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Mount était depuis plusieurs semaines à bord du navire d'Aoi D. Nakajima, en attendant la prochaine escale. Après les événements de Vindex, le marin déchu avait été secouru par les Ombres du Chaos. Leur seul arrêt avait été l'Ile des Morts ; une minuscule île, censée apporter le deuil à ceux qui y envoient leurs morts. Mais cela n'avait résulté que d'une déception.

Alors, le Fantôme envisageait l'avenir. La Reine Rouge était de bonne compagnie ; mais il ne prévoyait pas de rester dans son équipage. Il souhaitait aller dans le Nouveau Monde, là où il pourrait faire un nouveau départ. Il n'avait décidément pas une âme de pirate, et sa dent contre la Révolution était beaucoup trop vive. Que faire ?

Il avait entendu parlé de royaume lointains, situés dans le Nouveau Monde, qui n'étaient ni sous la coupe des Empereurs, ni du Gouvernement Mondial. Des États indépendants, en somme. Loin de la cruauté des forbans, loin de l'immonde système corrompu contrôlé par les Dragons Célestes. Par son éducation et ses valeurs, il se voyait mal vivre dans un cadre anarchique.

Après tout ce temps passé en haute mer, la sixième flotte de Kiyori décida de s'arrêter à Lynbrook, sur la cinquième voie, avant de continuer sa route. Île des hors-la-loi par excellence, elle allait pouvoir se ravitailler sans problème auprès des nombreux escrocs qui jalonnaient l'endroit.

La nuit était déjà tombée, et on voyait au loin les lumières de la ville. Il s'agissait d'ailleurs plus d'une agglomération de cabanes plus ou moins robustes qu'une vraie ville. Un phare du crime sur Grand Line ; où la plupart des agents du Gouvernement n'osaient pas aller. La violence régnait partout, sans pour autant que les rues aient un côté apocalyptique. Tout cet aspect de Lynbrook restait caché derrière les murs fragiles des échoppes et des bars en tous genres.

Après avoir posé l'ancre du navire, une partie des Ombres du Chaos partit pour la terre ferme, à la lumière de lampes à huile. L'endroit était plutôt sinistre ; les bas-fonds étaient sans aucun doute les plus dangereux de la voie, tant la concentration de détraqués était élevée. Le groupe comportait une vingtaine de marins d'Aoi, et Mountbatten, qui avait été autorisé par la capitaine à partir. Il allait devoir éponger sa dette une autre fois.

Arrivé à proximité des faubourgs de la ville, le Fantôme décida qu'il était temps de quitter la bande de forbans. Après tout, sa trahison était relativement récente - quelques semaines, tout au plus -, et les informations avaient tendance à mal circuler dans des endroits si reculés de Grand Line. Le risque était donc qu'on crût toujours qu'il soit un marin d'élite. Par conséquent, il allait devoir faire profil bas.

"- Bien. Messieurs, je crois que je vais devoir me séparer de vous. Sachez que j'ai apprécié le moment que j'ai passé à bord du navire... Vous êtes de braves gars. J'espère qu'on se reverra, Ombres du Chaos.

- Plaisir partagé mon gaillard ! Mais fais gaffe à toi... Surtout ici. On risque de penser que t'es encore un foutu marine.

- C'est noté, merci."

S'éloignant de plus en plus, il se retourna une dernière fois vers les pirates qui l'avaient récupéré à bord de leur bateau. Ils s'avançaient vers une première boutique, probablement pour acheter de l'alcool. Après tout, on ne les change pas.

Se mettant en invisible, le vétéran de Vindex arpenta une rue différente, hagard. Par quoi pouvait-il commencer ? Le voilà qu'il était livré à lui-même, sans institution pour lui donner un fil directeur ; sans famille pour le recadrer. Rarement avait-il douté dans sa vie. Et même s'il essayait de se rassurer, pensant pouvoir refaire sa vie dans le Nouveau Monde, il n'empêche qu'il se sentait pour la première fois anxieux quant à son devenir. L'image du supérieur stoïque et compétent avait laissé place à un homme désillusionné, qui tentait coûte que coûte de garder la face.

