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Marinade

Bienvenu à Las Camp. Du moins c'est ce que dis le panneau, car entre les odeurs de pisse et la tension ambiante, dans ce trou tout veut votre peau ou votre pognon. Vous avez beau être sûr de votre force, impossible de se déplacer avec la conscience tranquille et justement, une silhouette encapuchonné vient vous taper dans l'épaule. Puis deux, et trois. Pas un mot n'est prononcé de leur part, et alors que vous prenez conscience de la situation, l'étrange groupe en réalité constitué d'une petite vingtaine d'individus entre dans un bar derrière vous.
Des coups de feu retentissent alors, des hommes tombent des fenêtre fuyant pour leur vies et des ordres sont gueulés à tue-tête! En moins d'une minute le calme reviens, et les silhouettes ressortent à visage découverts, traînant derrière elles moult individus menottés et tirant même quelques cadavres... Vous venez d'assister à un raid de la marine façon force spéciale. Tout ce petit monde repart aussi vite qu'ils sont venus.
Tous ? Non, l'une d'entre eux s'assoit au bar comme si de rien n'était, commandant même un verre au tenancier médusé dont on vient de descendre la clientèle...

[...]

Voilà quelques années que le colonel Matheson avait récupéré la garnison et surtout l'autorité sur Las Camp. Pourtant, même avec l'aide d'une certaine Sissy, une commandante qui m'est inconnue, force était de constater que les unités sur places puent. Peu importe la brigade ou la section, tout les marins ici méritent à peine d'être qualifiés de bleusailles. Même les nouveaux-venus de la 102e avaient plus d'entrain, et pourtant ces derniers sortent tout droit du bagne de Tequila Wolf... c'est dire. Et je m'inclue moi aussi naturellement.

J'ai beau être d'une faiblesse évidente dans ma division, ici je serais probablement nommée Lieutenant-Colonel sur l'heure. Tout les abrutis de la 480e locale discutent les ordres, rechignent, craignent pour leur vie à la moindre ruelle sombre... Une belle brochette d'incapables. Pas de bol pour moi, j'ai été désigné par Kattar pour materner ces trouffions. Mon colonel veut que je m'endurcisse, au risque de finir dans la gueule du premier monstre marin venu le cas contraire. Je pense surtout  que monsieur veut se faire bien voir sur place. Le coup classique diront certains...

Mais bon, est-ce que j'ai mon mot à dire? Clairement pas. Alors quand on m'a débarqué comme une pionne dans un internat, j'ai dû immédiatement prendre part à un raid très certainement organisé sur le tas pour donner le change, et faire comme si la 480e était compétente. Notre cible était simple; "le Baron Baskets", un soi-disant dealer proxénète trafiquant de chaussures (???) aussi connu pour être un alcoolique notoire. Pour être tout à fait honnête, je crois pas un mot du cv de ce gars-là, mais admettons.

S'ensuivit une après-midi d'enfer à faire la tournée de tout les bars du coin pour le trouver, tout les pires endroits crades ou ta bière a plus de chance d'être de la pisse passée dans un alambique qu'une vraie boisson potable. Le tout sous couverture bien évidemment... et quand je dis couverture je veux dire littéralement: on était en uniforme recouvert d'un long poncho sale histoire de faire couleur locale. Une vaste blague. On cuisait là-dessous! Heureusement l'avis de recherche de gars était parfaitement claire, et c'est dans une taverne a l'enseigne tombante qu'on lui mit le grappin dessus.

Passablement énervée de cette journée pourrie, c'est malgré tout avec le plus grand calme que j'ai appréhendé le suspect et ses quelques comparses sur place.
Non.
J'ai pourri tout le bar, retournant les table pour mieux briser les crânes de ses sbires dessus, et attrapant le Baron mon cul pour fusionner mes godasses à moi avec son menton à lui. Le tout se déroula en une fraction de secondes, tant l'effet de surprise et le déferlement de violence les laissèrent bouche-bé, incapable de réagir. Amateurs.

Tandis que mes "collègues" débarrassait le plancher avec leur prises, à savoir deux ou trois forbans encore debout et au moins autant dont le sort n'était pas clair, j'attrapais nonchalamment un pichet vide parmi les débris et entrepris de m'accouder au bar lâchant d'un souffle au serveur encore présent:

Glaçons.

Le-dit garçon rempli le broc de glaçon sans plus de question (dieu merci) tandis que je laissais tomber mon poncho désormais inutile. Dessous était clairement indiqué mon grade, brodé sur l'écusson de mon uniforme: sergent d'élite. Une distinction peu commune dans ce bled. Le bar se désemplit vite et il ne restait à l'intérieur que quelques types assommés par l'action (ou assommés dans l'action, c'est selon).

Je coulais de sueur, et je ne me fit pas prier pour croquer ma boisson solide à pleine dents. Putain de climat, comparé aux neiges éternelles de Tequila Wolf tout paraît chaud ici. J'entrepris de redresser un tabouret histoire de ne pas m'effondrer sur le bar, découvrant mes bras et mon cou meurtri des cicatrices infligées par les fers du bagne. Les yeux mi-clos de colère et de souffrance, je posais mon menton sur le comptoir quand le dernier marin se retourna avant de quitter l'établissement:

Sergent! Sauf votre respect on vous attends à la caserrr...

Dis un mot de plus le trouffion et je t'apprends à lacer tes putains de scratch avec tes oreilles. Si c'est pour retourner boire un thé avec les deux autres colonels de mes deux, autant déserter tout de suite plutôt que de m'infliger ça. En tout cas ce pauvre type devait avoir mangé le fruit de la lecture des pensées, car il fit demi-tour sans un mot. Le temps que cette bande de crétins rentrent à la caserne et mettent au courant Kattar, j'aurais bien gagnée deux heures de tranquillité.

Tu me remet la même chose, merci.

Et c'est en sirotant le fond de mon pichet gelé que j'entrepris de profiter de la fin de mon après-midi, priant pour que le sort ne me réserve pas plus de mauvaises surprises.


Dernière édition par Alba Nona le Jeu 24 Aoû 2023, 22:49, édité 2 fois
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Il faisait soif à Las Camp. Comme un puits au beau milieu du désert, placé là afin que le calvaire d’une effroyable traversée puisse se prolonger encore, on avait, parmi les bicoques peu reluisantes qui foisonnaient dans la misère ambiante, disposé un boui-boui des plus infect. Un de ces rades où, dans une pénombre suspecte, les âmes en peine allaient s’y humecter les lèvres jusqu’à ce que la cirrhose ne les incommode.

Dans de pareils bouges, le chaland y était indistinct. Peu importait finalement quel écusson figura sur son front, fusse une mouette ou bien une tête de mort ; car dans ce sanctuaire interlope, chacun était libre de cuver sa misère afin de mieux y tromper sa joie. Il sembla toutefois que pareille philosophie ne fut pas nécessairement partagée par tous. Pour ce jour, la foule qui grouilla au troquet fut en effet clairsemée par une entrée triomphale. Une irruption en fanfare, remarqué et remarquable, où les pétoires s’étaient substituées aux cuivres pour qu’on dansa en cadence ; celle dictée par le noble et vertueux Gouvernement Mondial.

À ce comptoir, ainsi écumé de sa mauvaise vie, il n’y persista qu’une atrabilaire ; assoiffée, celle-ci. Elle ne resta cependant pas la seule bien longtemps. Car aux points d’eau qu'on trouva dans les terres sauvages, il y convergeait toutes sortes d’espèces douteuses.

La prime tombée comme la grâce dans les poches d’un giboyeur infortuné, celui-ci trouva prétexte à se réjouir de son haut-fait. Des criminels primés, il lui glissait des doigts à raison de treize à la douzaine, mais celui-ci, cependant, il l’avait eu. Pour une coquette somme qui plus est ; dix millions. Dix millions dont ne subsista à l’arrivée que quelques dizaines de milliers de berries. La fortune, quand bien même fut-elle bien mal acquise, fondait entre les mains de ceux qui la prospectaient sans manière. Il l’avait tenu son forban, Alegsis, mais d’une poigne molle. Si bien que dans l’affaire, entre les agitations d’usage et autres facéties burlesques, les dégâts occasionnés sur le patrimoine fut chiffré à neuf-millions-neuf-cent-soixante-dix-mille berries. Il s’était fait plaisir, Alegsis, à dispenser son Colors Trap partout où il ne fallait pas. Les chromatiques, alors, si admirablement esquissées, furent si évocatrices qu’elles suscitèrent des réactions vives dans le voisinage. De quoi engendrer en tout cas neuf-millions-neuf-cent-soixante-dix-mille berries de dégâts matériels.

