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3 sesterces le poisson, moins cher qu'à Rome





Et bien, mon pauvre Alma, te voici dans de beaux draps maintenant. La seule chose à peu près positive, c’est que je suis aux côté de ma douce, que je pourrais séduire sans compter les jours. Comprenant rapidement que je suis avec des criminels, il se peut que les jours soient finalement comptés. Oui, parce qu’on vient de loin, là. Il y a quelques jours, nous étions dans une arène de laquelle on s’est échappé grâce à une foutue montgolfière.

Depuis ce jour, nous naviguons - ou disons plus précisément que nous suivons le courant marin, dans l’espoir t’atteindre une île. Nous n’avons ni navigateur, ni… que dalle en fait. Pas de cuisinier, pas de navigateur, que des types bons pour la vigie. Ah ! Il y a un formidable charpentier : moi. J’ai rapidement rafistolé le vieux radeau sur lequel nous sommes. Au-delà de ça, on pêche, on cuisine tant bien que mal. Léa et Eärendil sont celles qui se démènent le plus pour le pseudo équipage.

Le jeune Nicholas, à la vigie, prend son rôle très à coeur. Il en faut des jeunes motivés. Le pire de tous, c’est celui qui nous sert de capitaine. Vous voyez le genre, le grand tyran qui n’en fout pas une et qui laisse ses subordonnés agir pour lui. Si ça ne tenait qu’à moi, je lui foutrai quelques coups de pied au cul, mais je repense rapidement à son combat face à l’autre fou de l’arène. Aussi branleur soit-il, c’est un dur à cuir. Le genre que l’on préfère avoir de son côté.

- Oh ! Les gars ! Terre en vue ! dit le petit Nicholas.

Il est impressionnant de voir le soulagement de tous. En même temps, faut dire que l’on y croyait plus tellement. Le voyage paraissait interminable. J’ai même pensé faire ma déclaration ici, à ma douce, et ce avant de périr comme une grosse merde. Mais j’ai bien fait de me retenir, la terre ferme se rapproche au fil des minutes. Alors que j’étais constamment sur le quai vive, j’admets me sentir soulagé à présent. Un toit où dormir, bouffer quelque chose d’à peu près bon… Je bave.

Mais à l’odeur qui nous accueille, nous comprenons bien rapidement que c’est une ville pêcheur. Nous comprenons également que nos repas seront essentiellement constitués de poisson. Je songe réellement à me laisser mourir de faim. À peine arrivé, même pas le temps de jeter l’encre, que j’ai une envie folle de me tirer. Je prends sur moi et ne dis rien. On ne sait jamais ce qu’on peut trouver sur la terre ferme.

La ville semble assez sympathique et paisible. Exactement ce qu’il me fallait. Je souffle discrètement de soulagement. Pas de folles aventures, seulement du repos bien mérité. Je sursaute à la pose d’une main sur mon épaule. Je me retourne brusquement mais… ce n’est que la jolie blonde qui m’accompagne depuis Réthalia. Elle souhaite simplement prendre de mes nouvelles. Il est vrai que nous avons passé peu de temps ensemble. Puis elle s’est liée d’amitié avec Léa à force de bosser ensemble.

Mais un détail m’interpelle. Comment allons-nous vivre sans argent ? Partir à l’aventure c’est cool, sauf que sans thune, c’est compliqué. Ma réflexion faite, le temps que l’on amarra la navire, je me dirige aussitôt vers Riko qui ne semble définitivement pas se poser plus de questions que ça. D’un air déterminé, je me retrouve face à lui, tapant du pied en signe d’impatience. Pour sa défense, nous n’avions pas d’autre choix que de se tirer de Réthalia après le bordel provoqué. J’espérais néanmoins qu’il ait réfléchi à un plan entre temps.

- Dis-moi, canard-boiteux, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Nous sommes une dizaine de salopards, sans argent, sans navigateur, sans cuistot… J’ai quelques économies mais ça part relativement vite. On doit tous être dans ce cas de figure. Et tu sais quoi, j’accepte tous les plans foireux pour me remplir les poches.

Légalement, je construirai ou réparerai des navires. Je dois devenir riche le plus rapidement possible. Loin d’être le plus courageux, ni même le plus inconscient, mais je suis prêt à me salir les mains pour m’assurer un avenir joyeux. Néanmoins, mes pensées sont vite balayées par cette mauvaise impression que j’ai de cette ville. C’est trop calme. Pas mal de sans-abris, beaucoup de pêcheurs, un commerce qui semble être très fructueux… Je n’affirme absolument rien. Nous venons tout juste d’arriver et je n’ai absolument rien vu.  


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Les manœuvres pour jeter l'ancre ont été pour moi l'occasion de ne rien faire de concret mais de donner à penser que je maîtrisais parfaitement la situation. Un encouragement, un conseil, quelques remarques paternalistes. Grâce aux bons soins de Nicholas, l'infection qui me tenaillait la jambe a été cantonnée et si ma démarche est un peu bancale, je me sens bien. Ma convalescence a ramené de la sérénité à bord, et ma côte de popularité s'en est retrouvée largement redorée.

Finalement, nous avons accosté dans une crique désolée, mais qui demeure à distance respectable de la ville si fuite il devait y avoir. Et il y en aura probablement, je ne me fais pas d'illusion. Le tout sera de garder suffisamment d'assurance pour ne pas m'attirer la fronde de l'équipage quand viendra le moment de décamper piteusement.

En fait, capitaine, c'est plutôt une bonne situation. Même quand on n'y connait rien, même quand on n'a envie de rien, y'a toujours moyen de s'en tirer à bon compte. L'important, c'est d'être attentif aux desiderata de son équipage. Exemple, là, y'a pas trois minutes, Raoul a dit : " Greeeuh ". Traduction : j'ai la dalle. Information épousée et relayée avec virulence par tous les gazouillis de tous ces petits estomacs sur pattes. Et maintenant, Blondin me demande qu'est ce qu'on trame dans le coin. Avec un appel du pied pour se remplir les fouilles. Deux éléments clefs. Une réponse évidente. Je choisis judicieusement de stopper notre marche à quelques pas simplement d'une bonne auberge.


Rassemblez-vous, joyeuses troupes, voilà le programme ! L'aventure, vous n'êtes pas sans le savoir, ça creuse. Alors pour commencer, on va se taper un bon gueuleton dans la première échope potable du coin !

Tonnerre d'applaudissements, éclats de joie.

De la même façon, l'aventure, ça coûte ! Alors sitôt nos ventres satisfaits, on va s'occuper de la question du pécule.
Qui êtes-vous monsieur, qu'est-ce que je fais ici ?
Quelqu'un s'occupe de Hans s'il vous plait ?

Nicholas se précipite au chevet de ce patient inespéré, une aubaine au milieu de ces enfants turbulents mais dramatiquement bien portants.

Alors, satisfaits du programme ?
Ouaais ! gueulent déjà les bambins.

Fabuleux. Encore une situation de crise brillamment désamorcée. Pourtant, une voix dénote dans le tumulte des satisfactions. Une voix acide, remplie de fiel et de critique.

Peuh, encore des paroles sans lendemain. Vous n'êtes qu'un beau parleur, monsieur Achilia. Comme tous ces politiciens véreux et surpayés. Vous ne méritez pas ce titre de Capitaine. D'ailleurs, vous ne méritez pas qu'on vous appelle Monsieur non plus.

La Maman de Nicholas. Cette vieille rombière est le noyau de la contestation sur ce navire. Elle ne manque jamais l'occasion de glisser une remarque désobligeante sur moi, mon accoutrement, ma manie de fumer, mon don d'être charmant, ma bonne humeur contagieuse... et tout un tas d'autres choses que j'oublie.

Écoutez ma chère, jusqu'ici, j'ai tenu toutes mes promesses.
Ah oui, et en quoi je vous prie ?
Hé ben... nous sommes tous vivants. Heureux et bien portants. Enfin, sauf vous qui ne quittez pas votre air bougon mais je prends ça pour un signe de bonne santé en ce qui vous concerne. Bien, puisque nous sommes tous d'accord, à table ! ... Oh, mais, regardez, la chance nous sourit : on dirait que nous allons pouvoir manger ici !

A la manière d'un portier, je fais entrer le cortège entier dans l'établissement dans un torrent de rires enfantins. Ah, qu'il est bon de voir l'émerveillement dans ces yeux candides. Quand la jolie blonde que Alma idolâtre sans finesse me dépasse, je lui glisse un clin d'œil. On ne sait jamais. Elle fait celle qui m'ignore. Soit.

Enfin, quand tous sont dedans, je clos la marche et déboule dans l'auberge en m'annonçant haut et clair :


Patron, c'est votre jour de chance ! Nous avons grand faim et de l'argent à dépenser !

Les regards de tous les petits pèsent sur moi. Des autres aussi en fait. Je ne ressens pas la flamme de l'admiration collective. Hm ? Oh, je vois.

À l'autre bout de la salle, cette tablée non loin du bar. Six, huit... dix bons hommes. Dix uniformes. Dix marines quoi.

Je souffle :


Ok, tout le monde reste sage et tout se passera bien.

Enfin, j'espère.


    Et voilà canard boiteux qui ne se sent plus pisser et qui nous envoie tous au restau. Probablement la décision la plus raisonnable depuis que je suis à bord. Pas difficile quand on voit qu’il n’a absolument rien branlé du trajet. Bref, assez pressé de me remplir la panse. L’établissement semble bien acceptable, si ce n’est quelques soucis, car il y a toujours des soucis depuis que mon aventures aux côtés de ces jeunes gens a commencée.

    Première chose, Rik qui en pince pour ma blonde. S’il est prévu que l’on voyage ensemble quelques temps, ça ne va vraiment pas le faire. Ensuite, les types en uniformes de la marine. Eärendil et moi n’avons rien à craindre puisqu’aucune prime plane au-dessus de nos têtes. Je ne lis que trop peu souvent les journaux, étant donné que je ne pensais pas bouger un jour de mon île, et donc je n’y connais pas grand chose aux primes actuelles.

    Néanmoins, mon instinct me dit qu’un type aussi balèze que Riko, doté d’un immense désir de liberté, c’est forcément primé. D’autant que notre nombre ne laisse pas indifférent. Nous sommes évidemment repérables assez facilement. Les types, même si c’était de manière anodine, se sont retournés vers nous. La dernière requête du capitaine rejoint mes pensées et me confirme qu’il n’est pas spécialement à l’aise dans cette situation.

    Bon, en soit, des gosses et quelques adultes pour les encadrer, ça ressemble à une belle sortie pédagogique. Quel est le but de cette sortie ? Le fonctionnement de la pêche sur l’île de Poiscaille. Une couverture toute trouvée. Mais avant d’en arriver là, tâchons de rester discrets. Carte des menus sous nos yeux, chacun choisit ce qui lui plaît. Bon… Si ce n’est du poisson, pas grand chose, hein. C’est pas comme si on en bouffe depuis des jours. Ça passera pour cette fois, mais il faudra aussi régler ce problème de bouffe.

