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Cuentos del pueblo [Achevé]

"Je l'ai assommé direct, le type ! Et après j'ai rendu tout l'argent au gars du marché. J'vous jure que c'est vrai !"

D'un regard médusé autant que mitigé, le groupe de garçons écoutait le bavard du groupe raconter ses exploits. Il n'était pas difficile, même pour des enfants non éduqués et livrés à eux-mêmes, de séparer le vrai du faux dans son histoire. L'un d'entre eux fronça les sourcils et lui fit une remarque pertinente.

"Mais les sous, tu les as pas gardés ? Pourquoi ? Tu les as dans les mains, et tu les redonnes ?"

Bien décidé à garder la face, le moulin à paroles rectifia son récit.

"Ouais, c'est ce que j'me suis dit aussi ! Du coup au final j'ai filé avec. Le vieux était trop énervé, j'ai dû revenir au village en courant, c'était dingue."

Il ne parvint pas à convaincre les autres garçons, qui semblaient réfléchir au moyen le plus diplomate de lui dire, encore une fois, qu'ils ne le croyaient pas.

"Et l'argent t'en as fait quoi ? Pourquoi tu mens comme ça, José ?"

Le petit enjoué rebondit immédiatement sur le prénom qui venait d'être prononcé, l'échappant belle et évitant de s'enfoncer plus loin dans son fantasme.

"D'abord c'est pas José, c'est Jaws. J'le sais parce que c'est grâce à mon père, et qu'on est une famille de ouf. Déjà de base on est même pas des humains normaux, au départ. Quand il... Hé, c'est pas l'heure de dormir encore, si ?"

En effet, la nuit tombait à peine. Et même si l'atmosphère grisâtre du ciel du village n'était pas le meilleur indice pour le comprendre, ce n'était pas pour rentrer chez eux que les enfants s'éloignaient, mais simplement pour se débarrasser de leur Shéhérazade. Il leva le bras vers eux, puis le ton de sa voix, à défaut d'avoir la foi de les pourchasser.

"Vous êtes nuls ! Puis en vrai vous avez juste la haine, en fait ! Parce que vous vos parents ils reviendront pas, alors que moi mon papa il va bientôt nous chercher avec son bateau de luxe ! Il a vraiment un bateau de luxe, je sais plus quelle marque mais c'est un vrai !"

Il soupira, se replia sur lui-même et commença à se ronger un ongle par réflexe. Un jeune adolescent, légèrement plus vieux que le groupe d'amis et plus en retrait, était cependant resté. Là où les dreadlocks traditionnelles du hameau étaient plus denses chez Jaws, les siennes étaient tressées deux par deux. Le solitaire à l'air blasé lui fit part de sa courte, mais concise, opinion sur la situation.

"C'est pas crédible parce que tu insistes trop, sur tout. Ça sert à rien de trop chercher à y croire. On est tous paumés, et c'est pas en baratinant qu'on fait des grandes choses que ça va devenir réalité. C'est la poubelle du monde, ici, et on est des rognures de je-sais-pas-quoi."

Le jeune enthousiaste répondit avec ferveur à ce qu'il avait perçu comme une attaque personnelle partielle.

"Déjà, réfléchis à ce que tu dis ! Tu dois comprendre normalement, tu viens aussi d'une lignée trop stylée non ? N'Gari ça disait ! En plus parait que y a longtemps, genre Siècle Oublié et tout, y a nos arrière-grands-pères qui..."

Le plus âgé se racla la gorge et l'interrompit d'un geste de la main et d'un regard perçant.

"Comment tu sais ça, toi ? T'es entré chez moi ? Me parle pas, t'es un cas désespéré."

Alors que le tressé prenait sa veste sur son épaule et laissait, cette fois, le bavard entièrement seul, celui-ci tenta encore une fois la communication, toujours en vain.

"J'ai mes sources, moi, déjà ! En vrai ça doit être facile pour toi toute façon, t'as toujours eu un papa et une maman ! Tu sauras jamais ce que c'est d'être moi ! Parce que j'suis trop génial !"

L'autre ne prit pas la peine de répondre, pas plus par la parole ou les gestes que par la pensée. C'est un autre garçon qui, annonçant son arrivée par des pas rapides qui se voulaient être discrets sans y parvenir, fit irruption dans le petit coin de rue où traînait l'autoproclamé "Jaws". L'arrivant était un peu plus vieux que lui, mais son apparence frêle et chétive pouvait presque donner l'illusion qu'il avait quelques années en moins. Le bout de ses dreadlocks se décolorait dans une teinte rosâtre, et ses yeux d'un bleu pur étaient rougis par ce qui s'apparentait à un écoulement abondant de larmes, et cachés au possible par ses cheveux qu'il s'efforçait de garder devant son visage. L'enfant n'avait pas de chaussures et était vêtu d'un simple short, et malgré ses côtes apparentes sous sa peau, le mot 'Uzi' grossièrement tatoué sur l'hémisphère droite de son corps retenait plus l'attention encore.
La pipelette reconnut un visage familier et, se forçant à sourire le plus chaleureusement possible, salua le nouveau venu dans la rue d'un grand geste.

"Le petit de m'sieur Uzielgin ! J'ai plein de trucs à te raconter qui peuvent t'intéresser, viens !"

