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faisons des bêtises !

Ewen ralentit, son cœur battant à la chamade. La rue derrière était vide, autant qu’elle put en juger. La nuit couvrait d’un voile de velours la ville basse, absorbant les sons et les lumières au sein de la brume matinale qui commençait se lever alors que l’aube approchait. Au fond d’elle, l’inquiétude restait accrochée à son cœur comme un naufragé à son radeau de fortune : en tremblant et par tous les moyens possible. Mais elle ne pouvait pas tout à fait lui donner tort, ses sens incapables de percer les voiles doucereux de l’obscurité.

Elle était encore ébloui et assourdi par l’alarme qui s’était déclenché quand elle avait ouvert se coffre-fort. Ce n’était même pas prévu, elle avait juste vu un tableau assez sympa dans un coin du bureau avant de tomber dessus. En volant le tableau. Et elle ne l’avait en soi même pas ouvert pour le voler, juste par curiosité, pour savoir comment l’ouvrir. Bon, elle n’avait pas appris grand-chose vu que le code était 0-0-0-0-0. Ça l’avait surpris, mais il existe des idiots paresseux de partout, après tout. Elle avait prévu, dans la mesure où il restait quoi que ce soit de prévu à ce stade, de se contenter d’ouvrir le coffre. Elle avait déjà pris assez comme ça et, passé une certaine somme, les gens avaient tendance à vraiment vouloir trouver le coupable. Avec des petites sommes aussi, mais il y avait une différence entre « la marine cherche le voleur » et « l’île entière veut la tête du voleur » (ou simplement la prime qui y est associé). Evidemment, elle ne l’avait pas testé elle-même, mais avait déjà pu voir le résultat sur une vague connaissance, plutôt doué dans sa partie, pour ce qu’elle en savait. Il n’avait pas duré deux jours.
Mais le coffre ne contenait que des papiers. Elle s’en foutait des papiers. Par contre, le bordel lié à leur disparition pouvait être franchement amusant. Pas tous, bien sûr, juste quelques-uns.
Elle avait tendu la main pour prendre quelques feuillets, et l’enfer avait éclaté. Des lumières aveuglantes et un son assourdissant avait emplis tout l’espace, la pétrifiant. Puis son instinct de survie avait pris le relai sur ses facultés supérieures et elle avait sauté à travers la fenêtre, couru jusqu’au portail, avait sauté à une hauteur impossible, se fracassant néanmoins contre le portail avant de l’escalader de manière désordonnée et chaotique sous le coup de la peur.
Elle avait ensuite courue au hasard dans les rues pour perdre d’éventuels poursuivant, prenant à nouveau de nombreux obstacle en travers des jambes et de la figure. Un peu partout en fait. Alors que l’adrénaline quittait doucement son corps elle sentit les nombreuses contusions qui allaient bientôt fleurir en un magnifique bouquet de bleus et de courbatures. En calmant doucement sa respiration, elle prit le chemin de la maison bleu.

Elle s’effondra en gémissant sur son lit. Finalement, les contusions étaient le cadet de ses soucis. Sa cheville envoyait des vagues de souffrance à travers son corps. Tordue au mieux. Une entorse plus probablement.  Et ça faisait un mal de chien !
Avec précaution, elle roula sur elle-même pour se saisir de son butin du jour. Elle n’avait même pas réussi à trouver un vague endroit où les planquer. A défaut d’une meilleur option, elle glissa les quelque babioles sous son lit avec un dégout frustré: les petits trophées qu’elle avait collectés brillaient mais, une fois à la lumière du jour, ils étaient juste moche. Et à cause d’eux, elle allait se retrouver coincée dans son lit pendant des jours, peut-être des semaines avant de ne pouvoir marcher qu’avec une attelle et des béquilles pendant encore plus longtemps.

Au fond d’elle, une petite voix objecta que la statuette en rococo flamboyant n’y était pour rien, que c’était elle qui avait voulu prendre les papiers alors qu’elle ne devait faire qu’une visite d’entraînement pour le vrai coup, celui du mois prochain. Et puis si elle avait pris les papiers, vu comme ils étaient protégés, quelqu’un aurait surement fini par vouloir lui faire la peau pour les récupérer.
Mais cette faible tentative fut vite étouffée par les voix rugissantes de sa frustration, et la sculpture fut lancé contre le mur de la chambre, où elle laissa une marque profonde dans l’enduit de faible qualité, tandis qu’elle-même retombait parfaitement intact. L’humeur d’Ewen ne s’en améliora pas. Qu’elle ait besoin de tant de temps pour parvenir à aller la chercher sans mettre sa cheville à l’épreuve n’aida pas non plus.