    Je dois être un grand syndicaliste dans une autre vie. Toujours des choses à redire. D’ailleurs, je suis légèrement remonté quand l’un des marins, légèrement ivre, frappe du point sur la table en se plaignant du bruit environnant. Les gosses sont apeurés. Un regard noir se dirige vers le marin en question qui, bien trop fier, se retourne vers moi pour imposer sa foutue supériorité hiérarchique. Misère. Un rempli de tocards. Un de plus.

    - Qu’est-ce que tu m’veux, gamin ? Fais fermer le clapet de tes p’tits frères au lieu d’me fixer avec ce regard de chien.

    Deux choix très simples s’imposent : le premier serait tout simplement de les ignorer et d’obéir pour que tout se passe pour le mien ; le second serait de leur apprendre les bonnes manières. Bien évidemment, comme nous n’avons pas envie d’avoir des ennuis, je choisis la première solution. Je tape des mains à trois reprises, les gosses ont maintenant les yeux rivés vers moi. C’est une petite règle que l’on a mis en place durant le voyage. Les enfants ont besoin de cadre.

    - Comme vous le savez, nous sommes dans un établissement public, les enfants. D’autres mangent et aimeraient le faire dans le calme. C’est pourquoi nous devons respecter leur volonté.

    Les enfants semblent acquiescer, puis après un échange de sourires, ils se remettent sagement à manger. Mes yeux se tournent lentement vers les chiens du gouvernement, afin qu’ils reconnaissent mon geste. Mais bien évidemment, mon regard ne leur plaisent pas et le même abruti s’indigne.

    - Voilà ! C’est comme ça qu’on gère des gosses ! J’vais pas t’apprendre à faire ton boulot !
    - Joe… Calme-toi, dit un de ses collègues.


    Mon regard se noircit, mon poing se ferme, mon corps tout entier se met à trembler aux propos de cet immonde personnage. Ma seule envie est de me lever pour lui coller ma canne dans le cul. C’est grâce à la main d’Eärendil posée sur mes épaules que je retrouve mes esprits. De plus, ce n’est vraiment pas une image de ma personne que je souhaite montrer aux mioches. J’esquisse tout bêtement un sourire à ce grotesque monsieur et l’ignore pour la suite.

    Mais j’ai comme le sentiment que ma réaction lui déplait fortement.

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    Je peux pas en vouloir au bons gars de s'insurger contre l'étendard de la justice, c'est pas comme s'il portait bien son nom. Je sais de quoi je parle, j'ai fréquenté beaucoup trop de soldats. Même les hommes intègres qui méritent de porter fièrement leur uniforme sont impuissants face à l'ordre établi. Parce qu'il ne répond pas à des principes d'honneur, simplement au pouvoir. Les salopards qui ont atteint le sommet ont établi un monde, des codes, des limites, propres à les voir perdurer aux commandes ça ne va pas chercher plus loin. Plus tu montes dans les grades, plus le théorème se vérifie. Une fois la place confortable, tu abandonnes tes belles valeurs pour conserver le semblant de pouvoir que tu as. Et là, notre brochette de mouettes quoi que plutôt au bas de l'échelle militaire m'a tout l'air du genre à cautionner le mouvement en place dans ses moindres détails.

    Joe est pas malin. Il a sans doute une vie très simple et des valeurs désuètes plein le crâne. Bobonne à la maison qui fait la cuisine parce que c'est son devoir sacré, son gamin qui doit ramener des bons bulletins et faire des extras l'été en apprenant des cantiques louant la sainte armée, des voisins bruyants qui ne le méritent pas et des collègues qui devraient l'aduler, lui, ce symbole fier et droit de ce que doit être la Marine. Joe est un con. Pas forcément de naissance, disons juste qu'on lui a donné à se baser sur de mauvais repères et qu'il n'a jamais cherché à en savoir plus. Il a gobé ça tout cru. La remise en question, l'autocritique, c'est la base de l'homme, ce qui l'amène à grandir, se transcender; mais Joe s'en fout parce qu'il se voit constamment comme le mec dans son bon droit, le seul, le juste et il ne conçoit même pas que l'inverse puisse être. Bref, Joe est un con.

    Jusqu'à mes trente piges, j'avais encore une certaine empathie pour les gens comme lui, je les plaignais, je leur trouvais des motifs pour voir en eux de plus beaux êtres humains qu'ils ne sont en réalité. Et puis au bout d'un moment, la corde s'est usée et j'en ai eu ras-le-bol des peignes-culs dans son genre.

    Pendant que Blondin joue à se renifler le trou de balle avec Joe, ma paluche caresse gentiment la pétoire que j'arbore dans mon holster contre la hanche gauche. Son collègue qui joue l'apaisement le remarque bien vite et le malaise se propage rapidement à la tablée entière. Etat d'alerte chez les branle-nouilles. Et voilà comment, en une poignée de secondes mal négociées diraient les esprits sages, notre sortie écolière prend une toute nouvelle tournure.


    Léa, emmène les gamins dehors.

    Les mouflets qui s'étaient assis se redressent aussi secs sans faire d'histoires. Les enfants ont le chic pour flairer les embrouilles. Ça sent le guet-apens, on se le cache pas. Nicholas ordonne le repli des pitchounes si bien qu'il ne reste plus avec nous que la douce convoitée par Blondin, la délicieuse créature qui se présente comme la mère de Nicholas - notre atout charme indéniablement - et Mélinda qui visiblement ne serait pas contre un peu d'exercice. Quoi qu'elle soit plutôt occupée à faire de l'œil au plus jeune de nos vis à vis.

    Y'a comme une tension palpable dans l'auberge. On n'est pas encore au point de non-retour, un peu de diplomatie, quelques courbettes mielleuses et on peut s'en tirer à bon compte mais à quoi ça nous avancerait ? Au bout du compte, tu es la personne que tu montres aux autres par tes actes et tu atteins forcément un point de rupture, un jour que t'as perdu le compte dans ton âge et tes rides. Une fois arrivé à ce stade, les conséquences te semblent avoir perdu toute importance confrontées aux motivations. Y'a une andouille en face, faut la remettre à sa place. Simple, limpide. Qu'importe si elle arbore une tenue de clochard ou un uniforme impeccable ? C'est plus le bâton le nerf de la guerre. C'est pas forcément la carotte non plus, quoi que ça le soit parfois; c'est juste de répondre à ta morale. Ou tes pulsions, je suis pas encore fixé sur ce point. Et là, Joe mérite sa praline. Ça va pas chercher plus loin.


    Ok Blondin, t'es libre de régler ton différend avec Joe maintenant si le cœur t'en dit. Je te couvre au besoin. Parole. Zen dites quoi les gars ? Une explication franche et virile sans conséquence, ça vous parait honnête ?

    Moi je trouve l'offre réglo. J'parie que Joe aussi, dans son petit cerveau étroit, l'hypothèse de se ramasser une banjolée doit même pas exister. Mais ses frères d'armes, eux, ce sont de foutus marines et le poids de leur insigne leur est monté à la tête, à parier.

    Bah. De toute façon, ça m'est égal. Je fais ma petite crise de la cinquantaine alors merde.


      Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? On vient à peine d’arriver, c’est pas le moment. Bien sûr que c’est tentant de régler son compte à ce gros lard de Joe, débile et qui se croit tout permis, mais pas bien sûr que ce soit la solution. Ça l’est en réalité, sauf que ce n’est pas approprié dans notre situation actuelle. J’observe Riko d’un regard lassé. Le sien l’est aussi mais probablement par l’attitude de cet officier. Le mien est plutôt destiné à ce capitaine totalement barge.

      - Rik… C’est pas le moment. On a promis aux enfants de s’amuser et de profiter des activités locales. Pas de courses poursuites, pas de bavures. On fait ce qu’on a prévu de faire et on s’casse.

      C’est en me dirigeant vers la porte de sortie, que cet individu fini à la pisse se permet de me chambrer.

      - Ouais, c’est ça. Tire-toi, mauviette. Ton propose un marché plutôt correct, mais tu préfères jouer avec tes p’tits merdeux. De toute manière, vous êtes fichus. Un tir et toute la garnison va se pointer, héhé.

      Un sourire épouvantable, un abus de pouvoir comme on les aime, un haleine d’alcoolique, une dentition moisie par une hygiène de vie aussi grotesque que le personnage. Un brave type qui se laisse vivre confortablement, préférant l’oisiveté à l’exercice de ses fonctions, qui n’est autre que de faire perdurer un bon climat au sein de cette ville. Preuve épouvantable que la marine n’a presque aucun pouvoir ici. Les grandes familles gèrent le commerce, la sécurité, fournis la marine en poisson, voire en contributions financières généreuses, pour assoir davantage leur pouvoir. Le Gouvernement, du moins en ce qui concerne Poiscaille, est à leur service.

      Ce pauvre Joe sort naïvement son arme. Pense-t-il réellement que Rik, moi, ou les autres, allons le laisser faire sans rien faire ? Au point où j’en suis, autant faire ce qui me chante. J’ai choisi cette vie pour justement être libre de faire ce que bon me semble. Les lois ne sont pas toutes mauvaises, mais c’est seulement ceux qui les font appliquer qui sont malsains. Est-ce l’image que je veux donner aux enfants ? À Eärendil ? Aux autres ? Me soumettre à des crapules qui ne vont de toute manière pas nous lâcher. Quelle bande de crétins. Ce qui les attend, c’est la souffrance.

      Le flingue du marin se dégaine, ma canne frappe le poignet de se dernier pour le désarmer, je la récupère dans la volet pour la tendre au niveau du nez de mon opposant. Il tremble. Il ressent la peur et rien ne me plaît plus que ça. Cette tronche de merde. Qu’il est laid. C’est épouvantable. En temps normal, je l’aurais peut-être laissé s’échapper, mais quel intérêt ? Il va nous balancer quoi qu’il advienne. Un de ses sous-fifres tente de m’attaquer sur l’un de mes flancs, mais c’est sans compter sur la présence de ma jolie pour le remettre à sa place. Elle se met simplement en travers de sa route, deux claques pour le stopper, un coup de pied retourné pour le repousser. En levant légèrement sa robe, au milieu de sa jambe, elle chope l’une de ses dagues qu’elle colle à la gorge du pauvre homme. Elle est terrifiante.

      -  Messieurs, je crains que vous ayez décidé de jouer à celui qui en a les plus grosses avec les mauvaises personnes. En fait, on s’en carre l’oignon de vos tronches.  

      Le troisième homme, un peu plus jeunes que les autres, séduits par Mélinda, ne semble pas vouloir se bouger, probablement par craintes. Il a bien raison. De mon côté, j’arme mon et fous un revers en pleine tronche de Joe. Deux dents se détachent et atterrissent aux pieds du jeunot, accompagnées d’une belle mare de sang. Le pauvre est tétanisé. Quant à Joe, je ne sais même pas s’il hurle de douleurs ou de peur, ou peut-être les deux. De l’homme fier, on passe au gros minable qui retourne à ses instincts primaires. La survie, le besoin d’hurler à l’aide, l’envie de prendre, la perte de tous les autres sens…

      - Tu vois, ça, c’est exactement ce qui me donne envie de t’écraser la tronche , dis-je en souriant timidement.

