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Lui, moi, et la Fée verte

Le Soleil était sur le point de passer son relais à la Lune dans leur course éternelle du temps. Le ciel était rouge comme la chair d'une pastèque, offrant un spectacle de toute beauté tandis qu'il se reflétait dans l'eau claire de South Blue. Un bateau de passagers laissait débarquer les voyageurs, en attendant d'en prendre d'autres pour le trajet inverse. Parmi tout ce peuple se trouvait une jeune fille dont la couleur des cheveux se fondait dans celle du coucher de soleil.





***

Léger retour en arrière.
Lorsqu'Elinor avait entendu les deux pirates éméchés parler des fruits du démon, elle leur avait demandé quelques précisions. Selon eux, quelle île serait la meilleure pour partir sur la voie de la piraterie ? Sans hésitation, ils lui avaient indiqué le Royaume de la Veine. Cependant, ils étaient trop délirants pour pouvoir donner des détails plus précis sur le pourquoi du comment. Elle savait juste qu'à présent, c'est ici qu'elle devrait aller pour en savoir plus sur les pirates.
Ses amis, lors de son départ, lui avaient dit qu'elle était complètement inconsciente de partir ainsi, sans rien savoir sur rien. Elle avait discuté avec des pirates, elle voulait découvrir le monde, et s'emparer de fruits du démon. C'était bien beau, tout cela, mais avait-elle la moindre idée de ce qu'elle allait rencontrer ? C'était différent de ce qu'ils pouvaient lire dans les romans des colporteurs, les livres d'image racontant des histoires du siècle dernier. Alors Elinor, le tournant le dos, déclara :

"- C'est pourquoi je vais au Royaume de la Veine".


Peu de monde avait compris cette phrase. Elle-même n'était pas sûre de ce qu'elle allait tr
ouver là-bas.





***
Retour à notre actualité.
C'était à présent l'Heure bleue. Elinor avait papillonné entre les étals de marchandise, et s'était procurée quelques produits dont elle aurait sûrement besoin. Le quartier était commerçant. On y trouvait des pêcheurs, des paysans qui vendaient leurs produits. Cependant, cela ne respirait pas la richesse ; on pouvait presque qualifier le coin de bidonville. On lui avait dit que de toute façon, elle ne pourrait pas aller plus loin, vu son statut social. Elle n'était pas une bourgeoise et devait se contenter de la ville extra-muros. Tant mieux, Elinor n'avait rien à voir avec les personnes riches : elle cherchait des pirates, que l'on trouve en général dans les bas fonds. Quelqu'un qui ait l'expérience de la vie des pirates et qui surtout connaissait l'histoire de la Veine et de ses pirates célèbres.

Elle prit le parti de questionner des personnes au passage de sa visite. La première qu'elle interrogea la fit vite redescendre de son nuage.






***

Une demi-heure plus tard, elle pénétra dans une vieille taverne crasseuse où se trouvait une personne, voire deux. Difficile à donner un chiffre, tant ce rade était obscur. La nuit venant de tomber, les ténèbres s'intensifièrent. Elle s'installa au comptoir en bois pourri et regarda le sympathique tavernier d'un œil torve.


- Servez-moi un Eden Green. Pur.

Le mastroquet n'était pas là pour discuter les commandes d'un client. Il s'en fichait, de toute manière. L'important était d'être payé, point barre. Alors il fit fi du ton agressif de la belle et lui servit un Eden Green.

- Remplissez le verre, jusqu'en haut.

Il s'exécuta, aussi stoïque et mécanique qu'un robot. Elinor but le verre cul-sec.

- Un autre.

Le tavernier leva un sourcil d'étonnement avant d'esquisser un léger sourire.


- Un autre.

Il se crispa.

- J'veux pas me m'ler d'vos affaires, mais z'avez pas peur de....

Elle lui coupa la parole.

- J'ai peut-être l'air d'être une princesse qui a peur de se casser un ongle, mais je tiendrais l'alcool mieux que n'importe quelle brute fréquentant votre gargote. Oh, et puis zut, donnez la bouteille.

