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L'arrivée d'un nouveau Lieutenant

Bien au sec à l'intérieur de la base de la 74ème Division, Vassili venait de pousser la porte d'entrée. On l'avait escorté jusque ici, limitant la casse en lui proposant un parapluie. Initialement maculé de blanc, il n'était alors plus aussi impeccable qu'à l'origine. Essorant un peu ses épaulettes, il chassa l'eau qui imbibait ses vêtements. A ses côtés, trois soldats l'imitaient histoire d'être un minimum présentable.

> Lieutenant Joukov, veuillez nous suivre, Monsieur Bareshi vous attend dans son bureau, l'invita l'un des hommes de rang.
> Bien entendu, je vous en prie, répondit Vassili avec beaucoup de respect.

Le petit groupe s'exécuta alors aussitôt, arpentant les couloirs de la base. Ils passèrent devant de nombreux bureaux et croisèrent beaucoup de soldats. Tous saluèrent au passage du tout nouveau Lieutenant. Catapulté sur cette île, Vassili prendrait son poste dès le lendemain. Ce jour étant dédié à la présentation. Quelque peu mécontent, l'homme à la superbe chevelure d'or avait pesté longtemps lorsqu'il appris son affectation. Après tout, Inari n'était pas réellement réputée pour être une île mouvementée. La 74ème ne comptait qu'un millier de soldats et souffrait terriblement d'un sous-effectif entretenu par la sourde oreille de l'Amirauté. Cette île peuplée de religieux n'était donc pas le meilleur des tremplins pour la carrière du jeune homme. Bon après tout, on lui avait déjà soufflé à l'oreille que, souvent, on testait les jeunes officiers avec ce genre d'affectation. Finalement, au bout d'une dizaine de minutes il arriva devant un porte close. Dessus, un petit encart d'acier avait été fixé en arborant l'identité de son propriétaire : Colonel Bareshi. L'un des soldats toqua puis attendit qu'une voix ferme ne répondit. Dès lors, il ouvrit la porte et s'engouffra dans la pièce. Vassili lui emboitait le pas, laissant les deux autres derrière.

> Colonel, le Lieutenant Joukov est arrivé du QG de North Blue.
> Merci beaucoup, laissez-nous nous entretenir quelques minutes, vous pourrez ensuite lui faire visiter la base, répondit le Colonel d'une voix d'une incroyable douceur.
> Oui Colonel !

Confortablement assis derrière son bureau, Yoshi avait les mains croisées sous son menton. Devant lui quelques piles de papiers étaient soigneusement rangées. Vassili fut aussitôt frappé par l'étrange apparence de son supérieur. Des cheveux grisâtres, une sorte de pierre trônant au milieu du front. Rien de réellement habituel à vrai dire.

> Lieutenant Joukov, laissez-moi vous présenter rapidement les enjeux actuels d'Inari. Nous connaissons un sous-effectif qui pèse sur nos effectifs. Nous assurons la sécurité des religieux, essayons de maintenir l'ordre de la meilleure des manières, mais nous ne sommes pas au QG ici. Ne devons sans cesse composer avec les restrictions de budget et le manque d'hommes. Pensez-vous que vous tiendrez dans ces conditions ? questionna le Colonel d'un ton ferme.
> Bien entendu, j'ai eu quelques informations sur la situation actuelle d'Inari. Je vous remercie de votre franchise mais n'ayez aucune crainte. Je saurais agir dans l'intérêt de l'ordre et composer avec les cartes que j'aurais à ma disposition.
> Bon très bien, nous sommes donc heureux de vous compter parmi les nôtres, reprit Yoshi avec beaucoup de sérénité. Logiquement un Lieutenant peu prétendre au commandement d'environ 300 hommes en garnison, comprenez bien qu'au vu de nos effectifs ce nombre sera réduit à 200. Nous vous les présenterons demain lors de votre prise de fonction. Avez-vous la moindre question ?
> Hum... commença-t-il en marquant un temps de réflexion qui dura quelques secondes. A quelle heure dois-je me présenter demain ?
> 7h00, Lieutenant, vous n'êtes pas un lève-tard j'espère ? dit-il suspicieux.
> Oh non, n'ayez crainte Colonel !
> Très bien, vous pouvez y aller alors ! Mes hommes vont vous faire visiter la base désormais. Au plaisir de vous revoir demain et bonne installation, conclu l'officier supérieur.