      Puis je finis par ranger ma canne et me retourner vers le capitaine, le regard totalement neutre. Stoïque, je reste ainsi quelques instants.

      - Partons. Pas besoin d’être aussi écoeurant que ces types.

      Ce sont mes dernières paroles, je me dirige ensuite sans un mot vers la sortie. Comme je le disais plus haut, quoi que l’on fasse, l’alerte sera donnée. Ils ne valent pas la peine de se salir davantage les mains. Finalement, c’est peut-être notre choix, mais les enfants passeront leur temps à fuir jusqu’à temps qu’on leur trouve un refuge digne de ce nom, ou alors qu’ils soient suffisamment forts pour se battre. C’est la vie que nous avons décidé de mener. C’est la vie que j’ai voulu en décidant de quitter la compagnie pour vivre mes aventures. Le monde n’est pas aussi beau qu’il y parait, alors même que je n’en suis qu’au début de mon voyage, mais ça ne fait qu’alimenter ma soif de liberté.


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      He bah, ça m'a fait du bien de voir Blondin laisser libre cours à sa colère. Des gens sincères vis à vis d'eux-même, ça me met de bonne humeur. Marre des automates sans relief. L'être humain recèle de mille et unes beautés, même sous son jour le plus violent. A quoi bon s'épuiser à nier l'évidence ? Quelque part, ça aura servi au collègue aussi de coller un pain à Joe. Il faut extérioriser tout ce qui nous travaille quand l'occasion se présente, sans quoi un beau matin, on implose et c'est pas beau à voir.

      Joe doit avoir une côte de popularité au ras des pâquerettes même auprès de ses collègues, si j'en juge leur passivité remarquable au moment de nous interpeler. Y'avait agression caractérisée mais ça n'a ému personne. Ou bien ils ont compris que ce serait peine perdue, mais là, je tique. Des soldats futés, à d'autres.

      On a rapidement rejoint la troupe un peu crispée au dehors. Crispée, mais pas pour longtemps. L'avantage avec les enfants, c'est que c'est vachement insouciant et influençable ces petits machins. Il me suffit de demander joyeusement qui voudrait aller pêcher le plus gros poisson de l'île pour chasser les nuages dans leurs esprits. Si les adultes demeurent sceptiques devant ma méthode, les résultats sont là. Dans un joyeux chahut, la petite colonne reprend sa route, décrochant même des sourires bienveillants aux passants que nous croisons. C'est vrai qu'ainsi, en dépit de nos accoutrements guère conformes aux codes en vigueur, on pourrait presque passer pour une classe en voyage scolaire et ses enseignants. De toute façon, le système éducatif est peuplé d'hurluberlus aux mœurs saugrenues, voire déviantes, c'est de notoriété publique, aussi personne ne s'étonne particulièrement devant notre cortège éclectique.

      Je profite que Nicholas et Léa endossent - avec une aisance terrifiante pour leur âge - la responsabilité de superviser les plus jeunes pour m'entretenir avec les grandes personnes. Et Mélinda, dont je n'arrive pas trop à déterminer si elle est trop grande pour être considérée comme une petite ou l'inverse. Bref, il est l'heure de faire sérieusement le point.


      Spoiler:

      Ok, pour ce qui est du repas, mettons que l'objectif est à moitié rempli. Nous on crève la dalle vu qu'on a pas eu le temps de becqueter, mais les gamins en partie, et on s'est barrés sans payer la note. Donc ça compte comme une victoire.
      Une glorieuse victoire !
      ... Mouais. Par contre, pour la question du pognon, on n'est pas plus avancés. Et y'a un troisième point qui dépend du précédent : on va pas pouvoir se trimballer à la sauvette sur les mers du globe indéfiniment. On a besoin de cartes. De boussoles. De quelqu'un qui sache différencier une étoile filante de la Grande Ourse. Et je parle même pas de l'attirail que nous demanderait Grand Line.
      En gros, t'es en train de nous dire que rien ne va quoi.
      Voilà. Mais en restant positif.
      Et je suppose que notre très estimé capitaine a une idée ?
      Bien sûr, ma douce.
      Ne m'appelez pas " ma douce ".
      Bah je vous appelle comment, alors ?
      Vous ne m'appelez pas, tout court.
      Ha bah elle est salée celle-là. Déjà que vous voulez donner votre prénom à personne ici.
      C'est pas que je ne veux pas vous le donner, c'est qu'on ne le connait pas.
      Forcément qu'on le connait pas si vous nous le dites pas !
      Vous êtes irrécupérable.
      Bon, alors, c'est quoi ton idée, canard boiteux ?
      Alors, déjà, je pensais : pourquoi on arrêterait pas avec ce surnom pourrave ? J'ai pas une tronche de canard que j'sache !
      Pas question !
      Surnom pourrave ?
      Ça me choque pas.
      Il vous va comme un gant.
      Bon, mettons que j'suis sympa, on garde le surnom. Pour la suite, on va se répartir les rôles. Disons que toi, Mélinda, tu restes avec Nicholas et Léa pour surveiller les petits. Alma, tu accompagnes cette chère Jane D'océan dans les boutiques pour repérer les prix, essayer de faucher un peu de matos éventuellement. Eärendil et moi, on va se mêler à la foule pour en apprendre plus sur cette contrée, et en prime, on essayera de trouver un moyen rapide et discret de se remplir les fouilles. Ça vous va ?
      C'est mort.
      Hors de question.
      Pas moyen.
      Tu peux t'gratter.
      Mais qu'est-ce qu'y a à la fin, c'est un chouette plan non ? Pourquoi vous râlez tous ?
      Je veux pas rester avec les petits, je suis pas une gamine non plus, je mérite plus de considération.
      Mais j'ai dit ça comme j'aurais pu dire autre chose, moi, c'est sorti au hasard.
      Au hasard ? Bah tiens, et toi Rik tu te retrouves... oh bah, avec Eärendil !?
      Euh... ouais, il semblerait et alors ? C'est pour la mission.
      C'est la meilleure, la mission, c'est d'aller sillonner la ville avec elle, quelle coïncidence.
      Mais je vais pas me trimballer avec Cruella non plus ? Les gens vont se planquer dans leur trou et on apprendra rien !
      Cruella maintenant ? De mieux en mieux ! J'exige de rester avec mon petit Nicholas. Et très loin de ce sombre individu qui se croit capitaine.
      Mais je suis Capitaine ! Je dois faire quoi pour le prouver, en occire un pour mutinerie ?
      Occire, ça veut dire quoi ?
      Tu le saurais si tu n'étais plus une enfant.
      C'est la baston qu'tu cherches, fausse blonde ?
      Bon on fait quoi alors ?
      Ah moi je fais rien du tout, je propose des idées et à chaque fois on se fout d'ma gueule.
      Tout s'arrange, il n'y a plus de mutinerie s'il y a abandon de poste !
      Attention que j'ai pas abandonné la baston, quand même !
      Ah beh non, faut pas le prendre comme ça, on va jamais s'en sortir...
      Merde.

      Quatorze minutes marquées de quelques débats houleux et d'une totale mauvaise foi plus tard...

      Donc, on est d'accord.
      Oui.
      On est bien TOUS d'accord ?
      Oui, oui.
      Allez, on va pas dormir dessus non plus.
      Mouais. Donc, je lance les dés deux par deux. Chacun à son chiffre entre un et six, ceux dont le chiffre sort sur le même lancer sont ensemble.

      La vache. C'est pas une situation de tout repos ça, Capitaine.

        Spoiler:

        Le hasard fait finalement bien les choses. Canard boiteux se retrouve avec… l’adolescente ? La jeune adulte ? On ne connait même pas son âge. Le fait qu’une allumeuse de son acabit se retrouve avec un type au mental fragile comme Rik, c’est pas vraiment ce qui me rassure le plus. Mais dans un sens, en commençant à cerner rapidement la demoiselle, je me dis que c’est pas un cadeau non plus. Entre ses changements d’humeur et son désintéressement particulier pour l’équipage, je crains que cette journée puisse bien se passer.

        Eärendil et Cruella ensemble… Elles vont refaire le monde toutes les deux. Mets l’huile et le feu ensemble et regarde ce que ça fait. C’est comme ça que je vois ce duo explosive sans trop pouvoir anticiper la suite. Je ne suis pas particulièrement inquiet pour elles, mais surtout pour ceux qui oseraient les enquiquiner. Bon, pourquoi pas. C’est aussi l’occasion de tester les affinités que l’on avec les uns et les autres.

        C’est ainsi que je me retrouve avec ce brave Nicholas, accompagné de Léa, la gamine, pour s’occuper de toutes cette bande de mioches. Le plus impressionnant dans cette histoire, c’est probablement que je n’aurais pas grand chose à faire. En effet, les deux jeunots font preuve d’une maturité assez exceptionnelle. Je serai seulement le responsable légal de ce groupe, le seul ayant plus de dix-huit bougies. Tu parles d’une responsabilité.

        Opération pêche pour les gosses, donc ? Maintenant que Rik a lancé les idées, il me semble quasiment impossible de retourner en arrière sous peine d’être tué par les mioches. Dis « oui » à un enfant, puis dis-lui « non » derrière, crois-moi que tes chances de survie sont déjà réduites. Mon paternel me le disait souvent, je voulais pas trop y croire mais je préfère m’en méfier tout de même. Paraît-il qu’il en a vu de toutes les couleurs avec moi…

        - Une idée d’activité, Al ? me demande le brave Nicholas.

        Je lève les yeux vers les cieux, en priant qu’une idée me vienne au plus vite. Poiscalle… Si ce n’est pêcher, qu’est-ce qu’on peut y faire ? Et il nous faut du matos pour pêcher. Les pêcheurs ne voudront jamais perdre de leur précieux temps pour nous… Si j’invente l’idée d’une sortie scolaire ? Ils ne seront évidemment pas prévenus par leur supérieur, alors que faire ? Prendre le risque ? La pêche ici ne sert qu’à vivre pour les habitants de cette ville. On ne peut parler d’une passion, c’est surtout le seul moyen de se faire des sous ici.

        La transmission de témoin. La pédagogie. Rien de tout cela n’est présent ici. Il ne suffit qu’à voir la gueule des pêcheurs qui s’emmerde plus qu’autre chose. Et encore, peut-on appeler ça des pêcheurs ? Il n’y a pas grand chose à faire. La quantité de poisson est telle qu’il leur suffit de placer des filets et les récupérer. Merci les poissons cons. Aucun mérite. Je leur apprendrai aux gosses, quand nous aurons du matériel de pêche à bord du navire… On n’y est pas encore.