Le garçon au tatouage se passa la main sur le visage, et refusa son invitation d'un signe de tête couplé à un frisson involontaire. Il semblait être en pleine tentative de domptage de ses émotions.
De son émotion.
Il prit la parole d'une voix faiblarde mais déjà plus grave que ce à quoi Jaws s'attendait.

"Je p... peux pas, je dois finir, là. De cour... courir. Il faut que j... je finisse."

Le moulin à paroles pencha la tête, exprimant son incompréhension, alors que le tremblotant faisait déjà violence à son maigre corps pour prendre la poudre d'escampette aussi vite qu'il était arrivé, laissant quelques larmes sur le sol au passage.
Cette journée n'était pas vraiment différente des autres, aussi l'enjoué prit enfin l'initiative de quitter le coin de rue pour marcher jusqu'à chez lui. Les faibles lumino-dials accrochés aux murs de chaque habitation étaient désormais la seule trace de vie de cet endroit du village. Silence complet.

- ALEGRIA (1617) -

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Dernière édition par Tim Uzi le Jeu 4 Fév 2021 - 1:07, édité 2 fois
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Si le jeune Timmerson alimentait autant de rumeurs et d'on-dit, il s'efforçait tant de se faire discret qu'il n'était pas chose si commune de le croiser dans les rues. Certes, il répondait parfois lorsqu'on lui parlait, et il lui arrivait parfois de faire preuve d'une ombre d'enthousiasme lorsque les enfants du village mettaient le sujet des armes sur le tapis, mais ça s'arrêtait là ; aussi le dénommé Jaws, marchant de plus belle dans les rues délabrées d'Alegria, était encore perturbé par leur interaction rapide de la veille.

Perdu dans ses pensées, il percuta par inadvertance un récipient qui était posé par terre. Il s'empressa de ramasser les quelques pièces qui se trouvaient dedans et de les remettre à leur place, puis fronça les sourcils en réalisant que le contenant de la monnaie était fait de diamants purs. Presque aveuglé par le scintillement du métal précieux, il se frotta les yeux pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, et fut ramené à la réalité par une gueulante du drôle de mendiant qui se trouvait à ses pieds.

"Hé, petit effronté, fais attention un peu ! Maintenant que tes sandales sales ont touché mon pot, je peux plus récupérer ma thune ! Ugh, regarde ça, c'est foutu, je peux pas toucher ! Je te remercie pas !"

Le jeune bavard leva la tête et la pencha à la vue du spécimen. Tomber sur un tel paradoxe vivant relevait presque de l'impossible, et pourtant...


Cuentos del pueblo [Achevé] Quavo10


L'homme, muni de lunettes incrustées d'une infinité de micro-diamants sans doute de la même variété que ceux du récipient, toisait le jeune Alegrian de fond en comble avec un regard empli d'amertume. Comment diable un homme pareil pouvait-il être en train de faire l'aumône, qui plus est ici, dans un village où les habitants étaient manifestement bien plus pauvres que lui ? La population du hameau lugubre de Rokade était apparemment de plus en plus improbable, ce qui conduit le garçon aux dreadlocks larges à soupirer et à s'humecter les lèvres avant de hausser les épaules et d'ouvrir les bras vers l'extérieur.

"Bah... pardon, je suppose."

Le riche-pauvre le regarda d'un air hautain, levant la lèvre supérieure pour laisser apparaître une canine en diamant massif. Il commença à lever le bras pour retenir le petit Jaws par le short, mais se ravisa en observant sa main.

"Tu supposes bien. Dis, c'est bien tout ça mais t'aurais pas un endroit où dormir ? Si possible un truc pas trop répugnant. Sinon tant pis, je vais rester dehors, c'est encore le plus propre dans ce taudis apparemment."

Le moulin à paroles acquiesça d'un signe de tête, ayant reposé ses yeux sur le récipient en diamant entre temps.

"Ouais si si, j'ai ça. Mais vous voulez pas que je vous aide à transpo... porter votre truc là, votre pot ?"

Le mendiant aux bijoux répondit d'une manière assez nonchalante en observant vers le bas, semblant chercher un moyen de se lever sans avoir à entrer en contact manuel avec le sol en pierre sur lequel il était assis.

"Si ça t'amuse. Toute façon tu l'as déjà souillé avec ton pied dégoûtant, là. Hé, tu sais comment je peux me relev..."

Il ne put finir sa phrase que le garçon bavard était déjà parti à toute vitesse avec le récipient en pierres précieuses, et la maigre monnaie qu'il contenait. En pleine course intense - et pour cause, il n'avait jamais dérobé quelque chose d'aussi luxueux -, il se remémora de nouveau sa rencontre d'hier avec le petit tatoué. Lorsqu'il aperçut ses camarades du village accoudés au mur d'une place, il tourna au premier coin de rue et vint les rejoindre, pressé d'annoncer la nouvelle. L'un des enfants le coupa net en remarquant directement l'élément qu'il souhaitait mettre en lumière.

"Ça va ou quoi, Chose ? T'as volé le pot du clochard bizarre là-bas ?"

Le jeune Jaws fronça les sourcils.

"Quoi, vous l'avez vu aussi ? J'suis pas étonné que vous y ayez pas pensé, toute façon. J'ai toujours une longueur d'avance sur vous !"

