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Ma chambre d'enfant...

Là, debout à l'entrée de cette pièce, je peux la voir dans son ensemble. Juste devant moi, collé au mur d'en face, il y a mon lit dont le pied arrive juste sous l'unique fenêtre de ma chambre. Près de la porte il y a ma coiffeuse, avec ce miroir forgé par mon père, à côté d'une armoire dont la porte en bois semble avoir souffert de nombreuses éraflures.

Ma chambre, telle que je l'ai vu la dernière fois que je suis passée chez mes parents, chez ma mère devenue veuve. Ma chambre, avec son tapis moelleux où j'ai passé de nombreuses heures de jeu.

Même en fermant les yeux, je peux revoir tous les souvenirs que portent cette pièce. Toutes les fois où j'ai joué seule sur ce tapis, où je me suis entrainée à l'épée contre cette armoire, où je me suis coiffée en voulant séduire celui que j'aimais...

Une autre époque, qui semble si lointaine maintenant.

Et soudain, j'entends un bruit provenant de ce lieu qui a toujours été mien. Perplexe, j'ouvre les yeux, fronçant les sourcils. Qu'est ce que... ?

Avançant prudemment, j'entends le bruit recommencer, me faisant sursauter. Non mais quoi, je suis devenue une des plus redoutable pirate de la mer de tous les périls et ici, dans cette chambre, le moindre bruit me terroriserait ? N'importe quoi ! Me faisant violence, j'avance décidée vers le bruit qui provient du pied de mon lit, et plus précisément du coffre qui s'y trouve. Coffre qui est pris de soubresauts. Serrant les dents pour me donner du courage je m'en approche, cherchant à prendre en main la garde rassurante de mon sabre avant de remarquer qu'il n'est pas là. Perplexe, je me résigne à ne pas m'armer d'un objet et transforme plutôt mon corps, devenant mi femme mi dragon et possédant des griffes. Une main prête à agripper le responsable de l'agitation du coffre, l'autre sur l'ouverture de métal, j'inspire avant de soulever d'un geste le couvercle et...

Et là, je vois Croquinou qui me dévisage, clignant des yeux sous la lumière soudainement trop vive pour lui. Croquinou, ma peluche de dragon que mon père m'a offerte quand j'avais quatre ans. Et maintenant que le coffre est ouvert, sous mes yeux totalement interloqués, je le vois sortir de là, escaladant de ses petites pattes de tissus et de coton le rebord en bois pour enfin se libérer de son trou.
Et derrière lui, il y a aussi Chipie, Mina, Grisou et toute ma collection de poissons en métal que j'ai forgé au fils des années.

- Mais... Qu'est ce qu...
- Huit ans ! Huit ans qu'on est enfermé là dedans ! Bordel, que c'était long !
- Mais...

Je ne comprends pas ce qui se passe, je regarde autour de moi, détaillant une nouvelle fois la pièce pour m'assurer que je ne suis pas dans un genre de piège. Mais non, c'est bien ma chambre et lui, c'est bien ma peluche suivie de mes anciens poneys, poupées et autres jouets de bois et de métal tandis que les poissons sautillent désespérément au fond du coffre faute d'avoir des membres terrestres pour suivre le mouvement...

- Y'aurai moyen d'avoir un peu d'aide pour sortir de là ?!
- Ouais ! Tu nous dois au moins ça, tu crois pas Izya ?!
- Quoi ?!
- Allez Izya, aides les. Après tout, c'est mieux qu'on soit tous bien installé pour discuter.
- Discuter ?! Mais enfin, vous êtes "vivant" ?!
- Bien sur. Et tu y croyais quand tu étais enfant...

Je regarde Chipie, mon chat blanc en peluche qui lèche nonchalamment sa patte malgré l'absence de salive de sa nature... pelucheuse...
Et ne sachant pas trop quoi répondre d'autre, je décide de m'exécuter et récupère tous les poissons pour les aligner à côtés des autres objets qui ont décidé de prendre vie.

- Bon, on est tous là ?
- Le coffre est vide...
- Très bien. Maintenant Izya, tu nous expliques ?
- Hein ?