Vassili salua son gradé avant de prendre congé. Puis, il enchaîna avec une longue visite qui dura pas moins de deux heures. Il fit les présentations avec une dizaine de soldats avant de finalement être tranquille. On l'emmena alors à ses quartiers pour qu'il puisse se reposer de son voyage. Une simple pièce carrée sans la moindre fioriture, un lit de camp, une armoire et une salle de bain rudimentaire. Rien de bien reluisant. Enfin, le frêle blondinet était tout de même content d'y retrouver son sac de voyage. Ses quelques affaires y étaient correctement rangées et il ne se fit pas prier pour prendre possession du lieu.
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> Voici votre bureau Lieutenant, indiqua l'un des soldats à l'officier subalterne.
> Merci bien, je vais m'y installer, pourriez-vous revenir d'ici une dizaine de minute pour me présenter à mes hommes ?
> Bien évidemment, à très vite Lieutenant.

Enfin seul, Vassili pris ses marques dans ce modeste bureau. Le mobilier en bois n'était pas dans le meilleur état. Le bureau comportait de nombreux tiroirs qui, malheureusement, avaient déjà été attaqués par les mites. Le blondinet y entreposa quelques dossiers avant de se diriger vers l'armoire délabrée qui se tenait à sa droite. Une fois ouverte il se rendit compte que quelques étagères étaient cassées, mais bon, rien de bien embêtant non plus. Après un bref soupir d'une jeune officier, il décida de prendre place sur son siège quelques secondes. Fraîchement promu, c'était sa toute première affectation en tant que Lieutenant. Autant dire qu'Inari serait en quelque sorte le point de départ de sa carrière militaire. Le jeune Joukov devait alors faire ses marques et faire étale de toutes ses compétences au mieux. Gravir les échelons, il ne rêvait que de cela. Il n'avait qu'un seul objectif, celui de devenir Amiral. Enfin, pour le moment Vassili était coincé sur cette île alors il devrait y faire de son mieux. Tapant de ces deux mains sur le bureau, il poussa pour se relever avant de prendre la direction de la porte. Là le soldat l'attendait. Le blondinet sourit, il aimait la ponctualité.

> Avez-vous réunit les hommes ? demanda Vassili calmement.
> Oui Lieutenant Joukov, ils sont tous dans la cour intérieur, répondit favorablement le soldat. Puis-je me permettre de vous parler en toute franchise ?
> Bien évidemment, vous attisez ma curiosité soldat !
> Nos hommes sont quelque peu exténué de la situation actuelle. Notre manque cruel d'effectif pèse sur le moral de tous le monde...
> C'est ce que l'on m'a rapporté effectivement, je vais donc m'efforcer de remotiver nos troupes !
> Ce que je voulais vous dire par là c'est que parfois, ils sont un peu hostile avec les nouveaux. A force de voir du monde défiler mais que les choses ne changent jamais ils ont une sorte de ras-le-bol, termina l'homme de rang un peu stressé quant à la réaction de son supérieur.
> C'est donc ça, nous verrons bien alors, rétorqua Vassili qui arborait un visage sévère.

