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Après la vie.

Une cabane au fond de rien. Une cabane noire, salie par les années, où deux énormes lits de paille restent là, à se faire chauffer par les flammes d'une cheminée, au milieu d'une foret jamais contrôlée où pierres de marbres bruns, arbres et plantes inconnues poussent sans interruption. C'est ici que je vis. Je renifle. Une odeur de poisson fumée qui ne quitte jamais la maison, de bois brûlé et de cendres froides. De paille et de crasse.

Bienvenu chez moi.

Le regard pointé sur la rivière bercée à quelques mètres de la porte. J'observe, je sens. Un homme vieilli avant l'heure, aux épaules larges et aux mains burinées par le travail y tente de pêcher à l'aide de son long filet. Chaque parcelle de son visage inspire la force et la ténacité. Le bas trempé jusqu'au genou et la chemise blanche jaunis de salissures et de crasses ; il garde le sourie. Ce sourire simple d'un homme simple aimant les choses simples. Francky , ce vieil homme qui pêche inlassablement chaque matin. Qu'importe le temps, qu'importe la température. Qu'importe que sa longue tignasse brune ait peu à peu rétrécie jusqu'à devenir une petite touffe de poils blancs. Il sera là à chacun de mes réveilles, les genoux à se faire tremper par la rivière, à répéter ces gestes qu'il connaît par cœur depuis des décennies. L'un des seuls hommes qui ait osé me parler en confiance. Sans peur.

_Bonjour Ishii. Bien dormis ?
_Hmmm.
_Ahahahah. Ton lit douillet ne te plaît pas trop, hein ?

Nous restons là, sans un mot, se faisant dorloter par le bruit des feuilles grignotées par le vent, les cris d'oiseaux et ces autres chants dans la nature même de l'endroit. Un colibri vient se poser sur une branche d’arbre trempant presque dans la rivière, amenant avec lui la douce odeur de ses plumes. On le regarde, tous les deux, un court instant.

_C'est beau, hein ?
_Oui.

Soudain, de lourd pas se font entendre, résonnant dans toute la colline. J'y entends la poussière qui se dégage à chaque pas, faisant de plus en plus fuir les animaux.

_Francky ?
_Oui ?
_Tu vas...
_Je sais. Un large sourire vient bercer ses lèvres lorsqu'il se tourne vers moi.
_Sa'lté d'Francky ! Y'en a mare ? Chaque matin c'la même ! Et toi, Ishii, tu l'regardes faire, t'en as cure qu'on n'ait rien à piacter ou bien ? Au lieu d'm'aider, tu piailles avec lui comme une gonzesse.

La génitrice apparaît, avec sa grande gueule et son sac remplis remplis de poissons péchés. Elle rentre dans la maison sans dire plus, balayant toute la poussière sous le passage de ses 500 kilos. La vie est ainsi dans ce coin perdu de tout. Répétitif.
Quelques minutes plus tard, le feu de cheminée s'emplit d'odeur de carpes et de truites.

….

C'est un de ces jours brumeux, où il est difficile de voir à plus de quelques mètres qu'une chose inattendue arrive. Alors qu'un épais nuage de coton blanc recouvre tout et que mon nez se perd entre toutes les traces d'humidité, soudain, je renifle une chose. Une odeur d'homme, étrange, que mes narines n'ont jamais humé. La génitrice, aussi interloquée que moi par l'odeur sort aussitôt de la cabane pour venir à mes côtés, sur le pas de la porte. Là un homme s'avance vers nous. Une longue soutane descend jusqu'à ses chevilles. Recouvrant son corps grand mais si rectiligne que l'on se demande de quand date son dernier repas. le regard noir, impétueux et glaçant posé sur nos deux faces. Il s’arrête à un mètre, sans un mot. Attendant que l'un de nous brise le silence. Le vent continue ainsi à souffler, les deux jambes de la grosse mère dodelinent de gauche à droite, jusqu'à ce qu'elle ouvre son grand bec.

_Z'êtes le curé d'à côté ?
_Oui.
_Qu'est c'qu'vous v'nez faire par là ?
_On m'a parlé de vous. On m'a aussi parlé de Francky. On dit qu'il est malade. Son regard vient percer les miens. Du haut de mes deux mètres quatre vingt, je me fais surplombé par ce petit homme aux yeux revolver.
_Il habite un peu plus bas. Ca fait deux jours qu'il reste chez lui plutôt que de venir pêcher, en effet. Son corps est rougis et il ne peut se lever. Mais je lui apporte de quoi manger. Pourquoi parler de lui ?
_Je viens le voir, prier avec lui.
_Il ne croit pas en Dieu. Ce n'est pas d'un homme en soutane mais en blouse blanche dont il a besoin.
_Moi, je crois. Et c'est le plus important.