Non vraiment, je ne comprends absolument pas ce qu'il se passe.

- Bah déjà, commence par ton apparence.
- Mon apparence... AH, c'est rien ! C'est juste que j'ai mangé le fruit du dragon. Là, regardez, je peux redevenir comme avant.

Et immédiatement je redeviens l'ange qu'ils ont toujours connu.

- Vous voyez, je suis toujours la même.
- Foutaises !
- Tu n'as rien à voir avec celle que nous avons connu...
- Tu nous as oubliés ! Tu nous as oubliés en oubliant qui tu étais !
- Mais non ! Jamais ! C'est juste que...
- Que quoi ?! Tu as mangé un fruit du démon ! Ton rêve n'était-il pas de parcourir les mers à la nage ?! Et comment tu comptes faire maintenant que tu es maudite par ton pouvoir !
- Parce que vous croyez que je l'ai voulu ?! C'était ça ou la mort !
- La Izya qu'on connait serait morte ! Morte plutôt que de croquer dans un fruit du démon et d'oublier ses rêves !
- Et elle n'aurait jamais abandonné Léo quand elle l'a retrouvée !
- Et ne parlons même pas de ton père, hein Izya, tu peux nous dire qui est ton père ?

Je me sens... Acculée. Pourquoi ? Pourquoi me font-ils cela ? Qu'est ce qu'ils me veulent au juste ?!

- Madame a découvert qu'elle était la fille de ce soldat qu'elle a croisée quand elle avait huit ans, et du coup elle n'a plus eux d'yeux que pour lui !
- Alors que nous... Nous, tous les jours nous entendions ce pauvre Géralt pleurer ton départ, et rager de ne pouvoir te rejoindre ! Jusqu'à ce qu'il se lance enfin, et pour quoi ? Pour y trouver la m...
- STOOP ! ARRÊTEZ ÇA TOUT DE SUITE !
- ...Pour y trouver la mort !

Non mais ils croient quoi au juste ?! Que mes rêves d'enfants ne me manquent pas ?! Que je n'aurais pas préférée que certaines choses se passent autrement ?!

- Je n'ai... Je n'ai JAMAIS voulu tout ça ! Vous croyez quoi ?! Ce que j'ai vécu avec vous, ce que j'ai appris auprès de vous, c'est ça ! C'est ça qui m'a permise de rester en vie toutes ces années ! La vie... J'ai fais des choix dont je ne suis pas toujours fière, mais je les ai fait, et ce sont eux qui m'ont conduits ici ! Parce que j'ai décidé de rejoindre un équipage de pirate, j'ai été envoyée dans la pire prison du monde ! Et c'est ça qui m'a permise de connaitre mon père biologique, mais aussi de rencontrer son meilleur ami et celui qui est devenu la personne la plus importante pour moi ! Et ça, sans ce choix de devenir pirate, sans ce choix de manger mon fruit du démon pour survivre, je n'aurai jamais pu les connaitre ! Alors non ! Non je ne regrette pas mon départ ! Je ne regrette pas mes choix ! Quand à mon père... A Géralt... Je n'en ai rien su ! Sinon j'aurais accouru pour le sauver ! Mais je n'ai pas pu. Et même si je suis triste, même si mes rêves d'enfants sont morts à cause de mes choix, je ne regrette rien !
Parce que j'ai une autre vie maintenant ! J'ai une vie où je suis entourée de gens qui m'aiment et me soutiennent, et qui comptent sur moi ! Alors oui, oui je ne traverserai pas les mers à la nage. Oui, je n'épouserai peut être pas Léo car mon cœur ne lui appartient plus mais... Mais je compte bien continuer à me battre pour être heureuse et profiter à fond de cette vie !

Et qu'importe ce que vous dites, je sais que je suis toujours la même !


Ma respiration est forte sous l'intensité de mon discours. J'en tremble tant cela m'a pris aux tripes. Et maintenant, je les regarde les uns après les autres, attendant leur verdict, leur jugement.

