne répondit pas à son petit pic mais la sorcière se doutait qu’il devait l’insulter intérieurement. Le pirate insectoïde voulait sans doute rester dissimulé, mais ce qu’il ne savait pas c’était que Rowena se fichait éperdument d’où il était. Se cacher ne servait plus à rien à présent, elle décida de sortir de l’ombre pour se placer au milieu du couloir. Elle avait à peine fait trois pas et s’arrêta net. Le dial continuait d’exhaler son gaz, mais la cornue ne paraissait pas vraiment inquiétée par le coquillage. Il ne l’avait sans doute pas écouté, lorsqu’elle se présentait à lui. Mais elle était une scientifique, capable de manipuler la météo qui plus est. Résoudre ce problème ne serait qu’une simple formalité pour elle. Le gaz, elle connaissait bien.

- Bien tenté. Mais ça ne prend pas avec moi ! Tonna-t-elle de sa puissante voix.

Levant son bras en l’air, l’orbe de son bâton climatique se mit à luire et ce dernier se mit à émettre d’imposants nuages gris. Morceaux de cotons qui se faisaient de plus en plus imposants, ils se logèrent au plafond et un courant d’air frais se fit sentir dans le tunnel. Une seconde plus tard, une pluie diluvienne se mit à tomber face à Rowena, s’abattant de plein fouet dans le couloir de métal et sur le Breath Dial toujours en marche. La cornue affichait un rictus satisfait, échappant à la mort grâce à la science.

- Le dioxyde de carbone se dissout dans l’eau. Navrée mais vous ne me gazerez pas aujourd’hui.

Elle recula d’un pas, serrant fermement son bâton dans sa main. L’orbe à son sommet continuait de briller d’une lueur verte et inquiétante. Elle n’avait pas dit son dernier mot et comptait bien se faire entendre. De toute façon, elle n’avait pas le choix vu l’attitude du Corsaire. Soit il la tuait, soit elle arrivait à ses fins et il ressortait avec elle comme alliée.

- Je n’ai qu’un geste à faire pour projeter des éclairs sous ce rideau d’eau. Et je pense que je n’ai pas besoin de vous faire un dessin sur ce qu’il se passera si l’électricité touche l’onde. Alors, toujours dans l’optique de me tuer ou on peut être un tant soit peu civilisés et discuter calmement ?
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"Discuter calmement". Les mots auraient fait rire aux éclats tout badaud ayant eu l'insigne honneur de se confronter au cafard par le passé ; les faire rire à condition qu'il furent encore en vie pour ce faire. On ne discutait pas avec Joe Biutag, au mieux on subissait, au pire... le pire était de toute manière toujours à venir.
Exit donc la solution finale au CO2, ce ne serait pas pour cette fois. Le registre actuel tendait davantage vers l'épuration à la mode vétéro-testamentaire. Une bonne pluie expiatrice ponctuée du courroux divin via la foudre pour marquer le coup. À trop se prendre pour Dieu on avait vite fait de se retrouver à rendre des comptes à son créateur. D'autant plus qu'elle n'était pas particulièrement ignifugée elle-même, jouer la maline dans ces conditions n'était pas du plus bon ton.

Peut-être même était elle si peu maline qu'elle se parlait à elle-même depuis tout à l'heure. Du peu d'informations qu'on avait sur les pérégrinations du cafard, il avait tout aussi bien pu filer à l'anglaise dès l'instant où son arme avait quitté ses mains, seulement, on se le représentait mal laisser derrière lui un engin de guérilla urbaine dont le coût se chiffrait à près de trente millions de berries.

La pluie était battante et ininterrompue, avec un minimum de patience, on aurait pu considérer l'hypothèse ô combien saugrenue mais convenable consistant à la laisser se noyer sous ses propres artifices. Mais la patience n'était pas le fort de Greed, il lui fallait tout, maintenant et si possible avec un reçu. Par précaution - c'était l'usage lorsqu'on était aussi veule que lui - mieux valait avoir toujours un plan B sous le coude afin de s'assurer que les affaires courantes seraient expédiées d'une manière ou d'une autre.

Entre les impacts de chaque goutte perlant avec intensité sur le sol du laboratoire pourtant déjà humide, on ne pouvait déceler aucun son en particulier. En tout cas pas ce cliquetis qu'une oreille attentive aurait pu percevoir tant le bruit résonnait contre les parois métalliques. De ces nuages artificiels formés à l'improviste ne tomberaient pas seulement quelques gouttelettes bonnes à aérer l'atmosphère. Était mêlé à l'averse un rien de désolation. À peine plus lourd qu'une goutte, quelque chose était tombé du plafond, quelque chose de vif à l'apparence peu ragoutante.
Huit pattes, une paire de pinces et surtout cette queue perchée se trouvait maintenant sur l'épaule droite de Rowena. La voix qui en émanait aurait eu quelque chose de risible si elle n'avait pas été indirectement liée à la perspective d'une mort atroce par empoisonnement.

- It's raining men.

Seule le son de la pluie battante occupa les secondes qui suivirent, aménageant alors le malaise qui s'était instauré.

- Ça... ça n'a pas de sens puisque vous êtes un scorpion.

Encore une fois, un silence gênant, à peine préférable à la mort se profilait. L'effet du cafard était raté.

- Un... Un peu que je suis un scorpion ! Et d'où je suis sois garantie que j'ai pas besoin de ma forme hybride pour t'entailler la gorge et gicler mon venin.

On rebondissait comme on pouvait à un échec. La menace était de mise et les arguments concluants. Quelques gouttes du venin suffisaient pour condamner à brève échéance tout être doté d'un système nerveux et ayant eu le malheur de s'égratigner contre l'aiguillon. Une brève échéance de plusieurs heures ou l'agonie allai crescendo. En réalité, on ne mourrait pas du poison mais de l'inévitable suicide qui en résultait - ultime échappatoire pour surmonter une douleur sans cesse croissante.

- Discuter tu disais ? Eh bien ? Qu'est-ce que t'attends ? Cause ma grande, raconte-moi tout ! Je suis tout ouïe. Eh bien ? Y'a rien qui te vient là ? Oui, ça arrive quand on est à ça de crever.

Sûr de son bon droit et surtout de son emprise, ses pattes répugnantes s'activèrent afin qu'il aille se loger derrière la nuque de son hôtesse. L'endroit y était plus chaleureux et on faisait mieux trembler ses proies quand elles ne voyaient pas le couperet.

- Maintenant magical milf de mes deux tu vas aller chercher le plan que j'ai laissé à côté de mon canon. Le colonel m'a demandé de ne pas braquer les casino, et bon citoyen que je suis, je me plie aux lois. Parfois. Non en fait jamais.
Donc c'est toi qui va faire le coup avec ta baguette de pisseuse.


Joe avait ceci de merveilleux qu'il n'avait pas besoin de mettre les fers pour réduire son prochain en esclavage. Avant d'écouler la marchandise, il comptait bien l'éprouver et la rentabiliser au mieux. Puisqu'elle s'était vanté de ses connaissances scientifiques, qu'elle en use sagement et qu'elle lui rapporte gros ; car au fond, les atomes n'avaient d'attrait pour le cafard que lorsqu'ils se matérialisaient en berries clinquants et scintillants.
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- Nan, ça marche pas, cassez-vous, cracha Mahach avant de se lever, nu comme un ver, du lit dans lequel il était allongé avec les deux prostituées.
- Qu’est ce qu’il y a ? On ne te plaît pas ? s’étonna la crêtue du lot.


Mahach se rhabillait pendant qu’il leur répondait.


- Si, nan mais c’est pas ça.
- Quoi alors ? Ca devient vexant ...
- Boarf. J’ai raqué pour rien au final, z’allez pas vous plaindre. Z’avez pas eu b’soin d’passer à l’acte.



Les deux filles revêtaient elles aussi leurs maigres pièces de tissu qui leur servaient de bleu de travail, le tout en accentuant le sentiment d’offense qui les habitait.


- C’pas vous, si ça peut vous rassurer. C’est moi.


Tous étaient affairés dans leur coin sans prêter la moindre intention pour les autres, ce qui installait un silence gênant.


- J’pensais pouvoir vous remplacer par ma femme, mais j’peux pas. J’y arrive pas. Pis vous vous êtes vautrées sur mon g’nou ...
- De mieux en mieux ...
- C’est sympa pour nous.
- Oh ça va hein
, lâcha Mahach avant de claquer la porte de la chambre.


Il dévalait les escaliers quatre à quatre, de mauvaise humeur comme à son habitude, et arrivé au comptoir, la mère-maquerelle ne put s’empêcher de lui lancer une petite pique cinglante. Il ne ralentissait pas pour autant, traçant sa route jusqu’à la sortie.



