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Cher Monsieur Potter

Dans ses caresses, dans ses murmures, la danse des alizées l’emportait joyeusement. La sensation était grisante, incomparable. Raphaël ne pouvait s’empêcher de crier, d’hurler son euphorie au monde. L’esprit vide, les muscles complètement relâchés, il ne s’était jamais senti aussi vivant, jamais aussi important et puissant. Les vents caressaient sa peau et faisaient se dresser ses poils sur leur passage, son cœur ne cessait de bondir dans sa poitrine. À cette hauteur, il n’y avait aucun obstacle, aucune contrainte, tout était liberté et toutes les directions menaient à toutes les destinations. Ses problèmes étaient oubliés.

Ce fut du moins le cas jusqu’à ce que l’île céleste soit en vue. Weatheria, un miracle conjugué de la nature incroyable des mers blanches et de l’inarrêtable science climatique, ce gros îlot, uniquement composé de nuages tangibles, flottaient comme une bulle au gré du vent et de ceux qui les contrôlaient : les anges qui étudiaient et continuaient de percer les mystères de la nature.

Quelques jours, semaines -il n’aurait sur le dire- étaient passés depuis qu’il avait échappé à l’enfer glacé, se retrouver, si grand, si loin de tout marine ou de toute autorité lui faisait un bien fou. Pendant des heures, suspendu dans les airs, il avait arrêté, ballotté par les zéphyrs et les boréades, de penser à toutes les conséquences qu’auraient Jotunheim sur sa vie. Il avait arrêté de penser aux journaux, au gouvernement et à tout ce qu’il avait laissé derrière lui sur les Blues. Il était libre comme il ne l’avait jamais été et il avait un objectif : Retrouver Nova et Jack, ses compagnons que ses mésaventures l’avaient forcé à abandonner sur Little Garden sans moyen d’en partir.

Et si l’île jurassique était tout aussi extraordinaire que Weatheria, elle n’en était pas moins difficile à trouver. Rien n’y avait fait, ses tentatives de trouver un capitaine ou un Eternal Pose capable de l’y mener s’étaient retrouvées infructueuses. Il s’y était pourtant bien entêté et avait semé son lot de troubles sur une Armada déjà bien agitée. L’archipel pirate – quintessence de la flibuste où ses dernières et périlleuses aventures l’avaient emmenées- était notamment connu pour ses ressources et la prospérité qu'il accordait à ses résidents. La liberté de voguer où bon leur semblait en premier lieu, une Vivre Card pour cette flotte itinérante en poche et les boucaniers partaient piller et saccager sur toutes les mers qui leur plaisaient.

Mais la chasse aux dinosaures était visiblement passée de mode et il avait fallu qu’il insiste lourdement auprès d’Izya pour qu’elle lui concède un peu d’aide.

Moins directe qu’il ne l’avait prévue, elle s’était tout de même présentée en la charmante compagnie de Yuna, une ange proche de la dragonne qui s’était proposée de le transporter jusque dans les mers célestes. Car l’île de Weatheria, en plus d’être le berceau de la science climatique et, encore plus récemment, de la toute première école l’enseignant, était également une véritable tour de contrôle qui monitorait et régulait le climat mondial. Il trouverait forcément de l’aide là-bas, elles le lui avaient assuré.



"Accroche-toi bien Raphaël, on va descendre ! "

Raphaël, imitant l’ange blonde resserra sa prise sur le cou de la grande chouette harfang sur laquelle ils avaient parcouru une si longue distance. Sa joue se colla contre les plumes blanches immaculées, il sentit avec plus d’intensité les grandes ailes, et la force qu'elles déployaient, alors qu’elles manœuvraient pour atterrir. Le corps de neige se contracta gracieusement, virevoltant entre les hélices et les nombreux moulins à vents qui parsemaient les hauteurs de cette merveille, surmontaient la beauté des jardins climatiques et irisaient les nombreuses infrastructures –toutes faites de nuages- des reflets du grand arc-en-ciel.

La contemplation de Raphaël s’arrêta en même temps qu’ils atterrissaient et que le monde revenait à leur échelle. La chouette se posa sur un des grands perchoirs de nuages sculptés qui ornaient la grande place, laissa ses cavaliers descendre et repartit aussitôt qu’on l’eut récompensé pour ses bons services.

"Elle a bien mérité d’aller se taper une petite fringale après tout ce chemin ! Un peu de repos aussi, j’imagine qu’elle n’est pas habituée à porter autant de monde.
- Tu serais surpris. " lui répliqua l’ange avec un sourire mystérieux.

Raphaël lui rendit son sourire, mais moins direct et prévenant qu’à son habitude, il enchaîna aussitôt ne songeant pas un instant que la blonde ait le besoin ou l’envie de se reposer.

"Moi ce qui me surprend c’est tout ce monde, il y autant de scientifique qui étudient le climat ? La place manque un peu, non ? Ils les font où leur recherche, sur des bureaux volants ? "

Et effectivement, autour d’eux la foule était dense et disparate. Des petites échoppes en cumulonimbus avaient été construites en hâte et on voyait les gens s’agglutiner autour pour contempler ou acheter les divers articles dont Raphaël, encore trop éloignés n’arrivaient pas à lire les écriteaux. De-ci et là, des animaux coassaient, roucoulaient et hululaient et on voyaient des gamins se courir après en se pointant avec des petites baguettes projetant des étincelles. Plus loin, un homme en pantalon bouffant flottaient à quelques centimètres du sol -son harnais accrochés à des gros ballons de nuages cotonneux où il plongeait des sticks en bois- et servaient d’énormes et curieuses barbe à papa vaporeuses à ses clients. Il perdait chaque fois quelques centimètres de hauteur, la masse des nuages qui le tenait diminuant et ses poches se remplissant peu à peu.

"Bien vu, Cloud’Academia, la première école de sorcellerie au monde vient d’ouvrir. Il y a du monde qui s’impatientait. "

Raphaël repéra alors un panneau indiquant où il avait atterri :

« Traversée des brumes
Première rue commerçante de Weatheria
Tout ce que vous cherchez, ici vous le trouverez ! »



Dernière édition par Raphaël Andersen le Dim 10 Mai 2020 - 17:55, édité 9 fois
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- Polooooooooop ! Pooooo… !

- Blblblblbl ! Le navire bouche arrive au port ! Prêt à embarquer toute la cargaison de glaaace !

- Calmez-vous un peu tous les deux. S'écria Myo. Quant à toi, gamin, je suis pas sûr que le sucre soit très indiqué vu ton hyperactivité…

- C’toi le sucre.

Étouffant un soupir d’agacement, Myosotis se mit à marmonner en passant une main sur son visage. Assis à une table sur la terrasse d’un salon de thé, l’ambassadeur tâchait de garder sa contenance face à ses deux compagnons qui ne lui facilitaient que trop peu la vie. Le premier était un petit garçon habillé d’un ensemble de soie aussi éclatante qu’un tournesol sur laquelle était brodée plusieurs motifs floraux, du lierre entrelacé avec des chrysanthèmes. Il semblait constamment jovial et ses yeux noisettes pétillaient à chaque instant, ses mèches rebelles aux reflets d’or flottant avec la brise. Il se nommait Félix, Félix Windwings. Soit disant membre des “Boucliers de Weatheria”, milice protectrice de l’île volante. Il était tombé littéralement sur Myo’ à sa descente du navire de transport de la Cloud Academia en lui atterrissant sur les épaules, le faisant s’écrouler de tout son long. Depuis, Félix ne le quittait plus, prétextant qu’il devait surveiller un individu aussi louche que lui pour qu’il ne fasse pas de bêtise. Sur la tête de l’enfant trônait un petit poulpe en train de grignoter une barre chocolatée. Cet être singulier était Ramsès, un octopode malin qui accompagnait Myosotis dans ses voyages depuis un bon bout de temps déjà. L’androgyne n’avait pas choisi de l’emmener sur Weatheria avec lui, mais il l’avait tout de même trouvé bien caché dans sa poche.

- Quand est-ce que tu vas arrêter de me suivre partout ? Je t’ai déjà dit que je viens ici pour étudier à l’école de magie climatique.

- Tu mens. Tu dis des mensonges avec ta bouche.

- Un peu de respect !

- Polop.

- Oh ne le défend pas toi ! Je ne mens pas. Je peux te montrer la lettre qui atteste de mon inscription.

- M’en fous, j’sais que tu dis des bêtises. Et si t’es pas content et bah j’le dis aux autres Boucliers et ils viendront t’arrêter ! J’reste, j’aime bien traîner avec toi.

- Et c’est si réciproque.