        - En restant ici sans rien faire, les mômes vont s’impatienter et faire des conneries. En marchant au coeur de la ville, on risque d’en perdre quelques-uns avec la foule et le marché. Longeons le port et remontons par l’extrémité de l’île. Je ne sais absolument pas où est-ce que ça nous mènera mais ça les fera bouger.
        - Ouais, pourquoi pas.
        - On ne prend pas trop de risque comme ça.
        - Puis j’ai comme le sentiment que le port ne représente qu’une infime partie de l’île…

        Alors nous marchons. Les enfants chantent des tas de chansons que Léa leur a appris. Bien que j’ai l’impression que certaines viennent de Rik… Mais assez rapidement, en s’enfonçant davantage dans les côtes de l’île, on se rend compte que le vide nous attend. De l’herbe à perte de vue. Mais un peu plus haut, une drôle de tension me freine. Comme si une aura m’empêchait d’aller plus loin. Mais avant même que j’ai le temps de dire quoi que ce soit, les mioches étaient déjà en train de gambader partout.

        - Les enfants ! Non…

        C’est trop tard. Pas de sifflet pour les rappeler, seulement ma voix de jeune homme… Ces cons montent tous au sommet de la plaine. Je les suis à la trace, jusqu’à arriver aux pieds d’une effroyable forêt… Ce que je craignais arriva, les mômes sont entrés dedans sans réfléchir ou demande l’autorisation. Une sombre et glauque forêt, composée de grands arbres nus. Les feuilles sont toutes au sol. C’est sombre et froid. Par miracle, quelques rares enfants sont restés à l’entrée de celle-ci, probablement effrayé.

        - Et maintenant, Al’, qu’est-ce qu’on fait ?

        Mon idée n’était peut-être pas la meilleure finalement. Je tape de la canne sur le sol.

        - Nous allons faire un cache-cache géant, les enfants. Ça vous tente ?

        Mes deux adolescents esquissent un joli sourire machiavélique. Le seul bémol est que nous n’avons pas de carte, pas de quoi se contacter, ni même une idée de l’étendue de la forêt. En d’autres termes, nous risquons tous de nous perdre dans cette lisière. L’un d’entre nous va pourtant devoir rester ici même, à l’entrée, au cas où des enfants ressortent. Mais pas seulement. Il nous faut aussi garder les dix enfants restés et quelqu’un de responsable pour prévenir le reste de l’équipage au cas nous ne sommes toujours pas revenus à la tombée de la nuit.

        Quelques parties de « pierre-feuille-ciseau » plus tard, c’est Léa qui reste finalement avec les gosses. Nicholas et moi partons, chacun d’un côté, à la recherche de toute la ribambelle de petits monstres ambulants, probablement en train de se chier dessus à l’heure qu’il est. Ou peut-être pas vu les énergumènes. L’avantage de cette forêt, c’est qu’elle est peu couverte, donc la visibilité devrait être intéressante. Or, étonnamment, par un phénomène que je n’explique pas, elle est bien sombre. Ce qui arrange bien évidemment nos affaires… J’ai vécu la majeure partie de ma vie dans une forêt, je devrais bien m’en sortir, non ?

        Une sueur froide coule le long de mon visage.


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        Mélinda. C'est marrant, au début, je l'avais placée en n°2 dans ma liste allant du meilleur au moins bon tirage. Après Eärendil bien sûr, qui a quand même l'avantage de pas devoir sortir sa carte d'identité au moment de commander un verre au bar, mais devant les autres. Alma parce qu'il m'appelle Canard Boiteux, Nicholas parce que j'ai encore le souvenir de notre binôme et de ses conséquences à l'hôpital et sa mère. Là, pas besoin d'en dire plus, tout le monde comprend.

        Bref, on s'est mis en tête d'aller chercher un peu de maille à se faire et on a pris la direction de la place du marché pour y flairer la bonne enroule et jusque là, j'étais encore dans de bonnes dispositions.

        Ça nous a pris quoi, vingt minutes pour arriver sur place, à tout casser. Mais sur ce laps de temps, Blondie a déjà brillamment reculée jusqu'à l'avant-dernière place. C'est une tornade verbale. Elle jacasse à n'en plus finir. Elle parle de tout, de rien, plus particulièrement de rien d'intéressant, et ce avec un sens du détail diabolique et assommant. Sans compter qu'elle gueule comme si l'avenue lui appartenait. J'ai droit à un chapitre sur son ancienne vie de petite bourge, à ses rapports avec ses larbins de l'époque, à la critique enflammée de sa voisine Jessica qui copiait son style vestimentaire... Rien ne me sera épargné,  j'ai déjà les écoutilles qui crient de grâce. Rho boy, qu'on ramène cette jeune effrontée à ses authentiques parents, si j'ai pas de mioches à moi c'est pas pour essuyer les niaiseries de ceux d'un autre.

        Enfin, pour autant que je sache, j'ai pas de gosses, mais pour vérifier, ce serait côton. Disons que j'ai pas pour habitude de passer deux fois dans le même patelin et je suis pas facilement joignable si d'aventure on me demande. P'tetre bien que j'ai un gosse. Sûrement même. J'ai pas fait vœu d'abstinence non plus soyons honnête. J'vois déjà la scène : des mini-moi en blazer qui dépouillent leurs camarades de classe aux cartes. Ouh yeah, il faut absolument que...


        ... non mais franchement, elle est forte celle-là !!
        Maeeh, quoi, qu'est-ce qu'il y a ?

        Ouch. Regard embrasé de femme mécontente. Ça doit être lié au fait que je l'écoute ni de près ni de loin depuis un petit moment maintenant. Et comme elle a fini son numéro de diva, elle s'en rend compte. Et elle a l'air un peu soupe au lait. Là, comme ça, j'parie qu'elle est majeure. En tout cas, elle sait déjà tirer la gueule comme une vraie nénette, pour sûr. Si elle avait des chalumeaux à la place des yeux, il resterait juste un petit tas de cendres à ma place. Froooch ! D'un autre côté, quand je me coltine ses jérémiades sur l'art de la mode, je lui donne quatorze piges. Hm, attends, c'est à quel âge la majorité déjà ?

        Et allez, ça continue !
        Gnééh ! ... Ça continue ? Rho ? Noon, c'est pas bien ça, vraiment.

        Je prends la foule à parti en quête d'un soutien à mon air réprobateur. Mais tous les pellons des alentours évitent soigneusement le piège tendu et me laissent seul dans ma mouise. Les faux-frères.

        Pardon, je t'ai interrompue. Mais reprends, je t'en prie !
        Ah ouais ? Et j'en étais où ?
        Euh... meilleure amie... chignoon... monde injuste ?
        Ah, bravo ! Alors moi, je te faisais des confi...
        Je sais ! Des confitures !
        Des confidences !! Idiot !
        Hé ho, un peu d'respect, je suis le Capitaine.
        Idiot d'capitaine ! Qui prend jamais rien au sérieux ! On peut pas parler cinq minutes avec un bazar pareil. Et j'ai même pas le droit de le faire fouetter ! De toute façon c'est toujours la même histoire...

        Aaahlala... Et c'est reparti. Une nouvelle tirade interminable. Fort heureusement, l'homme a développé un don à la limite du surnaturel pour échapper à ces chapelets lapidaires dont il est systématiquement et ô combien injustement victime. D'abord, couper le son. Hop.

        Et quand pour une fois, on a quelque chose à dire après avoir supporté cent trente six blagues débiles et même pas drôles en prime...

        Voilà, beaucoup mieux. Ensuite, changer le décor. Une plage. Des cocotiers. Un hamac. La symphonie des vagues, la brise légère. Hm, quel bonheur. Le monde réel n'est plus qu'un lointain souvenir.

        Hé, bas les pattes espèce de rustre ! Lâchez-moi ! A moi, à l'aide !! Ohé, du bâteau, non mais il est sérieux là ? Je me fais kidnapper à un mètre de lui et il remarque rien !

        Et pour couronner le tout, se rappeler le parfum corsé et subtilement sucré d'une bonne bouteille de rhum. Ah ouais, on est bien là. Compter jusqu'à dix, puiser l'apaisement et la quiétude de ce paradis mental avant de replonger dans la rugueuse, l'implacable réalité, celle d'un homme contraint de subir les pleurnicheries du quotidien. Neuf... Dix. Et quand on repose les yeux sur le monde, tous les tracas ont disparu. Hop.

        Hm... Gamine ?

        Ah ben, celle-là est pas mal. Mélinda a disparu. Si j'y suis pour quelque chose, je tiens une invention révolutionnaire qui va transformer à  jamais le destin de tous les hommes sur cette Terre. Il y aura un avant, et un après Rik Achilia, je l'affirme. Je vois déjà les passants qui me dévisagent. Stupéfaits. Quoi je l'aurais vraiment fait disparaître ?

        Hm. Non, c'est complètement con. Elle s'est sans doute barrée pour faire une sortie théâtrale. J'avise trois badauds.


        Excusez-moi mes braves, la furie blonde qui était avec moi, elle est partie par où ?
        Partie ?
        Mais oui, voyons, la jeune blondinette. De cette... euh.. taille là... à peu près ?

        Combien elle mesure déjà ?

        Mais enfin, monsieur...
        Oui, bon ça va, on va pas chipoter pour quelques centimètres, vous voyez bien de qui j'parle. Deux yeux, un nez une bouche. Cheveux blonds. Par où ?
        M...mais monsieur, vous n'avez donc pas vu, entendu ?
        Quoi ? Vu quoi ?
        Ces malfrats... Votre... amie ? Ils l'ont kidnappé ! Ils sont partis vers les hauteurs !

        Oops. J'ai p'tetre un peu merdé sur le coup. Tu parles d'une invention.


          Alors, alors… Pister des enfants comme je pisterai des animaux. Belle image. Bon, c’est le moment de commencer. Les empreintes, déjà. Il faut dissocier celles des enfants et des animaux. Normalement, c’est pas le plus compliqué à faire. Ensuite, il me faut examiner davantage les empruntes pour être certain de ne pas pister autre chose qu’un enfant. Par exemple, si j’observe ces deux empreintes diagonales, tout me pousse à croire qu’il s’agit d’un félin ou d’un canidé, qui se déplace en levant simultané un membre postérieur et antérieur.

          Celles qui m’intéressent sont les empreintes décalées. Selon l’écart des pas, je peux identifier à approximativement la taille de l’enfant ou son déplacement (marche ou course). De plus, selon la profondeur des pas, je peux aussi identifier les enfants plus ou moins lourds. À force de les côtoyer, je connais les morphologies de chacun, et donc savoir celui que je piste. La marge d’erreur est importante, hein.

          - Tiens, Nicho’, regarde ce groupement d’empreintes qui se sépare en deux. Je propose que nous nous séparions. Toi, tu suis ce groupe, et moi l’autre. Il est probablement qu’elles se séparent en d’autres groupes. Dans ce cas, on suit les empreintes une par une, puis on revient au point de départ. On agit par élimination.

          Doté d’une grande intelligence, ce que je lui dis est très rapidement intégré. Un peu trop à mon goût. Il file aussitôt mes consignes terminées. Avec ses capacités physiques extraordinaires, il est même possible qu’il me devance. Je soupire un bon coup avant de m’y remettre. C’est ainsi que je m’enfonce dans cette forêt aux allures lugubres. Tout en suivant les traces, je me rends compte que la pauvreté des végétations des arbres et leur corpulence chétive me facilitent grandement la tâche.