- Déjà ? Mais c’est qu’c’est un rapide dis donc.
- ...
- Et c’était bien au moins ?
- Ouais.
- Il m’les a laissé en un seul morceau comme demandé ?



A ce moment là, il s’arrêta net pour lui faire volte-face.


- Bah j’sais pas. Allez voir.


Puis il reprit son chemin, aussi décidé et contrarié qu’avant. La vieille rousse ordonna à deux de ses filles d’un signe de pouce d’aller inspecter la chambre. Pendant ce temps, elle se rua aux rideaux en velours écarlate pour suivre du regard et de derrière la vitre, ce client grincheux

Mahach, comme un insecte dans cette grande ville, hésitait à propos de sa destination. La plage ? Histoire de profiter un peu de ce moment de répit. Le port ? Pour partir d’ici, mais pour aller où ? Continuer à errer sans intention bien précise ? N’arrivant pas à se décider, il fit un mélange des trois : il gagnerait le port par la plage, non sans prendre le temps de faire un peu de tourisme, en déambulant tranquillement, en achetant de quoi se sustenter si le besoin s’en fait sentir. Mais pas d’alcool, ce serait un coup à finir en prise avec la mafia. Ou alors juste un peu. Juste assez pour s’amuser, parce que le tourisme de pigeon : très peu pour lui.

Ce fut alors les deux mains dans les poches qu’il commençait à arpenter Kikai. Et s’il y trouvait un barnum où on y vendait de la bière qui s’apparentait plus à de la pisse d’âne, alors il s’y arrêterait.


***


Après plus de deux heures de marche -et quelques bières- il tomba nez à nez avec un bateleur qui assurait l’animation. Légèrement éméché -juste assez pour se montrer taquin avec le malheur des autres- il s’arma d’un rictus vicieux.

Le saltimbanque à la tenue chamarrée ne manquait pas d’amuser et de surprendre les badauds qui commençaient à se masser autour de lui. Bout-en-train qu’il était, il se laissait aller au gré des demandes de son bon public. Il jonglait avec des couteaux, en avalait un tout en continuant son tour puis le faisait réapparaître par un autre orifice. La foule s'extasiait, mais le rictus de Mahach restait comme figé dans le marbre. Non pas à cause de ses pitreries, mais à cause du tour qu’il allait lui jouer.



- Hé, l’guignol ! tonna-t-il pour l'interpeller.


Le bateleur s’arrêta aussitôt, puis prit une position exacerbant son indignation.



- Qu’ouïs-je ? Quelqu’un dans ce magnifique public aurait une langue de vipère ? Eh bien ! Montre-toi vil freluquet que tu es !


Bizarrement, les gens firent place net autour de Mahach, entre le froissement et l’accusation. Le joyeux trublion le regarda droit dans les yeux, aussi amusé que son interlocuteur, prêt à relever le défi qu’il lui imposerait.


- Oh, alors c’est donc toi. Qu’ai-je fais pour que tu me nommes ainsi ?
- Pas grand chose justement. J’doute de tes capacités.
- Penses-tu rivaliser avec moi ?
- Nan. Mais j’ai vu des clowns dans ton genre qu’étaient au moins aussi doué qu’toi.
- Alors qu’attends-tu de ton humble serviteur, pour qu’il puisse te divertir à ta guise ?
- J’sais pas, tu sais jongler avec combien d’objets ?
- Cinq, facilement !
- Super. Tiens, essaie de jongler avec ça. Vas-y, impressionne-moi, j’te r’garde.



Le sourire de Mahach lui fendait maintenant la gueule en deux. Il lui avait tendu de son bras droit cinq petites balles. Cinq petites balles de couleur chair, de la même couleur que sa carnation. Cependant, les plus attentifs auraient pu remarquer que la manche gauche de sa veste en cuir pendait bizarrement ... Comme si ... Comme si l’inconnu malicieux avait été amputé ...
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Cambrioler un casino pour le compte du Cafard ? Voilà une tâche bien barbare mais néanmoins relativement excitante, pensait Rowena. La petite passe d’armes qu’ils venaient de mener ne connut aucun gagnant ni perdant, même si les deux intéressés ne semblaient pas penser la même chose. D’un côté, le Corsaire posté sur l’épaule de Rowena estimait sûrement qu’il l’avait à sa merci, dard sur la gorge, et pourrait s’en servir comme d’une vulgaire marionnette. De l’autre, la Sorcière jubilait intérieurement en voyant que sa manigance pour impressionner Joe payait ses fruits et qu’il lui donnait une chance de faire ses preuves. Elle pourrait montrer à la “petite voix” perchée sur elle qu’elle était plus qu’un simple produit à vendre, et se révèlerait au monde par la même occasion. Ce casse serait bien plus qu’un acte de vandalisme, un moyen pour Rowena de montrer au monde entier que même un siècle plus tard le spectre du plus grand scientifique plâne encore sur leur tête.

- Très bien. Je n’ai pas vraiment le choix, dirons-nous… Minauda Rowena en tenant l’orbe de son bâton entre ses mains.

D’un geste théâtral, elle dissipa les nuages de pluie grâce à sa “magie” climatique et s’avança pour ramasser le coquillage de Joe toujours actif et l’éteignit avant de se diriger vers le canon portatif dont le Corsaire insecte avait parlé. Il disait vrai, un parchemin jauni se trouvait à côté. Elle l’attrapa et, en le dépliant, constata qu’il s’agissait du plan du Thym & Romarin. Le Thym & Romarin était un casino-cabaret de Kikai no Shima très en vogue grâce à son lot d’artistes uniquement composé de femmes. Danseuses, chanteuses, musiciennes et même prestidigitatrices, ces petites fleurs avaient toutes leurs admirateurs et leurs numéros de prédilections. La maison profitait de leur succès au maximum pour rentabiliser les entrées des clients, allant jusqu’à proposer des plats et boissons portant leurs noms. Et au milieu de toutes ces paillettes et ce glamour, une guerre sans merci qui opposait les stars du casino pour être la meilleure de toutes.

- Je commence à me demander si vous voulez que je cambriole leur caisse...ou leurs sous-vêtements. Ricana Rowena alors qu’elle marchait dans les tunnels vers la sortie.

Sa remarque n’eut pour effet que de faire souffler Joe d’exaspération. Elle ne répliqua pas et se contentait de marcher dans les dédales du laboratoire pour émerger vers la surface. Il faisait trop sombre pour qu’elle puisse continuer à lire le plan, elle avait réussi à en déchiffrer le nom mais il lui fallait plus de lumière pour pouvoir en inspecter les lieux. Également, une entreprise de cette envergure risquait d’être compliqué. Elle se trouvait sur la Route de tous les périls et était seule, seule avec un scorpion qui agissait plus comme un couteau sous sa gorge qu’un réelle soutien. Il était bien loin le criquet de conte qui servait de conscience. Peut être que le Cafard connaissait du monde pour l’épauler dans sa tâche. Sans doute pouvait-elle même lui rendre service en se débarrassant d’un outil trop encombrant à ses yeux.

- Bien, nous voilà l’échelle pour ressortir. On va pouvoir commencer à planifier ce petit coup. Hm dites moi, sans vouloir vous déranger, auriez vous quelqu’un en tête qui puisse porter un peu la main à la pâte pour m’épauler ? Un membre d’équipage dissident peut être ?

Elle laissa le temps de réfléchir à l’insecte et remonta vers la surface. L’air salé de la mer vint lui chatouiller les narines et la Sorcière ressortait du sable. Sombre apparition qui fit peur à plusieurs garnements qui jouaient au ballon non loin d’elle sur la plage...
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- Je commence à me demander si vous voulez que je cambriole leur caisse...ou leurs sous-vêtements.

À cela, le soupir du cafard s'était imposé comme une évidence, moins encore que la réplique qui en résulta.

- Les deux enfin ! On... on ne se demande jamais s'il faut voler ceci ou plutôt cela... Non ! Tout ! On rafle jamais à moitié. Bon sang... BON SANG ! Mais qu'est-ce que c'est que ces questions ?! Évidemment qu'on va aussi prendre les sous-vêtements !
Tu sais combien ça se vend des sous-vêtements usagés auprès de la lie de l'humanité ? TU LE SAIS ?! Non ? NON ?!
Et ça se dit scientifique....


