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Si vis bellum ...


Le silence s’était fait, le monde s’était tu. La haine s’infiltrait dans toutes les pensées. Des anciens pols, qui avaient renié leur nation. Il ne fallait pas être né de la dernière averse pour comprendre qui était la donzelle qui était tombée des cieux, avec son fruit fumigène et son accoutrement de tueuse. Combien des leurs étaient morts à cause d’elle, de lui ? Et combien d’autres de ses actions indirectes ? Oh, certes, ils avaient changé de camp à présent, mais cela ne lavait pas les morts. Le sang imbibait l’âme de ce triste sire révolutionnaire, dont la réputation faisait sinistrement écho à celle du Seigneur Ombre en personne.

Le navire s’éloignait de la zone de combat, les nouveaux pirates pressés de s’éloigner de l’Amirale et du danger du convoi, qui devait à présent être en miettes. L’assassin fulminait, sa cible toujours en vie et sans une seule égratignure. Mais plus encore, c’était cet équipage qu’il abhorrait. S’il avait été responsable de la mort d’assassin sur-entraînés ? Tch. Que dire alors de la multitude de frères qui avaient été tués par ces enfoirés ? Cet équipage, ce ramassis de traîtres et de meurtriers. Quelques visages étaient connus, surtout depuis leur fuite, mais parfois d’une façon antérieure. Il n’avait pas bougé de son arrivée, Jones et Browneye toujours à couteaux tirés contre lui, mais le navire s’enfuyait à grande vitesse. Tout ce qui intéressait l’assassin était le cœur qui battait faiblement dans les tréfonds du navire. Il fit un pas en avant. Les lames furent tirées au clair.

« Tch. Elle ne perd rien pour attendre. » grogna l’assassin, avant de faire demi-tour et de se diriger vers le pont supérieur.

Il avait besoin d’eux pour atteindre la prochaine destination. Il ne cessait de se le rappeler, tout comme ils devaient se demander quelle mouche avait piqué l’Atout. Il pouvait se déplacer librement, hors de toute contrainte, mais pas sur le Nouveau-Monde. Il avait pensé à s’emparer de l’eternal de l’Amirale, mais Sweetsong avait foutu tout son plan aux orties, jamais il n’avait prévu qu’elle serait là, et ça le rendait malade. Non pas qu’il eut réussi sa mission sans elle, mais il aurait alors su dans quel cœur diriger sa lame. Cette folle furieuse avait tellement de mal à la Révolution qu’il ne pensait qu’à une chose : la purger de ce monde, comme il purgerait les forces de l’Armée Révolutionnaire. Lui, le Secret.

« Qu’est-ce que tu veux ? » maugréa l’assassin, face à un pirate un peu plus jeune que les autres, qui ne s’était pas écarté.

Il tenait sa rapière en main, tremblant un peu. Mais surtout, avec courage. Une jeune recrue ? Un gosse ramassé sur les rues ? Un mousse exploité ? Il n’en avait pas grand-chose à faire. Il avança vers lui, se fit traverser par la lame et lui passa au travers pour ensuite grimper les escaliers. Le gosse glissa sur son séant, lâcha son arme. Livide. D’une lenteur calculée, la femme diaphane se porta au niveau de la barre, planta son regard dans celui du barreur, bien plus que plus petite que lui elle le fit déglutir. Elle en jouait, y prenait un malin plaisir. Tout pour se détourner d’user de sa dague. Il fallait rester maître de ses émotions, rester calme. La colère était ennemie, un déni de jugement. Une erreur, une erreur …

« Quelle est la destination ? »

« Heu … Mangrove Works, on … on a un eternal pose pour … »

« Combien de temps ? »

« Cinq jours, si le temps est clément … »

« Bien. »


Et cela sonna comme une sentence. Il leur restait cinq jours à vivre. Cinq jours. L’attention de l’assassin se retourna vers l’intérieur du navire. Jusqu’où irait leur loyauté ? Quand pourrait-il enfin planter sa dague dans le cœur de Sweetsong, et livrer sa tête à Freeman ?
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J'suis furieux. Des mois à patienter, à attendre, à travailler pour cette fichue licence. Tout ça pour ça. J'peux le déchirer et le mettre à la baille, ce petit bout de papier. Il pèse pas lourd par rapport à ce qu'il venait de se passer. Je m'étais reprouvé, avait trahit mon serment. Tout ça pour mon amitié envers ce homme, aux allures de frêle jeune fille. Je sers les poings, même pas il me calcule. Il ne me calcule pas alors que j'ai risqué ma peau et ma position pour lui. Je sers les dents, qui grincent et m'avance dans sa direction quand je le vois faire face à un petit moussaillon plus courageux que certains agents expérimenté face à l'enfumeur publique numéro un.

Je commence à m'égosiller en m'approchant, l'air de vouloir en découdre. PUTAIN, il faut toujours que tu débarque comme ça toi ?! Que je fais avec les sourcils froncés. J'arme un large main derrière moi, comme si j'allais lui coller ma main dans la gueule. Personne me connaît à bord, si ce n'est Eleanor Bonny, qui est également dans un piteuse état si mes yeux ne m'ont pas trompé. Mais je rends plusieurs tête au révolutionnaire, et j'ai l'air décidé.