Sans un mot de plus, le prêtre s'en va.

….

Alors que peu à peu les grandes feuilles de cèdre se font recouvrir d'ombre, je me prépare. Mes gros pas m’emmènent plus loin au sud. Le vieux sentier menant à la cabane de Francky est si étroit que mes vêtement manquent à plusieurs reprises de se faire déchirer par les bordures d'orties. Puis j'arrive enfin chez le vieil homme. Une cabane aussi miteuse que la mienne éclairée par une seule et simple bougie.
Une canne, des filets, un feu de bois et un simple lit de paille. Tout le mobilier.
A mon entrée, le prêtre agenouillé au chevet de Francky se lève. Étrange énergumène. Le corps creux et maigre mais le regard noir perçant.

_Hmmm... Navré mais je n'ai de nourriture que pour un seul homme.
_Et bien tant mieux, car ce vieil homme a faim.
Je le toise de toute ma hauteur. Et pourtant... Je reste si petit...
_Kof kof... Ne fais pas l'enfant Ishii... Kof kof... Cet homme est bon kof kof. Je te remercie d'avoir pensé à moi.

Alors je lui sers son repas, mi intrigué mi suspicieux devant cet étrange prètre. C'est durant cet instant où seul le crépitement des flammes et la mâchoire craquante du vieil homme viennent briser le silence, que je comprends. Francky est mourant. La mine blafarde, les joues creusées par la maladie. Il sent ces poissons que l'on vide un matin et qu'on laisse sécher jusqu'au repas. Il sent la mort. Mes grosses narines ne sentent que maintenant cette terrible odeur. Ils en remplissent mes poumons, mon cœur. Mes larmes.
Mes gros pieds m'emmènent loin de cette douleur. Pour la première fois de ma vie, je fuis. La porte claque et tout mon corps part loin de ce sinistre endroit. Sans un mot je suis parti.




La mouche tétra n'est pas plus grosse qu'une mouche ordinaire. Pas plus laide, pas plus vilaine. Alors on ne s'en méfie pas. Puis un jour, elle vient nous piquer. On devient alors aussi rouge qu'une bouteille de vin comme celle qu'avait l'ancien éleveur de chèvres un peu plus haut. On perd ses forces, on se vide peu à peu. Puis on perd des couleurs, puis la faim. Et lorsqu'on réussit à avaler quelque chose, on le rejette. Certains en survivent, d'autres, non. Francky en est mort.
Le prètre, Valentino comme il s'appelle, est venu hier. Je n'osais plus aller voir ce vieillard se vider peu à peu. Je ne supportais plus cette odeur de mort. Lui, si. Étrange homme. Il restait là; assis, à ne rien faire d'autre qu'accompagner Francky. Vers je ne sais où.

Aujourd'hui, la messe est dite, à quelques kilomètres de la cabane, dans une église aussi pauvre que la plus pauvre des maisons. C'est au milieu de ce qui ressemble le plus à un village. Quatre ou cinq baraques faites de quatre ou cinq murs. Un chemin de terre faisant office de route. Quelques chevaux appartenant à je ne sais qui. Et cette église. Froide, silencieuse.
Moi, je reste au fond, debout et droit. Pas question de faire peur aux quelques vrais hommes.
Ma mère m'a accompagnée. Elle ne l'avouera jamais, mais au fond, elle l'aimait bien, Francky. Maintenant elle n'aura plus personne sur qui hurler. Alors que le corps s'enterre et que les quelques gens se dispersent, Valentino me fait un signe de la main pour l'accompagner. Ses yeux noirs me refroidissent, mais je le suis jusqu'à un petite pièce, aussi froide que l'église. Deux chaises comme mobilier. Et une table de bois. Le prètre me regarde, debout sans un mot. C'est à celui qui parlera en premier.

_Hmmm... Vous vouliez me parler ?
_Je te dérange, n'est ce pas ?
_Hmm... Je ne vous comprend pas.
_C'est étrange. Une personne de ta race devrait avoir plus de tolérance.