Tous deux marchèrent encore deux ou trois minutes côte à côte avant de finalement sortir du bâtiment et se retrouver dans la cour intérieur de la base. Peu étendue, elle parvenait tout de même à abriter les 200 hommes de Vassili. Les uniformes bleus et blancs étaient alignés les uns à côtés des autres. Certains portaient le fusil à l'épaule, d'autres le sabre. L'effectif comportait des éléments de tous âges, allant de 16 ans à plus d'une quarantaine d'années, les générations se côtoyaient allègrement. En rang sur 4 grandes lignes, ils découvraient alors le visage de celui qui allait les commander. C'était alors un euphémisme que de dire qu'ils furent assez déçu. Leur Lieutenant était un homme frêle, presque rachitique qui ne dégageait pas le moindre charisme. Enfin si, il dégageait bien quelque chose mais cela ne leur plu pas plus. Une sorte de condescendance irritante, un regard négligeant. Une attitude de noble détestable en somme. Autant dire qu'à première vue, ils ne portaient déjà pas Vassili dans leur cœur.

> Bonjour à tous, je suis Vassili Joukov votre nouveau Lieutenant, amorça-t-il sans la moindre hésitation. J'ai été affecté à votre commandement et celui-ci prend effet dès à présent. Afin de débuter de la meilleure des manières, je souhaiterais que les deux plus hauts-gradés s'avancent, ordonna-t-il avec une voix ferme.

Aussitôt deux hommes sortirent du rang. Tous deux se trouvaient en première ligne et ils saluèrent leur supérieur comme il se devait. Le blondinet leur fit un signe de tête pour qu'ils puissent passer aux présentations. Un moment que tous attendaient.


Dernière édition par Vassili Joukov le Lun 22 Mar 2021 - 10:54, édité 1 fois
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> Adjudant Otto Wuthmann Lieutenant, tonna le premier. De petites lunettes rondes, une coupe particulière avec un côté rasé et l'autre long. A première vu l'on pourrait presque croire à un comptable si l'on n'apercevait pas son épée pendre à sa ceinture.
> Adjudant Benedict Walderner Lieutenant, enchaîna le second. Quadragénaire ayant lui aussi des lunettes sur le nez, ce qui le caractérisait le plus était cette moustache touffue et bien soignée qu'il entretenait avec soin. Un pistolet au ceinturon, il ressemblait plus à un premier de la classe qu'à un soldat rompu aux combats.
> Des adjudants ? N'y a-t-il pas de Vice ou de Sous Lieutenant dans cette unité ? questionna Vassili étonné. Forcément, cette demande de précision irrita les soldats de l'unité qui voyaient là débarquer un blondinet pompeux.
> Non Lieutenant, nous sommes en sous-effectif ici, Otto et moi-même remplissons ces rôles-ci, fit Benedict sans broncher.
> Hum... d'accord, bon et bien enchanté à vous ainsi qu'à toute l'unité. J'ai pour ordre d'apporter mes compétences ici et je vais réorganiser les choses afin que l'on soit le plus efficace possible. De ce que j'ai compris en arrivant votre sous-effectif est de plus en plus pesant. Mon rôle sera donc de vous conduire au maintien de l'ordre de la meilleure des manières sur Inari. Je m'entretiendrais avec messieurs Wuthmann et Walderner afin de leur présenter notre nouvelle manière de fonctionner. Avez-vous la moindre question ? Demanda Vassili après un léger monologue explicatif. Une prise de fonction n'était jamais un moment réellement apprécié par un officier. Cette fois-ci ne faisait d'ailleurs pas entorse à la règle. Personne ne pris la parole, laissant un blanc pesant qui ne manqua pas d'irriter le jeune officier subalterne. Et bien rompez, restez dans la cour le temps que je vous fasse transmettre vos première missions. Au très vite, clôtura-t-il avant de prendre la direction de son bureau, accompagné de ses deux adjudants qui lui emboîtèrent le pas.

Une fois qu'ils entrèrent enfin tous dans le nouveau bureau du Lieutenant fraîchement promu, Vassili pris place dans son fauteuil, face à ses deux subalternes debout, mains dans le dos. Il les scruta de haut en bas avec un regard presque dédaigneux. Cette affectation était réellement une plaie. Le voilà qu'il devait se coltiner deux bouseux, même pas officiers pour le seconder. Exaspéré, il provoqua, par mimétisme, une grande méfiance de la part de ces derniers.