- Des ANNEES sans une nouvelle, et tu apparaît comme ça, pour tout foutre en l'air.Je pointe un index accusateur, qui se rapproche de moi, pour lui donner l'accolade. Mais bon dieu, que c'est bon de revoir ta vieille trogne, et de pouvoir à nouveau me battre à tes côtés ! Comme à l'époque, que je ne mentionne pas, car la nostalgie c'est pas vraiment mon truc. On a vécut de sacré bataille lui et moi, si j'me suis mit dans cette situation compliqué, t'imagines bien que je lui en dois quelques unes. Des vies.

Alors le simple geste que je viens de faire, en m'opposant au Contre Amiral Ethan, c'est bien la moindre des choses que je peux faire.

- Dis moi, alors, qu'est-ce que tu avais dans la tête en t'attaquant à Boïna. Et qu'as tu cru pouvoir faire en essayant d'affronter les deux garces les plus balaises du coin ? Tu veux mourir Rafaelo ? Je crois que tu ne te rends pas bien compte de la situation ... Que je commence à dire, avant de lui faire signe de me suivre dans une coursive silencieuse du navire. On devait parler, en tête à tête, et à l'abris des autres oreilles indiscrète. Je n'oubliais pas qu'avant d'être Pirate, l'équipage avait fait partie d'une agence de renseignement et tutti quanti, pendant des années.

Les vieux réflexe ont la dent dure.

    La tension ne s’apaisa pas pour autant. Il observa la main levée sans broncher. Autrefois, il avait pu donner le change à Judas, yeux dans les yeux … à quelques centimètres près. Mais là, il se sentait écrasé par la carrure du bonhomme. Il ne cilla pas, mais tous autour d’eux avaient suspendu leurs gestes, attendaient la fin de cet imbécile qui allait bientôt finir avec ses tripes sur le pont. Un instant suspendu, d’une étrange incrédulité. Rafaelo pouvait percevoir les émotions contradictoires de l’équipage, et le fouillis qu’était leur perception de ce monde. Une sorte de brouhahas ambiant qui mettait son mantra en rogne. Il se ferma à ces sensations, se concentra sur Judas. Il n’aurait su dire s’il lui en voulait vraiment ou …

    « Tch. »

    Bien entendu, c’était Judas. Il lui rendit son accolade et soupira. Il y avait au moins un rocher dans cette mer d’incertitude. Il inspira, exsuda un peu de fumée par les narines.

    « J’aurai pu en dire autant pour toi. Mais quelle idée … » grommela-t-il de sa voix fluette.

    Il secoua la tête à la mention de Boïna. Depuis quand n’avaient-ils pas chassé ensemble ? Goa ? C’était loin à présent, bien loin … Judas avait grimpé les murs avec lui, fait choir les remparts. Grâce à lui, ils avaient pu avancer dans la ville et gagner le domaine royal où … Rafaelo avait fait son office. Et que foutait-il aux côtés de la Marine maintenant ? Enfin … jusqu’à maintenant, à moins que ce ne fut une diversion ? Non. Judas ne faisait pas de diversions. Judas était … Judas.

    « Si tu ne n’étais pas interposé, elle serait morte. Tout comme si … Sweetsong n’était pas intervenue, je n’aurai pas eu, encore, à te sauver la peau. » s’amusa-t-il à lui rappeler.

    L’assassin, si sérieux, de la révolution venait de lâcher une vanne. Contre l’inconnu qui venait de le serrer dans ses bras. Les matelots de l’Exsangue se regardèrent, froncèrent les sourcils. Une lueur d’espoir, un sursis ? Si Judas avait voulu détourner l’attention de Rafaelo, c’était chose réussie. Il serra cependant les dents et le suivit. Pas la peine d’étaler plus que cela ses capacités, et le fait qu’il pouvait s’isoler de la vue de ces mécréants. Ces traîtres, avaient cinq jours devant eux. Il pouvait bien … discuter avec Judas en attendant. Il expira, chassa ses idées noires. Chassa sa rancœur le temps de se retrouver aux côtés d’un homme avec qui il avait traversé l’enfer.

    Ils arrivèrent sur la tête de proue, où un regard de Judas avait décimé le pont. Ils s’appuyèrent sur le bastingage, laissèrent le silence s’installer. L’océan filait à vie allure sous eux, mais ce calme apparent, ici sur le Nouveau-Monde, cachait toujours un danger intrinsèque – tout comme la bombe à retardement qu’était ce navire. Le spectacle n’en restait pas moins incongru.

    « Mais qu’est-ce que tu fous là Judas ? Pourquoi tu t’es interposé, hein ? De l’eau a coulé sous les ponts depuis Goa, mais tu te doutes bien que … hm. Attends, je pensais qu’on pourrait y échapper mais … »
    commença-t-il avant de faire jaillir un mur de fumée sombre de ses doigts.

    Il dessina une cage et la brume les enveloppa pour masquer la vue et bloquer les sons, les laissant à leur discussion. Loin des oreilles indiscrètes. Le mur cacha une partie du soleil, les plongeant dans une ombre bienvenue. Ils voguaient plein nord.