Le temps avait érodé sa colère et sa frustration, ne laissant qu’un ennui implacable, débilitant. Sans rien à faire, elle avait réfléchi au cours de cette interminable semaine. Réfléchis à elle, au futur, a son travail, aux vols. Elle ne pouvait simplement pas continuer à vivre comme elle le faisait, en se reposant sur l’orphelinat et sur les petits boulots. Et elle avait pris une décision.
Prudemment, elle se saisit des béquilles que lui avait trouvé Nyria et entrepris de se mettre debout. Ça aussi, il faudrait qu’elle le rembourse. Et elle savait comment. Remonter sur ses jambes ne fut pas si difficile, mais les quelques pas qu’elle fit après furent d’un équilibre précaire.
Elle se saisit maladroitement de sa besace avant d’y ranger les derniers de ses trophées. Les autres étaient dispersés dans des cachettes à travers la ville, elle irait les chercher si les choses se passaient comme prévu.
Avec une prudence infinie, elle se saisit de la rambarde de l’escalier de sa main droite, récupérant la deuxième béquille de la gauche. Mettant tout son poids sur la rampe, elle avança sa jambe valide sur la marche suivante, avant de faire lentement glisser sa main en avant. Une marche de faite, plus que 30.

Une fois dans la rue, son avancée inarrêtable accéléra pour atteindre celle d’un poisson cherchant à rejoindre l’eau. Et à peu près la même capacité à aller droit. La terre inégale du chemin, mélangée aux pavés, vestige de l’époque ou l’endroit était une véritable rue, se montraient traitres sous ses jambes de remplacement. L’une d’elle glissa soudain, lui échappant de la main. Par réflexe, Ewen reposa son pied sur le sol pour garder son équilibre et éviter de tomber. Un gémissement lui échappa alors qu’une décharge de douleur lui parcourait la jambe. Voyons le bon côté des choses, elle n’était pas tombée. A cloche pieds, elle alla récupérer la béquille traitresse avant de reprendre son chemin.
A mesure qu’elle traversait la ville et qu’elle s’habituait à ce mode de locomotion, elle parvenait à avancer à un rythme plus normal. La période ne serait peut-être pas SI infernale au final. Elle parvenait à se déplacer à travers la ville sans trop perdre son équilibre et à une vitesse qui dépassait celle de l’escargot anémique. Evidemment, pas question de faire d’activité athlétique, mais elle pourrait au moins arrêter de ne vivre que dans son lit.

Elle s’arrêta. Devant elle, pareille à toutes les maisons des environs, se tenait sa destination. Ici vivait l’une des plus mauvaises de ses fréquentations. Du point de la vue de la loi, en tout cas. Malgré sa détermination, elle s’arrêta, un instant. Etait-ce vraiment ce qu’elle souhaitait faire ?
Oui. Elle ouvrit la porte, en faisant attention de ne pas tomber.


Dernière édition par Ewen Chantenuit le Ven 22 Juil 2022 - 16:11, édité 1 fois
    Voilà quelques jours que notre héroïne, venant de Sanderr, voyageait à bord d’un navire de transport. Après son aventure sur l’île de la Veine, elle avait bien envie de prendre des vacances, pas de travail, pas de combat, du repos et c’est tout. La prescription du médecin avait été on ne peut plus claire. C’était la seule solution pour que notre jeune Sanderrienne puisse sortir de l’hôpital avec la blessure qu’elle avait encore au bras.

    Elle regardait les alentours, une ville titanesque comme elle n’en avait jamais vu et vacances obligées voulaient dire lecture en retard à rattraper ! Des romans de cape et d’épée, notre cuisinière en étant friande, certains étaient remplis de romantismes, elle ne s’en plaignait pas. Elle n’avait pas oublié son objectif premier non plus, apprendre les recettes des alentours, elle avait pris des livres venant de Saint-Urea.

    Elle fit halte dans un restaurant pour pouvoir les découvrir aussi gustativement. Elle s’installa à une table seule où l’on débarrassa l’assiette face à elle. Elle sortit ainsi un des nombreux livres qu’elle trimballait avec elle pour voir ce qu’il y avait sur la carte et dans ce qu’elle lisait qui pourrait se regrouper et ainsi le commander. Parce qu’un steak de bœuf mariné n’est pas une spécialité sauf s’il est fait d’une façon spéciale à l’île et ça n’était jamais le cas.