S’il débarquait ce jour sur Weatheria, c’était parce que Myosotis voulait mettre la main sur ce qu’il appelait la Clé Féerique. Cette clé faisait partie d’un ensemble de sept lui permettant de récupérer un fabuleux trésor dont son frère avait récupéré la carte. Il avait déjà récupéré la première clé sur Whiskey Peak et, d’après la carte, sa seconde destination semblait être l’île de Weatheria. Seulement, il lui fallait trouver un moyen d’accéder à l’île sans encombre. Le jeune homme décida donc de s’inscrire au programme de la Cloud Academia lors des sessions d’entrées sur les Blues pour avoir une belle route d’accès à l’île céleste ! Le reste, il en ferait son affaire.

- Roh ! C’est pas vrai !

- Quoi ?

- Les boules chocolat sur ma glace ! J’en ai trente-six !

- Et alors ?

- LA DERNIÈRE FOIS J’EN AVAIS TRENTE-SEPT !

Plusieurs anges et futurs étudiants autour d’eux se retournèrent pour toiser le garnement capricieux avant que Myosotis ne le fasse taire en lui enfonçant la tête dans sa coupe glacée. De la crème à la vanille étalée sur le visage, Félix laissé échapper un juron pendant que Ramsès se précipita sur la table pour dévorer les billes de cacao. Passant la main dans la poche intérieure de son manteau, Myo’ attrapa alors sa liste de fournitures à acheter pour voir ce qu’il lui manquait.

- Une baguette climatique, j’ai déjà depuis longtemps… De quoi écrire, oui… Les livres scolaires. Félix, où est la librairie ?

- Y en a plusieurs. Tu dois acheter lesquels ?

- Le “Livre des techniques et sorts climatiques”, “L’Histoire de la magie climatique”, “Ingénierie climatique, théorie et pratique”, “Climatologie et illusionnisme” et “Divination par le climat.”. Ha ! De la divination… Cette école me sert vraiment toutes les matières sur un plateau.

- Pourquoi ?

- Pff.. T’occupes, c’est pas important.

- Si, c’est important. Mais tu veux pas m’dire. M’en fous je reste jusqu’à la fin, j’le saurai.

Myosotis se serait bien débarrassé de ce gamin en un tour de main grâce à un habile tour de Color Trap. Mais il fallait l’avouer, il ne connaissait rien de Weatheria. Il fallait qu’il supporte donc le caractère du garçon jusqu’à ce qu’il mette la main sur la clé, tout en le contentant par la même occasion. Il était déjà relativement suspicieux, qui savait où Clé Féerique se trouvait ? Si jamais elle était entre les griffes de quelqu’un d’important et que Félix apprenait un peu tôt que Myo’ était à sa poursuite, ça pouvait ruiner ses plans. Non, l’ambassadeur avait un plan adéquat : jouer les baby-sitters.

- Alors cette librairie ?

- Au bout de la Traversée des Brumes, chez Flott & Bleury.

- Paaaarfait. Allons-y.

- Mais ma glace !

- C’est déjà ta troisième, et elle est toute renversée…

- Pff… m’en fous j’ai une sucette dans ma poche. Ok on y va.

- Polooop !
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"Tu veux aller faire un tour par l’animalerie ? On m’a dit que tu avais un petit faible pour les grands lézards ? " lui demanda Yuna le plus sérieusement du monde, et ce bien qu’elle soit en train de siroter une sorte de soda crémeux, couleur soleil, dans une choppe gigantesque "C’est une spécialité de Boréa, sûr de ne pas vouloir goûter ?"
- Non, vraiment t’inquiète, je connais. " insista encore Raphaël en repoussant l’offre de l’ange qui prenait décidément très à cœur son rôle de guide.

Il ne mentait d’ailleurs pas, il avait déjà eu l’occasion de savourer la délicieuse spécialité de Bocande, seulement une moins succulente affaire de glacier et de bandits de grands chemins avait définitivement gâché son plaisir d’en boire. Rien que l’odeur caramélisée le dégoûtait et, sorti de la taverne où il n’avait trouvé aucune info à sa convenance, il en grimaçait encore lorsqu’un jeune homme, qui avait perdu de vue sa petite amie, leur avait demandé son chemin.

"Quant aux bestioles, longue histoire… Je te raconterai ça une autre fois. Je crache par sur ton aide, loin de là mais si tu pouvais éviter de prendre pour argent comptant l’humour douteux d’Iz…
- Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
- Quoi ? " s’étonna Raphaël en fronçant les sourcils.
- Ecoute Raphaël, sache une chose, tous les habitants de cette île céleste ne sont pas des gens de confiance. Que ce soit sur Stymphale ou ici, la fascination des habitants des mers bleus pour les mers blanches a toujours amené à des conflits expansionnistes. Puis Tu-sais-qui est arrivée, a libéré l’île et lancer le projet de la Cloud’Academia pour que l’enseignement de la magie céleste se démocratise… Un beau projet, mais cela veut aussi dire qu’absolument tout le monde peut se trouver sur Weatheria. Si le Gouvernement Mondial apprenait qu’elle lui était affiliée, cela aurait des conséquences terribles.
-Mouais... Elle se la joue trop. Et j’emmerde son humour. "

Il avait beau estimer son amie, il n’avait pas encore avalé tout ce qui leur était arrivé dernièrement. Il reprit, plus posé, après quelques instants de réflexion.

"Tu penses qu’ils pourront aider ? Ils s’approvisionnent sur Little Garden ? " puis après un encore un moment de réflexion et des yeux ronds "Quel genre d’animalerie s’approvisionnerait à  Little Garden ?
- Honnêtement je ne sais pas, mais si tu ne veux pas rester boire un verre à la taverne, c’est une autre piste." conclut-elle en laissant à nouveau disparaître son sourire mystérieux dans sa choppe.
"Ca se tente, et on la trouve où cette animalerie ?
- Un peu plus bas, sur le boulevard en face de la boutique de baguettes climatiques que tu ne risques pas de manquer.
- De baguettes ? Celle qui servent aux étudiants de Cloud’Academia ? On peut y trouver des véritables baguettes pour contrôler le climat ?!" reprit Raphaël, beaucoup plus intéressé dès lors que sa curiosité était titillée. Yuna ne lui répondit pas tout de suite, le regard fixé sur un couple d’individus masqués en robe noire, mais un raclement de gorge du vert la rappela à l’ordre.
"Oui, et un joli vendeur, tu ne trouveras pas mieux. Si tu veux bien, attends-moi là-bas, j’ai encore quelque chose à faire, ce ne sera pas long. Avec un peu de chance, tu croiseras peut-être un des autres boucliers, je les ai prévenu. "

Il n’eut pas le temps de protester que l’ange blonde disparut derrière sa choppe vide.

Nouvelle grimace.

Ce n’était pas vraiment le genre d’enquête à laquelle il s’était préparé, mais à vrai dire Yuna n’avait jamais vraiment promis de l’accompagner pendant tout son séjour sur Weatheria. De ce qu’il avait compris de ses fonctions, elle était une des protectrices de l’île et devait probablement s’occuper de bien d’autres problématiques que sa personne. Il laissa une gamine déboussolée lui couper le chemin, visiblement paniquée de ne plus avoir ses parents dans son champs de vision, puis prit une direction hasardeuse les mains dans les poches. La négligence de certains était alarmante mais il se permettrait de juger le jour où il aurait fait face à la sienne.

Sortant une cigarette de sa poche, il repéra quelques enseignes d’intérêts et s’arrêtant devant la vitrine de la libraire Flott et Bleury, se félicita de ne pas être un futur élève de l’école tant la queue s’étendait dehors.  Il se permit de sonder les présentoirs en allumant sa clope, devant une si mystérieuse littérature, c’était un rituel auquel il ne pouvait pas couper. D’autant qu’entre Little Garden, Jotunheim et Armada, le plaisir d’une lecture agréable ne lui avait été que depuis trop longtemps refusé. Cela vaudrait probablement la peine de repasser une fois que les cours auraient commencé. Peut-être même avec Jack et Nova, il était certain que la navigatrice et le jardinier trouveraient aussi l’émerveillement dans un pareil endroit.

Cette pensée satisfaisante lui fit autant de bien que sa bouffée de nicotine, mais une voix familière le tira de cette rêverie.

"Tu appelles ça jeter un sort ? Avoue que ce n’est pas une réussite." se moqua une grande figure aux cheveux roses parfaitement coiffés. Une jeune adolescente à la poitrine opulente -qui attirait jusque-là toute l’attention dans la foule- venait visiblement de le contrarier.

Raphaël faillit avaler et s’étrangler avec sa cigarette. Nouvelle grimace.

Pas lui.

Pas maintenant.

Pas après s’être échappé.

Non.

Il jeta sa clope à ses pieds, releva le col de sa chemise pour faire oublier son visage et s’éloigna vers la chaussée opposée pour longer les murs.