          Les plus peureux ne sont probablement pas allés bien loin. J’esquisse un sourire quand je vois certaines empreintes s’arrêter aux pieds d’arbres, desquels j’aperçois des silhouettes légèrement dépasser. Tu parles d’une cachette. Froussards. Par ailleurs, j’avais suggéré un régime à certains d’entre eux, je pourrais appuyer là-dessus avec des arguments de taille. Je tape des mains en chantonnant joyeusement les noms des enfants que je suspecte. Il n’y en a que que deux, les deux plus… forts physiquement. Peinés, ils sortent et me rejoignent la tête basse.

          - L’intérêt du régime…
          - On a compris, garde ta salive, répond l’un d’eux.

          Je ne peux m’empêcher de frotter mes mains sur le haut de leur crâne et m’exprimant de manière enjouée sur la suite notre mission. Pointant ma canne vers la direction à suivre, j’avance avec de grands pas et un large sourire. Plus on s’enfonce dans la forêt et plus ça s’obscurcit. Nous trouvons quelques autres mômes, même pas cachés, cherchant simplement le chemin du retour en pleurnichant. Je ne vous raconte pas leur joie quand ils croisent miraculeusement notre chemin. C’était prévisible. Il faut toujours délimiter l’espace de jeu quand on sort avec des gosses.

          Je n’ai plus aucune notion du temps. En fait, sans m’en rendre compte, la végétation avait complètement changée. Cela fait un bout de temps que nous avons commencé les recherches, et alors que les arbres nous semblaient nus et l’ambiance morbide, nous voici maintenant entourés d’arbres vêtus de branches et de feuilles, accompagnés d’une belle ambiance chaleureuse et verdoyante. Les oiseaux chantent, la flore est abondantes et il y a même des fruits qui se présentent à nous.

          Les fruits sont hauts, je perdrai trop de temps à jouer à Tarzan pour en récolter. Ce changement d’environnement est aussi surprenant que majestueux. Je n’ai absolument aucune visibilité sur le « monde extérieur ». La faible luminosité me pousse à croire qu’il fait encore jours. C’est du moins ce que j’espère du plus profond de mon coeur. Néanmoins, alors que les recherches se poursuivent, je sens comme des regards un peu trop curieux qui se dirigent vers nous…

          J’ai bien l’impression que nous ne sommes pas seuls.




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          Ahlala... la boulette. Elle est vilaine, la sensation d'avoir gaffé. Ce moment où tu traverses une phase de redescente nauséeuse, cousine germaine de la gueule de bois. Souvenirs éparses et truculents de ripaille en moins. Le phénomène est plus puissant, même. La chute vertigineuse. Le châtiment sans rien pour adoucir la sentence. Comme un taulard devant l'échafaud qui pourrait même pas se payer une dernière tartine de souvenirs de ses casses histoire de balancer, faisant le bilan, fier-à-bras jusqu'au bout : " Si c'était à r'faire, je f'rai tout pareil! "

          Rien de tout cela. Qu'un constat d'échec.


          Moi pour 5 000 pièces, j'vous la r'trouve votre amie, m'sieur !

          On me vend de l'espoir. Je mire le moustique porteur de l'offre, qui me toise de son air bravache. L'âge de Blondie, moins deux ou trois, quelques trous dans la dentition, les cheveux sales. Fameux CV. À la base, je venais ici trouver un moyen de gagner ma croûte, pas flamber les quelques billets qu'il me reste. Une troupe de jeunes estomacs affamés attend mon retour triomphant.

          C'est-à-dire...
          Oh, allez, m'sieur, vous le r'grett'rez pas. Je connais l'île comme ma poche!
          Y'a rien dans tes poches Micky, raille une voix dans la foule.

          Tout le monde pouffe.


          Ah, vous, ne commencez pas hein ! Du mauvais esprit, vous savez faire, mais j'en ai pas vu un lever le p'ti doigt pour l'aider, la mignonne !

          Les badauds sont mouchés. Il est marrant le jeunot. Il a du mordant. Je mire les billets dans mes poches, froissés, déchirés et presque aussi sales que sa trogne de mauvaise graine.

          Bon, t'sais quoi ? Je tope.
          Pour vrai ? qu'il s'émerveille.
          Ouais, mon gars. T'es maintenant au service d'une célébrité. J'vais même te dire ceci : si tu réussis vraiment à m'aider, c'est pas 5 000 piasses que je te refilerai, mais le double.

          Mon comptable me détesterait farouchement devant l'impudence de mon placement. Mais je m'en fous. Le truc qui s'arrange pas avec l'âge, c'est l'entêtement et je fais ce que je veux. Là, de suite, j'avais juste une folle envie de faire baver les pisseux dans l'attroupement. Je pense qu'une moitié au bas mot de mes actes est justifié par le regard des autres. Ça en dit long et je l'assume.

          Micky se prive pas de jeter son succès au pif des badauds, qui se dispersent comme une volée de pigeons. Quelques-uns dans le lot me lancent leur désapprobation d'un œil désabusé, l'air de penser que le pigeon dans l'affaire, c'est moi.


          On trouve quoi, au sommet de la crête, Micky ? Mon amie aurait été emmenée par là-bas.
          Han, pour une info pareille, il faut payer boss !
          Compte pas trop là-dessus, blanc-bec. On a un deal. Si tu m'aides, à toi les dix milles. Dans le cas contraire, fais une croix sur ta paye.

          Il essaye de me la faire à l'envers, le margoulin. Je me fâche. À tout le moins, je joue l'Agacement. Je sais être persuasif dans le genre. À forcer le bluff autour de tous les tapis usés des Blues, devant gibets de potence ou nobliaux sans distinction, on en vient à plus trop savoir si on est ce que l'on prétend. Suis-je vraiment prêt à faire preuve de fermeté, ou est-ce que je donne le change ? Au final, la prestation reste convaincante et que je ne sache plus où j'en suis vis à vis de ma vérité profonde n'a que peu d'importance. L'audacieux tente encore :

          Sans moi, vous retrouverez jamais la jolie blonde !
          Erreur, Micky. Tu vois, je suis prêt à parier que je peux trouver six ou sept bons gars prêts à m'aider si tu me fais faux-bond pour toucher un tel pactole.

          Et pour donner un peu plus de poids à mon argumentation, je dévoile depuis un coin de ma poche les fameux Berrys.

          Un estomac vide est plus facile à convaincre. Le visage de Micky n'exprime que famine. L'adolescent obtempère.


          Bon, bon, pas la peine de vous fâcher, c'est vous le Boss, Boss. Comprenez-moi aussi, je me devais d'essayer ! Au nom du sens des affaires !
          Sans rancune Micky. Maintenant, on y va. On a déjà perdu bien assez de temps. Et en chemin, tu me diras ce qui nous attend au sommet de cette colline, hm ?
          Ay, ay Boss ! Au fait...
          Hm ?
          Z'avez dit t'à l'heure " au service d'une célébrité ". J'en déduis qu'vous êtes connu, z'êtes une sorte de noble, quelque chose du genre ?
          Et même mieux qu'ça Micky. Et dis-toi que la Blondie qu'on s'en va sauver, c'est une véritable princesse. J'suis sûr qu'elle saura te remercier si tu voles à son secours.
          N'en dites pas plus ! qu'il fait tout sérieux, soudainement investi par sa mission.

          Et, drapé d'un élan chevaleresque immaculé, Micky accélère le pas.


            En levant la tête, étonnés que nous sommes, de braves et énormes mouches volent au-dessus de nos têtes. Pendant un certains temps, les mômes et mois restons émerveillés, à un point où je me suis même demandé qui est réellement l’adulte. Elles ne semblent pas dérangées par notre présence, ni même particulièrement agressives. Pour tout vous dire, j’ai presque envie d’en choper une et m’amuser à ratisser ces hectares de forêts au dos d’une mouche, mais je suis freiné par des hurlements provenant de l’est. Une centaine de mètres, tout au plus. Ordonnant aux gamins de ne pas bouger, sous peine d’être bouffé par les grosses bêtes, j’allonge de grandes foulées en direction des hurlements. Une vingtaine de secondes plus tard, j’apparais face à la gamine en pointant ma canne en direction de son front.

            - Trouvé.

            La gamine s’arrête sur le champ, rassurée de me trouver. Encore paniquée, elle m’explique aussitôt ce qu’elle a vu.

            - Une énoooooorme mouche était juste au-dessus de ma tête ! Tu t’rends compte ?! Elle était immonde ! Grosse et…

            J’interrompt rapidement son discours.

            - As-tu vu les autres ?

            Elle détourne le regard instant, énervée.

            - Ouais… Ces sales rats d’Achille et sa bande m’ont laissé toute seule. Ils disaient retourner au point de départ.

            Effectivement, Achille est le plus rusé et le plus intelligent de tous. Il est tout à fait capable de se repérer dans une forêt, sans dote mieux que moi. À vrai dire, celui que je craignais de devoir retrouver, c’était bien lui. Je pose de nouveau ma canne a sol.

            - Bien. Retournons voir les autres et rentrons.

            Avant de reprendre la marche, j'esquisse un sourire.

            - Mayline, quand on joue à cache-cache, on évite le parfum, surtout quand celui-ci se sent à des kilomètres.

            C’est alors qu’une énième enfant sort de sa modeste cachette et nous rejoint timidement. Sur la route, dieu merci, les autres gamins m’avaient bien obéis, ils n’ont pas bougé d’un iota. Si la bande d’Achille est bien retournée au point de rendez-vous, là où se trouve Léa, alors nous devrons avoir le compte. Ces grandes et effrayantes mouches nous regardent partir sans broncher. Une espèce intelligente, pacifique qui mérite qu’on la laisse en paix.

            - Allons les enfants, on accélère le pas. La nuit tombe et nous risquons de nous perdre sans luminosité. Je vous laisse imaginer ce qui arrive aux personnes qui se perdent dans une forêt, la nuit, à la portée des nombreuses bêtes qui rodent.

            Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour motiver des gosses. Ils sont exténués et à raison. Il est bientôt l’heure du souper, ils ont gambadé dans les bois une partie de l’après-midi. Les minutes sont longues, pénibles, mais le retour se fait tout de même plus rapidement. Pas d’arrêt inutile. Lorsque l’on entrevoit le bout de la forêt, on aperçoit que Nicholas est arrivé avant nous, entouré de quelques enfants. Les autres accourent pour les retrouver, mais en voyant la mine de Léa, je comprends qu’il y a comme un malaise. C’est une fois sortie complètement de cet enfer que je comprends la situation. Face à nous, une bande de types aux allures pas très commodes avec… Eärendil ? Ligotée et visiblement de mauvais poil. Enfoiré de Rik, qu’est-ce que t’as foutu ? La bande n’a pas l’air très bavarde et particulièrement ouverte à la discussion.

            - Bonsoir messieurs, colonie de vacances de West Blue, pouvez-nous indiquer la direction à prendre pour le dîner ?

            Le premier sort son épée et s’approche de nous. Les autres en font de même. Vraiment pas bavards. Nicholas et moi passons immédiatement devant les enfants pour les protéger. À deux contre…. quinze ? Ça va aller ?

