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[Fb]Poisson & Poison

[Hors- RP: j'vous mets les liens de la boutique. Pour les pnj utilisé plus bas, ça peut aider.]


- Hey ! Faites attention un peu !  
- Ouvrier 1: On connait not' métier m'sieur White.
- Justement on dirait pas alors pas d'accrochage avant l'ouverture... Sinon je retire du salaire.  
- Ouvrier 1: C'est pas juste ça m'sieur White. On a trimé dur pour garantir les délais.
- Encore heureux. Ce n'est pas moi qui les ai fixé j'vous rappel !
- Ouvrier 2: Tsss, il fait chier l'gamin.
- Vous avez dit quoi là ?
- Ouvrier 2: Rien, rien.
...
- Ouvrier 1: C'est fini m'sieur White ! Alors, Z'en pensez quoi ?!

Je me retourne et découvre le dernier pourcentage du travail. Ayant supervisé les quatre-vingts autres pourcents, je ne me doute pas du travail réalisé. Mais... Putain de bordel de merde, ça fait plaisir à voir. Le travail est achevé. La boutique est fin prête à ouvrir ses portes. Manque plus que les poissons, la glace et, le plus important, les clients. Pour les deux premiers, aucune inquiétude. Les fournisseurs sont en places et les parents aussi impatients que des enfants devant une bonbonnerie. Pour les derniers, espérons que les prospectus feront le reste.

La devanture, toute de bois vêtue, a une certaine classe. Poutres apparentes, baies vitrées, entrée large sans compter le point culminant ; l'enseigne : "Âmes Sonneurs". Vous avez pigé ? Âmes sonneurs... Hameçonneurs... Le gars qui tient l'hameçon... Bon, si toujours pas, j'peux rien faire pour vous lecteurs de mes aventures. Allez acheter un dictionnaire - j'en ai à très bas prix si vous le souhaitez...


- Parfait les gars.  
- Ouvrier 1: Bonne chance pour demain m'sieur
- Ouvrier 2: 'vec plaisir.
- Vous rentrez de suite ?
- Ouvrier 1: Oui m'sieur.
- Allez, v'nez boire une chopine. C'est moi qui invite...
- Ouvrier 2: C'pas d'refus. T'en dis quoi Max' ?
- Max: Si c'est m'sieur White qui invite, j'en dis qu'j'en suis...

...

- Oh bordel... J'ai un d'ces mal de crâne... Il est quelle heure ?... PUTAIN DE MEEEEE...

La couette s'envole d'un mouvement sec et mes pieds touchent le sol avant même qu'elle ne retombe sur le lit. J'ai un haut le coeur mais haut les coeurs c'est le jour-j.
Je passe rapidement dans le salon, la cuisine, j'appelle les parents... Queuchi. Encore un coup du padre ça, à coup sûr. Tout ça pour pouvoir faire une reproche, bien son style. Passage éclair dans la salle de bain, coup d'eau sur la gueule, lavage de dents, utilisation immodérée du peigne d'Adam et go.


...

- Serge : Ah bah v'là le p'tit... C'va ? Bien dormi ?
- Mouais mouais ça va ça va. Vous auriez pu m'réveiller quand même...
- Serge : Pis quoi encore. C't'donnera une bonne leçon tiens.
- Mais bien sûr ! Et le poisson se met tout seul dans l'papier d'alu...
- Jane : Écoute ton père !
- Raaagh. * T'énerves pas, t'énerves pas... Respire, ouuussssaaaa, ouuussssaaaa.* -Bon ! On en est où ?  
- Jane : On attend plus que toi Willy.
- ...
- Serge : ...
- Jane : ...
- Ator : ...
- Bon. 'Pa, 'Man... Ici c'est William... Pas de Will', Willy, mon p'tit, mon p'tiot, ou quoi que ce soit... Il est où Touns ?
- Ator : Pas là.
- Merci beaucoup. Bon. Ator, on a une cargaison du BelAir, une autre de l'Harmony et un dernier du Vendetta. Tu t'en occupes ?  
- Ator : Yep.
- 'Pa, 'Man, je vous laisse installer le tout, moi j'vais aider Ator.  

...

Arrivés au quai, les cabestans montent et descendent au rythme infernal des arrivages. Les navires sont eviscérés de part en part déversant leurs flots de caisses remplies à raz bord. Leurs bouches degueulent des tonnes de kilos de viandes, des bars, saumons, cabillauds, harengs, morues, araignées, langoustes, anguilles, anchois, merlots et je passe nombreuses pièces de choix.
Ator s'active, récupère notre approvisionnement, le place sur notre chariot et on recommence. Plus ou moins lourdes, elles s'amoncellent sur notre moyen de transport basique. On fait l'aller. Déchargement du tout et c'est reparti.
La sueur coule le long de mes tempes. Elle s'infiltre sous mon col et glisse sur mes omoplates avant d'imprégner la chemise... Vivement que je n'ai plus à faire ça.


- C'est bon ?
- Ator : Yep.
- Bon bah... C'est reparti.
- Ator : Ouep.

Le coeur et le chariot léger, on accède au dock. l'Harmony sur le quai, je salue le capitaine et certains matelots que je connais de proche ou de loin. Je discute rapidement avec les uns et les autres tandis que mon employé entame le chargement. Un petit coup d'oeil, je vais quand même aider aux dernières boîtes.
Tandis qu'on retourne à la boutique, plusieurs badauds nous barrent la route.


*Putain mais barrez vous cons de mimes !*

-Hey toi ! Ouais toi ! Bouge du chemin ou viens prendre ma place. J'te paye 5.000B !



Dernière édition par William White le Lun 6 Sep 2021 - 11:05, édité 1 fois
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Objectif, retour sur la mer du nord, mer natale. Je me suis surpris à ressentir un certain soulagement, tout à l’heure, quand enfin le navire a quitté South Blue. J’y étais allé pour sauver ma peau et amasser la thune nécessaire pour rembourser ce que je dois à ce fils de chien de gros empoté de Bambana. Maintenant que j'emprunte le chemin du retour, berrys en mallette, je remarque à quel point c’était stupide de fuir.
Ils m’ont bien ravagés la tête en faisant sauter la cervelle de Talia juste sous mes mirettes, ça m’a foutu un sacré coup. La panique et le choc émotionnel m’ont poussé à agir instinctivement, et mon instinct à ce moment-là, il voulait que je décarre loin de Manshon. Loin du crevard qui a appuyé sur la détente, du fumier qui tenait le pistolet.
J’ai les idées plus claires désormais, ‘fin aussi claires que c’est possible quand on passe son temps à picoler et fumer de l’opium. La fuite est terminée, l’option trouillard et docile s’arrête là. L’heure est venue de rendre les coups, avec les intérêts. Et croyez-moi, après autant d’années passées à servir cette pourriture de Boule de Billard, l’addition va être salée.

Trois coups contre la porte en bois de la cabine, signal que le navire est aux arrêts, on y est. La voix du vieux pêcheur résonne au dehors, les consignes fusent et les matelots s’activent. Ils s’arrêtent jamais sur ce genre de rafiot, ça trime comme jamais pour un salaire de misère, j’ai l’impression d’être un vrai escroc à côté.
Ils vivent d’une vie honnête qui leur permet tout juste de se nourir et payer un toit pour femme et enfants, alors que moi je m’en fous plein les poches pour tabasser des pauvres types voir pire, les liquider.
C’est la triste réalité de ce monde vicié jusqu’à la moelle, seules les véritables ordures peuvent s’en sortir convenablement.
Se contenter d’être un gentil petit garçon n’a jamais rien donné de bon, c’est que des conneries.

A peine deux pas sur le pont que déjà, cette foutue odeur de poisson me rentre dans les narines, m’arrachant une grimace. J’ai cette envie de gerber qui revient, remue l’estomac et menace de remonter jusqu’à la gorge. Bordel je sais pas comment ils font pour supporter une telle puanteur, c’est infecte.
Remarque, est-ce que je peux vraiment faire ma petite nature alors que je respire le macchabé régulièrement ? Je suppose que c’est comme tout, à force de pratiquer on finit par s’y habituer.
Le port est pris dans une vague d’agitation, chacun s’occupe de débarquer sa marchandise, la récupérer, la charger sur les chariots puis de foutre le camp jusqu’à la boutique.
Je reste planté au milieu du pont, m’allume une clope avant de me perdre en contemplation. Je crois que au fond de moi, j’envie tous ces gens. Ils vivent mal, mais ils dorment bien. J'aimerais être plus comme eux et moins comme moi, avoir l’esprit léger.
Inhalation de fumée, l’effluve de l’opium mélangé au tabac se répand un instant dans l’air autour de ma fiole avant d’être balayée par la brise. On râle dans mon dos, j’ai l’air de faire chier les bosseurs à me foutre comme ça dans le passage.
Il est temps de se bouger le derche.

Quitter le navire pour gagner le plancher des vaches, du moins du ponton dans un premier temps. Clope au bec, dextre dans la poche de mon long manteau sombre, senestre qui tient la précieuse mallette. Je ressens plus de gêne au niveau de ma cicatrice, la blessure a eu le temps de se refermer complètement. Saloperie d’Abu Dhabi, j’ai bien failli y laisser la peau.
Je me faufile entre les marins agités et les citoyens de Poiscaille qui s’affaire à réceptionner leurs commandes. De ce que m’a raconté un des gars bossant sur l’Harmony, cette île tourne essentiellement autour de l’industrie de la pêche. Pas étonnant quand on voit le nom qu’ils lui ont filé.
Pas grand amateur de pêche, ni de poisson, je suis pas venu me lancer dans un nouveau commerce, mais me poser quelques jours pour élaborer le plan.
Le plan du grand nettoyage.
Je pouvais évidemment pas revenir la fleur au fusil sur Manshon, embrasser le gros cul graisseux et crasseux de Bambana et demander pardon, en lui tendant la mallette pleine de huit millions de berrys. C’est ce que l’ancien Peeter, le paumé et dépressif, aurait fait.
Le Peeter uniquement dépressif lui, revient pour remettre de l’ordre dans cette ville merdique, lui redonner un peu plus de couleurs. Mais avant de s’attaquer à Antoni Caesar et sa famille, y’a une chose que je dois faire.
Rendre la balle qui a troué le crâne de Talia à son propriétaire.

Hey toi ! Ouais toi ! Bouge du chemin ou viens prendre ma place. J'te paye 5.000B ! C’est bien à moi qu’il jacte le mioche, pas d’erreur. M’a l’air un peu jeune pour la ramener comme ça, mais je passe. Il me propose de la thune pour prendre sa place, cinq milles.
Je lui lâche un sourire en coin, amusé de la proposition. Sans être prétentieux, cinq milles ça équivaut à de l’argent de poche pour moi. Je coince ma clope entre les doigts, en tire une bouffée, le lâchant pas du regard, avant d’expulser le tout par les voies respiratoires. Je paye le triple et tu me laisses monter. Y'a le regard qui dévie un instant vers le bordel qui lui sert à transporter sa marchandise. Ta petite liasse de billets, j’en ai un peu rien à carrer tu vois. Par contre, si je peux éviter de marcher comme un vulgaire clochard jusqu’à chais pas où, là tu me parles.


Dernière édition par Peeter G. Dicross le Mar 1 Juin 2021 - 2:49, édité 1 fois
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Partir pour le grand continent, passant par le point rouge. J'aime le rouge. Ca me rappelle l'hémoglobine et la passion qui m'anime à casser des gencives. Ca fait longtemps que je suis retiré des affaires, et j'suis prêt à faire mon grand retour. J'suis paré à mettre le feu sur toutes les îles qui vont croiser mon chemin, juste parce que j'peux le faire, et parce que l'envie m'en manque pas. Un homme, un vrai, créer ses opportunités et ses besoins, il façonne le monde à son image, il se prend pour dieu. Un homme, un vrai, c'est pas simplement une paire de bras, et un appendice au milieu de ses deux membres inférieures. Non, un homme c'est une pensée, une idée, un concept. Il se doit de penser le monde dans lequel il vit.

La vie est dure, mais on l'est plus qu'elle. On se heurte, on s'entrechoque, mais c'est le plus fort et le plus endurant des deux qui gagne. Rien à voir avec l'intelligence, ou bien même la rapidité. Ce qui compte, c'est le panache et le beau jeu. Aplatir un carré d'as, alors qu'on pensait tous que t'avais qu'une putain de hauteur trois de carreaux. Parfois les choses les plus simples, sont pas les meilleurs. Le meilleur, c'est moi, c'est toi, c'est nous. Le meilleur c'est l'alchimie, la cohésion, le grand tout dans lequel vient s'écraser le petit rien. Le meilleur c'est l'émulsion entre les hommes, leur capacité à s'entendre malgré les difficulté, et les expériences qui diffère.

Aujourd'hui, premier arrêt, première arrête aussi. Poiscaille. L'homme qui sent bon le poisson, et la marée. Ou la dame qui se néglige, selon vos inclinaisons et votre idée qu'on se fait du parfum iodé. J'sens depuis la cale du navire qui me transporte, que c'est une île de pouilleux. Pourtant, j'suis un gars de la campagne, habitué à cotoyer les bouseux et leur bousin. Mais là, ils en tiennent tous une couche, partout des étales de poissons, partout des filets de pêche et ces satanés pipes qui fument, les bâtiments sont en bois, les rues sont en terre battue, les hommes quand à eux, sont de pailles. Et c'est pas qu'une façon de parler. J'soufflerai dessus que ça s'envolerait.

Alors j'marche dans la rue comme un conquérant, comme un Lion. J'suis le roi de la savane, et le chaland moyen le sait rien qu'en me regardant. Il le sent rien qu'à mon odeur de fauve, mes yeux électriques, et ma bouche garnies de crocs plus que de dent. J'pourrais en faire qu'une bouchée. J'pourrais tous les croquer un par un, et en avoir encore à me mettre sous le chicot, même que j'aurais pas celle du fond qui baigne.