    Elle prit un steak façon suprême avec ses petits légumes croquants ainsi qu’une terrine de lapin royal et une crème aux œufs martiale. Avec la petite somme qu’elle s’était faite sur la dernière île dont elle venait, elle se permettait de vivre une vie un peu plus calme et sereine, les ordres des médecins allaient être suivis à la lettre.

    Elle buvait un verre de vin rouge pour aller avec sa viande saignante quand elle entendit les deux clients à côté d’elle avoir un échange un peu plus mouvementé que la moyenne. L’établissement était calme et les consommateurs ne firent pas attention à ce couple. De couple, ils n’en avaient pas l’air, deux hommes plus avec une allure de mécréant qu’autre chose. La curiosité est un vilain défaut comme le dit l’adage, cependant quand ce que vous entendez se trouve à quelques mètres de vous, vous n’avez pas vraiment le choix que le faire, n’est-ce pas ?

    Tu as entendu la dernière ?

    Ouais. On a perdu une affaire sur Cocoyashi, c’est mineur, mais ça n’a pas plu au grand patron.

    Il s’appelait comment le mec déjà qui s’est fait avoir ?

    Mmmmh, Lee quelque chose. C’était un petit chef que le patron de East Blue arrivait à contrôler facilement en lui donnant environ dix pour-cent de ses recettes. Ce con n’était pas très gourmand.

    Ah oui et il s’est fait avoir par une chasseuse de primes novice non ?

    Le duo de celui qui n’arrêtait pas de poser des questions prit un morceau de canard avant de reprendre la conversation. Exact, une gamine qui venait d’arriver en ville. De ce que j’ai entendu, non seulement, elle a mis le bordel dans les affaires du patron, mais en plus, elle a mis fin à notre accord avec la société de la Belmer Corp. De ce que j’ai compris, les grands chefs essaient de le remplacer, mais pas facile avec les Berrys qui nous mettent des bâtons dans les roues.

    Et ils ne veulent pas négocier ? On pourrait leur donner un petit truc, non ?

    On leur a déjà proposé de travailler pour nous, de leur verser une part des bénéfices, rien n’y a fait. Enfin, ce n’est pas notre boulot. Nous, on est là pour récupérer le fric et faire les coursiers. Ah, oui, je me rappelle, le mec qui s’est fait attraper là, il s’appelait Lee Agaa.

    En entendant le nom de celui qu’elle avait traqué plus tôt dans l’année, toutes les pièces de la conversation que n’avait pas comprises la chasseuse de primes se mirent en place. Le nom du premier primé qu’elle avait traqué résonnait encore fort dans son esprit, même si celui qu’elle venait d’attraper, n’était pas mal non plus.

    Ils payèrent leurs additions et la fille aux cheveux bleus fit de même, elle voulait en savoir plus, qui étaient ces deux hommes ? Qui se trouvait derrière eux ? Et elle présentait qu’il y avait encore d’autres choses à savoir. Mais pour cela, il fallait continuer à les prendre en filature. Elle mit sur la table de quoi payer grassement son repas et prit son sac avant de prendre en filature le duo. Ils ne faisaient même pas attention à ce qui les entouraient. En territoire conquis, on les connaissait, de ce que pouvait en comprendre Robina. Les habitants s’écartaient, on leur jetait des regards, pour être sûr qu’ils n’étaient plus en vue et on soufflait quand c’était le cas.

    Ils arrivèrent devant une maison de plain-pied. Le groupe d’hommes s’engagea derrière les grilles et s’engouffrèrent dans les jardins. Les portes se refermèrent derrière eux. Notre chasseuse de primes se retrouvait dans la rue à fixer l’habitation avec plus de questions que de réponses en venant.


    Dernière édition par Robina Erwolf le Ven 25 Fév 2022 - 7:34, édité 1 fois
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    La maison bleue se situait légèrement à l’écart de la ville. C’était un bâtiment sans prétention architecturale, de conception simple. La peinture, passée par le soleil, tenait désormais plus du gris que du pastel de ses origines et commençait doucement à s’écailler par endroit. Elle se tenait lovée au cœur d’une petite dépression, le long d’un chemin menant à un phare plus isolé que la maison elle-même. Autour d’elle se trouvait un jardin de taille respectable. L’herbe n’y était pas émeraude, les fleurs n’étaient pas d’une essence exotique, mais les haies étaient propres, les arbres étaient beaux et le potager garni. Sous la surveillance d’une femme à l’âge indéterminable, quelques enfants plantaient des légumes avec une rigueur variable.