La nuit était tombée. Fatigué, il lui fallait un gîte et un couvert, du moins jusqu'à ce qu'il trouve une occasion pour partir. Les rues ainsi traversées se ressemblaient plus ou moins : la misère était plus apparente que jamais. Sales, répugnantes et dangereuses, elles n'étaient guère accueillantes. Si bien que le Marijoan se demandait comment un esprit innocent pouvait se résoudre à vivre ici... Non, c'était sûr : il n'y avait plus aucune innocence sur cette île, et ce depuis bien longtemps déjà.

Pendant qu'il déambulait dans les allées désertées, des chuchotements s'élevaient dans l'ombre... Ils se faisaient discrets. Du moins pour l'instant...

Invisible, il cherchait un hôtel, ou quoi que ce soit qui y ressemblait. Il aurait sûrement les idées plus claires le lendemain. Et puis, toute cette angoisse l'avait petit à petit consumé. Il en allait de son intégrité mentale.

Au détour d'une énième rue, il aperçut un vieux bâtiment insalubre. Sur la façade, des lettres rouges indiquant les mots "Auberge du Vieux Sage". L'aspect extérieur de la bâtisse n'inspirait pas vraiment confiance ; la couleur partait à de nombreux endroits, la décoration était des plus austères. Mais à cette heure tardive de la nuit, Mountbatten n'avait d'autre choix que d'y séjourner.

Tout en poussant la porte fragile de l'entrée, il réinitialisa son invisibilité, de sorte de ne pas effrayer le réceptionniste. Celui-ci était un vieillard, lourdement assis sur son fauteuil, et feuilletant de la presse de charme.

"- Dix mille la nuit.", dit l'homme, sans même lever les yeux sur son nouveau client.

"- Hum... Bonsoir ?... Dix mille ?!", répondit le Fantôme, désabusé.

"- Douze mille.

- Pardon ? Vous n'avez pas honte ?!

- Quinze mille ou tu dégages."

C'était ça, Lynbrook. Un monde de truands, de bandits et d'escrocs en tout genre. Marche ou crève, dit-on. La violence était omniprésente ; que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur ; qu'il s'agisse de racket ou d'une simple transaction, en apparence banale. Ce manque de civisme avait stupéfait le Fantôme ; lui qui avait été habitué à vivre dans un environnement encadré par des règlements toujours respectés. Cette anarchie, il la méprisait.

Toutefois, il dut s'incliner et payer une avance sur le prix, la gorge nouée. Il avait une forte impression de s'être fait avoir ; mais mieux valait ne pas attirer l'attention. Alors, il gravit les marches pour atteindre le deuxième étage. Le couloir était à l'image du reste : complètement miteux. Il était tombé bien bas.

Sa chambre était suffisamment grande pour pouvoir accueillir un lit, un table et une chaise. La douche et les toilettes étaient communes aux autres chambres. A Lynbrook, les goûts de luxe n'avaient pas lieu d'être. Sans plus attendre, Mountbatten s'écroula sur son lit, remuant à peine les bras pour placer la couverture sur lui. Il était exténué, et démoralisé. Progressivement, ses pensées conscientes firent place à de nouveaux cauchemars. Ils étaient devenus incessants depuis la guerre. Des flashs, des cris, des mélanges de sensation. Des images insupportables, qui avaient fini par le hanter. Il revoyait ses camarades tomber au champ d'honneur ; diriger une section à l'assaut d'un col, ou encore enterrer les morts de la veille. Son syndrome post-traumatique se réactivait à chaque nuit ; il revivait ces scènes, sans pouvoir les oublier.

----

Le soleil venait taper sur le front de l'ancien marin. La veille, il n'avait pas fermé les stores. A mesure qu'il se réveillait, il pestait contre les rayons de lumière, lui qui voulait encore rester dans son lit. Là, il se sentait plus ou moins en sécurité... Contrairement à l'extérieur. Mais il finit par se lever, et s'étira. Ses yeux retrouvèrent petit à petit leur acuité habituelle. C'est alors qu'il sortit de son lit.