"Qu’est-ce que t’en sais de toute façon le vieux ? T’es pas  un peu trop un vioque pour t’inscrire à la Cloud’Academia ? Va faire des mots croisés plutôt.
- Oh si darling, je suis inscrit. Et si je n’ai jeté que quelques sorts faciles, ça a marché à chaque fois. Par exeeeeeeeeemple… " machiavélique dans sa théâtralité, l’homme sortit avec une élégance qui lui était toute particulière sa fidèle canne clima-tact dont s’échappa une bulle d’électricité.

Le fugitif, s’échappant sur la pointe des pieds en était arrivé à masquer son visage coupable de ses deux mains gantées quand la bulle vint éclater au visage de la provoquante gamine.

"NOM D’UNE CHOUETTE ! Mais c’est RAPHAËL ! " s’extasia Félix qui, en engloutissant sa dernière boule de glace, venait de reconnaître l'invité dont Yuna lui avait annoncé la venue.

Le vert se figea, pétrifié, en même temps que la permanente de l’adolescente se dressait dans un grésillement. Le regard du rose rencontra le sien, visiblement bien déboussolé.

"Myosot-tis… Toi ici ? " s’enquit Raphaël, faussement réjoui de revoir un de ses amis du gouvernement au lendemain de Jotunheim. L’erreur judiciaire qui avait rythmé ses dernières emmerdes.


Dernière édition par Raphaël Andersen le Dim 10 Mai 2020 - 17:52, édité 2 fois
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- TOI !

A la seconde même où Myosotis vit le croupier à la tignasse verte, il serra son poing et crispa son visage. S’il le pouvait, il se mettrait à jeter des éclairs de ses yeux perçants pour foudroyer Raphaël. Fort heureusement pour l’androgyne, le jeune homme en face de lui s’était pétrifié en le voyant comme s’il avait croisé le regard d’un basilic. Myo’ fonça vers lui, Ramsès s’agrippant à son épaule avec ses petites tentacules pour ne pas tomber. Toujours aussi guilleret, Félix gambadait en sautillant aux côtés de l’ambassadeur qui s’avançait. Le petit ne comprenait pas pourquoi le jeune homme qu’il talonnait se montrait si courroucé envers l’invité vert, et après tout il s’en fichait. Le petit bouclier de Weatheria était juste là pour s’amuser ! Arrivant face à Raphaël, Myosotis se retint de le gifler sur place pour ne pas provoquer un esclandre et attirer l’attention. Il se contenta à la place de le toiser d’un regard noir.

- Tu as l’air ravi de me voir. Plaisir partagé. Grinça Myosotis.

- Aaaaaah… haha ! En vacances ? Comment va Milan…?

- TRÈS BIEN. Comment vont Jack et Nova ? Oh, laisse moi deviner. Tu l’ignores ?

- Mais…

- Silence. Pas de “mais” !

Myosotis constatait bien que Raphaël tournait autour du pot. La présence du dignitaire gouvernemental le gênait manifestement. Mais était-ce plutôt de la honte ? De la peur ? Ou les deux à la fois ? Myosotis l’ignorait, et après tout il s’en fichait. Il était présentement bien trop agacé pour faire la part des choses. Farfouillant dans sa sacoche, Myo’ en sortit une affiche qu’il avait soigneusement plié et rangé dans un calepin à la couverture de cuir. Il ne fallait pas être bien finaud pour comprendre que ce tract était un avis de recherche à l’encontre d’un criminel. Mais cette affiche était plus spéciale pour Myosotis. Sur cette dernière, il n’y a pas le visage d’un quelconque pirate. Non, sur cette affiche c’était Raphaël qui était recherché, et primé. Le croupier était devenu un pirate. Myo’ la montrait à Raphaël qui, semblant dégouté de la voir, fuyait le regard pour plutôt regarder son interlocuteur d’un air penaud.

- Je n’osais pas en croire mes yeux quand je l’ai vu dans le journal. Mais il ne m’a pas fallu bien longtemps pour faire le rapprochement entre l’arrestation de la pirate dragonne et ta présence sur la Première Voie. Et ensuite avec la débâcle monumentale de la prison de Jotunheim, ta prime de 66 millions n’est une surprise pour personne.

- Ecoute, c'est plus compliqué que ça...  

- Et n’essaie pas de me dire que ça n’était pas toi, que c’était un autre. Il m’a suffit de passer un appel pour avoir confirmation de plusieurs officiers présents. Et dire que tu me faisais la leçon quand on s’est vu à Whiskey Peak, que tu ne me faisais pas confiance pour une unique soirée arrosée où j’ai essayé de t’arnaquer y a trois ans de ça. Et oh surprise je découvre dans le journal que tu es en réalité ami d’une des criminelles les plus recherchées du monde et que tu fricotes avec la racaille ! Et dire que je pensais que nous étions amis… Une explication  peut-être ?

- C’était une erreur judiciaire ! Répondit Raphaël le plus sérieusement du monde.

Myosotis était tellement effaré que son sourcil gauche se contractait tout seul par spasmes et il se mettait également à respirer fort. Il laissa échapper un léger sifflement en soupirant sans le vouloir, un bruit à mi-chemin entre une bouilloire fumante et un ballon qui dégonfle. Ramsès était tout doucement descendu sur l’épaule de Félix, qui n’écoutait pas du tout la discussion des grandes personnes. L’enfant admirait la devanture d’une confiserie dans laquelle trônait plusieurs choco-nuages au coeur fondant, ainsi qu’une rangée de boîtes de dragées aux goûts surprise. Il se retourna cependant quand Myosotis reprit de plus belle, cette fois-ci n’hésitant pas à tempêter en hurlant :

- Comment as-tu osé convoler avec ces ordures ?! Je suis véritablement indigné ! Je suis sûr que Nova et Jack sont perdus quelque part sur Grand Line, et c’est entièrement ta faute ! Si jamais tu refais un seul pas de travers, c’est moi qui te ferai rentrer à la maison.

Tout le monde dans la rue s’était tourné vers eux, échangeant à messe basse quelques commentaires cancaniers en voyant ce type débonnaire se faire enguirlander sans broncher. Peut être que Raphaël s’en fichait, peut être que ce qui disait Myosotis ne l’atteignait pas. Mais Myo’ attendait de tout déverser sur Raphaël depuis qu’il avait découvert cette affiche. Il pensait que l’aventurier vert le considérait comme un ami depuis leur rencontre à Whiskey Peak, qu’il aurait cherché à le contacter, ou que Nova et Jack l’auraient prévenu pour qu’il parte le sortir de Jotunheim. Mais non, à aucun moment ce dernier n’avait considéré une seule seconde d’appeler l’ambassadeur. Pire encore, il n’avait prévenu personne et n’avait même pas cherché à sécuriser Nova et Jack. Myosotis était sincèrement frustré, se sentant peiné d’avoir été oublié, Raphaël ayant été plutôt acerbe en pointant du doigt les anciennes manières de l’androgyne lors de leur dernière rencontre. Non, peut être que finalement il n’avait été qu’une pierre sur son chemin, un pion de passage, une ombre sans forme.

- Hé Raphaël ! Fit Félix pour briser le silence. Faut que tu ailles t’acheter ta baguette magique !

- Hein ? Mais… je ne suis pas vraiment ici pour étudier tu sais.

- Félix à raison.Trancha Myosotis tout en conservant son regard lourd. Tu ne gâcherait pas son plaisir à un enfant, n’est-ce pas darling ? Et puis, tu me dois bien ça.

Myosotis ne laissa pas le temps à Raphaël de répondre, il l’attrapa pas le bras et l’entraîna à l’intérieur de la boutique de baguettes située derrière eux. Félix les suivit en sautillant, Ramsès le poulpe toujours sur son épaule. A peine en ouvrant la porte, l’odeur du bois vinrent chatouiller leurs narines. Des centaines de boîtes étaient rangées dans d’immenses étagères  qui partaient vers un plafond qu’ils n’arrivaient même pas à voir tant il était haut et dissimulé dans l’ombre. Plusieurs échelles et escabeaux étaient empilés ça et là, sûrement pour grimper vers les ténèbres. Myo’ remarqua même une lampe frontale posée sur une tablette dans un coin de la boutique. Le magasin était désert, personne ne s’était présenté à eux malgré le tintement de la clochette émis lors de leur entrée. Une fois encore, l’enfant décida de faire jouer de ses cordes vocales.

- DEBOUT LA DEDANS ! Y A UN PETIT RAPHOU QUI VEUT SA BAGUETTE !

Raphaël se tourna vers le garçonnet qui le regardait avec des yeux ronds, Ramsès posé fièrement sur sa tête.

- Tu es un sorcier, Raphi.