Un autre garçon fit un signe négatif de la tête et le rectifia.

"Non, on y a pensé. Mais même avec ces babioles cheloues, ça reste un clodo. On a des principes."

La pipelette fit un grand geste en désignant le sol de ses deux bras, manquant de faire tomber le récipient.

"Mais vous rigolez ou quoi ? C'est juste un minable qui veut pas se salir, et il brille de partout ! C'est pas un clodo, ça ! T'es vraiment d'accord avec eux, N'Ga..."

L'adolescent aux dreadlocks tressées l'arrêta d'un bras tendu et d'un signe de la paume et l'interrompit avant qu'il ne puisse finir de prononcer ce nom.

"Si le gars fait l'aumône, il a ses raisons. Ce que t'as fait c'est discutable. Après, maintenant que t'as ce truc dans les mains, ce serait encore plus stupide de retourner le rendre. Fais voir un peu ?"

Alors que le bavard s'apprêtait à montrer la merveille au jeune blasé, plusieurs bruits de pas familiers le firent se retourner brusquement, lâchant la babiole. Le présumé N'Gari l'attrapa dans son vol et l'examina.
Le petit de l'armurier du village, au style facilement reconnaissable, était en train de marcher d'un pas pressé à l'autre extrémité de la place, faisant manifestement tous les efforts pour ne pas être vu, sans succès. Le moulin à paroles provoqua un boucan sans nom en sifflant entre son index et son pouce, chose qu'il avait appris à faire grâce à la force de l'ennui, et en cherchant à captiver l'attention du maigrichon.

"Hé, toi ! Tu vas où ?"

Paniqué par les réprimandes habituelles des adultes du village quant au brouhaha de Jaws, le jeune Timmerson prit tout de même le risque de répondre.

"R... Roberson m'a demandé d'aller faire les courses."

Prenant un petit moment pour réaliser que le gringalet appelait son propre père par son prénom, il rebondit sur l'information et se retourna vers le groupe de jeunes garçons pour faire une proposition qui nécessitait leur validation.

"On pourrait l'accompagner, les gars ! Non ? N'G..."

Le plus âgé le coupa de nouveau avant d'entendre son nom et, continuant d'ausculter méthodiquement le pot en diamants, désigna l'autre côté de la place du doigt.

"Il est déjà parti."

Se rendant compte de son erreur, le petit enthousiaste reprit brusquement le trésor qu'il avait volé au mendiant des mains du désabusé et alla à sa poursuite sans crier gare, levant le bijou en l'air en guise d'argument.

"Attends, j'ai ça ! Tu veux voir ça, j'te jure !"

Regardant leur Shéhérazade s'éloigner, les enfants se recentrèrent entre eux et témoignèrent de leur désespoir quant aux deux spécimens qui se couraient après.

"À quoi il pense, Jazz, exactement ? Le petit de m'sieur Uzielgin est inapprochable et tout l'monde le sait. Parait qu'il aime la Marine et les trucs comme ça, en plus. C'est un délire."

Le jeune N'Gari prit l'une de ses double-dreadlocks tressées dans sa main droite, et la parcourut de haut en bas en l'observant du regard.

"J'suis pas vraiment étonné, c'est deux phénomènes particuliers. Autant les laisser se lécher les bottes si ça leur fait plaisir."

Le groupe de jeunes Alegrians manifesta une incompréhension générale. Le tressé ferma les yeux un moment puis s'expliqua.

"Non, genre rester entre eux. Pas vraiment se lécher les bottes, ce serait n'importe quoi. Et ils ont pas de bottes. Putain les gars vous réfléchissez des fois ?"

Les garçons semblèrent rassurés de comprendre qu'ils avaient fait fausse route avec leur première analyse. Le plus âgé se mit le visage dans les mains, embarrassé par son propre environnement de naissance.



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La clochette d'entrée de l'armurerie "Uzielguns & Swords" sonna, signalant l'entrée d'un client. Comme il savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas d'un réel client mais de son fils, comme chaque fois qu'il entendait ce son pourtant initialement annonciateur d'espoir, le gérant ne prit pas la peine de prendre des manières courtoises comme il le ferait à un potentiel acheteur et se contenta de lever la tête. Malgré des cheveux bien plus denses et longs qui viraient au violet, une barbe touffue et de puissantes cernes qui traduisaient ses tourments et ses difficultés à trouver le sommeil, il ressemblait déjà presque entièrement à son fils. Le marchand en faillite eut cependant un mouvement de recul en remarquant que le maigrelet avait cette fois ramené un autre enfant, ce qu'il ne faisait pas habituellement. Sans véritablement chercher à cacher son air abattu, il tenta tout de même la conversation.

"Timmerson. Qui est ton ami ? Tu me dis vaguement quelque chose. Tu es le fils de Marcia, non ? Qu... Quel est ton prénom déjà ?"

Le jeune bavard observa l'armurier, intrigué par ce visage qu'il ne voyait pas si souvent. L'homme, impressionnant par son apparence mais clairement inoffensif par son mental, ne sortait pas beaucoup de la boutique, à l'instar de sa progéniture.