Elle s'empara du récipient au verre teinté en vert menthe à l'eau et but une gorgée directement au goulot.

- Mauvaise journée, miss ?


- Il y a eu erreur sur la marchandise. Le batelier avait annoncé que le bateau Blue Delta s'arrêtait au Royaume de la Veine.


Le tavernier émit un petit rire.


- Désolée, Miss. Z'avez eu un crétin aussi plaisancier que chuis Officier d'la Marine. Bienvenue au Royaume de Saint Urea.

Il la laissa seule en tête à tête avec le Green Eden.




Dernière édition par Elinor Lafayette le Lun 5 Nov 2012 - 11:51, édité 1 fois
    Ah South Blue ! Cet air se reconnait à plusieurs kilomètres. Revenir dans cette mer, c’est revenir à proximité de l’hospice pour malfaiteurs, ma prison. L’horizon n’attend plus que moi : le ciel bleu et les quelques mouettes dansant au rythme des rafales de vent me donnent du baume au cœur. Un instant de liberté dans une vie de… Bon j’arrête là, ca n'me va pas les grandes émotions. J’enfile mes chaussures que j’ai soigneusement posées sur la barque. Le rafiot arrive enfin à quai. Les gens d’ici sont plutôt speed, certains font des allers-retours en portant des caisses de ravitaillement et d’autres hurlent pour appâter les clients. Je pose le pied sur l’bitume et l’activité ne s’arrête pas, malheureusement. Personne ne fait attention à moi, c’n’est pas comme si c’est rare de voir un homme en costard arriver sur un radeau brisé par les intempéries. Les gosses courent près du ponton, j’ai une envie soudaine de les jeter à l’eau mais j’ai passé ce stade. J’suis adulte maintenant.

    Maintenant qu’je suis enfin sur une nouvelle île, il va falloir que j’recommence dans l’escroquerie, repartir à zéro comme souvent. Quelle identité j’devrais prendre cette fois-ci ? Boarf, tant qu’je ne croise pas un signe d’autorité, j’n’ai rien à craindre. J’aurais tout le temps d’réfléchir. Je quitte les quais pour m’introduire dans un quartier marchand. Ici des primeurs, des boulangers, des poissonniers et quelques roublards qui n’échappent pas à ma vue. J’pourrais faire dans la marine un de ces quatre qui sait. J’arpente les stands pour trouver mon bonheur, quel bonheur ? L’objet parfait pour être revendu à cinq fois son prix initial. Des pêches ? Non. Des citrons ? Non. Des Sardines ? Non. Des ? des…. Il n’y a que d’l’agro-alimentaire, j’ai fais du business comme ça auparavant mais bon j’suis plus à ce niveau là maintenant. Peut-être qu’avec le temps, il va y avoir d’autres marchands. J’devrais m’trouver un endroit pour m’poser histoire d’faire passer l’temps.

    J’aperçois une taverne à quelques mètres, un sourire prend forme sur mon visage. Un sourire comme lorsque l’on sait que l’on va commettre une bêtise sans répercussions. Non ! C’est pas l’heure Justino ! Va falloir trouver une autre occupation. Je me retourne avec difficulté, une difficulté si monstrueuse qu’je ferme les yeux avec une concentration inébranlable. Résister à la tentation. Résister à la tentation. Réciter à l’attention. Résister à la sommation. Oui le dernier est un réflexe de criminel endurci, chose que je n’suis pas encore. Je rouvre les yeux et j’fixe un magnifique banc vide n’attendant plus que moi. Une vingtaine de mètres nous sépare. Je marche dans sa direction quand j’vois du coin de l’œil une vieille dame s’avançant à trois à l’heure vers mon objectif. Tu veux m’défier mamie ? Tu veux quoi ? Tu veux perdre c’est ça ? Jamais d’la vie ! Je trottine jusqu’au banc puis je m’assois rapidement en plein milieu, les deux bras sur l’dossier en métal, les jambes tendues et l’regard en direction de la vieille. C’est qui l’boss ? La femme âgée semble s’en foutre royalement, elle change de direction tout en soupirant. Si tu veux t’asseoir, il va falloir passer par la case « money ».