    Dans les combles de la maison, Ewen tournait toujours en rond. C’était une chose d’avoir décidé d’embrasser la carrière de voleuse professionnelle, mais ça n’avait pas magiquement guéri sa jambe. Les mois de convalescence avaient depuis longtemps eu raison de sa patience et Bénédicte la surveillait jour et nuit pour s’assurer qu’elle ne s’abimait pas davantage en tentant d’accélérer son rétablissement. Bien qu’elle comprenait parfaitement que la religieuse avait raison et agissait avec les meilleures intentions du monde, cette attitude frustrait encore d’avantage la jeune femme.
    Mais ses tourments approchaient lentement de leur fin : depuis une semaine elle parvenait à marcher sans trop de douleurs et elle était parvenue à faire quelques pas de courses le jour précédent, sous haute surveillance évidemment.
    En attendant sa libération annoncée, allongée sur son lit et tentant de capter sur les feuilles la maigre lumière qu’offrait la fenêtre encaissé qui surplombait son lit. Elle lisait les fameux papiers, ceux qui lui avaient valu tous ces ennuis. Elle les avaient d’abord pris comme pur moyen d’ennuyer leur propriétaire, puis les avaient considéré comme de petits aperçus de la vie d’une personne qu’elle ne connaissait pas et qui ne l’intéressait pas. Aussi, malgré l’impossibilité pour la voleuse de s’adonnait à ses passe-temps habituels et son désintéret profond pour la cuisine ou le tricot, avait-elle rapidement abandonné et oublié les documents. Elle était retombée dessus quelques temps plus tôt en faisant le ménage dans sa chambre et il lui était alors venu une idée.

    L’orpheline avançait lentement dans sa découverte de ces mots. Ses mots à elle étaient rouillés et voilà des années qu’elle n’avait pas lu plus de quelques mots à la fois. Libre de ses mouvements, elle n’aurait probablement pas été capable de se concentrer ainsi pour lire un document si long et si aride. Et même ainsi, l’ennui de la lecture du texte insipide et celui de ne rien faire se menait un triste bataille qu’aucun ne parvenait vraiment à gagner.
    Pourtant, mot après mot, elle avançait. Elle voyait se dessiner devant elle, à travers les mots aussi bien que en remarquant leur absence, le réseau d’influence et d’entreprise que l’homme possédait. Les documents en eux-mêmes n’étaient pas très pertinents. L’homme était prudent et les informations importante avaient vraisemblablement étaient dispersé pour éviter exactement ce qui était arrivé à cette partie de sa correspondance. De ce qu’elle comprenait de lui, il aurait depuis longtemps considéré que les documents avaient été vendus à la pire personne possible et agis de façon à nullifier les dégâts possible.

    Impossible de vendre les documents, donc, en tout cas pas pour un prix valant le risque encouru, et elle n’était pas vraiment en position de profiter des informations. Enfin, de la plupart…

    Ce qui l’intéressait à présent était la chose la plus innocente que pouvait offrir une lettre : une simple adresse. L’adresse d’une personne qui, au travers des différentes lettres, semblait être le bras droit de sa précédente victime et, plus important encore, la personne qui se salissait les mains, qui gérait les affaires quotidienne. Il y avait donc fort à parier que les documents qui devaient se cacher dans son bureau lui indiqueraient l’emplacement de nombre des richesses du nobliau. De ses futures richesses, si elle la jouait bien.
    Mais hors de question de voler les documents en eux-mêmes, les cibles s’en rendraient comptent immédiatement et les fruits de ce nouveau casse disparaitraient dans l’air aussi aisément que l’intérêt des papiers qu’elle avait entre les mains. Il faudrait qu’elle les prennent en photo. Comme les appareils étaient un luxe trop dispendieux pour elle, elle allait donc en voler un. Simple.