Mon sang bouillonne. Que veut il dire ? Je reste coi, stoïque, mais je ne sais où il veut en venir. Ou au contraire, je ne sais que trop. Alors même que je me fais cette réflexion, mes sens m'alertent. Je renifle. J'écoute. Une odeur animale, de fromage et d'alcool.
Machinalement, j'ouvre la porte que j'avais fermée. Un homme apparaît. Gras ,ventripotent et tout transpirant de devoir traîner un âne aussi gros derrière lui. Me voyant, ses yeux s'agrandissent de peur et il s'éponge le front dans un rictus avec un grand mouchoir rouge. Rougeoyant de fatigue et d'alcool trop ingurgitée. Le souffle court, ses paroles se font basses d'une voix trop aigue pour ne pas être risible.

_Où est le père Valentin ?!

Aucune once de respect. Aucune sympathie. Je ne réponds pas. Le prêtre le fait à ma place. La tête penchée pour voir derrière la porte le pataud tenter de reprendre son souffle.

_N'ayez crainte monsieur, Ishii est un ami. Que puis-je faire pour vous ?
_ De l'argent, mon petit. Vous me devez de l'argent. Beaucoup d'argent.

Les grands yeux noir du prêtre viennent transpercer de curiosité ceux de l'inconnu.

_Ah bon ? Et bien. Expliquez moi ça.
_Cette île m'appartient mon petit. Depuis hier. Je l'ai gagné au dé contre un Vice amirale n'ayant plus rien à jouer. Si vous voulez voir le papier, il est dans la sacoche de l'âne. Je viens lever un impôt. 10 000 berrys par tête de pipe. Vous avez une semaine. Je reviendrai.

Sans plus attendre, le gros homme fait demi tour. Mais le prêtre n'en a pas fini.

_Vous resteriez bien manger quelque chose quand même avant de repartir ?

L’inconnu se retourne à une vitesse à peine croyable vu son poids, ses yeux s'éclairant de mille étoiles.

_Ce ne serait pas de refus. Votre église est si perdue... Et cet âne si fainéant...

L'impoli entre alors sans se faire demander deux fois. Mais sa joie se transforme vite. Son regard se perd sur les quelques mobiliers. Puis sur la table. Une mie de pain rassi. Seul repas à disposition.
Ses mains se perdent tout de même dessus. Puis sa bouche. Et c'est à ce moment que le prêtre prend la parole.

_Écoutez moi bien, maintenant que vous êtes assis. Sauf tout le respect que je vous dois, vous ne verrez jamais votre argent. Ici on ne vit pas monsieur. On survit. Vous voulez du pain rassit ? Une poignée de poissons ? De la main d'oeuvre ? Je jeûnerai si vous le voulez. Je travaillerai si vous le voulez. Mais je ne vous donnerai pas d'or. Car ici, personne n'en a. Et d'où que vous veniez, cette île ne vous appartient pas. Cette terre appartient à chaque homme la labourant et la foulant chaque jour que Dieu nous donne. Pas à un inconnu ayant joué la vie de tant d'hommes au dé. Ni au perdant. Ni au gagnant. Ni à un bout de papier.

Le silence claque. La tension monte et les yeux du gros homme se révulsent. Moi, debout dans un coin de la pièce, j'observe le charisme de l'un. La bêtise de l'autre. Puis la porte se ferme. Violemment. Sous une injure. L'âne est parti sans un autre mot qu'un nom d'oiseau. Le silence reprend. Le prêtre ferme ses mains sur son visage.

_Il reviendra... Mais cette fois il sera accompagné...
_Mmmh... Comment le savez vous ?
_La bonté humaine est grande. La bêtise encore plus.

Un rire mi amusé mi crispé sort. Aucun mot ne vient pendant un moment. Un soupir de réflexion vient de temps à autre briser un ange passant.

_Je t'ai observé. Tu as l'ouïe fine. L'odorat développé. T'en es tu déjà servis pour une noble cause ? Cet homme est de la famille Zapatéro. Une famille noble d'Hinu Town. Je l'ai vu au blason sur son âne. L'or qu'il nous veut, nous allons le lui prendre. Puis le lui redonner. Je dis nous car je vais avoir besoin de tes oreilles, de ton nez.

Cette fois, c'est moi qui rit.

_Ahah ! Et c'est un homme en soutane qui me demande ça. Quelle drôlerie.
_ Ce ne sera pas du vol, ce sera un emprunt caché !
_Hmmm...
_Ca ne me fait pas rire. Crois moi bien que si j'avais une autre solution, je ne te demanderais pas cela. Mais nous n'avons pas le choix. Personne ne peut donner autant d'argent ici...
_Mmmh... Moi j'en ai une autre. De solution. Dans une semaine je reviendrai ici. Avec l'or.

La porte claque de nouveau. Cette fois, c'est moi qui part.