Croquinou s'approche de moi jusqu'à poser sa patte sur ma main.

- Oui. Tu as fait de ton mieux, alors ne l'oublie plus.

Je les regarde, surprise. Ne l'oublie plus ? Je repense alors à toutes ces épreuves que j'ai traversé, à cette épreuve que je traverse encore... Combien de fois ai-je voulu tout arrêter ?
Bien trop souvent...

Je me détends soudainement, regardant le plafond de ma chambre et fermant un instant les yeux, sentant la paix revenir au fond de mon âme.

- Pardon, je ne l'oublierai plus.

Et lorsque j'ouvre de nouveau les yeux, ma chambre d'enfant à fait place à ma chambre d'adulte tandis que je suis au fond de mon lit. Ici, plus trace de jouets mais, grâce à eux, mon âme est en paix.

Et plus que jamais, je me sens prête à vivre.


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- Ma chère Alcéa…
- Votre Sainteté.
- J’ai besoin que tu ailles m’acheter ce thé.
- Bien entendu votre Sainteté, j’y vais de ce pas.

Quinze jours plus tard, à bord d’un navire civil réquisitionné pour l’occasion…

Enfin.
Me voici enfin aux abords de l’île de Wanokuni. Une île à l’ambiance si particulière où les citoyens aiment se vêtir de longs kimonos dont la souplesse de mouvements semble laisser à désirer, mais dont l’habileté des samouraïs et ninjas révèle qu’il n’en est finalement rien. Un habit que j’aime à porter, non pas tant pour son élégance que parce qu’il plait à mon amour d’étoile et chef, Ike Basara.
Une fois de plus, la vénérable étoile du gouvernement mondial a su me montrer sa confiance en mon efficacité... Je dois l’admettre, lorsqu’il m’a demandée d’aller lui chercher du thé, j’ai crue avoir baissé dans son estime... Ne suis-je une agent du Cipher Pol surentraînée, prête à tout pour la gloire de cette institution et encore plus pour la gloire de sa Sainteté Basara ? Mais lorsque j’ai compris que ce thé n’était vendu que dans une petite boutique de la capitale de Wanokuni, j’ai compris qu’il n’en était rien.
Oui, Ike Basara a toujours confiance en moi car cette île n’étant pas rattachée au gouvernement mondial, il est bien plus difficile qu’il n’y parait d’y arriver et encore plus d’y trouver ce fameux thé.

Et après moults épreuves, cette fois, j’y suis enfin. Faisant face aux maisons traditionnelles faites de bois, de pierre, de papier et de verre et dont la géométrie travaillée reflète parfaitement l'organisation très stricte de l'endroit. C'est peut être pour cela sa Sainteté apprécie tant ce qui vient d'ici...

Avançant dans la ville, je regarde ma vieille carte tirée des archives du Cipher Pol l'endroit où je dois me trouver puis où le salon de thé est censé être. Sauf que, j'ai beau tourner la carte dans tous les sens, rien ne ressemble à mon foutu bout de papier. Est ce vraiment étonnant pour une carte datant de 1510 alors que nous sommes en 1628 ? Non, clairement pas. Fichus royaumes indépendants ! Ils ne voient donc pas tout ce que le gouvernement pourraient leur apporter s'ils le rejoignaient ?! Il faut croire que leurs esprits rigides les rendent tous débiles, ou aveugles, ou les deux.

Mais soit, ce n'est pas une vieille carte obsolète qui va m'arrêter.

Roulant le parchemin, je me redresse, soufflant pour faire disparaitre ma frustration avant de chercher dans mon environnement proche un indice qui pourrait m'aiguiller comme... un vieux type qui me dévisage depuis son banc face à la mer ?

- Vous semblez perdue jeune fille.

Je le regarde plus précisément, remarquant l'inscription sur la manche de son kimono.
S
I
R
I
Est-ce le sigle d'une entreprise quelconque ? Je me demande... Est-ce réellement important ? Clairement pas. Ce type fera un pigeon parfait, c'est tout ce qu'il y a à savoir.

- Et bien... C'est le cas oui...