J'fais pas attention au éclat de voix sur mon passage, que ce soit de l'indignation, ou bien de simple marchand qui font étalage de leur trouvaille. Tout ça, ça me débecte. Y'a une odeur que j'aime pas, un truc qui m'dérange dans cette ville sans nom. Enfin p'tet qu'elle en a mais ça m'est ressortis par l'oreille gauche en passant par la droite. Il paraît que je suis pas un type concentrée, mais plutôt à fort penchant cynique.

Moi j'dis que c'est la vie qui m'a forgé, et que j'fais avec ce que j'ai.

- Bordel, mais j'rêve ! Que j'dis dans ma barbe ...Bordel de cul, ça c'est une surprise. Que jdis encore, alors qu'une charrette s'approche de ma position. Je lance un appel de la main au mec qui se tient devant, mais le gars pane pas que c'est moi ou quoi ? Voyons Peeter G. Discross, tu devrais te souvenir pourtant !? Ptet que je t'ai trop assaisonné pour que t'en est envie remarque. En tout les cas j'reconnais bien la tes habitudes de t'coltiner des blanc bec et des moyens de gitans. J'cours dans sa direction, heureux d'revoir une vieille trogne de plus dans cette partie du monde.

- Hé ho de la charrette ! que j'fais en saluant, mais la charrette accélère le pas et me passe devant sans ambages. J'pique un fard et la poursuit avec mes grandes jambes, même que je fais trembler les étales et presque l'sol à chaque pas.

J'sais pas ou ils vont, mais j'ai du temps devant moi, et l'envie de revoir une vieille connaissance.

    -Le triple hein...
    Je jette un coup d'oeil à mon employé Alban qui, à son habitude, me répond part un simple haussement d'épaules.

    - Après tout, de l'argent c'est de l'argent... Vas y, monte. Moi c'est White, William White.

    Le gars s'installe sur une des caisses. Il pèse son poids le gaillard, putain de vêtements trompeurs. Les genoux pliés, les paumes bien accrochées, on force. Les roues du véhicule s'enclenchent doucement avant de prendre un rythme de croisière. Tandis qu'on avance à travers toute l'agitation du port, un homme, plus grand que la moyenne, plus musclé aussi et bien plus hirsute semble nous faire signe. Est-ce pour nous, pour moi (je doute), pour Ator (possible) ou encore le nouvel arrivant (il y a des chances) ?
    Bref, à la vue de sa carrure, je n'ai, au fond de moi, pas vraiment envie de la savoir. Chose certaine, il est, comme notre "ami" fumeur, pas du coin.

    À l'opposé, il y en a deux qui sont biens d'ici. Le premier est vêtu d'un imper beige des plus sobre et d'un chapeau marron clair. Le second, lunette de soleil, chemise à manches courtes aux motifs de dragons et bermuda kaki (mauvais goût).
    La quasi-totalité de la population locale les connaît. Les petits chiens des familles Keudver et Portdragon...
    Des marins aux commerçants, en passant par les poissons, tout le monde sait que leur présence n'est pas de bonne augure. Cela dit, ce ne sont pas les seuls à inspirer cette aversion et transpirer la corruption. Une bonne partie de l'île est soumise à ces esclavagistes des temps modernes. Au moins Calvin Southern, de l'île aux esclaves, ne se cache pas derrière des lois et faux semblants.
    Note à moi même : Ceux qui respectent le règlement ne le respecte pas correctement...

    Depuis le début de la matinée je guette. Depuis la récupération des produits de l'Harmony, je sais qu'ils sont là, quelque part à épier. J'ai cette sale impression de poids invisible sur les épaules, qu'on m'observe et surveille.
    Depuis notre arrêt soudain et la prise du passager clandestin je les ai remarqué. Soit, ils ne s'attendaient pas à ça. Soit, ils font exprès de se mettre dans mon champ de vision.
    Ce qui est certain c'est que les ennuis vont commencer (ça, je m'en doutais). Et l'autre mastodonte qui nous suit tranquillement... Bordel de merde. J'suis même pas encore totalement rétabli de ma cuite d'hier.

    Mon établissement flambant neuf se dessine au bout de la rue. Devant l'entrée, je découvre ce bon vieux Touns, aussi dur de la feuille qu'un tabouret, discutant avec mes vieux.
    Coup d'oeil de mon père à notre approche, je lui réponds d'un signe de tête et de main pour le faire rentrer dans la boutique. Il peut être chiant voir piquant sur certains principes mais il n'est pas con et comprends la situation. À mon avis, il a vu les deux caniches aussi. Il attrape ma mère pas la main et entraine le comptable par l'épaule vers l'intérieur.
    J'arrête là charette à une bonne vingtaine de mètres de l'entrée. Les deux voyeurs se rapprochent, je plonge une main dans ma poche gauche et y attrape une pièce. Ils m'encerclent.


    - Fin du voyage, ça fait 15 000 Berrys.
    - Caniche 1: Alors alors William... On nous fait des cachotteries ?
    - Dino ! Toujours le même manteau limé à ce que je vois...
    - Caniche 2: C'est pas correcteuh ça. Tu le sais bien euh...
    - Bruke... Toujours pas tué par ta patronne pour mauvais goût ?
    - Dino : Pas besoin d'être médisant mon p'tit William. On est là entre amis et tu sais pourquoi on vient, non ?
    - Non, éclaire moi de tes lumières...
    - Bruke : Fais pas le malin-euh petite merdeuh.
    - Dino : Tu sais bien que la ville est dangereuse Will'...
    - William.
    - Dino : La ville est dangereuse WILL' ! Ca serait bête qu'une broutille arrive à ton échoppe ou... À toi...
    - Burke : Bah ouai euh, faut payer ta part comme tout l'mondeuh.
    - Les gars... Vous me connaissez non ?... Vous savez bien que vous pouvez allez vous faire foutre !

    Regard mauvais et grimace des deux escrocs. Je sors ma main cachée de ma poche. A l'intérieur de celle-ci, une pièce de 25 berrys coincée entre mon index, le pouce et le majeur. Mouvement sec, l'objet part en ligne droite dans les lunettes de Bruke. A l'impact, les verres explosent en plusieurs morceaux forçant chemisette à prendre sa tête entre ses mains.
    Profitant de l'effet de surprise, je me précipite sur le second, Dino. Un sourire à la commissure des lèvres, il accueille ma venue par une mandale au coin de la gueule. Le choc me fait basculer en arrière jusqu'au chariot sur lequel je me rattrape de justesse.


    - Dino : Willy Willy Will'... Ce n'était pas très réfléchi tout ça...

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    Bien sûr qu’ils acceptent, l’argent ça se refuse pas. Même quand t’es déjà plein aux as, c’est un besoin humain que d’en amasser toujours plus. Par contre je me demande si chez moi la connerie c’est innée, non parce que payer pour embarquer sur une charrette pleine de poissons, c’est vraiment pas futé.
    Je tire la tronche à peine le panard se pose sur une caisse, encore cette odeur dégueulasse. Je sais pas vraiment ce que j’avais dans la trogne en passant ce marché, que mes narines allaient pas renifler l’effluve dégueulasse de la poiscaille entassée en masse ?
    Ronchon, je fais pas trop gaffe à la route qui commence à défiler au rythme de l’embarcation qui déroule, jusqu’à ce que cette putain de voix m’arrache un frisson. Hé ho de la charrette, qu’elle dit cette voix. Je manque d’avaler la fin de ma clope tandis que mes yeux ouverts en grand se posent sur l’énergumène.
    Bordel de merde, je le crois pas.
    Pas toi, pas ici, pas maintenant.

    Je me sentirais presque soulagé qu’on marque pas l’arrêt pour savoir ce qu’il nous veut, j’ai tout sauf envie de le découvrir. J’ai bien pigé à son regard qu’il m’a reconnu, mais je veux pas lui causer moi. Un gusse ordinaire aurait lâché l’affaire, mais pas ce gros singe. Non, bien sûr que non. Le v’là qui tape une course après nous, dans l’espoir de nous rattraper.
    Je pousse un soupir, consterné, cet enfoiré tape comme un mongole et c’est bien ce qu’il est. On dit pas de lui qu’il a inventé les dials, le salaud. Regardez-le éventrer la terre à chaque enjambée, maous comme un bœuf dirait un vieux boucanier que j’ai croisé lors de mon passage sur la mer du Sud. Si ce type me met la pogne dessus, ça craint.
    Tu connais ce type ? Que le gros bras à la tête bien marquée par les événements d’une sale vie me sort, remarquant que je bloque dessus depuis qu’on l’a croisé. Un peu que je sais qui il est, même si j’aurais préféré l'oublier. Euh, non… c’est juste sa fiole qui me dit quelque chose, la même sale gueule qu’un collègue de North.
    Oh, tu viens de là-bas ?
    Yep.


    Fin du voyage, que c’est annoncé. L’heure de racler quelques liasses, comme convenu. Je cherche pas à arnaquer les gens, c’est pas mon genre. Je pose ma mallette et commence à sortir les billets par petit paquet jusqu’à arriver au compte, que je file à leur nouveau propriétaire. On aurait pu se presser un peu le derche, par contre. Sourcils froncés, légèrement agacé. C’est qu’il nous suit encore, l’autre salopard de Judas.
    Pour l’heure, la préoccupation semble pas être le sauvage habitué au langage des poings. Y’a deux nouvelles caboches qui se pointent, elles attendaient l’arrivée de mes chauffeurs improvisés, en réalité. Je les ai repéré peu avant qu’on s’arrête, ils ont l’allure et la méthode typique des petites frappes du crime organisé. Je connais pas ce qui se fait par ici niveau famille et gang, mais eux, ils bossent pas de façon honnête, clairement.
    William a l’air de les connaître, d’ailleurs. Je dirais même que tout le monde ici a l’air de connaître Toto et Lolo. Les vieux ont filé se réfugier à l’intérieur, entraînant le troisième larron dans leur sillage. Quelqu’un va chier dans la colle, c’est certain.

    Spectateur, je me rallume une clope. Je sais déjà ce qui se trame, je pratique l’art de l’intimidation et du racket depuis si longtemps que je serai pas foutu de poser une date. Pas l’intention d’intervenir pour le moment, le binôme qui encercle le blondinet m’a pas l’air bien méchant, rien que l’autre armoire qui l’accompagne pourra pas gérer si ça tourne mal.
    Le petit a de la gueule et une bonne répartie, ça a le mérite de m’arracher un sourire. Il se laisse pas marcher dessus, c’est important de savoir défendre ses biens. Je me demande s’il cogne aussi bien qu’il envoie chier les gens.

    La pièce qui fracasse les lunettes du guignol en chemise me laisse sur les fesses, c’était sacrément bien visé ça. Et quelle force dans les doigts, la pièce s’est révélée aussi dangereuse qu’une pierre projetée au lance pierre.
    William White, t’as l’air de bien cacher ton jeu.
    Et de savoir encaisser les mandales, aussi, à en juger la beigne qui te repousse en arrière. Je mire ton collègue qui semble pas vouloir broncher, confiant qu’il est. Je suppose que c’est pas la peine de se salir les mains du coup.
    Je sens le Pater Pugilat débouler dans mon dos alors que j’expulse une bouffée d’opium mélangé au tabac, pile à l’heure pour l’amusement le salaud. Lui adresse un regard qui se veut pas franchement amical, sans être hostile. Le mot qui convient c’est blasé.
    Nouvelle inhalation de ce remède miracle contre les nerfs sensibles. Dix milles que Gueule d’Ange allonge les deux zigues. Puisqu’il est là, il peut bien prendre le temps de se laisser aller à un petit pari, le Pater, non ?
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    J'sens que je suis comme un cheveux sur la soupe. Personne veut que je sois là, et pourtant tu peux pas m'esquiver Peeter, tu me connais. Une fois que j'ai les crocs plantés dans ma proie, que j'ai un objectif en tête, je lâche jamais l'affaire. Pas la peine d'accélérer les gars, mon pas s'allonge manière de pas quitter la charrette des yeux. Et même si ça fait peine à voir de devoir s'incruster de la sorte, j'vais pas passer les quelques heures de repos sur terre prévu par le navire qui m'achemine vers Kikai, à rien foutre. En plus de puer le poisson, cette ville n'a pas l'air de prévoir de la détente pour les voyageurs, les auberges sont dégelasse, les devanture décrépie, et les boissons maigres. M'laisse porter par le vent, et suis sa direction. On verra plus tard à réfléchir aux conséquences de mes actes, mais pour le moment le spectacle est ailleurs.

    Quand j'arrive à hauteur de la charette qui s'arrête dans une sorte de hangar tout pourris, y'a deux types qui semblent pas jouasse, et qui se battent avec un petit blondinet. Y'a du bisbille dans l'air, le genre d'histoire qui parle de truand et de rackette. Le genre d'histoire trop vu, ou entendu, répétées des millions de fois sur l'île que j'ai quitté ; Manshon.

    Je m'arrête à la hauteur du Discross, qui m'exhale sa drogue sur le coin du museau. Heureusement j'suis pas du genre protocolaire, et je me fiche des drogues de toutes sortes, sinon ça aurait pû partir en cacahuète, cette histoire. J'aurais été pointilleux, qu'on se serait encore une fois foutu sur la tronche, mais au lieu de ça, j'affiche un grand sourire, content de voir une tête connue dans ce coin paumé des Blues.

    - Vous auriez pû vous arrêter, z'êtes pas sympa ... Que j'commence par dire, interrompu par la mise de mon homologue de Manshon, je lui tends une grosse pogne qu'il sert en la secouant comme un prunier. On s'entends sur une somme, et une condition de victoire ; Au premier sang, et quelques milliers de berrys parié. Le mec en a une pleine mallette, et sort une liasse de son attaché case, qu'il pose par terre devant nous. Paris tenue, le petit n'a aucune chance, t'as vu sa carrure nom d'une pipe ?! Que j'fais en rigolant. En vrais, j'me fiche un peu du résultat. J'me fiche un peu de perdre des sous aussi, parce que j'viens bientôt me refaire vitesse grand V sur le grand continent derrière RedLine. Roule toujours pour Bambana ou bien t'as ouvert les yeux ? Que j'lui fais tandis que ça bastonne sec de l'autre côté de la charette.

