À la maison. Le quai dans le dos, je m'éloigne du tohu-bohu quasi éternel de ce lieu. Le cri des mouettes, les marins qui chantent tandis que d'autres gueules, les passants et touristes qui rigolent et se plaignent des odeurs de poissons. Tout un beau monde qui se salut et s'ignorent. Tout un beau monde qui vaque à leurs occupations ou flânent en cette heure avancée de l'après midi.
Le soleil, déjà bas, laisse entrevoir ses premiers rayons orangés.
Moi ? En direction de la maison des vieux, je souris à ce vacarme, j'ignore le beau monde et réfléchis à la suite des événements. L'astre du jour salut mon retour en réchauffant mon dos tandis que je m'éloigne comme une vague au bord de la plage.
Je toque. Entre sans attendre. L'odeur d'une potée me prend les narines et le cri de joie de ma mère les oreilles. Nettoyant ses mains sur un tablier aussi vieux que le monde, elle se rapproche de moi et m'embrasse douloureusement les joues.
- Jane : Et bah mon p'tit ? Déjà d'retour ?
- Et oui, vous me manquiez trop.
- Serge : Arrêt' ton bar et dis plutôt quel mauvais vent t'ramène... Dis mon père du fond de la pièce, confortablement installé dans son fauteuil usé.
- Un truc qu'est plus de ton âge qui s'appelle les affaires... Tout en me rapprochant. Bonjour 'Pa.
- Serge : J't'en foutrais du plus d'mon âge . Salut fils. T'as fait bon voyage ? Me répond-il en me faisant la bise.
- Jane : Bon ! Willy, t'viens m'aider. On discut'ra tout ça à table...
Une fois à la table, potée et poisson, y'a des choses qui ne changent pas, dans l'assiette, le sujet est presque subtilement amené par la curiosité de ma mère. Alors je leur raconte mon départ, la traversée, mon arrivée sur l'île aux esclaves et la chaleur qui y règne. Je leur décris le quai, les gens, l'ambiance locale et certaines coutumes. Réaction outrée de ma mère en parlant des esclaves, haussement d'épaules et nouvelle bouchée pour le vieux...
Y'a vraiment des choses qui ne changent pas.
Les assiettes débarrassées et un léger digestif devant nous, je sens le regard inquisiteur du paternel. Il s'en cogne royalement des esclaves, de Souther et de mes rencontres. Il veut savoir pourquoi je reviens. Une poissonnerie. Il râle. Ma mère me demande des explications. J'explique. Il râle encore. Il n'y a que ça ici, c'est toujours la même rengaine. Pour cinq boutiques il n'y en a que deux qui s'en sortent. Avec les familles c'est pas une vie, ils prennent l'argent des travailleurs et ne laissent que les miettes. Y'a pleins de sans le sous et pendant ce temps la marine qui s'tourne les pouces etc etc. Le même discours depuis des années. J'y coupe net.
- Tu vas arrêter de te plaindre oui ?! Je n'te demande pas ton avis là. J'ouvrirai une poissonnerie que tu le veuilles ou non. Ma seule question est : voulez vous travaillez dedans ?... Me regardez pas comme deux poissons hors de l'eau... Vous vous plaignez depuis plusieurs années de tourner en rond. Alors je vous propose de venir travailler dans ma future poissonnerie... En tant que vendeurs bien entendu. Maman t'es douée avec les gens, Papa tu connais les poissons sur le bout des doigts. J'vous demanderez pas de transporter des caisses ou faire d'autres choses difficiles, je vais chercher quelqu'un pour ça demain... Vous en dites quoi ?
Comme il n'y a des choses qui changent pas, ma mère attend la réponse de mon père avec le sourire aux lèvres. Quant à lui, il fait tourner la fin du digestif dans son verre. Il rumine, lève un oeil dans ma direction puis vers ma mère et retourne au liquide.
- Serge : C'est d'accord à UNE condition ! Il te faut un bon comptable et je veux le vieux Touns.
- Touns ? C'est qui ?
- Jane : Oh, Erol... C'est un homme charmant malgré quelques problèmes d'audition, un spécialiste dans son domaine.
- J'ai pas vraiment le choix alors... Va pour ce Touns.
Dernière édition par William White le Lun 6 Sep 2021 - 11:04, édité 2 fois