Je baisse un peu la tête, honteuse, souriant timidement tout en remettant une mèche de mes longs cheveux violet derrière mon oreille.

- D'habitude, c'est mon père qui vient ici mais... Il est très malade et m'a demandé d'aller lui chercher du thé Gyokuro...
- Votre père semble grand connaisseur jeune fille.
- Oui ! Et il compte sur moi pour le lui trouver mais... Je n'ai pas fait attention à l'âge de ma carte avant de partir et je me retrouve totalement dépassée par cette ville...
- Du thé Gyokuro...

Oh bordel... J'espère qu'il n'est pas sénile ?

- Mon père m'a dit que j'en trouverai au Thé Miroitant... Sauriez vous où il se trouve ?
- Le Thé Miroitant...

Le vieil homme se frotte le menton, ses yeux bridés si plissés qu'on les croiraient fermés. Et pendant ces secondes qui me paraissent des putains de longues heures, je fais au mieux pour garder mon sourire innocent alors que la couleur de mes yeux passent du violet au noisette, trahissant de plus en plus mon agacement.

- Le Thé Miroitant...

Non mais c'est une blague ?! Je suis vraiment tombée sur le pire gâteux que la ville possède ou quoi ?!

- Il se trouve au nord de la ville. Dans la rue des bains, juste en face du grand bain mixte. En suivant sa direction, vous devriez le trouver facilement.
- Merci vieil-homme ! Vous me sauvez.

Je m'incline respectueusement devant lui et tourne les talons pour le fuir au plus vite avant qu'il ne me fasse perdre plus de temps. Non mais franchement, c'était si compliqué à dire qu'il lui a fallu cinq minutes pour y réfléchir ? Ces vieux alors... Insupportable.

Enfin, il m'a quand même donné ma destination : en face du grand bain mixte, au nord. Alors sans plus attendre, je file à travers les rues sans m'attarder plus. Car chaque heure que je passe à terre, je devrais le payer à l'équipage que j'ai embauché pour m'amener jusque là.
Et chaque minute perdue est une minute où mon cher et tendre Basara n'a pas son thé. Ce qui est clairement inacceptable.

Pourtant, alors que j'avance d'un pas décidé vers ma destination, je me fige soudainement lorsque mon regard se pose sur un magnifique kimono violet brodé de grosses fleurs mauves qui trône dans une vitrine au côté d'un gros pull de laine. Si le pull n'a clairement aucun intérêt, ce kimono par contre a toute mon attention.

Je ne prends guère de plaisir à me mettre en valeur... Mais, je sais ce qu'il faut faire pour séduire le cœur des hommes faibles et pervertis... Cependant... Depuis deux ans... Celui que je voudrais séduire... Enfin non, pas séduire mais plutôt... attendrir ? Je... Je voudrais tellement qu'Ike puisse voir ! Voir à quel point je l'aime, à quel point mon amour est fort et... Et que je suis capable de tout pour lui ! Que ma vie lui appartient, totalement.
Comme si mon reflet revêtait ce vêtement, je me demande si cela lui plairait. Après tout, j'ai changé mes cheveux pour lui, contrôlé la couleur de mes yeux aussi... Pour qu'il puisse les voir de cette teinte qu'il apprécie tant... Alors est ce que... ? Est ce que je devrais acheter ce kimono ? Est ce qu'il serait plus heureux si je lui apportais son thé dans cette belle tenue ?

Est ce qu'il verrait alors la femme derrière l'agent ?

Mais je suis un agent avant tout. Et pour l'heure, j'ai une mission à accomplir. Ike m'a demandé du thé, pas un défilé de mode ! Jetant un dernier regard au kimono, je m'en détourne à regret et repart vers la boutique tant désirée.

Sans plus m'autoriser de distraction, je me focalise sur l'objectif, avançant presque en courant, gardant en tête cette mission qui m'a été donnée.

Plusieurs fois, je bouscule des gens, m'excusant rapidement en m'inclinant comme le veut la coutume du coin pour ne pas m'attirer les foudres de la foule, au cas où il y ait un imprévu avant mon départ...

