Vérification générale non requise : c'peu grave

Une nuit claire et douce. Une légère brise s'engouffre dans les plis des voiles roulées, bien ligotée. La lune est blanche, parfaite, en cette nouvelle année de 1624. Un beau croissant, un peu comme le sourire de ces jeunes femmes épanouies. De petites vaguelettes la reflètent, la déforment. Mais elles-mêmes brisent leur reflet sur la coque lisse du Léviathan, l'arme ultime la mieux construite jusqu'alors, pas des gens tout à fait banaux. Aucun vrai génie en poste, seulement cet idiot d'Ibuki, mon assistant, certes, mais pas mieux que mes cornichons pour déjeuner. Je roulais sur son pont retapé à la va-vite, son chef d'oeuvre comme il aimait me l'écrire sans ses communiqués, son bébé, son joujou et je passe les adjectifs pourris. Ma main tremble vers la rambarde, et je pose mes doigts expérimentés sur le bois frais. Je tente un sourire, ma barbe s'étire. Je joues avec une mèche rose fait le matin même. Je l'entortille au bout de mon doigt. Plisse les yeux. Ris. Il a bien travaillé, ce fou.
Comme j'aimerais m'attribuer tout son mérite, tous ces regards... Mais j'ai mieux à faire, ailleurs, dans un vrai labo, dans une vraie piaule, prêt d'un vrai atelier et avec les meilleurs des meilleurs : mes robots assistants. Pas là pour me contredire, pas là pour s'épuiser. Tâche sur tâche, travail continu. Travail plus que satisfaisant. Pourtant, parfois, je m'ennuies un peu, seul, et c'est ce qui me pousse à venir visiter les chantiers de mes préférés dépêchés un peu partout dans ce grand monde que protège la Mouette.

J'appuies encore sur mon interrupteur, me retenant de justesse de demander à Miss Rose de bien vouloir me laisser faire seul ma promenade ; elle n'est pas là, elle est en maintenance des circuits et autre cochonneries du vocabulaire que le pauvre ignorant que tu es ne comprendrait pas. MWOUAHAHAHA !
Les faces de singes me servant de garde me suivent, nonchalamment, les mains aux poches. Complet noir, cravate de soie, chapeau de feutre. Chemise blanche. Ils se fondent dans la nuit, mais leur code de travail ne leur permet pas de porter mes superbes robes. Ça ou l'honneur du gros garçon sans cervelle. Donc je m'en désintéresse... Des idiots ne me serviront à rien dans mon inspection superficielle du Léviathan.
Le grand pont semble vide, mais je sais qu'il reste toujours quelques gardes de nuit ainsi que deux-trois scientifiques près de la machinerie, maintenant l'état de repos du monstre de guerre. Je fais encore un peu rouler ma V-mobile vers le centre. Levant les bras, je tente de détracter mes béquilles mécaniques, mais elle oublie de m'obéir et s'obstine à rester dans leur étui, au creux de mes manches. Je boude.
Alors je fredonne.

Okama, okama way ~ Okamaa, okamaaaa waay ~ Okamaa.

Ibuki me rejoint. Oui, c'était sous son autorisation que j'ai pu pénétrer le chantier. Oui, je le traite d'idiot en sa présence, haute ou basse voix. « Professeur Vegapunk, je ne crois pas que cela raisonnable... Avec vos rhumatismes, et par ce temps plus froid, c'est le bon moment pour attraper une vicius rhumanicatiste ponctu et... »
Je roule des yeux : « Mmh ? Tu dis quoi Cornichon ? Tu veux que je t'injecte du 113 dans le sang ? Ok, mais tu sais, même à petite dose, pas sûr que tu puisses continuer à pleurer, mwouahahahaha. »
Il pose une main sur mon épaule. Je déteste ce genre d'affection entre collègues. « Lâche moi, idiot. Ma santé n'a jamais été aussi bien, voyons ! (tousse, tousse) Bon, ok, je pourrais me... (tousse, tousse, tousse) Mmmh, tu dis ? (tousse, tousse, tousse, tousse) Ah je (tousse, tousse, tousse, etc.) »
Ibuki sort rapidement un mouchoir et me le présente. Bleu. C'est laid. Je prends mon rose à moi. Je crache. « ET ARRÊTES DE CRIER, TU VAS ME FAIRE REPÉRER !! PERSONNE NE DOIT SAVOIR QUE LE GÉNÉSSIME, L'INCROYABLISSIME, LE SUBLISSIME, L'EXOTISSIMEE ET LE FANTASTISSIME EST LÀ ! Qui ça ? DR VEGAPUNK ! »
Je toussote.

Ibuki ne peut s'empêcher de sourire.


Je suis accoudé à la grande rambarde blanche. Ibuki est quelque peu en retrait, mains jointes dans le dos. Je soupire. Tous deux portons nos regard vers l'horizon, vers où devrait se trouver Red Line. East Blue. Shell Town. Je n'ai envie que d'une chose : danser. Mais mes jambes inactives ne pourront jamais me le permettre. Je soupire encore. « Il fait clair. Si ça se maintient ainsi, ce sera une journée parfaite demain pour mettre les voiles, Professeur. Je suis content d'en être la principale cause. » « Mouais... Tu sais, je t'envie réellement, Ibuki. Toi, tu n'as pas trop de responsabilités, tu travailles avec le meilleur des savants (rire puissant) et tu navigueras sur cet incroyable vaisseau. Si je n'avais pas quelques plans à décortiquer chez nous, je t'accompagnerais bien, tu sais. » « Oui, je sais Professeur. Mais je vous remercies pour tout ce que vous m'avez offert, et cette responsabilité que vous m'avez léguée : je sais que c'était d'abord votre plan que de vous occupez du bâtiment. » « Mwouahahaha. T'as raison, Ibuki. »

La nuit sera pleine d
e rêves.