> Messieurs, je ne sais pas comment cela fonctionnait jusqu'à présent mais je vais vous expliquer ma manière de faire. Il y aura 19 groupes de 10 qui seront formés. Chacun de ces groupes agira selon les missions que je lui donnerais. Vous deux serez ensuite les responsables de ces 19 groupes, les 8 derniers soldats seront directement sous mes ordres. De ce que j'ai pu voir, monsieur Walderner vous possédez une arme à feu, vous serez responsable de 9 groupes et monsieur Wuthmann en aura 10 sous ses ordres. Walderner, privilégiez les tireurs dans vos groupes et Wuthmann les épéistes. Vous organiserez les patrouilles, sachez que j'ordonne qu'il y ai toujours quatre de nos groupes en ville.
> Mais cela fait beaucoup monsieur...
> Je n'ai pas terminé monsieur Walderner, ne prenez pas l'habitude de m'interrompre sans quoi je vous ferez remplacer aussitôt, suis-je clair ? tonna Vassili avec un ton froid, sec et humiliant pour Benedict qui se mordit la lèvre pour ne pas rétorquer. Vous ne m'avez pas répondu Adjudant, ai-je été clair ? Insista le Lieutenant qui enfonça le clou dans la fierté de son subalterne.
> Oui Lieutenant !
> Très bien. Le second point que je souhaite mettre à l'honneur est la communication. Je dois être constamment mis au courant de ce qu'il se passe hors de cette base. Je compte sur vous ainsi que vos hommes pour remonter l'information au plus vite. Je vous ferez apporter à chacun un escargophone qui sera relié à ma ligne. Enfin, sachez que je suis quelqu'un d'exigeant. Je demande donc à vos hommes une obéissance parfaite et une prise en main. Certains n'avaient pas vraiment l'air en forme, supervisez des entraînements messieurs. La Marine ne peut se relâcher !

Les deux Adjudants hochèrent la tête avant de remercier leur supérieur pour la confiance accordée. Puis, ils échangèrent rapidement sur les autres missions à venir avant de finalement sortir de ce bureau. A peine la porte fermée, Benedict souffla tandis qu'Otto pesta.

> On tombe encore sur un connard... dis Benedict en serrant les dents. Non mais tu as vu comme il se prend pour un roi. Ce n'est qu'un Lieutenant merde...
> T'as raison, ils nous ont encore envoyé un péteux du QG. Il partira aussi vite qu'il est venu comme les autres de toute manière, répondit Otto en tentant de rassurer son camarade.
> Pff.. j'espère parce qu'il me tape déjà sur le système celui-là !

Les deux amis discutèrent encore longuement en marchant jusqu'à ce qu'ils rejoignirent leurs hommes dans la cour. Assez rapidement ils découpèrent l'unité en 19 groupes équivalents et leurs expliquèrent la nouvelle manière de fonctionner qui serait la leur. Désormais Inari allait connaître la méthode Vassili Joukov. Enfin, 8 soldats furent choisi par Benedict afin de se rendre au bureau du Lieutenant. Une fois que les répartitions étaient faites, il ne leur restait plus qu'à débuter leurs patrouilles. Ainsi, les deux Adjudant choisirent chacun deux groupes pour partir en ville et assurer la protection des citoyens. Enfin, c'était plus pour l'image de la Marine que réellement pour un aspect défensif.