En pleine nature. Deux jours plus tard. Je me fond dans la jungle. Dans la nuit. Je sonde chacun de mes pas. Ne pas briser de branche. Ne pas crisper d'herbes. Mes gros pas se faufilent entre les minuscules feuilles d'un immense saule pleureur. L'humidité des branches, les gouttes d'eau perlant à leur extrémité viennent tremper mes habits. Chaque pas que je fais, c'est un pas silencieux, où je prends garde aux brindilles, aux herbes et à chaque minuscules insectes. Les sens en alerte.

Aussi silencieux que le grand châtaigner sans feuille. Aussi invisible que la fourmis. J'avance ainsi et j'aime ça.

Quelle drôlerie. Mon immense et immonde corps qui disparaît ainsi. Mes pas m’emmènent au bord du fleuve. Grand fil bleu au milieu d'un immense tapis d'arbres verts. Un bateau gît là. Au milieu des cris, des chants et de l'alcool. Des pirates. Les joyeux Lurons comme ils aiment s’appeler. Ils se retrouvent toujours ici. Y déposent un coffre ou deux. Puis repartent. Persuadés de l'ignorance des îliens. Mais ceux fermant leurs bouches n'ont pas les yeux clos.

J'avance toujours. Silencieux et invisible, me fondant dans un arbre, disparaissant derrière un buisson, jusqu'à ne être qu'à quelques mètres de leur navire. Au bord de la rive, deux pirates discutent à voix base, cachés eux aussi du navire par l'obscurité. Un seul m'aurait suffit, mais le destin a décidé d'encore plus me salir les mains. « Les cinq doigts de la main ne se valent pas » que je me dis en bondissant silencieusement. Mes deux mains viennent s'écraser sur leurs deux visages. Affalés avant d'avoir été apeurés. Juste à côté de leurs deux corps gisant, une trappe cache ce que je cherchais.

Il me faudra trois trajets silencieux pour tout rapporter dans ma cabane.




Un vent frais vient fouetter mon visage. Mon corps lourd porte un sac imposant. Mes épaules se font brûler par un grand soleil d'été. Alors que j'arrive devant la chapelle, un dizaine d'hommes en noir, trapus et aux regards froids, attendent là ; avec au milieu, le gros Zapatéro. Il semble parler, ou plutôt hurler sur le prêtre ne répondant rien. Lorsque j'arrive à leur hauteur, le grand sac vient tomber aux pieds du noble.

_Nous sommes 100 habitants sur l'île. Et pourtant, dans ce sac, il y a 45 millions de berry. Comptez si ça vous chante. Les 35 millions en trop servent à payer l'île. Ici il n'y a rien. Juste la nature et quelques hommes tentant d'y survivre. Si vous acceptez, prenez tout. L'île appartiendra au père Valentino. Si vous refusez, prenez 10 millions et partez.


J'ai quitté ces hommes sans me retourner. Sans un mot de plus. Je ne sais si Zapatéro a accepté. Enfin, je n'en ai pas la preuve. Mais au fond, je suis convaincu que sa bêtise n'est pas si grande.

Mes pas m'ont déjà ramené chez moi. Chez nous. Là, à l’intérieur, chauffés à côté de la cheminé, les deux corps baillonés m'attendent. C'est à l'aide d'un seau d'eau que je les réveille.

_Écoutez moi bien. J'ai volé tout votre or. Jusqu'au dernier centime. Ça fait deux jours que vous avez disparu. En même temps que le trésor. Votre équipage doit être à votre recherche. Ils doivent penser que c'est vous les voleurs. Libre à vous de les retrouver. De leur dire la vérité. Ou non. Ils vous croiront peut être. Vous tueront sûrement. De toute façon, j'ai donné chacun des pièces à un homme de la famille Zapatéro.

Je leur raconte alors la vérité. Toute la vérité. Sans un seul mot mensonger. Tentant de n'oublier aucun détail.



Dans cette histoire, je me suis fait deux ennemis et un allié. Ce prêtre étrange qui donne sans jamais recevoir, j'ai appris à l'aimer comme il m'a accepté. Les deux pirates, eux... Je leur ai recouvert les yeux avant de les abandonner, loin de ma cabane, afin qu'ils ne puissent me retrouver sans se perdre dans la jungle. Que sont-ils devenu ? Je n'en sais rien. Je ne les ai plus jamais revu. Quand au gros noble, lui non plus, je ne l'ai plus jamais croisé. Il a accepté mon offre après que le prêtre ai utilisé son charisme pour le convaincre. Il est repartis sur son île comme il est venu. Ses poches juste un peu plus pleines.


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