            - Putain. Rik. T’es jamais là quand on a besoin de toi, salaud.



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            Un an d’absence ? Deux mois d’errances ? Une semaine sans subsistance ? La mine piteuse de Moka, désormais derviche à moitié dément, aux démons qui mentent et se fichent de lui désarmés d’humour, tout en armes d’un destin de perdition et de folie. Il court dans la forêt, derrière lui accourent les voix qui soufflent à ses oreilles de tuer pour sauver, et lui se sauve pour ne point tuer, il s’essouffle pour vivre et faire vivre, avant que ne vire la lame par-dessus son épaule, couverte de sang et clairsemant les rangs d’inconnus. Des silhouettes se présentent à l’orée du bois, dans un silence se présente à leurs flancs l’or pour manger et boire, et les yeux de Moka lorgnent déjà sur ses proies. Grandes ou petites, elles sont là, déjà couteaux tirées et tirant les mines de ceux qui de coups veulent en découdre, et la voix déjà siffle :

            - Ventre vide, ventre vide, ouvre leur le ventre et vide leurs bourses ! Trop plein de sang pour toi, jamais assez pour nous, dans ta tête ! Ne t’entête pas à fuir, car ta tête aux vers tu la destines ! Va ! Va ! Et tue ventre vide !

            D’un saut, les oripeaux virevoltant au vent, le fou mort de faim s’élance et lance l’acier en avant, la foi vive de fin de partie. Sa fin, en vérité, il l’espère toujours, car il souffre d’une souffrance souffreteuse, haletante dans son cœur, le visage hâlé et usé caché sous son châle troué. Une première ombre s’avance, les paroles confuses fusent alors :

            - T’es qui toi ? Tu fous quoi ici ?


            L’inconscient tend déjà le bras que Moka, d’un coup, le détache sanglant du corps qui s’étend alors au sol, hurlant de douleur. Et quelle douceur que les cris et la stupeur de ceux qui ont peur, les bottes pleuvent ensuite, de-ci de-là, frappant indistinctement ceux qui d’instinct tentent leur chance à l’épée. Des cris d’enfants, il n’en a cure, car il se lance dans sa frénésie meurtrière contre les ombres qui s’approchent couteaux tirés, car il s’élance dans la frénétique meurtrissure contre les sombres qui de reproches couvrent les virées de sang et de larmes.

            - Il est taré ce type ! Tuez-le bordel ! Tuez-le ! s’écrie quelqu’un.

            - On peut rien faire, fuyez les gars ! renchérit un autre.

            - Pouah ! Fermez-la ! leur répond Moka, aux voix dans sa tête.

            Un dernier coup d’épée, les deux têtes volent, et les voix s’envolent. Tout devient silencieux, sur la pelouse pourpre, des membres et des corps qu’éventre le katana jalonnent la place, et les survivants ahuris le regardent. Las, il est là, assis au milieu du carnage, une bourse entre les mains, et assiste au milles yeux du petit âge qui, les mains de boue crasse, jouaient peut-être à l’orée de ces bois.

            - Ah, salut.


            Il sourit à l’assemblée, les traits de son visage fatigué s’étirant en un rictus auquel il n’était plus coutumier.
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            Faisons le point, à flanc de colline y'a globalement personne. Dans le décor on a un gamin avec des cojones, des cheveux déco renard, dans le lointain l'écho rogné de la bande de corniauds virulents et moi. On est deux quoi.

            Le sympathique Micky ouvre la marche, le pas aérien du jeune ambitieux prêt à croquer la vie à pleine dent. Le comble pour un miséreux qui crève la dalle. N'empêche qu'il tient la santé, je galère un peu à tenir la cadence. La pente est pas bougrement raide, m'enfin, cinquante balais, dans certains cas de figure, ça attaque un peu le cardio. Ceci dit,l'effort physique m'en coûte mais je conserve en la situation un avantage indéniable sur le jeune : un larfeuille. Du pognon. L'effronté peut frimer tout ce qu'il veut avec ses mollets saillants et ses " Alors, boss, vous tenez le coup ? Pas trop fatigué ? ", c'est moi qui détiens son avenir au creux de mes mains. Avant d'aller dévorer la vie, qu'il aille déjà se faire les chicos sur une pomme et un bol de riz, j'ai déjà vu des fuseaux à tisser plus gaillards que lui.

            Ok, ça me rend mauvais de trimer autant.


            Halte Micky !
            Comment ça, halte ?
            ...ffh'... ffh'...
            Tout va comme vous voulez Boss ?
            Tu veux rire, je pète le feu ! ....aaafhf'.... Je veux juste profiter du paysage. Admire la vue, c'est magnifique n'est-ce pas ?
            C'est que...
            Alors quoi, on peut plus prendre dix secondes pour contempler la splendeur, la Majesté même !, de notre bonne vieille Terre sans passer pour un vieux schnock ? Ahlala, vous autres les jeunes vous passez à côté du sens de la vie! Bon sang!
            J'allais dire : c'est que, on doit retrouver votre amie Boss.
            Mon amie ?
            La Princesse.
            Maah ? Ah, oui, bien sûr! Mais pense donc à ceci. Celui qui comprend la poésie de ce monde saura le moment venu y déchainer son courroux ! Tout est question d'équilibre. L'apaisement et le déferlement. La douceur et la violence !

            Je n'ai aucune idée de ce dont je suis en train de parler.

            Bon allez, j'm'en roule une petite et on s'y remet!

            Traduction, je vais chercher mes poumons.

            Ça va aller, pas trop fatigué l'gamin ?
            Oh, je fais de mon mieux... Et vous Boss, l'âge ne vous pèse pas trop ?
            L'âge ? Mais attends voir toi, tu me prendrais pas pour un vieillard desfois ? J'ai trente-sept ans j'te signale!

            Cinquante. Pourquoi je mens moi ? Je fais un complexe ? Naan. A moins que ? Oh, boy, je suis vieux.

            37 fiers printemps ! Et quand tu conteras mes exploits, sois bien sûr de pas m'ajouter une année ou deux hein.
            Pour sûr Boss.
            J'aime mieux ça, en route.

            Et on repart. Scientifiquement, ma théorie connait ses détracteurs. Disons qu'elle dérange en haut lieu. N'empêche, on se porte rudement mieux avec une clope au bec. Ça ouvre l'organisme à l'oxygène. Un peu comme un tournesol qui épouse le mouvement du soleil. On capte mieux les bulles d'air. Hop, de une, hop, une autre,

            Ho'...kof KWAARF!!

            En tout cas, sur les cent premiers mètres, mon théorème est bon. C'est ensuite que ça se tend. La belle machine s'enraye et chaque pas devient déjà un peu plus lourd et coûteux que le précédent. Il me faut pas deux taffes de plus avant d'atteindre le stade 3 du con finement cramé par sa roulé. C'en est trop. Je dégueule un bon coup mes glaires et le tabac que je viens d'inhaler.

            Ça va Boss ? Vous voulez de l'eau ?
            Vire moi cette saloperie nauséabonde de sous l'museau !

            J'm'arrose la mécanique au bourbon. Et hop, nouveaux spasmes. La médecine agit. Le jeune doit avoir l'habitude de soutenir les vieux rincés parce qu'il attend tranquillement à quelques pas que j'ai fini de repeindre l'herbe grasse. Il suit mes préceptes, il admire l'horizon.

            Bwaargfh' !! Chiottes. Ça va mieux. Micky, fini de ronfler, on est reparti !

            Tiens, tiens, qu'est-ce qu'on a là ?

            Vlà autre chose. Pendant que je vidais dignement mon estomac, une huitaine de loustics en a profité pour s'approcher en douce. Et si l'Enfer est pavé de bonnes intentions, j'doute pas que ceux-là y fassent d'honnêtes agents de la voirie, avec leurs matraques et leurs surins.

            Micky, bon sang! Mon fidèle sherpa ! Comment as-tu pu ?
            De quoi vous parlez Boss ?
            Au moment où j'en avais le plus besoin, tourner le dos à la montagne, que dis-je, à ton devoir même !
            Hein ? Mais Boss, c'est vous qui parliez d'admirer, le paysage, les oiseaux...
            Ne reporte pas ta faute sur autrui, c'est très mal ! Inutile d'ajouter le déni à ta trahison!
            Hé dis donc, le vioque, si c'est comme ça, tu te démerdes! Allez-y les gars, c'est pas ma guerre !

            Et le jeune Micky me plante là aussi sec. Personne ose y trouver à redire tellement il est agacé. Un temps j'ai l'espoir qu'il se retourne mais non. Il redescend fissa vers le village. Je crois que je l'ai vexé.

            Quel sale caractère ce gamin ! que j'dis pour capter l'attention du groupe.

            Je prends une mimique scandalisée, pourtant, ils n'ont pas l'air de soutenir la cause.


            Bon, d'accord, j'ai un peu déconné avec lui ! Voilà, vous êtes contents ?

            Ils bavent toujours pas un traitre mot. Ils attendent juste le signal de leur repoussant chef de bande - pourquoi tous les piètres bandits du monde ont-ils un physique aussi ingrat ? - pour lancer l'assaut.

            Inutile d'essayer de vous dissuader, je suppose ?
            Hin hin hin.
            Vous n'auriez pas fait le même coup de Trafalgar à ma jeune amie Blondie par hasard ?
            T'es bien bavard pour un idiot qui va se faire dépouiller.
            Okay les gars, votre choix. Mais je vous avertis. Je suis balèze.


              - Bordel de merde… MAIS T’ES QUI TOI ???? CINGLÉ !

              Zéro contrôle de mes émotions. Une légère élévation dans les aigus à la fin, tout y est. La parfaite baltringue qui ne comprend rien à ce qui se trame sous ses yeux, ou disons plutôt qui se ment à lui-même. Je tente de retrouver mes esprits mais ça n’a rien d’évident face à cette tuerie. Les gamins…

              - Les enfants, vous n’avez rien vu, hein… Ce sont des acteurs pour le tournage d’un film…
              - Euh Al’… Tu t’moquerai pas d’nous par hasard ? dit l’un des gamins.
              - Ouais, c’vrai que c’est un peu gros là… reprend un autre.
              - Tu sais Al, tempère ma chère Eärendil, ces enfants n’en sont plus depuis qu’ils voyagent avec Rik.

              J’ai senti l’orientation de sa phrase. C’est vrai que Rik’ est tout sauf un mec sain, un mec inspirant pour des enfants.

              - D’accord… Si vous le prenez comme ça les gars, ça m’va.

              Je me dirige de nouveau vers notre « sauver ».  Il fallait au groupe retrouver leur capitaine, bien qu’il n’en ait pas le profil, Riko. L’activité dans les bois a assez duré, on a rencontré des brigands et mon petit doigt me dit que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je veux bien croire que ce soit le coin parfait pour se regrouper entre bandits, sauf que je n’ai vu aucun campement, aucun signe de vie. Ces types ne semblaient pas vraiment non plus surpris de nous voir arriver. Immobile quelques instants, les bras croisés, je réfléchis quelques instants à notre bel avenir.

