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Sous la tempête...

Pleine mer. Ciel mouvementé. Je me rappelle pas avoir jamais aimé la tempête maritime. Peut-être inconsciemment parfois. Le genre de truc de vieux loup acariâtre qui préfère affronter l’océan et ses vagues gigantesques plutôt que de discuter avec quelqu’un. Et tout ça parce qu’il connaît pas plus de trois mots de vocabulaires en dehors de son jargon usuel du parfait matelot. Il connaîtra jamais l’amour ce type-là, en tout cas pas le véritable amour, celui qui se produit entre un humain et un autre humain, toutes considérations sur le genre confondues. Tandis que moi… Ben moi j’aime beaucoup trop l’amour pour braver fièrement la tempête. Alors j’fais confiance à mes gars, de solides gaillards à l’épreuve de l’ouragan, et je me caparaçonne dans une grande couverture au fin fond de ma cabine. Finalement, c’est pas mal de commander.

« Lieutenant ! On a un problème !
-Quoi encore ?
-Vous êtes où Lieutenant ?
-Là. »

Ma main émerge de sous ma couverture et le gusse s’approche de moi, il a l’air paniqué. C’est pas bon signe. Si lui, qui semble gérer pas mal, commence à paniquer, quel va être mon propre état lorsque je vais devoir sortir pour vérifier ce qui ne va pas. En quelques mots confus, il m’invite à quitter mon antre pour venir voir par moi-même. J’hésite à rechigner un peu, mais à quoi bon ? Je le suis.

Et quel n’est pas mon plaisir de voir en face de nous deux gigantesques tornades qui semblent nous narguer. Et merde. Pour un temps pourri, c’est un temps pourri. Bon, pas de panique, il doit bien y avoir une solution. Je regarde avec confiance mon capitaine de bord, qui me renvoie des appels à l’aide, tentant vainement de retenir le gouvernail qui part dans une mauvais direction. Bon. Panique.

« Diminuez la tension sur les voiles, faut leur permettre de virevolter à ces demoiselles, on risque de casser le mât sinon. Toi, toi et toi, vérifiez la solidité des cordages. Capitaine ! Il va me falloir un rapport sur la poussée du vent. Vous deux, vous allez tenir la barre le temps que le Capitaine m’explique quels choix on a. »

Tandis que mon professionnalisme reprend peu à peu la place de ma couardise, tous mes marins s’activent. La progression de chacun se fait lente ; éviter de glisser ou de tomber à l’eau, toujours se savoir à portée de main d’un cordage, voilà les deux principales consignes en cas de tempête. Et en cas de mort assurée provoquée par la présence de deux aspirateurs géants totalement improbables ? Ben pareil, la survie en moins.

Au bout de quelques minutes à gueuler pour passer au dessus du bruit alentour, le capitaine parvient enfin à m’expliquer qu’il nous reste deux options. La première, faire demi-tour en priant pour ne pas être happé par le courant provoqué par la tempête. La deuxième ; foncer droit devant, pile entre les deux phénomènes venteux, et prier pour que ni l’enfer, ni le ciel ne veuillent de nos âmes. Quelle est la plus risquée ? Bien entendu ça se vaut, le temps de faire la manœuvre de demi-tour nous serait certainement fatale et la probabilité qu’on puisse prendre le courant correct pour survivre à la pression des deux tourbillons est immensément faible.

« Bon, option numéro deux, on fonce ! Manœuvrer dans ces conditions demanderait un effort physique sans doute fatal. On va parier sur notre connaissance des courants pour franchir. Mais ça va se faire dans la douleur.
-Content d’avoir navigué sous vos ordres, Lieutenant.
-Content d’avoir eu affaire avec vous de même, Capitaine. »

Et c’est parti. Plus trop le choix que de rester aux commandes. Je fais en sorte que ma peur de mourir se cantonne à me filer des frissons dans l’échine et je transmets mes ordres. Je fais confiance à mon capitaine, s’il y a un moyen de prendre une voie moins risquée, il la prendra, en attendant je fais trente-six tours du bâtiment pour vérifier que mes hommes sont bien arrimés, qu’ils risquent pas de tomber à la baille à la moindre secousse. Bien entendu, ce sont des pros, et la seule personne qui fait n’importe quoi, c’est moi : je me balade sur le pont comme par une mâtinée de printemps ensoleillée. Mais la raison pour laquelle je fais ça, c’est pour éviter de paniquer, je me voile la face.