Cuentos del pueblo [Achevé] Head10


Le garçon aux dreadlocks volumineuses se reprit et sourit poliment avant de répondre au vendeur, d'une manière presque trop enjouée pour ce qui était le fond de son message.

"J'ai pas de prénom, m'sieur Uzielgin, maman veut pas m'en donner ! Mais vous inquiétez pas, j'ai beaucoup mieux : je m'appelle Jaws, comme mon père, et mon grand-père avant lui, et mon arrière-grand-père encore avant lui ! Je fais partie d'une lignée de malade, et en plus on était des vampires au départ que ça dit !"

Pas véritablement intéressé par la question, Roberson Uzielgin se gratta le haut du crâne et finit par empêcher son pessimisme de prendre le dessus. Il salua correctement le petit agité.

"Eh bien... Enchanté, Jaw.. Jaws ?"

Le visage du moulin à paroles s'illumina à l'entente de ce mot et, montrant le commerçant du doigt en guise d'approbation, il posa le pot volé au mendiant étrange sur le comptoir.

"C'est exactement ça, m'sieur Uzielgin ! Vous êtes le premier à l'avoir bien dit ! Et au fait, je voulais vous offrir ça en gage de ma garniture."

Le marchand regarda fixement l'enfant aux dreadlocks denses.

"Gratitude, non ?"

Le garçon enjoué acquiesça.

"Ouais, c'est ce que j'ai dit ! C'est parce que Uzi a accepté que je l'accompagne acheter des trucs, c'était cool !"

Le petit tatoué pâlit, intimidé par la situation, et se contenta d'aller ranger les quelques fruits et morceaux de viande dont il avait fait l'acquisition pendant que son père observait avec curiosité le récipient luxueux qui lui était donné à voir. Pendant qu'il se demandait comment le jeune Jaws avait bien pu obtenir une telle chose, il nota sans véritablement s'y attarder un détail du discours du petit déterminé.

"Oui, il s'appelle Timmerson mais on dirait qu'il préfère ce nom-là. Il se l'est même écrit en gros sur le corps... Je ne devrais pas être étonné, ça fait quelques mois qu'il ne m'appelle même plus "papa". Je dirais que c'est une phase, parce qu'on le croit toujours, si je ne savais pas à quel point c'est faux. Dieu, Monica, pourquoi as-tu..."

En baissant les yeux face à ce qui ressemblait plus à une série de pensées à voix haute qu'autre chose, la pipelette remarqua le kanji "témérité" tatoué sur le dos de la main droite de l'armurier. Celui-ci n'était manifestement pas très efficace. Le vendeur revira son regard vers l'enfant, comprenant qu'il venait d'avoir une attitude inappropriée.

"Je m'égare. Écoute, ça me fait mal de dire ça, mais même si on ne roule pas sur l'or, on n'a pas vraiment besoin de quoi que ce soit. Timmerson ne mange presque pas, et je dois avouer qu'en ce moment, moi-même je ne suis pas... très difficile, niveau nourriture. Tu devrais rendre ça à son propriétaire."

Le petit bavard s'éclaircit la voix et prit la parole d'une façon qui se voulait solennelle, corrigeant l'homme barbu sur sa remarque, en désignant du doigt successivement quatre épées qui se trouvaient derrière lui.

"Alors, puisque JE SUIS son propriétaire, je vais vous prendre celle-là, celle-là, celle-là et celle-là, s'il-vous-plaît m'sieur !"

L'armurier soupira et fut forcé de décliner la demande d'un geste latéral de la main droite.

"Désolé petit, je ne peux pas vendre à un mineur... Ça me fait mal de le dire. Mais tu vas devoir revenir quand tu auras dix-huit ans."

Alors que Jaws tentait de négocier une "exception pour si le mineur a un super objet de riche à échanger", le jeune tatoué, ayant fini de ranger les courses, attrapa deux colts et s'éclipsa dehors. S'apercevant que son nouveau camarade s'enfuyait doucement du magasin dans lequel il habitait, il salua poliment Roberson et lui promit de revenir acheter avant de suivre son fils à l'extérieur, laissant le récipient en diamant sur le comptoir.
Parvenant à rattraper le gringalet aux dreadlocks rosâtres, il engagea une nouvelle fois la conversation.

"Euh... Merci d'avoir bien voulu que j'aille au marché avec toi, tout-à-l'heure. J'ai trouvé ça sympa."

Fixant droit sa destination qui semblait être prédéfinie, le petit tatoué répondit sobrement, malgré quelques signes de son visage qui signalaient qu'il avait encore pleuré plus tôt dans la journée.

"J'ai pas eu le choix. Tu allais trop vite, j'ai pas réussi à te semer, alors j'ai fait avec. C'est la première fois que quelqu'un court aussi vite que moi. En plus... t'as pas l'air méchant, et même si tu l'étais, tu ferais pas vraiment peur."

Le moulin à paroles protesta quant à la dernière remarque, soutenant qu'il était un "futur guerrier puissant", et se reprit en décidant de poser la question qui fâche.

"Mais du coup, où est-ce que tu vas avec deux flingues comme ça ? Qu'est-ce que tu vas faire ?"

Le maigrichon se contenta de répondre sans filtre.

"Tu vas continuer à me coller, j'imagine, alors tu vas voir. J'ai pas vraiment envie que ça se sache au village, mais je peux pas t'empêcher de m'accompagner non plus."