À s'énerver avec la véhémence d'un remuant azimuté, Joe, l'incarnation de ce qu'il y avait de plus laid dans les tréfonds de ce que l'humanité pouvait excréter, était - bien malgré lui - mignon à s'en trémousser. Ainsi miniaturisé sous sa forme animale, le timbre nasillard de sa voix côtoyait alors les aigus les plus risibles. Par pudeur, pour le ménager ou bien car elle était au-dessus de tout cela, Rowena lui accorda la grâce de ne pas se moquer de lui. Pour cet aspect en tout cas, car ce n'étaient pas les prétextes au dédain qui manquaient chez lui.
Prudemment perché sur l'épaule de son otage récemment recrutée pour assouvir ses basses œuvres, Greed ne pouvait se permettre le risque - risque purement hypothétique car résultant de sa psychopathie névrotique - de laisser la demoiselle échapper au couperet lui effleurant la gorge. Refusant catégoriquement de descendre de là où il venait d'établir ses quartiers, non sans insister sur l'inadmissible présence de pellicules, son insignifiance déjà patente sous sa forme humaine était à présent exacerbée maintenant qu'il avait huit pattes. Il ne pouvait pas porter son Bazooka dans cet état. Rowena était alors toute désignée pour la corvée de transport, peu importait sa frêle carrure, elle allait traîner un tube en fonte de trente kilos tout en gardant à l'esprit que le plus gros boulet qu'elle avait à traîner était sur son épaule gauche à la houspiller copieusement pour quelle se «magne le train».

- Qu'est-ce qu'elle a à ralentir ? C'est à cause du Bazooka ? Franchement, c'est pas la mer à boire. C'est bien le problème avec les bonnes femmes d'aujourd'hui, enfin... un parmi d'autres, ça rechigne à l'effort dès qu'il faut qu'elles se remuent le charnu.
Gnagna je veux pas porter un canon portatif, Gnignigni je peux pas marcher avec une balle dans le ventre Gnangnangnan pitié ne vendez pas mes enfants... Pas foutu de prendre sur soi une seule seconde.  
Eh, eh... EEEEEEH ! Le traîne pas comme ça tu vas le rayer ! Et ça se dit scientifique....


Aurait-il eu un fouet à disposition qu'il l'aurait bien évidemment gratifiée comme il se devait afin de s'assurer qu'elle trime en cadence. D'ici à quelques siècles, le capitalisme le plus mortifère qui soit ne manquerait pas de dresser des statues de son exécrable bobine.
Mais avant que cette renommée ne lui colle à la peau comme son dard collait à la carotide d'une certaine cornue, il fallait que Rowena ne remonte l'échelle, tirée vers le bas par cette même arme qui servirai assurément à la menacer dans un proche avenir.
La délivrance la frappa en plein visage sous la forme d'un ballon de plage négligemment projeté par une petite horde de bambins frétillants. Une fois extirpée de la fosse où la seule trouvaille concluante qu'elle avait faite se matérialisait sous la forme d'un scorpion aussi teigneux que stupide, elle ne manqua pas d'adresser un regard noir au ramassis de chiards ayant en plus l'audace d'exiger d'elle qu'elle leur renvoie le ballon.

- Aaaaah, les enfants...

Énonça complaisamment Greed avec un soupçon de bienveillance de la voix.

- Si ça ne tenait qu'à moi... ils seraient tous réduits en esclavage pour ramoner les cheminées d'usine sans même qu'elle soient éteintes.

Durant cet instant, une once de complicité naquit entre Rowena et lui. Unis par la haine et l'amertume envers la jeunesse, la concorde trouva une fin brutale alors que Joe reprit sa forme humaine à même l'épaule de la scientifique, ne manquant pas ainsi de l'écraser sans considération pour sa personne.

- Tiens, la petite dame elle voulait un complice c'est ça ?

Presque flamboyant, debout sur une cornue exténuée par la connerie d'un complice dont elle devinait un peu mieux le degré de nuisance à chaque seconde qui passait, Joe pointa du doigt un homme pataugeant dans l'écume des vagues qui venaient mourir à ses pieds. Mélancolique dans le ton, il s'acharnait à jeter avec force des galets afin de multiplier les ricochets. Une oreille attentive pouvait percevoir quelques maugréements étouffés se limitant pour plupart à «'culé».

- Là, l'autre crasseux qui jette des cailloux, regarde comme il les envoie loin. Ça peut être utile nan ?

Plus il dévisageait l'énergumène qu'il s'affairait déjà à calomnier et mépriser, plus le cafard se sentit emprunt d'un sentiment d'euphorie ; comme s'il avait sous les yeux quelque chose d'hilarant mais dont il ignorait jusqu'à l'origine du potentiel comique.

- OH ! TOI ! LE BARBU ! VIENS-LÀ ! ON A À CAUSER !

Il ne savait si c'était dû à la surprise de l'interpellation, mais Joe ne put s'empêcher de penser que son interlocuteur avait eu une crise cardiaque dès lors où leurs regards se croisèrent.

- Qu'est-ce qu'il a à nous zyeuter comme ça ? Il est simplet ou il est juste con ? BAH ALORS ?! T'ATTENDS QUOI ?!
Et pis toi la charolaise, t'attends quoi pour te relever ? T'attends que je te porte ? Et ça se dit scientifique...


Dernière édition par Joe Biutag le Ven 16 Mar 2018 - 12:50, édité 2 fois
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LUI ! C’était lui !

Les mains de Mahach se crispèrent en deux poings nerveusement fermés et compactés. Ses dents grinçaient, presque à se fissurer et prêtes à exploser sous la pression de sa mâchoire serrée. Son front se zébra de veines palpitantes.

Joe, trônant sur un corps que Mahach ne calculait même pas, le regardait d’un air bête, aussi bête que lui paraissait son interlocuteur.



- Oh oh ! Y’a quelqu’un là dedans ? Si oui, fais gaffe, tu vas faire un caca nerveux. Ou un ulcère. Mais accessoirement, JE TE PARLE.



L’ancien crêtu essayait de se raisonner pour se calmer, fait assez inhabituel pour être souligné. “Là, respire ! T’as eu trois jours pour t’en remettre ! T’avais même dit que t’attendrais pour te venger. Et pis comme dit Ander, c’est rien trois jours.”. Mais malgré cela, et malgré la bonne humeur carnassière suite au malheur qu’il avait fait éprouver au bateleur, il peinait à se contenir. Si bien que Joe avait réveillé la femme à grands renforts de claques dans la gueule sans plus calculer le cinglé qui se tenait devant lui. Le corps, celui d’une femme sèche et filiforme, presque noueuse, se releva avec peine tout en gardant Greed sur son épaule et une aigreur palpable. En fait, la tension entre les deux l’était encore plus, mais ils reprirent leur chemin ensemble en voyant que le Cromagnon des temps moderne restait en pleine crise sans autre réaction. Mais après quelques pas ...


- PWAHAHAHAHA !


Joe et l’inconnue se retournèrent, surpris par le puissant fou-rire de celui qu’ils imaginaient être un pécore sauvage complètement dingue.


- Putain Biutag ! T’as troqué l’Géronte contre une tanche sous acide, pis là, lui contre une cornue ?
- Je suis là.
- Ma-Mahach ?
- Ouaip, “Cap’taine”. Alors ? Dis-moi ! Ce s’ra quoi l’prochain sous-race de monstre que tu vas t’coltiner ? Hein ? Un Nain ? Un connard ailé ?
- Je suis toujours là.
- Je vois pas le problème, je me traîne déjà un coq qui se prend pour un singe ...
- C’était pour voyager pénard, mais j’te manque à c’que j’vois. J’pensais être tranquille après ton p’tit spectacle sur Akeem ... J’me suis dit qu’les jeux d’argent c’était pas ton truc.
- Mahach, Mahach, Mahach ... C’est bien toi au moins ? Je te reconnais pas avec cette gueule de con ... Tu te méprends ! Tu me connais pas depuis le temps ? Je tente pas ma chance, je la provoque !
- J’vois bien ouais. Tu tapes directement dans la banque sans passer par la case départ ni rendre à la caisse de communauté. Et pour ça, t’as b’soin d’un connard.
- Exactement.
- Mais avant que ça r’parte comme en 40, j’ai b’soin d’me r’faire une p’tite beauté. J’vois qu’la mode est à l'extrémité bien voyante, j’voudrais pas passer pour un monstre à côté d’vous.

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Le nouveau venu au visage balafré et au teint mat ne semblait même pas considérer Rowena. Son regard était braqué sur le capitaine corsaire, comme si elle n’existait pas et n’était même pas avec eux sur cette plage. Elle avait mis quelques minutes à le reconnaître, mais elle en était sûre à présent, elle se trouvait en présence du pirate Mahach. Sans sa crête présente sur toutes les représentations de bonhomme, il était assez difficile de le remarquer. Il fallait dire qu’il n’avait pas un physique très notable. Des pirates bronzés, mal rasés et balafrés, ça courait les mers à tire larigot. Alors s’il retirait son signe distinctif pour raisons esthétique...Une forte odeur de sel, de rhum et de sueur émanait du second Blattard, ça faisait longtemps qu’il n’avait pas pris autre chose que des bains de mer et ça se sentait. La cornue détourna momentanément la tête pour prendre une bouffée d’air frais avant de replonger dans cette discussion ô combien ennuyante où elle n’existait pas.

