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La prison de l'ennui

Cela faisait déjà plusieurs jours que l’équipe était arrivée à Jotunheim, pénétrant par la petite porte pour ne pas faire trop de bruit auprès de la Marine locale. Hans, en débarquant, avait simplement eu à brandir son décret du Gouvernement Mondial pour ne pas être trop embêté par les gardes-chiourmes qui ne demandaient, finalement, qu’à veiller cruellement au bien-être de leurs détenus frigorifiés sans subir de perturbations extérieures. C’était ainsi au rythme des cris de douleur et des sanglots que les jours s’égrainaient pour la fine équipe de saboteurs œuvrant dans l’ombre ou presque, mais toujours incognitos lorsqu’il s’agissait d’accomplir leurs méfaits.

C’était la huitième bombe denden-commandée que posait Karen ce jour-ci, bien cachée dans une congère du gigantesque iceberg. D’autres agents s’avéraient plus rapides qu’elle, notamment son chef d’équipe, et en étaient facilement à une vingtaine d’explosifs configurés chaque jour ; mais elle tenait à être sûre qu’au moment où elle appuierait sur la coquille, chaque charge provoquerait une détonation. Elle n’aimait pas beaucoup cela en vérité, que les choses échappent à son contrôle. Heureusement, en réponse à son plan qui invoquait la présence d’un dernier élément sur les lieux du crime, elle fut soudain interrompue dans son travail, appelée à répondre à son combiné. Elle ne devina toutefois pas l'importance de l'appel et prit cela pour un contrôle routinier de celui qui avait pris la mauvaise habitude d'harceler ses hommes pour les faire aller plus vite :

« - Hans, j’espère que ce n’est pas pour me rappeler de ma lenteur occasionnelle. Je fais aussi vite que je peux, je te l'ai déjà dit !

- Bonsoir Miss Jones. Je vous aurais pensée plus apte à demander l’identité de votre interlocuteur avant d’émettre ce genre de conjectures mais je crois vous avoir grandement surestimée, tonna en réponse une voix grave mais féminine à l’autre bout de la ligne qui ne manqua pas de refroidir instantanément la brunette. Je suis à bord d’un navire-prison qui ne devrait pas tarder à décharger sa cargaison au large de Jotunheim. Nous venons de passer les portes, c’est pourquoi je ne vous appelle que maintenant. »

Il était vrai que l’annonce était quelque peu à l’improviste, après plusieurs jours sans nouvelles de la part de la directrice, toutefois il était particulièrement difficile de capter les ondes radios de la prison au-delà des portes de la justice. Karen ne fit donc pas cas de ces éléments et lâcha simplement, d’un ton neutre :

« - Très bien. Je vous attendrai alors sur la pointe des quais sud, nous devrions pouvoir nous y entretenir calmement. »

Car il n’y avait rien à surveiller sur la pointe sud de la prison, détruite lors de la dernière évasion perpétrée par Mei Yang, elle savait qu’ils pourraient aisément s’isoler sans bruits ou présences parasites. L’île pouvait bien être un simple glaçon, elle avait au moins le mérite d’être vaste et, outre ses prisonniers, globalement inhabitée.

Confirmant en guise d'ultime réponse sa présence sur les lieux dans la prochaine demi-heure, la directrice ponctua presque aussitôt l'appel en raccrochant sèchement et sans sommation, toujours sans la moindre forme de politesse ou d’empathie car c’était là sa marque de fabrique. Mais ça l'était encore plus depuis que sa protégée, la bibliophile, n’avait plus donné signe de vie, il y avait des semaines de cela.

Et Jones, elle, savait précisément pourquoi.

***

Les trente minutes passèrent rapidement, le temps que Karen traverse une large zone dévastée, agrémentée de morceaux de bois et de pierres brûlées que la glace avait enveloppés et préservés ensuite. Les traces de combats demeuraient et, de temps à autre, la cornue manquait de trébucher sur des cadavres que le froid avait prodigieusement conservés.

Finalement elle rejoignit le lieu de rendez-vous à point nommé, tandis que le navire en question déchargeait effectivement sa cargaison par canots et que l’un d’eux semblait avoir dévié de sa trajectoire initiale pour se diriger vers elle. Elle n’eut aucun mal à reconnaître la chevelure argentée de Cœur d’Acier, ramant à vitesse constante et sans signe d’effort perceptible, pour réduire la distance et finalement gagner le ponton où elle se soustraya enfin à l’embarcation. Qu’elle attacha ensuite sans conviction à l’une des bittes rouillées et à demi-enfoncées dans le plancher qui gisaient parmi les débris du ponton.

«  - Où est Mandrake ? demanda-t-elle alors de but en blanc, sans même saluer son interlocutrice au préalable. La cyborg donnait, à dire vrai, la curieuse impression de ne pas être à l'aise.

- En sûreté, toujours. Mais l’air est inexplicablement lourd et certains indices ne trompent pas. Nos contacts infiltrés dans la révolution ont remarqué une certaine agitation récemment, mais peut-être qu’il s’agit d’un leurre pour nous induire en erreur.