    Quelques heures plus tard, Mike Limbrem vit entrer dans sa boutique une nouvelle cliente, la coupe des vêtements indiquait qu’elle provenait de la classe moyenne supérieure. Une cliente potentielle, donc. C’était une jeune femme, peut-être vingt-cinq ans, les cheveux blonds cendrés et les yeux améthystes. En remarquant ce dernier détail il haussa intérieurement un sourcil. Mike, voyait-vous, était un homme respectable. La mode et ses extravagances, une fois associé à ces jeunes qui, pour se faire mousser, se révoltaient contre tout et n’importe quoi, enfantaient bien souvent de curiosité esthétiques.
    Cette analyse rapide ne lui avait pris qu’une fraction de seconde. Il lui offrit une salutation polie avant de se tourner vers l’aristocrate qu’il était en train de servir.

    « Comme vous le voyez, ce modèle, bien qu’imposant, ne permet pas de retranscrire avec autant de fidélité la gamme des couleurs dans la vidéo de votre interlocuteur. Je préciserais cependant que sa vision est absolument parfaite et que l’image qui sera envoyé sera de la toute première qualité. Ce modèle, en revanche… »
    Tout en continuant sa présentation, il surveilla la nouvelle venue qui s’était saisie d’un escargophone et tentait de l’essayer, évidemment sans avoir lu le manuel auparavant. Une manie commune des clients mais qui parvenait toujours à l’énerver, même après toute ces années. Au moins le manipula-t-elle avec soin avant de le reposer. Son attention se tourna à nouveau pleinement vers la moustache, enfin, l’homme, enfin, le comte.
    « … bien sûr, cela serait possible, mais il faut désormais que nous parlions du budget… »

    Quelques minutes plus tard, la première vente conclue, il se tourna vers la fille.
    « Madame, désolé de vous avoir laissé pendant si longtemps, en quoi puis-je vous aider ? »
    Pendant qu’il écoutait attentivement la réponse, il remarqua qu’elle avait les traits tirés et la peau pâle. Alors qu’il la dirigeait vers les den-den vidéos il remarqua qu’elle tremblait légèrement sur ses jambes. Il augmenta discrètement la distance entre eux afin d’éviter de tomber malade également.

    En marchand chevronné, il écouta avec intérêt les rêves de voyages de la jeune femme, se montra attiré par l’idée qu’elle lui envoie une image de Red Line le jour où elle pourrait la prendre à l’aide d’un de ses appareils. Régulièrement, il fut cependant obligé de recentrer son enthousiasme juvénile sur l’objet de sa présence jusqu’à trouver le modèle qui lui correspondrait.
    Quand il finit par lui annoncer le prix et qu’il vit son visage se fendre d’une grimace, il sut, malgré les promesses de revenir quand elle aurait mis assez d’argent de côté, qu’il avait perdu son temps. Peu de temps après, il la raccompagna à la porte, toujours avec la plus grande courtoise.

    Il ne se rendit compte après le départ, pas plus que pendant les heures qui suivirent. Ce ne fut qu’au moment de fermer boutique, bien des heures plus tard, qu’il le remarqua. Il crut d’abord à une erreur et recompta, mais toujours pour avoir un résultat incohérent. Alors il recompta encore une fois, de manière carré pour ne laisser place à aucune erreur, et tomba encore une fois sur le même résultat.
    L’un des minuscules den-den photos avait disparu, puis les autres avaient été replacés de telle manière à ce que son départ ne laisse aucun vide. Qui quand et comment avait trouvé le temps de faire tout ça ?!
      Robina ne savait pas sur quel pied danser, elle n’était pas un agent du gouvernement mondial, un membre de l’armée de la marine ou une inspectrice, elle n’avait aucun pouvoir pour s’inviter chez quelqu’un sans son consentement. Elle passa plusieurs fois devant l’entrée, personne ne lui fit de réflexions, pas de garde pour sécuriser le périmètre, après tout, elle pouvait avoir mal entendu, peut-être étaient-ils liés par un autre lien que la pègre ? Pourtant, elle devait en avoir le cœur net, et pour ça, elle devait creuser un peu plus, quitte à devoir s’imposer chez l’habitant, le seul souci était son bras blessé, elle n’était pas totalement libre de ses mouvements.

      Il allait falloir trouver une stratégie, après tout, elle ne voulait pas réellement fouiner partout pour trouver ses réponses, elle avait été interpellée par la conversation alors qu’elle mangeait au restaurant, elle n’avait jamais été quelqu’un qui mettait son nez dans les affaires des autres, malgré tout, elle avait besoin de réponses. Elle se mit à tourner autour de la demeure, peut-être qu’elle pourrait trouver un endroit où se faufiler ? Malheureusement, ce ne fut pas le cas, d’autres bâtisses étaient attenantes à celle qu’elle surveillait, elle allait devoir trouver un autre moyen pour avoir des informations.