Toujours est-il qu’avec vingt-mille berries en mains propres – ou sales – Alegs se crut tributaire d’une fortune qui, jamais avec lui, ne trouvait les attaches nécessaires pour se pérenniser dans son porte-monnaie. Il était pauvre cet homme-là, pauvre d’avoir été un mauvais riche.
Aussi, comme tout homme qui n’avait pas assez à dépenser, mais de trop pour ne pas manquer une occasion de se ruiner, ce bougre de chasseur de primes trouva la route du bouge le plus proche de la garnison d'où il revenait. Cette même garnison où le dernier client en présence rechignait à y retourner.

- Eh, vous autres. S'annonça-t-il la bouche grande ouverte alors qu'il ne restait personne à part eux deux et le petit personnel derrière son comptoir. Vous savez pourquoi on les appelle « Marine » ces gens-là ? Dites donc, y’en a du bazar par ici, faudrait peut-être passer un coup de balai. C’est parce qu’à force de rien glander la journée durant, ils « marinent » dans leur jus. Jeri-hi-hi-hi !

L’uniforme de cette convive ombrageuse, à considérer pareille entrée en matière, n’était pas passé inaperçu aux yeux de qui venait s’installer à son tour dans l’établissement. Il existait, entre la Marine et l’ordre informel des chasseurs de primes, une rivalité de mauvais aloi ; une rancune de principe qui s’héritait depuis des temps immémoriaux, sans trop que qui que ce soit ne fut en mesure de déterminer la cause exacte de cet antagonisme larvé. La jalousie, sans doute, y avait la part belle. Une qui fut mutuelle aux deux ordres alors que, chiens et loups, à se toiser de loin le nez renfrogné et les crocs tout dehors, s’enviaient les uns les autres. La Marine avait pour elle un salaire fixe, des camarades sur qui compter et une hiérarchie encombrante quand le chasseur d’hommes, quant à lui, jouissait d’une parfaite liberté dans ses œuvres sans pour autant se garantir un plat de lentille à la journée.
Le fait est que, par convention sinon par principe, il était systématiquement de bon ton de se chambrer quand la circonstance le permettait.

Nonchalant, ou peut-être trop habitué au capharnaüm permanent qui sévissait à Las Camp, Alegsis ne s’était pas interrogé sur le « pourquoi » d’un tel chaos, contraint qu’il fut pourtant d'extirper un tabouret dans les décombres afin de trouver où s’asseoir. Un tabouret qu’il alla par ailleurs situer sans vergogne à la droite même du siège où trôna cette sergente aux airs acariâtres.
Son trait d’esprit, seyant parfaitement à ses méninges, l’Épavien n’en fut pas peu fier, allant jusqu’à se payer l’insigne culot de poursuivre sur sa lancée, son cul côtoyant maintenant de près celui d’une rivale postée là.

Sans gêne qu’il était,  Alegsis ne sut qu’il y avait là matière à se formaliser d’une pareille incartade. La bienséance lui étant parfaitement étrangère, celui-ci ne doutant pas en effet de son manquement à l’étiquette.

- C’est ma grand-mère qui me l’avait racontée, insistait-il auprès de cette demoiselle qui ne put alors que se sentir mieux provoquée par ses soins, elle est bonne, hein ? La blague, pas ma grand-mère.

Puis il fit signe qu’on lui servit un rhum, tournant à nouveau sa tête niaiseuse vers la matelote, frappant des mains contre le comptoir d’ici à ce que son verre ne lui parvienne.
Il sembla que, chez cet homme-là, de sa tête à claque en passant par ses mauvaises manières, tout encourageait à lui faire subir les pires sévices.

- C’est ça la nouvelle tactique de l’état-major ? Déflora-t-il à nouveau le silence quand son poison fut à portée de ses lèvres.

Le temps qu’il se décrassa les gencives de deux copieuses gorgées, sa voisine ne parut trop comprendre ce qu’il lui demanda, ne l’encourageant ainsi que mieux à préciser sa pensée.

- Je veux dire… ajouta-t-il après qu’il eut fini de lever le coude, siroter du houblon au troquet d’ici à ce que le pirate vous tombe tout cuit dans le bec, c’est ça votre stratégie ? Puis il leva à nouveau son verre, comme pour boire à sa santé cette fois. Surtout, changez rien, ça fait mes affaires.

Son godet harassé jusqu’à la dernière goutte qui s’y trouva versée, il s’essuya la bouche de cette même main qu’il tendit ensuite afin de mieux se présenter ; s’imaginant sans doute benoîtement que sa comparse ne lui tiendrait pas rigueur de ses taquineries mesquines.

- Je m’appelle Alegsis *burp* je suis du Cimetière d’Épaves et je chasse la prime. Enfin… je fais ce que vous êtes censé faire, quoi. Sauf que moi je le fais pour de vrai. Allez, on serre la main. Donne la papatte au monsieur.

Ses remarques, chaque fois plus assassines et outrecuidantes que les précédentes, il les avait pourtant proférées le plus innocemment du monde, capable en effet d’une franchise juvénile qui sidérait autant qu’elle enchantait tant elle ne semblait pas être de ce monde. Quelque chose dans l’atmosphère, cependant, laissa à penser que son interlocutrice, couverte qu’elle fut de louanges aussi discutables, ne fut alors que trop peu réceptive à une discussion cordiale. Elle qui cherchait à laver la réputation de jean-foutre qui collait si poisseusement à la Marine se voyait en effet remettre le nez dedans par un de ces chasseurs de primes à la manque. De quoi ainsi titiller quelques rages légitimes.
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Marinade  Albar12

La notion de "partager" un verre m'était totalement inconnue, aussi quand un type avec l'équivalent d'une blue entre chaque dents se posa à mes côté, je dois bien avouer que a situation m'échappait déjà... Un genre de vagabond sans doute. Son pinceau m'intriguait néanmoins, à quoi bon se balader avec un tel accessoire? Mis à part ça il se fondait parfaitement dans le décor: une sale tronche dans un sale bar, une grande gueule pour un grand bouge, et probablement deux yeux pour neurones. Il veut se battre ou il vient cuver ? Et le pire avec ça c'est qu'il continu. Le mec semble intarissable d'éloges pour la marine.

Il faut bien admettre que c'est paradoxalement une expérience rafraîchissante. Enfin quelqu'un qui ne vous cire pas les pompes dès qu'il voit un grade, et je dois bien avouer que ça me manquait. Surtout que je ne suis pas comme les autres chiens de Kattar, j'en ai rien à foutre de la justice, des grands idéaux et tutti quanti. Je m'en moque de rétablir l'ordre, je fais ça avant tout pour...Pour...
Pour quoi après tout? Je hais le gouvernement mondial, qui m'a condamné par ma naissance. La marine, ce n'est que leur bras armé, pourtant me voilà fraîchement promue parmi l'élite même de celle-ci, quelle ironie! Ce pauvre type a raison: je marine, voilà tout.

- C’est ça la nouvelle tactique de l’état-major ? Je veux dire… siroter du houblon au troquet d’ici à ce que le pirate vous tombe tout cuit dans le bec, c’est ça votre stratégie ? Surtout, changez rien, ça fait mes affaires.

J'aurait bien réagit, malgré que je sois de nature avare de paroles. Mais là encore, difficile de donner tord à ce devin improvisé. L'envie ne manquait pas de lui souffler à l'oreille que je n'avais moi-même jamais combattu un seul pirate. La 102e ne s'abaisse pas au menu fretin, aussi l'on abordait jamais un navire sans que sa réputation soit suffisante. Probablement que l'on me fera me mesurer à des seigneurs et des corsaires dissidents, mais des simple pirates? Aucune chance.

- Je m’appelle Alegsis *burp* je suis du Cimetière d’Épaves et je chasse la prime. Enfin… je fais ce que vous êtes censé faire, quoi. Sauf que moi je le fais pour de vrai. Allez, on serre la main. Donne la papatte au monsieur.

On aurait dit un gamin, un gosse certe rempli de bière et visiblement trop "limité" ne serait-ce que pour comprendre que mon verre est rempli de glaçon et non cette pi- enfin de cette bière, mais un gosse malgré tout. Tout son discours eu étonnamment l'effet inverse qu'escompté sur moi, ou en tout cas je suppose, car j'avais désormais un tout autre sentiment en tête. La curiosité.
Je croqua mon glaçon à pleine dent et gueula comme l'on me l'avait toujours ordonné:

- Sergente Nona, 102e division d'élite de Marijoa!

Cela n'empêchait évidemment pas que cet individu me casse allégrement les couilles, mais l'attrait d'enfin découvrir une parcelle du monde extérieur, aussi infime soit-elle et tant bien que mal conté par la bouche de cet imbécile, balayait largement tout le reste. Moi qui n'avait connu que Tequila Wolf de toute ma vie et qui naviguait depuis quelques temps à peine, j'avais tout à apprendre.

- Vous avez chassé des pirates?