- Vos membres d’équipage sont tous aussi mal élevés ? Je pensais que vos compagnons étaient plus...raffinés. Glissa-t-elle à Joe en toisant Mahach d’un regard perçant..

Elle avait mal pris l’insulte qu’on venait de lui lancer Mahach. Une sous-race de monstre...Elle allait lui montrer qui serait la sous-race, il regretterait de lui avoir dit ça, un jour.

- Mahach c’est pas mon membre d’équipage. C’est ma pute. Ya-hin-hin-hin-hin !

- T’as dis quoi ?! beugla Mahach en crachant par terre.

- Que la prochaine fois que vous me traitez de monstre, il se servira de vous comme remplaçant pour la figure de proue et servira vos parties en pâté pour les porcs des docks de Kikai ! Répondit Rowena toujours aussi glaciale.

- Ah pas mal celle là, je note, au cas où.

Un éclair traversa son esprit, Joe voulait qu’elle commette ce cambriolage au Thym & Romarin pour lui. Mais elle lui avait demandé de l’aide pour piller l’endroit. La providence, ou l’infortune plutôt, lui avait apporté le second du corsaire. Elle devrait surement faire équipe avec ce luron pour commettre son casse, le cafard posté sur son épaule pour encore une fois jouer du couperet sur sa gorge.

- Si je dois travailler avec lui, alors je pense qu’il vaudrait mieux se préparer avant.

- C’est à dire ?

- Les gens savent que vous êtes ici. La venue d’un corsaire ça passe pas inaperçue. Si, comme par HASARD, un cambriolage survient avec l’un de vos gars impliqués dedans ça va vous retomber sur le coin de la figure.

- Elle suggère quoi la diablesse là ?

- Que, pour ce jour, l’abruti qui me parle ne soit plus cet abruti. Fit-elle en regardant toujours Joe. En d’autres termes, le grimer. Et ensuite faire un repérage directement sur place.

- Hé oh hé hein bon ! Depuis quand c’est toi la chef ici hein oh ?

- Vous allez tout répéter et faire comme si c’était votre idée n’est-ce pas ?

- Bon j’ai eu une idée pendant que vous vous disputiez comme des chiards ! Toi l’ex créteux tu vas devoir passer inaperçu. Puis on va aller faire une p’tite balade !

- C’est bien ce qui me semblait.

Ils quittèrent tous les trois la plage pour regagner la ville. Rowena et Mahach continuait de s'enguirlander et de se lancer des insultes tandis que leur capitaine sifflotait en marchant quelques pas au devant d'eux. Il n'allait surement pas tarder à se changer à nouveau pour rebondir sur l'épaule de la grande femme, elle s'y attendait. Mais ce qu'elle attendait surtout...c'était que le pirate bronzé daigne se laver...
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Le plan acté, les retrouvailles entamées, il fallait - pour des questions d'usage, de commodité, et parce que le silence faisait désordre lorsqu'on déambulait à trois dans les rues - que la conversation se fasse. Discuter plus en détail du plan ? À quoi bon quand on était Blattard ? Tout était considéré comme acquis alors que rien n'avait été pensé correctement. Et pourquoi changer de mauvaises habitudes lorsqu'on était à la fois si bête et arrogant ?
Non, il fallait entamer un nouveau sujet de discussion, quelque chose qui pourrait durer, peut-être même un sujet clivant, de quoi déchaîner les passions et briser enfin la quiétude monotone dans laquelle résonnaient leurs pas sur les pavés. Pour cela, Joe savait trouver les mots.

- Bon sang Mahach.... c'est pas pour être désobligeant mais.... ce que tu peux être laid. Plus que d'habitude j'entends.

Objectivement parlant, une fois débarrassé de tout préjugé sur les notions de beau et de laid, d'un œil purement dépassionné, on pouvait le dire sans sourciller et en gardant la tête haute : Mahach avait une sale gueule. Une touffe de cheveux hirsute, une barbe dont même le dernier des clochards aurait eu honte et un visage plus sale encore ; l'homme baie n'était plus que l'ombre de lui-même là où ce "lui-même" n'était pour commencer que trop peu reluisant.

- Tant mieux, ça fera ton sur ton avec mon capitaine.

Impertinent et pourtant sagace dans son commentaire, ainsi Mahach clôturait la conversation. Greed savait que surenchérir l'aurait poussé à faire parler la poudre. De tous les orifices d'un pirate, c'était encore depuis le canon de ses armes qu'il était le plus éloquent. Hésitant, le cafard sortit finalement la main qu'il avait glissé subrepticement dans son manteau afin de se saisir d'un de ses pistolet. Ce ne serait pas pour cette fois, il avait encore besoin de Mahach. D'ici à ce que le châtiment ne retombe sur l'ignoble trogne du punk, la rancœur du cafard macérerait en silence, noyée dans la pestilence de ses idées noires.

- En parlant de thon....

Continuant sa marche, il se tourna et pointa violemment son doigt en la direction de la cornue du groupe. La galanterie comme la bienséance n'étaient pas son fort.

- Celle-là, elle a qu'à faire du repérage toute seule maintenant que j'y pense. Mahach - Dieu pardonne sa sale gueule - est quand même reconnaissable... quant à moi... on me dévisage un peu partout.

La rançon de la gloire en somme. Lorsque l'incident aurait lieu, Joe aurait besoin du plus solide alibi de l'histoire de l'humanité. Tant pis pour le frisson et le vandalisme, il avait à présent suffisamment d'envergure pour se contenter de superviser - terme signifiant «ne rien branler et récolter le pactole» - tandis que la piétaille se crèverait la santé à lui ramener la fortune qu'il exigeait encore et toujours, sans mesure et sans répit. Au fond, le frisson et le vandalisme, le cafard s'en foutait allègrement aussi longtemps que les berries pleuvaient par millions ou même par milliers, car un homme aussi mesquin savait viser bas ; donc à sa mesure.

- Eh puis merde, pourquoi du repérage ? Elle a qu'à d-é-v-a-l-i-s-e-r le casino toute seule.

Plongé dans une réflexion si profonde qu'il en était amené à sonder les abîmes de son intelligence, Mahach parvint à assembler les lettres épelées à l'instant.

- Diviser le casino toute seule ?

Une baffe du capitaine lui signifia son erreur.
Ils y étaient. La devanture du coffre-fort - ou plutôt du casino - n'attendait plus qu'eux. Avant que Mahach n'ait pu répliquer à la claque, son capitaine le prit une fois de plus au dépourvu en lui enfonçant sa casquette sur le crâne et en lui jetant son épais manteau de fourrure noir sur les bras.

- La guigne ! C'est quoi le projet Joe ? Tu veux que je chope la galle ?!

Et re-baffe.

- T'es mon alibi Mahach ! Tu vas enfin pouvoir réaliser ton fantasme et incarner la grandeur pendant quelques instants puisque tu vas te déguiser en Joe Biutag le temps que madame météo et moi on vide un peu tout le barda qu'y a là-dedans. Donc mets la casquette, enfile le manteau et fais-toi voir dans tout le coin.

Circonspect par la tournure des événements, le punk de la veille n'était que trop peu enthousiasmé par l'idée. Il distribua une claque à son capitaine - d'abord par principe, aussi parce que ça lui pendait au nez - et n'approuva le projets que par envie de relever un défi, celui d'incarner son capitaine. Presque vexant, il se voûta en se frottant les mains, maugréant avec un accent de South Blue «Argent, âââââârgent !». Bien que la prestation fut caricaturale, elle était du goût de Rowena qui jura qu'elle s'y serait laissée prendre.

- Tu perds rien pour attendre bite de clown, attends qu'on remonte sur le bateau tu vas voir.... Ouais, on dira que ça ira, oublie pas d'être vu du plus grand nombre et surtout de la marine. Et puis rase-toi, et puis sois plus distingué, et puis prends une douche.

- S'il prend une douche il risque au contraire de perdre en crédibilité.

Première baffe pour la cornue, rien de tel pour nouer la complicité entre eux et faire circuler le sang dans les joues. Jetant avec désinvolture son canon pour le remettre à Mahach, s'assurant avec minutie de faire passer pour de la maladresse ce qui était en réalité un acte calculé pour que le Bazooka lui atterrisse sur le nez, Joe reprit sa forme de scorpion et escalada la jambe de la demoiselle, usant de ses pattes sournoises dont chaque avancée était semblable à un coup de cure-dent sur l'épiderme.
Perché sur l'épaule de Rowena, son timbre de voix aigu interpella cette dernière avec un soupçon de véhémence dans le ton.