      Elle commença à poser des questions aux passants, très peu d’habitants du quartier, la plupart étaient des personnes qui ne faisaient qu’aller au marché, au restaurant ou toute autre activité, ils n’avaient ni le temps, ni l’envie de répondre à ses questions. Certains tentèrent bien de lui offrir un verre pour faire plus ample connaissance et ainsi répondre à toutes ses questions, cependant elle leur fit une fin de non-recevoir et leur expliqua d’aller bien se brosser.

      La cuisinière se retrouva à se creuser la tête, le bras encore en écharpe, il devait bien y avoir un moyen de gratter quelque chose, n’importe quoi. Un éclair d’inspiration traversa esprit et elle y pensa pendant un long moment, cachée des regards sous une porte cochère tandis qu’elle jetait des regards furtifs à la porte d’entrée de la maison qu’elle surveillait. Elle n’avait rien à tenter cette approche, elle sortit donc de l’ombre et se dirigea vers sa cible et fit sonner la cloche à la grille du jardin.

      Un serviteur en livrée noire ouvrit la porte et la referma derrière lui, maintenant toujours un contact visuel avec la chasseuse de primes, il prit le morceau de tissu dans sa poche de poitrine et se tamponna le front avec avant de le ranger là où il l’avait pris. Il se mit alors en marche, faisant attendre encore un peu la Sanderrienne qu’il n’avait pas lâché des yeux, ses chaussures impeccables claquaient sur les pavés de l’allée de jardin menant à la porte extérieure. Il claqua des talons en se stoppant à un mètre environ de la grille, restant hors de portée des bras de la jeune femme si elle tentait quoi que ce soit.

      Oui mademoiselle ? En quoi puis-je vous être utile ?

      Pardon de vous déranger, mais j’ai vu deux hommes rentrer par cette entrée, il y a environ une heure. J’aurais voulu leur poser des questions.

      Deux hommes dites-vous ? Je suppose que vous désignez ces messieurs qui sont arrivés en ville il y a de cela quelques jours. En effet, ils revenaient du déjeuner dans un restaurant en ville, le « Bœuf des villes » si je ne me trompe.

      Oui, ce sont eux ! Je pourrais les voir s’il vous plaît ?

      Malheureusement, mademoiselle, je ne peux en aucun cas accéder à votre requête. Ces messieurs sont des invités très importants de monsieur, et je ne voudrais en aucun cas les déranger dans leur réunion.

      Ils sont donc en réunion ?

      Se rendant compte qu’il avait fait une bavure, le majordome reprit le carré de tissu de la poche de son veston et se tapota le front.

      En effet, mais je n’aurais pas dû vous le dire, je vous demanderais donc d’être discrète sur le sujet. Je vais maintenant vous laisser, j’ai encore du travail qui m’attend.

      Une dernière question avant que vous ne partiez !

      L’homme se retourna alors qu’il avait déjà fait demi-tour.

      Oui ?

      Est-ce qu’ils vont rester ici encore longtemps ?

      Monsieur ne m’a pas mis dans la confidence, et même si je l’étais, je ne pourrais pas vous divulguer des informations sur les invités de Monsieur. Je vous souhaite une bonne journée et un bon rétablissement à vous madame.

      Il s’inclina légèrement du buste et rangea son mouchoir dans sa poche avant de se retourner et de repartir vers la maison qu’il ferma derrière lui.
      L’échange avait été courtois, cependant la femme aux cheveux bleus n’avait rien appris, elle allait devoir faire autrement, elle se retourna et leva les yeux au ciel, le soleil était déjà en train de redescendre, elle avait déjà passé trop de temps à perdre ici. Mettant sa main en visière, elle capta l’éclat d’un rayon qui se reflétait sur l’objectif d’un escarméra pointer sur la bâtisse qu’elle venait de quitter. Qui cela pouvait-il bien être ? Elle fit le tour et trouva de quoi monter en sécurité jusqu’à l’observatrice.

      Je peux savoir ce que vous faites ?

      Demanda-t-elle en posant un poing sur sa hanche, son regard sur le dos de l’espionne.