Et finalement, exactement là où le vieux au kimono SIRI me l'avait dit, je trouve le salon de Thé Miroitant. M'arrêtant face à la devanture, je prends le temps de la détailler pour être sûre d'être au bon endroit, puis me décide enfin à y entrer.

Mon plan est simple et bien ficelé : aller vers le vendeur, lui demander le Thé Gyokuro, au moins dix paquets pour être certaine de ne pas avoir à revenir de si tôt, et repartir immédiatement. Un plan rapide, efficace qui me laisse tout juste le temps d'aller récupérer le fameux kimono vu plus tôt. Parce que oui, j'y ai bien réfléchi et je crois qu'Ike sera bien plus heureux si je lui sers une tasse de son thé si précieux magnifiquement vêtue.

Mais dans ce plan, j'ai oublié de prendre en compte le facteur "autres clients". Ou plutôt "autre cliente franchement chiante qui est pas foutue d'écouter les conseils du vendeur qui lui dit de prendre le même thé que celui que je suis venue chercher."
C'est pourtant pas compliqué, non ? Je veux dire, une des cinq vénérables étoiles m'a faite traverser un quart du globe pour l'avoir ce thé, alors forcément qu'il est bon ! Forcément que c'est le meilleur !
Et forcément que je ne vais pas avoir le temps de récupérer mon kimono si elle ne se dépêche pas !

- Excusez moi mais... Si Madame n'en veut pas, moi je suis venue de loin exprès pour ce thé Gyokuro...

Je fais un grand sourire en toute innocence au vendeur, papillonnant un peu des cils pour le convaincre de me servir avant l'indécise. Et si j'espère que le vendeur me fasse passer outrageusement devant l'autre cliente, sa réaction me déçoit grandement...

- Vous voyez ? Madame est de mon avis, elle sait ce qui est bon !

Assez pour faire passer mes yeux du violet au jaune l'espace d'une seconde tandis que l'autre cliente soupire...

- Bon… Et bien… Je me laisse tenter alors…

Cette fois, c'est moi qui soupire. Tout ça pour ça... Enfin... au moins elle s'est décidée... Juste le temps qu'elle termine et ma mission sera vite enfin terminée !

J'ai si hâte de pouvoir offrir cette nouvelle réussite à l'étoile de mon cœur... Mon Basara...
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- J'ai... Un peu peur Monsieur...
- Je t'ai déjà dis de m'appeler Matsuya ici. Les autres ne vont pas comprendre si tu m'appelles Monsieur.
- Je... Je vais essayer... Mais j'ai quand même un peu peur...
- On en a déjà discuté Princesse. Si tu ne veux plus apprendre et te faire de nouveaux amis, on repart immédiatement.

Je dévisage Monsieur de mes grands yeux bleus brillants. C'est comme je veux... A chaque fois qu'il me dit ça, et il me le dit souvent, cela me serre toujours autant le cœur. Comme je veux... Moi, l'ancien poisson domestique, petite sirène bleue ayant été élevée pour satisfaire les caprices de son maître, j'ai maintenant le droit de choisir ce que je veux. Grâce à lui et tous ces gens que j'ai rencontré. Des gens parfois violent, mais c'est juste parce qu'ils n'arrivent pas à exprimer leurs émotions.

- Je veux apprendre...
- Alors on reste.

On reste oui, dans cette école que Monsieur a choisi pour moi et où il a accepté de m'accompagner. Ils m'ont même donné un fauteuil avec des roues pour que je puisse me déplacer toute seule ! Mais c'est presque aussi épuisant de faire rouler les roues que de ramper sur le sol...
Ce serait tellement plus simple si...

- On ne peut vraiment, vraiment pas faire venir Requin ?
- Ils ont dit qu'il était trop grand pour l'école. Et qu'ils n'avaient pas d'aquarium pour le faire dormir. Déjà qu'ils t'ont donné la seule chambre avec baignoire...
- Pauvre Requin... Il n'est pourtant pas si grand comparé à sa famille...
- Tu veux qu'on cherche un moyen de le faire venir, c'est ça ?
- Non... Si on a pas le droit... Mais... On va rester combien de temps ici ?
- Au moins trois ans.
- TOUT ÇA ?! Mais on ne peut pas le laisser tout seul si longtemps ! Il va s'ennuyer et... Et s'il lui arrivait malheur ? Et si..!
- On va lui trouver un bassin.