Dernière édition par Myosotis De Ville le Ven 15 Mar 2019 - 0:03, édité 1 fois
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"… C’est ridicule. "

Dans quoi s’était-il encore embarqué.

" Mais non, tu vas voir ! La magie climatique c’est suuuuuuuuper ! Et puis bon, il faut bien que tu t’occupes pendant le temps que tu seras sur Weatheria !
- Je ne compte pas rester. Et puis quoi, j’ai pas l’intention que des vieux timbrés m’apprennent à faire des tours de magie.
-  Peut-être que tu devrais, ce serait une occupation plus saine que les précédentes, darling.
-  Pour faire quoi ? Des étincelles et des grillades ? "
- Qu’est-ce que tu insinues ?!
- Que tu devrais arrêter de prendre des airs et tout le monde de haut. Et puis surtout de me coller aux basques, il y a pas marqué « Défouloir », merde. " répliqua-t-il agacé par le ton avec lequel Myo s’acharnait contre lui.
- Oh non. C’est seulement marqué « 66 millions de berrys ».
- Très drôle. Et tu vas faire quoi ? M’arrêter parce que ma gueule t'es pas revenue sur une affiche ? Sans même essayer de comprendre comment j’en suis arrivé là ? " il savait qu’après ce qu’ils avaient vécu ensemble, il pouvait se permettre de hausser le ton avec Myosotis, il se rendait également compte qu’il commençait à dépasser les bornes.
- Toujours la même rengaine, toujours les mêmes excuses. Il serait temps d’assumer tes actes et de grandir.  Tu t’apercevra vite que certaines rencontres valent mieux que d’autres, évite de choisir tes relations parmi les gens douteux.
- BON LES ENFANTS ! ON ARRÊTE DE SE DISPUTER ! Il y a quelqu’un.
- Je sais reconnaître les gens douteux merci, je n’ai pas besoin de conseil.
- J’ai diiiiiit… Il y a quelqu’un. "

Une demoiselle en haillons venait en effet d’apparaître. Elle avait glissé, en même temps que l’échelle de bois sur laquelle elle était perchée, le long d’une des grandes étagères sur lesquelles étaient entreposées des centaines de boîtes en bois. L’air confus, elle semblait perdue ou tout du moins embêtée de les voir arriver. Raphaël haussa les sourcils, adoptant une moue peu convaincue par l’esprit marchand de la jeune femme, mais son apparition avait au moins eu l’avantage d’interrompre la dispute.

"Je… Je peux vous aider ? La boutique est fermée vous savez. "

Ils se retournèrent tout trois et constatèrent en effet que la pancarte à l’entrée indiquait une fermeture temporaire, le temps d’un déplacement exceptionnel. Raphaël voulut se saisir de l’occasion pour partir et se mettre enfin en quête des informations qu’il cherchait, mais Félix lui coupa l’herbe sous le pied.

"Oh mais vous êtes de retour maintenant, il n’y a pas de soucis ! Et puis bon, ce n’est pas n’importe quel client, il s’agit de notre excellentissime invité Raphaël ! Parole de bouclier ! "

La moue de Raphaël se transforma en rictus gêné. Si Félix était un des protecteurs de l’île, il n’était pas bien sûr que la note, selon laquelle on devait éviter de faire comprendre à absolument tout le monde que vous-savez-qui en était la bienfaitrice, était arrivée jusqu’à lui. Si besoin, il tâcherait de trouver de nouveaux mensonges pour protéger son secret. Myosotis était beau parleur et avait l’esprit vif, mais lui plus encore lorsqu’il s’agissait de travestir la vérité.

"Ah… je m’étonnais de ne pas vous avoir encore vu M. Raphaël. " enchaîna la jeune femme, faisant mine de comprendre ce que voulait dire le gamin en se rongeant un ongle. Elle approcha du comptoir, le regard traînant, y laissa glisser ses doigts à la recherche de quelque chose. Raphaël ne comprenait pas vraiment ce qu’elle faisait, elle avait clairement l’esprit ailleurs, mais il se dit que ce devait être un trait commun chez les anges. Félix en revanche, s’impatienta.
"BON ! Les baguettes !
- Oui ! Les baguettes… Les baguettes… J’ai l’impression que c’était hier que j’ai vendu ma première baguette…Ah ! En voici une ! "

S’emparant d’un petit tuyau orné de trois grandes sphères bleues qui paraissait pouvoir se scinder en plusieurs parties. Elle la refourgua aussitôt dans les mains de Raphaël et se hâta de disparaître à nouveau derrière les étalages.

"Euh… "

N’ayant jamais tenu un tel appareil et ne comprenant toujours pas pourquoi il s’était laissé convaincre de rester plus longtemps dans cette boutique où ils n’étaient –très clairement- pas les bienvenues, Raphaël chercha l’aide de ces compagnons du regard. Myosotis le lorgna de pied en cap avec un air dégoûté, comme s’il était évident que la baguette ne lui allait pas au teint ou qu’elle le grossissait. Félix lui avait l’air exaspéré par son ignorance.

"Eh bien ! Fais le geste ! "

Instinctivement, comme s’il était mis à l’épreuve, le nouvellement hors-la-loi secoua brutalement son triple-hochet scientifico-magique. L’effet fut immédiat et un trait de foudre fusa contre une étagère et fit exploser son contenu dans un grand nuage de poussière. Il sursauta et reposa aussitôt l’engin sur le comptoir, un rire condescendant s’échappa derrière lui. Félix prit un air songeur et fit tinter la clochette pour que la vendeuse daigne s’occuper dignement de leur commande. Elle réapparut d’un autre coin de la boutique, l’air encore plus pressé.

"Apparemment non… AH ! Peut-être celle-ci ! "

Elle lui confia un modèle similaire, cette-fois exempt des sphères et repartit à ses affaires avec le même empressement.

Peu rassuré mais résigné, Raphaël réitéra l’expérience. Cela sembla bien se passer au début, un nuage en spirale se condensa autour de sa pointe, mais presque aussitôt qu’il voulut se féliciter de sa victoire, le nuage explosa en une averse de grêle qui entre autre, brisa un vase.

Toujours pas.

La vendeuse reparut après une attente encore plus longue et des sollicitations toujours plus insistantes du bouclier qui commençait à bougonner qu’il allait faire un rapport sur l’établissement.

"Je me demande si…"

Cette fois elle prit un peu plus de temps de réflexion mais lui lança carrément une baguette aux deux embouts arrondies, elle était plus longue, flexible et striées de rayures blanche et orange.  

Raphaël s’en empara et l’effet fut immédiat.

Un léger souffle de vent s’échappa de la baguette, une corde harmonieuse, presque tangible qui serpenta autour de lui et lui donna un incroyable sentiment de légèreté. Un instant il eut l’impression d’être en communion avec la baguette, en transe, comme si une musique mystique avait soudainement commencé à résonner dans son esprit pour lui indiquer –à l’aide d’une mise en scène subtile- qu’il venait de trouver la bonne. Seulement une fausse note dans la mélodie lui fit réaliser que ce n’était que Félix… encore… qui rangea bien vite son ocarina.

"Quoi ?... Fallait fêter ça ! D’ailleurs… étrange, vraiment très étrange. " le petit gars pris un air songeur, se massant la barbe qu’il n’aurait que dans quelques années.
- Euh… excuse-moi, mais qu’est-ce qui est étrange ?
- Je me souviens de chaqu-
- La vendeuse." l’interrompit aussitôt Myosotis dans sa nouvelle affabulation, quelque chose le gênait de toute évidence "Elle me dit quelque chose. Et elle n’avait pas l’air d’avoir l’esprit tranquille. Je crois… bien l’avoir déjà vu sur un avis de recherche mais… elle a l’air sensiblement plus jeune.
- OH ! Maintenant que tu le dis… " commença à réfléchir Raphaël qui, depuis le début, avait également remarqué qu’un détail clochait sans pouvoir mettre le doigts dessus "Le Joli Vendeur… Il n’y a pas de Joli Vendeur ! On m’avait dit que la boutique était tenue par un Jolie Vendeur ! J’en suis sûr.
-Et ? " s’enquit l’ambassadeur avec l’expression de quelqu’un qui ne comprend pas le raisonnement brouillon d’un obsédé.
"Et c’est une vendeuse !
- Moi je la trouve jolie.
- Peut-être, mais ça ne marche pas !" s’entêta-t-il en rangeant la baguette –impayée- dans la poche arrière de son pantalon.

La vendeuse, étrangement plus impliquée et fuyante, ne donnait plus signe de vie. Sans aucune manière, Raphaël passa par-dessus le comptoir et suivit la direction qu’elle avait empruntée. Les deux autres protestèrent mais à voir les étagères éventrées et les boîtes renversées sur son passage, il avança d’un pas toujours plus vif, conforté dans son idée.  Une quantité astronomique d’instruments semblaient avoir disparu des étalages.