    « C’est toi qui ne te rend pas compte de la situation, Judas. Hé, y’a eu des choses depuis Goa. Tout se met enfin en mouvement, la Cause prend de l’ampleur, renverse des Etats et fait face au Gouvernement. Et toi, tu vas m’expliquer ce que tu foutais là ? Je te pensais pas prêt à laisser quelqu’un te mettre un collier autour du cou. Pas plus que tu viendrais m’empêcher de terroriser un barreur … »
    reprit-il, avant de soupirer.

    Il secoua la tête.

    « Sweetsong … » murmura-t-il, comme s’il pouvait mettre toute sa rancœur dans ce simple nom.
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    Les deux hommes en avaient vu ensemble. Ils avaient diner à la même table, respirer le même air vicié du grey terminal, et crapahuter dans les ordures comme un seul homme. Dis pas ça, c'est pas comme si t'avais pas changé depuis quelques années, moi tu me connais, ce que je vois c'est mon profit à moi dans cette histoire. Puis je t'ai reconnu, mon deuxième instinct a été de te donner un coup de patte... C'était plus fort que moi, bien que ce ne soit pas quelque chose qui me rende services. Je terminais tandis qu'on s'entoura d'un mur de fumée compacte empêchant les autres de percevoir le bruit de leur voix.

    - Sweetsong est ce qu'elle est, mais n'est pas la racine du mal, elle en était une ramification ... De nos jours, elle se bat comme nous pour faire son trou, son beurre, suivre son idéal. Que je lâche en le regardant droit dans les yeux, rouge carmin s'entrechoquant sur les yeux bicolores. Je me frotte l'arrière du crâne. Je suis pas très malin, ce que je sais en revanche, c'est qu'on ne pourra pas y arriver ici sans elle ... C'est ce que mon instinct de survie me crie, et c'est pour cette seule raison jusqu'ici. [/b]

    Je me dandinais d'un pied sur l'autre, tout content de lâcher ma valda : Et si je me rends compte que tu avais raison, que cette Sweetsong n'est qu'une autre de ses garces manipulatrice de plus ... Je ferme le poing, faisant craquer mes articulations du pouce et de l'index ..  Alors je t'aiderai même à assouvir ta vengeance.

    J'attrape son épaule et le regarde dans les yeux : Mais pour l'instant nous ne sommes pas en position de négocier, nous avons besoin d'un navire et d'un équipage. Et peut être que je pourrais en creuser un peu plus sur Bonny en entrant à son service ... Peut être que je pourrai alors te rendre la pareille, et tout ses vies que je te dois.

    Je le lâche et me recule : Je suis revenu parce que mon île natale va mal, et que ma femme et ma fille sont en danger à cause du climat ambiant qu'il y règne. Je ferai n'importe quoi pour elles, tu le sais, tu es parent tout aussi non ? Voilà ce qui m'a poussé à devenir un Chasseur de Prime, d'avoir un travail honnête dont je pourrai parler à la maison et surtout, ne jamais être comme mon paternel le vieux pirate de Grand Line...

    Moi, tout ce que j'veux c'est qu'on chante mes louanges, tu t'souviens ?

      L’instinct. Pourquoi aller chercher plus loin ? Judas n’avait jamais aimé les plans. Juste agir, à l’instinct. Chose que l’assassin essayait d’éviter, mais qui lui garantissait une vie bien moins saine que lui.

      « T’aurais pu rester à l’écart. Enfin bref, c’est chose faite. Quant à Sweetsong, tu ne connais que la surface, mon frère. Elle est véritablement à l’origine de bien des maux. C’était la directrice du CP9, de la police secrète chargée d’assassiner les opposants politiques et rivaux dangereux au sein du Gouvernement. D’innombrables révolutionnaires sont morts à cause d’elle, sans compter ceux qu’il a utilisé pour sa propre cause. Sa photo est au sommet de la pile des crimes à punir à l’encontre des révolutionnaires … ou presque. » répliqua-t-il, en se tournant vers le colosse.

      « Elle était mon opposant direct au sein du Gouvernement. L’assassin le plus efficace parmi mes ennemis. Et tu voudrais que je la laisse vivre ? Ah. Tu as bien ramolli … Lorsqu’on accule une proie, Judas, on la tue avant qu’elle se remette de ses blessures. On la laisse pas vivre. C’EST une garce manipulatrice. Tu ne peux pas te retrouver au sommet de la chaîne alimentaire viciée du Gouvernement sans ça. Et puis … pourquoi est-ce que je me justifie ? » grommela-t-il.

      Il secoua la tête. Parce que c’était Judas ? C’était certain. Il n’avait aucun intérêt à laisser vivre Sweetsong, à moins d’en tirer le maximum d’informations. Mais ça, il le ferait juste avant qu’elle ne cesse de respirer. Son pouvoir était bien trop dangereux, ses actions bien trop graves. Non, il rendrait service au monde. Il finirait le travail que des dizaines de personnes n’avaient pas réussi à faire. Il ne retournerait pas aux DRAGONS sans une tête à déposer sur la table. Que son navire fût le seul en état de le ramener était un hasard, ou presque. Il aurait pu aller rejoindre les autres pirates, mais aurait dû affronter encore la marine, alors que la porte de sortie avait été toute trouvée. Bon sang, sans ce foutu cataclysme, tout aurait été différent.