Vassili savait qu'à cause des soucis d'effectifs, les soldats avaient le moral dans les chaussettes. Aussi, cela se voyait dans leur comportement et forcément la population s'en rendait compte. Ceci étant tout à fait inacceptable pour le blondinet, il jugeait alors primordial que le peuple voit en la Marine une institution forte et inébranlable. Ce n'était pas une mince à faire mais le Lieutenant s'engageait à ce que ce soit le cas d'ici peu. Ensuite, réorganiser les soldats afin d'avoir un meilleur contrôle sur eux lui était primordial. Assis, bras croisés, Vassili se poussa en arrière afin de pouvoir récupérer quelque chose dans le tiroir qui se trouvait au niveau de ses jambes. Sans fouiller, il en sortit un plateau en bois. Carré, il s'agissait d'un plateau de jeu d'échec de bonne qualité. Puis, il récupéra un petit pochon de tissu. Désormais, il avait ses pions.
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Les équipes étant faites et les ordres distribués, Otto ainsi que Benedict se séparèrent pour vaquer à leurs occupations respectives. Tandis que le premier décida d'organiser une première session d'entraînement dédiée aux bretteurs, le second prétexta devoir faire de l'administratif pour prendre ses distances. Sous son faciès amical, il n'en demeurait pas moins quelqu'un de secret. Nul n'aurait pu dire être l'un de ses amis intimes et cela l'arrangeait bien. Une fois qu'il eu pris ses distances, il pris la direction du bureau de Yoshi Baresta, le Colonel d'Inari. L'air de rien il avait arpenté les couloirs de la base et était même passé devant le bureau du Lieutenant devant lequel les 8 soldats venaient d'arriver. Il leur fit un léger clin d'œil sans s'arrêter et poursuivit jusqu'au plus haut gradé de l'île. Toquant à trois reprise, il fut invité à rentrer et s'exécuta aussitôt.

> Colonel, j'ai quelques informations pour vous, débuta-t-il  sobrement. Le Lieutenant Joukov me paraît être un emmerdeur, sauf votre respect. Très carré, il pourrait être un fouineur. Par chance il a demandé à ce que 8 de nos hommes lui soient directement affecté. Je les ai donc moi-même choisi et ils se pensent tous investie d'une mission d'espionnage à l'égard de cet étranger. Une mission, qui une fois accomplie, leur permettrait un immense pas en avant dans leur carrière ainsi qu'une belle somme d'argent. Ils sont fiables et pour nous informer continuellement des intentions de ce foutu officier, enchaîna l'homme aux lunettes avec un brin de frustration dans la voix.
> Doucement Benedict, tu m'as l'air quelque peu agacé... Je te remercie de ta dévotion et les initiatives dont tu as fait preuve sont remarquables. Il ne nous fera pas d'ombre et ne viendra pas troubler la tranquillité de cette île, je te l'assure Benedict.

> Colonel, mais si il découvrait les quelques rumeurs qui ont circulées et qu'il cherchait la vérité dans tout cela ? s'inquiéta Benedict qui semblait très impliqués dans cette étrange affaire.
> Alors il ne trouverait rien, voyons Benedict, tu le sais bien pourtant, rétorqua le Colonel à la chevelure d'argent avec beaucoup de sérénité. Reste sur tes gardes et préviens moi des faits et gestes de ce Vassili Joukov !
> Oui Colonel, fit Benedict avant de s'en aller.

Seul dans son bureau, Yoshi regarda le dossier de Vassili qui consistait en quelques feuilles volantes. Il y voyait un homme ambitieux qui n'était rentré dans la Marine que très récemment et dont l'avancement avait été assez rapide. Pourtant, il n'en fut pas pour autant inquiété, après tout un élément lui laissait penser que tout cela n'était que de la poudre aux yeux. Le blondinet semblait effectivement avoir reçu quelques coups de mains indirects pour devenir officier.

> Joukov... Alexeï Joukov avait donc eu un fils. Et bien, plutôt rare que l'on accorde un coup de pouce à un homme qui n'a pas connu son père, mais bon, quand on a le même nom qu'un héros ça peut se comprendre. Vassili, tu n'es donc qu'un fils à papa, je te le dis tu ne viendras pas troubler l'ordre des choses à Inari, se raconta le Colonel pour lui-même, les yeux rivés sur ce maigre dossier.

