Rio

Bon, vous ne l'aurez peut-être pas remarqué, mais je ne suis pas franchement humain. Mais même si on me prend pour cette espèce, c'est faux. Je suis un sirène. Ma mère était une sirène et mon père un homme poisson. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que je fais une taille humaine avec un mètre et quatre vingt quinze centimètres (1m95) pour quatre vingt kilos (80kg). Ma peau est de couleur humaine, ce qui me permet de me faire passer pour un humain ordinaire quand je le souhaite. Tant que je ne suis pas immergé, je possède deux jambes tout à fait ordinaires. Rien ne permet de dire que je ne suis pas un être humain. Mais une fois dans l'eau, si je le souhaite, tout change. Mes deux jambes fusionnent pour former une queue de poisson. Là, impossible de me prendre pour un humain. Ça signifie aussi que je nage beaucoup plus vite qu'un humain ordinaire, que je peux respirer sous l'eau …

Ceci n'est possible que parce que j'ai quarante ans. En effet, à partir de 30 ans, les sirènes peuvent séparer leur queue en deux pour obtenir des jambes à la place. Le procédé prend une seconde et est indolore. J'ai de long cheveux noirs. Mes pupilles et iris sont fusionnés et entièrement blanc. Les gens me prennent souvent pour un aveugle à cause de ce trait particulier. Je vous laisse imaginer la tête des patients en voyant un médecin aveugle pointer un bistouri vers eux, ou tâter des herbes pour vérifier que ce soit des non mortelles. Niveau musculature, je suis dans la norme. Ça n'a jamais été ma priorité. Je me débrouille en combat grâce aux différents styles que j'ai vu en voyageant. Sinon, j'utilise surtout des ustensiles, des drogues, des poisons et autres joyeusetés dans le genre. Je porte normalement une robe ample très traditionnelle blanche avec un manteau couleur kaki. Je cache dans ceux-ci tout ce dont j'ai besoin pour mon travail. Voilà pour mon physique.

Pour l'aspect psychologique, ça va être plus compliqué de me décrire. Mais on peut résumer en 'ça dépend de mon humeur'. Je suis quelqu'un de fier, ça se voit à ma démarche, je demande rarement de l'aide, alors quand je le fais, c'est que la situation est cataclysmique. Je suis globalement quelqu'un de bien. J'aide les mamies à traverser les rues, je donne des directions aux personnes étant perdues, je réponds aux sondages dans la rue, je récupère les déchets sur le sol pour les mettre dans les poubelles. Tous ces petits gestes anodins qui font du monde un meilleur endroit. J'aide la marine parfois, ce qui me vaut d'avoir quelques contacts acquis au cours de mes errances.

Et pourtant, je ne suis pas immaculé. Durant mes pérégrinations, je me suis rendu compte que pirates et marines n'étaient pas toujours synonymes de mal et de bien. J'ai vu des marines opprimer le peuple, des chasseurs de prime mentant à la marine pour mettre une prime sur quelqu'un d'innocent afin d'aller le cueillir plus tard. Tout comme j'ai été témoin de pirates et révolutionnaires protégeant et sauvant des gens voire des îles. Mon monde a été chamboulé quand j'ai vu et vécu ça. Car d'un monde binaire, je suis passé à une palette infinie de gris. Au cours de mes voyages, je me suis lié avec des révolutionnaires, et il arrive que parfois, je leur verse une partie de la prime en échange d'informations.

Si mon humeur est bonne, je suis la plus gentille personne sur terre. Si elle est neutre, je suis juste un quidam que vous croiserez, sans plus. Mais si elle est mauvaise, je suis capable de tout. Je peux mentir, voler, tuer, mutiler pour le simple plaisir ou que quelqu'un retienne une leçon. Je ne montre que très rarement cette facette de ma personnalité car je ne l'aime pas, elle ne représente pas qui je suis. Mais parfois, le mal est nécessaire pour faire avancer les choses, régler des solutions compliquées, triompher. N'est-ce pas ?

Si je ne montre pas mon côté homme-poisson, c'est parce qu'une partie de moi à honte de cette particularité. Malgré les progrès dans le domaine social, l'intégration d'hommes-poissons à la société reste souvent difficile. Parce que les préjugés dominent le monde, je cache mon identité.

Tout le monde a sa place dans une histoire. Mais pas nécessairement dans l'Histoire. On ne se souvient que des êtres exceptionnels, de ceux ayant un rêve démesuré, une ambition incomparable et des capacités extraordinaires. Qu'il s'agisse d'amiral de la marine, de chef de la révolution d'empereur pirate, de meilleur sabreur au monde. Mais ont également leur places les non-combattants, tel le meilleur cuisinier au monde, le navigateur ayant fait le tour du monde et tout cartographié, le médecin ayant réussit à guérir toutes les maladies rencontrées … Je serais connu pour être le meilleur herboriste. Pas le meilleur herboriste de North Blue, de South Blue, de Grand Line ou du Nouveau Monde. Non. Le meilleur herboriste du monde et de toutes les époques confondues. Tout simplement. Je veux être LA référence, celui vers qui tout le monde se tourne en cas de besoin. Celui que l'on appelle pour un conseil. Celui dont la parole vaut de l'or. Cet égocentrisme vient de ma situation passée.