- Je rêve ou t'as essayé de m'écraser ?

Comme un aveu implicite, sa complice préféra se murer dans son mutisme que de lui répondre avant de pénétrer le bâtiment qu'ils étaient venus délester de sa recette.


Dernière édition par Joe Biutag le Dim 25 Mar 2018 - 22:33, édité 1 fois
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Mahach, fraîchement rasé, était loin de penser que ses retrouvailles avec son capitaine se passeraient sous d’aussi bonnes augures. Oh, bien sûr, il n’était pas dupe -enfin, pas tant que ça, il savait qu’attirer l’attention était synonyme de s’attirer des ennuis (c’était du vécu après tout) mais pour le moment et comme à son habitude, il s’en moquait éperdument. Il s’évertuait même à bien réussir son coup. Au final, c’était demander à un gamin de s’amuser dans une salle de jeu. Alors bien sûr, il y aurait un après coup, comme par exemple devoir prêter ses jouets et devoir les ranger ensuite, une fois le temps de récréation terminé, mais le jeu en valait clairement la chandelle à ses yeux.
Et puis, les autres enfants, il comptait bien les cogner pour ne pas avoir à partager.

Ce fut consciencieusement installé dans un coin de rue, pile en face d’un casino, qu’il débuta sa petite affaire. Le bazooka sous un immense carton qui lui servait également de table de jeu, il sortit un paquet de carte -celui-là même qui avait résisté à l’incendie de la taverne. Il manquait quelques cartes, bien entendu, certaines autres étaient roussies voir entamées par les flammes ce qui les avaient trouées ici et là, mais peu lui importait, il ne lui en fallait que trois. La casquette de son capitaine vissée jusqu’aux sourcils, un peu à l’étroit dans le manteau du même personnage, il s’écria d’une voix caricaturale encore plus nasillarde et aiguë que son capitaine (non sans cracher entre ses dents qu’il se dégoûtait) :

- Approchez mesdames et messieurs ! Venez vous faire rincer par la Marine ya-hin-hin ! Greed -le grand Greed- dans son immense magnanimité vous offre la chance de vous refaire en dilapidant son salaire !

Et le bougre avait vu juste, tout en prenant un malin plaisir à ridiculiser publiquement son capitaine ! Dans une ville davantage régie par la pègre que la Marine, cette première plumait les touristes. Et ceux-là cherchaient toujours à se refaire, ne pouvant ignorer les sirènes de l’argent facile, même si truqué : le casino gagnait toujours. Alors après cette annonce répétée quelques fois seulement, la foule commençait à se masser. Ce qui allait irrémédiablement attirer la Marine et la pègre, ne pouvant laisser passer cet affront. Mais il lui fallait jouer serré : dans une partie de bonneteau, l’escroc avait toujours un complice. Là, Mahach était seul. Il grommela donc discrètement que Joe aurait pu lui laisser un petit pécule, puisque c’était son argent qu’il allait jouer ... et perdre, pour que la foule s’amasse.

---

- Deux noires une rouge, une rouge deux noires, où qu’elle est la rouge ?

Même le moins attentif et le plus pigeonnable des badauds pouvait deviner où se trouvait la dame de coeur : ironiquement, c’était la carte avec le dos le plus noirci.
Mahach commençait à suer à grosses gouttes et à être de moins en moins à l’aise.

- Ya-hin-hin ! Encore bravo champion ! Toi, t’as l’oeil de taupe ! Je le sens, ça se voit !

Le crêteux espérait surtout se refaire.

- L’oeil de quoi ?
- Mais l’oeil de taupe !
- Mouais, je préfère arrêter. C’est que j’ai claqué pas mal de thunes dans le casino ...
- Eh oh ! Mon brave ! Tu vas pas en rester là ouais ? Alors que tu peux avoir bien plus ?
- Ouais mais bon ... C’est que ... Greed qui fait une partie de bonneteau ? Ca me paraît sacrément louche ...
- T-t-t ! Est-ce que ce bon vieux Greed t’as plumé ? NON ! Et il plumera personne ! Tout le monde aura sa chance ! N’importe quel abruti peut avoir sa chance ! Et chacun aura le droit à son tour !


Il se risqua à jeter un oeil par dessus la foule de pigeons qui le plumait, quitte à griller sa couverture. Déjà qu’il perdait son imitation au même train que sa confiance ... C’était d’autant plus dangereux qu’il ne ressemblait pas à Joe, et qu’une casquette enfoncée jusqu’aux yeux ne l’aidait pas. Mais il s’aperçut que les gorilles du casino d’en face commençait enfin à s’attrouper ! Il était temps !

- Boh ! Allez ! Une p’tite dernière ! Eh, oh ! La belle ! Allez, on dit la belle !
- Bouais, allez, okay !
- Deux noires une rouge, une rouge deux noires, où qu’elle est la rouge ?
lança-t-il machinalement en mélangeant les trois cartes, presque sans que sa voix ne soit nasillarde ou aiguë, jugeant du regard la menace des sbires du casino.

Et ils arrivaient, talonnés par un grossier petit personnage au physique ingrat.

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme Batman-penguin-color_imagesia-com_5ud9_large

Un rictus carnassier fendit la gueule de Mahach en deux. Puis il explosa au visage du quidam.

- Tu PAIRE, connard à la MANQUE ! Parce que RIEN NE VA PLUS, je suis dans une imPASSE ! dit-il en balayant son carton du bras non sans se mettre les billets dans les fouilles.
- Nan mais oh ! commença à râler le client mécontent quand soudain ...
- ATTRAPEZ-LE ! grincha le nain obèse plein aux as.

Cet ordre sèchement éructé dissipa sans mal toute la foule venue tenter sa chance pour plumer cet escroc de “Greed”. Mahach se dit que le bazooka de Joe ne devait servir qu’en dernier recours, alors il se scinda aussitôt en une multitude de petites baies qu’il commençait à faire tourbillonner.

Fangs and Claws

Seule sa tête demeurait derrière sa table de jeu de fortune, tout le reste de son corps balayait les alentours proches dans un vortex de baies tranchant. Il savait que ça ne ferait pas tout, mais suffisamment pour dégrossir les rangs des hommes de main du propriétaire du casino. Et quand ces derniers fondirent sur le tourbillon, les premiers se firent taillader de partout grâce au Poing tranchant de la Boxe du Poing divin. Le cercle chaotique de baies perdait en intensité alors Mahach se reconstitua afin d’en finir avec le reste de ses adversaires, assez peu nombreux pour lui permettre de se consacrer à eux un par un.

Black Canon Paw

Ses poings infusés de Haki et sa cervelle de sa hargne habituelle, il chargea le premier venu et lui colla sa pogne explosive dans le buffet, ce qui le plia presque en deux tout en le faisant reculer de quelques pas avant de s’effondrer. Il enchaîna quelques coups comme celui là sur les autres gorilles avant de commencer à être submergé.
Un sourire infernal aux lèvres, heureux d’avoir renoué avec ses vieux démons, il courut jusqu’au grand carton qui lui servait de table, lui asséna un violent coup de pied pour le faire valdinguer, dévoilant à ses derniers adversaires l’as qu’il maintenait caché dans sa manche.

Il s’arma du bazooka, posé sur son épaule, fit volte-face avec ce même sourire démoniaque (à croire que l’arme faisait le Biutag), et de sa voix la plus nasillarde et aiguë, il vociféra un :

- ON FERME ! ET LA MAISON NE FAIT PAS CREDIT ! YA-HIN-HIN !

BOOM !

Et il détala comme un lapin derrière l’épais nuage de poussière qu’il avait levé. Il n’avait pas visé cet escroc de nabot rabougri, il voulait juste s’enfuir, être sûr qu’il serait poursuivi. Et il en était heureux ! Un peu comme un chien tirant la langue à la vitre d’une calèche, se laissant griser par la vitesse.

Un bruit d’escargophone perça le brouhaha qui retombait.

- Klaus ! Ramène moi cet abruti ! ... JE M’EN FOUS DE SAVOIR SI TU LE CONGELES AVANT OU APRÈS ! Je veux juste que tu me le ramènes. Vivant. A peine.

Mahach fuyait toujours, s’éclaffant de “Ya-hin-hin !” totalement délirants, inondé par l’euphorie que lui procurait son petit tour.

Quelque mètres plus loin, à l’est, des bruits de peloton au pas de course se faisait entendre.