Et c'est là qu'il le vit.


Dernière édition par Mountbatten le Mer 6 Nov 2019 - 14:28, édité 1 fois
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Sur sa chaise, un homme au profil particulier se tenait. Il l'avait probablement observé avant son réveil. La peur envahit d'un coup le vétéran. S'il avait affronté des situations extrêmes plusieurs fois au cours de sa carrière, jamais n'avait-il été menacé dans son espace intime, dans sa propre chambre. Il en résultait un fort sentiment d'invulnérabilité. L'idée qu'un inconnu puisse approcher son lit en toute impunité était terrifiante.

"- Enfin, te voilà. Je t'attends depuis pas mal de temps, t'aurais pu faire un effort."

L'homme, vêtu d'un smoking bon marché et d'un haut de forme, semblait être à son aise. Il sortit un cigarillo d'une poche de sa veste, et l'alluma devant son interlocuteur. Celui-ci était perdu. Mount se redressa et se mit en alerte immédiatement, prenant et dégainant ses deux sabres sans que l'autre ne réagisse.

"- Qui êtes-vous ?!

- La question n'est pas de savoir qui je suis, mais pourquoi êtes-vous encore en vie." dit-il, après une bouffée de fumée.

"- Depuis quand êtes-vous ici ?!

- Quelques heures, peut-être. Vous avez fait une nuit agitée visiblement... Vous gigotiez, marmonniez... C'était, au final, assez drôle à voir. Surtout que vous portiez encore vos sabres sur vous. Je me suis demandé s'ils allaient finir par sortir, et si vous alliez vous blesser tout seul. Bon, il s'avère que non, mais ça aurait été hilarant.

- Arrêtez de faire l'imbécile.

- Très bien ! Très bien... Puisqu'un peu de légèreté n'est pas permise ici... Soit." répondit-il, en se levant de sa chaise.

"- Je me présente : Wolfgang." dit-il, en s'inclinant.

"- Et pourquoi êtes-vous ici, Wolfgang ?

- J'ai une proposition à vous faire..."

Intrigué, Mount baissa légèrement sa garde. L'homme au cigarillo ne semblait pas être agressif. Il ne percevait pas en lui des intentions belliqueuses ; mais sa présence ici restait tout de même problématique.

"- Je sais qui vous êtes, et qu'est-ce qui s'est passé sur Vindex.

- ...Que savez-vous de Vindex ?" dit Mount, déboussolé.

"- Tout. Pour ne pas passer par quatre chemins, je suis envoyé par le Gouvernement Mondial pour discuter avec vous."

A ces mots, le Fantôme vit rouge. Cette organisation corrompue savait où il était, et avait même le culot de venir le narguer dans sa chambre. Son désir de vengeance se confrontait directement avec sa raison : ce combat intérieur se lisait dans ses yeux. Dans l'un, de la haine ; dans l'autre, de la suspicion. Fallait-il le tuer, ou bien conserver ce sang-froid qui lui avait servi de maintes fois pendant le conflit sur Vindex ? Il remonta sa garde mais, intéressé, il attendit d'en savoir plus.

"- Nous sommes navrés de vous avoir fait tomber en disgrâce. Mais cela relevait d'un intérêt supérieur, voyez-vous. Néanmoins, nous ne voulons pas perdre un soldat comme vous.

- Alors pourquoi m'avoir choisi comme bouc-émissaire ?!

- Cette décision a été prise par votre chef d'unité... En soit, si ça avait été de mon ressort... je vous aurais gardé.

- Kimblee... Quel enculé.

- Bon. Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à vous reprendre dans nos rangs. Pour l'opinion publique, Alexander Mountbatten sera toujours un hors-la-loi, mais qui aura disparu en mer. Nous vous proposons d'intégrer nos services... De cette manière, vous pourrez toujours servir vos idé-...

- Vous vous foutez de ma gueule. C'est une blague, n'est-ce pas ?!