J'hoche la tête, très sérieuse. Oui, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Requin est notre ami, on ne peut pas l'abandonner pendant si longtemps, ce serait trop cruel pour lui.

A la fin de la journée de cours.

- Alors ? On reste ?
- Ouiiiii ! C'était trop bien l'école ! Vous saviez vous, que la lumière est composée de plein de couleur ? Et que le cœur peut battre tout seul ? Et qu'on peut connaitre l'âge des cailloux grâce au charbon  ? Et...

Monsieur, enfin... Matsuya me sourit, content de me voir excitée face à ces nouvelles connaissances apprises en une seule journée !

- Et tu as réussi à te faire des amis ce midi ?

Midi où il m'a laissée seule pour ne pas faire peur aux autres élèves qui voudrait me parler... Je baisse la tête, honteuse. Finalement, des garçons sont venu mais... L'un d'eux allait manger du poisson et je me suis mise à pleurer en voyant ce pauvre petit corps dans son assiette...
Alors ils sont partis, et moi je suis restée seule à pleurer ce pauvre petit être... C'était si triste ! Mais je n'ose pas en parler à Monsieur.
Et mon silence en dit bien trop long pour l'ancien capitaine corsaire du gouvernement mondial.

- On va pouvoir le bassin pour Requin.
- Vous en avez trouvé un ?!
- Il y a une piscine sur le campus. Quand la nuit sera tombée, on s'y faufilera.
- Ouiii ! ... Mais... Ce n'est pas interdit ?
- Seulement si on se fait prendre. Mais t'inquiète Princesse, une fois que Requin sera dedans, ce ne sera plus interdit, promis.

Parfois, j'ai du mal à comprendre les choses que me dit Matsuya. Mais j'ai entièrement confiance en lui et je sais qu'il fait tout cela pour moi, pour me rendre heureuse. Et il n'y a pas de mal à vouloir prendre soin de ses amis non ? Donc il n'y a pas de raison que ce soit mal.

Quelques heures plus tard, dans la nuit...

Nous avons pu nous laver et nous reposer un peu. Et maintenant que la nuit est enfin bien noire, Monsieur me prend sur son dos et m'y attache afin d'être plus libre de ses mouvements. Mes bras entourés autour de son cou, nous nous aventurons dans les couloirs de l'internat. Matsuya est très prudent, heureusement il est aussi très rapide, passant telle une ombre dans les couloirs pour se faufiler jusqu'à l'extérieur et courir la piscine du campus. Après avoir vérifié l'absence de surveillant autour de nous, il ouvre la porte d'un gros coup de pied et nous entrons.

Découvrant l'endroit, mes yeux pétillent d'émerveillement devant ce grand bassin qui nous fait face où Requin pourra facilement se reposer ! Et où même moi je pourrai jouer dans l'eau avec lui et Monsieur !

- C'est parfait ! Monsieur ! C'est vraiment merveilleux !

Je le serre fort dans mes bras avant qu'il ne me détache et me pose au sol. Rapidement, je me dandine jusqu'au bassin et m'y jette sans prendre la moindre précaution. Mais à peine ma respiration aquatique prend le relai sur ma respiration aérienne que je manque de m'étouffer, remontant en panique à la surface, toussant et recrachant l'eau empoisonné que j'ai aspiré.

- Ça va poupée ?
- *tousse* *tousse* L'eau ! Elle est bizarre !

Je me hisse à la force de mes bras au bord du bassin en continuant de tousser tandis que Matsuya fronce les sourcils en s'accroupissant près de moi.

- Ce doit être le chlore... On va devoir vider l'eau.