    J'lutte contre l'envie de m'en mêler, j'ai jamais aimé les combats inégaux. Mais bon, on a parier j'veux pas me mêler d'histoire qui me concerne pas, même si normalement, tout ce qui se fait de criminel m'regarde quelque part. Au bout d'un moment, quand j'vois que le petit à claquer les dents d'un des gars, je m'approche.

    - Eh, vous voulez pas le laisser un peu respirer ! Z'êtes pas fair play, on veut du duel de qualité nous, on veut du panache ! On veut du one one s'il vous plait ! Que je fais avec un grand sourire en joignant les mains, tandis que les deux racailles me regarde en ayant l'air de pas rigoler. Mais d'un autre côté, ont ils vraiment envie de se frotter moi ? J'leur rends quelques têtes, et j'ai pas l'air d'avoir peur. Deux ingrédients d'une recette qu'ils connaissent bien ; Le passage à tabac règlementaire.


      Les pognes sur le chariot, les effluves de poissons me remontent dans les narines. Le coup à la gueule et le tremblement des tempes me rappellent que je suis trop habitué à cette odeur marquante, unique en son genre.
      Je fronce les sourcils lorsque j'entends le béret à la clope m'appeler gueule d'ange. J'vais pour lui répliquer une petite cinglante sauf qu'une main rêche m'attrape par le col et me propulse en arrière. Mes pieds décollent, j'observe le ciel quelques secondes en trompe l'oeil avant de rouler sur le sol. Le choc, lui, ne trompe pas mon corps et les hématomes en devenir...


      - Oh tiens, coucou toi...

      Je récupère rapidement ma pièce qu'une volée me percute les côtes... Bruke vu les pompes en cuir de troisième démarque.
      La petite frappe au chapeau m'attrape de nouveau au cou (une manie, du fétichisme ou un protocole de racket ?), me soulève et me repose d'aplomb. Le second en profite pour frapper au même endroit avec son poing (protocole finalement). Soudain et inattendu, je ne me suis pas préparé et me plis en deux sous le choc pour finir à genoux. Bras repliés sur mon ventre, j'ai le souffle court et les idées qui fusent.
      Comment m'en sortir ? Faire le mort ? Continuer à répliquer ? Payer ? Non, je préfère me faire dérouiller. Dans tous les cas, ils reviendront. Ils ne veulent pas ma mort, ils en ont après ma thune actuelle et future, pour le moment tout du moins...

      Putain de bordel de ... Ils sont en train de parier sur le combat au lieu de venir m'aider ou de flipper. C'est qui c'est deux ahuris ? Pas un poil qui frissonne. Pas un brin d'étonnement. Pas un sursaut. Plusieurs réponses me frôlent les lèvres mais ce est pas le moment de les dilapider en veines paroles, j'ai d'autres caniches à fouetter. Ce qui est certain, c'est que le mastodonte détourne leur attention. Il veut du one one comme il dit, même si cela n'arrivera jamais, cela me permet une fenêtre de tir.
      La pièce tourne autour de mon index avant de quitter mes doigts comme un claquement de fouet. Rectiligne, sa trajectoire fini sa vie contre le genou de Burke. Autre type de claquement, son articulation semble tourner sur elle même et prendre une orientation indélicate. Stupeur des deux, surprise de l'un et douleur pour l'autre, ce dernier s'effondre sur le cul, jambe levée, et main autour de la zone d'impact.

      Deuxième fenêtre d'ouverture, je fonce, plutôt me propulse et me jette, sur Dino. Mon épaule vient rencontrer son ventre. Je force. Il recule. Tente de le soulever en appuyant sur mes mollets. Dressé sur la pointe des pieds, il s'équilibre de quelques bonds de ballerines en arrière.


      - Allez.

      Je lâche ma rage.

      - Vouuus.

      Je gagne encore du terrain.

      - Faaaire.

      Ses mains liées se dressent au zénith de notre lutte.

      - FOUTRE !

      Tandis que j'arrive enfin à le faire quitter le plancher des vaches, ses poings unis s'abattent entre mes omoplates et me font lâcher la prise. Je tombe une nouvelle fois à genoux et les paumes contre le sol. Je relève la tête. Seuls les sanglots hachés de Burke se font entendre. Dino se relève après avoir mis les épaules au sol. Ici, pas de compte à rebours ni d'arbitre frappant le sol. Tandis qu'il se rapproche, je le vois épousseter son manteau.
      La mine mauvaise, je le toise du regard, le souffle court et les muscles endoloris. Il sourit, mauvais présage ou signe d'amusement ? Je ne saurais le dire et m'en contrecarre. Il s'avance toujours, récupère son chapeau. Les pupilles fixées dans les siennes, Dino se met à mon niveau en finissant d'ajuster son couvre-chef et m'attrape le menton de sa main rocailleuse.
       

      - Dino: Si je m'attendais à ça mon p'tit Willy... Une colère noire ampli mon ventre et mon visage. - Ça suffira pour aujourd'hui. Nous repasserons. Rapidement. Ne te fais pas d'illusion.

      D'un mouvement jeté, il vire mon visage de ses doigts. Debout au dessus de moi, il sourit toujours de la même manière. Regarde autour de nous. Une petite foule s'est amassée. Je remarque quelques connaissances, des pêcheurs amis de mes parents, une ancienne petite amie.

      - Dino : Circulez, y'a rien à voir les bouseux ! Dernier regard à mon égard. - Cadeau de monsieur Portdragon...

      Son pied vient me faucher le côté du corps et me mettre définitivement au tapis. Cette fois, c'est moi qui ait les épaules au sol. Dans ma tête résonne un décompte fictif et le son d'une cloche...
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      Je relève pas le commentaire du Judas, parce que ça me surprend pas venant de lui autant que ça me donne juste envie de soupirer. Il est con ou il est con ? Je sais pas s’il s’imagine que j’avais envie de le revoir, ou même si cette pensée lui a effleuré l’esprit, c’est qu’il a un cerveau très tourné vers sa propre personne, l'animal.
      Au moins ce sera un pari facile à gagner, de quoi me rembourser la somme que je viens de lâcher pour le transport en charrette. Je lâche un sourire amusé alors qu’il me tape dans la main, nos pognes tenant quelques billets verts. Le petit pèse pas lourd vu comme ça, mais il a du potentiel, je l’ai vu allumer la tronche de l’autre mongole. Le problème avec cette brute hirsute, c’est qu’il se fie qu’à la musculature, le gabarit, la force pure. Pourtant, un gringalet peut facilement allonger un colosse avec la technique et la vivacité.
      Oui, ce que je suis en train de dire, c’est que j’aurai pu lui étaler la fiole il y a de ça quelques années si j’avais eu un poil plus d’expérience et de savoir faire. Là, il tombait juste au mauvais moment. Ou c’est moi qui me trouvait au mauvais endroit, je sais plus exactement.

      Je roule toujours pour lui, les yeux ouverts. Provisoirement, le temps de lui arracher les siens et de botter son gros derche graisseux hors de Manshon. Je crains pas de clamer ce que j’ai l’intention de faire une fois de retour sur North Blue, la vision que j’ai pour le dénouement de cette vieille, déchirante et longue histoire d’amour entre Bambana et moi. Et toi, qu’est-ce que tu fous dans le coin ? T'as finis par ronger la laisse de ton maître ? Je sais bien que ça va piquer son égo, c’est le but. J’ai toujours quelques mandales à lui rendre, j’ai pas oublié. Je veux surtout savoir où il en est actuellement, connaître sa situation.
      Quelques temps maintenant qu’on s’est pas recroisés, le sang a sacrément coulé sous les ponts, les choses ont changées. La ville n’est plus la même, elle ne l’était déjà plus à l’époque, un vent de révolte soufflait dans les rues. J’ai cru que ce serait suffisant, que la marine et la population parviendraient à nous débarrasser du crime organisé, quitte à finir le restant de mes pauvres jours à l’ombre. Raté.

      Comme le combat de Gueule-d’Ange, qui mord la poussière de façon admirable. Il a la hargne au ventre et l’envie de défendre ce qui lui appartient, de s’imposer. Je commence à tirer la tronche devant la tournure des choses, pense déjà à cette nouvelle somme que je vais devoir lâcher pour avoir misé sur le mauvais poulain.
      Judas y va de sa petite intervention, réclame du beau jeu et du duel. Il se permet de parler pour moi en plus, m’a jamais compris ce con. Je me suis jamais battu pour le beau jeu, je suis pas comme lui, je frappe pas pour le plaisir, parce que j’aime ça. Je cogne parce que c’est ma survie qui en dépend, qui se balance au bout de mes phalanges. Je me fous pas tous les soirs dans une cage pour affronter des peigne-culs enragés juste pour me taper une bonne barre, je suis pas un foutu dégénéré en manque de sa dose d’adrénaline. T’es au courant que tu t’aides pas là, hein ? Il offre un motif de distraction au binôme de simplets et c’est le petiot qui en profite, la riposte est aussi salée que le poisson qu’il vend.

      Le vent tourne et le pactole semble changer de main, à l’unisson d’un genou qui casse et de quelques pecnots qui s’amassent, alertés par l’agitation. Celui-là est pas prêt de se relever, chapeau. Y’a plus qu’à terminer le travail en -mais qu’est-ce qu’il branle ce con ? Il doit avoir pris trop de châtaignes dans les ratiches, de patates dans la carafe, y’a plus rien qui tourne rond. Tenter de se la jouer force de la nature avec son petit corps… contre un adversaire qui fait deux fois son poids minimum…
      Profond soupire, mallette ouverte, liasse de billets qui atterrit dans les pognes de Judas. Pas besoin d'attendre la fin pour en connaître l’issue. Une mise à mort. Le malabar à côté se fout de moi, content d’avoir gagné ce pari. William se fait rosser au sol, ce qui est amplement mérité vu sa stupidité. Le coup de latte sonne le glas du combat et le petit Willy en voit de toutes les couleurs, étalés dans la poussière.

      L’autre frappe de bas étage décarre et les curieux entament le demi-tour, seule une poignée de fidèles reste aux alentours, inquiets de l’état de santé du blondinet. Je laisse tomber la fin de ma clope et l’écrase de la semelle de ma chaussure, avant de me rapprocher du vaincu. Petit temps d’observation, quel idiot.
      Tu me dois vingt milles berrys, petit. Bien de sa faute si j’ai perdu, c’était mal joué de sa part. Ce type, si t’avais un peu plus de jugeote dans le crâne, jamais il te fait bouffer son panard. Il ira pas me contredire, pas maintenant. Ou alors c’est qu’il est plus con que ce que je pensais. Un regard adressé à la bête humaine qui se fait appeler Judas. Remue-toi et viens m’aider à le soulever, il a besoin d’un verre. Je sais pas s’ils ont ce qu’il faut à l’intérieur, mais c’est dans la boutique qu’on le traîne, pour l’y déposer sur une chaise. Le couple de petit vioques attendait dans le salon, la vieille avait anticipé les dégâts et sorti de quoi panser les plaies et soigner les blessures. Il va lui falloir une bouteille, la douleur passe mieux quand la cervelle est aseptisée.

      C’est le grand-père qui s’active, non sans grommeler des conneries que je bite pas d’ici. ‘Faut dire que je m’en cogne. Ce qui m’intéresse en revanche, c’est d’en savoir plus sur toute cette histoire. Clairement, ça sent la saloperie de profiteurs à plein nez, de la raclure qui joue les gros caïds pour extorquer de l’argent aux plus faibles, plus pauvres souvent, aussi. Le genre de magouilles qui ont le don de m’agacer.
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      Je rigole un brin, je ricane tout du moins. Ainsi, Peeter est maintenant comme moi, il a comprit qu'en ayant autant de talent, il est impossible de rester au service de ce genre de raclure qu'est Bambana ? Question rhétorique, pas la peine d'y répondre. J'hoche la tête, et je lui rappelle par la même que je connais bien cet enfoiré, parce qu'il a essayé de me tuer. Les cicatrices sur mon corps pour attester que plus d'un on essayer, sans jamais réussir, je lui réponds à sa provocation par : Je n'ai jamais eu de laisse, mon partenariat avec Timuthé est devenu caduque après son retrait des affaires, c'était pour lui que je bossais dans le milieu de Manshon, et pour rien d'autre. Mais j'ai l'impression que l'un de nous est encore enchaîné à son maître, que je lâche en revenant et regardant le combat se poursuivre, dont on touche bientôt la fin.

      Le petit gars à beau savoir se défendre, la supériorité musculaire et numérique le désavantage bien trop. Il se démène comme un beau diable, mais le paris m'empêche d'intervenir. Je me suis pris au jeu, ça, Peeter me connais assez bien pour savoir que je résiste pas à ce genre de petite distraction. Durant mon voyage, j'ai pu mirer que le fond de ma cabine, vissé dans mon lit à attendre. Faut dire j'ai pas trop le pied marin, même si ça me rend pas malade, j'suis pas bien utile à bord d'un navire tant qu'il 'ya pas de grabuge.

      Et le Queen's Looney, n'a eut aucune mauvaise rencontre durant son voyage. C'est la première fois que le sang coule en ma présence depuis des semaines. Et comme un requin dans l'eau, j'suis attiré par son odeur de fer. Elle excite mes passions, et mes premiers amours. Toujours pas changé sur ce point.