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      Ewen s’assit, encore incertaine de ce qui venait de se produire. L’inconnue l’avait surprise sur le toit d’une maison sans qu’elle l’ai entendu arriver et l’aspirante voleuse avait sursauté tellement fort qu’elle avait faillis tomber du toit.
      Après que la chasseuse de prime – elle apprendrait plus tard que c’en était une - lui ai répété sa question en voyant sa confusion, elle avait bafouillé une excuse sur le fait qu’elle était en train d’essayer son nouvel escaméra. Ce qui était techniquement vrai : elle n’avait jamais eu besoin de ça pour faire ses repérages et l’avait emmené pour voir comment il pourrait être utilisé et s’il prenait de bonnes images à cette distance. Bon, elle avait aussi dit que c’était le cadeau d’un ami, ce qui était strictement faux.
      La conversation avait continué un peu, l’autre posant des questions telles que « et tu montes souvent sur les toits ? ». Perdue, La jeune fille lui avait répondu la vérité autant que possible, du moins tant que ça ne lui donnait pas trop l’impression de risquer d’avoir des ennuis.
      Après quelques minutes de ce traitement, elle lui avait souri et dit qu’elle avait un travail pour elle. Visiblement, elle était désormais payée pour faire une filature de ceux qui habitaient la maison. Ce qu’elle aurait fait de toute façon, même si pas à cette échelle.

      Mais une vrai filature, surtout d’autant de personnes, ne se faisait pas seule. Et elle avait une idée d’où elle pouvait trouver de l’aide.
      Dans le jardin de la maison bleu, elle vérifia si les trois petits qu’elle avait réunis avaient bien compris ses consignes. Tous se baladeraient dans des rues aux alentours de la maison, le nez en l’air pour repérer les signaux qu’elle leurs enverraient avec un miroir lorsque quelqu’un partirait de la maison.
      Tous vinrent ensuite se mettre en place et se préparèrent à commencer leur excitante et nouvelle mission d’espionnage qui serait rémunéré par une petite avance de la cuisinière.

      Le premier problème commença vingt-cinq minutes après la mise en place quand une première personne quittant l’imposante demeure et qu’elle envoya le signal de la suivre au gamin numéro 1 qui attendait dans la rue où il se dirigeait. Il ne regardait pas dans la bonne direction et ne vu simplement pas le signal.
      A la sortie suivante le signal fut correctement vu, mais l’enfant peu discret fut également repéré en moins de deux minutes par se cible qui le sema aussitôt. Peu de temps après, elle se retrouva à cours de monde pour suivre une autre personne de sortie.

      La journée finie, Ewen se retrouvait désormais avec une bande de mini-informateurs démoralisés, des courbatures à force de rester sans bouger, l’itinéraire précis d’une seule personne qui s’avéra être le jardinier.
      Elle avait aussi les iconos de tous ceux qui étaient entrés et sortis de l’endroit ainsi que les heures de leur déplacement, même si ses estimations de durées se basaient sur le soleil. Ce n’était pas exactement mirobolant, mais au moins elle avait quelque chose lorsqu’elle se présenta le soir venu au point de rendez-vous.

      L’auberge était proprette et visiblement plus destinée aux voyageurs de passage qu’aux populations de la ville souhaitant fêter la vie ou oublier le passé. Un peu de monde occupait encore le réfectoire, finissant un souper tardif pendant que l’espionne marchait entre les tables à la recherche de son employeuse. Elle lui donna le compte-rendu complet de tout ce qu’elle avait pu obtenir, y compris l’itinéraire du jardinier. Il ne servait à rien, mais elle avait beaucoup travaillé pour réussir à avoir ça alors elle l’incluait quand même, pour pouvoir se dire qu’elle n’avait pas perdu son temps.
        Robina s’était installée dans une auberge loin du port, elle en avait assez soupé des ambiances semi-festives des marins qui buvaient leur poids en alcool. Après sa sortie de son combat contre Abou Dhabi, elle avait quelques millions de berries en poche, elle comptait bien en profiter pour se faire plaisir. Elle avait demandé à des habitants de Saint-Uréa de l’aider pour se trouver un logement, pas trop cher, elle n’était pas dans la démesure, elle aimait rester discrète. Sans soucis, « La Fleur des Vents » lui avait offert le gîte et le couvert sans soucis.