- Peut-être. Avez-vous réussi à obtenir des informations au sujet de Browneye ? »

L’espace d’une seconde, le visage de l’albinos échoua à dissimuler une forme de contrariété qu’elle s’évertuait visiblement à masquer, tandis qu’elle posait sa question. La chose n’échappa pas au regard perçant de l’agente qui n’en fit pas la remarque, mais courba légèrement une commissure dans un sourire invisible et satisfait.

« - Rien, madame la directrice. Mais il ne fait aucun doute que la révolution a réussi à mettre la main sur elle et si les signaux qui nous parviennent aujourd’hui trahissent une future attaque, cela veut dire que…

- Cela ne veut rien dire du tout, agent Jones. Surveillez vos paroles : l’agent Browneye est un très bon élément qui ne trahirait jamais le gouvernement. Ne serait-ce même au prix d’une souffrance infinie.

- Vous vous bercez d’illusions, Miss Sweetsong, et vous le savez, ponctua la cornue avant de remarquer le regard noir que jetait sa comparse sur elle ; il était temps de changer de sujet. Quoi qu’il en soit, nous avons déjà débuté le processus. L’ensemble des explosifs sera bientôt opérationnel et il ne nous restera plus qu’à attendre l’arrivée des rats pour en finir avec cet endroit.

- Pour une fois, je dois avouer ne pas être en désaccord total avec Sloan. Cet endroit est un véritable gruyère. Je ne saisis pas les raisons qui ont poussé le CP0 à s’en servir comme centre de détention pour un personnage aussi dangereux que Mandrake. Si les commandantes de Kiyori ont pu le faire, alors ça ne devrait pas échapper à la révolution qui a, je le rappelle, réussi à prendre Kanokuni. »

Cette défaite restait encore amère dans l’esprit de la directrice, mais elle s’était résolue à passer outre. Les Blues n’étaient pas aussi dangereux que Grand Line et il n’y avait pas de frayeur immédiate à avoir.

« - À la moindre incursion révolutionnaire, ne vous privez pas pour en terminer avec cet effroyable endroit. Nous ne pouvons permettre un tel discrédit pour le Gouvernement Mondial et malheureusement nombre de prisons comme celles-ci en font partie… Toutefois, comme si une idée venait soudainement d’éclore dans son esprit, la blonde s’arrêta soudainement dans ses directives, affichant une lueur d’espoir dans le regard pendant un temps imperceptible, une fois de plus. Laissez-moi juste le temps d’interroger l’un de ces vauriens pour savoir où se trouve Browneye avant de commander la détonation.

- Évidemment, mais ne tardez pas trop. Permettre à la révolution de récupérer leur général et nous couvrir de honte serait probablement aussi inculpant que si nous le leur avions directement livré sur un plateau d’argent.

- Dans l’hypothèse où ils viendraient pour cela. Et dans l’hypothèse où ils auraient bien capturé Angelica et où elle aurait parlé. Peut-être ne verrons-nous nulle voile grise aborder cette île et nous sommes nous fourvoyés. Après tout, vous n’en aviez parlé qu’à nous deux et seule une poignée d’agents du CP0 connaissent l’emplacement de l’Atout, n’est-ce pas ? »

C’était ça et Karen se garda bien de dire qu’elle avait laissé l’information fuiter chez les deux jeunes femmes volontairement, mais elle ne put réprimer un léger sourire tout en répondant par l’affirmative. Pendant que leurs deux regards convergeaient vers l’ouest où était plantée dans les flots, pratiquement invisible, la lourde porte menant sur le courant Taraï qui se refermait lentement.

Tout était si calme.

***

Ce calme perdura sans changer les jours qui suivirent, martelant de l'impact du froid la peau fine et diaphane de la directrice qui semblait là avoir trouvé son nemesis naturel. Toutefois, ce fut au goutte à goutte qu'arrivèrent de nouveaux chargements amenant toujours de nouvelles âmes pour venir habiter les cellules et même quelques gros poissons. Mais le CP9 ne s'y intéressa pas ou, du moins, fit l'erreur de ne pas trop s'y intéresser, car d'autres équipes d'agents arrivaient. Et si le débarquement du vieux Couard et du Nettoyeur avait été prévu de longue date, il n'en avait pas été de même pour celui du Crocodile qui s'était invité à la petite sauterie sans autorisation avec ses excités du ciboulot et que la directrice espérait bien laisser pourrir dans l'explosion.

Elle ne s'imaginait pas alors à quel point la moindre de ces recrues s'avérerait nécessaire dans le combat à venir, grandement sous-estimé par le Gouvernement Mondial qui, s'il l'avait prévu, aurait probablement dépêché un Amiral sur les lieux en supplément. Car jamais, du point de vue de la blonde, Salem n'avait autant brillé par son absence et sa présence aurait peut-être pu tout faire changer.

Mais à cet instant, son destin et celui de nombre de ses subalternes était scellé.
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