Son regard fut assez vite attiré par une information non dénuée de sens : test physique - exempté. Confortant Yoshi dans l'idée que le jeune officier n'était qu'un pistonné, il rangea les feuilles dans une chemise cartonnée qu'il plaça dans l'un de ses tiroirs. Pour lui, Vassili n'était donc pas une menace et c'était déjà quasiment une affaire classée. Comme si de rien n'était, il poursuivit en exécutant les tâches journalières inhérentes à son poste. Le Colonel ne craignait pas pour son secret, il souhaitait juste être prudent comme toujours. Lui qui avait pu atteindre ce poste de Colonel grâce à l'aide d'une secte qui évinça ses concurrents, il ne souhaitait pas que l'équilibre chancelant de cette situation soit brisé.
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Le lendemain matin, alors que les hommes portant l'uniforme bleu et blanc s'apprêtaient à débuter leur patrouille, Vassili pointa le bout de son nez. Il poussa la porte de la salle d'armes où tous prirent les leurs et s'imposa pour leur plus grand malheur.

> Adjudant Wuthmann, je vous accompagnerais pour la matinée afin d'observer le parcours et vos méthodes, annonça-t-il comme une malédiction qui frappa la dizaine d'homme qu'il allait suivre. Je veux voir le terrain de mes propres yeux.
> Bien entendu Lieutenant, nous vous escorterons et vous montrerons la routine d'une patrouille, expédia Otto sans fioritures.

Une fois qu'ils furent tous prêt, le petit groupe de 12 soldats pris la direction de la ville. Ils se réunirent tous dans la zone de la place principale qui leur avait été assignée la veille au soir. Tandis que l'officier écoutait en retrait, il vit comment Otto fonctionnait. Ce dernier fit des groupes de deux et leur ordonna d'aller patrouiller dans les environs sans plus de précisions.

> Attendez soldats, intervint Vassili qui n'avait pas apprécié cette manière de gérer l'effectif. Adjudant, votre commandement laisse encore à désirer. Voici ce que je préconise désormais pour l'ensemble de cette unité : vous ferez des groupes de deux et patrouillerez chacun dans des rues adjacentes. Comme ça, en cas de problème vous pourrez intervenir les uns et les autres pour aider vos camarades. Nous sommes en sous-effectif, évitons de disséminer nos forces bêtement, expliqua-t-il sèchement. Irritant Otto qui se sentit blâmé, cette approche stratégique lui sembla pour autant plus logique que celle qu'il utilisait jusqu'à présent.
> Très bien Lieutenant, vous avez entendu, exécution ! ordonna-t-il pour disperser ses hommes.

Finalement, Vassili et Otto se retrouvaient seul. En tête à tête ils échangèrent quelques mots courtois tout en arpentant la place que l'Adjudant fit visiter à son supérieur. A la merci d'une attaque, il n'en était pour le moins attentif à tous éléments sortant de l'ordinaire. L'officier était sur ses gardes, évoluant en terre qui lui était inconnue. Inari était une île assez étrange pour lui. La religieux, qu'elle quelle soit, était élevée au rang suprême de la société. Bien que Boru Bodur n'y était plus rattachée, cette particularité subsistait malgré tout, étant profondément ancré. Les boutiques regorgeaient de livres ésotériques et les bars portaient des noms mystiques. Nombreux étaient les religieux en toges ou encapuchonnés qui déambulaient et cette ambiance déplaisait fortement à Vassili. Après tout, comment pouvait-il identifier les intentions des individus lorsque ceux-ci se dissimulaient derrière des vêtements si enveloppants. Chaque instant confortait le blondinet qu'on l'avait mis ici pour le tester. Une sorte de bizutage de très mauvais goût servant certainement à en décourager plus d'un. Mais bon, lui n'était pas de cette trempe.

> Adjudant, entendez-vous cette cacophonie ? demanda-t-il à son second qui semblait perdu dans ses pensées.
> Heu non Lieutenant, où ça ? fit-il, surpris.
> Là-bas, rétorqua Vassili en indiquant la provenance du vacarme, monsieur Wuthmann ne me décevez pas s'il vous plaît et soyez plus attentif désormais, lança-t-il acerbe au brun à lunettes.
> Oui Lieutenant...