        Elle était maintenant dans la salle commune, elle avait donné une mission à une jeune femme pour se renseigner, elle avait bien compris qu’elle était un peu louche, un peu trop pour elle probablement. Mais elle avait besoin de connaître les informations sur celui qui vivait dans cette maison, et ses liens avec Lee Agaa. Elle regarda l’horloge sur le mur, déjà plus de vingt heures, elle souffla en commandant une soupe de poissons locaux avec quelques morceaux de pains et du fromage râpé. Le point positif depuis qu’elle était blessée, c’est que ses repas s’étaient grandement améliorés depuis, un mal pour un bien.

        En bougeant son bras pour manger, elle ressentit une atroce douleur dans l’épaule droite, le positif avait cependant été lourdement payé, sa blessure guérissait lentement, encore deux semaines d’immobilisation pour elle. Prenant la cuillère avec sa main gauche, elle la porta à ses lèvres avant de sentir les saveurs se répandre sur ses papilles, les épices étaient douces, relevant bien le goût du poisson ainsi que des pommes de terre et carottes.

        C’est sur ces faits que la jeune débrouillarde entra dans la pièce, elle balaya du regard ce qui se passait là puis se dirigea vers la cuisinière qui lui avait demandé de l’aider dans ses recherches. Elle déposa une liasse de feuilles avec plusieurs notes dessus, sûrement le résultat de ses recherches de la journée.

        Voilà tout ce que j’ai trouvé.

        La nouvelle chasseuse de primes leva un sourcil, elle ne s’était pas attendue à avoir autant d’informations à traiter dans la soirée, tout au plus, quelques allées et venues. Les informations étaient cependant pour la majorité sans intérêt, et elle traitait, du jardinier, un coup d’épée dans l’eau, mais elle avait compris avec l’affaire d’Abou Dhabi que la patience était la première arme d’une bonne enquête. Elle avait encore beaucoup de temps pour faire ce qu’elle voulait, elle allait le mettre à contribution.

        Merci, pour une première journée, c’est déjà une bonne avancée, je ne m’attendais pas à ce que ça se fasse rapidement.

        Mais…

        Je le vois à votre tête que vous semblez déçue de vos résultats, mais ça va aller, un renseignement à la fois, demain je serai avec vous, pour le moment, nous allons nous reposer.

        Elle leva la main pour faire venir une serveuse qui évita naturellement un pincement aux fesses d’un pas de côté avant d’arriver à la table de la Sanderrienne et de la jeune voleuse.

        Je peux faire quelque chose pour vous ?

        Oui, une soupe de poisson pour mon amie, ainsi qu’une pinte de bière pour moi, ambrée, s’il vous plaît. Je vais vous prendre aussi une terrine de sanglier, ce n’est pas tout ça, mais j’ai faim ce soir.

        Une bière aussi pour moi, une blonde !

        La jeune femme aux longs cheveux bleus leva un sourcil en entendant le garçon manqué demander une boisson en plus pour lui, est-ce qu’elle avait l’âge ? Puis elle haussa des épaules mentalement, elle n’allait pas se battre pour une petite bière, après tout, c’était toujours rafraîchissant. Les deux filles discutèrent de l’affaire pendant qu’elles attendaient le reste du repas, elles échangèrent beaucoup de théories, mais peu en ressortit de concrets, tout n’était que du vent pour l’instant.

        La serveuse revint vers le duo et déposa le plat, la terrine ainsi que du pain et les deux bières sur la table avant de repartir avec un sourire sur les lèvres.

        Et maintenant, mangeons, nous recommencerons demain.

        L’appétit ouvert, Robina mangeait allègrement, même si son bras en écharpe ne l’aidait pas spécialement, elle avait pourtant un bon coup de fourchette. Elle jetait des regards de temps en temps à son binôme alors qu’elle étalait de la terrine sur son pain ou bien qu’elle prenait une cuillère de soupe.

        Ne soyez pas déprimée, ça ira mieux demain, vous verrez.

        Elles finirent le repas dans un calme plus serein, même si la petite restait d’une humeur sombre, la cuisinière lisait toujours les notes qu’elle avait reçues, aucune heure, une approximation avec la phase du soleil, rien de précis.

        Tenez, vous vous prendrez de quoi avoir l’heure avec ça.

        Elle glissa dix milles berries sur la table.

        Je voudrais un rapport plus détaillé pour demain, et l’heure ne fera pas de mal.

        La Sanderrienne se leva et finit son verre de bière avant de monter dans sa chambre, laissant la petite sur place, elle paya la note juste avant. Elle souriait, elle avait réussi une sortie théâtrale, elle était fière d’elle.
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