Les meubles étaient retournés.

Les tableaux en lambeaux.

"OH BORDEL. "

Une porte claqua violemment en arrière-boutique. Il avait seulement eu le temps d’entrapercevoir le corps –inanimé- d’un vendeur –sans doute joli- disparaître derrière l’encadrement de la porte. Il ne sut pas immédiatement ce qu’il se tramait, mais comprit tout de suite ce qu’il devait faire. Un juron derrière lui indiqua que Myosotis avait compris la même chose.

Il se précipita, arracha presque la porte de ses gonds.

Il déboucha sur une ruelle. Droite. Gauche. Il n’eut qu’une seconde pour se décider. Droite. Rue moins passante, de ce qu’il en avait vu.

Ses bras se mirent à faire des moulinets dans l’air. Une passe. Cinq mètre. Rien. Une passe. Dix mètres. Rien. Il accéléra sa course en même temps que ses invocations se faisaient toujours plus lointaines. Il était encore loin d’avoir atteint sa distance maximale, mais ne connaissant pas l’endroit ni la position de la  fuyarde, il ne pouvait que tâtonner. Son pas pressa et au coin d’un embranchement, il croisa son regard. Elle lâcha aussitôt le fardeau du corps qu’elle traînait, et s’enfuit avec son baluchon.  

Que se passait-il ? BORDEL.

Une nouvelle passe et une main gantée vint la saisir au collet, l’épinglant sur place. Son sac se répandit sur le sol.

"Tu ne nous échapperas pas ! "

Une traînée de savon courut le long d’une rue parallèle. Myosotis et Félix avaient eu la jugeote d’essayer de prendre leur proie à revers mais…

Raphaël se prit les pieds dans le savon, chuta, glissa. Sa concentration perdue, la fausse-vendeuse n’eut aucun mal à se dégager de sa prise et récolter un mince échantillon de ce qu’elle avait –de toute évidence- volé. La traînée de savon n’eut pas le temps de l’atteindre que Raphaël glissait jusqu’à l’ambassadeur, le culbutait par surprise et lui faisait à son tour perdre sa concentration.

Pas le temps de se relever qu’elle avait disparue avec une partie de son butin.

"Mais quel idiot ! Tu ne peux donc jamais t’empêcher de tout gâcher !
- Je te retourne le compliment."


Dernière édition par Raphaël Andersen le Dim 17 Mar 2019 - 22:33, édité 1 fois
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- Tu me retournes le compliment ? Tu préfères peut être qu’on fasse l’inventaire de tous tes coups d’orgueil que tu fais passer pour des erreurs du destin… ou de la justice ?

- Oh non, merci beaucoup, répondit Raphaël en se relevant. Je voulais simplement savoir si je pouvais me permettre une toute petite remarque, Myosotis ?

- Oh, j’imagine que tu vas te la permettre, en effet. Réplique Myosotis en serrant les dents.

Félix affichait une mine tristounette en regardant ses deux compagnons de route. Les deux n’avaient pas arrêté de se tirer dans les pattes depuis leurs retrouvailles. Si bien que l’enfant, pourtant déterminé à réunir les vieux amis, serrait ses petits poings contre son ventre en faisant la moue. La fausse vendeuse leur avait filé entre les doigts, et maintenant les deux aventuriers recommençaient à se tirer la bourre. Mais contrairement à leur premier accrochage dans la rue, cette fois Raphaël n’hésitait pas à répondre. Il semblait passablement agacé de l’attitude de Myosotis, estimant qu’il n’avait pas à lui reprocher quoi que ce soit. Mais l’androgyne, de son côté, en avait passablement assez de la désinvolture du croupier et voulait lui faire comprendre que les actions ont des conséquences.

- T’as aucun droit de me juger. Tu passes ta vie à mentir, à moi comme aux autres. Je t’ai vu jouer les médiums pour vider les poches des autres. Et trois ans plus tard, tu reviens la gueule enfarinée comme intouchable du Gouvernement, continue de te payer ma tête sur Whiskey Peak. Et tu penses avoir un droit de regard sur moi ?

- Arrêtez, s’il vous plaît… ! Fit Félix en émettant un cri plaintif.  

- Change de disque Raphaël, on l’aura compris que je suis un sombre enfoiré qui ne fait que manipuler les autres. Le fait est que même si je mens, triche, trompe et cache, je n’ai jamais négligé un ami.

- Je…

- Polop ! Poloooop !

Coupant court à l’échange entre les deux hommes, Ramsès empêcha Raphaël de répondre en s’agitant. Au sol, la pieuvre pointait quelque chose avec ses petits tentacules en affichant un regard alarmé. Sur le sol pavé de gris, tout le long de la rue, s'étalait plusieurs flaques et gouttes noires. L’octopode avait réussi à marquer la fuyarde avec plusieurs gros jets d’encre qui avait goutté par terre. De cette façon, ils avaient juste à remonter la piste de la fausse commerçante et l’arrêter. Mais ils devaient se dépêcher, qui sait quand elle se rendrait compte qu’elle avait été marquée. Ramsès était en tous cas on ne pouvait plus fier.

- Bien joué. Allons-y !

- Bravooo Ramsèèèèès ! Fit Félix, tout guilleret à nouveau, reprenant le poulpe sur son épaule.

- Tu viens ? Fit Myo’ en direction de Raphaël.

L’intéressé paraissait hésitant. L’homme aux cheveux verts affichait toujours une mine gêné en regardant l’ambassadeur. Il l’avait toujours mauvaise quant à la colère de Myosotis, mais ce dernier demeurait inflexible. Myo’ venait sur Weatheria uniquement pour trouver une clé, mais il se retrouvait avec un meurtre sur les bras à élucider. Cette fille… il était persuadé de l’avoir déjà vu, mais il n’arrivait pas à remettre la main dessus. Sans doute une énième racaille primée dont il devait avoir croisé le portrait sur un avis de recherche ou dans les dossiers gouvernementaux. Il y en avait pléthore, ça n’était certainement pas la première. Lassé d’attendre, il finit par lâcher :

- Hhh, fais comme tu veux. Et si je ne suis qu’un être vil pour toi, alors ainsi soit-il. Retournez à vos activités habituelles comme si de rien était, le tourisme, l’insouciance… Bref, faites comme d’habitude Raphaël, jouez la perso’ et ne me gênez pas.

Myo’ tourna les talons et s’élança à la poursuite de la vendeuse, hâtant Félix en même temps. Son ton avait été bien plus dur que les autres fois. Il n’avait exprimé aucune colère ni aucune rancoeur sur ses dernières paroles, mais plutôt de la peine. S’il y avait une chose à savoir sur Myosotis De Ville, c’était qu’il avait très peu d’amis. Il avait été très solitaire avant de rencontrer Scarlett, son équipière de toujours. Et le reste de ses proches, il les avait rencontré durant son service au Cipher Pol, et on pouvait les compter sur les doigts d’une main. Il n’acceptait que les preuves d’affections de cette “famille” de fortune, et le tutoiement était la preuve de sa propre affinité avec eux. Il avait sermonné Raphaël comme une mère aurait pu le faire envers son enfant, par peur, par amour, mais pas par dépit. Mais Myo’ s’était rendu compte que le croupier ne semblait pas partager la même considération.

Continuant de remonter la piste, il remarqua que Raphaël s’était mis toutefois à les suivre également. Il courait seul, deux mètres derrière eux, la mine toujours basse. Si la rue commerçante de la Traversée des brumes était très animée, les allées derrière la boutique de baguettes étaient désertes. Il n’y avait personne mis à part quelques oiseaux qui les toisaient du haut des toits avant de s’envoler. Le petit groupe entendit alors un fracas sourd provenant du prochain tournant, le bruit s’en suivit d’un cri aigu ressemblant à celui d’un chat. Ils virent effectivement un gros matou s’enfuir à toutes pattes en feulant furieusement. Les taches d’encre remontaient par là, les trois se dépêchèrent pour tomber… sur une impasse. La demoiselle de la boutique les attendait, mais elle venait de revêtir un nouvel appareil qui frappa immédiatement Myosotis.

La jeune fille:

- J… Jocelyne ?!

La raison pour laquelle Myo’ n’avait pas reconnu la petite, c’était très certainement parce que la dernière fois qu’il l’avait vu elle portait une tenue bien spéciale. Elle venait de troquer ses haillons trempés d’encre pour une salopette brune qu’elle avait dû dissimuler derrière deux poubelles. Et sur sa tête trônait une immense capuche ressemblant à l’abdomen d’une blatte, avec même deux longues antennes repliées. Elle n’était pas vraiment une connaissance de Myo’, mais il avait déjà croisé cette perfide demoiselle lors d’une vieille escale sur Bliss. En ce temps, l’androgyne n’était même pas du Cipher Pol. Et la dénommée Jocelyne Biubiu travaillait jadis pour un influent mafieux local. Le caïd aujourd’hui déchu, elle avait dû se trouver une nouvelle occupation.