              - Eh toi ! On s’connait pas encore, mais on aura tout l’temps de faire connaissance autour d’un verre. Faudrait qu’on retrouve notre boss avant ça, tu nous accompagnes ?

              Oui, j’ai menti.
              Non, je n’ai pas d’âme.
              Oui, je suis une raclure.
              Et oui, je deviens comme Rik.

              Les regards honteux d’Eärendil, Nicholas et Léa me font presque culpabiliser, mais je tiens bon pour le bien du groupe. Ce type est monstrueusement fort. Il nous le faut comme escorte sous peine de mort. Je ne me vois pas me battre en surveillant toute cette ribambelle de gosses. D’ailleurs, s’il accepte un peu malgré lui, c’est notamment grâce à ces mêmes gosses qui lui tirent la main sans réellement lui laisser le choix. À peine arrivé, déjà adopté. On descend la vallée en marche rapide. Nicholas et Léa derrière, les gosses au milieu avec notre invité, Eärendil et moi devant. Une colo bien organisée avec ça. En dévalant une centaine de mètres, j’aperçois un groupe d’individus avec une tête qui m’est familière au milieu. Et évidemment, en nous voyant, arriver, ce foutu Rik est heureux comme tout. Concernant les huit hommes face à nous, il affichent une mine déjà moins agréable.

              - Vous cherchez vos potes ?
              - Où sont-ils ? demanda rapidement l’un d’entre eux, paniqué.
              - Demandez-lui, dis-je en pointant du doigt notre nouvelle recrue.
              - Qu’est-ce qu’on fait d’eux ? demande l’un des bandits.
              - À ton avis !? On les bute tous ! ordonne probablement leur supérieur.

              Avant même que l’un d’eux ne fasse le premier, une détonation retentit juste à côté de moi, blessant l’un des types à l’épaule. Cette balle, c’est ma jolie blonde qui l’a tiré, étonnamment. Depuis quand est-ce qu’elle sait tirer ? Je le savais un peu garçon manqué mais quand même.

              - Aaaaaarg ! La salop…

              À peine le temps de commencer son mot, mon visage s’assombrit, je démarre au quart de tour. Démarrage imprévu, à toute vitesse, échappant de peu à la crampe, je fous ma canne en plein dans la bouche de la victime qui allait sortir son injure à l’encontre de ma douce. Des craquèlements se font entendre. Il est maintenant allongé sur le dos, ma canne toujours en pleine bouche, alors que je fixe ses autres camarades.

              - Messieurs, ne tentez rien de stupide.  Vos amis, là-haut, j’pense que vous n’avez vraiment pas envie de fuir comme eux.

              C’est plutôt stylé avec leur pote qui agonise sous la pression de mon arme. Que vont-ils décider maintenant ? La raison ou leur fierté ? Quoi qu’il en soit, Eärendil sort un deuxième pistolet caché sous sa magnifique robe entrouverte. Elle me fait presque peur comme ça.



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              La vache, ils sont en train de rejouer la java du samedi soir dans mes boyaux là. Mon foie se noie, ma rate se dilate... Comment on peut avoir l'estomac à ce point vide et ballonné dans le même temps enfin ?!

              On va pas se mentir, l'intervention de ma joyeuse troupe tombe à pic. Du genre, inespérée même. Jusqu'alors, je misais plus sur mon charisme d'ex belle gueule et mon aura de gars qui a roulé sa bosse sur tous les coins du globe pour désamorcer l'embrouille. Niveau condition physique, je me situe au niveau de Judge quand ses rhumatismes le lancent. Il devient quoi lui d'ailleurs ? Mort et enterré ? Ou, mieux, terré loin du monde avec sa lecture et son verre de schnaps. Ça sonne bien.

              J'm'éparpille en conjecture et pendant ce temps, ce fieffé loustic de Alma me pique toute ma prestance en balançant ses somations. Faut remettre l'église au centre du village! Je lève une main qui réclame l'attention... pour balancer tout ce que j'ai d'énergie au moment de poser une main paternaliste sur l'épaule d'un loubard. Sous l'impact, le bougre s'étale par terre, et six paires d'yeux valides sortent de leurs orbites devant cette démonstration de puissance.


              Oups ? Pardon. Allons messieurs, il faut mettre un terme à cette querelle! Comme l'a fort justement souligné mon fidèle acolyte, hm... tu disais quoi déjà Alma ?
              Je disais...
              Oui, voilà ! Mes amis, nous ne sommes plus en guerre. Les ennemis d'autrefois sont les amis d'aujourd'hui. Enterrons la hache de guerre et jetons nous une lampée de votre plus sec tord-boyau ! J'en appelle à votre solidarité, et à votre responsabilité. Nous ne sommes plus en guerre. Trinquons ! Et ainsi, c'est le cœur ouvert, et léger, que je vous accueillerai à bord de mon équipage !
              Hein ? Mais pas du tout !
              Il est malade celui-là ?
              Ça va pas non ?
              Ben oui, je me disais, on aurait bien besoin de baby-sitters pour les morpions. Et d'hommes de main pour garder le navire, pour les menues tâches du quotidien...
              C'est noon !!

              Bon, bon... z'avez vu ça les mecs ? En trois petites phrases, je rallie tout mon équipage à une même cause, si après ça on reconnait pas mes talents naturels de leader.
              Pour être honnête monsieur, les copains et moi, on est plutôt d'accord avec vos amis sur ce coup. Nous-même, on s'est concertés pendant votre petit speech et on est d'accord sur un point : on est absolument pas dignes de confiance. À la première occasion, on vous piquerait votre rafiot et on revendrait les mômes au premier marché noir du coin.

              Ah tiens. C'est un petit peu vexant tout de même. Non seulement personne parmi mon crew n'est d'accord avec moi. Mais même ceux d'en face que ça devait rudement arranger en arrivent à me mettre un vent.

              Fort bien. Nos chemins se séparent donc ici. Il ne me reste qu'à vous souhaiter bon vent, vils gredins et...
              Mais, et votre amie ?
              Plait-il ?
              Oui, vous savez bien, celle qu'on a kidnappée un peu plus tôt quand vous paradiez en ville.
              De quoi il parle, Rik ?
              Aheeem. Enfin... là... là, on est pas obligé de tout se raconter non plus, pas vrai ?
              Quelque chose dont tu veux nous parler, cap'tain ?

              Vite, trouver un truc.

              Haaaha ! Je vous tiens, misérables rats musqués ! Vous l'avez tous entendu comme moi! Ce sont des aveux !
              Hé bien, c'est à dire que vous alliez oublier l'essentiel sin...
              Des aveux accablants ! Maraud, vaurien ! Perfiiide ! Je t'ordonne de nous mener sans tarder à votre repère !

              Et allez savoir pourquoi, le mec s'exécute et se met à ouvrir la voie. Sûrement ébloui par mes augustes talents oratoires. A moins que ce ne soit les menaces un poil sordides proférées par ce gars couvert de gerbes de sang, juste derrière mon épaule.

              D'ailleurs, c'est qui lui ?


                Je ne le sens ce vil scélérat. Qui est le plus gros bandit du coin ? Fort à parier qu’il s’agisse de ce bon vieillard dont le corps tombe en lambeau. Je le saisis par la manche, alors que non continuons de descendre la vallée, pis lui susurre quelques mots à l’oreille.

                - Dis-moi le vieux, t’aurais pas un p’tit peu déconné par hasard ?

                On suit un type dont on ignore tout pour récupérer Mélinda qui était normalement avec Rik. Super.

                - Comment t’as fait pour la perdre, merde ! pestai-je en chuchotant, énervé.
                - Euh… J’ai regardé le ciel et rêvé d’une vie meilleure que celle-ci, puis…
                - Laisse tomber. J’ai pigé.

                Se coltiner Mélinda n’est pas une mince affaire. C’est une vraie fille. Une princesse. Une chieuse. Rik, plus que beaucoup d’hommes, n’est pas particulièrement friand de ces choses, ou seulement dans la mesure où ça ne dure qu’une seule dans une chambre d’hôtel. Je m’en mets ma main à couper, je suis sûr que ce nullard l’a quitté des yeux trente secondes et qu’elle s’est faite kidnapper juste sous ses yeux. Je claque ma main sur mon front en imaginant la scène.

                - Aheeeem ! Et c’est qui ce beau gosse avec les gamins ? demande le capitaine.
                - Un type sans le sous prêt à tuer pour boire et manger.
                - Et il sait qu’on n’a pas un rond ?
                - Tu t’débrouilles avec lui mon vieux. C’est toi l’capitaine. J’m’occupe pas d’ça.

                Ça lui fera les bourses. J’ai hâte de voir comment il va gérer ça, tiens. Un détail vient tout de même me déranger en cette balade. Depuis quand est-ce que des individus censés se jettent dans la gueule du loup ? D’autant plus avec une bande de rejetons ? Bien sûr que l’autre troufion accepte volontiers de nous mener à son repère, Il allait pas risquer de mourir à nous y emmener si tout le monde nous y attend armé jusqu’aux dents.

                - Bon, bon, bon… Stop, deux minutes. Nous arrivons en ville donc c’est p’tre l’occasion de faire le point. Les mioches, vous retournez au navire avec Léa, Nicholas et Eärendil.
                - Et Moka ?! s’esclaffe l’un d’entre eux.

                Il s’appelle donc Moka. Pratique d’avoir des gosses pour recueillir des informations.

                - Moka va nous suivre. Il a des choses à voir avec le capitaine.
                - Aaaah… Le capitaine ferait peut-être bien de raccompagner tout ce beau monde.

                L’assemblée toute entière l’assassine du regard, aussi bien enfants qu’adultes, même le bandit se met à le regarder de haut. Autant dire qu’il n’a pas d’autre choix. Une fois en ville, le groupe se sépare donc en deux. D’un côté, les enfants accompagnés de Léa, Eärendil et Nicholas, soit environ 80% du quotient intellectuel de l’équipage. Ça promet. Et de l’autre, évidemment Rik, l’inconnu Moka, le bandit qui nous sert de guide et moi. Misère. Prions pour que ça ne tourne pas en catastrophe. J’aimerais encore jouir de ma liberté et ne pas être primé ce jour.


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                La drôle de troupe s’attroupant autour d’un briscard nommé Rik et c’est l’épique sans nom qui commence, les regards agités des enfants en troupeaux drôlement agglutinés autour de leur gardien nommé Alma, et c’est Moka qui cause de choses sensées tantôt, parfois de sa psychose et des voix, mais la voie ouverte par les petites mains dans les siennes lui redonnent espoir : le prince déchu auquel échut ce destin si tragique peut encore sourire. A l’un des gamins, téméraire petit poucet que pousse Alma du bout de sa canne, il dit :

                - Hey, vous êtes quoi au juste, une sorte de famille ? Une colonie de vacances ? Je pige rien, et j’ai sacrément faim…

                - On peut dire ça, mais Moka, tu peux venir avec nous si tu le souhaites, Rik sera content, pas vrai ?