« Lieutenant ! Accrochez-vous, on va rentrer dans le difficile ! Me hurle un des matelots en charge de relayer les informations.
-Merci camarade ! Je vais faire en sorte de... »

Pas le temps de finir ma phrase. J’ai été percuté par un énorme machin volant et je valdingue le long du pont. J’ai eu de la chance de pas tomber à la mer, c’en était fini de moi. Je me relève doucement, reprends mes esprits peu à peu pour voir une masse sombre glisser du pont et tomber à l’eau.

« Je crois qu’on a un homme à la mer ! Fais-je en me précipitant vers le bastingage.
-Lieutenant Kosma ! C’était pas un homme ! Faites attention, levez les yeux et accrochez vous ! »

Effectivement, à peine ai-je le nez levé qu’une autre masse sombre m’arrive dessus et ce n’est que par un réflexe salvateur que je parviens à l’éviter. Qu’est-ce que c’est ? Je connais pas ce type d’oiseaux, pourtant, ils volent ! En regardant un peu plus autour de moi, je vois d’autres bestiaux du type survoler le navire. Ils se comptent par dizaines. Certains arrivent en hauteur, certains rasent le pont, d’autres percutent certains bouts de bateau et emportent sur leur passage quelques morceaux de bois.

Ce n’est que lorsqu’une de ces choses m’arrive pleine face, mâchoire grande ouverte que je capte réellement de quoi il s’agit.

« REQUINS !!! »

Je me jette de côté, mon épaule lacérée par quelques centaines de dents qui choppent au hasard les bouts de viande sur leur chemin. Afin d’éviter de rouler dans tous les sens et d’être envoyé on ne sais où par la tempête ou les cuirassés volants, je me transforme. À peine arrivé au sol, je fiche mes larges griffes dans le bois humide du navire. Ça a l’air de tenir pour le moment. Une, deux, trois foulées et je me remets au centre. D’ici je pourrai avoir quasiment une vue d’ensemble de la situation, pourvu que je fasse des tours sur moi-même. Et ça, il faut l’avouer, c’est plutôt pratique dans un corps de félin.

Je rugis. J’aperçois un requin qui fonce à vive-allure en direction de l’un de mes hommes. Trop tard, je n’aurai pas le temps d’intervenir. Une tristesse assez intense m’envahit lorsque la bête embarque avec lui la moitié supérieure du bonhomme, laissant les jambes retomber sur le pont dans une large flaque de sang. Sang qui s’écoule du tronc sectionné du bonhomme, qui, pas encore mort, hurle sa douleur comme jamais. Je vois deux autres hommes tomber à terre, les poissons-volants les ont seulement percutés, il y a peut être une chance qu’ils en réchappent.

« Attention Lieutenant! »

Un réflexe inhumain me fait bondir sur mes pattes arrière, et alors que j’évite la guillotine, je balance dans le même temps ma gueule pleine de crocs sur le flanc de la bête. Et je le déchiquette. Il l’aura pas volé le salopard. C’est terrible à quel point ma transformation féline fait ressortir en moi une soif de sang malsaine. Je lacère la bête sauvagement, ne laissant que charpie s’écouler vers la mer agitée.

D’autres bestioles ont été mises à terre. À coups de feu, de lance et d’autres armes de circonstances, utilisées par mes hommes parce que pas le temps d’aller s’en chercher de vraies. Je suis vraiment ravi qu’on ait attaqué ce double tourbillon en rentrant tout ce qui pourrait voler dans les cales. Ça nous évite d’avoir à nous occuper de n’importe quel objet volant non identifié. On a déjà ces grosses arêtes aux dents aiguisées, faudrait pas pousser mémé dans les orties en short et rajouter des tonneaux pleins de poudres, on n’est pas dans un blockbuster américain.

Je tente de baragouiner un truc à l’un des matelots non loin de moi. Mais la seule chose qui sort de ma gueule c’est un grognement bestial qui ne fait qu’effrayer le marin en question. Merde. Va falloir que je me retransforme. J’opte pour une métamorphose partielle, j’ai toujours les griffes et les crocs, mais j’arrive à articuler, c’est déjà ça.