      J'hausse les épaules quand il me demande de l'aide, manière de dire "On aurait pu y aller plus tôt, quand même", mais je me doute que Peeter ne va pas laisser ce petit gars plein de courage dans sa merde. Il est du genre bon samaritain à ses heures perdues, le Discross. Un peu comme moi, mais en plus raisonnable j'pense que c'est pas bien compliqué à l'être. Judas n'es pas connu pour ses prises de parties faciles et négociable.

      Il va y avoir du sang qui va couler dans les rues de poiscaille, ça va être la grand bagarre générale, et si l'on essaye encore une fois d'embêter mes amis - quoi de mieux pour se rapprocher que de grandes claques dans la gueule, on va se frotter à moi. Et qui s'y frotter s'y pique.

      - Allez mon bonhomme, t'inquiète pas on va bien s'occuper de toi. T'as de la gnole quelque part, ça va te requinquer ça !
      Que je fais en prenant le blondin sur mon épaule, manière sac à patate mais avec plus de douceur quand même. Je le dépose sur une chaine dans le bureaux de l'entrepôt. Putain, ça pue le poisson c'est terrible ici.

      Je dois aller à la chasse au infos, mais la c'est plutôt la pêche en eaux troubles qui s'impose. Je secoue la tête en essayant de faire passer l'odeur poisseuse qui s'attache à mes sinus. J'ai horreur du poisson, suis plutôt un viandard dans l'âme. Mais c'est pas une excuse pour laisser faire, comme à leur habitude, les petites mains des grands hommes de Poiscaille. Je suis ici pour me reposer de mon voyage, et prendre un bain de foule, m'revoilà dans le grand bousin de la mafia locale, façon West Blue.

      Et apparemment ici personne m'connait. J'mesure ma chance tout en rongeant mon frein. S'ils avaient sût, ils auraient fait attention à pas me mettre en rogne. Le rackette, c'est pour les lopette. C'est un bon dicton, parce qu'il rime.

      - Alors mon gars, raconte nous tout, je crois que t'as besoin d'un coup de mains de deux gros bras qui ont pas froid aux yeux. Et tu en as deux devant toi, alors parle.


        Des boums et des bangs agitent ma face blessée.
        La vie comme un boomerang me rappelle aux jours passés,
        Sur l'île aux esclaves
        Et des gens qu'j'ai arnaqué.

        Sur l'épaul' du mastodont' j'm'entends ruminer.

        - Un pari est un pari, je ne payerai pas pour toi.
        Et tu peux m'casser la gueule
        Je n'en suis plus à ça près.


        Ils me déposent et j'vois mes vieux s'agiter
        Tandis que dans la brume on me sert un p'tit godet.
        Que je bois aussi sec
        Je n'en suis pas à un près...

        Un goût de fer se mélange au whisky pur.
        Est ce le revers d'une médaille de mes envies inavouées,
        L'éther comme un boomerang
        S'en est allé.

        J'essuie le coin de mes lèvres. La manche de la chemise est aussi sale que le cul d'un chien errant. Mélange de sueur, d'alcool et de sang. La question déguisée en affirmation résonne une nouvelle fois dans mon crâne comme le dernier coup d'assomoire de Dino.
        Les mains liées, coudes sur les genoux, je fixe le sol et d'une voix monotone, brisée par l'habitude je réponds :


        - Que j'vous raconte tout ? Si tu veux. Les deux gus que vous avez vu sont les dernières sous-merdes des Portdragon et Keudver.
        Vous avez vu les tonnes de marchandises et la gueule des lieux... Vous avez pas trouvé qu'un truc clochait ?
        C'est simple. L'argent va que dans un sens. Y'a 3 familles qui contrôlent tout :
        Petit 1. Les Portdragon. Lui il a la main mise sur la douane.
        Petit 2. Les Keudver. Elle a la direction de l'hôpital par des fonds cachés mais personne n'est dupe. Sa dernière lubie : les fermes marines.
        Petit 3. Les Malsoin. Eux ils choppent les miettes depuis que le boss a été envoyé en prison.
        Petit 4. Trois familles, quatre problème... Ça aurait été si simple. Le maire, enfin gouverneur. Il a remplacé l'ancien maire mais les choses n'évolue pas plus que ça. A mon avis qu'il est tout aussi corrompu que le premier.
        ...
        Vous savez tout.
        ...
        Putain de mafia légale...
        Et ils peuvent bien me briser les côtes, je ne payerai pas.
        Y'a pas de commerce sans profit. Sans profit y'a pas de plus value. Sans plus value pas de meilleur salaires et locaux. Pas de salaires et locaux, pas de main d'oeuvre et, sans main d'oeuvre pas de commerce possible.
        Tout ce qu'ils font c'est pomper la thune et en cacher la moitié sous leur oreillers...

        Si j'étais à la tête du commerce les choses seraient différentes ou, du moins, plus équitable.Tout le monde payerait une part dans ma guilde, certes, mais l'argent servirait à protéger les pêcheurs et être réinvesti...
        Alors je vais continuer à prendre des beignes autant qu'il faudra jusqu'à prendre leur place...

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        T’es gentil, mais parle pas pour moi tu veux ? Il me semble pas avoir dit que je voulais m’impliquer. Il cherche à m’embarquer dans ses affaires, le Judas. J’ai pas demandé à avoir un porte parole, ni même qu’un type prenne des décisions à ma place. Cette embrouille dans laquelle le blondinet s’est fourré, j’ai pas encore donné mon avis dessus ni décidé de quoi faire. Tout bonnement parce qu’on sait presque rien, à part que les gars aiment mettre la pression pour récolter l’argent qu’ils se pensent en droit de récolter.
        Putain de gangster qui valent pas un berry, ça croit avoir un peu de force en martyrisant les pauvres gens. C’est toujours comme ça avec cette vie qui te fais pas de cadeau, les plus forts écrasent et pressent les faibles jusqu’à ce que le jus en sorte plus, jusqu’à épuisement total et craquage mental. Je le sais bien, j’ai appliqué la méthode des années durant pour Bambana.

        Pendant que William raconte le topo, je me sers un verre dans un verre qui traîne là. Me semble propre, ça a pas l’air de puer le poisson à l’intérieur, un petit alcool fort me fera du bien.
        Les premiers noms sont lâchés, Portdragon, Keudver et Malsoin. Ca semble être le trio familial à la tête de l’île, ceux qui brassent les liasses de billets et laissent que des arêtes aux habitants de ce rade. Le petit bonus vient avec le gouverneur, qui tient son titre par la corruption plutôt que la compétence, ça aurait été con d’avoir quelqu’un de propre pour changer.
        C’est malheureux et à la fois pas surprenant de savoir que la merde brassée est la même pour tous. On a chacun son lot d’emmerdes et de misère à se trimballer, mais ‘faut reconnaître qu’il est souvent similaire.
        Je m’enquille le verre cul sec, picotement dans le gosier et brûlure où que ça descend, mais l’esprit qui s’apaise et s’éclaircit. Ce genre de choses a le talent de jouer avec mes nerfs, ça me frustre, m’enrage, me file la gerbe. Si je retourne sur North, c’est bien pour mettre fin à ces pratiques sur Manshon, mais je sens que je vais me faire la main ici.

        Le Padre peut bien attendre quelques jours de plus pour se faire saigner à blanc, y’a rien qui presse devant la mort. Mais avant de m’embarquer là-dedans, j’ai besoin d’étudier un peu le bonhomme, savoir à qui j’ai affaire. M’assurer qu’il est pas en train de se foutre de nous avec son histoire de commerce équitable.
        Ils ont dit qu’ils repasseront, attendons de voir le prochain passage. Les têtes acquiescent, les esprits s’apaisent, en accord avec l’idée que je viens de soumettre. Laissons le couple de guignols revenir jouer les gros durs, on verra à ce moment-là si on leur roule dessus directement ou si on prend la peine de jouer un peu avec.
        On discute un peu, notamment d’un éventuel endroit où pioncer pour les prochains jours. Il me renseigne sur une auberge pas trop dégueulasse dans le coin, on se met d’accord sur une heure à laquelle se retrouver le lendemain. Je vais traîner un peu dans les environs, aider avec sa boutique en échange du repas, et faire un choix. Quelques dernières paroles échangées, les salutations basiques puis je fous le camp d’ici, pensif.

        ***


        Ça fait maintenant quelques jours qu’on est là, avec l’ami Judas qui se révèle moins con que je le pensais, finalement. Ce type, quand il vous cogne pas dessus comme un sourd est pas de mauvaise compagnie. Je sais pas vraiment ce qu’il fout ici, si c’est de la pitié envers c’tte pauvre famille ou qu’il y trouve un certain intérêt, mais il est là. Et je sais que ça va être un sacré poids pour faire pencher la balance en notre faveur. Ce type, c’est un peu l’équivalent du buster call version humanisée, si on peut vraiment le qualifier ainsi.
        Pour l’heure, je me dis qu’on se fiche de savoir ce qui se trame dans sa caboche, c’est bon de l’avoir avec plutôt que contre nous. Si je pense pouvoir gérer les hommes de mains des différents gangs de l’île, je sais qu’un autre tête à tête avec l’animal Pater Pugilat se solderait par une nouvelle raclée.
        Ma récente cicatrice se met à me picoter, nerveusement j’y passe une main pour gratter la plaie. Je la dois pas à Judas celle-ci, mais si ça avait été lui en face, je serai même pas debout aujourd’hui pour y repenser.

        Depuis la dernière visite de courtoisie, c’est plutôt calme dans les environs. J’ai mis la main dans la puanteur et le collant répugnant du poisson pour me fondre dans le décor, me faire passer pour un vulgaire employé. Au début c’était assez écœurant, mais j’ai fini par me surprendre à trouver ça apaisant, revigorant, presque.
        Dans le sens que ça fait du bien au cœur et à l’esprit que de bosser honnêtement, pour changer. De pas avoir du sang humain sur les mains, seulement de la poiscaille. D’avoir molesté ou refroidi personne pour faire tourner la boutique, de pas avoir causé de mal à un type que je connais pas pour améliorer un peu la sienne.
        Le travail est dur à la boutique, c’est jamais reposant de gagner sa vie honnêtement. Entre les différentes livraisons à faire, tout ranger, s’occuper de vider la viandasse de tout ce qui se consomme pas, y’a un sacré boulot qui demande de pas compter les heures. Et ça c’est qu’une partie du boulot.
        Mais je suis là.

        Tôt le matin parce que je dors pas beaucoup la nuit, pour changer. Souvent avec une gueule de bois des enfers, parce que j’ai picolé et me suis drogué à l’opium durant des heures pour étouffer mes démons, mes craintes habituelles, tout ce qui me hante. Fatigué, plus psychologiquement que physiquement, mais je suis là. A repartir au soir, souvent tard, après avoir bu plusieurs verres en récompense d’un travail bien accompli. Petite fierté qui reste un brin avant d’être balayé par les horreurs commises, un passé qui resurgit dès que je me retrouve seul face à moi-même, à rendre des comptes.
        J’aime bien

        Je sens que tout ce qui se trame autour est honnête, juste. William est un bon gars, de l’impression que j’en ai depuis que je le fréquente. Il me fait penser à moi quand j’étais dans la Marine, cette sale époque où j’avais encore des rêves.
        Petit gars ambitieux, avec un bon fond et l’envie de changer sa situation, de se sortir les doigts pour se mettre bien. Problème, le système. Et ça le blase un peu, tout cette injustice. Il prend les coups et fait le dos rond jusque-là, mais est-ce qu’il va avoir la force de tenir et de pas péter un plomb ? Moi j’ai pas su et j’ai mal fini, je veux pas qu’il lui arrive la même merde. Est-ce que c’est égoïstement ou par bonté de cœur que je pense comme ça, j’ai pas encore réussi à me fixer.
        J’ai peut-être simplement l’impression de faire quelque chose de bien et de vouloir le faire jusqu’au bout.

        ***


        Dino et Bruke se sont pointés à peu près au même moment que la fois d’avant, quand on revenait du port, le chariot dégueulant de vertébrés aquatiques.
        Bruke avec une nouvelle paire de lunettes, que j’imagine plus solide qu’un berry lancé pleine balle, et probablement l'œil encore fermé. Si par chance il réussit à le sauver. Il boite pas trop semble-t-il, son genou a l’air d’avoir bien récupéré, même si je sais déjà qu’il constitue un point faible chez lui. Pas impossible qu’on aille raviver la douleur si jamais ça part pas dans le sens que je le veux cette fois.
        Dino a cet air confiant du type qui est ressorti victorieux de son mano à mano et qui hésitera pas à retourner au charbon si nécessaire. Sûr de lui, confiant en sa force, c’est lui qui domine ici et rouster des blondinets, il connaît.
        La charrette marque l’arrêt et chacun descend dans le silence, pas de peur dans les mirettes, ces types impressionnent que les péquenots inoffensifs. William, je crois que t’as une revanche à prendre. ‘Faut le renvoyer jouer des poings, c’est comme ça qu’on apprend. Ramasser des beignes pour mieux savoir en distribuer, l’école à la dure.

        Me sors une clope opiumée tandis qu’il s’avance vers nos invités. Encore du mal à me dire que ce type a la trentaine, il fait bien plus jeune. Un œil à la bestiole barbue qui se tient pas loin de mes côtes. On se comprend sans jacter, pas question d’intervenir pour le moment, c’est son combat. T’en veux une ?
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        Moi, j'ai choisis la belle vie. Celle fait de sang, de sueur et de combats. Pas comme Peeter, qui semble se plaire dans son nouveau travail de poissonnier. Après, y'a pas de sous métier, mais c'est quand même sacrément gâcher du potentiel en haine, violence et cynisme. Moi, j'passe mes journées à me la couler douce t'crois ? Pas mon genre. A l'instar de Rafaelo pour ma trogne, j'deviens le maître en combat de William, et lui inculques les quelques bases qui me semblent le plus nécessaire à connaître avant d'aller au feu. On improvise donc chaque jours qui nous sépare du prochain combat, une sorte d'arène entre les caisses de poissons frelatés, pas plus puant que William après une séance avec votre serviteur. Il faut dire que j'y vais pas avec le dos de la cuillère, mon poulain, j'crois en lui. Il lui manque pas grand chose pour suivre le même chemin qu'moi, et savoir déblayer les chemins autant que les idées pas clairs dans la tête de ses adversaires.