- Abruti de Corsaire ! Tu vas tout faire foirer !
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Allez quoi, t'as rien à m'vendre ? Même pas un petit carton de pilules... Juste un, c'est tout ce que j'te demande...
Dégage gueule d'écailles, y'a rien pour d'la sale race d'ton genre !
Oooh... alors il est là le problème, hein ? Môssieur l'humain ne fourni pas à la sous-espèce que je suis... Môssieur avec ses ratiches plus pourries que le fond d'la dernière poubelle que j'ai vidé, il est trop bien pour vendre au petit bouseux de piranha que je suis ? C'est ça hein ? J'me trompe pas ?
Dans le mile l'anguille, maintenant casse-toi ou j'te troue l'foie.
Pi-rah-rah-rah-nah ! Pas mal celle-là, t'es un poête toi ! Pi-rah-rah-nah... je vais t'appeler Jean ! Jean, tu connais ?
Ouais, Jeancu
J'lui laisse pas le temps de finir sa phrase, inutile pour saisir la subtilité de sa répartie à la con. Pour m'assurer qu'il garde son claque merde fermé, je lui ai calé ma pogne sur la bouche. Ooh allons ! Pas de ça entre nous ! Tu veux quand même pas que je t'arrache l'os de la rotule avec les crocs et que je recrache le tout en morceaux directement au fond de ton fondement, si ? Tu sais, des minuscules pitis morceaux comme ça... De mon pouce et mon index, je lui mime la grosseur dont il est question dans mes menaces. C'est pas bien gros, hein ? De mémoire, le trou de balle de ta mère était plus large... PIR-RAH-RAH-NAH !

Il a l'air de tenir à dire un petit mot, j'le laisse gentiment respirer, oreilles grandes ouvertes.

Merde...
Ouais je sais, ça fout les jetons hein ?
...c'que tu peux puer d'la gueule l'affreux !


Sale petit fils de chienne. Je vais te fumer sale con ! Mais tellement fort, tout le quartier et plus loin encore sur dix kilomètres à la ronde vont entendre tes petits cris de gonzesses. Il voit à ma bouche qui se déforme d'une grimace que sa petite insulte est passée de travers, et que la sienne de gueule va finir de travers. J'grogne d'agacement, avant de serrer le poing, et de montrer les crocs. Petit guignol que t'es, t'avais une occasion de sauver ta peau et d'être mon pote, et tu la piétiner, ingrat que tu es. Y'a une douce image qui flotte dans mon esprit, l'apaisant l'espace d'un moment. Y'a Jean, démembré partiellement, baignant dans son sang, gémissant, pleurnichant, suppliant. Au-dessus de Jean, y'a moi. Un fusil à l'épaule, et un stock illimité de munitions. Je tire balle après balle, et toutes viennent se loger dans les plaies béantes encore à vif. Et toi Jean, tu hurles à la mort. Doux requiem à mes tympans, j'en redemande.

Je t'abats mon poing dans ton petit pif faiblard, qui se brise à l'impact. T'es qu'une chiure de dealer qui survit difficilement dans le coin en vendant ta merde aux pauvres camés paumés qui peuvent pas s'offrir de la pure. Tu pourrais vendre une dose à une fillette de trois ans tellement que t'as aucun scrupule sur les moyens d'écouler ta marchandise, mais à moi tu refuses de me refiler quoique ce soit ? Sale pouffiasse. Comme tu peux le ressentir sur ta chair tailladée, j'ai littéralement recouvert ma main pas seulement de bandages, mais surtout de morceaux de verres. Tous plantés à même la peau. Alors ça va que la mienne est plus solide que celle de ta faible espèce, mais c'est surtout qu'en tant normal, j’aseptise toute douleur par la drogue ou l'alcool. Je ricane devant le spectacle qui s'offre à moi. Je t'ai pas seulement laissé la trace de mon poing sur la bobine, mais également de mon sang. Le tiens se mélange au mien, et un filet carmin aux teintes violacées coule le long de ton petit minois de raciste.

Je vois que t'es déjà en train de vaciller mon petit Jean, c'est que tu dois pas être un habitué de la baston mon gaillard. Je soupire, t'es même pas fichu de m'offrir une bonne castagne putain... Derrière moi, y'a un type qui braille à qui veut l'entendre un truc en rapport avec la Marine et un certain Gris, le grand Gris qu'il dit. 'Paraît qu'il offre ses flouses.

Et donc Jean, ce fameux poète Jean, était originaire de l'île de Sponde, un petit coin très apprécié des fumiers de mon espèce, très charmant comme endroit, tu adorerais, toi, le sale petit raciste que t'es. Je te jure ! Il en a d'ailleurs claqué un pas mal avant de caner, qu'on se répète souvent sur son île natale lorsqu'on perd un de nos proches, quelque chose du genre...

J'me racle rapidement la gorge, et prend un air un peu plus dramatique. Derrière, ça commence à hausser le ton, le gazier m'a l'air un peu trop surexcité avec son histoire de salaire gratos.

Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Tu PAIRE, connard à la MANQUE ! Parce que RIEN NE VA PLUS, je suis dans une imPASSE !
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
ATTRAPEZ-LE !
MAIS MOULEZ-LA BANDE DE SACS A FIENTES !


Ils vont finir par me faire enrager alors que j'étais très calme jusqu'à présent ! Dans mon agacement, j'ai saisi le Jean a la gorge d'une main, serrant avec virulence. Et pendant qu'il essai de se soustraire à mon étreinte, je claque un demi-tour sur place, pour faire face aux chiards qui foutent un boxon de tous les diables dans mon dos pendant que je donne des leçons de poésie. Et face à c'que je mire, y'a le palpitant qui manque un foutu battement. Nom d'un koala nain, lui, ici. La casquette, le manteau. Bordel de merde. Le Cafard, il était juste en face de moi. Alors je crois rêver, un peu con que je suis, j'ai besoin de plus de preuve que ça. Son rire insupportable qui résonne, puis son énorme bazooka qui crache la mort. Plus aucun doute, Joe Biutag, le Capitaine Corsaire qui me l'a fait à l'envers sur les Allods se tenait devant moi. Machinalement, je resserre mes doigts et écrase un peu plus la mâchoire à deux doigts de céder d'un Jean pas au mieux de sa forme.

Ouh putain de putain de putain de merde ! IL EST LA ! Je commence à sentir mon poul s'accélérer, j'approche la tête de mon copain dealer à quelques centimètres de la mienne, et ajoute sur un ton trahissant mon excitation. Zyeute un peu la silhouette de lâche juste là, et dis-moi que tu vois la même chose que moi ?! Hein ?! Pas vrai que c'est lui ?! HEIN ?! C'est lui hein ?! CE SALE FUMIER DE RACLURE DE BIDET DE PELLE A MERDE ! CEST CE SALE ENFOIRE DE JOE BIUTAG OUI, HEEEIN ?!

J'vois rouge. Rouge sang, très sanglant. Je vais repeindre la rue de du raisiné de cette ordure de traître. Un traître et un lâche, qui encore une fois se carapate loin des combats. Cette fois, il a un gros poisson carnivore qui lui colle aux miches. Ça, ainsi que Klaus et toute sa clique, et quelques soldats armés...

JOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOEEEEEEEEEEEEEEEEEE ! LE SAAAAAAAAAANG DE TES MOOOOOOOOOOOORTS JOOOOOOOOOOOOOOEEEE !


Dernière édition par Elijah Croq'Dur le Mar 3 Avr 2018 - 14:59, édité 1 fois
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On avait beau être en plein milieu d'après-midi, le Thym & Romarin était déjà bondé de monde. L’entrée Rowena dans le casino avait tout de même fait sensation, il fallait dire qu’elle passait difficilement inaperçue. Elle arriva dans le hall de la maison de jeux en arrêtant pendant un bref instant toutes les conversations. Une serveuse en mini jupe affriolante manqua même de faire tomber le whisky au thym et les gressins d’apéritif qu’elle portait sur son plateau métallique. Car oui, toutes les spécialités et les boissons du casino étaient à base de romarin et de thym, afin de garder une certaine essence traditionnelle. Et ça avait un certain succès auprès des plus bobos de Kikai. Ils se précipitaient tous pour être vus en train de siroter leurs martinis verts pâles avec des feuilles d’aromates baignant à la surface, avant d’aller claquer leurs berries dans des parties de “pokeromarin”.

- Essaie de pas trop de faire remarquer. Tu vas tout faire foirer !

- Une sorcière cornue avec un scorpion sur l’épaule. Je suis invisible.