- Pas du tout. Sachez que cette décision a été mûrie au plus haut niv-..."

Mount lança une lame d'air sur l'émissaire. Celui-ci, maîtrisant le Rokushiki, esquiva sans difficulté à l'aide d'un soru. Les chambres suivantes furent balayées d'un coup ; et les étages supérieurs ne tardèrent pas à s'écrouler à cause du vide ainsi créé. Sa rage l'avait emporté, pour la première fois. Il examina la pièce pour trouver l'agent secret, mais il ne trouva personne.

"- T'es où, salopard ?!!

- Bon... Je crois que je vais vous laisser réfléchir à ma propo-..."

Il se tenait à l'extérieur, dans les airs, grâce au geppou. Dès qu'il entendit ses mots, le Marijoan se propulsa pour arriver à sa hauteur, bien déterminé à faire mordre la poussière à cet arrogant. Il engagea le combat en premier. Se propulsant à l'aide de geppous horizontaux, il chargea son adversaire, ses deux sabres bien en main. A sa droite, Yakikatsu, un Meitou ; à sa gauche, son fidèle Shinsei. Durant son périple, il avait dû perdre son troisième sabre, Maelstorm. Mais qu'importe, la grande lame faisait l'affaire.

Le problème était qu'il n'avait pas beaucoup combattu avec ce nouveau katana. La maniabilité, le poids, l'équilibre mis dans le sabre... Plusieurs paramètres étaient différents, et il le sentit dès qu'il dégaina. La tâche allait donc être ardue, puisqu'il fallait qu'il s'adapte à ce nouvel outil. Son ennemi esquiva immédiatement, et se plaça derrière Mount. Il avait envie de jouer avec lui. Piquer la colère de son interlocuteur était sa marque distinctive ; il confectionnait particulièrement l'ironie et l'insulte subtile. Ainsi, il se sentait supérieur à l'autre ; qui ne faisait que réagir primitivement. C'était un plaisir absolu pour cet agent si cynique.

"- J'ai comme l'impression que cela ne vous enchante guère... Nous pouvons renégocier les termes du contrat si vous vou-...

- Ta gueule !"

L'ancien officier s'élança à nouveau, mais le rata une nouvelle fois. Son opposant jubilait devant le caractère borné de ces attaques. Il essaya encore et encore. Quatre fois, il fonça ; quatre fois il échoua. La rage avait envahi son corps, et la raison avait fait place à ses désirs noirs de vengeance. Pendant qu'il perdait du temps, l'agent du Cipher Pol préparait sa contre-attaque. Il changea d'attitude. Maintenant qu'il s'était amusé, il fallait mettre un terme à cette mascarade. Sous leurs pieds, il n'oubliait pas que se trouvait Lynbrook ; et capter l'attention signifiait aussi s'attirer des problèmes. D'autant plus qu'il devait faire profil bas, en tant qu'employé du Gouvernement Mondial.

Il fendit l'air en direction du Fantôme, son doigt prêt à lui perforer le cou, ou tout autre endroit qu'il parviendrait à frapper.


Dernière édition par Mountbatten le Mer 6 Nov 2019 - 14:34, édité 1 fois
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Mount croisa ses sabres, de sorte qu'il puisse parer la technique de l'agent. Au moment de l'impact, il se rendit pleinement compte de sa puissance ; si bien qu'il concentra toute sa force dans ses bras. Ses muscles se crispèrent, sa mine s'assombrit. La pression s'accentua, et son ennemi accrut la puissance qu'il déployait dans son Shigan. Soudain, la peur de la mort envahit l'ancien marin. Wolfgang avait quitté cet air rieur et narquois, pour faire place à un visage des plus sérieux. Il voulait vraiment en finir.

Mais le hors-la-loi lui résistait, et même plutôt bien. Il faut dire que la guerre l'avait bien endurci ; et il n'était plus ce petit lieutenant d'élite naïf qu'il avait été en entrant sur Grand Line. Ses techniques s'étaient renforcées, tant en précision qu'en qualité. La résistance qu'il donnait par le biais de ses lames s'était intensifiée, et ils atteignirent un équilibre de puissance. Les deux se retirèrent au même moment, comme si un accord tacite avait été passé entre eux, signifiant que cette posture n'allait rien amener, tant pour l'un que pour l'autre.