      « On a besoin du navire, oui. C’est pour ça qu’elle respire encore, et que je n’ai pas touché à l’équipage. Mais vu leur état, il suffirait de leur souffler dessus pour qu’ils s’éteignent. Et tu n’auras pas à entrer à son service, vu qu’elle mourra dès que la terre sera en vue. »
      trancha l’assassin, droit dans les yeux de Judas.

      Il ne lui mentirait pas. Il étendit le mur de fumée, le rendit encore plus dense et opaque. Aucun son n'en sortirait, pour ces informations sensibles.

      « Tu sais que … ahem … pour ta famille, je peux leur offrir asile. Il y a un refuge, sur Skypeia. J’y ai passé quelques temps. Et … enfin … bon. C’est là-bas que sont mes enfants et Céline. Je peux organiser le transfert si tu le désires ? J’ai quelques entrées dans le Conseil révolutionnaire à présent, et je peux potentiellement obtenir des faveurs. D’autant plus que Shaïness, tu te souviens d’elle à Goa, est sur place et fait office d’intermédiaire avec le Gouvernement, donc on peut les dissimuler en toute légalité avant qu’ils ne cherchent à t’avoir via ta famille … »


      Quelques secondes s’égrenèrent.

      « Mais hors de question de rentrer au service de cette garce. Et tu n’auras pas à le faire. La peste, ça s’éradique, ça ne s’étudie pas. Si quelqu’un qui a tant de sang sur les mains, qui en a versé tant pour gravir les échelons du Gouvernement, a été capable de jeter tout cela aux orties pour son profit personnel, que penses-tu que valle cette personne ? Elle est ce que nos ennemis ont fait de pire … elle est la raison pour laquelle la Cause m’autoriser à tuer. »


      Et elle était ce qu’il pourrait devenir s’il n’avait pas la Cause. Ce qui était une raison de plus pour mettre fin à son existence, pour que ce miroir vicié cesse de lui renvoyer cette façade de son être.
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      Mon frère. Oui, nous étions frère et non pas de sang, mais de champ de bataille. Je ne peux plus m'en cacher à présent, même si je ne fais pas partie de la révolution, j'suis considéré comme un renégat, au même titre que lui. J'ai beau avoir ma parole et mon honneur sauf, pour les instances gouvernementale, je vais vite devenir un ennemi à abattre, si je ne le suis pas déjà. Et puis ses arguments sont valables, il y'a juste une chose que je n'arrive pas à avaler ... Que Bonny, avec qui j'ai combattu le CP8, avec qui j'ai discuté autours d'une table, avec qui j'ai échangé des verres, soit encore la chienne du gouvernement. Cela a changé, c'est différent. Alors pourquoi s'acharner sur un ennemi qui n'en est plus un ? Qui pourrait même devenir un atout dans la guerre autant d'information, que de force militaire, qu'il mène ?

      C'est fort idiot que de se priver d'un atout aussi imposant et important, à mettre dans sa manche, d'autant plus que l'amiral avait mâché le travail de Rafaelo. Je secoue la tête, prêt à prendre la parole.

      - Ce n'est pas mon genre de rester à agir sans rien faire, tu le sais bien. Sinon je ne me serais pas mêler de Goa, et nous n'en serions pas là. J'ai un club  à atteindre, celui des grands hommes qui ont marqué l'histoire et continueront de la marquer, après tout. Je comprends ton ressentiment, toute ta colère et ta rage. C'était une ennemis. Ce n'est plus le cas, et toutes les informations qu'elle possède, tout les crimes qu'elle a fait à l'encontre de ta "famille", ne sauraient être effacés parce que je te dis qu'elle a changé. Parce qu'elle a changé. Ce n'est plus cet être sans cœur comme tu la dépeins en ce moment. Je l'ai vu s'opposer au CP8, combattre à mes côtés alors qu'elle aurait pu tout simplement m'écraser de sa botte. Elle en avait le pouvoir, elle l'aurait fait surement avant ce qui lui est arrivé, et ce qui l'a poussé à déserter ...

      J'suis têtu comme garçon, me faire lâcher un morceau une fois que j'ai les crocs dessus, c'est chose compliqué. J'défends mon bifteck. On a au moins besoin de savoir ce qu'elle est devenu, avant de l'achever. Question de morale. D'honneur aussi. Je sais bien que tout cela ne t'atteint pas, mais je te demande, au nom de notre amitié, d'atteindre au moins que l'on sache si elle est toujours dangereuse pour ta cause et les tiens, avant de la tuer. Ce serait dommage de se priver d'un allié pareil dans la guerre qui t'oppose au gouvernement, non ? Même moi je ne sais pas pourquoi je la défends, je ne sais pas ce qui me pousse à vouloir la sauver de Rafaelo.

      Le mur de fumée devint depuis en plus épais, nous laissant dans une quasi-totale obscurité. Il est l'heure des confidences familiales, et des chuchotement. J'veux pas perturber la petite, tu sais, elle est pas comme moi ... Elle a besoin de ses amis, de sa grand mère et de son grand père, de sa petite île ou  elle a grandit, et ou elle restera en sécurité jusqu'à ce que mort s'en suive. Elle est pas comme moi. Je préfère racheter l'île au gouvernement, et si cela ne suffit pas à les convaincre, peut être oui, ce jours là ... Je deviendrai l'un de tes guerriers les plus farouche.