Le jeune enjoué se lança dans un long discours sur sa détermination sans faille et sur comment rien ni personne ne pouvait l'empêcher d'atteindre ses objectifs, puis finit par réaliser qu'ils étaient à destination depuis un moment.

Ils se trouvaient à l'unique rive d'Alegria. La seule zone du village qui était directement reliée à la mer ressemblait davantage à une minuscule clairière, notamment de par la petite étendue d'herbe dont la poussée commençait mystérieusement à quelques mètres de là, qu'à une côte, même si la descente rocheuse et escarpée qui menait à l'eau rappelait la nature crue et dure de la géographie Rokadienne.
Plus intéressant encore, le petit Jaws put constater que la légende du Islote Borroso était réelle. Depuis l'endroit où le jeune Uzi l'avait amené, une silhouette de minuscule île apparemment abandonnée sur laquelle se dressait une bâtisse en pierre se dessinait. Le garçon écarquilla les yeux devant ce phénomène de beauté, incomparable à la monotonie sombre du paysage Alegrian qu'il connaissait. Au-delà d'une simple apparition d'îlot près de Rokade à un endroit où il ne pouvait être aperçu que d'ici, c'était aussi la preuve qu'il existait un "hors-Rokade" qui s'offrait alors aux yeux des deux garçons.
Alors qu'il s'apprêtait à révéler au garçon au tatouage ce que lui savait depuis longtemps, il se fit interrompre dans sa lancée.

"Je sais. Mais je ne suis pas ici pour ça. Je suis là parce que c'est l'endroit où le bruit dérangera le moins."

La Shéhérazade du village fronça les sourcils.

"Hein, le bruit ?"

Lorsqu'un tonneau de bois apparut sur les flots, comme le jeune Alegrian aux dreadlocks roses semblait le prévoir, il se mit à le viser de ses deux colts à calibre neuf millimètres. Il prit appui en écartant ses jambes et en les ancrant d'une manière presque calculée sur le sol.

"Dans les manuels, ils disent que c'est déconseillé de tirer à un revolver par main, parce que les deux reculs différents rendraient impossible la visée, que ce soit à gauche ou à droite, et que ça augmenterait le risque de se blesser. Mais c'est faux, parce que certains l'ont déjà fait. Avec l'entraînement, je veux arriver à tirer deux balles en même temps, moi aussi."

Stupéfait par cette face cachée de Timmerson, le moulin à paroles se remémora ce que ses camarades lui avaient dit à son sujet et le mentionna, presque admiratif de la motivation dont son nouvel ami était en train de faire preuve.

"C'est génial, Uzi ! T'es peut-être même presque aussi génial que moi ! Maintenant que j'y pense, les autres du village disent que tu veux rejoindre la Marine, ou un truc comme ça. C'est parce que tu veux t'entraîner au tir ?"

Commençant à faire feu sur les tonneaux en bois qui se présentaient sur la mer devant lui de différentes manières en tentant de varier sa position et de viser juste, Uzi haussa comme il le put le ton en s'adressant à l'autre garçon, mais échoua à crier. Heureusement, le bavard s'était habitué à développer son audition pour entendre les moindres petits événements qui se passaient au village, et ils parvinrent donc à communiquer.

"Non, pas vraiment... Il y a eu des grands tireurs dans tous les camps. Le légendaire Izo, sniper de Wanokuni, sous Barbe Blanche et le supersonique Van Augur, sous Barbe Noire. Wyper, descendant du héros Calgara, qui a mené la garde du Dieu de Skypiea. Sous Capone Bege, Vito la gâchette folle s'est aussi démarqué. Dans un registre différent, le chasseur de primes Jean Ango excellait dans son domaine. Et même si beaucoup de talents méconnus mais très sous-estimés étaient du côté du Gouvernement..."

Timmerson cessa de tirer, n'ayant pas véritablement fait mouche à chaque coup, et, tombant sur ses genoux et lâchant ses deux armes, s'effondra en sanglots.

"C'est surtout que regarde où on est. Je grandis s... sans mère et avec un père qui a aucune idée de ce qu'il fait. J'ai un pr... problème mental qu'on connaît qu'à travers le bouche-à-oreille du village. On vit sur un roc géant rempli de criminels, et la s... seule raison pour laquelle on meurt pas de faim, c'est que notre corps s'est habitué à rien manger... Toi, tu as grandi sans père de ce que j'ai compris... et tu es forcé de voler à des mendiants bizarres pour subvenir à tes besoins."

Pour peut-être l'une des seules fois de sa vie jusqu'ici, le petit maigrelet regarda son interlocuteur dans les yeux, lui montrant la peine qu'il ressentait réellement en dépit du peu qu'il laissait s'échapper en surface.

"À ton avis, qui d'autre qu'eux sont assez p... puissants pour mettre fin à tout ça ? Les Révolutionnaires ? Non... il n'y a qu'eux."

Le petit Jaws écarquilla les yeux, étonné qu'autant de mots puissent sortir de la bouche du plus silencieux du village, et agita les mains pour inviter son nouveau camarade à se calmer. Il tenta ensuite de le raisonner par les mots.