Elle avança dans le hall, une vaste pièce tapissée de rouge avec un immense lustre en cristal. Ça et là étaient disposés plusieurs grandes jarres contenant des bouquets raffinés aux nuances pourpre et pistache. Rowena compta deux vigiles à l’entrée ainsi que trois autres postés à l’entrée des pièces adjacentes. Vers la droite, ils pouvaient accéder au bar. Toute en longueur, la salle était éclairée par plusieurs lumières tamisées. Le bar du casino était l’endroit parfait pour les rencontres intimes. Le corps du comptoir était un réalité un aquarium rempli de plusieurs créatures aquatiques luisantes. Parfois rouges, parfois verts, les poissons gesticulaient le long de la vitre tandis que les clients buvaient, servis par des demoiselles en petite tenue. En face se tenait une pièce gigantesque et bruyante, c’était là où les clients pouvaient jouer et parier. Plusieurs tables s’alignaient, autour desquelles se regroupaient plusieurs gens, soit pour participer, soit pour regarder. Rowena décida de partir dans cette direction sans vraiment porter attention à la salle de concert située à sa gauche, fermée de toute façon.

Entrant dans la grande salle des jeux, la scientifique se rendit alors compte que repérer les vigiles serait plus compliqué que prévu avec tout ce monde grouillant ici. En plus de ça, les croupiers eux-mêmes semblaient entraînés au combat, certains portaient des coutelas ou des matraques de métal savamment dissimulés à leur ceinture. Rowena était seule avec un scorpion qui ne serait sans doute pas décidé à l’aider, plus occupé à la menacer qu’autre chose. Et cet imbécile de crêteux qui avait décidé de rester en arrière, pas fichu de s’amuser avec les autres celui là ! Encore à elle de faire le travail…

- Des Escarméras aux quatre coins de la pièce. J’en ai compté à peu près six. Je vois une dizaine de tables, mais vu la taille de la pièce il doit y en avoir au moins vingt-cinq. Soit une trentaine de croupiers. Sans compter les vigiles perdus dans la foule. Chuchota la sorcière.

- L’argent doit être planqué ailleurs, répondit Joe. Tout le monde joue avec des petits jetons.

Levant la tête, Rowena remarqua une grande baie vitrée donnant sur une pièce située en hauteur. Elle ne pouvait voir ce qu’il y avait au travers étant donné que le verre était teinté, sans doute était-ce une pièce dédiée au personnel, ou même au patron des lieux. Si l’argent devait se trouver quelque part, c’était sans aucun doute dans les “coulisses” de ce grand cabaret. Seule, elle n’irait pas loin contre la sécurité de cet endroit. Elle allait sûrement décevoir Joe mais il fallait la jouer en finesse cette fois-ci. Se frayant un chemin parmi la foule, Rowena essayait de trouver une porte dérobée ou un accès vers l’arrière-boutique. Elle passa devant une table de baccarat autour de laquelle plusieurs joueurs battaient rapidement les cartes. Au loin, elle remarqua deux serveuses se dirigeant derrière un paravent. Activant le pas et jouant des coudes sur quelques visiteurs enveloppés, Rowena passa à son tour derrière les panneaux de bois laqués et tomba sur un escalier qui montait vers un second étage.

- Bien. Je crois qu’on a trouvé ce qu’on cherchait.

- On a trouvé que dalle ! Peut être que ça mène juste à une réserve, ou pire : des chiottes !

- Cessez de crier, on va nous repérer.

- Oh bah j’me fais de soucis. Avec tes cornes on te repère à trente kilomètres.

- Dans tous les cas on a pas le choix. Seule, je ne peux pas forcer les gens de la salle à filer leurs objets de valeur. Si j’avais eu un peu d’aide de la part de votre équipier, à la limite ok. Mais ce benêt est parti je ne sais où à faire je ne sais quoi. Et...

- C’est bon c’est bon j’ai compris. Vite avant que la sécurité ou une caméra nous remarque.

- Paaaaarfait. On y va.
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Ici aussi, tout était calme pour le moment. Le quartier, résidentiel, l’était par nature.
Sur un banc, près de la fontaine d’une place méticuleusement pavée, deux grands-pères discutaient tranquillement jusqu’à ce qu’une jolie pépée leur passât sous le nez. L’un la siffla, plus affectueusement que lourdement mais avec malice néanmoins. L’autre la complimenta simplement. Elle se retourna, leur pointa un index dans un petit geste répété pour éveiller leur méfiance mais son doux visage était sublimé par un sourire radieux et complice. Tous se connaissaient dans ce quartier, alors les gestes déplacés étaient emplis de tendresse. La jeune femme fila au vent, tout comme sa robe y ondulait sensuellement, et la place ocre pâle retrouva son calme habituel. Ce silence était uniquement troublé par le joyeux clapotis de la fontaine.

Puis par de fougueux “Ya-hin-hin !”. Et de rageurs “CAFAAARD !”.

Parce que tout comme au Thym et Romarin, la situation allait dégénérer ici aussi.

Quand les papys, quand ils entendirent ces rires et ces cris, se dirent qu’il n’y avait plus de jeunesse, qu’elle était perdue. Mais ils savaient. Ils savaient, les bruits de tumulte se rapprochant de toute part, que leur calme allait rapidement être troublé. Ce faisant, ils prirent immédiatement la tangente et chacun rentra bien tranquillement chez soi, à l’abri de ce qui allait menacer leur quartier.

Mahach, quant à lui, était parvenu ici un peu par hasard à force de détaler comme un chien fou dans les rues, oscillant entre ruelles et grandes avenues. Il aurait très bien pu tirer la langue, la laisser flotter elle aussi au vent, et laisser échapper quelques filets de bave pour apporter un peu plus de réalisme à la scène. Il pensait pouvoir semer ses poursuivants mais le dernier, inconnu mais dont il connaissait la voix, celle d’un homme (présumait-il) avait faussé la donne. Ce salopard avait l’ouïe fine et le collait aux basques, ce qui permettait à Ice Crime Klaus et à la Marine de remonter la piste toute chaude sans aucun mal. Essoufflé et en nage à cause du manteau de la Marine de son Capitaine et de son bazooka, il prit un instant pour se poser, accroupi, les avant-bras sur les cuisses. Dans son répit de courte de durée, il analysa les alentours : trois passages, la place formait un cercle dont les ruelles partaient à chaque tiers. Il avait entendu tout d’abord cette voix connue et furieuse le poursuivre. Cela lui faisait une échappatoire en moins. Mais il avait également entendu le colérique propriétaire du casino lancer un homme à sa poursuite. Il ne lui restait plus qu’une échappatoire.

Cette situation lui convenait. Après tout, il avait eu le temps de se reposer, au moins brièvement, mais ce n’était pas le cas pour ses poursuivants. Alors il attendrait que les deux le rejoignissent pour à nouveau prendre la fuite. Ainsi, lui aurait un peu plus de souffle pour reprendre la course-poursuite.

Mais ...

- Alors comme ça, c’est toi qui emmerde la Chimamire Kitsune hein ? lui lança froidement une autre voix beaucoup plus proche proche.

Mahach ne l’avait ni vu, ni entendu. Il avait gardé la tête dans ses épaules et ses bras posés sur ses cuisses. Il releva donc la tête à cette apostrophe. Ce devait le fameux “Klaus”, et ce n’était pas lui qu’il attendait en premier.
Il s’avançait doucement vers lui, son pantalon et sa veste en cuir crissaient à l’unisson à chacun de ses pas, ce qui rythmait aussi les plis de son marcel taché qui se faisaient et se défaisaient. Il tira au clair une manchette tout en continuant sa lente marche qui s’apparentait davantage à une traque.

- Qui ça ? répondit Mahach d’un air volontairement stupide pour provoquer son adversaire. Il voulait gagner du temps en attendant la venue de l’autre type à la voix connue.


Avant de lui répondre, Klaus vissa un coquillage à l’extrémité du fourreau de sa lame, et un autre à la garde.

- Joue pas au plus con avec moi, vendu de Corsaire.
- Sûr, j’vais perdre.
- Allons, Greed ! Tu vas pas me faire croire que la Marine t’a recruté uniquement pour ta grande gueule ? Montre-moi ce que tu sais faire. Donne de la valeur à mon futur trophée ! Je vais te buter et te foutre dans mon congélo, j’exhiberai ta tête gelée au tout Kikai dans les soirées mondaines financées par la Chimamire !
- Putain, mais t’es givré mec !


Alors qu’il venait lentement au devant de Mahach, il le contourna en un clin d’oeil avant de le poignarder dans le dos à l’aide de son fourreau ! L’Hydro-dial qui y était fixé à son extrémité se mit à cracher une énorme bulle d’eau englobant le crêtu. La sphère éclata même pas une seconde après, l’eau se déversa avec fracas, inondant totalement la place ! Klaus s’était déjà retiré à bonne distance et Mahach finit à genou, trempé jusque dans ses moindres fibres. Il toussa pour évacuer le liquide emprisonné par surprise dans ses bronches et éructa d’une voix rauque un peu chancelante :

- Tu vois que j’pourrais perdre, ya-hin-hin ... Tu sais même pas comment utiliser ta lame.
- Disons que je préfère l’utiliser quand ça rentre pas bien. Tu sais ? Dans le congélo.