- Hé j’te reconnais ! T'es le vilain qui a vaincu Papalrou !

- Vous vous connaissez ?

- Une vieille adversaire, rien de plus. Je constate que tu t’es trouvé une nouvelle occupation.

- C’est qui Myo celle là ? C’est qui ?

- Une petite frappe. Mais bientôt ça sera plus rien !

- Fufufu…! Ricana Jocelyne. Abracadabra, apparition embuscade !  

L'embuscade !:

Trois femmes courtes vêtues apparurent sur les toits les entourant, armées de plusieurs couteaux de jets qu’elles s’apprêtaient à lancer. Myo’ poussa Félix pour l’éloigner le plus possible. Les sœurs Gorgones lancèrent leurs projectiles qui furent promptement réceptionnées par les mains gantées volantes de Raphaël. L’une d’elles pesta en braillant pour l’insulter. Myosotis voulu répliquer en leur lançant des aiguilles de savon, mais Jocelyne sauta sur lui à son tour pour s’agripper à son bras, lui faisant manquer sa cible. Myo’ se débattait furieusement tandis que la jeune fille scarabée refusait de lâcher prise. De son côté, Raph’ s’évertuait à rattraper chaque couteaux qu’on leur lançait. Mais tout ce petit monde fut vite stoppé par une nouvelle voix :

- Il suffit.

Une silhouette se dessinait à l’entrée de l’allée menant à l’impasse, presque entièrement dissimulée par l’ombre. Sa voix était claire, forte et autoritaire. Jocelyne desserra son étreinte et partit alors vers la nouvelle venue en courant à toute allure. Elle sortit de l’ombre, Myosotis laissa alors s’échapper un petit cri de surprise. C’était une femme qui faisait à peu près sa taille, elle était très fine, possédait des yeux azurs, une très longue chevelure ébène et des sourcils broussailleux. Il ne fallu qu’une seconde à l’ambassadeur pour la reconnaître. Cette femme était Lance Yanaka, une supernova, capitaine des Rascal Babies, l’une des pirates les plus recherchées du monde.

Lance Yanaka:

- Mommy ! Mommy ! Ils vont que de m’embêter ! Soupira Jocelyne.

- Ils sont méchants. Mais bientôt, ils n’embêteront plus personne.

Elle tendit ses mains en avant. Avant même que Myosotis et Raphaël n’aient eu le temps de réagir, deux faisceaux de lumière rose vif les atteignirent en pleine poitrine. Ils n’eurent pas le temps de réaliser ce qui leur arrivait. Félix, éberlué par la situation, sortit plusieurs pétards de ses poches. Les mèches crépitaient et les feux d’artifices s’envolèrent partout autour des cinq femmes présentent, lui laissant le temps d’écraser plusieurs boules de fumée. Une épaisse purée de pois envahit alors la rue, permettant au petit garçon d’attraper ses deux compères avant de s’enfuir à toute allure hors de la rue. Ramsès, toujours perché sur sa tête, guidait Félix alors qu’il continuait de détaler loin de leurs assaillantes, tenant fermement les poignets de Myo’ et Raph.

Les trois arrivèrent à nouveaux dans la Traversée des brumes, bifurquant plusieurs fois plusieurs fois pour semer les femmes pirates. Bousculant plusieurs personnes, ils finirent par échouer à nouveau sur la table où Myosotis et Félix avaient pu déguster des sucreries avant leurs emplettes à la bibliothèque. Essoufflé après toute cette cavalcade, Félix mit un peu de temps avant de reprendre contenance. Mais il fut toutefois à nouveau alerté par un nouveau cri…

- Po….POLOP ! POOOOLOP !!

- Hm ? Qu’est ce qu’il...AAAAH !

Ramsès s’agitait à nouveau sur la table en regardant Myosotis et Raphaël. Se tournant vers eux, Félix était littéralement tombé de sa chaise sous le coup de la surprise. Les deux intéressés ne comprenaient pas leur réaction. L’ambassadeur eut le réflexe de se tourner vers la vitre de la confiserie pour regarder son reflet. Il ne put s’empêcher d’émettre un hurlement strident sous le coup de la surprise. Il ne se reconnaissait pas… En regardant son reflet, il voyait un petit garçon tout frêle, presque rachitique. Ses cheveux avaient repris une teinte noire comme les plumes d’un corbeau. Ses yeux d’ordinaire violets étaient devenus aussi bleus qu’un saphir. Sa peau était devenue plus blanche que de la porcelaine, et la carrure qu’il avait réussi à gagner durant ses missions mouvementée avait disparue. Il avait repris ses traits extrêmement féminins, le confondant presque avec une véritable jouvencelle. Le pauvre avait, en plus de ça, rapetissé. Si petit au point que sa canne climatique faisait presque la même taille que lui, il pouvait la porter comme un bourdon. Raphaël avait eu droit au même traitement…

Ils étaient redevenus...DES ENFANTS !
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"YUNAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! "

L’ange blonde caressait un petit lézard à crête avec bienveillance. Toujours maîtresse de ses émotions et fidèle à ses promesses, elle s’était rendue à l’animalerie pour retrouver Raphaël malgré son inquiétude grandissante. Elle ne l’y avait pas trouvé mais en l’attendant, s’était entiché d’un petit compagnon qui l’aidait à se concentrer. Lorsque le projet d’ouvrir une école de magie céleste s’était concrétisé sur Weatheria, eux boucliers avaient pris les choses en main pour organiser ses défenses. Ils étaient les protecteurs de l’île, l’enseignement d’un tel savoir attireraient à n’en pas douter de sombres intentions, et jusqu’à présent elle avait été plutôt confiante envers les mesures qu’ils avaient entreprises. C’était ingénieux, ambitieux et surtout pensé par des anges, d’une manière plus légère, plus spirituelle que celle des habitants des mers bleues.

C’est ce qu’elle s’était dit jusque-là… Mais à présent…

"YUNAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! J’AI-UN-TRUC-MEGA-MEGA-MEGA-IMPORTANT-À-TE-DIRE-CA-PEUT-PAS-ATTENDRE-C’EST-MEGA-TROP-TROP-UNE-URGENCE-C’EST-LA-CATA-JE-SAIS-PLUS-QUOI-FAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIRE-COMMENT-ON-VA-S’EN-SORTIR-JE-COMPRENDS-PAS-COMMENT-CA-A-PU-SE-PASSER-ILS-ETAIENT-LÀ-POUF-PUIS-ILS-ETAIENT-LÀ " gesticula le perturbateur en étirant successivement sa main à la hauteur d’un adulte puis à sa propre taille "ET-MISERE-QU’EST-CE-QU’ON-VA-FAIRE-QU’EST-CE-QUE-JE-VAIS-FAIRE-JE-COMPRENDS-PLUS-RIEN-ET…
-Félix. Reprends-toi. Je ne comprends rien." réprimanda Yuna sur le ton d’une grande sœur.

Jouant des coudes avec les piétons, Félix venait de débarquer comme une bombe. Il avait beau être le roi des agitateurs, l’aînée sut immédiatement que quelque chose de grave venait de se passer. Elle devait savoir quoi. Se baissant à sa hauteur, elle accrocha son regard paniqué avant de fermer les yeux et de mimer la prise d’une grande inspiration. Habitué à ce rituel pour palier à ses crises d’hyperactivité, le bouclier aspira autant d’air qu’il le put – si bien que pendant un instant il ressembla à une grosse écrevisse gonflée à l’helium- avant de tout relâcher au point d’en toucher ses pieds.

"C’est bon ?
-Je crois… " tenta-t-il, plié en deux, reprenant déjà une teinte rougeaude sous l’effort mais n’osant pas quitter l’exercice sans qu’on l’ait jugé apaisé.
"Alors je t’écoute, qu’est-ce qu’il se passe ?
-Je…" commença-t-il en se redressant "C’EST-LA PANIIIIIIIIQUE ! LE JOLI VENDEUR S’EST FAIT ENLEVER ! LES BAGUETTES VOLEES ! WEATHERIA-EST-ATTAQUEE-IL-FAUT-SONNER-TOUTES-LES-ALARMES-FERMER-TOUTES-LES-ISSUES-APPELER-TOUS-LES-AUTRES-APPELER-IZ-HMPF
-Raphaël ? "

Prête à hausser le ton pour que la teigne n’attira pas plus l’attention des badauds avec ses délires, Yuna s’était faite devancer par une paire de mains gantées. Sorties du col du gamin pour être discrètes, les deux apparitions s’étaient plaquées contre la bouche de Félix et l’avaient contraint à se taire.