    Je regarde au sol. Le temps passe, les minutes s’écoulent et les ombres se remuent. Mes yeux se ferment lentement, mon cerveau n’émet plus d’ondes, mes muscles se relâchent et j’me retrouve à roupiller. Une petite heure plus tard, l’arrêt technique est fini. Ma tête se relève et mes yeux ont le droit à un beau spectacle. Un quartier en plein effervescence, le coucher de soleil d’un rouge si rare et soudainement une lune, une grosse pleine lune. Non vous ne rêvez pas, une jeune femme se baisse juste devant moi pour ramasser quelque chose qu’elle a dû faire tomber. Admirant le spécimen, une lueur d’un teint rosée-rouge m’interpelle. Une femme aux cheveux étincelants parcourt les étals. J’observe la scène avec un œil distant, ça fait un peu beaucoup autant de bonnes choses réunies. Peut-être mon premier jour de chance qui sait ? L’éclipse est finie et j’peux à nouveau regarder tout l’beau monde. Plus moyen de mettre la mai.. l’œil sur l’autre jeune femme.

    Revenons à l’essentiel. Je me lève et j’arpente à nouveaux les stands, que tchi. Décidemment j’ai dû passer une quarantaine de minutes à faire le tour pour rien, il n’y a pas plus barbant. La nuit tombe, c’est l’signal pour aller fréquenter l’bar. J’me dirige donc là-bas, j’ouvre la porte et que vois-je ? Trois pèlerins qui avalent leurs chopes et au bar : Le barman accompagné de la femme aux cheveux luisants. J’observe la salle, pas d’armes à feu en déco’, pas de gros gueulards et surtout pas d’ambiance. Les trois zigotos doivent être dans un monde où l’esprit divague et où les tables font guise d’oreillers moelleux. Où tu flottes jusqu’à toucher les nuages, ah non ça c’est une autre substance, pardon. Le barman quant à lui est en train de nettoyer sa verrerie. Tu m’étonnes, elle a du prendre la poussière. La jeune femme semble miroiter les différentes bouteilles derrière le bar. Je jette un coup d’œil à son verre vide. Haha p’tite joueuse ! Oh mer.. Attends elle boit directement à la bouteille ? En plus c'est vert ! N'me dis pas que c'est d'la fée verte ? C’est pas une nana ça, c’est un bonhomme !

    Bon, il faut faire passer l’temps, autant s’amuser avec des gens encore vivants. Je me regarde attentivement : costard propre, pas de froissures, pas de poussières. Je rayonne à la lumière ! Un dernier regard sur les chaussures, nickel chrome ! Je desserre doucement le nœud de cravate pour pouvoir laisser agir mes cordes vocales et je m’approche du bar. Chaque pas fait vibrer le plancher en bois. Approche discrète ? C’est foutu j’crois ! Je passe ma main sur mon crâne et j’engage la conversation avec le barman.

    Vous faites du Eden Green ici ? Ou c’était la dernière ‘teille – En montrant du doigt la jeune ivrogne.

    B’soir m’sieur ! Bien sur qu’il reste une dernière bouteille, z’avez plutôt faim ?

    Il s’accoude sur le bar, attendant ma réponse. Merde pour qui tu me prends ? Moi et l’alcool ca fait moins un tellement qu’on est fusionnel ! J’arrive finalement au niveau du bar pour m’accouder à mon tour.

    Plutôt oui.

    Bien ! Dans c’cas là !

    L’barman cherche dans ses bouteilles et le bruit aigüe quand elles s’entrechoquent me donne l’eau à la bouche. Du coup j’en profite pour aborder la discussion avec l’alcoolique qui est en train de boire comme pas deux.

    Vous au..