        Un petit coup d'pouce, rien de plus.

        - Bon, voilà le plus important dans un combat, et la seule chose que tu dois savoir mon gars, c'est que celui qui impose son rythme, gagne. Pas compliqué hein ? j'ricanne, ça veut rien dire pour lui ce que je jacte, j'le sens bien. Un rythme ? J'me suis cru dans un concerto en la mineur ? Non, moi je t'apprends à laminer, nuance. Faut savoir que chaque être humain à son rythme. T'vois, Peeter, c'est un rapide qui a la niaque, son rythme est rapide mais pas trop appuyé à mes oreilles. J'le mire dans les yeux... T'vois ce que j'veux dire ? Toujours pas. Prend moi par exemple, j'ai un rythme lent, régulier, comme un tambour sonnant la guerre ... Et j'ai appris à dicter mon propre rythme, comme dans une chanson ou une danse, à mes adversaire. Tu m'suis ? J'crois qu'il a pigé.

        - Mais attention, l'rythme c'est ta base. Ton socle, tes fondations. On va déjà tenter de savoir combien de temps tu peux tenir face à un adversaire plus fort, plus entrainé et plus endurant. Allez, tu m'attaques et tu discutes pas ! Que j'lui fais, et comme j'ai continué à lui faire les trois jours de trêves imposées par les familles influentes de l'île. Après j'ai rien contre elle, ça s'en est passé pas très loin que je les laisse tranquille. Mais j'ai croisé des têtes connues, et j'ai toujours envie d'aider mon prochain. J'peux pas laisser des criminels à la petite semaine, marcher sur les plates bandes d'un bon gars comme Willy. J'ai tout d'suite envie de recadrer les chances, de rééquilibrer les débats, d'y mettre mon grain de sel.

        Quelque part, épicer cette histoire, c'est la seule raison de ma présence sur Poiscaille encore maintenant. J'ai passé un coup de fil au capitaine du navire, lui disant que notre route se séparait là. Bizarrement, il semblait soulagé. Moi, je m'en tamponne l'oreille avec un formulaire de Trovahechnik, le roi des crayons bien taillés, et des tampons bien tamponnés.

        [***]

        C'est sans surprise que Cortex et Minus se ramènent un jour de marché, le jour où le taff se fait le plus dru, et ou la monnaie pleut à foison. Je mire mon poulain, qui a plus fière allure que quelques jours plus tôt. Attention, j'peux pas faire de miracle en seulement quelque jours, mais j'espère avoir réussi à débloquer quelque chose chez lui ... Un instinct combattif, un déclic martial, quelque chose quoi ... Je lève les deux pouces en direction de mon élève improvisé, mon premier me dis-je avec une pointe d'émotion en toile de fond.

        Les hostilités commencent, proposition refusée, en venir aux mains semble être la seule option des deux zigotos représentant des familles nantis de l'île. Les insultent fleurissent, les mots se colorent, les mains de William monte en une garde simple, mais efficace. Je lui ai pas apprit bêtement des mouvements à reproduire. Non, j'ai d'abords essayer de discerner le mouvement naturel chez lui, avant de le corriger durement, froidement, avec une baguette de bois, dont il se souviendra longtemps. La badine... Mon amie pendant ses trois jours de formation accélérée.

        Une droite part en direction de Willy, qu'il bloque. Se concentrer sur l'essentiel : Prendre le moins de coups de possible, et en rendre un maximum. Quitte à souffrir, autant que ce soit de son propre fait, plutôt que de celui de ses deux crétins non ? Le deuxième entre en scène, surveillant du coin du regard qu'on intervienne pas, Peeter et moi. Pfeuh... Impossible qu'avec cette attitude il ... Voilà, le genoux de Willy frappe un nez qui se pointait un peu trop au vent, et pas assez à renifler le derrière du blondin. Il a attrapé la nuque de son adversaire, et en sautant, à fait sauter les vannes de l'hémoglobine contenue dans le tarin de l'autre mafieux de pacotille.

        - Vasy Willy, montre nous ce que tu sais faire ... Que j'souffle dans ma barbe, me rongeant les sangs comme une mère au match du petit dernier, et qui, prit à partis par la défense adversaire, doit défendre la balle contre des adversaires bien plus entraînés, et habitués à la violence que lui.

        Le combat se poursuit, le rythme qu'imposent les deux hommes de pailles, était quelque chose de répété, entraîné, recherché par les deux malfrats. Ils étaient fiers de savoir se battre comme un seul homme ... Un seul homme avec quatre jambes et seize doigts, pour autant de phalanges que nécessaire. Le petit peut pas lutter, même s'il réussit à s'immiscer dans leur ballet, il se laisse facilement surprendre et déstabilisé... Pourtant, le sang froid, c'est quelque chose d'inhérent à tout bon combattant ... Boarf, chacun ses aptitudes, j'aurais été incapable de faire tourner la boutique, et lui, lui il avait toute ses chances pour s'améliorer, une chance que nous donnait l'entité mystique dirigeant notre univers, chaque jours qu'elle faisait...

        Et a chaque jour sa chance, et à chaque chance sa peine, c'est comme ça que le monde tourne.

        J'ai hésité à intervenir quand je l'ai vu tomber, un peu trop raide pour que ce soit naturel, ou recherché. Mais on envois pas la cavalerie lourde, pour deux hommes de pailles, des simples peccadilles, des fétus que j'aurais pû dégager rien qu'en soufflant dessus.

        J'me tourne vers Peeter... Tu t'y colles ? Ou tu veux que j'en fasse des crêpes ? que j'fais avec un grand sourire entendu. Au fond de moi, cependant, la colère gronde, plus très loin d'me faire sortir de mes gonds.


          Cortus et Minex sont en face de moi.
          Peeter et Judas dans le dos.
          Pas d'autre choix, fait avancer. Faut dire que les deux larbins me font moins peurs que les deux autres. Alors, quitte à se prendre des beignes autant que ce soit eux. Et puis je n'ai rien contre les deux étrangers, bien au contraire. Par contre... Arrêtez de me foutre la pression là ! Je sens vos regards piquer mes omoplates.

          Je me mets en garde. Les gardes fous rigolent dans leur barbe rasée de près. L'atmosphère embaume l'After-Shave bon marché, ça me répugne plus que le poisson eviscérés.


          *Rappel toi, le tempo et le rythme. Rappel toi le tempo et le rythme... C'est parti !*

          Je bloque. Sourcil adverse qui se dresse. Un coup d'œil à gauche m'indique que Burke n'est pas attentif, trop inquiet de la présence étouffante des deux nouvelles gueules. Une occasion. J'arme mon bras, Dino se protège, changement de cible.
          Première allongée.


          - Hey !

          Deuxième allongée, je saute, m'appuie sur son point faible. Sa nuque dans ma main droite, j'éclate son pif, et ses lunettes au passage, d'un genou du gauche.
          Dino en profite pour attaquer, j'esquive autant que possible. Pas l'temps pour chopper une pièce, dommage j'aurais dû prévoir.
          Une mandale me fait vibrer le cervelet.
          Bordel de merde, j'peux pas avoir les yeux partout à la fois.
          Uppercut dans le foie de Cortex. Il tire une grosse langue couverte d'une pellicule blanche : dégueulasse. Occupé à tousser, je me reconcentre sur Burke qui entame son mouvement. Je bloque autant que possible, ses phalanges frappent mes côtes et me font grincer les dents.
          Pas de côté, encore un autre. Les deux hommes sont face à moi et s'éloignent, m'entourent, jouent de leur avantages pour m'envoyer paître.
          La colère et les coups me montent à la tête.
          Mes mouvements moins synchronisés, la rage au ventre je me précipite. Mon plat du pied accroche un cartilage et le remue aussi sec tandis qu'un coude se loge dans mon dos. Je roule, me redresse, un direct, aussi simple que bonjour, me caresse la mâchoire.
          L'horizon bascule tandis que je ferme les yeux tel une poupée articulée.

          Rien.
          ...
          ...
          ...
          Toujours rien.

          À mon réveil, un coup de gnôle dans la gueule me fait frémir et geindre de douleur. Foutue cicatrisation rapide. Le seul fait de déglutir me fait mal et, étrangement, respirer aussi. Aurai-je une côte fêlée ?

          Le brouillard de guerre disparaît peu à peu. Nous sommes dans un bar. À la table, Judas et Peeters ainsi que Sven un vieux pote d'école. Lui, son truc c'est l'alcool. L'alcool et la fête alors, pas étonnant qu'il ait fini comme chef barman d'un des seuls rades descent du coin. Avec ses cheveux verts et son complet blanc, il dénote quelque peu du décor.
          J'ai pas de souvenirs alors ils racontent. Enfin, surtout un :


          - Sven : Et bah Will'. Quand tu m'disais que tu ferais de grandes choses, si j'avais su... Pour l'instant tu te fais juste taper dessus... Tu vas y perdre des centimètres à se rythme là... Des centimètres et des chicos.
          M'enfin... Quelle idée t'as eu aussi de dire non ? Tu sais bien qu'il faut pas dire non aux familles.
          - Humpf.
          - Sven : Toi et la thune, une grande histoire hein. T'as d'la chance que les gens ont commencé à jeter ce qu'ils avaient sous la main. Ça a fait fuir les deux glandus.
          - Qu'est-ce que tu baves encore comme conneri-aie.
          - Sven : Arrête de gigoter. J'dis juste que t'as eu d'la chance qu'il soit tombé du poisson, des canettes et autres broutilles... À mon avis qu't'es dans la merde. Ca va pas plaire aux grosses têtes ça, ils vont devoir montrer l'exemple.
          ...
          Tu dis rien ? Ouep. Si j'étais toi, j'me barrerai d'ici presto pour pas finir dans le fond d'une ferme marine comme pâture aux poissons...
          M'enfin. Faut dire que vous vous tirez dans les cales entre pêcheurs. Regarde nous, on a un problème, BOUM, tous les barmans du coin rappliquent pour aider. Z'etes pas uni quoi... Après, moi j'dis ça... J'dis rien hein. Tu m'connais...
          - Ouep, toujours aussi bavard... Ca change d'Ator.
          - Sven : Mouhéhahaha. Bon. On va pas arrêter de s'amuser pour ça ! J'vous sers quoi ? Les amis d'Will' sont mes amis. C'est la maison qui paye. Une bonne tarte dans la gueule vaut bien qu'on s'en jette quelques uns dans l'gosier, non ?
          - C'est vous ou c'est moi qui m'en suis pris dans la tronche ?
          - Sven : Disons qu'on te laisse les beignes et on partage les verres mouhéhahaha !

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          Le regard désabusé, je zieute le blondinet se ramasser encore une fois. C’est dans la difficulté qu’on apprend, le Will’ doit avoir sacrément appris depuis que je l’ai rencontré. Je sais pas si c’est douloureux de le voir prendre des beignes, ou rageant de savoir que ce gars est le seul de ce foutu bled à se battre pour un avenir moins merdique. Je veux dire, quand plusieurs personnes te font chier et dictent une loi qui convient pas à la majorité, pourquoi la majorité prend pas les mesures nécessaires pour y remédier ? J’ai jamais compris le délire de fermer sa bouche en groupe, comme des grands, mains dans la mains, rongé par la peur.
          Surtout, je réalise à quel point je veux plus de ça. Quand j’en aurais terminé avec Bambana, le groupe que je monterai sur pieds fera en sorte de gommer les vilains défauts des gens. Ceux qui les étalent un peu trop sur la trogne des pauvres innocents, à tel point que ça en devient gênant pour les autres.

          Les deux mongoles, j’ai envie de leur péter le crâne façon Dicross chien fou, mais ça va attendre. J’ai les nerfs et les membres tremblants, je tire nerveusement sur la fin de ma clope en lâchant pas des yeux le deux contre un qui tourne au vinaigre, mais ne fait rien. Par respect pour Willy, qui a le courage de se battre pour ce qu’il veut et pour Judas, qui s’est cassé le cul à lui concocter un petit programme d’entraînement. Alors je ronge mon frein et espère que le poissonnier frappe fort et bien, pour s’imposer.
          Mais vous savez bien une chose sur mon compte, c’est que le karma se charge systématiquement de punir tout élan d’espoir. En v’là un autre qui se ramasse un mur en acier trempé plein fer, avec la chute du White dont le système à l’intérieur répond plus et un Judas à côté qui l’a mauvaise. Il veut savoir si je m’en charge, lequel de nous deux va se mettre aux fourneaux. Reste au frais mon vieux, va pas te froisser un muscle en tapant sur ces chiasses.

          La fin de ma cigarette tombe et le panard l’écrase à terre, l’éteint. Y’en a deux autres que j’ai prévu d’éteindre, ces petites raclures de bidet ancestral. Je connais l’ami à la tignasse de paille depuis peu, mais sa cause me parle, m’enflamme. J’ai peu d’intérêt pour tout en général et c’est rare quand je m’engage pour autre chose que ma poire. Et lui ça fait deux fois qu’il se fait soulever par la même pair de connards, ça me gonfle.
          Commence à m’avancer d’un air décidé, déterminé. Ils ont pas encore capté qu’un nouveau joueur allait entrer dans la ronde. Encore quelques mètres et les phalanges vont rougir, peut-être même saigner. Cette fois ma présence est relevée, ça se lance un regard pour savoir comment me réceptionner.
          Trois secondes de plus et une dorade bleutée s’écrase pas loin du binôme, qui fronce sourcils et guettent d’où ça vient. Bar, saumon, ordures ménagères vont rapidement rejoindre la dorade et provoquer une pluie de poiscaille assaisonnée aux détritus et chargée en ressentiment d’une vingtaine de personnes en colère et dégoûtées de voir ces deux enfoirés rosser un des leurs, le plus brave d’entre eux.