Elle avait reconnu le pouvoir du vert mais eu bien du mal à remettre ses pensées en ordre lorsqu’elle vit, en lieu et place de la carrure de l’ancien croupier,  un enfant sortir de la foule. Va-nu-pieds, gringalet qu’on arrivait tout juste à remarquer grâce à l’épaisse touffe verte qui poussait sur son crâne, il nageait dans ses vêtements et avait été obligé de déchirer son jean  pour ne pas se prendre les pieds dedans. Une sacoche, bien trop grande pour lui pendait sur son épaule et le faisait très légèrement pencher. Elle la reconnut pour avoir été celle qui lui avait remise, mais plus encore elle remarqua un détail qui ne pouvait la tromper : deux gants de soie blanche, passés à ses mains comme une seconde peau, identiques à ceux qui venaient de se matérialiser un instant plus tôt pour calmer Félix.

C’était Raphaël. Dix ans plus jeune. Au moins.

Le regard dur du môme croisa le sien et, sûr qu’elle l’avait reconnu, il lui intima d’un mouvement de main et d’un sourire forcé de le suivre. Elle s’exécuta aussitôt, attrapant un Félix toujours bâillonné et qui s’était mis à dodeliner de la tête avec des airs d’aliénés pour le conduire à une table, un peu isolée,  de la terrasse du glacier. Là l’y attendait le jeune Raphaël, son expression oscillant entre le passablement énervé et une concentration très concernée par les événements, ainsi qu’un minuscule môme aux cheveux noirs qui, assis sur sa chaise, ne touchait pas le sol et n’arrêtaient pas de s’ausculter avec un air effaré.

"Félix ! Ressaisis-toi bon sang ! " s’emporta le croupier alors que, même assis, le bouclier pointait frénétiquement Myosotis en geignant, comme s’il avait été une sorte d’indisposante curiosité. C’était d’ailleurs le cas, plus que lui, il avait rajeuni et était retourné au stade d’une vie antérieure. Une vie que Raphaël avait en partie connue expliquant qu’il n’en soit pas plus choqué que par sa propre métamorphose, mais pour Félix c’était invraisemblable et au vu de la réaction de l’agent gouvernementale c’était une catastrophe "S’il-te-plaît Yuna, aide-moi ! Je ne sais plus quoi faire pour les calmer !... On est dans une merde, mais dans une merde… Comment est-ce que je me suis encore retrouvé dans une merde pareil… J’avais pourtant un but. UN SEUL. Little Garden… BORDEL... Pourquoi est-ce que ça me tombe toujours sur la gueule ?! " emporté dans sa propre crise existentielle, Raphaël laissa l’ange s’installer et mesurer avec gravité la situation.

Elle avait déjà connu bien des étrangetés, et bien que celui-ci dénote par son exceptionnelle originalité, elle abordait toujours un problème avec sang-froid et une logique rationnelle. En face d’elle trois enfants paniqués, ils avaient besoin de repère. Elle était là. Comment ils en étaient arrivés là, elle n’arriverait pas à le savoir si elle ne réussissait pas à les calmer. Quand la situation était aussi grave, un seul recours s’imposait…

"Une sucette ? Ce sont celles du Maire Chantesable. " proposa-t-elle d’une voix maternelle en sortant trois des confiseries locales, célèbres pour leurs effets apaisants, de sa poche.
"T’as pas plutôt une clope ? " ronchonna Raphaël, qui avait probablement perdu ses doses de nicotine dans leur fuite –une raison de plus de l’agacer- mais voyant que les deux autres se jetaient sur les sucettes et que, sitôt en bouche, ils reprenaient peu à peu leurs moyens, il finit par se laisser convaincre de prendre la dernière. Mais avant qu’il ne la déballe et se mette à la suçoter nerveusement comme ces deux camarades, il perçut un sourire en coin qu’il ne lui plut pas du tout et il partir au quart de tour "QUOI ?! "
"… On m’avait prévenu qu’on ne pouvait pas te laisser seul cinq minutes mais je commence à me demander s’il était bien sage de t’emmener sur Weatheria.
- Mais… Mais… MAIS BORDEL ! Qu’est-ce vous avez tous à toujours croire que c’est ma faute ? " commença-t-il à s’emporter avec la voix d’un gamin en pleine crise d’adolescence, physique comme psychologique, sur le point de renverser la table.
"Raphaël tu n’aides pas… Que s’est-il passé ? " demanda-t-elle toujours calme en poussant Raphaël à se rasseoir d’une main douce, puis voyant que les esprits étaient encore confus, Yuna décida de changer de stratégie… "Laissez-moi deviner, vous vous êtes retrouvés pris au milieu d’un enlèvement ?
-COMMENT TU SAIS ?! "

Elle était consciente d’avoir lâché sa petite bombe et la réaction avait été celle escomptée : yeux exorbitées, bouche béante au point que les sucettes auraient pu tomber, et petit bonus pour la route, Félix semblait de nouveau être intelligible. Elle écartait un temps les explications sur la situation actuelle des morpions, mais elle voulait creuser son enquête avant tout.

"Pas mal de mouvements depuis que je suis arrivée, Tina m’en avait touché deux mots, mais il semblerait qu’un ou plusieurs équipages pirates aient réussis à s’infiltrer sur l’île. C’était à prévoir avec l’ouverture de la Cloud’Academia et…
- Des gens ont commencé à disparaître ? " analysa Myosotis à qui la sucette du Maire Chantesable, semblait avoir réussi à faire dépasser le choc des retrouvailles avec son ancienne apparence. Félix en revanche fit une rechute et pointant brusquement le petit gars qui lui faisait face, faillit avaler sa sucette de travers.
- La petite amie disparue ? Les parents de la gamine qu’on a croisé ? Le joli vendeur ? " Yuna se mordit les lèvres à son évocation, elle avait bien discerné la nouvelle de l’enlèvement du vendeur de baguettes parmi les beuglements de Félix. Mauvaise nouvelle. " Tu penses qu’ils ont tous été victimes d’un enlèvement ?!  Mais pourquoi est-ce que des pirates se mettraient à enlever monsieur et madame tout le monde ?! " grimaça à son tour Raphaël en se retenant sérieusement de baffer le Bouclier, puis après réflexion "Remarque… Ils… ou plutôt elles, avaient bien l’intention de voler des baguettes climatiques. Probablement une idée en tête…
- Ah oui? Il y a-t-il même besoin que je rappelle sur quelle île on est ? " le corrigea une voix aussi aigue que péremptoire, puis prenant les devants face au regard intriguée de l’ange, se présenta "Myosotis De Ville, je suis ambassadeur du Gouvernement Mondial, vous devez être Yuna Lotus, une des boucliers de Weatheria, c’est bien ça ? Malgré les inquiétudes que nous avons que votre science et votre technologie puisse tomber entre de mauvaises mains, sachez tout d’abord  que je ne suis-
-Un ambassadeur ???... " l’interrompit Yuna dans ses explications, perdant un instant son impassibilité.

Son sourcil haussé, l’air incrédule pour la première fois depuis des années, elle avait visiblement du mal à imaginer le gamin chétif qu’était redevenu Myosotis représenter quoi que ce soit. Raphaël sentit que son ami allait s’offusquer, plus encore il vit que – Myosotis ayant révélé son identité- Félix allait en rajouter une couche et n’en plus pouvoir d’avoir eu raison sur ses manigances. Il prit les rênes en tapant sur la table.

"Détail. Il est de confiance, je le connais, il lui est arrivé la même chose qu’à moi et il n’a rien à voir avec cette histoire. Elles nous sont tombées dessus alors qu’on poursuivait l’une des leurs, on avait bien réussi à la coincer et à  récupérer les baguettes comme le joli vendeur mais… Il y a eu ce rayon aveuglant et un instant plus tard mon froc me tombait aux chevilles. " articula-t-il en mâchonnant nerveusement le bâtonnet de la sucette qu’il avait terminé encore plus vite que les autres, il jeta un œil au noiraud qui ne put s’empêcher de répondre à la sollicitation.
- Le pouvoir d’un fruit du démon. Je ne sais pas lequel a été mangé par Lance Yanaka, mais je m’explique mieux les nombreuses disparitions qui ont jalonné les déplacements des Rascal Babies, son équipage… Quoique ces derniers temps, elles ne faisaient plus beaucoup parler d’elles…
- Si elle peut faire rajeunir n’importe qui à sa convenance, c’est effectivement plus facile de faire disparaître des personnes… Reste à savoir si son pouvoir est réversible.
- Plus important encore… Reste à savoir ce qu’elles trament ici. De toute évidence, elles en ont après la maîtrise de l’art climatique…Elles ont volé des baguettes et enlevé des locaux. D’une certaine manière, elles cherchent probablement à recruter. " captivé par cette discussion qui faisait prendre peu à peu sens à sa situation, Raphaël remarqua un air songeur chez Yuna, un qu’il commençait à connaître pour avoir dit déjà bon nombre de conneries en sa présence. Ils n’étaient pas tout à fait sur la bonne piste, il devait retourner le problème…
"Ou alors… Ce ne sont pas des locaux qui ont été enlevés. Et elles visent autre chose… Qu’est-ce qui est rare et pour lequel n’importe quel habitant des mers bleues se battrait aujourd’hui ? Quitte à faire disparaître ses concurrents…
- Une place à la Cloud’Academia… " répondit Myosotis d’un air sombre, comme si cela pouvait signifier qu’il était en directe concurrence avec les pirates dans une chasse au trésor.
"Je ne te le fais pas dire.
- Vous. " corrigea-t-il aussitôt le vert.