Dis-je en le repoussant gentiment avec le pommeau de mon sabre toujours dans son fourreau, la joue toujours poisseuse de sueur collée contre le comptoir. Il ne s'agissait là pas d'une menace mais simplement si l'haleine du gars se rapportait à sa dentition, alors très pour moi d'entendre sa potentielle réponse de trop près. Rien que parler me dégoûte en temps normal, alors entretenir une conversation avec.. ça? Difficile de lui faire confiance également. Je peine à croire qu'un mec aussi louche que lui puisse courir après les primes sans s'être déjà fait dévisser la tête.
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Elle s’intéressa à lui, et sincèrement de surcroît, ne poursuivant pas la conversation par convenance, ou pour le plaisir prolonger l’agonie d’une longue inanité trempée dans le verbe. Présenté à ce fait nouveau – car pour lui c’en était un, et un qui fut marquant – Alegsis resta simplement bouche bée, s’affichant comme plus abêti qu’il ne l’était déjà. Cette même grande bouche d’où il jaillissait en continu de grandes inepties resta alors figée tandis qu’elle fut ouverte à demi. Ce n’était pas ainsi que se déroulait usuellement une conversation avec lui lorsque celui-ci déballait sa science au premier venu. Il y avait en principe des étapes à suivre, un protocole ; et rien de tout cela n’avait été respecté. Où étaient les « Ta gueule, blaireau » et autres « Je m’en fous de ta vie » dont il était coutumier de lui adresser ? Pas même un « Casse-toi » en pis-aller ne fut de rigueur ; il lui avait parlé et, en dépit du torrent d’âneries qui lui coula depuis le gosier en flots ininterrompus, elle l’avait encouragé à poursuivre.

Ces gens-là existaient pour de vrai.

Bien qu’il ne sut trop réagir à cette manière de converser civilement, Alegsis, toutefois, fut encore moins en mesure se retenir de piailler plus de quinze secondes d’affilée sans éprouver le besoin pressant et compulsif d’entendre le son de sa voix. Cela, nonobstant le contenu ses insanités qu’il pouvait proférer. Cet homme-là aimait en effet à envahir l’espace sonore de sa voix stridente en poussant le verbe haut, mais jamais il ne trouvait le temps de réfléchir à ce qu’il pouvait dire. C’était à croire qu’il parlait pour la beauté de l’art, bien que cet art-ci, lorsqu’il l’évacuait si bruyamment d’entre ses chicots, exposait des vertus pour le moins abstraites.
Néanmoins, réflexion il y eut. Le néo-cortex, pour ravagé qu’il fut dans les tréfonds de sa caboche, fut sollicité par un cerveau reptilien spectaculairement amorphe. Le dernier avait alors entretenu le premier de quelques impératifs inhérents à la reproduction. C’était à une femelle dont ils entretenaient leurs exploits après tout, et si celle-ci parut en plus s’intéresser à ce qu’elle entendait, aussi fallut-il trouver de quoi l’impressionner afin qui la lignée des Jubtion se poursuivit.
En des termes plus équivoques quoi que moins fleuris, Alegsis, en se fourvoyant sur l’intérêt très modeste que lui porta la croqueuse de glaçons, crut là trouver matière à l’esbroufer. Tout pourtant, dans la langage corporel de cette sergent d’élite – disait-on – suggéra qu’elle voulut qu’il s’éloigna d’elle. Mais aussi loquace qu’il fut perspicace, Alegsis n’interpréta pas le phénomène tel qu’il le devait, persuadé qu’elle fut impressionnée par sa propension à bouter la flibuste.

- Un… un peu que que j’en ai capturé des pirates. Des tas même ! Mentit-il avec un aplomb ridicule alors qu’il se redressa fier comme un paon, le cul toujours vissé sur son tabouret, pointant le pouce gauche en sa direction comme il en avait souvent l’habitude.

Galvanisé après qu’elle lui accorda une once d’intérêt – là fut sa plus tragique erreur – Alegsis était à présent parti pour soutenir une conversation ; c’est-à-dire un monologue, qui lui durerait deux heures au moins. Car il en avait des choses à raconter celui-ci, bien qu’il fut autrement plus idoine d’en occulter les trois-quart sinon la quasi-intégralité. Les boucanniers des Blues, il en avait capturé peut-être autant qu’il en avait laissé s’échapper bêtement. Pour un peu, du fait de ses constantes négligences et autres bourdes spectaculaires, ce n’eut pas été exagérer de trop que de dire que bon nombre de pirates, sur ces mers, devaient leur carrière ainsi que le montant de leurs rapines à la seule désinvolture de ce chasseur de primes malhabile.
Bien qu’elle l’eut repoussé poliment de son sabre quelques instants plus tard, le curieux loustic avoisinant, dans ses insistances indélicates et son manque flagrant de savoir-vivre, continuait de lui parler de trop près. L’haleine fut finalement moins fétide qu’aromatisée. Arhumatisée, même, alors qu’on pouvait y glaner les fragrances sucrées des deux rhums avec lesquels il s’était déjà rincé les mandibules.

- …. et puis, il lui avait longuement conté ses exploits d’alors sans jamais prendre sa respiration entre deux phrases, y’a la fois où j’ai retrouvé une pirate super vieille par acci… après l’avoir pistée. Mais que je l’ai laissée partir parce qu’elle menait une vie réglo, elle l’avait en réalité écharpé sans qu’il ne fut franchement en mesure de contrer, ne devant cette fois-ci son salut qu’à la Marine qu’il moquait tant, parce que chasser des primes, je fais pas ça que je fais pour l’argent. Mais pour la Justice.

Et il chercha, sur cette réplique aussi mensongère qu'elle était ampoulée, à se parer de vertus dont il fut superbement dépourvu. La Justice, il en avait ignoré le sens et même l’existence qu’à ce qu’on l’entretînt à ce propos quelques mois auparavant, lorsqu’il fit l’acquisition de sa licence de chasseur de primes. Il avait même, sur une de ces confusions dont il avait le secret, tenté un jour de commander un « Jus de Stice », démontrant à quel point il fut ignorant du concept. Néanmoins, il savait que les demoiselles étaient parfois sensibles au désintéressement.

Pas celle-ci.

Il avait fallu qu’il parle de Justice à l’un des effectifs du Gouvernement Mondial chez qui la seule énonciation du mot « Justice » provoquait des abcès purulents jusqu’au fond de l’âme. Chaque fois qu’il y avait une bourde à commettre, elle était pour lui. N’y eut-il eu qu’une poche d’eau dans un immense désert qu’Alegsis, avec son adresse proverbiale, aurait trouvé le moyen de se noyer dedans par mégarde.
Conscient qu’il fallait parfois laisser parler ces dames quand on les courtisait – la piraterie du Cimetière d’Épaves l’avait en effet entretenu de ces choses lorsqu’il fut haut comme trois pommes et qu’on lui servit ses premiers verres de rhum – Alegsis abandonna le crachoir pour le lui céder un instant, à cette sous-off d’élite, la tête probablement farcie de toutes idiotes dont il l’avait entretenu.

- Et toi, SERGENTE NONA CENT-DEUXIÈMEDIVISIOND’ÉLITE DE MARIJOA, tu aimes quand on casse de la boucannerie ? Tu voudrais que je te montre comment travaillent les vrais justiciers ? Demanda-t-il à tout hasard, s’essayant à un clin d’œil grossier qui, parce qu’il ne sut vraiment l’accomplir, parut lui comprimer la moitié du visage.

S’il lui avait crié son nom et son titre à sa camarade de comptoir, ce fut par strict mimétisme, persuadé qu’il fut, après qu’elle les lui annonça en ces termes, que cela ne se prononçait qu’en le tonitruant. Du reste, il confondit le titre de la demoiselle en subodorant que celui-ci fut son nom de famille. Un nom à particule qui plus est.

Son troisième rhum lui fut ainsi servi et, gentilhomme à ses heures perdues – quoi que très peu – il s’engagea à payer les nouveaux glaçons qu’on servît à sa quasi-collègue. La tournure de leur rencontre, fâcheuse comme pouvaient l’être toutes celles qui s’occasionnaient à Las Camp, prenait presque des allures de rencard alors qu’il la convia à une sortie pour le moins originale. Sortie dont le déroulé et l'issue ne pouvaient néanmoins que suggérer la fatalité en bout de course. Car si traque en couple il se devait d'y avoir, la notion de Justice en serait résolument absente.
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Un nouveau verre de glaçon vint accueillir le reste de la conversation, et pour ne pas mentir à l'instar de mon compagnon d'infortune, il était bien le seul à accueillir quoi que ce soit. Jamais vu un mytho pareil, chacune de ses phrases sonnaient fausses, il butait sur chaque mot me donnant l'envie insoutenable de le buter lui. N'empêche qu'il avait l'air surpris que la discutions parte dans son sens, à croire que le type s'était conformé à être un loser invétéré. Auquel cas il n'avait pas tout à fait tord.