    Soudain, le serveur me sert mon verre avec la manière la plus habile qu’il soit. J’attrape mon alcool tout en laissant entendre un rire de faux-cul puis j’m’adresse au barman.

    Et pourquoi je n’aurais pas le droit à ma bouteille moi aussi ?

    Ce dernier rigole aux éclats et me donne de bon cœur son alcool vert. Moi aussi j’peux avoir une ‘teille ! Haha ! Je regarde la jeune femme qui est de profil.

    Santé !

    J'lève mon alcool dans sa direction en attendant qu'elle se retourne pour pouvoir trinquer.
      Heureusement que le tenancier de la taverne lui avait donné une bouteille à peine entamée. Elle aurait donc le loisir de regarder le niveau baisser au fur et à mesure. Voir le liquide bouger vers le haut, vers le bas, quand elle la posait sans ménagement sur le comptoir en bois. Le mouvement de balancier du liquide avait un effet apaisant et un poil hypnotique. Elinor se laissa bercer par les remous. Elle était tellement déçue de ne pas avoir posé pied sur la bonne île. Si elle avait le marin en face, elle lui dirait ses quatre vérités. Comme changer de métier ou d'apprendre à lire. Elle s'adressa à la bouteille vidée d'un quart :

      - Toi, au moins, tu me comprends, hein ?

      Elle nota l'arrivée d'un homme derrière son dos. Vu la pesanteur de ses pas sur le parquet en bois, cela pouvait difficilement être une femme. Ou alors il fallait qu'elle soit particulièrement costaud. Si cela pouvait mettre un peu d'animation en ces lieux, elle n'était pas contre.
      L'homme était arrivé à son niveau. Elle ne se tourna pas vers lui, se contenta de l'observer en toute discrétion. Elle était toujours complètement avachie sur le comptoir, le visage entre ses bras et les yeux faussement focalisés sur la bouteille. En voila un qui avait un physique peu banal. Il passa aussi commande d'un Eden Green. Super, un autre pochtron ! Sauf qu'il allait lui faucher l'Eden restant dans ce rade, alors qu'elle avait déjà des vues dessus. Tant pis, elle jetterait son dévolu sur le "Calm Belt". Le patron en avait qui trainait en haut de ses présentoirs.

      L'homme s'installa tandis que le tenancier cherchait l'objet du désir de son client. Il amorça une phrase mais fut interrompu par la présence d'un verre se remplissant sous les cliquetis des glaçons. Elinor savait qu'il souhaitait engager la conversation mais elle ne tiqua pas. Elle reprit sa contemplation, perdant ses mirettes dans les pans de la robe de la Fée Verte.

      C'est ainsi que le dernier Eden Green de la réserve fut achetée par un second alcoolique notoire. Voila qui allait mettre de l'ambiance. LE silence était tel dans ce bar qu'on se croyait au cimetière. A moins que les autres clients ne fussent que des épouvantails. Ou bien déjà morts.
      Le voisin de chaise leva son verre et trinqua, interpellant clairement la jeune fille. Elinor sortit enfin de son immobilisme, sans pour autant se départir de son attitude nonchalante. Ce comportement n'était qu'un leurre. Elle bouillait à l'intérieur. Cependant, elle ne souhaitait pas se montrer telle qu'elle est dès le départ. Cela serait moins drôle. Alors qu'elle était presque sobre (elle avait bu déjà, mais chez les Lafayette, tant que la première bouteille n'est pas vide, on est encore sobre !), elle souhaitait paraitre déjà bien embrumée.


      - A la Votre !

      Dit-elle en levant mollement sa bouteille et de boire une bonne lampée de liquide vert. Elle posa à nouveau son litre avec la douceur d'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

      - Vous savez ce qu'on dit ? Quand on souhaite danser avec la fée verte, c'est soit qu'on est un poète, soit qu'on a passé une mauvaise journée.

      Elle se tourna pour la première fois face à son interlocuteur.

      - En Vers ou en Prose ?