      La bombe est lâchée, moi qui n'avait jamais voulu prendre de partis dans ce rapport de force, allait peut être un jour m'engager dans la voie révolutionnaire. Mais jamais l'on me verra comme tel, avec mon passé de cador de Manshon. On me verrait comme un sale pirate opportuniste, qui n'a jamais eu en tête que son propre profit.

      Mais qu'importe les bruits de couloir, j'irais jusqu'au bout de mes convictions.
        Si lui était capable de tout pour arriver à ses fins, il était illusoire de penser que ses ennemis n’aient pas le même raisonnement. Ce faisant il se gratta le menton. Il avait l’avantage d’une Cause en laquelle il croyait et serait prêt à tout. Du fanatisme éclairé, si on pouvait dire, bien que la visée soit la mis à bas du Gouvernement pour épurer le système et proposer un groupe de nation à vocation égalitaire, où l’esclavage, les abus et les dragons célestes seraient abolis. Où les nations les plus perverses n’auraient pas leur mot à dire, où la liberté serait le maître mot … Mais qui disait liberté disait aussi coercition … Une affaire d’Etat et d’état, en sommes. Complexe à réaliser mais dont l’idée était très claire. Voilà pourquoi il était au sein des DRAGONS. Car il visait déjà l’après, croyait en leur projet. Tout en sachant qu’il ne ferait pas partie de ce monde d’après. Du moins, il ne l’espérait pas. Trop de sang, trop … d’erreurs.

        « Les gens ne changent pas, Judas. A quel moment peux-tu affirmer qu’elle ne l’a pas fait pour ses propres intérêts ? A quel moment ne pourrait-il pas s’agir d’un plan plus retors ? Tout n’est que balance bénéfice-risque. Cette femme est trop dangereuse pour vivre. Comme Boïna, comme Kenora. Comme Kiyori. Comme Teach. Tous ceux qui ont œuvré contre la Cause, contre le peuple. » répliqua-t-il en faisant un geste circulaire pour désigner l’ensemble du navire.

        « On peut … faire des erreurs. Mais certaines sont irréparables. Comment penses-tu que je serai accueilli si jamais je … non. Mauvais exemple, jamais je ne trahirai les miens, jamais je ne trahirai la Révolution. Tu vois, Judas, les gens ne changent pas. Quoi qu’ils fassent, au fond d’eux ils restent les mêmes. Toi et moi, on sait qu’on pourrait être auprès de nos familles, à les protéger au quotidien : c’est par cela que nous nous leurrons. Nous sommes, et serons toujours au front, quand bien même nous avons la volonté … de faire évoluer les choses. Penses-tu qu’elle soit différente ? Un tueur reste un tueur. Et je suis bien placé pour le savoir. »


        Voilà qui ponctuait l’échange de manière macabre. En soi, Annabella était le pendant gouvernemental de Rafaelo. Plus cette réflexion se faisait un chemin dans son crâne, plus il était convaincu qu’il ne pouvait la laisser vivre, que jamais plus il n’aurait l’occasion de la mettre à bas ainsi. La traque impliquait d’apprendre à penser comme ses proies. Et il savait pertinemment ce qu’il ferait s’il traquait quelqu’un comme lui : agir vite, sans concession. Or, par son affiliation à la Cause, il était devenu prédictible, ce qui lui conférait un sacré désavantage face à ses adversaires. Sweetsong ne l’était plus, sinon en l’état de créature acculée … si on occultait la possibilité que tout ceci fut un stratagème pour mettre à bas certains ennemis du gouvernement … Cette éventualité il l’acceptait, car il aurait pu faire pareil, toujours au nom de la Cause. Mais les agents de l’autre camp étaient trop opportunistes pour avoir un tel dévouement … Quoi que le conditionnement gouvernemental avait ses forces …

        « Un allié ? Tch. Un allié dont tu dois te protéger le dos en permanence est pire qu’un ennemi. On ne peut se battre sur deux fronts, Judas. Tu n’as pas idée des enjeux et des forces en mouvement. A l’heure où je te parle, une coalition se monte contre Teach sur l’ancienne Armada. Ce qui est … la raison de mon apparence actuelle : j’ai rencontré les pirates à l’origine de ce plan. Red est même revenu des ombres … encore un que je devrais voir comme un allié, selon toi ? Non. Leurs intérêts, leurs idéaux personnels. Ils sont et resteront un danger. De deux maux, je préfère n’en choisir aucun. » soupira-t-il, avant de se passer une main lasse sur le visage.

        « Merci de ton soutien, merci. Mais je sais que ta place est ailleurs. Surtout avec ce qu’est en train de devenir le mouvement, la Cause. Elle s’organise, elle se purifie. Je … hum … je veille à cela. C’est pour cela que j’étais là, Jud’, face à Boïna. Je suis la nouvelle constante dans l’équation. Et je vais équilibrer ce foutu jeu. C’était ce qu’on voulait avec mon frère, il y a si longtemps … créer un monde où mes enfants pourront vivre. » avoua-t-il, et cela commencerait par la mort d’Annabella.

        Ses enfants pourraient vivre. Tant qu’il en restait convaincu … La vérité tenait autant dans la montagne de crânes qu’il avait dû gravir pour se hisser à de tels échelons. Et il ne pouvait avoir fait cela en vain, il fallait que ces sacrifices en vaillent la peine. Pour la Cause.