Raphaël tiqua, mais avant qu’il ne réponde, il vit Yuna couvrir Félix. À force de se débattre et de se resservir en sucette apaisante, le petit gars avait épuisé toutes ses batteries et était tombé de fatigue sur sa chaise. Elle leur offrit un sourire tranquille et reprit la parole.

"Vous faites du bon travail d’équipe, j’en étais un peu près arrivée aux mêmes conclusions. Tout à l’heure j’ai coincé deux individus masqués en robe noire … Malheureusement, ce n’était que des intermédiaires et ils n’avaient pas grand-chose à me dire de plus que ce qu’on vient de se dire… Mais c’est avéré, les Rascals compte s’infiltrer parmi les élèves de la Cloud’Academia. " ses lèvres se pincèrent alors, elle redoutait ce qui allait suivre " En plus de cela j’ai pu récupérer le signalement de quelques-unes des personnes enlevées… Et deux d’entre eux pourraient correspondre à ce que tu m’as dit de Nova et Jack.
- QUE…. QUOI ?! Mais c’est impossible ? Et tu ne pouvais pas le dire plus tôt ?! "

Invraisemblable, ça l’était… Mais impossible… sur la route de périls, quelque chose pouvait-il l’être vraiment ?

Une boule gonflait dans le ventre de Raphaël. Le Maire Chantesable et toutes ses bonnes plantes n’y pourraient rien, un sentiment d’une extrême violence était en train de s’insinuer en lui. Ses branches se ramifiaient, s’étendaient à mesure que les événements continuaient de partir en vrille. Il y avait d’abord eu Myosotis et ses reproches harassants, puis cette invraisemblable transformation qui lui faisait à nouveau perdre le contrôle de son existence…  Cette crise de panique. Ces plaintes. Ce pouvoir et cette colère qui s’emparait de lui… Il bouillait. Contre-eux. Contre ça. Contre lui-même. Contre la peur de se retrouver à nouveau impuissant, de ne plus rien maîtriser.  Contre ce corps étranger, cette rage qui n’était pas sienne mais qu’il ne pouvait plus se retenir d’exprimer.

"Mais qu’est-ce qu’on attend ?! POURQUOI ON RESTE LÀ ?! On doit les retrouver, on sait même pas ce qui a pu leur arriver à eux comme aux autres victimes ! Bordel, Yuna, t’es conne ou quoi ?!
- Un peu de respect pour une des Boucliers de Weatheria.
-Oh toi l’ambassadeur, lâche moi avec tes vouvoiements, laisse-moi donc avoir mes « coups d’orgueils », vu qu’on ne peut plus discuter sans que ça vire au drama, épargne moi un soliloque.
- Si tu arrêtais de constamment me reprocher un événement vieux de trois ans, peut-être arriverions-nous à mieux discuter.
- Non mais je rêve, c’est toi qui y revient toujours. Tu veux discuter ? Sérieusement ? Ta mémoire est très subjective, tu ne fais qu’interpréter mes propos, tu n’entends que ce que tu veux, tu ne me laisses même pas l’occasion de m’expliquer, Myosotis. J’en ai rien à carrer de ce que tu faisais il y a trois ans, arrête avec ça, arrête de prendre ce seul événement comme excuse pour toutes tes crises, arrête de te victimiser tout le temps. C’est toujours toi qui mords le premier. "

Un feu nouveau brûlait dans ses yeux, il n’avait plus de limites, il n’arrivait plus à se contenir. Les flashs de Jotunheim, les pertes qu’il avait subi, les reproches et les hormones adolescentes faisaient très mauvais ménage. Outré l’autre voulut répondre, mais le vert chargea encore.

" Tu dis que tu ne négliges pas tes amis Myosotis, mais tu ne les écoute même pas bon sang ! Tout doit forcément tourner autour de toi et de ta petite personne ! Le monde n’est pas à toi, je ne vis pas pour toi ! Comment n’as-tu même pas pu penser que j’étais incapable de te joindre ? Et même qu’est-ce que ça aurait changé, tout le monde ne peut pas régler ses problèmes à coup de téléphone doré. Je n’ambitionne pas de m’étouffer avec mes privilèges. Comment n’as-tu même pas pu penser qu’entre un froid mortel, des drogues abjectes et une torture quotidienne, je n’ai pu qu’avoir l’idée d’appeler à l’aide ?! "

Le couvercle de la marmite explosait, tout cela sortait enfin. Il en tremblait de rage et de peur. Ses cauchemars n’avaient pas disparus, de nouvelles tortures s’offraient à lui chaque nuit.

"Oui j’ai vécu tout ça. Tu n’as même pas pris la peine de demander comment j’allais. Tu n’as même pas pris la peine de demander comment j’en étais arrivé là. Ce n’est pas parce que tu t’en moques que ce n’est pas vrai. Tu penses être négligé, pour quelle raison ? Parce que personne ne t’a prévenu ? Mais tu crois quoi Myosotis ?!  On sait que t’es un agent du gouvernement. On sait que t’es un ambassadeur. On sait que t’as été cartomancien. On sait que t’es hyper important. Mais bordel, arrête avec tes titres, t’es bien plus que ça et ça en devient ridicule. Tu n’es pas un menteur, un arnaqueur, un mystique, un sombre enfoiré, que sais-je d’autres,  Myosotis, mais tu te prends pour un juge. Tu ne l’es pas plus.  Tu es en colère ? En colère contre quoi au juste ? Ton égo brisé ? Je n’y suis pour rien, je ne vis pas à ton crochet. Tu ne vis pas au mien. "

Il sentit une tête écailleuse se frotter contre sa main, ce qui le surprit et détourna un instant son attention. Le petit lézard de Yuna était venu profiter des derniers rayons de soleil qui frappaient son coin de table, se faisant il s’était lové contre son bras. Cet instant d’innocence le radoucit, un petit vent frais se leva et caressa son visage. Il s'étonna de ne pas encore s'être reçu une rafale de savon en pleine poire. Il avait du mal à déchiffrer l’expression de son interlocuteur, encore plus depuis qu’il s’était ratatiné, et ne savait comme interpréter son mutisme inhabituel.

"Je n’ai rien contre toi, je t’apprécie et te value comme un ami. Seulement tu ne peux pas me demander plus que ce que je ne peux t’offrir, je ne suis pas ta propriété, pas plus que ma vie ne vaudra 66 millions de Berrys. S’il y a bien un choix que j’ai fait dans ma vie, c’est que je ne laisserai jamais personne définir qui je suis. "

Yuna s’était retirée de la conversation, il était évident que ces deux-là avaient encore des choses à régler.  Raphaël toisait Myosotis droit dans les yeux, ses doigts frôlaient les écailles du lézard. Cela avait un effet troublant, en cela que cela le renvoyait à des souvenirs inconscients, mais étrangement apaisant. Il commença à tendre la main vers le noiraud, mais se ravisa aussitôt. Il ne pouvait pas encore… pas tout de suite.

"On pourra s’expliquer, on pourra se détester, on pourra s’ignorer… Comme tu veux. On a déballé nos sacs respectifs, mais on est dans la même merde. Si on veut retrouver nos apparences, il va falloir qu’on se tolère quelques jours de plus, on doit régler ça. "

Il avait très bien compris où l’ange blonde avait voulu orienter leur conversation. Il savait pertinemment qu’il n’avait pas le choix. Il savait aussi que Myosotis était là pour une raison bien précise et qu’elle avait de grande chance d’être en rapport avec un trésor à sept clés.

Et malgré toutes ces certitudes,  malgré ses doutes et ses états d’âme, il y avait quelque chose dont il était encore plus sûr :

Demain la Cloud’Academia accueillerait un nouvel élève.
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