Au loin, un bruit se rapprochait. Les deux l'ignorèrent dans un premier temps, bien trop impliqué dans le duel. Mais lorsqu'ils entendirent un homme hurler de toutes ses forces en fonçant sur eux, ils tournèrent la tête.

"- Eeeennnfffoooiiiirrrééé !!!"

Un homme s'élança dans les airs, armé d'un lance-roquette. L'arrivée de ce nouvel invité troubla l'esprit des deux combattants, qui ne le reconnaissait décidément pas. En outre, ils ne savaient pas à qui il s'adressait ; jusqu'à ce qu'il tire un missile. Celui-ci visait précisément le Fantôme qui, sans avoir le temps de comprendre réellement la situation, ne put interposer qu'un seul de ses sabres.

Le choc fut violent. L'explosion retentit à plusieurs centaines de mètres à la ronde ; et le souffle ainsi créé le projeta sur un bâtiment bien plus loin. L'agent du Cipher Pol décida de quitter la zone, sous peine de s'attirer de plus amples soucis, lui qui était resté probablement trop longtemps dans les airs pour rester discret. Il s'envola avec une série de geppous, laissant Mountbatten seul face à cet énergumène.

La poussière rendait l'atmosphère irrespirable. Son champ de vision était fortement limité, et il n'avait aucune indication sur sa localisation. Il avait terriblement mal au dos et aux jambes ; l’atterrissage avait été brutal, et de multiples plaies lui recouvraient le corps. Il s'était fatigué inutilement face à Wolfgang, et n'avait pas eu l'énergie nécessaire pour dévier efficacement le projectile. Il resta là, quelques secondes, le temps d'encaisser, et de faire un état des lieux de ses blessures.

Le nuage de débris se dissipa, et il se rendit compte qu'il était en plein milieu d'une rue peu fréquentée de Lynbrook. Il y avait encore des passants, qui avait été plus que surpris par cette venue inopinée. Le Marijoan se relevait tant bien que mal, souffrant de multiples douleurs. Il se dépêcha de récupérer ses sabres, et tenta de s'échapper, tout en boitant. Il cherchait à fuir celui qui en avait après lui. Il n'était plus du tout en état de combattre ; et persister ne pouvait que mal finir.

En tout cas, il se blâma lui-même. Il avait été stupide, et s'était emporté bien trop vite. Il se fit la promesse de ne plus briser ce sang-froid qui l'avait si bien caractérisé lors de la campagne de Vindex, et qui avait en partie contribué à sa renommée. Il boitait ; et s'engagea dans une ruelle. Au loin, un homme vociférait ; c'était sûrement son assaillant. Il ne l'avait pas reconnu, mais se doutait que cela avait un lien avec son passé de marin. Même s'il était à présent rouge, cela n'effaçait nullement ses actions précédentes. Peut-être s'agissait-il d'un pirate qu'il avait arrêté ; ou bien un matelot à qui il avait coulé le navire. Qu'importe, il fallait fuir le plus loin possible.

Les immeubles qui entouraient la ruelle étaient à l'image de la ville ; sombres, sales et oppressants. La rue en elle-même n'était pas pavée, et des détritus jonchaient un peu partout l'endroit. Au fond de la rue, un ivrogne fouillait des sacs poubelles, dans l'espoir de trouver quelques richesses. Lynbrook, c'était une sorte de bas-fond de Grand Line ; un endroit où toute la raclure des mers se réunissait. Une sorte de grande poubelle, dans le fond.