        Du sang pour le dieu du sang … des crânes pour le dieu des crânes …
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        Je ne veux pas entendre raison, pas sur ce point. Je n'abandonne pas mon idée selon laquelle Bonny à véritablement changé, ou qu'elle le souhaite en tout les cas. Mais je m'époumone face au vent et mes idées s'éparpillent dans les courants marins, rien de plus. Rafaelo est plus têtu que moi, et ce n'est pas en quelques minutes, sur le pont d'un bateau qu'il considère "ennemi" que cela va changer. Je dois troquer mon optimisme à tout épreuve contre du réalisme, de la réalisation. Comment réconcilier ses deux là ? Comment en faire de véritables alliés à mes côtés ? Je veux un monde plus juste, moi aussi. Pour que ma fille grandisse dans les meilleurs conditions. Raison simple, comportement égoïste. Je me fiche pas des autres parce que j'ai une raison personnel d'y tenir. Depuis qu'elle est née, ma fille, elle a changé ma vie.

        De vieux roublards anti systémique, je suis devenu un bon gars qui tente d'améliorer les choses de ses deux mains. Du violent hérétique, j'ai troqué le costume contre celui du bon samaritain capable de faire bouger le monde dans le bon sens.  Alors comment lui faire accepter que les gens changent ? Comment lui démontrer.

        - Les gens changent, Rafaelo. J'en suis la preuve vivante. Tu te souviens de notre première rencontre, dans ses souterrains sales et insalubres, enchainé comme une bête sauvage ? Tu trouves que je suis le même depuis notre rencontre là bas ? J'ai pas l'air d'avoir suivit un autre schéma, et je ne te l'ai pas prouvé en t'aidant dans la révolution de Goa... A mon tour de me fendre d'un "Tch" plein de bon sens. Je ne te dis pas de la laisser vivre à tout prix, je te dis de lui laisser le bénéfice du doute. Que si jamais il se trouve que moi, Judas, ton frère, lui trouve des dessous du GM, alors je suis prêt à te donner un coup de main pour que tout le monde le voit, et la pendre sur la place publique.

        Je ne sais que dire. Je suis repoussé dans toutes mes bonnes actions à l'égard de cet homme. Peut être a-t-il connu trop de déraisons, trop de trahison, trop de déboires dans le vie, pour faire confiance à qui que ce soit. Et pourtant, je suis bien le dernier qui le lâchera, lui et sa famille Auditore, pour rien au monde on me fera changer d'avis que cet homme agit pour le bien commun. Alors je ronge mon frein, je sais que je passerai un jour mon arme à gauche, et que l'on me considérera alors comme ce que j'étais avant, un hérétique adepte de toute grandeur de l'éternelle Violence.

        - Ce débat n'a pas lieu d'être. Ton combat mérite que tu prennes les bonnes deçisions, ou au moins que tu les soupèse avant de les jeter aux orties. Tu ne peux pas écarter des alliés au si fort potentiel sous prétexte que tu as une rancœur personnelle et professionnelle à leur égard. Ta cause, notre monde, mérite mieux que ça non ? Question rhétorique, pas besoin de répondre. Je met les deux mains sur mes hanches en le regardant droit dans l'oeil, le bon. Celui qui voit et pas celui qui s'obscurcit de jour en jour, biaisant sa vision.
          Bien sûr qu’il s’en souvenait, mais une paire de chaînes ne faisait pas toujours de vous un assassin. Et quoi qu’en dise Judas, il n’avait pas changé dans son âme, dans sa fibre. Jouer la carte du repenti était trop simple, et il n’y avait pas de voie facile dans ce monde. Certains chemins ne souffraient aucun retour arrière.

          « On ne parle pas d’un chemin de vie, Judas. On parle de meurtres diplomatiques, de génocides organisés et du marchandage de vie. On ne revient pas de ces voies là. Céder est … facile. Aller droit au but, verser le sang est irréversible. Un meurtre est … impossible à ravaler, on ne peut racheter une vie. Je sais de quoi je parle, je porte la même souillure. Or, je ne mets pas cette souillure à mon service, ou au service de ceux qui exploitent le peuple : je la mets au service de la libération. Judas, je suis le sacrifice nécessaire. Ne me range pas dans le même sac qu’elle. Et, surtout, ne TE mets pas dans le même sac. » ragea-t-il.

          Combien d’affrontements interposés avait connu Ombre ? Combien de morts exemplaires au nom de la lutte ? Des vies gâchées, comme lui-même en avait gâché tant. Sauf qu’il oeuvrait pour une Cause juste, avec un but qui le dépassait lui : il était facile de se perdre dans la machine lorsqu’on en était qu’un rouage. A présent, il était un des ingénieurs de cette machine, il ne pouvait permettre le moindre écart, le moindre grain de sable qui ferait inéluctablement sauter la roue hors de son ornière.