      Dernière édition par Elinor Lafayette le Lun 5 Nov 2012 - 12:07, édité 3 fois
        La jeune femme lève sa bouteille comme si elle levait un tronc d’arbre d’une main. Un semblant d’effort surhumain et une lenteur à en mourir vieux. Il n’y a que son bras et son épaule qui bouge alors que le reste du corps est actuellement inerte, une posture qui m’laisse perplexe. Même pas la force de tourner la tête pour voir à qui elle s’adresse, même pas l’envie d’ouvrir la bouche et de laisser sortir quelques mots. Elle doit être en plein rêve ou tout simplement, dans une position clairement confortable. Je la fixe toujours, un regard de challenger. J’suis là pour détrôner l’alcoolo’ ayant quelques degrés d’avance. Soudain..

        A la Votre !


        Elle ne doit pas être si pompette que ça si elle arrive à aligner trois mots. Le moment de festivité arrive à son apogée, les deux bouteilles se rencontrent et s’enlacent sous la pression des deux mains avant de s’éloigner chacune de l’autre. Toujours l’œil attentif, j’entame la première gorgée et je surveille la nouvelle championne. Pas de coups bas. Elle boit sans se soucier d’un éventuel challenge, elle doit être là pour se détendre. Je place la bouteille délicatement sur le comptoir puis je pose mon regard sur le bras de ma concurrente. En reposant sa bouteille, j’ai vraiment l’impression qu’elle supporte la pression du monde sur son bras. Une sorte de repos après un effort surnaturel. Symptôme de la transition entre le monde réel et le monde parallèle. Ca n’peut pas être pire de toute façon, quelqu’un toujours debout, ça fait toujours ‘zizir. Pendant une seconde, c’est le silence complet. Personnellement, j’n’ai pas trop envie d’m’engager, j’veux pas être interrompu par la préparation d’un deuxième verre. Je détourne mes yeux de mon ex-concurrente pour regarder le barman. Maintenant, aucun défi, elle n’est pas là pour s’amuser. J’attrape mon nœud de cravate pour commencer à le resserrer ; la discussion volera bas de toute façon.

        Brusquement, elle interrompt mon action en récitant une question, enfin pas vraiment, c’est une fausse interrogation. Une énigme digne de Père Foulard : Si l’on souhaite danser avec la fée verte, c’est soit qu’on a passé une journée merdique, soit qu’on est un artiste des rimes et du rythme. Ce qui se passe dans ma tête là ? C’est « Mais qu’est-ce que tu me racontes, il faut que j’réponde ou pas ?». J’ai beau réfléchir, je n’vois pas où elle veut en venir. J’attrape l’Eden Green et j’approche le goulot près de mes lèvres : « Sauves moi de cette femme-philosophe-alcoolique-bourrée ». Selon moi, la meilleure solution c’est, ou de répondre au pif’ et de prier pour que ça soit bon, ou de ne pas parler et d'affirmer en bougeant la tête de haut en bas. J’commence à peine à exécuter le mouvement quand soudain j’me sens observé. J’tourne la tête et j’regarde son visage qui en dit long. Pas si éméchée qu’elle ne laisse paraître. Une seule chose me déstabilise à ce moment, ses yeux pétillants, deux joyaux, ça devrait être sympa en exposition chez mon futur « chez-moi ». Quelle rareté, deux bijoux comme ça devraient avoir leurs places dans mes poches.

        En Vers ou en Prose ?

        Fausse idée, elle est complètement ivre. Cette question suit la précédente. Je suis mal à l’aise, complètement bloqué. Quoi lui répondre ? J’en sais foutrement rien. J’regarde un instant les trois dormeurs. J’aurais peut-être mieux fait d’aller leur faire la discussion, là c’est s’engager dans un débat à la Jean Claude Vandale. Bon calme Justino, il faut analyser. Si j’ai passé une mauvaise journée ? Jusque là non. Si j’suis un poète ? Sans m’lancer d’fleurs, carrément. Une sorte de dieu parmi les dieux dans ce domaine. J’en fais un peu trop ? Ok j’arrête. Du coup si j’suis un poète, faut que j’réponde en rimes ; non trop banal. Faut que j’déforme les propos ? Ca c’est génial ! Place à l’action. Je me retourne vers la jeune femme et je parle lentement, histoire que ça monte au cerveau. On n’sait jamais.