Le cadre avait bien changé pour Mount, habitué aux jardins somptueux de la Ville Sainte, ou du palais royal de Vindex, sa dernière affectation, avant que le Gouvernement Mondial ait décidé de se débarrasser de lui... Il avait l'impression d'être descendu dans l'échelle sociale, d'être devenu un marginal, lui qui avait en perspective une carrière prometteuse dans la Marine d'élite. Des fois, il y pensait. Et si tout ça n'était pas arrivé ? Ça le plongeait dans une profonde mélancolie. Lui, l'officier prodige, était devenu un paria.

Il tituba dans la ruelle, et se rendit compte qu'il ne pouvait plus avancer. La douleur était devenue plus intense ; l'adrénaline était redescendue, et il commençait à sentir l'étendue de ses blessures. Pourtant, il persistait. Ça ne pouvait pas être sa fin, pas ici, pas maintenant. Non, il voulait vivre, et même s'il était à présent recherché par ces raclures à la botte des Dragons Célestes, il voulait continuer à survivre. Cette obstination l'avait bien souvent sauvé au cours de son service.

Malgré tout, son corps avait des limites. Lorsqu'il tenta de faire un nouveau pas, il ne parvint plus à supporter le coup et s'écroula, presque achevé. La puissance de la roquette avait été considérable, l'onde de choc avait causé des dégâts internes qui l'empêchaient de se mouvoir normalement. Il cracha quelques gouttes de sang. Certains organes avaient dû être touchés aussi. Il rampa jusqu'au mur pour plaquer son dos contre celui-ci. Il dégaina en vain ses deux sabres, de sorte qu'il ne se sentît pas totalement impuissant.

Toutefois, il était bel et bien arrivé à ses limites.
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A sa gauche, un homme s'arrêta devant dans la ruelle. Le fuyard porta son regard sur lui, et le dévisagea. L'homme arborait une chevelure rouge écarlate, sur laquelle se trouvait un long chapeau noir. Il portait un demi-masque blanc sur le côté gauche de son visage. Il était habillé d'un grand manteau noir, avec des coutures de couleur dorée. Ses gants blancs portèrent à sa bouche discrète une petite cigarette, dont il inhala une bouffée, avant de regarder Mount.

L'homme pénétra dans la ruelle, sans que l'ancien marin ne sache quelle fut la raison. Il préparait ses armes, mais savait pertinemment qu'il ne serait pas capable de se défendre efficacement. Il activa son Haki pour essayer de percevoir ses intentions. Cependant, il ne parvint pas à les connaître. Il se souvint alors de lui... C'était Livingstone. Darren Livingstone... Oui, il s'en rappelait. Un supernova du Nouveau Monde, membre de l'équipage de Ravrak. Primé à deux cents millions de Berrys, c'était une pointure. Que faisait-il ici ? Et qu'allait-il lui faire ? Il n'en savait rien.

Enfin, le pirate se stoppa net à quelques mètres de l'ancien marin.

"- Blessé ?" lui demanda-t-il, d'un naturel décontenançant.

"- … Oui.

- Faites-moi voir." dit-il, en se rapprochant de son interlocuteur.

Ce dernier se laissait faire ; il n'avait pas d'autres choix. Darren s'agenouilla, l’ausculta et constata les multiples contusions et plaies ouvertes. Son visage était neutre, calme, sans être inquiétant. Il portait des lunettes, qui ne servaient au final qu'à son œil droit. Sous son costume, il portait des habits signifiants une certaine position sociale. Un jabot raffiné se cachait sous son col. Il contrastait avec cette ruelle sombre, et le Fantôme se demandait toujours la raison de sa venue.

"- Vous êtes salement amochés. Quelle en est la cause ?

- … Un vieil ami... si on peut dire... est venu me rendre visite.

- Eh bien, quel genre d'amis avez-vous. M'enfin. J'imagine que vous voulez vous soigner, n'est-ce pas ?" rajouta-t-il, tout en cherchant un objet dans une poche de sa veste.

"- … Voyez par vous-même...

- C'est votre jour de chance ! Me voici. Bon, parlons bien, parlons affaire.

- … C'est-à-dire ?"