          « J’écarte des alliés si la somme de leurs apports s’écrase face à la démesure de leurs nuisances. Le pouvoir de nuisance de Sweetsong est de loin supérieur à ce qu’elle pourrait nous apporter. Et crois-moi, je l’ai vue se battre. Si nous la tuons pas maintenant, je ne suis pas sûr de pouvoir l’arrêter un jour. Et alors, Judas, ce sang sera sur mes mains : le sang des miens. Car comme tu le dit, ce combat mérite que je prenne des décisions. »


          Il fit glisser sa lame secrète hors de sa gaine. La regarda quelques secondes. Le mur diffusait toujours des miasmes noirs entre eux et la lueur diaphane du soleil donnait à la scène un air lugubre. Un passage dans un autre monde d’ombres et de méfiance. L’assassin expira. La somme des apports ? La somme des apports …

          « Sauf … si elle se prouve utile. Maintenant. Si tu arrives à la convaincre de me révéler le nom des agents infiltrés dans la révolution. Nom, localisation et activité. Une fois cela fait, si elle me livre l’identité de l’espion infiltré dans la Révolution lors de la bataille de Drum où j’ai été trahi par les miens, alors seulement je la croirais. Seulement elle aura la chance de me prouver son utilité. Sinon, Judas, je te jure que je lancerai toutes mes forces à ses trousses. L’échec de Goa ne se reproduira pas. Jamais plus je laisserai le moindre traître, le moindre félon poser un pied au sein de la révolution. Si elle m’aide à accomplir ce but … alors, seulement, sa survie sera ouverte à négociation. »


          Ainsi trancha-t-il. Ainsi Sweetsong devrait se vendre à la révolution pour que l’assassin n’abatte pas sa lame sur elle, mais rien ne garantissait que cela irait plus loin … rien que la parole du tueur le plus renommé de la Révolution. Un homme qui avait autant de sang sur les mains qu’elle.
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          - En sommes, tout ce qui change c'est le camp que vous partagez. J'ai vu ta guerre à Goa, Rafaelo. Les gens changent mais les méthodes restent les même, c'est un fait. Que tu combatte pour ta vision de la liberté, et elle, pour la sienne, n'enlève rien au mal que vous faites tout deux. Si l'on devait juger, au regard de quelqu'un d'absolument neutre, vous' n'en resteriez pas moins semblable que certaines gouttes d'eau, ou même frères jumeaux... Il le sait bien, que ce que je dis a un sens ? Que l'échos de la sagesse paterne n'est pas fait que glisser sur moi, que je sois aussi perméable à mon propre père, m'étonne moi même. Finalement, ce qu'il m'a dit quand j'étais môme est resté. L'éducation, c'est le summum de l'arnaque. Tu mets dix ans à t'en défaire, pour finir par revenir dessus passé trente ans. Je regarde mon gars. Le genre de gars qui peut s'obstiner, j'en resterai pas moins la caboche la plus dure qu'il est jamais rencontré.

          C'est grâce à ça que j'arrive à vivre encore, après tout les coups, tout les revers, la vie. Moi je m'en plains pas, je l'aime avec ses bascules, et ses précipices.

          - Viens, buvons, parlons. Rions ce soir, car nous venons de survivre à une sacrée profondeur abyssale, aujourd'hui. Puis demain viendra le temps de prendre ce genre de décision. Mais après tout je suis que le poing de Manshon, le Lion de North. Judas. Je sais bien que je suis pas le plus à même de te faire entendre mon point de vue. Je suis persuadé qu'on nous fera bon accueil, je me charge de garder un oeil ouvert, juste au cas où. Laisse moi te rendre la pareille, je t'offre une assurance, alors j'te propose de l'accepter. Je vais garder la tête froide, et l'esprit clair. Je vais garder sous l'oeil cette Bonny, et te laisser l'opportunité de récupérer des informations, je pense que nous avons beaucoup plus à apprendre de son coté que tu ne le pense.

          Qui sa surprends ? La guerre se mène dans la tête, et je suis doué pour la guerre. Le sang, les hématomes, les cassures. Qu'un barbare de plus, qui sait juste juguler sa rage ce qu'il faut le temps de garder ses méninges. Et de devenir foutrement déraisonnable l'instant d'après. Sourire carnassier. Je sais pas s'il arrive même à suivre mon cheminement de pensée. Avec le genre de personnes, de légendes vivantes, qui vous ferez douter de vous même.

          Si bon orateur, que l'on penserait qu'il influence votre pensée au moment ou il vous parle, il vous hypnotise. Il ondule, dans ce maelostrom de fumée opaque et noiraude, qui faisait comme du coton noir et gris. Je passe le rideau de fumée, j'suis sur un navire assez incroyable, magnifique oeuvre d'art tout de boiseries élégantes mais solides. On sent qu'un maître d'oeuvre est passé par là, j'suis dans le bois, je sens ce genre de chose là. Même si je suis que le premier maillon de la chaînes, quand je brise les miennes pour réapparaître sur le monde.

          Je descends à la cale, on me mate mais j'vérifie même pas que Rafaelo me suive. Je souris férocement  à quiconque essayerait de jeter un regard trop insistant. Ils sont tous crevé qu'il a dit, plus ou moins non ? C'est comme ça que j'ai compris sa phrase, et mon instinct de chasseur me pousse à profiter de la faille que me laisse un animal blessé, jusque dans ses tripes.

          j'arrive dans la cave. Et je débite tout haut, sans savoir ni avoir à foutre que quelqu'un m'écoute.