Ils prirent alors la direction de l'origine de ces cris, une taverne comme on aurait pu s'en douter. Une table vola alors par une fenêtre et vint s'écraser aux pieds de Vassili qui fronça alors les sourcils. Otto ouvrit la marche en entrant en trombe dans ce temple pour ivrogne avant que le Lieutenant n'entre à son tour. Maculé de blanc, ce dernier contrastait parfaitement avec la saleté qui régnait en maître dans ce lieu miteux. Le sol collait, la lumière peinait à entrer temps les carreaux étaient sales et les meubles foncés assombrissaient l'intérieur.

> Oh, oh, c'est Otto le binoclard ! ricana un homme assez costaud.

Sans le moindre bruit, Vassili avança jusqu'à se positionner à portée du colosse. Fier, dédaigneux et froid comme à son habitude, il arborait son épée à la ceinture qui ne laissa pas grand monde indifférent.

> Je suis Vassili Joukov, le nouveau Lieutenant de la 74ème Division. Avant que je ne m'emporte et ne vous fasse tous emmener à la base je vous prie de mettre fin à ceci. Mon second, l'Adjudant Otto Wuthmann n'a pas à subir votre irrespect. Si vous partez sans un bruit je passerais l'éponge et vous ressortirez de cette taverne lib... tonna le Lieutenant avant de prendre un violent coup de poing en estomac qui lui coupa net le souffle.

Soulevé par l'impact, Vassili s'effondra aussitôt. Dans les vapes, il ne voyait plus que des tâches colorées et ressentait une affreuse douleur dans l'abdomen. Puis, pris d'un spasme il se mis à vomir de la bile sur le plancher déjà souillé du bar. A quatre pattes sur le sol poisseux, voilà une scène qui rendit hilare tous les ivrognes. Le Lieutenant était bien loin de l'image qu'il pouvait transmettre habituellement. Rapidement, le mot "incapable" résonna dans l'esprit d'Otto.

> Qu'est-ce que vous êtes allés nous chercher cette fois comme guignol, Otto ? se moqua la brute en montrant son biceps à ses camarades riant aux éclats.

Malheureusement la suite ne se passa pas comme prévue pour ces rustres. Les autres groupes de soldats intervinrent et capturèrent les fauteurs de trouble. A la fin de la journée une seule chose restait dans les mémoires : le Lieutenant Vassili Joukov s'était fait ridiculiser par une petite frappe. Un événement qui ne manqua pas de rapidement faire le tour de l'île et surtout des soldats en poste. Tous eurent vent de ce "Lieutenant inutile" tel qu'on le surnommait. Les soldats s'en moquaient désormais et riaient dans son dos dès qu'ils le croisaient. Un coup dur pour Vassili qui était blessé dans sa fierté. En rage, il faisait de son mieux pour contenir ses émotions. Il ne pouvait se laisser submerger, même s'il mourrait d'envie de faire coudre toutes ces bouches, il en allait de son rang.
Le soir même il ordonna que l'on mène au peloton d'exécution l'ensemble des ivrognes qui lui avait causé tant de tords, requête qui fut refusée par le Colonel. Ce dernier avançant qu'il ne s'agissait pas des méthodes employés ici et bien que d'avoir frappé un officier fut jugé grave, cela ne méritait pas la mort. Cette équipe de fauteur de troubles fut alors assignée à des travaux forcés. Leur poste, s'occuper des ordures de la ville pendant une année entière.

> Alors, ta fierté tiendra le choc Lieutenant... murmura Yoshi qui avait éconduit la demande de Vassili avec pour seul objectif que de le traîner dans la boue. Briser son moral ne servait qu'une cause : faire partir le Lieutenant au plus vite d'Inari. Car après tout, avoir frappé gratuitement un officier dans l'exercice de ses fonctions aurait pu valoir le peloton d'exécution n'importe où. Restait désormais à savoir si Vassili allait surmonter cet affront ou pas.
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