Son flot de paroles aurait abrutis n'importe qui, aussi ai-je décidé en toute logique que c'est moi qui choisirais comment mes hémisphères passeraient l'arme à gauche. Attrapant une bouteille quelconque parmi la myriade de rhum derrière le comptoir, j'en déversa le contenu dans mon pichet toujours fidèle au poste... esquivant du regard un clin d'œil auquel j'aurais préféré la mort. Quelle idée d'avoir tendu une perche à ce tocard! Moi qui voulait en savoir un peu plus sur le monde qui m'entoure, me voilà assénée de conneries à la place. Le clou fut au choix quand il pensa m'émouvoir en parlant de justice, ou quand il gueula mon matricule à pleine bouche, me faisant me rendre compte que moi aussi j'étais ridicule dans l'histoire. Sans parler qu'il est inutile d'essayer de décrire à ce phénomène que la justice est juste un voile dont se parent les pires barbares pour se donner bonne conscience. Prenez mon colonel par exemple, ou mieux, la commandante Ayzami: toujours la première à se jeter dans la baston, se battre pour se battre. Une abrutis sans cervelle. Faire le bien c'est une notion trop vague, encore faut-il savoir pourquoi on le fait en premier lieu.
Moi, la bourreau, je coupe des têtes et laisse la question aux autres. Au moins je ne me mens pas.

Par contre, ce qui est vrai malgré tout le reste, c'est que j'aime paradoxalement ce boulot. J'aime savoir que je suis au bout de la chaîne, et que tout ce qui est en suspend sur mon billot le restera à jamais. J'aime mettre un point final à l'histoire, et clore toutes les souffrances, les violences et tout ce que vous avez pu subir avant de vous retrouver sous ma lame. Quelque fois, je me demande pourquoi même l'on ne me remercie pas sur l'échafaud. J'en viens presque à espérer qu'un jour je pourrais moi aussi rendre grâce celui qui me passera au fil de son sabre...

Bref, devant la tête que je tire le gars à dû comprendre -ou refuser de comprendre vu comment il me fait du gringue- que les grands principes c'est pas ma tasse de thé. Alors, quand il me demande de poutrer quelques malfrat trop malchanceux pour nous avoir croisé en cette journée, je me contente de répondre:

-... 'Sûr!

Fidèle à moi-même de ne jamais lâcher un mot plus que le nécessaire. je décolle ma joue du comptoir, repousse mon immonde et malaisant prétendant, puis claque une minuscule pièce sur le bar (n'ayant aucune notion de l'argent et sachant à peine compter...). Me levant, j'attrape dans chaque main une bouteille traînant sur le parquet de ce champ de bataille et fais signe au type... Alexis là!? de me suivre dehors. Sans doute connaît-il mieux le coin que moi et pourra t-il me guider si ses jambes acceptent encore qu'il tienne debout. Le serveur du bouge se débat plaidant que je suis loin du compte avec le peu que j'ai payé, mais dire que j'en ai encore quelque chose à foutre serait tout autant malhonnête. Quoi qu'il en soit je quitte l'endroit d'un grand kick dans la porte, projetant quelques bris de verres au passage.

Lève ton cul d'ici, les collègues vont revenir tôt ou tard.

Dis-je en débouchonnant le premier breuvage dans lequel semble macérer plusieurs frelons... la sobriété étant déjà aux abonnés absents puisque je ne tiens absolument aucun alcool quel qu'il soit. Les vapeurs émanant de l'autre type m'ont déjà presque achevée, c'est dire.
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Inconsciente qu’elle fut, le sergent Nona, bien qu'elle ne fut cependant pas dupe de ses intentions, souscrivit à ce surprenant rencard. Quelques mâchoires brisées, qu’elle s’en serait allée piocher du bout des phalanges dans les allées de Las Camp, peut-être, apaiseraient sa rancœur du moment. La Justice était un prétexte, parfois un exutoire, aussi était-il bon d’invoquer son nom afin qu’on justifia que des boucaniers en firent les frais. Ne serait-ce, au moins, que pour se défouler sur eux.
Enchanté plus que de raison – bien que la raison fut étrangère à toute prise de décision susceptible de lui effleurer le cervelet – Alegsis, impétueux encore, impétueux toujours, à peine lui avait-il emboîté le pas à celle-ci, qu’il l’agrippa au poignet, l’embarquant avec lui dans une cavalcade aussi disloquée qu'elle fut tumultueuse. Déjà, dans l’allégresse, il l’entraînait vers des avenues peut-être plus grises et sombres encore que n’avait pu l’être ce bouge dont il s’extirpaient, sans avoir bien sûr payé la note.

On va punir l’immonde ♪
Ils vont sentir leur dou~leur ♪
Dis-moi NONA, n’as-tu jamais ex-primé ta fu-reur ? ♥

Considérant la prose, celle qu’il gazouilla si fort et si mal, on devina rien qu’à l’oreille que six verres de rhum au moins lui avaient lubrifié le gosier. Le septième en main, il tanguait de pied ferme jusqu’au dehors de la gargote ; les deux justiciers s’étant alors confortés l’un-l’autre dans un élan de bravoure irraisonnés.

Je vais sévir les gueux ♪
La Justice à la coooorbeille ♫
Rien qu’un carnage offiiiiciel ♪
Sur l’îleuh du rê-ve bleu...

Le rhum, à haute dose, avait en effet une incidence sur sa vue au point qu’il vît le monde en bleu pour les heures à venir. Avec plus d’entrain encore il reprit ensuite, tout en se saisissant d’un réverbère pour s’y laisser tournoyer :

- Ce rêve bleUAaaaAArGhLllLll ♪....

Gyroscopique fut ainsi la gerbe qui, à torrent, avait ainsi maculé trottoirs et chaussée le temps qu’il vrilla autour du lampadaire. D’un revers de manche à peine, le fond de son verre comme jeté dans sa grande gueule, Alegsis se gargarisa aussitôt du même poison qui lui avait pourtant retourné l’estomac avant de repartir dard-dard. Le tournis aidant, c’est son crâne qui, si lourdement projeté vers l’avant, le lesta jusque dans un mur venu lui remettre les idées à l’endroit

Ils n’avaient alors marché que vingt pas hors du boui-boui.

Ce fut donc en chanson qu’il lui conta minablement fleurette. Car après tout, si cela avait marché pour Aladdin, il n’y avait pas de raison pour que la sérénade n’eut pas ici quelques effets enivrants là encore. Si enivrant par ailleurs qu’Alegsis en dégueula tout son saoul.

Aladdin Denauwelle était en effet une connaissance d’Alegsis qui, d’Alabasta, en avait jadis émigré pour figurer parmi les débris du Cimetière d’Épaves. L’exilé avait en effet considéré qu’il fut sain d’installer quelques distances entre sa patrie d’origine et lui. La presse écrite, un tantinet hostile dans le portrait qu’elle brossa de lui, fit en effet grand cas de ses amourettes passées. Aladdin s’était, dit-on, montré démesurément entreprenant avec quelque noble dame de ses contrées.
À elle aussi, il lui avait joué de la mandoline jusqu’à ce qu’un hymen en pâtit ; il avait dépucelé pucelle de haut ramage et, de cela, l'administration lui en tînt rigueur. Ses amours immodérés avaient, en toile de fond, créé de bien sales histoires ; assez sales en tout cas pour justifier qu’il alla s’échouer au Cimetière d’Épaves, patrie d’Alegsis Jubtion s’il en était.

Toutefois, là n’était pas la question. La question, la seule qui fut pertinente à poser, consistait à se demander jusqu’à quel désastre cette escapade romantique conduirait cette virée à deux. Car l'escapade, considérant les forces en présence, ne pouvait dès que se conclure dans le fracas et la fureur.

- Viens NONAAAA, *burp*, à Last End, y’a que de la crapule. Que ça je te dis ! Insistait en commettant de grand gestes désarticulés, son verre vide dans une main tandis qu’il usait de son pinceau comme une béquille venue soutenir son ivresse. Les femmes, les enfants, les bébés koalas, bien sûr qu’y a des bébés koalas à Last End. Mais si je te le dis., ils sont tous dans le coup. TOUS ! Car à l’entendre ânonner en ces termes, on eut pu jurer qu’une grande conjuration flibustière bouillonnait dans leurs taudis. Allez *burp*, viens ! Poursuivit-il d’un lourd et lest mouvement du bras afin de l’encourager à le suivre. On va aller leur justicer la margoulette à tous ces gens-là. Après, tu tomberas amoureuse de moi vu que je suis un héros *burp*. Allez, on se dépêche.