"A... Attends, Uzi, calme-toi ! J'voulais pas que tu pleures, c'était pas le but ! Et puis j'comprends ton raisonnement, pour de vrai de vrai, mais pourquoi on devrait croire que le Gouvernement... veut nous aider, tu sais ? S'ils le feraient, pour quelle raison ils le feraient ?"

Pas d'aplomb à rappeler au jeune enthousiaste la règle classique du "les si n'aiment pas les -raient", le garçon au tatouage se remit à fixer la mer et se leva, séchant tant bien que mal les larmes qui continuaient tout de même à couler.

"Je me suis pas encore décidé, mais... Qui sait, si un j... jour je devenais Amiral, ou agent du Cipher Pol... Peut-être que la raison, ç... ça pourrait être... moi."

Jaws marqua un silence, définitivement impressionné par une détermination qu'il n'aurait jamais soupçonné de la part du pleurnichard. Il s'éclaircit la gorge et le rassura quant à son jugement.

"Bah, tu sais... L'intention est vraiment classe, et même si j'ai du mal avec les méthodes, j'suis de tout cœur avec toi, Uzi ! Parce qu'un mec aussi génial que moi doit pouvoir comprendre tous les points de vue ! Mais évite vraiment de le dire aux autres, par contre. Sérieux, ils pourraient te tuer."

Le moulin à paroles jeta un œil aux tonneaux flottants, et constata que plusieurs d'entre eux étaient littéralement troués de toutes parts. Il rectifia.

"Enfin essayer. Pas sûr qu'ils y arrivent, là."

Il s'essuya les genoux et fit volte-face, avant de tourner la tête vers celui sur lequel il avait appris beaucoup de choses en l'espace d'une journée.

"Bon, faut que j'y aille moi, maman va me tuer ! Bonne chance avec tout ça Uzi, et t'inquiète pas pour ton secret, parole de Jaws que j'vais le garder comme un pot en diamant ! Hasta la vista zaby !"

Se questionnant autant sur la provenance de l'expression que le garçon aux dreadlocks amples avait utilisée que sur le volume extrêmement fort de sa voix au moment où il lui promettait de garder un secret, le petit tatoué s'essuya les yeux en le laissant partir. Il voulut le retenir pour le remercier chaleureusement pour sa compagnie, mais n'y parvint pas. Il avait encore beaucoup de progrès à faire.




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Sur le chemin du retour, le jeune Jaws était étrangement silencieux. Et pour cause, les différentes facettes qu'Uzi lui avaient montrées ce jour-ci l'avaient laissé sans voix, dans tous les sens du terme. Dans sa course jusqu'à chez lui, il retrouva le mendiant qu'il avait dérobé, cette fois endormi, et repensa à son butin diamanté qui trônait sans doute encore sur le comptoir de l'armurerie.
Mais ce qui l'intriguait était autre : la porte de la maison devant laquelle le riche-pauvre s'était assoupi était ouverte. Et elle laissait voir un salon propre en bois clair, éclairé et réchauffé par une cheminée, et rempli de plusieurs meubles de différentes formes et d'une certaine quantité de livres de toutes les couleurs. La curiosité attisée par ce stade de civilisation qu'il n'avait jusqu'ici jamais vu sur Alegria, il s'essaya à mettre un pied dedans, lorsqu'une jeune fille à lunettes le sortit de son rêve. D'une beauté presque adulte qui trahissait une forme d'intelligence, celle-ci avait plus ou moins son âge, et une chevelure particulièrement dense composée de dreadlocks aux racines brunes qui viraient très tôt vers le blond platine. Elle le regarda fixement et jeta une interjection à voix haute.

"On se connaît ?"


Dernière édition par Tim Uzi le Jeu 4 Fév 2021 - 1:05, édité 2 fois
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"Donc qu'est-ce que je peux faire pour toi ?"

Cette question avait été lâchée dans le coin d'une ruelle qui n'était pas seulement sombre, mais qui était plus sombre encore que l'environnement Alegrian standard. Bien que le jeune homme auquel s'adressait la question était capuché, il était clair qu'il n'était pas du village, et qu'il y venait simplement mener une affaire. Il paraissait cependant peu sûr de lui, et gardait une certaine réserve et une certaine distance quant à celui qui se tenait torse-nu, adossé contre le mur. Il se lança.

"C'est toujours cool de te revoir, tu sais ? Bref, j'ai eu des ennuis avec d'autres gars, du coup j'ai acheté ce beretta avant-hier en prévision et... quand j'ai essayé de le charger, tout s'est bloqué au pire moment. L'autre avait une arme bien fonctionnelle, j'ai cru que j'allais y passer. T'as une idée de ce qui est arrivé ?"

L'Alegrian torse-nu s'avança légèrement, s'arrêtant bien avant de laisser l'autre empiéter sur son espace vital. Ses dreadlocks à bouts roses cessèrent de remuer au rythme des pas et se remirent à pendre en direction du sol. Dans l'obscurité, les différentes formes gravées à l'encre sur son torse et sur ses bras étaient indéchiffrables, mais on voyait déjà sur son corps la démarche de celui qui allait sans doute finir ses jours recouvert de motifs divers. Une moustache presque en place et une barbe naissante décoraient sa bouche impassible, tandis que ses yeux rougis et son regard d'un bleu perçant étaient masqués derrière son rideau capillaire. Un simple short blanc et des claquettes brunes constituaient sa tenue du soir. Il s'exprima d'une voix grave, bien différente encore de celle qu'un inconnu aurait pu lui attribuer en se basant sur son apparence.