          Me suis arrêté, pour pas ramasser quelque chose sur la casquette. Pris une clope, allumée avec mon briquet et posé un regard vide sur les deux criminels. Ils sentent que la situation pue, du genre très fort. Foutez le camp d’ici, avant qu’il se mette à pleuvoir du plomb en plus du poisson. Un avertissement, une menace. Pas besoin d’en faire plus, l’acte de rébellion des locaux appuie déjà mes propos, a déjà commencé à faire cogiter les petits cerveaux des deux gusses. Ça baragouine des conneries, que ça restera pas impuni, qu’ils se sont tous foutu dans la merde, qu’ils repasseront avec de quoi tous les mater et les faire rentrer dans les rangs.
          Soupir exaspéré.
          Ce que ça peut en raconter de la merde, un ego froissé.
          Le lion de North me rejoint. On embarque le pionceur et on va se boire un coup ? Donne soif d’entraîner la jeunesse. Pas de réponse de ma part, mais il sait déjà que je suis favorable à l’idée.

          On jette notre dévolu sur un bar qui a juste assez de panache pour nous attirer dans ses filets. William l’Endormi chargé sur le dos du gaillard ténébreux, on fait irruption comme deux pistoleros dans un saloon sur l’île de Hat. Le gérant identifie immédiatement la chevelure dorée de notre camarade, vient nous trouver. Il est encore allé se mettre dans les problèmes, hein ? On s’installe à une table, dépose le colis. Je lui ai déjà dit et même répété pourtant, les familles elles rigolent pas. Ça me fait tiquer ce qu’il dit, ces foutues familles. Le distributeur de baffes avec moi grogne, on est d’accord. J’y foutrais le feu moi, à ces familles. Votre meilleur rhum et un cendrier.
          Le barman s’exécute, revient avec une vieille bouteille poussiéreuse qu’on sort que pour les grandes occasions. Se faire passer à tabac, c’en est une.
          On lâche brièvement nos blazes, explique un peu le bousin. Le type à la tignasse coloris algues grimace, compatissant pour les mésaventures de ce que je juge être son ami. Appelez-moi Sven, c’est respectable de votre part de veiller sur lui, il a le don pour aller remuer le fumier là où il devrait pas.

          Parlant de lui, il est temps qu’il revienne dans le monde des éveillés. Une chope dans la sénestre, je lui ouvre la bouche de la dextre et y déverse l’alcool jusqu’à réaction attendue. Judas ricane et c’est presque si la scène m’arrache un sourire, de le voir toussoter et retrouver ses esprits de façon prématurée.
          Les deux amis jactent un moment, sans qu’on sente l’envie d’intervenir, parce que la discussion est intéressante. Quand Sven propose de nous resservir, j’ai déjà claqué trois verres et autant pour le Pater, la bouteille a pris une claque et on dit pas non à un tonnelet de bière. Rhum et bière, une alliance respectable. Pendant qu’il va nous chercher ça en cale, on cause un peu. Je connais pas trop son merdier d’entraide entre barmans, mais il a raison. ‘Faut arrêter d’être con au bout d’un moment et vous aider, seul tu changeras pas grand-chose visiblement. C’est pas facile à entendre, je me doute, mais c’est la vérité. Tomber en bande sur des salopards ça a rien de déshonorant, c’est un juste karma. Quand tu veux jouer au con avec une population, tu dois te préparer à ce genre de trucs.
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          Quand je vois leur façon de faire, ça me met dans une de ses colères. La criminalité excuse pas le manque d'honneur et le manque de classe qui caractérise les adversaire de William. Pour moi ce sont des sangsue, l'genre d'animal qu'on a pas envie d'avoir sur soi, des gueules qu'on ne voudrait pas dans not' portefeuille. Pas qu'ils sont pas de la famille, ni du millieu, juste que s'acharner sur un type droit dans ses bottes, un gars tout seul, un gars qu'on aimerait avoir pour gendre, ça me met les nerfs en pelote. Puis s'agirait pas d'me prendre pour un mouton, non plus. J'suis plus du style loup dans la bergerie, prédateur sans vergogne et sans adversaire à sa hauteur dans cette partie du monde cependant.

          Vous inquiétez pas, je suis en route pour vous rejoindre et venir frapper la fourmilière d'une belle paire pointure quarante six.

          Néanmoins la voix sèche et rêche de feu mon camarade de jeu,  calme mes ardeurs de Conquisatador, arrivé en conquérant dans les environs, et qui ne souhaite qu'une seule chose : foncer dans le tas. Je suis son conseil en bridant la rage qui tenaille mon  ventre ; on se toise de loin avec les deux loustiques responsables du malheur de Willy, mais il est très clair qu'ils ont pas la main sur moi, et qu'ils auront jamais ; prudents ils détournent le r'gard et file à l'anglaise tandis que la foule se presse tout autours de nous, jusqu'à devenir opressante.  

          On se casse sur mon initiative. Direction le bar non loin de l'entrepôt -toute façon tout est proche de tout sur cette foutue île, et on commence à parler.

          Peeter essaye d'être rassurant, presque paternel avec le petit gars. J'sais pas s'il lui rappelle lui quand il était plus faible, ou un délire comme ça. Ou bien si c'est son inclinaison naturel à la bonté. Peeter et moi on cause la même langue, on se ressemble sur certains points. On est du mauvais côté de la loi par la force des choses, bien que moi ça c'est fait sans autant de violence que lui, on est pas des criminel dans l'âme. On est des vengeur, des mecs qui essayent de redresser les trucs tordus.

          Et dans le genre, on en à croiser des gars de traviole.

          - Encore deux leçons ou trois et tu leur feras leur sorts. T'as vu comment tu leur as envoyé de ses punchs... Papapapa ça a volé comme des châtaignes en automne. Que je fais, fier de mon élève et de sa prestation. Il a bien retenu ce que j'ai dis, mais il manque à la fois de force et d'expérience pour vaincre contre deux ennemis cheveronnés. Surtout il a pas décidé de gagner, et la volonté de vaincre de de ses adversaires à été plus grande.

          C'est tout. Pas besoin de chercher plus loin si j'suis invaincu pour l'moment, c'est surtout parce que personne a plus la gagne que moi. Personne sur cette foutue planète est capable de vouloir plus que moi. Ça, c'est mon secret le mieux gardé, et celui qui ne fonctionne que si on le découvre sois même, donc je laisse Willy dans la flou et j'attends le déclic.

          - Bon, j'en ai marre d'être inactif Peeter, avec toute cette baston j'ai les phalanges qui me démangent. Que je dis en vidant mon godet, même si c'est pas facile pour moi de m'énivrer, j'apprécie un bon verre de temps en temps. On m'appelle pas le fléau des tavernes pour rien. Vaut mieux pas faire un concours d'alcoolémie avec le pater, vous risquerez d'finir couché.J'vous propose de pas attendre la prochaine attaque de ses enfoirés. On va directement chez les grands patrons pour y secouer les cocotiers.

          J'me tourne vers mes deux comparses, tandis qu'ils tournent tout les deux le regard vers l'entrée. Apparemment y'a du grabuge qui se prépare et quelques hommes débarquent habillé d'une chemise noire, et arme de sombre pulsions.

          C'est la garde rapproché de la matriarche Keudver, même si à cette époque j'ignore tout de son nom...

          - paraît que le petit William à encore fait des siennes, l'est pas finis celui la ! Plaisante l'un des gars en noir.

          - la patronne lui a prévu quelques surprises je te raconte pas les histoires ! Que fait un deuxième, le plus baraque de tous et sans doute le plus imbécile du lot. Trop parler peut nuire à votre santé. C'est connu sur Maison, l'omerta faisant la loi sur toute l'île, on a l'habitude rester bouche close.

          Ni une, ni deux, disparaît de ma table avec un verre d'alcool fort à la main, et m'approche en quelques foulées des guignols.

          -eh les gars,que je fais à la tripotée de gland qui usent leur soulier sur le sol d'un bar anonyme du centre de poiscaille -si on peut appeller centre quelques bicoques décousues  s'entassant avec difficulté les unes sur les autres, de la part des âmes sonneurs bande de p'tits glandus ! Que je fais en jettant mon verre d'alcool à la gueule du plus fort et plus grand.

          On s'offusque, pas de menaces mais des manches retroussées. Seulement j'suis pas de leur acabit, ni de leur engeance. J'leur rend tous une bonne dizaine de centimètres minimum, et ma musculature impressionnante à de quoi faire réfléchir.

          J'allume mon Zippo tandis que le plus grand harrangue ses camarades, et les exhorte d'agir. Une flamme, rien qu'une étincelle, un rien. Comme dirait l'autre...

          ... Et j'ai allumé le feu. Comme dans une poudrière le feu va sûrement se répandre comme une traînée au tapin.  

          Un sourire mauvais sur le visage, j'regarde le gars se taper la tête et sortir en courant pour aller mettre sa tête dans un baquet d'eau fraîche à proximité de l'auberge.

          -vous allez dire à votre patronne, et vous écoutez et retenez bien, que Judas le lion de north est ici... Et que les choses vont changer.

          Rictus échangé, message délivré, je retourne à ma table en faisant un clin d'oeil à Willy. Quand on veut fait la guerre, la moindre des choses est de s'annoncer...

            Premier étage des Âmes Sonneurs,
            Quelques jours plus tard.

            Le visage boursouflé, j'ai les paumes à plat sur la table. Autour de cette dernière, un rassemblement éclectique de vieux brisquarts, connaissances plus jeunes et étrangers. On y retrouve mon père, ses amis, des vieux de la vieille qui payent leurs taxes et ferment leurs gueules car c'est comme ça. Un Sven juste là pendant sa coupure parce que ça lui fait plaisir ainsi qu'un Judas et un Peeter qui n'en souffle pas une.
            Malgré notre rencontre fortuite et le peu de temps à se côtoyer, je sens et sais que la conversation les emmerdes profond. D'ailleurs, moi aussi.

            Je souffle doucement en laissant les anciens déblatérer du pour et du contre, de la situation inadmissible qui dure depuis trop longtemps.
            Les yeux fermés, je repense aux deux branlées prises par les larbins de Portdragon ainsi qu'au groupe d'accueil de la Keudver.
            La discution va bon train dans les plaintes et les gérémiades sans aucune solution. Mes doigts de crispent et mes ongles s'enfoncent dans le bois.

            Cette rengaine, je la connais depuis trop de temps.
            Cette rengaine, je l'entends d'aussi loin que mes souvenirs me traînent. Je revois mon père s'énerver dans le salon, moi et mon petit frère espionnant du haut de l'escalier, tandis que ma mère lui demande de baisser le ton pour ne pas nous réveiller.
            Cette rengaine, je n'en peux plus. J'en ai marre de l'entendre et de la subir comme un dogme sacré.
            Une écharde s'enfonce dans mon doigt et me fait ouvrir les yeux.


            - Ça suffit...
            Personne ne semble m'avoir entendu.
            - Taisez vous...
            Aucun commentaire.
            - VOUS ALLEZ FERMER VOTRE GUEULE OUI !!!
            Silence.
            ...
            - Vieux pêcheur 1: Hey ! Un peu de resp...
            - VOUS FERMEZ VOS GUEULES !

            Je me pince le haut du nez avec le pouce et l'index.

            - J'en ai marre...
            J'en ai marre de vous entendre déblatérer la même chose jours après jours, années après années, depuis presque trente ans.
            Toujours pareil : "c'est injuste", "il faut faire quelque-chose", "que les familles disparaissent" bla.. bla.. bla...

            - Vieux pêcheur 2 : T'es gentil minot mais t'étais pas là pour la marée rouge !
            - Ça fait 25 ans que ça s'est passé et vous en êtes toujours au même stade !
            - Vieux pêcheur 3 : Et tu comptes faire quoi avec ta gueule d'enfant ?
            - Sven : Tss TSS TSS, erreur de ta part Gwenael !

            Certains souris dans l'assistance, d'autres ne moufte pas. Je fais le tour de la table dans sa direction. Vois mon père faire sa moue de renfrogné pour m'inciter à me calme.

            - Ma gueule d'enfant ?!... Vous pensez tous que j'ai une gueule d'enfant ?!

            Je pose mes mains sur les épaules du pêcheur et serre petit à petit la prise.

            - Je suis le seul à avoir un temps soit peu tenu tête aux famille et j'ai une gueule d'enfant ?

            Mon visage s'approche de son oreille et dis assez fort pour que tout le monde entende:

            - La prochaine fois que tu fais une allusion de la sorte, je t'explose le nez contre cette belle table et te fais sortir par la fenêtre...

            Je relâche la pression de ses épaules et retourne doucement à ma place.
            Auparavant, jamais je n'aurai agit de la sorte. Est-ce l'animosité et la hargne des deux invités ? Mon envie de mener la danse ? Ma hargne de gagner ? Ce sujet en particulier ? Ou bien mon énervement ambiant ?
            Comme d'habitude, un probable mélange délicat de tous ces facteurs.


            - Bien. Vous ne savez pas prendre de décisions ? Je vais les prendre pour vous.
            Les trois familles ne sont invulnérables et pour cela, il faut rentrer dans leur jeu.
            Mon plan ? JE deviens l'une des familles...

            Petit 1, vous me verserez 10% de vos bénéfices pour être affiliés aux Âmes Sonneurs...
            Taisez-vous ! Ces 10% serviront aux réparations de vos équipements et aux projets d'investissements.
            Je ne les garde pas pour moi. Je ne suis pas l'un des leurs.

            Petit 2, si l'un d'entre vous se fait emmerder, tout le monde accourt pour l'aider... Sven, tu distribueras les "feux d'artifices".