L'émissaire de Ravrak sortit un petit parchemin, et une plume. Il plaqua la feuille sur sa jambe et commença la rédaction d'un texte. Que faisait-il ? Puis Mountbatten se souvint de son pouvoir. Il possédait, disait-on, le fruit des contrats. Un pouvoir très utile pour l'Empereur des Mers, qui l'envoyait pour sceller alliances et pactes. Et le voilà qui débutait visiblement la rédaction d'un contrat, le mêlant à cet équipage pirate... Qu'avait-il dans la tête ? Probablement échanger sa guérison contre quelque chose, mais quoi ? Au moins, il ne comptait pas l'achever, ce qui rassurait l'ex-officier.

"- Voici... Un contrat... Qui vous permettra de retrouver la forme... Avec une petite contrepartie bien sûr." dit-il, tout en peaufinant la rédaction du contrat.

"- … Quelle contrepartie ?

- Il s'agira pour vous... D’œuvrer sur une île du Nouveau Monde... Pour forger une alliance... Rien de bien sorcier.

- Une île ? Laquelle ?

- Terra. Vous connaissez ? Très bel endroit.

- Du tout...

- Eh bien vous connaîtrez."

Livingstone lui présenta le parchemin. Il avait eu le temps de rédiger une trentaine de lignes. La présentation était exceptionnellement bien soignée. Alors, il prit la papier et la plume, prêt à signer. Mais avant, il lut l'intégralité des conditions. Il allait donc être envoyé sur Terra, et devra tout faire pour que ce royaume encore indépendant s'allie avec...

"- Mais... Ça n'a pas de sens. Pourquoi elle ?

- Vous voulez vivre ? Je pense que oui. Alors signez." répondit-il, plus sèchement qu'auparavant.

Le Marijoan était dans une impasse. Il n'avait pas vraiment le choix, et se résigna à apposer sa signature. Il dut mettre également une goutte de son sang. Pour ce faire, il pressa une déchirure apparente au niveau de sa main gauche, qui laissa s'échapper quelques millilitres de ce liquide biologique. Il était piégé, et avait dû mettre son libre-arbitre de côté pour avoir la vie sauve. Darren prit le contrat et signa. Mais avant de mettre son sang et de sceller l'accord, il précisa une chose.

"- Aussi, chaque contrat entraîne l'apparition d'une croix pattée sur le corps de chacune des parties prenantes. Comme vous avez un cache-œil à droite, je vous propose de la placer sur la paupière.

- Hum... Oui... Pourquoi pas."

Il sortit un couteau et se trancha superficiellement une partie du pouce gauche. De multiples cicatrices s'y trouvaient déjà, signe qu'il utilisait quasi-exclusivement cette partie-là pour conclure des contrats. Quelques gouttes se déversèrent sur le bout de parchemin et, à cet instant précis, son fruit du démon s'activa.

Le papier ne changea pas d'apparence, pourtant le sort avait été jeté. L'unique manifestation physique était l'apparition d'une croix pattée à l'endroit désigné par les deux hommes. Sur la paupière de Mount, elle apparut sans qu'il puisse s'en rendre compte. En dessous, il portait une prothèse oculaire, l'otto gadgeto œil. Elle était implantée dans un œil de verre, de manière à ce qu'elle s'incruste parfaitement. Cependant, elle était d'un rouge vif, à cause de sa capacité à offrir à son utilisateur une vision thermique et un zoom à longue distance. L'absence d'esthétisme et l'aspect relativement terrifiant avait forcé Mount à dissimuler sa prothèse sous un cache-œil.

Darren appela ses nakamas par escargophone, pour qu'il transporte le blessé jusqu'à un médecin - ou du moins une personne capable de s'occuper de ses blessures -. Il arriva dans une petite bâtisse sombre, peu rassurante. Là, un docteur prit soin de lui, sans qu'il sache véritablement s'il était entre de bonnes mains ou non.

"- Ah, et nous partons dans trois jours pour le pays en question. Présente-toi à l'embarcadère des Mimosas, à six heures du soir. Sois à l'heure. D'ici-là, bon séjour à Lynbrook." balança le supernova, avant de partir du bâtiment.
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