D’un pas pressé dont la cadence, toutefois, virait à une chute de tous les instants, il titubait dans les allées alors que chacune de ses articulation dodelinait presque au gré des vents. Elle non plus, derrière lui, n’en menait pas bien large ; cela ne les empêcha pas toutefois de se jeter à corps perdu dans un nid à pirates, cela, afin d’y opérer quelques prouesses héroïques enrichies à l’éthanol.
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Ce con poussa la chansonnette tant et si bien qu'il était difficile de savoir ce qui, entre la gerbe et la prose, était le pire. Enfin, du moins si vous êtes aveugle, sourd et surtout dépourvu d'odorat. Réprimant une remontée acide et un brusque retour à la réalité, je me posa contre une façade quelques seconde, avalant une goulée de ma bouteille pour me remettre cette vision d'horreur. Dieu merci, l'animal m'avait lâché la main juste avant de se transformer en geyser. Je repris immédiatement l'équivalent d'une peinte de tord-boyau espérant que l'alcool serait assez fort pour me désinfecter l'esprit. Ou à défaut provoquer un alzheimer précoce.  Impossible de savoir ce qui m'excédait le plus entre sa... présence ou ma stupidité maladive d'être partie faire un bout de chemin avec ce type. Probablement la deuxième option, étant de nature égocentrique.

Difficile de dire si son discours avait arrêté de faire du sens depuis la sortie du bar ou avant, mais quoi qu'il en soit plus l'on avançait dans les méandres de la ville, moins les choses étaient claires. Des bébés Koaquoi? Probablement un monstre marin. Ma bouteille me semblait bien légère ceci-dit, cela ne faisait pourtant pas bien longtemps que nous étions sorti du débit de boisson. Autant boire le poison jusqu'à la dernière goutte?... sans blague, ce truc a bien une chance sur deux de me rendre aveugle. Sans compter que j'en ai un deuxième litre encore scellé.

Regardant dans ma première bouteille désormais vide à la recherche d'une dernière goutte, comme pour vérifier que j'étais bien toujours pourvue de vision, je scrutais l'horizon déformé par le verre comme un pirate l'aurait fait avec sa longue-vue. Enfin c'est ça qu'ils font, non? Je n'ai jamais rien compris à la navigation. Ca flotte un pirate? C'est peut-être comme ça qu'on les reconnaît. Pas franchement sûr de la destination je continua en ligne droite mon regard planté dans ma lorgnette, essayant tant que faire se peut de repousser les avances grotesques de mon compagnon d'infortune....Plus énergiquement cette fois puisque me maîtriser devenait un peu compliqué, je dois l'avouer. C'est fou comme je n'avais jamais remarqué que ça tangue autant une île... Si elle flotte, c'est une île pirate elle-aussi? Puis ma progression en ligne droite me semble toute relative quand on y réfléchis bien.

En faisant preuve d'une concentration surhumaine, je pu lire une espèce de drapeau flottant au vent: Last End. Incroyable, la somme de nos cervelles embrumées a été suffisante pour arriver à destination. L'endroit fait honneur à sa réputation, même consciente d'être à la limite de la perdre (ma conscience) il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas de publicité mensongère ici. Les taudis qui servent de baraques s'empilent les uns sur les autres, des carcasses sont entreposées à ciel ouvert devant des étals de bouchers dont le fumet ne donne pas spécialement envie... Difficile de décrire l'architecture locale autrement qu'un tas de ruines, sans parler des tuyaux courants le long des caniveaux qui semble déverser eux-aussi le contenu des entrailles de mon camarade chasseur de prime. L'ambiance locale m'arrache un rictus amusé. Il faut dire que plus grand chose n'a de sens à mes yeux maintenant.

C'est fou comme c'est dégueulasse votre patelin là... jvais vomir Tu saurais pas où ils sont ces chacals dont tu parle? Pas l'animal, les trucs avec une jambe de bois et un perroquet sur l'épaule là! Les pirates, 'fin les sales types qu'on cherche et recule tu pues.

Cette prise de parole avait finit de parachever le chef d'œuvre, si les badauds du coin avaient un doute sur nos intentions ou sur notre état d'ivresse, là il était évident que nous étions l'un comme l'autre voués à un lendemain matin difficile... Heureusement, même au plus profond de ce bled immonde, une once de bien subsiste et il se matérialisa sous les traits d'une femme âgé, à la beauté et la bonté irréelle.
Enfin bourré comme j'étais ça aurait aussi pu être mon colonel que j'aurais pas fais la différence.

Vous allez bien ? Prenez un peu d'eau, et n'hurlez pas comme ça dans la rue vous allez vous attirer des ennuis!

Merci bien, attrapez moi ça, il fait trop chaud dans le coin. Bougez pas je reviens. Peut-être.

Lui dis-je, en lui tendant mon manteau trempé de sueur, symbole de ma fonction. Manquerait plus que je pourrisse mon insigne fraîchement gagné, et à peine retiré, je tomba raide dans le caniveau. Putain de pavé pourri, qui à mit ça là? Donnant un coup de pied dans le vide sous le regard de la vieille peau qui avait gentiment offert son aide à un déchet, je la remercia de sa complaisance (ça ou une insulte, mes souvenirs ne sont pas clairs).
Reprenant d'un pas franchement pas très ferme et ignorant les suppliques de l'ancêtre, j'entrepris de déboucher ma deuxième bouteille pour me donner du courage. Les murs des ruelles semblait se rapprocher comme pour m'avaler, aussi je pressais le pas en esquivant rien d'autre que du vent. En effet, aucun mur ne s'abattit sur moi, l'inverse par contre...

C'est le nez à nouveau dans la fange que je me rendis compte qu'il manquait quelque chose, tout était calme. Un coin de mon cerveau me criait "enfin!" mais pourquoi donc? J'avais l'impression de m'être débarrassé de quelque chose d'insupportable, une sorte de parasite... ALEG-alegchose là. Voilà un bon moment que je ne l'entendais plus, soyez sûr que j'en étais gré! Par contre, si moi j'étais dans cet état je n'ose pas imaginer où lui en était.

Hors, pour être complétement honnête son sort m'importait peu. J'avais peut-être même tout intérêt à me débarrasser de cet abrutis tant qu'il était encore temps. Personne ne pourrait me tenir rigueur d'avoir abandonné à son sort un ivrogne incapable d'aligner deux mots même sobre... On l'aurait prit pour fou à raconter d'avoir bu avec un membre de la marine d'élite.
Là, la bonne décision s'imposa donc à moi; arrêter les frais et repartir tant bien que mal d'où je venais, faire mon rapport comme convenu et dégueuler toute la nuit.

Problème: j'étais complétement torché. Alors la bonne décision, j'en avais rien à foutre. Je bu tout ce qu'il me restait avant de me mettre à beugler:

ALEEEEEXIS ! T'es où bordel ? Il est où mon manteau moi
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- Qu’est-ce que j’entends ? Une *burp*... une donzelle en détresse ?Pas une très jolie, mais ça c'est pas grave.

Il n’était jamais loin, mais jamais non plus là où on pouvait espérer le trouver. À supposer, en premier lieu, qu’on espéra seulement le trouver où que ce fut. Ce n’était que par acquis de conscience qu’elle avait hélé son compère en vadrouille ; pour ça, et parce qu’elle était complètement paumée. À scander son nom comme elle le fit, ne contribuant ainsi que mieux à bouffir son orgueil, elle lui avait offert un prétexte en or afin qu’il parada. Et où ça ? Mais sommet d’un toit de chaumière qui s’était trouvé non loin derrière elle. Dans la pénombre, en contre-jour, on put presque lui trouver quelque chose d’auguste à ce gugusse. Derrière lui ondulait en effet une étoffe immaculée qui, si on s’y reprit à deux fois les yeux grands ouverts, évoqua même une parure bien familière.

- Mais… je rêve ou c’est mon manteau que tu portes ?

C’était une opinion qui se défendait, quand bien même celle-ci avait été arguée de la bouche même d’une pochtronne. Derrière le taudis au faîte duquel s’était posté Alegsis, on put en effet trouver un vieillard inanimé dans un caniveau avec, sur le crâne, une bosse presque aussi grosse que sa tête. En lui confiant son uniforme aussi nonchalamment à ce malheureux, le sergent Nona lui avait mis rien moins qu’une cible sur le dos. Il fallait croire qu'Alegsis s'était alors senti de « tirer » dessus.

- Regarde ça ! Scandait-il à présent qu’il avait fait une si singulière acquisition. Je suis la Justice, je suis le rédempteur beuh, je suis… Mouette-Man.

Enfourchant son pinceau comme s’il se fut agi d’un balai, inconséquent au possible et peut-être un peu ivre,  il bondit alors du haut des quatre étages de son perchoir. Et là, contre toute attente, il flotta subitement dans les airs, pourfendant insolemment les hauteurs avec lesquels il s’engageait à présent dans un ballet enivrant. Ce fut un spectacle prodigieux que celui-ci, féerique et enchanteur échappant à la raison même ; du moins jusqu’à ce que les désillusions de sa saoulerie ne s’estompent et, qu’enfin, Alegsis reprit connaissance la tête contre le bitume.
Peut-être n’avait-il pas été Mouette-man après tout.