                Il se tourne alors vers ce blondinet d’Alma, lui-même peinant à maintenir l’ordre, et c’est maintenant que décide d’intervenir le chef de bande, et c’est maints mots échangés – peut-être pas tant que ça – qui tentèrent de démêler le statut du nouveau venu, le premier se dédouanant de toute responsabilité, comme il confie le reste au second, en bon second de capitaine pirate pense alors Moka. Il écoute Rik, le grand brun un brin charismatique, s’intéresser à lui, il s’arrête un moment. Il considère Rik, le prend pour l’un de ces marins lunatiques s’éternisant au loin, dans les flots de maux et d’arêtes de poiscailles, toujours en escales momentanée ici, sur la terre. Tout cela n’explique pas la présence des enfants, rien n’a de sens dans cette équipée originale, aussi il dit :

                - Rik, c’est bien ça ? Je…je crois que j’ai sauvé les miches de ton pote et des enfants, enfin je ne sais pas exactement ce qui s’est passé…la faim me rend dingue, j’ai fui ici depuis que mon équipage a été dissout sur Grand Line…Je suis perdu, lâche-t-il, dépité.

                - Ouais Rik ! Même qu’il a coupé la tête des méchants d’un seul coup d’épée, c’est pour ça qu’il a du sang partout sur lui ! s’esclaffe l’un des enfants, étrangement joyeux à la vue de son sauveur ensanglanté du sang des autres.

                - Ah…C’est vrai….


                Couvert de sang, la cape en lambeaux lui colle à la peau, et son uniforme délavé aux couleurs ternies, voilà que l’ancien prince de la famille Charlotte est en bien piteux état. Inspirer la pitié aux charlots qui fourmillent en ces lieux, autant de pinces que ces praticiens du jet de filet alimentent ? Sûrement pas ! Moka vaut mieux que ça ! Il est temps pour lui de redevenir l’homme qu’il était…
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                • https://www.onepiece-requiem.net/t18223-moka-charlotte
                L'anecdote du pitchoune au sujet de l'étranger a de quoi filer des sueurs froides. Et son sourire enfantin émerveillé quand il la conte m'interpelle. Il faut mettre le hola avant que tout ceci ne dégénère. C'est pas un plaisantin le nouveau venu. Certes, un estomac vide, ça vous joue des tours et travaille sur votre patience. Ça je veux bien le reconnaître. Moi-même si j'ai pas ma rillette de canard je suis un peu ronchon. Mais de là à mettre à mort toute une bande de brigands plus bêtes que dangereux, sous les yeux des moutards en prime... Ça sent le psychotique à plein nez. Alors après, je juge pas, des dingos, y'en a de tous les types et sans être un complet cas d'étude, j'ai pas le profil de l'enfant de choeur. Mais les déversements de violence, c'est pas ma came. Ça inspire la peur aux gens, pas l'admiration. On voit rarement une jolie donzelle fondre pour les beaux couteaux d'un boucher. Rien que ça, ça me dérange. J'aime être aimé. C'est mon style. Sans parler de la question morale. Non, vraiment, les massacres, c'est pas mon rayon.

                Primo : bienvenue. Hé ouais tu l'avais pas vue venir celle-là.

                Deuxio, que je fais en me retournant vers le gamin beaucoup trop joyeux en racontant l'anecdote de la tuerie : la violence, c'est très mal. Il faut toujours s'efforcer de trouver une autre solution pour éviter d'avoir à brutaliser les autres. C'est compris les morpions ?

                L'assemblée répond que oui, assez mollement. Pour une fois, je sens néanmoins que le reste des adultes - ou les presque adultes - de la bande soutiennent ma position - serait-ce de la surprise, que je détecte chez eux ? - aussi j'en profite pour développer un brin :

                Exemple pratique : là, on a pas un radis, pas un rond, nada. On pourrait très bien se ruer sur le premier passant venu et le détrousser. Mais au lieu de ça, que fait-on ?
                On lui demande gentiment un peu d'argent ?
                Heu... oui, par exemple. Ou bien, plus ingénieux : on fait ami-ami avec lui, il nous paye un verre au bar. Et puis, on lance une partie de cartes, on le dépouille au jeu et on finit par lui payer une tournée avec son propre argent pour qu'il nous aime bien quand-même.
                Mais, et si il gagne aux cartes ?
                Faites-le boire ! Verre sur verre. L'alcool est votre meilleur allié. Plus il boira, plus facile ce sera de le berner.
                Hu-huum...
                Hm. Oui. En tout cas, le truc à retenir c'est : on évite ab-so-lu-ment d'avoir recours à la violence. Clair pour vos p'tites têtes ?

                Ce coup-ci, le oui remporte plus largement la faveur des suffrages. Je me retourne alors vers Moka :

                Et la règle vaut pour tout le monde. C'est vrai, on est pas du genre à se laisser faire. Et on a pas peur de monter au créneau pour aller sauver les miches de l'un des nôtres. Mais on fait pas dans la mise à mort, c'est pas notre signature. Mauvais exemple pour les bambino.

                Si on est d'accord sur ce point, tu peux rester avec nous aussi longtemps que tu le souhaites. Notre bande tient plus du cocktail hétéroclite que de l'équipage, tu jureras pas dans le décor. On fait ce qu'on peut pour rester de bonne composition, pas d'autre règle qui vaille. Il n'y en a besoin d'aucune autre. Chacun d'entre nous ici a eu l'occasion de se rendre compte qu'il était plus agréable de voyager accompagné de bons collègues de route que seul.


                Je poursuis alors, m'approchant à hauteur de Moka et en chuchotant presque :

                Mais attention, avant de dire oui trop vite, j'aime autant te prévenir, tu n'as pas rencontrer le pire élément de la troupe : la mère du petit homme-poulpe là-bas. On dirait pas en le voyant, tout plein d'encre et d'innocence. Mais sa vieille... une mégère mon vieux, t'en as jamais vue une de son calibre ! Hargneuse, méchante comme la peste. Bon, enfin, tu ne le tiens pas de moi.

                Mes paroles ne seront pas rapportées et retenues contre moi dans le dossier qui s'alourdit d'heure en heure, c'est dit. Puis, reprenant à haute voix.

                Et s'agissant de baston, tu vas avoir tout le loisir de nous montrer tes talents dans quelques instants. On doit plus être très loin de nos marlous. Quand on arrive, on suit la procédure habituelle. Je décide d'un plan, vous n'en faites qu'à votre tête mais dans tous les cas, les jeunes restent derrière bien à l'abri. Capisce tout le monde ?


                  Et le voilà qu’il joue à être un bon paternel. C’est trop tard, Rik, tu es déjà percé à jour. Je laisse discuter les deux pirates ensemble, leurs affaires ne me regardent pas trop. Après tout, bien que je participe à la vie à bord de ce navire, je n’en reste pas moins un voyageur qui recherche à faire sa vie. Au premier coin de paradis foulé, je quitterai cet équipage avec ma belle Eärendil, qui devient d’ailleurs de plus en plus comme eux. Suis-je le seul à ne pas perdre la tête ? Bref. Les explications terminées, je reprends le dialogue avec notre agréable guide.

                  - Le repère est encore loin ?
                  - Vous voyez le hangar, isolé, juste devant nous ? C’est là. Mais… vous êtes sûrs de vouloir y aller ?
                  - Tu vois mes deux compères ? T’as l’impression qu’ils ont envie de faire demi-tour ?
                  - Euh… Si on a le choix…
                  - La ferme, Rik. C’est p’tre not’ seule chance de nous refaire. Pis t’as pas écouté notre nouveau convive ? Il a faim. Très faim.

                  Les enfants devraient être en sécurité avec Nicholas, sa daronne - point sur lequel je rejoins parfaitement la description de Rik -, Léa et ma jolie blonde. C’est maintenant nous qui sommes exposés à de gros risques. Le guide, pas très rassuré, nous informe que nous sommes arrivés à destination. Je lui suggère de s’en aller loin d’ici pour éviter toutes représailles.

                  - Je reprends la procédure…
                  - Tu n’reprends rien du tout. Surtout, Moka, si tu tiens un peu à ta petite vie, ne l’écoute pas. Jamais.
                  - Mais peux-tu me rappeler qui est le capitaine, mon cher blondin ?  

                  Si c’est comme ça, j’me tire sans dire un mot. Je frappe seulement à la porte avec ma canne avant de m’en aller. Juste histoire qu’ils sachent qu’il y a du monde qui attend à l’entrée. En réalité, ça me laissait juste le temps de faire le tour du propriétaire et trouver une éventuelle entrée plus safe. Bien sûr, le travail des autres est déterminant pour pouvoir m’introduire.


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                  Ce Rik, grand gaillard aux allures de canailles, révèle au petit prince engaillardi des tripailles en pâture sanglante d’il y a peu que la violence des massacres n’est point de sa politique. Toute politesse bien gardée, Moka se garde bien de protester, et il acquiesce aux remarques du forban qui reprouve la violence :

                  - Tu as ma parole, non de pirate mais de prince, je ne volerais ni ne détrousserais personne en usant de la force, je te la promets…Dis-moi…

                  Quelque chose lui trotte dans la tête, et la voix s’entête à trop lui rôtir les méninges dont l’entête fait figurer mille propos sibyllins, si bien que le pirate loqueteux hoquète pour lui-même des mots sourds que nul n’entend, mis à part Rik qui semble prêter l’oreille, car on ne prête si facilement sa confiance à un homme qui tranche sans pareille des têtes devant la marmaille d’une colonie de vacances. Cette fois-ci, les « Ventre-Vide » cessent, car c’en est assez pour l’homme qui se redécouvre homme, mais on lui souffle toujours tant de questions. Rik, heureusement, ne cesse de parler d’une matrone farouche par-ci, d’un blondinet à l’air matois par-là, et il répond sans qu’on ne l’interroge. Tout ça alimente la discussion, celle-ci ponctuée par les interventions des enfants, tant de rires et de propos innocents qui remémorent à Moka sa famille chérie.

                  - Hey, Rik, je me disais…Il s’est passé quoi avec les types que j’ai réduit au silence à l’orée des bois ? Des bandits vous ont cherché des noises ? Ou alors c’est vous qui les avez provoqué ?


                  - Euh, si je puis me permettre, on a rien…, intervient le guide la petite troupe, avant de se prendre un coup de poing par un enfant un peu revêche.

                  - Rien du tout, c’est vous qui avez commencé ! s’indigne celui-ci, avant que son tuteur – ou alors c’est ce que pensais Moka, eut égard à la nature de cette compagnie – ne lève la main pour le faire taire un instant.

                  Déjà, devant eux, s’élève l’entrepôt, immense bâtisse par-devant laquelle s’interposent quelques levées de brigands et de baroudeurs. Tous les regardent, la castagne n’est pas loin.

                  - Quelque chose me dit que toute cette histoire pue, mais soit ! En cas de problèmes, vous pouvez compter sur ma lame et mes poings, dit-il, quelque peu goguenard.

                  Faisant barrage devant les enfants, les adultes menés par Rik s’alignent en ordre de bataille, et c’est avec la rage de les envoyer en enfer que le plus robuste des malandrins s’approche.
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