Mahach se releva au milieu de la flaque géante qu’était devenu la place. Lui aussi détrempé, le bazooka était inutilisable, alors il le délaissa sur le côté, le faisant tomber comme un objet quelconque. Sur le moment, il se moquait du fard que piquerait à coup sûr le vrai Cafard.
Trop occupé à essayer d’entendre la deuxième voix se rapprocher, il ne put esquiver la nouvelle charge de Klaus. Et cette fois-ci, de son pommeau, il le frappa sur le front, ce qui activa l’autre Dial. Mahach décolla du sol dans la violente bourrasque que le coquillage avait craché et il alla s’éclater le dos contre un bâtiment, transi de froid jusqu’à l’os.

- Laisse-moi t’imiter : ça t’a fait ... blizzard hein ? J’ai fait charger ce Jet-Dial dans le pire de ces vents.

Il se ramassa avec difficulté, puis une fois fébrilement debout, tremblant, il se tenait la tête, rectifiant sa casquette qui, par chance, était restée vissée sur son crâne. Mais son visage était toutefois fendu d’un rictus.

- Disons que t’as j’té un froid entre nous, ya-hin-hin !

Il se sentait obligé de ponctuer presque toute ses phrases par le stupide rire de son Capitaine, comme si cela allait lui apporter plus de cachet et que tout le monde l’avait déjà un jour entendu.

Mais Klaus ne lui répondit pas. Non, il tendait l’oreille. Alors Mahach l’imita. La voix habituelle continuait d’éructer des “JOE !” accompagnés de noms d’oiseaux. Mais il y avait autre chose. Il comprit qu’il fallait fuir mais un bruit d’escadron au pas de course se faisait menaçant. Toutes les issus de secours improvisées étaient fermées par de potentiels ennemis. Il était parvenu à faire ce que Joe et la Cornue lui avaient demandé mais à quel prix ! Il était fait comme un rat.

- JOE ! SALE FILS DE RADASSE !

Mahach tourna la tête en la levant suffisamment pour que la casquette ne le gênât pas.

- La tanche ?!

Son mouvement de tête fut trop lent et le poing de l’imposant homme-poisson, la fameuse voix vengeresse, le frappa en pleine oreille, ce qui le sonna sur le coup. Il tituba légèrement, toujours frigorifié. Après quelques instants, il s’ébroua mais ce fut alors à ce moment qu’arriva le contingent de marins, mené par une jeune femme longiligne qui s’écria :

- Encerclez la place ! Ne laissez personne nous échapper ! Nous allons gentiment laisser ces messieurs entre-tuer, nous n’aurons qu’à cueillir le dernier survivant !

Et en effet, la manoeuvre fut si rapidement mise en place que l’effet de surprise provoqué par l’arrivée en trombe d’Elijah Croq’dur n’eut le temps de s’estomper.
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- Et c'est comme ça que j'ai brillamment sauvé Kikaï, la démocratie et les petits oiseaux. Des questions ?

On avait sorti la table des grands jours sur l'épave qui servait de moyen de locomotion aux Blattards. Ils étaient quatre cette fois à tremper leur fourchette dans la gamelle, Rowena s'étant retrouvée embarquée dans cette mélasse sans trop savoir comment. Elle avait bien une idée de sa situation, le fait d'avoir été aperçue trop longtemps en compagnie de Greed lui avait valu une certaine réputation flibustière. Les gens faisaient si vite des amalgames.
Alors ils étaient là, tous les quatre, couverts d'hématomes, parfois la gueule enflée de deux fois son volume habituel. La déconvenue avait été sévère pour tout le monde.
Puisque Joe avait conclu un discours aussi tonitruant que mensonger par une question, on ne se priva pas de lui en poser. Elijah avait levé la main le premier, piaffant encore son immonde pitance et recrachant une belle portion de cette dernière à chaque syllabe prononcée.

- Oui, capitaine, moi. Elijah Croqdur du Daily Blattard, je souhaiterais savoir s'il y'aurait du rab. Ah euh... et aussi... POURQUOI TU NOUS AS ABANDONNÉ SUR LES ALLODS EN FOUTANT LE FEU ?!!!
Ce sera tout, je vous remercie.


- Y'a pas de rab, et vous me faisiez chier. D'autres questions ?

Elijah acquiesça et enfourna une nouvelle fournée de harengs bouillis dans son immense gueule où tout ce qui y échouait finissait immanquablement broyé. Objectivement parlant, il savait reconnaître qu'il était chiant, la réponse lui convenait parfaitement.
Mahach ne leva pas la main. De toute l'assemblée, c'était lui le plus esquinté. Quand on portait les frusques du dernier des enfoirés, on finissait généralement criblé de balles - dans le meilleur des cas.

- Et l'argent du casino ?

- Il est au casino. Ce sera tout pour les questions aujourd'hui. Je vous remercie pour votre attention, maintenant retournez chier dans vos caisses.

Seulement, lorsqu'il était question oseille à bord, on ne pouvait pas tranquillement se permettre de clore la conversation et se resservir à manger - car il restait du rab, mais pas pour Croqdur - comme si de rien n'était. Mahach avait cela de passionné qu'il ne pouvait s'empêcher de tout détruire dans les environs dès lors où il ressentait un chouïa de contrariété. Cela pouvait aller d'un déboire sentimental à un salaire impayé. La table fut évidemment renversée avec fracas, non sans que Joe ne sauve son assiette, et la rage exulta spontanément des mâchoires serrées du punk.

- QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FOUTUUUUU ?!!!

Rien, justement. Le coffre-fort avait été trop épais pour qu'ils ne se permettent une approche subtile. Le cafard s'était alors rendu à l'évidence : du fait de son statut, plus jamais il ne pourrait piller bruyamment les commerces se trouvant sur une île sous le joug du gouvernement mondial.

- C'est elle. Elle a.... mmmh... eu un truc de fille, et il a fallu qu'on fasse demi-tour. Cycle menstruel et toute la chienlit, tu sais ce que c'est.

- Pardon ?!

- Quelqu'un compte manger la bouffe qui est par terre ?

Sans même sourciller - habitué depuis longtemps aux petites crises de son matelot - Joe, son repas achevé, jeta l'assiette à la mer comme il était de coutume à bord. Une coutume née d'une incapacité à remuer son cul et faire la vaisselle. Remarquablement doué pour la dérobade, il rejeta la responsabilité sur Rowena sans le moindre remord.

- Des clous !

Mais le punk ne mordait pas à l'hameçon. Si son capitaine était accoutumé à ses sautes d'humeur, lui ne s'était que trop habitué aux mensonges du Blattard en chef. Durant un court instant, la cornue avait cru percevoir dans ce scepticisme les bribes d'une confiance naissante entre les membres d'équipage. Elle fut à ça de dire merci quand Mahach rempila :

- Ça s'voit bien qu'la mégère est ménopausée jusqu'aux narines, à moi on la fait pas !

- PARDON ?!

- Bon bah... bon appétit pour ma gueule alors PI-RAH-RAH-NAH !

Les inimitiés se multipliaient à bord, le conflit intra-Blattard se triangulait et Elijah bouffait du hareng à même le pont. La vie reprenait son cours en attendant que quelqu'un y mette un terme, ce qui n'aurait su tarder.
D'anathèmes en anathèmes, de mensonges en mensonges, de furies en furies, la tension montait comme elle le faisait habituellement dès lors où des personnalités aussi antagonistes se frictionnaient dans un espace aussi restreint. Les mots se mutèrent en maux dès lors où les armes furent mises sur le devant de la scène. Du climat tact, un début de tempête secoua l'embarcation, et les tirs de Burn-Bazooka se multiplièrent bien assez tôt. Le chaos était absolu sur la frêle embarcation, il n'aurait pu en être autrement avec tant d'abrutis à bord. Pourtant, faisant irruption au milieu de la mêlée - parce qu'il avait fini de manger les restes - le piranha calma le jeu en braillant comme le débile qu'il était.

- ATTENDEZ ! ATTENDEZ ! ATTENDEZ ! ATTENDEZ !...
Si celui que j'ai vu avec les habits de Joe tout à l'heure c'était Mahach... Est-ce que ça veut dire que... que je suis Rowena ?


Aurait-il fermé sa grande gueule que les trois comparses ne se seraient pas ligués pour le savater avec tant d'entrain.
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