- Qu’est-ce que tu foutais sur le toit ? S’enquit la sous-off tandis qu’elle fut affairée à enquiller sur son deuxième litron.

Encore un poil sonné – cela pouvait sans doute s’expliquer par la chute retentissante que fut la sienne – à peine dressé sur ses guiboles, son pinceau en béquille, le chasseur de primes réorganisa ses pensées du mieux qu’il put. À réfléchir comme un poivrot qui macérait encore dans l’éthanol, il fut bien incapable de formuler une réponse censée à la question qui lui fut posée.

- Je suis un gars complexe, d’accord ? Assura-t-il alors qu’il justifia ainsi ce qui ne pouvait l’être. Et puis qu’est-ce que ça peut te faire ? T’es pas la Marine des toits que je sache.

Passé un certain tonnage de liqueur dans la bile, Alegsis commençait à avoir l’alcool mauvais. La preuve en fut plus manifeste encore lorsque Nona chercha à récupérer son manteau de sur ses épaules.

- Touche pas le manteau, ribaude, avait-il ainsi clamé bien haut en la poussant de ses deux mains, c’est mon mien !

Elle en tomba sur le cul, se consolant aussitôt d’une nouvelle lampée de son vice en bouteille.
Un témoin de cette algarade d’écoliers avinés, cependant, ne put pas ne pas se sentir concerné par l’altercation. À Last End, les âmes charitables, peut-être, se comptaient par centaines. Et ce, bien qu’on s’obstina à faire si mauvaise presse de cette vaste tanière à ruffians. Malgré l’air poisseux et les ténèbres ambiants - sans compter la flibuste - quelques solides rudiments de solidarité, toutefois cimentaient entre eux les riverains.

- Officier, sauf votre respect, cette femme ne vous a rien fait. Vous ne voyez pas en plus qu’elle est dans un état second ? Fier-à-bras celui-ci, sûr de son bon droit alors qu’il avait pourtant face à lui le pire interlocuteur qu’il fut permis de cauchemarder, il se permit même de demander à « Mouette-man », j’aimerais connaître votre nom et votre grade pour en parler à vos supérieurs.

Peut-être alors, le chasseur de primes cligna des yeux par dix fois afin de mieux illustrer sa parfaite hébétude.

- Dans un état sequoi ? Carencé aussi pour ce qui affaira à son vocabulaire, Alegsis, sans franchement comprendre la complainte qui lui fut présentement adressée, prit alors le parti de se mettre en rogne. C… comment tu parles de ma nana, toi !

Sans trop qu’il eut le temps de comprendre – ce qui, de toute manière, aurait été peine perdue – le chevalier servant esquiva sans peine le direct du soûlaud. Engourdi par l’alcool puis, emporté dans son élan, cette piteuse mandale, lancée telle qu’elle le fut par le pochard, s’en alla atterrir droit dans la joue de sa consœur qui venait à peine de se relever. Quand il rouvrit les yeux après avoir littéralement boxé à l’aveuglette, Alegsis trouva la sergente plus cabossée qu’elle ne le fut un instant auparavant.

- N….NONA ! On saurait alors son nom, à celle-ci, si un rapport venait être conduit. Qu… qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?

De toute manière trop savant et sûr de lui pour qu’il s’embarrassa à esgourdir une quelconque réponse, Alegsis, derechef, entreprit de la venger. Peu lui importa finalement qui fut responsable de sa joue enflée, quelqu’un allait payer.
Dans un long et inharmonieux cri de guerre entremêlé de « hic » et autres « burp », l’Épavien en campagne fit tournoyer autour de sa tête son pinceau de combat, prouvant par là qu’il se trouva fin prêt à en découdre.
À meugler comme il l’avait fait, Alegs avait déjà oublié jusqu’à la raison même qui l'avait conduit sur le sentier de la guerre. Ce qui, du reste, ne l’empêcha pas de s’y engager à corps perdu.

- Je vais tous vous massacrer, moi espèces de…. euh..., soudain torpide, il prorogea sa fureur le bout de l'index sur la lèvre inférieur d’ici à ce que l’inspiration lui parvînt à nouveau, il reprit enfin, de.. de mauvaises gens ! La sévérité comme l'alcool l'induisirent en effet à adopter des propos bien rudes à l’égard de la peuplade environnante. Tous, autant que vous êtes… baaaaah je vous lamine. Pis c'est marre. Pointant successivement du doigt tous les badauds qui portèrent un regard interloqué sur ce grossier personnage, il poursuivit ses rodomontades à leur endroit, plus vindicatif que jamais. Toi je te lamine, toi je te lamine, toi… un peu que je te lamine. Toi je te lamine, toi je ta lamine, toi par contre, je te lamine pas…. Sauf qu’en fait si ! Je te lamine comme les autres. Pas de jaloux Ça n’en finissait plus. Même toi, la vieille là-bas, toi aussi t’y auras droit. Surtout toi en fait.

Revenues de leur marché, il se trouva au loin deux autochtones qui, interpelées par le bruit, allèrent à la pêche aux nouvelles afin de connaître le fin mot de l’histoire. Quoi que ce fut qui, à l’autre bout de l’avenue, s’agitait et vociférait ainsi, on voulut en savoir davantage à son propos.

- Qu’est-ce qu’il se passe exactement ?

- Des marines bourrés. Voilà ce qui se passe. Lui répliqua-t-on désabusé un sac de provisions au bout du bras.

- Encore ?! Mais c’est la troisième fois ce mois-ci.

Cela était en effet de coutume. Les matelots de la garnison locale, afin de tromper l’ennui autant que leur impuissance, aimaient à cuver leur gnôle en menaçant les « mauvaises gens » de Last End. Ils savaient que l'enclave chercha par tout moyen à éviter que la Marine ne mit son nez trop profondément dans les trafics qui s’y orchestraient. Aussi, jamais on n’osa s’essayer à la moindre rétribution sur un représentant de l’ordre – aussi fautif put-il être – cela, de peur qu’un contingent de matelots ne vînt tout retourner le lendemain.

- Que voulez-vous madame Jancelle, c’est le prix à payer pour profiter d’un parc immobilier à prix cassé.

- Ah ça, c’est bien vrai. Mais… dites-moi… il se rapproche de nous là, non ?

Sa réponse à celle-ci, lui parvînt depuis le pinceau même de cet aimable chasseur de primes venu, comme cela fut promis, les laminer.  

- NONAAAAAA ! Je te venge, hein dis ! Regarde comme je te venge !

Située plus en retrait, à nouveau sur ses pattes et pour la deuxième fois en dépit de la gueule de bois, Nona avait finalement recouvré du gnon accidenté dans sa mâchoire. Son regard, au lever de l’avoine qu’elle venait de déguster laissa à suggérer qu’elle ne fut pas des plus reconnaissante à l’endroit de Mouette-Man. Et ce, quand bien même celui-ci frappa la faune qui le fuyait alors qu'il usait sur eux de son pinceau afin de soi disant laver l'honneur de sa comparse. Il fallait pourtant espérer au moins ça et même plus encore lorsqu’on souscrivait à un rencard avec Alegsis Jubtion.


Dernière édition par Alegsis Jubtion le Mer 21 Juin 2023, 09:00, édité 1 fois
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Dire que j'avais la haine était un euphémisme, malheureusement mon vocabulaire est limité et je ne connais pas beaucoup d'autres mots pour exprimer ma rancœur. En effet, ce pauvre hère venait de me mettre une patate mémorable m'envoyant valser dans la boue... pas suffisamment fort  pour me remettre les idées en place mais assez pour me motiver à lui péter les dents (du moins ce qu'il en reste). Enfin c'est pas clair, mais toujours est-il que Alegsis se balade avec mon manteau, ce qui va nous attirer des emmerdes à tout les deux à coup sûr... Aussi en toute logique il se peut que j'ai décidé d'envoyer mon poing dans la face de "mouette-merde", bien décidé qu'il était à conserver mon précieux attirail. Pas de bol, l'alcool ne semblait pas aussi violent pour lui que pour moi, et n'ayant jamais eu forte carrure il faut bien avouer que mes tentatives successives ressemblait plus à une parodie qu'à un réel essaie de reprendre ma propriété. Essayant encore et encore, titubant tant bien que mal je me laissais peu à peu gagner par la honte de ne pas réussir à coller un pain à cet abrutis qui l'avais pourtant tant mérité.
Elle est belle la marine d'élite.

NONAAAAAA ! Je te venge, hein dis ! Regarde comme je te venge !

Dis t-il en se jetant sur deux connards de passage sans même remarquer mes agressions . C'en était trop. C'est la goutte qui fait déborder le truc là, ce gougnafier aller payer. Me jetant sur lui dans un sursaut de crédulité, je le saisis aux chevilles le projetant au sol et entreprenant de le rouer de coups. Une insulte bien placée ou une mise en garde aurait surement fait l'affaire mais un peu de réflexion c'était trop me demander à ce moment là.