Je suis né sur l'île des hommes-poissons en 1588. Nous n'étions pas riches et vivions sous la coupe d'une brute. Un jour, lors de ma troisième année, ma famille n'a pu payer le tribut pour la protection du clan des hommes-poissons. Ces derniers ont voulu me prendre en otage jusqu'à ce que mes parents payent le tribut. Mon père a vu rouge et a été combattre pour me récupérer. Au prix de son bras gauche et son œil droit, il a réussit. Mais la vie était devenu impossible pour nous. Le gang viendrait nous trouver d'ici quelques heures, et un massacre aurait lieu. Alors nous avons fuit. Pour qu'on ne se fasse pas repérer, mes parents ont décidé d'aller ailleurs. On a eu plusieurs chez nous durant cette période. L'endroit où nous sommes resté le plus longtemps est un coquillage géant provenant d'une carcasse de monstre marin. Nous y sommes restés cinq ans. Durant, j'ai montré un intérêt pour la faune et la flore. La flore plus particulièrement. J'ai rapidement appris à les reconnaître, que ce soit par l'odeur, le goût, le toucher ou le visuel. Je suis devenu incollable dans notre petit monde.

Puis un descendant du monstre marin est arrivé et à fait de la carcasse de son ancêtre son  nouveau domicile. Alors on a déménagé. Encore, et encore, et encore. La seule chose n'ayant pas changé fut mon amour pour les plantes. Mon intérêt à les connaître, découvrir leur secret, savoir ce qu'elles peuvent faire seules ou combinées ont fait que je m'éloignais plusieurs heures parfois pour en trouver de nouvelles. Nous vivions simplement, nous nourrissant de poissons et d'algues, nous abritant dans des cavernes, des rochers creux, des carcasses d'animaux, dans des récifs … Nous étions libres à cette époque. En voulant nous protéger d'une attaque d'un animal faisant trente fois notre taille, mon père a perdu la vie. Il nous a permis de nous échapper en payant l'ultime tribut.

Durant les mois qui ont suivit, ma mère n'était plus pareille. Elle avait perdu le goût de vivre. La joie qui autrefois emplissait ses yeux avait disparut, remplacée par un teint monochrome. Je lui faisais des tonics, des décoctions, des potions, mais rien n'y a fait. Elle a dépérit. Quelques jours plus tard, je me retrouvais orphelin. Ceci a été l'épreuve la plus difficile que j'ai eu à surmonter. Mais je l'ai fait. Avec du temps, j'ai fait mon deuil, j'ai surmonté ce défi et m'en suit relevé plus fort. Je voulais aller explorer le monde pour accroître mes connaissances, mais n'ayant pas trente ans, j'étais condamné à rester dans l'eau à cause de ma queue de sirène. J'ai donc voyagé, en restant dans l'océan, m'approchant de ports de temps en temps pour écouter.

Quand j'ai eu trente ans, j'ai pu apprendre à séparer ma queue en deux pour obtenir deux jambes humaines. Quelques semaines plus tard, ce procédé était perfectionné, et je sortais entièrement de l'eau pour la première fois. On m'a traité d'ivrogne plusieurs fois en voyant ma démarche titubante. On m'a bousculé un nombre de fois incalculable. J'ai appris le monde à la dure. Je pensais que le monde humain m’accueillerait à bras ouverts. Il m'a craché au visage, frappé dans le ventre, envoyé mon visage sur une plaque de cuisson bien chaude, puis versé du citron dessus. Il m'a fallut plusieurs mois pour paraître normal et apprendre le monde. Durant ce temps, j'ai du voler pour survivre, en plus de retourner dans l'océan pour récupérer de quoi manger. J'ai finit par faire du troc. Je suis passé d'île en île pour accroître mon savoir.

Un jour de 1618, je suis passé près d'un accident de chantier. Une partie d'un mur s'était effondré. Des gens blessés, des cris de douleur, des membres arrachés parfois. Utilisant mes connaissances et le matériel que j'avais sur moi, je me suis précipité à leur rencontre. A coup de cataplasmes, de décoctions et de remèdes de grand-mère, je les ai soulagé de leur souffrance. Je les ai aidé à attendre les secours plus patiemment. Je me suis fait dégagé comme un malpropre quand les médecins sont arrivés. Ils m'ont traités de charlatant. La société pouvait-elle à ce point être stupide ? Quelques jours plus tard, quelqu'un m'a interpellé. La compagne d'un des hommes que j'avais aidé. Elle m'a invité chez elle pour me remercier, car d'après les dires du médecin, sans mon aide, son mari serait mort avant que le toubib arrive. Pour la première fois de ma vie, des humains se montraient gentils envers moi. Et je trouvais enfin ma vocation. Je pouvais aider les gens avec mes connaissances. Vagabondant de ville en ville, d'île en île, j'ai accrût mes connaissances médicales jusqu'à aller passer sept années sur Drum, en compagnie des toubib mondialement réputés et leur étudiants. J'ai énormément appris à leur côtés.

Sentant que l'environnement n'était plus propice à mon épanouissement personnel, j'ai quitté les lieux pour retourner sur les Blues et offrir mes services avec le titre de docteur durement acquis. Je n'ai plus besoin de voler pour survivre, ni de mentir sur qui je suis. Je ne suis pas riche, mais au moins je vis. J'offre mes services en échange d'un repas chaud et d'un logement si le patient n'a pas assez d'argent pour payer. Et petit à petit, j'ai compris que l'argent allait être un problème. Alors j'ai économisé pour acheter ma licence de chasseur de prime. Je ne suis pas connu, mais ça ne saurait tarder. Mon histoire s'écrit toute seule. J'ai entendu parler d'un concours de médecine dans pas longtemps sur une île des Blues. Voilà le parfait moyen de commencer ma route sur la célébrité !