            - Sven : Yep, tout est chez moi.
            - Petit 3, vous ne travaillez plus jusqu'à nouvel ordre.
            Petit 4, on va leur faire un joli accueille...


            ...

            Quelques jours plus tard,
            Sur le dock.

            Je suis entouré de Peeter et Judas.
            Tous les trois assis sur nos propres barilles en bois, on attend dans le silence.
            Pour l'occasion, j'ai même emprunté une clope à l'ami de Manshon, mais sans ajout de sa spécialité.
            Autour de nous, rien.
            Rien à première vue.
            Le mot a été passé. Les pêcheurs, dockeurs et autres énervés par le système, jouent le jeu. Cachés dans leurs établissements respectifs, ils attendent aussi. Prêt pour le signal.

            Cela fait presque trois jours que personne n'a été travaillé. Les fermes marines commencent à dépérir, la criée est vide et les accords des familles avec l'extérieur commencent à s'ébranler. Sans main d'oeuvre, pas de matière première.

            Face à nous, des sbires. En première ligne Minus et Cortex, certains d'eux. Suivi par une tripotée de tripoteurs à la mords-moi le noeud. Des m'as-tu-vu ayant signé avec les familles, regnant leur origine de pêcheurs pour une poignée de dollars.


            - Les gars... Merci d'être là...
            Cela dit... si ça tourne mal, Barrez-vous...

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            Une odeur de changement, ça fait du bien.
            La puanteur qui se dégage de Poiscaille est sur le point de foutre le camp, balayé par un vent nouveau. Des effluves de justice et de révolution, de quoi redonner un peu de chaleur à un cœur froid depuis si longtemps. Y’a encore des gens qui ont la motivation et les couilles de se battre pour ce qu'ils veulent vraiment. Ce petit blondinet, il paie pas de mine et se serait fait désosser sur Manshon, probablement qu’on lui serait tombé dessus avec les gars au détour d’une ruelle la nuit, mais c’est un grand. Ouvrir sa bouche, assumer ses convictions et fédérer une bande de paumés autour d’un projet qui pourrait leur coûter gros si ça foire, c’est la marque des grands.
            Maintenant, il vaut mieux être un grand qui respire la vie qu’un grand macchabé. Avec Judas, c’est pour ça qu’on est encore là. Qu’on se retrouve tous les trois, les miches sur le bois des barils, plein milieu de l’allée, à attendre qu’une bande de torche fions vienne à nous.
            Ils ont décidé de faire ça bien, et j’apprécie l’idée. Moi je serai directement allé coller une bastos dans les carafes des têtes dirigeants les familles et basta. Will’ est venu avec un plan bien préparé, des idées et des promesses qu’il compte tenir.

            J’étais venu pour préparer mon retour sur Manshon, je me retrouve au milieu d’une histoire qui va décider du sort d’un bourg paumé dont le fond de commerce tourne autour du poisson. Eh, y’a pas de petites actions bénéfiques.
            Clope à l’opium au bec, casquette bombée vissée sur la chevelure brune, regard désabusé braqué vers le fond de la grande rue, on mire en silence. Judas veut tout fracasser, il a déjà commencé à faire parler sa diplomatie ravageuse. Moi, j’ai pas cassé une bouche depuis que j’ai foutu les panards ici. Pas que je voulais pas m’impliquer, mais que c’était pas à moi de faire le job. William, quand tout sera terminé, ressortira de ce merdier avec la satisfaction d’avoir accompli un truc immense.
            Son truc à lui.
            Aujourd’hui c’est différent, les carafes s’amassent en deux bandes, rester en retrait à guetter suffira pas. Si le nôtre, de groupe de clébards enragés, est principalement planqué dans les commerces à attendre le signal, le leur se pointe enfin. Minus et Cortex ont ramené des potes, de la chiure de leur trempe, de quoi faire passer l’envie de les humilier à nouveau j’imagine.

            Willy a son petit moment à la con où il croit pouvoir nous faire décarrer d’ici parce qu’il nous le demande. Typique du bon petit gars ça, si ça devient incontrôlable, il préfère ramasser seul.
            Je jette la fin de ma cigarette à terre et expulse une dernière bouffée opiumée. La semelle de ma godasse luxueuse écrase le mégot tandis que je pousse un soupir, fatigué de ce que je viens d’entendre. Ça fait longtemps que nos vies ont mal tournées. Me redresse, agite un peu les articulations, ça faisait un moment qu’on poireaute. Le Lion de North a un rictus qui lui fend la poire, content de me voir enfin me remuer les miches. Pas besoin de lui dire de rester là, c’est déjà décidé. C’est pas aujourd’hui qu’il faut se coucher, Willy. Pas encore une fois. Plus jamais. Plus aucune excuse, embrasser le sol à chaque distribution de châtaignes ça te fais pas avancer dans la vie. C’est bien de savoir avoiner la fiole, mais il faut être assez costaud pour les encaisser en retour.

            Pendant que je m’avance vers le groupe qui nous fait face, mon long manteau tombe. Habillé chic, propre sur moi, du pognon j’en ai déjà. Que des peignes-cul en face, des pouilleux obligés de se soumettre pour espérer un avenir meilleur. Je leur en veux pas, moi aussi j’ai dû courber l’échine à l’époque pour survivre.
            Le duo d’abrutis qu’on commence à bien connaître lâche quelques vannes en remarquant que je viens seul, pensent encore que je suis qu’un petit richou sans trop d’importance. Leur manque un truc crucial à ces gars pour espérer s’élever dans la société, c’est le flair. Savoir quand le fils de chien qui te tient tête a les dents plus aiguisées que toi, c’est essentiel dans ce milieu. Tu évites de te casser trop souvent les dents sur un trop gros morceau.
            Des éclats de rire, quelle bande d’amateurs. Ou de sacrés cons, c’est selon. Un boucher s’avance vers eux, prêt à les égorger, et ils se poilent. Ils ont pas encore compris que l’enfoiré que je suis a pas survécu si longtemps à Manshon, en est pas devenu l’un de ses pires enfants, simplement en cirant des pompes et en m’habillant bien.

            Rendu à quelques mètres, ils me prennent plus au sérieux. J’ai pas ralenti ni même hésité à venir, un tout droit sur ce bon vieux boiteux. Et ça rate pas, il avoine le premier mais j’esquive avec une vivacité qu’il soupçonnait pas. Ploie les jambes pour mieux atteindre ma cible, abaisse mon centre de gravité. L’instant d’après, ma dextre fermée se fracasse une première fois sur ce genou amoché, puis le termine au retour. C’est à son tour de se baisser alors que je me redresse, sa fiole s’offrant à mon genou qui lui décalque les narines d’un coup brutal envoyant Burke s’alimenter en poussière.
            Son enfoiré de pote y croit encore, l’esprit vengeur il amorce un coup de genou aux côtes qui se heurte à mes avant-bras mais enfonce la défense. Le coup est amoindri, ma carcasse pliée sur le côté. Il m’en colle une plein pif, une seconde à la mâchoire. Il cogne comme un manchot ce fils de chien. Me suis mordu la joue à l’intérieur de la bouche, y’a le goût de mon propre sang qui me motive. Je le laisse frapper à nouveau et bloque son bras en plein élan, le rabat vers moi et me cale un frontal avec Dino.

            Jamais eu une grosse carrure, mais j’ai la tête dure, il doit s’en faire la remarque pendant qu’il se tient le naseau pour s’assurer que rien est pété. Et en plus, j’ai une bonne habitude des bagarres de rue. Laisse pas respirer ton adversaire, frappe pour tuer et tue pour survivre. Si tu hésites, t’es déjà mort. Alors j’hésite pas à en remettre une couche, une droite dans le bide et ma jambe qui vient le faucher au niveau des chevilles. Une bonne vieille balayette qui le colle dos à terre, abasourdi.
            Et surtout, à ma merci.
            Je sors mon flingue tandis qu’il recule en rampant, comprenant que ça pue pour ses miches. Le canon de mon pistolet pointe le bout de son museau et je tends le bras, pas une lueur d’hésitation dans les yeux avant de presser la détente. Sur le côté, dans le coin ennemi, y’a des corps qui s’agitent et esquissent des mouvements d’approche, pour éviter le pire. Mais ils ont réagi trop tard, j’ai pas leur temps.
            Bang.
            La bastos lui frôle l’oreille et s’enfonce dans le sol, clouant sur place Dino. Je sais à son regard ce qui se trame dans sa caboche, il vient de voir la mort en face. Sa première fois sans doute. Très déplaisant dans mon souvenir, j’en ai gerbé à deux reprises quand j’y suis passé.

            Le bruit de la détonation, puis plus rien. Juste nos deux respirations, qui se croisent, s’emmêlent aux gémissements de l’autre mongole encore à terre, le genou définitivement en miettes. Les secondes qui s’écoulent, je pointe encore Dino de mon flingue, un Dino devenu blême. Est-ce que tu comprends maintenant que t’as manqué de cané, que t’as foutu tes petits panards dans une marre beaucoup trop profonde pour toi ? Le fixant des yeux, désintéressé, désabusé, je brise enfin ce silence qui pèse de trop sur les frêles épaules des protagonistes ici.
            Monsieur White veut s’entretenir avec les dirigeants des familles. Mes yeux balaient le groupe bossant pour les Portdragon et compagnie. Celui qui croit pouvoir empêcher que ça arrive, qui croit pouvoir éviter à vos enfoirés de patrons de ramener leurs foutues miches ici, qu’il s’approche. J’ai du temps à tuer.
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            J'observe la scène. J'observe le précieux et les ridicules. Grince des dents en repensant aux volées qu'il aurait pu m'éviter, serre les poings pour y ajouter à ses allonges ma volonté.
            Coup d’œil à côté, le père Judas, bras croisés, a un sourire de lion et l'expression carnassière.
            Je pense ressentir ce qui l'anime. L'adrénaline, la volonté de gagner, l'impossibilité d'échouer : la voie du guerrier. Cette excitation me prend les muscles et remonte jusqu'à mes entrailles : la faim. Pas n'importe laquelle : LA faim. Celle qui déplace les montagnes, renverse l'horizon à en faire plier l'ordre établi et distordre l'éther pour changer le destin...
            La détonation me rappelle aux enjeux.
            Peeter, droit comme un i, affronte du regard la meute.


            - Je crois bien que c'est à moi...

            Je me lève du baril, époussette mon veston, jette la clope au sol d'une pichenette et l'écrase de mon premier pas.
            J'avance. La pression monte. Réflexe, je joue nerveusement avec une pièce.
            C'est une première sur l'île, si l'on peut le dire ainsi.
            Un autochtone qui se rebelle.
            Un simple vendeur de poisson qui tient tête aux familles.
            Je m'arrête à hauteur. Sourire au combattant qui s'en est allumé une.


            - Et bah Dino, tu t'es laissé aller... Ça fait fait quoi d'inverser les rôles ?... Pas de réponse, tant pis...
            Écoutez-moi bien les manges-boules, je me présente : White, William White mais, vous devez déjà le savoir sinon vous ne seriez pas là à me regarder comme des chiens de faïence en vous rognant le frein.

            Bruits dans le clan des tripoteurs.
            - Vos gueules... Vous allez dire à vos patrons, Portdragon, Keudver et Malsoin, que les choses vont changer et qu'ils ont intérêt à suivre le mouvement s'ils ne veulent pas rester derrière.
            Poiscaille n'est plus un terrain conquis...
            Je leur propose une entrevue dans ma boutique. Qu'ils choisissent la date si ça peut les rassurer.

            Pas de réponse ? Bi..

            -Et si on v'défonçait maintenant au lieu d'couter t'conneries ? Z'êtes qu'trois !
            - Ouais !
            - C'bien vrai ço !
            - Que trois ?

            Je lève la main bien haut. A plusieurs mètres de moi, un Judas en joie s'active, allume un briquet et enflamme une mèche d'un des barils. Il s'écarte tandis que les crépitements de l'étincelle consument le fil. Quelques secondes plus tard, le bois explose et un éclair coloré jaillit. Vertical, il s'élève vers le ciel, explose dans un bleu océan sous la forme d'un hameçon.
            Les hommes de main, obnubilés par la lumière, reposent leurs regards sur nos tronches.
            Derrière nous, quelques hommes et femmes sortent des bâtisses et des commerces.
            Derrière nous, une masse de pêcheurs, vendeurs, retraités, armés de bric et de broc, se coagule.
            Derrière nous, toute la colère des habitants.
            Derrière nous, la lueur d'une nouvelle ère.

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            Derrière nous, c’est tout un peuple en colère qui s’amasse, se ramène, prêt à en découdre. J’en ai un sourire moqueur qui me fend la poire quand je zieute la masse converger vers nous, se rassembler derrière leur trio de meneurs. J’en ai vécu des choses dans ma chienne de vie, mais la scène me file des frissons. C’est comme avoir une foutue armée sous son commandement, seulement ici ce sont pas des guerriers mais des culs-terreux qui ont la rage au ventre.
            Une montée d’adrénaline qui me submerge, je pourrais faire une connerie et coller une balle dans le front de l’autre enfoiré. Une balle, un mort, puis je te jette ma clope sur ton cadavre à la con. Un seul signal, un simple geste, une action, suffirait à définitivement embraser la situation et déclencher une énorme générale. Mais ça viendra pas de moi, c’est pas mon rôle d’envoyer ces pauvres gens au charbon. Je suis ici pour les soutenir, leur sortir la tête de ce merdier. Si on doit se foutre sur la fiole ce sera avec joie, mais pas sous mon initiative. Ni celle de Judas, le Lion de North tremble d’impatience, s’agite depuis quelques minutes, mais contient la bête.