Mais enfin! Toute cette violence dans ce quartier si calme je ne saurais en subir d'avantage!

Lança la vieille de tout à l'heure qui visiblement aurait mieux fait d'être nonne. Comment ça calme? Regarde ce que je lui met à l'autre con là un peu, vise ça ! Il faut dire qu'il ne se laisse pas faire le bougre et dur de savoir si c'est moi qui lui mettait la misère ou l'inverse (pour le bien de mon égo... admettons momentanément que ce fut bel et bien ma personne)

Dieu merci la marine est là ! Au secoure !

Qu'est-ce qu'elle bave encore l'ancêtre? Malheureusement la réponse fut rude: deux paires de mains m'attrapèrent par les épaules, et me projetèrent en arrière, finissant au pieds d'une petite brigade qui alertée par les habitants du coin, témoins de toute la scène.

Bah alors, saloperie, ça attaque un marin hein? Tu vas voir!

Et sans plus de procès je me fait maîtriser par le reste du petit groupe, bien trop fiers d'avoir enfin trouvé un truand à se mettre sous la dent.

Sergent ! Vous allez bien ? On a été alerté par les locaux que l'un des nôtre avait des ennuis !

Dites-moi que c'est une blague. J'vais le faire fusiller.
L'un des trouffions ne serrant pas assez sa poigne me laissa l'occasion de le retourner, le plaquant (maladroitement) à son tour au sol avec une clef de bras pour tenir le reste des trouffions en respect quelques secondes.

GARDE-A-VOUS BANDE DE SOUS-M* ET CHOPPER MOI CE-burp CET ENFOIRÉ, EXECUTION !

J'eu pour seule réponse un long blanc gênant, le même qui caractérise généralement l'incompréhension, seulement brisé par le "clik" caractéristique d'une paire de menotte qui se referme.


Dernière édition par Alba Nona le Ven 25 Aoû 2023, 17:54, édité 1 fois
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Mouette-Man avait-il été jadis un héros ou un légende urbaine ? Sa mémoire, en tout cas, subsistait au point d’en être presque imprégnée dans la chair des justes. Et des autres aussi. D’Alegsis, notamment. Alors que celui-ci agissait en prolongateur auto-investi de l’héritage du héros, le chasseur de primes, un manteau de Marine employé tel une cape, les manches alors nouées l’une à l’autre autour de son cou, trottina en titubant un bras dressé devant lui. Sa direction ? La Justice. À moins que ce ne fut Nona. La vision troublée par l’alcool l’empêcha de toute manière de discerner très exactement ce qu’il avait en vue. Quoi qu’il aperçut en tout cas, il s’y rua en zigzaguant, trébuchant seulement deux fois le long de la rue pavée avant qu’il n’atteignit son objectif.

- Sergent…, s’inquiéta fort justement un des matelots dépêchés pour l’altercation, il se passe quoi ici exactement ?

La question trouva son fondement dans l’effervescence ambiante. Car entre les badauds la gueule profondément incrustée dans les murs – et même certains jetés évanouis sur les toits – les esprits s’étaient apparemment échauffés dans les faubourgs de Last End. Des cris qui leur parvinrent, à ces Mouettes arrivées sur le tard, il fut apparemment question d’un fou furieux qui s’en serait pris gratuitement aux passants. Le mystère restait entier.

- Craignez rien... j’ai justicé toute la zone, annonça un sous-officier des plus douteux alors que celui-ci parut peiner à seulement se maintenir campé sur ses cannes, y’a... ya plus de problèmes.

Les problèmes, à Last End, il en était présentement l’épicentre. Ses secousses advenues, tout laissa présager l’arrivée imminente d’une réplique sismique de plus grande ampleur encore. Si la Marine ne patrouillait habituellement que peu dans les environs, c’était encore pour de bonnes raisons.

- On a interpelé une criminelle sergent. Annonça tout fier ce qui, à l’excès d’obséquiosité mis en exergue avec le garde-à-vous de rigueur, semblait être une recrue de fraîche date.

Considérant les effectifs qu’on envoya pour « pacifier » la zone, il fut évident que ceux-ci, sans doute incorporés récemment dans les rangs locaux, furent victimes d’un bizutage en règle. Car jamais à Last End on n’envoya la Mouette s’y faire plumer à moins qu’elle ne vola en escadron.

- C’est pas une criminelle, elle s’appelle NONA. Les bougres sursautèrent soudain devant ce qu’ils interprétèrent comme un saute d’humeur intempestif. C’est ma bonne amie.

Posant sur le regard sur la gueuse, celle-ci leur présentant des yeux remplis de hargne et une tête tordue par l’aigreur manifeste qu’elle ravala pour ne pas aggraver son cas, l’un des matelots prit le parti de sortir de son devoir de réserve pour se hasarder à une question.

- Vous avez pas peur d’attraper des maladies avec elle ?

- DIS DONC ! S’offusqua celle qui, à leur yeux, avait tout d’une sinistre gueuse avinée.

Alegsis, d’autant plus pédagogue lorsqu’il était stimulé par le rhum, s’apprêtait à commettre un sermon sur l’amour lorsque, de derrière lui, des coups de feu retentirent soudain. Tout prêta à croire que les tirs s’orientaient dans leur direction cela, du fait qu'un des matelots accusa la réception de la balle entre ses deux yeux.
Cet équilibre précaire que la garnison locale avait établi afin de circonscrire le crime à Last End venait de basculer. On n’apprécia en effet que trop peu, dès lors où l’on fut porté sur quelques entreprises flibustières, que quelques empêcheurs de tourner en rond vinrent faire du grabuge dans les environs. Bien qu’Alegsis fut seul responsable des troubles récents, ce fut cependant à la Marine de porter le blâme. Le manteau, même s’il fut utilisé comme une cape, signa en effet le crime d’un paraphe contrefait.

Dans cette avenue où le retour de Mouette-Man y fut si remarqué, s’engouffrait à présent quelques dizaines d’hommes armés et passablement patibulaires. Céder aux stéréotypes, alors, aurait pu conduire à déterminer que ceux-ci appartenaient à la piraterie locale.
De cette engeance, il leur en parvenait par tous les accès. Tant et si bien que la Marine et son porte-poisse de chasseur de primes, en effectifs d’autant plus restreints qu’un des matelots fut si soudain occis, se trouvèrent encerclés.

- Faut qu’on se barricade, vite ! Jugea bon de préciser Nona alors que celle-ci, prompte à réagir bien que ses mains furent toujours attachées dans le dos, passa au travers d’une porte enfoncée d’un coup de semelle.

Suivie de près par un troisième classe et son compagnon de beuverie, elle exhorta alors chaque homme à bloquer l’accès avec tout ce qui fut à leur portée. Étagère, armoire, tables et chaises ; tout était bon pour obstruer le moindre accès qui les sépara présentement des forbans en colère.
Si ce n’est les quelques Marines qui s’activèrent dans l’instant, Alegsis, naturellement, brilla par son inaction.

- NONA, pourquoi toi t’aides pas à barricader au fait ? Demanda-t-il les mains dans les poches de sa cape.

- Je sais pas… peut-être parce que j’ai les mains attachées dans le dos ?!

Les femmes trouvaient toujours une excuse pour ne pas avoir à s’esquinter un ongle. Tel fut en tout cas le point de départ de la réflexion qui remua dans le crâne d’Alegsis tandis que, partout autour de lui, on s’affairait à bloquer les issues. Et cela, pour gagner ne serait-ce quelques minutes de répit à peine.
De ce qu’un moussaillon leur fit parvenir bien assez tôt, il ne trouva, dans ce taudis abandonné, aucun accès pour fuir par les toits. La situation paraissait désespérée.

- Oh bah ! Regardez ça, s’émoustillait Alegsis, apparemment si peu inquiet par le lynchage qui les attendait au dehors qu'il fouilla la demeure, y’a à boire !

L’alcool les avait conduit là où ils se terraient à présent ; peut-être le contenu de ses bouteilles n'était alors pas la solution à leur problème. Ce qui n’empêcha pas Alegsis, dans son infinie générosité, de porter le goulot d’une de ses trouvailles pour le forcer entre les lèvres de la sergente désœuvrée. Privée de l’usage de ses mains telle qu’elle était alors, l’artiste-pitre estima judicieux de l’aider à rester imbibée.

- Les renforts mettront une demi-heure à venir, paniqua une des recrues, on tiendra jamais jusque là.

Dans l’entrée, par ce couloir dans lequel ils avaient fait irruption, le chasseur de primes, après qu’il eut donné le biberon à sa « bonne amie », peinturlura murs et sols en y multipliant les Colors Trap jaunes et bleu du bout de son pinceau de combat. Bien qu’à proximité, les grognements sourds et autres coups de hache déterminés lui indiquèrent que les riverains n’avaient pas omis de venir les écorcher, Alegsis ne s’en formalisa pas. Et, parce qu’il lui arrivait de se montrer sagace, mettant à profit son expérience à casser du boucanier, il poussa même le vice jusqu'à s’improviser stratège militaire.