          - Tu vois, l'important dans une cave de n'importe que alcool, c'est d'aller tout au fond quand on en pille une. J'prends rapidement le plis c'est ce que tu te dis ? J'ai le sang qui coule dans mes veines pour ça. Et on fait mains basses sur les bouteilles les plus pourrie et poussiéreuse que l'on puisse trouver. Petit ricanement. J'en trouve une qui est grisâtre, avec deux coupoles sur le deux dessus. Je trouve une table non loin et m'installe sur un de ses quatre chaises. Une bandelettes accroché sur le dessus signe un "Honmono no otoko no nomimono" dans le jargon commun.

          Je ricanne en l'ouvrant et sentant l'éther qui remonte jusqu'à ma narine. J'en sers deux coupettes, et me retourne pour voir si mon invité s'est dérobé pour aller assassiner Bonny ou pas. Après tout, j'ai fais le max maintenant, fallait voir si ça avait marché.

            Le bastingage crissa et vrilla sous les mains de l’assassin. Des stries craquelèrent le bois et lorsqu’il lâcha ce dernier, des miettes en tombèrent avec la trace marque de ses mains. La fumée vira au noir profond et une suie ténébreuse s’épancha de ses doigts. Le mur se solidifia et perdit en substance à la fois. Le navire s’enfonça un peu plus, tangua un peu moins. Quelque chose d’imposant avait pris masse sur le pont, ajoutant une force inconnue sur le navire, faisant s’enfoncer sa coquille dans les eaux et secoua la cale lorsque Judas y mit le pied. Il avait continué son discours, ne se rendant pas compte du changement de pression, d’ambiance. Rafaelo ne l’écoutait plus. Rafaelo jugulait sa colère, piqué au vif. Lui, pareil à cette … cette GARCE ?!

            Judas … tu avais beau être un frère, il y avait des limites à ne pas franchir. Des points à pas relever et des liens à ne pas tisser.

            L’assassin inspira, expira. La fumée reflua. Repartir. Puis le réintégra pour révéler un équipage abasourdi. Certains d’entre eux commençaient certainement à développer leur fluide de la perception, et avait pressenti le danger. Danger qui planait toujours et le bois du bastingage portait toujours les sévices de la poigne du révolutionnaire. Il les foudroya du regard, ils reculèrent d’un pas. Il chercha son interlocuteur du regard. Grogna quelque chose dans sa langue natale, puis disparut dans un nuage de fumée. Palpitant, explosif … puis qui s’engouffra dans les planches du navire pour se faire aspirer dans les ponts inférieurs. Et, de Rafaelo, il ne resta plus rien d’autre qu’une impression poisseuse que tout n’était pas terminé …

            « Judas. »

            Top tard, il avait déjà sa bouteille au goulot.

            « Judas. »

            Pas de réponse. Il grinça des dents. Un trait fumigène dense fracassa la bouteille, répandant le liquide sur le guerrier. L’assassin n’en eut cure. Il se rapprocha, sa fumée forma une gangue aux pieds de son interlocuteur. Elle gagna ses genoux, se glissa derrière lui et envahit la pièce. Une fumée noire, gluante. Chargée de colère, et très certainement de fluide combatif. L’épicentre d’une toile d’araignée.

            « La guerre de Goa. La putain de guerre de Goa. MES PUTAINS DE METHODES ? »
            lâcha-t-il en haussant le ton.

            La gangue se resserra sous la colère, sous la fureur qui s’empara du cœur de l’assassin. Elle ricocha sur les murs, s'accrocha aux poutres et aux cordes. Elle ruissela sur le sol, fit craquer le sol.

            « Mes putains de méthodes. Espèce d’enfoiré. Tu veux que je te les montre mes putains de méthodes ? Tu veux que je te montre les siennes de putain de méthodes ? »

            Encore un peu plus, la fumée gagna ses cuisses, ses hanches. Et serra, serra …

            « Elle prendra ta femme en otage, elle prendra ton enfant en bouclier. Le jour où tu penseras avoir un temps d’avance sur cette garce, elle s’offrira ta famille pour le putain de petit déjeuner. Elle jouera avec les os de tes enfants pour te foutre en rogne, pour t’attirer dans sa toile et s’offrir ton crâne en décoration. »


            Jusqu’au nombril …

            « Un regard absolument neutre, mais tu te fous de ma gueule ? Tu es obnubilé par ta volonté de ne pouvoir en faire qu’à ta tête en dépit de tout : même des autres. Et tu oses me faire des leçons de morale sur mes méthodes, similaires à ces enfoirés ? Je vais t’apprendre la différence, Thomas Judas Jefferson. »


            D’un geste de la main, il l’attira à lui et resserra sa poigne, la fumée enserrant à présent quasiment tout son corps jusqu’à sa nuque et son visage. Il serra, serra …

            « Sur le navire, tu étais un obstacle, tu m’as empêché d’accomplir ma mission. Tu as entravé un acte révolutionnaire commandé par le Guide en personne. »


            Il n’était plus qu’à quelques centimètres de son visage.

            « Qu’aurait fait un agent du gouvernement, hein ? »

            Il serra davantage.

            « Redis-moi quelles sont mes putains de méthodes ? »

            Puis il le lâcha et le renvoya au fond de la cale, dans les bouteilles qui roulèrent sous l’impact.

            « Rappelle-moi encore une fois la seule chose que je n’ai pas sacrifiée au nom de la Révolution, de la Cause. Rappelle-moi pourquoi mon honneur t’a épargné. »

            Et il disparut.
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