            Tous les deux on sait comment ça se passe dans ce milieu, réunir la populace sous un seul véritable meneur c’est important.
            Le retournement de situation a fait son effet, si en face on était chaud pour se mesurer à trois gros morceaux, maintenant que les autres sont sortis, la flamme a pris un sacré seau d’eau sur la gueule. Et je les comprends, moi-même je commencerai à réfléchir sérieusement à mes options si j’étais à leur place. Qu’est-ce qui se passe les gars ? J’entends plus personne ? Il a raison Gueule d’Ange, on pourrait capter le vrombissement des ailes d’une mouche sur des mètres environ. Comme l’impression qu’ils arrivent pas vraiment à se décider, ou alors qu’ils osent pas prendre ce choix, le seul qui s’impose logiquement à eux. C’est bon… c’est bon… on se tire putain… Ah, Dino a retrouvé l’usage de la parole, lui. ‘Faut dire que ce serait le premier à se faire buter si une bagarre devait éclater maintenant. On va partir prévenir les patrons, pas besoin de vous dire qu’ils seront en rogne avec le bordel que vous avez foutu ici…

            Je le zieute un instant, inexpressif. Range mon flingue, plus besoin de ça. M’agenouille pour me mettre à son niveau. Clope au bec, un fin filet de fumée s’échappe en continue du bout de cette dernière pour venir chatouiller les narines de la petite frappe. Tes patrons, je les emmerde. Tes foutu patrons, je les emmerde. Et tu sais pourquoi je les emmerde ? Parce qu’ils valent rien. Tes patrons, dans le grand bassin des familles mafieuses, ils se planquent sous le ventre des gros requins en espérant ne pas se faire chiquer les miches. Je marque une pause pour tirer une latte sur ma cigarette, que je lui souffle dans les mirettes. Il a bien besoin de les ouvrir cet abruti. Donc tes patrons, s’ils sont pas trop cons, ils vont se pointer au rendez-vous que leur propose Monsieur White, parce qu’ils nous obligent à venir avec l’ami tout furax que tu vois faire les cent pas derrière nous, crois-moi sale chiasse, que tes patrons regretteront le jour où ils ont miré une liasse de billets avec trop d’amour.
            Il a pigé l’idée, acquiesce, ça le fout mal à l’aise de me savoir si proche de lui. Fous-le camp.

            Je le laisse ramper sur le dos pour se dégager de là, se relever sans sa dignité et repartir vers ses copains la queue entre les jambes. William se rapproche de moi. Ça c’est plutôt bien passé au final. Pas faux, ce qui est étonnant maintenant que j’y pense, en général rien ne se passe jamais proprement avec moi. Le karma aime bien me mettre des troncs d’arbres dans les roues. Si j’étais un foutu croyant à la con, je dirai que c’était écrit. Mais je le suis pas, alors je vais me contenter de savourer ce moment.

            ***


            On a convenu d’une rencontre quelques jours plus tard. Avec la grève mise en place, la pression pousse aux fesses des familles qui ont pas pour intérêt de faire traîner les choses. Un jour passé représente tellement de pognon de perdu que tu peux pas te permettre de faire parler ta fierté trop longtemps.
            La réunion a lieu dans la boutique de Will’, les Âmes Sonneurs. Au premier étage, dans la seule salle qui s’y trouve. Une table ronde faite en bois, ornée de motifs de poiscaille, du moins c’est à ça que ça ressemble pour un type qui y connaît rien. Des fauteuils habillent la pièce et un bureau surveille le tout.
            Ator se charge de filtrer les entrées et sorties. Aussi, quand la famille Malsoin se ramène en bande, ce qu’il en reste d’après ce que j’ai pigé, il tique forcément. Sa batte en bois barre l’accès et il mire chacun des protagonistes de son air patibulaire. Deux personnes autorisées à suivre votre boss à l’intérieur, pas plus. Forcément, ça grommelle, ça bisque.

            Celui qui sort du lot, que j’ai immédiatement identifié comme le représentant de la famille Malsoin, s’avance de quelques pas, gardant sa contenance. Humphrey Malsoin, le pauvre gars qui a dû reprendre les choses en mains depuis que leur patron a été envoyé à l’ombre. D’un costume immaculé, de très bonne qualité, cheveux blancs parfaitement coiffés vers l’arrière, mains dans les poches, visage ridé et sérieux. Il a la tête froide et surtout, sait comment gérer les choses, ça se sent.

            Spoiler:

            Faites ce qu’il vous dit, regardez la taille de cet endroit, vous pensez vraiment tous pouvoir tenir à l’intérieur ? On la boucle et on s’exécute du côté des sous-fifres, mais la batte ne se relève pas. Il va aussi falloir vider vos poches, aucune arme à l’intérieur. Celle-ci a plus de mal à passer, même si le Malsoin aux commandes ne montre rien. Il garde le silence, ses yeux ne lâchent pas ceux d’un Ator impassible, pas décidé à se montrer flexible sur les ordres.

            Je suppose qu’il en va de même pour tous, n’est-ce pas ?
            Monsieur William est un homme d'affaires, pas un bandit.
            Parce que vous pensez qu’il existe une différence entre les deux ?


            Pas de réponse. S’il veut entrer, il connaît le tarif. Les autres ont essayé de contourner aussi, mais ils ont fini par se plier aux exigences.
            Tout comme lui à son tour, qui farfouille dans son costume pour en retirer deux pistolets qu’il place dans la caisse aux côtés du Nimter. Ses deux hommes de mains en font autant, moment qu’attend la batte pour enfin libérer le passage. Malsoin s’engouffre dans l’encadrement, non sans remercier d’un signe de tête le videur improvisé, sourire en coin. Je les attends aux pieds des escaliers, regard blasé posé sur la tignasse de neige. Monsieur Malsoin, on attendait plus que vous. Suivez-moi. Il acquiesce, me dévisage. On entame l'ascension des marches.

            Puis-je savoir qui vous êtes, monsieur… ?
            Dicross. Peeter Guilhem Dicross. Pour ce que ça vous servira.
            Oh mais c’est toujours utile de savoir à qui l’on a affaire.


            Je prolonge pas la discussion, nous voilà en haut de l’escalier. Plus qu’à nous diriger vers la porte du bureau, tourner la poignée et laisser entrer ces messieurs.
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            Assis dans le bureau, insomnie, je regarde par la fenêtre.
            Machinalement, je joue avec une pièce tandis que les premiers rayons du soleil transpercent l'horizon, passent à travers la vitre et me réchauffent le visage.
            Perdu dans mes pensées, le soleil montre maintenant son visage radieux, quelques nuages à l'horizon, temps parfait pour une pêche de qualité.
            Dans le port, les mâts restent nus, oscillent calmement par les vagues venant caresser la digue.
            Dehors, pas un bruit, pas un cri. La criée aurait déjà dû commencer.
            Les passants auraient déjà dû déambuler.
            L'argent aurait déjà dû circuler.
            Il n'en est rien et n'en sera rien tant que la grève perdurera. Les familles sont acculées, prises à la gorge par leurs clients mécontents, chopées aux couilles par leurs employés en colère.
            Aujourd'hui, tout va basculer. Seule incertitude, la direction : en avant ou en arrière ?
            Obnubilé par mon discours, et les possibilités, je les remarque, dans un léger sursaut, quand Judas me pose sa patte sur l'épaule.
            Un silence, le temps d'un ange.
            Peeter, clope au bec, me prévient de l'arrivée des premiers "invités" : famille Portdragon.


            Spoiler:


            Cela ne m'étonne guère.
            Il entre avec son air sévère, presque militaire. Toujours à carreaux, tirés en quatre épingles.
            Autour de lui, deux hommes à tout faire. Je reconnais son second ainsi qu'un de ses comptables véreux. Le regard droit, il me fixe longuement, jaugeant mon âme et ma résilience.
            Personne ne parle.
            Les négociations commencent bien avant les premiers mots. Il sait, je le sais et nous savons tous les deux que nous le sommes : Intransigeant, on reste de marbre.
            Je ne lâche pas, joue son jeu, et l'invite à s'asseoir d'un simple mouvement de main.
            L'homme d'affaires accepte l'invitation, tire la chaise prévu pour son fessier et s'assoit.
            Après quelques secondes, j'esquisse un sourire fugace. Je le sais, la chaise ne lui plaît pas. Je le sais car je l'ai spécialement choisies dans ce but.
            J'observe un léger tremblement de paupière qui m'indique la réussite. Le coup à fait mouche. Les pressions externes, le revirement des pêcheurs, moi, la rencontre, les règles que j'impose et que je risque d'imposer, sa renommée d'or qui repose, finalement, sur un socle d'argile et maintenant l'assise. Tout cela, il le comprend, l'a compris et c'est bien pour cela que je le crains plus que les autres.



            ***


            La seconde ne se fait pas attendre, suivie par un cortège sur leur 31. Classique. Il faut que ça pète, que ça en jette.
            Place place, la reine du bal est là, faites place.
            Une véritable perle.
            Une plastique sulfureuse aux atouts convoités par les hommes et les femmes de toutes les Blues.
            Une véritable rose.
            Une rose oui, mais abritant une peau de vache de la pire espèce.
            Un vautour qui rognent du coin de l'œil et, si le destin s'acharne, n'hésitent pas à lui même jouer à la vipère.

            Spoiler:

            Adriana débarque dans le bureau en emphases, s'amuse des décorations et salut même son "ami", de sa voix grave de femme du monde. Contrairement au premier, elle m'envoie ses intentions et reconnaît mon cran même si ses yeux trahissent son faux-semblant.
            Pour elle, une autre approche s'impose. Il faut qu'elle se sente bien, chouchoutée, presque dorlotée. Pour cela, je lui ai laissé le meilleur siège, après le mien, et ses fesses habituées au satin devrait en sentir le dessin. Une légère moue de contentement me conforte dans mes intentions.
            Est-ce qu'elle en est dupe ? Rien n'est moins sûr, son talent de comédienne me laisse un doute... Nous verrons si elle maîtrise sa frustration aussi aisément que sa parure.



            ***


            Humphrey, devancé par Peeter, nous rejoins enfin dans la cage aux lions. Lui, je ne le connais pas. Ce qui se dit de lui ? Il serait un cousin par alliance de l'ancien chef de la famille Malsouin. Inconnu au bataillon avant d'arriver à la tête de la bande, son ascension ne se serait pas faite dans l'ordre des choses, pour le résumer ainsi.
            Mon ami à la cigarette vient se poser à mes côtés en soufflant une large volute tandis que l'invité, aux cheveux poivres et sels, s'installe dans le dernier coin de libre.
            Pour lui, pas d'approche particulière, pas d'attention plaisante ou inverse.
            Détrompez vous. Ne rien faire est parfois la meilleure solution. Ce sentiment de ne pas être reconnu, ou même vu, et souvent une arme bien plus redoutable que les autres. Elle blesse l'égo et fragilise la confiance...
            Cela dit, il ne semble pas l'avoir remarqué, ou s'en offusquer, je vais devoir m'en méfier.

            Dans tous les cas, il est l'heure. Alors commençons.

            Commençons mais pas directement. Le coude gauche sur l'accoudoir, je laisse reposer ma joue sur les phalanges de la même main. J'attends.

            J'attends que le temps passe et qu'ils s'activent. Laisse mijoter la sauce, la laisse réduire afin d'en ressortir les saveurs.
            Ce moment est crucial. Je saisi l'instant, par ce silence, colore les sentiments des un et des autres.


            - Bien.

            Les regards se tournent dans ma direction, s'attrapent à mes lèvres.
            Nouveau silence.
            Je laisse leurs émotions les cuirent à coeur.


            -Bien. Je ne vais pas passer par quatre chemins : vous voulez ma mort.
            Ne faîtes pas les incongrus, vos intentions vous ont trahis et mes hématomes ainsi que mon oeil au beurre-noir l'attestent.  
            Vous le savez, je le sais. Moi-même, j'aimerai vous savoir manger les pissenlits.
            Étrangement, pour vous, comme pour moi, une résolution de la sorte ne serait pas viable.
            Pour moi ? J'aurais vos familles sur le dos.
            Pour vous ? Vous n'auriez plus de main d'oeuvre en plus d'avoir une révolution sur les bras.
            Vous ne vous en rendez sûrement pas compte mais, je suis à la fois leader et maintien de cette révolution.
            Je vous propose donc, entre femme et hommes d'affaires, de trouver une solution à l'amiable.


            Portdragon esquisse quelques mots que je clos en posant simplement un doigt sur mes lèvres.

            -Quand je dis de trouver une solution, c'est, pour vous, d'écouter mes propositions et de les accepter.
            Simplement car elles sont justes pour tout le monde.

            Petit 1- Monsieur Portdragon, cela vous concerne particulièrement. Les taxes, en tout genre, n'excèderont pas les 10% et les douanes seront reversées pour la population.
            Les avantages : fini les petites frappes venant récupérer l'argent et harceler les pêcheurs. Cela vous fait des bras cassés à la Dino et Burke en moins à payer. Vous serez payés sans problèmes car il s'agira d'un règlement régulier et non abusif.
            Oui, vous allez perdre un peu mais regagner de l'autre ainsi qu'en clémence.

            Petit 2- Plus de meurtres, de pots de vin ou d'incitations par la force, la contrainte et autres moyens malhonnêtes... N'est-ce pas madame Keudver ?

            Petit 3- Fini les monopoles. Chacun d'entre vous, ou quiconque d'autre, ne pourra posséder plus de 50% d'un type de commerce, production ou tout autre établissement qu'il soit primaire, secondaire et tertiaire.

            Et enfin,
            Petit 4- Un salaire minimum sera instauré à partir d'aujourd'hui ainsi qu'un temps de repos hebdomadaire et de vacances. Pour les détails, la discussion est ouverte.


            Je sors quatres documents écrits, et réalisés dans les règles de l'art par mon comptable Mr.Touns, et en fait glisser 3 entre eux.

            -Les clefs de cette histoire sont vos stylos. Que décidez vous ?
            • https://www.onepiece-requiem.net/t22787-william-white#243307
            • https://www.onepiece-requiem.net/t22783-william-white
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