- Faut créer une souricière, *burp*, de quoi leur donner l’impression qu’ils peuvent nous atteindre facilement pour pas qu’ils cherchent à rentrer par les… les… les fenêtres là, qu’on a barricadées. Comme ça, baaaah... ils pourront rentrer qu’au compte goutte. Et vu comme le couloir est étroit, *hic*, on n’aura plus qu’à les aligner.

Ses Colors Trap, étalés par dizaines sur le papier peint comme sur le plancher du couloir d’accès, avaient fini de sécher, constituant ainsi un rempart hypnotique en devenir. Toutes les dispositions avaient alors été prises afin que la cavalerie n’arriva pas trop tard pour ne secourir que leurs cadavres calcinés.
Alegs était un individu si stupide qu’il raisonnait en effet mieux bourré qu’à jeun. Aussi, la mort dans l’âme et la trouille au ventre, se résigna-t-on parmi « ses » subalternes à déblayer l’accès menant à la porte d’entrée afin de consolider les autres ouvertures potentielles. Agglutinés dehors et enragés, la boucanerie locale, à faire tant de bruit, avait attiré à elle plus d’une centaine d’hommes comptant aussi bien des curieux que des furieux. Les derniers remparts de l’entrée principale s’effondrèrent enfin sous les coups de boutoir acharnés. L'irruption de forbans était imminente.

C’était à ce genre d’incidents fâcheux – voire mortels – que conduisait habituellement une innocente séance de beuverie en compagnie d’Alegsis Jubtion. Il y avait des gueules de bois qui vous laissaient dans la tête un trou noir, mais cette biture-ci, à condition qu’elle en réchappa, la sergente Nona s’en souviendrait sans doute pour les siècles à venir.


Techniques utilisées:
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  • https://www.onepiece-requiem.net/t25723-alegsis-jubtion
Attrapant le doigt du malheureux qui eut l'audace de me présumer moult mst, je lui brisa en six malgré mes menottes. J'aurais sincèrement bien continué par un suplex en règle histoire de parfaire mon oeuvre, mais la recrue s'effondra net. Efficace cette prise du doigt, je devrai lui trouver un nom... la réalité me rattrapa quand une autre salve de coups de feu vinrent exécuter quasiment l'intégralité des marins sur place (moi exclue par chance). Une balle frôla même le crâne d'Alegsis - pas de bol, le bougre esquiva.

Bien sûr, en tant que marin d'élite, je me retourna contre mes agresseurs et- absolument pas, je pris la fuite immédiatement. Toujours pas encore remise du tord-boyau mais emplie d'adrénaline, notre course nous dirigea tout droit vers une allée, puis une autre... Probablement que l'on tournait en rond puisque nos poursuivant nous contournèrent sans mal, et prise en tenaille devant et derrière, je "perquisitionnais" l'habitation la plus proche pour nous retrancher. Renversant les meubles à l'aide de mon dos et de quelques coups de pieds bien placés pours quelqu'un qui a trois grammes, je cherchais du regard un quelconque objet pour me libérer de mes menottes. Problème étant que personne ne garde de pied de biche dans son salon.

Hé Nona!

Ce con me fourra une bouteille entre les dents, manquant de m'en péter une. Bouteille qui finit naturellement par terre dans une vaine tentative de la carrer dans le front d'Alegsis à grands coups de menton.
Le gonz', tout fier qu'il était d'avoir réussit son coup sortit son pinceau et se mit à repeindre les murs: cette fois c'en est trop, son embryon de cerveau a définitivement cramé dans l'éthanol.

Pourtant, dès que les forbans débarquèrent à coups de hache par la porte qui nous avait servie d'entrée, certains se mirent à rire à gorge déployé ou s'effondraient de morosité, dès qu'ils entraient en contacte avec une de ces tâches de peintures. Ok, j'avais un contacte distant avec la réalité à ce moment précis, mais il fallait bien admettre que ce forcené avait enfin réussit quelque chose dans sa journée. Comme quoi les miracles existes.

Décidant cependant dans un éclair de lucidité de ne pas me reposer sur l'homme qui avait réussit à me donner la réponse à l'énigme "quand sera votre prochaine gueule de bois", je mis un grand chassé au marin restant direction la baston.

Gagne du temps p'tite merde!

Continuant de retourner la pièce, je trouva enfin une fourchette; bon, j'aurais espéré mieux mais je m'en contenterais. En la plaçant entre deux maillons de mes menottes, et faisant levier de tout mon poids et ma force, je parvint enfin à briser cette saloperie, me laissant alors deux bracelets souvenirs et des vilaines marques sur mes poignets qui subirent tout mes efforts. Je laissais échapper un rictus de satisfaction suivit d'une bonne gerbe à-demi ravalée... Juste à temps car le pauvre marin se faisait débordait par la gauche.

GAUCHE! hurlais-je en lançant la fourchette.

L'ustensile, déformé par la manœuvre, siffla dans les airs avant de se planter dans le front de l'assaillant. Pas suffisant pour l'achever sur le coup, mais la vision des quatre dents dans la tête de leur pote calma les ardeurs des autres l'espace de quelques secondes. Attrapant un tiroir de commode traînant dans le bordel ambiant, je me jetais dans la bataille à corps perdu pour refaire les dents à son collègue le plus proche. On aurait presque pu croire que je venais au secoure de mon collègue, mais rassurez-vous, il n'en est rien. Toujours titubante, un coup de pied foiré m'envoya valser en plein dans la mêlée. Pas de chance, les brigands ont beau pas être des lumières, ils n'ont pas hésités une seconde pour se jeter sur moi à leur tour. Par terre, à 10 contre 1, j'avais pas beaucoup de chances de m'en sortir à moins de faire des morts... "Heureusement" Alegsis intervint une fois de plus pour me sortir de là.

Son pinceau surdimensionné fila dans un menton, puis un autre... moi je voyais de plus en plus flou, les coups c'était quelque chose mais l'alcool c'en était une autre. Incapable de me relever, je voyais défiler les gnons au-dessus de moi, et il n'était pas exagéré de supposer que nos assaillants m'ai prise pour un cadavre. J'en avais l'allure et l'odeur, on va pas se mentir... tout ça m'a paru durer une éternité; et je ne dis pas ça pour la formule, il y a fort à parier que je suis restée étaler un bon moment. Impossible de savoir si l'autre marin s'était fait lyncher lui-aussi; en tout cas l'autre con d'Alegsis semblait tenir le coup, pire que ça, cet abrutis acculait l'adversaire dans l'entrée repoussant les assauts successifs.

NOOOOOONAAAA ça va toi t'as pas l'air au top là comme ça et - burp

Mais je- en tentant de me relever ce con venait de me mettre sa grolle en pleine face. La suite? Un KO technique. Le voile noir jusqu'à ce que des mains étonnamment familières me soulèvent. En ouvrant les yeux je vis juste un monceau de cadavres... Pas la signature d'Alegsis ça....

Sergent Nona.

...Cairn'... C'est Kattar qui vous envoie ? (cliquez sur le nom!)

Du coin de l'œil je remarquais une dizaine de soudards aux manteaux pourpres de la 102e. Dont le susnommé sergent Cairn mais surtout le lieutenant Clark en train d'enfiler une paire de gants. Les bandits n'ont probablement eut aucune chance face à eux.

Le colonel a eu vent de vos exploits. On vous attends à la caserne depuis plusieurs heures. Ha! et autre chose...

Dit Clark en ramassant mon uniformes, toujours sur les épaules d'Alegsis, qui lui aussi n'en menait pas large devant les cerbères de la plus haute division de marins.

C'est Colonel Kattar.

Sans autre forme de procès il m'envoya son poing dans l'estomac. Dommage, je n'avais plus que de la salive à recracher, mais ce n'est pas l'envie de lui dégueuler à la figure qui me manquait. Ne perdant pas une seconde, la petite troupe se mit en branle, Cairn me trimballant sur son épaule... J'aurais franchement pas put marcher dans cet état là de toutes manière. Le marin survivant (incroyable!) accompagna le groupe vers la sortie sans se faire prier. Probablement valait-il mieux pour lui se faire oublier, car passer les menottes à autre marin peut vous coûter votre carrière...

Quand à vous...

Repris Clark, avant de passer le seuil de la porte défoncée et fixant intensément Alegsis :

... Disons que nous comptons sur votre entière discrétion pour ne pas ébruiter ce qui s'est déroulé ici.

Cette mise en garde sonnait plus comme une peine de mort, mais soit. M'écarter de cet énergumène était de toutes manières la meilleur décision de toute cette pitoyable mésaventure.
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