« Il va falloir trouver une solution, vite, y a des parties du navire qui commencent à se barrer, et même si certains gros rasoirs ont été éliminés, y en a qui continuent à nous voler à la gueule comme s’ils en avaient la capacité.
-QU’EST CE QUE VOUS DITES LIEUTENANT ?
-Rien… Rien. Décidément, il faut tout le temps réfléchir tout seul.
-D’ACCORD LIEUTENANT, JE VAIS Y PENSER. »

Je sais pas bien à quoi il va penser, mais j’aimerais beaucoup que ce soit de mon problème dont il parle. Tout en continuant à réfléchir au « comment survivre à une situation aussi merdique », je m’arc-boute et effectue un bond pour intercepter un nouveau requin. Malheureusement, ma trajectoire est déviée par un coup de vent violent et je me prends un bon coup de nageoire caudale dans l’abdomen. In extremis, je me rattrape à ce même appendice et me voilà emporté avec le gros poisson, direction le tourbillon de gauche.

À ce moment, passent dans mon cerveau une multitude de pensée ; vais-je mourir ? Suis-je réellement en train de voler accroché à une queue de requin ? Si lui peut survivre à la force venteuse de l’événement climatique, est-ce que moi j’y parviendrai ? Et si j’étais propulsé dans la mer, avec le fruit avalé, c’en est fini du lieutenant Kosma.
Toutes ces fulgurances et bien d’autres encore me traversent pendant peut-être, une ou deux secondes. Avant d’être happé par la tornade. Je contracte tout mon corps et me roule en boule pour éviter au maximum l’action meurtrière du tourbillon.

Ça dure peut-être une demi-douzaine de secondes, probablement moins, avant que je ne ressorte, expulsé par une force centrifuge, toujours accroché à la queue du requin, qui se propulse avec une vitesse extrême en direction du mât. Si on le percute de plein fouet, on risque de faire sombrer le navire, me reste une portion de secondes pour réagir et éviter le pire. Et le seul moyen pour ça, c’est de réussir à crocheter cet autre requin qui passe à portée avec une vitesse comparable. Je lance la patte sur le côté, un peu à l’aveugle. Je bande les muscles. Une griffe se fiche dans le flanc du bestiau et je sens mes bras s’étirer par deux côtés. On percute quand même le mât, mais avec beaucoup moins de vitesse que prévu. J’file à toute allure en direction du sol et je traverse le pont, encombré de mes deux poissons volants. J’tombe dans les vapes.

J’dois pas rester bien longtemps évanoui, une secousse brutale de toute la structure du bateau me réveille. À mes côtés, les deux mâchoires des requins tentent vainement de me bouffer quelque chose. Mais ils ont des difficultés à se mouvoir les bougres. J’ai les deux épaules qui me font un mal de chien. J’essaie de bouger mes bras, impossible. Tout ça doit être déboité, ça n’annonce rien de bon pour la suite. Je reprends forme humaine. Peu à peu, les frétillements des deux poiscailles s’arrêtent, ils vont plus tarder à crever. Je me remets sur mes pieds avec difficultés et dans un brouillard provoqué par la douleur qui me lance, je remonte sur le pont pour tenter de voir c’qui s’passe.

« Lieutenant ! Restez à l’abri, m’balance un des soldats aux prises avec un requin plutôt agressif. Si on tient encore cinq minutes on devrait avoir traversé le plus dur, le capitaine vous fait savoir que la trajectoire a été plutôt bonne malgré les pertes de certains bouts de bateau.
-Une fois qu’on aura quitté le centre des tourbillons, les requins devraient cesser de nous embêter et on pourra se concentrer sur la navigation et la fuite de cet endroit de malheur.
-Tout à fait. En attendant reposez-vous, votre chute a pas du vous faire que du bien.
-C’est gentil de penser à moi mais je dois... »

Un nouveau cahot dans la coque et j’tombe en arrière, sans possibilité de mettre les bras pour amortir la chute. Mh, il a sans doute raison le bougre. J’vais rester dans cette position, allongé sur le dos, à réfléchir à mon avenir si je survis à cette aventure. J’ai un peu mal au bas du dos, je me suis pas loupé je crois. Je peux toujours bouger les jambes, ça n’a pas touché la colonne. À cet instant précis, j’ai très envie de fumer une petite clope, seulement, sans les bras, c’est pas aisé. Alors je prends mon mal en patience et j’écoute les cris au dehors.

Et y en a de moins en moins. Ce qui peut vouloir dire deux choses. Soit y a eu quelques morts en trop et je vais terminer ma vie de façon très idiote, les deux bras déboités, incapable de bouger et après m’être fait attaquer par des requins profitant de tornades pour attaquer dans les airs. Soit on est enfin sortis de ce merdier et je vais pouvoir survivre. Ce serait pas mal. Parce que mon destin n’est pas de mourir comme ça. C’est mon p’tit doigt qui me le dit.
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