"Où est-ce que tu as acheté, pour commencer ?"

Celui qui semblait être le client répondit rapidement, comme inquiet pour sa propre survie y compris au sein du hameau.

"Chez le vieux Galdrio, aux Degrés de Pierre."

Le tatoué laissa s'échapper un soupir.

"Les berettas sont la spécialité de la boutique de mon père en terme d'armes à feu. Pourquoi ne pas acheter chez lui avant toute chose ? C'est à cause de Galdrio et des arnaqueurs de son genre que j'ai dû commencer à palier le manque de ventes d'ici en faisant du conseil au noir."

L'autre regarda le sol, piétinant en répondant à demi-voix.

"C'est que... avec tout le respect que je vous dois, ton père n'est pas réputé pour avoir le meilleur relationnel avec le client. Et puis ce coin de l'île... donne un peu le cafard."

L'Alegrian aux dreadlocks rosâtres acquiesça.

"Je peux comprendre. Mais tu aurais pu économiser soixante berries..."

Le capuché eut un mouvement de recul, apparemment surpris par l'annonce de ce nombre.

"C... Comment ça, soixante ? T'as encore augmenté tes tarifs, Uzi ?"

Le maigrichon au torse-nu se passa la main sur le visage avant de lui confirmer l'information.

"Oui, ça devient de moins en moins facile chez nous. Si vous réfléchissiez avant de donner votre argent à des incompétents, on n'en serait pas là. Trente maintenant, trente après."

Le client au beretta dysfonctionnel hésita un instant, puis finit par sortir de la poche de son sweat à capuche trois billets de dix berries pour les donner au fils de l'armurier. Celui-ci récupéra le liquide et emprunta l'arme pour l'inspecter. Après l'avoir observé sous tous les angles et avoir sorti, fait tourner et rentrer le barillet, il parvint à sa conclusion.

"Erreur classique de Galdrio, c'est la troisième fois qu'on vient me voir pour ça. Le revolver est un peu rouillé mais peut fonctionner sans problème. Ce qui a coincé le barillet, ce sont les balles qu'il t'a vendues avec. Les chambres sont faites pour accueillir des calibres précis, et ce n'est pas parce qu'une balle peut s'incruster dans une chambre qu'elle va pouvoir être tirée par la suite. Galdrio a tendance à estimer la taille du calibre à l'œil, mais cette variété de berettas ne peut pas fonctionner avec plus large que cent-quarante millimètres. Ou tu pourras les ranger dans le barillet, mais pas les utiliser, ce sera de la décoration. Voilà ce qui a bloqué ton arme au moment de faire feu : l'imprécision d'un mauvais armurier."

Il vérifia une dernière fois le calibre de l'arme pour confirmer son diagnostic, qui s'avéra rapidement sans appel, puis la tendit à son propriétaire. Lorsqu'il leva la tête et s'apprêta à lui demander s'il avait besoin d'autre chose, celui-ci avait déjà détalé à toute vitesse. Timmerson Uzielgin, dit "Uzi", soupira et sortit l'encrier de son père avant de le faire fonctionner sur son biceps. Il ajouta un "+30" à une flopée de valeurs additionnées les unes au-dessous des autres et, refaisant le compte, constata que ce même client avait une dette de plus de deux cent dix berries envers lui.
Un autre jeune homme, cette fois Alegrian, s'approcha de lui. Le grand maigrelet lui adressa la parole en premier, habitué à ce business nocturne qui était devenu routinier.

"Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?"

L'habitant du village démentit l'impression d'Uzi d'un geste négatif de la main.

"J'viens pas pour ton truc, Uzi, désolé. Juste, t'as vu ce qui s'passe sur la grosse place du centre ?"

Se taisant quelques secondes afin de capter les ondes sonores des environs, le fils du marchand reconnut effectivement le bruit d'une foule en liesse devant un discours.

"La petite Ava est montée sur une estrade et elle crie des trucs de ouf, et tous les parents sont en train de la valider fort ! J'sais pas exactement ce qu'elle dit mais en tout cas là elle les a convaincus. Y a aussi deux mecs méga bizarres bien sapés que j'ai jamais croisés dans le coin, là-bas. Y a que ton père qui est pas la, d'ailleurs."

Le jeune tatoué fronça les sourcils et hocha la tête dans le vide, avant de regarder de nouveau son camarade dans les yeux et de clore la discussion.

"Pour Roberson, c'est normal, il s'est endormi sur le comptoir, comme presque toutes les nuits en ce moment. Sinon, je peux faire quelque chose pour toi ou pas ?"

L'autre haussa des épaules et répondit en ouvrant son bras droit vers l'extérieur.

"Bah nan, mais c'était juste pour dire... Tu trouves pas ça chelou comme situation, quand même ? J'ai pas entendu c'que ça raconte, mais elle a à peine quatorze ans, la petite. Pourquoi ils gueuleraient comme ça ? Y a un truc qui m'échappe, j'te promets."