Il se redresse et dévisage le lieu avant de se diriger vers un endroit précis. Et l'instant d'après, le voilà qui ressort avec de grosses choses en plastique et de longs tuyaux qu'il déroule. Ces tuyaux, il les jette dans l'eau avant de les relier à des endroits au murs et au sol.

- Qu'est ce que c'est ?
- Des pompes. Elles vont enlever l'eau du bassin.
- Oooh. Comme ça on pourra en mettre de la nouvelle qui sentira pas mauvais !
- Exact.
- Oh ! On pourrait aller chercher de l'eau de la mer ! Comme ça Requin serait comme chez lui !

Matsuya me fixe étrangement.

- Je... J'ai dit une bêtise ?
- Non, bien au contraire... Cela dit, on ne peut pas amener de l'eau de mer. Par contre, on peut en fabriquer.
- Ah ?
- Oui. Mais il va nous falloir autre chose... Le mieux c'est que tu ne bouges pas de là, je vais aller en chercher.
- Chercher quoi ?
- Du sel. Tu surveilles les pompes Princesse ?
- Oui !

Il hésite un instant en me dévisageant avant de finalement partir, me laissant seule avec les pompes qui vide l'eau pas bonne.

Son absence ne dure pas plus de quelques dizaines de minutes. Même pas assez de temps pour que le bassin soit totalement vide, ramenant avec lui quatre gros sac de sel.

- Vous avez trouvé ! Vous êtes vraiment le meilleur de tous Monsieur !
- Je sais. On en est où ?
- Il reste encore de l'eau mauvaise...
- Ça laissera le temps à ce gosse de nous ramener plus de sel.
- Ce gosse ?
- Oui, il trainait dans les couloirs, je lui ai demandé de nous aider.
- Oh ! Vous vous êtes déjà fait un nouvel ami ! C'est merveilleux !
- Hm. Un ami... Oui...
- C'est pas un ami ?
- Pas vraiment...
- Monsieur... Vous avez été gentil avec lui, pas vrai ?
- Ne t'inquiète pas, poupée. Il nous aide et je ne l'ai pas blessé, mais je ne pense pas être son ami. Par contre ça pourra être le tiens. C'est toi qui veut des amis, pas vrai ?
- D'accord... Je lui dirai merci quand il sera là alors !
- Fais donc ça.

Nous attendons encore de longues minutes que la piscine finisse de se vider, jusqu'à ce que notre silence soit brisé par de la lumière et des bruits extérieurs.

- Qu'est ce qu'il se passe ?!
- Fait chier, il s'est fait chopper ! On doit filer Princesse !
- Oh non ! Il va avoir des problèmes à cause de moi ?
- Mais non...
- ...
- Peut être... Mais c'est trop tard pour lui Poupée. Mais je peux encore nous sortir de là.

Les bras de Matsuya me ramasse tandis qu'il se dirige déjà vers la sortie à l'autre bout du bâtiment.

- Non ! On peut pas le laisser tout seul ! Il a accepté de nous aider ! Et puis on ne fait rien de mal ! On fait ça pour Requin ! Si on explique ça au surveillant, je suis sûre qu'il comprendra !
- Non, il ne comprendra pas Princesse. Quand les gens ne veulent pas comprendre, ils ne comprennent pas.
- Si ils peuvent comprendre ! Laissez moi lui parler et je vous le prouverai !
- T'es sûre de toi Princesse ?
- Oui ! On ne peut pas l'abandonner !
- D'accord...

***********

Le lendemain, en salle de colle

- Je ne comprends pas... Pourquoi on est puni Matsuya ?
- Je t'avais dis que quand les gens ne veulent pas comprendre, ils ne veulent pas comprendre...
- Je... Désolé Dan... C'est à cause de moi que tu as eu des problèmes...
- Et du coup Princesse, qu'est ce qu'on fait ?
- ... On ne peut pas abandonner Requin pour l'école... Alors si l'école ne veut pas de lui, on ne peut pas rester...
- Désolé Princesse... Allez viens, on s'arrache. T'chao les nazes !
- Au revoir tout le monde... Ravie de vous avoir connus... Et désolé...
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