Quelques phrases plus tôt, Uzi avait déjà cessé de le regarder et presque de faire attention à lui. Il se permit une réponse rapide.

"Ava est une petite fille brillante, je pense qu'elle doit simplement expliquer aux adultes des choses qu'ils n'ont pas comprises d'eux-mêmes. Maintenant si tu n'as pas de conseil à demander, tu peux partir."

L'autre souffla, protestant contre la réaction sèche du jeune homme aux tatouages, et s'éloigna en proférant discrètement plusieurs insultes à son égard. Malgré sa réponse froide due à sa volonté d'encore accueillir quelques clients avant d'aller se coucher, Timmerson se questionna tout de même sur ce qu'avait avancé l'autre du village. Avait-il parlé de deux hommes qu'il n'avait jamais vus ici ?



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"Alors c'est elle qui l'a ? La petite ?"

Celui qui posait la question était plus petit que la majorité que la foule, mais sa musculature d'homme trapu le rendait imposant malgré tout. Tout sourire, il affichait pourtant un mélange d'expressions faciales traduisant sa confusion, et son attitude corporelle prouvait qu'il n'était pas à l'aise dans le pull moulant qu'il avait enfilé pour l'occasion. Une paire de lunettes noires à grosse monture était posée sur son nez.
L'autre fit un long et répétitif signe négatif de la tête, comme pour s'adresser aussi bien à son comparse qu'à lui-même. Il était vêtu d'une veste blanche chic et portait deux bijoux encore plus blancs en guise de boucles d'oreilles. Ses dreadlocks étaient plus courtes que celles des autres spectateurs. Il répondit à celui qui l'accompagnait d'un ton presque robotique.

"Non. La petite nous servira, mais pas maintenant. Celle qui l'a n'est pas ici."

L'autre pencha la tête, trahissant son impatience de rencontrer celle dont ils parlaient. Devant eux, la petite Ava K'Davra était, malgré son très jeune âge, en plein milieu d'une plaidoirie enflammée qui semblait avoir conquis l'intégralité des adultes Alegrians présents devant l'estrade. Au milieu de cette petite vague de riverains en pleine ovation, les silhouettes des deux individus, qui étaient les seuls à avoir une réaction plus ou moins rationnelle face au spectacle qui se dressait devant eux, se dessinaient.


Cuentos del pueblo [Achevé] 21wayne


Le plus grand, habillé luxueusement, invita l'autre à le suivre en se frayant un chemin à travers la foule, ce qu'il fit de ce pas, tâtonnant involontairement plusieurs Alegrians au passage. Après quelques minutes à parcourir un véritable labyrinthe pour se libérer de la foule, l'homme aux lunettes suivit son acolyte, qui se dirigeait d'un pas plus assuré vers une destination qu'il connaissait manifestement du bout des doigts. Un instant de marche rapide les conduisit devant la fameuse habitation qu'ils cherchaient. Devant l'entrée de celle-ci, le drôle de mendiant aux babioles se tenait assis et les regardait d'un air suppliant : il commença à se joindre les deux mains pour mimer une prière mais se ravisa, les secouant dans son mouvement inverse pour s'assurer d'en libérer les impuretés.

"Hé, vous, vous deux, les guignols là ! Je vous en conjure, si vous avez un endroit pas trop dégoûtant où dormir, faites-en profiter le cousin ! C'est moi le cousin, si vous aviez pas suivi. On a le même sang, vous savez ?"

Sans dire un seul mot, l'homme aux dreadlocks courtes se contenta d'entrer par la porte déjà ouverte en ignorant le riche-pauvre, tandis que le petit souriant se contenta de le saluer d'un geste de la main et de lui demander d'excuser son compagnon. Lorsqu'ils furent tous les deux au milieu du salon de bois blanc, une voix retentit de l'autre côté.

"On se connaît ?"

L'homme raffiné aux boucles d'oreilles répondit aussitôt, du plus concrètement qu'il le pouvait.

"On se connaîtra bientôt. Dis-moi, que penses-tu du mode de vie d'ici ?"

La jeune femme, dont le volume capillaire avait encore augmenté et qui ne portait manifestement plus de lunettes, leva les yeux vers lui et lui répondit d'une manière toute aussi objective.

"Pas d'avis."

Le grand étranger à la veste blanche se tourna vers son camarade et hocha calmement la tête, lui signalant qu'ils tenaient celle qu'ils étaient venus trouver, puis se retourna vers elle.

"J'ai une offre d'emploi."

Elle se leva et pencha la tête avant de directement mettre la question principale sur le tapis.

"C'est bien payé ?"

Il se retourna et quitta déjà la pièce, l'intimant inconsciemment de le suivre, et répondit pendant sa marche.

"Suffisamment."

Il passa ensuite devant le mendiant et lui demanda, d'un signe de tête, de les suivre. Il se tourna vers son comparse aux lunettes noires et lui expliqua la situation.

"Elle l'a complètement. Il l'a aussi, partiellement."

Alors que le pauvre-riche se levait tant bien que mal, les quatre silhouettes s'éloignèrent dans l'opacité d'un hameau nocturne et marchèrent dans une direction que l'homme en blanc semblait avoir directement tracée dans son esprit.
Ils se dirigeaient vers la rive d'Alegria.


- ALEGRIA (1621) -

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