        Un Verre ou une Pause ? L’âme de poète est prête à suivre, sauf si la dame est déjà ivre.

        Fier de mon raisonnement et de ma réponse, je lui lance un sourire tout en ingurgitant une p’tite quantité d’alcool couleur pelouse.
          Elinor se demandait bien s'il la croyait aussi ivre qu'elle en donnait l'impression. Malgré ses propos totalement à côté de la plaque, elle avait juste les joues rouges et savait encore ce qu'elle disait. Pour avoir connu beaucoup de soirées arrosées, elle était arrivée à analyser le comportement le plus insaisissable de l'espèce humaine. Et à l'imiter plutôt fidèlement. C'était toujours amusant de manipuler les autres et de leur faire une surprise en disant :"coucou, je ne suis pas saoule. Par contre, j'ai écouté toutes tes bêtises !"

          L'homme mystérieux qui était à ses côtés était-il tombé dans son piège ? Sa réponse, aussi trouble que l'interpellation initiale, laissait sous entendre qu'il avait pas mal carburé. Néanmoins, Elinor se montrait méfiante à son sujet. Il avait un je ne sais quoi qui laissait augurer un passé sombre, des intentions pas forcément très louables. Elle n'était pas une experte de la nature humaine, et ne s'en targuerait jamais. Elle laissait juste l'intuition féminine guider son ressenti.
          C'était étonnant, cette crainte. L'émotion était inédite. Elle n'avait jamais vécu de situation suffisamment stressante pouvant la provoquer. Étrange...Elinor se rendait peut-être compte, pour la première fois depuis qu'elle avait mis le pied sur le bateau la menant à cette île, qu'elle était belle et bien seule, sans la protection de ses parents. Loin des fictions sur la vie idyllique qu'elle s'était imaginée. A 25 ans, elle se révélait finalement bien naïve. L'instinct serait-il suffisant pour mener la barque ?

          Hého, Elinor ! L'alcool montait-il vraiment pour avoir ces pensées là, maintenant ? Avait-elle été trahie par son corps ? Commençait-elle à délirer là où d'habitude elle notait sur un carnet les répliques tordantes des "P'tits beurrés" ? Il fallait se ressaisir, et vite !
          Elle but une nouvelle lampée d'alcool. Voila qui était mieux. La chaleur qui emplissait son corps et engourdissait ses réticences fut la bienvenue.

          - Vous raisonnez fort bien. Vous êtes très galant. Mon verbe ne vaut rien, dans mon esprit trainant.


          Et zou, un alexandrin pour couronner le tout.

          - Je suis un poil pompette, mais absolument pas poète. Classez-moi dans les mauvaises journées. Je reprendrais bien un peu de fée.


          Et rimes par dessus le marché. Elle devait vite arrêter au risque de lasser.

          - Bah, c'est comme ça. La vie n'est pas faite que de réjouissance. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Et avec elle...


          Elle brandit la bouteille vidée aux trois quarts au dessus de sa tête pour souligner ses propos.

          - ...ça ira mieux quelques temps. J'espère juste que demain, je tomberais sur un bateleur plus compétent.


          Elinor eut la confirmation de la fourberie de la fée verte. L'esprit de la future pirate partait à la dérive. Outre son délire qu'elle pensait normal sur la poésie, et qui s'enfonçait au fur et à mesure dans les effluves de spiritueux, voila qu'elle se laissait aller aux confidences.
          Cette sorcière d'émeraude avait profité que la jeune fille sorte de son contexte habituel pour frapper fort; pourtant, elle la connaissait bien, la Mistinguette. Après tout, Elinor avait contribué à sa distillation, à l'âge de dix huit ans. C'est le complexe du Créateur : que sa Création échappe à son contrôle.



          Dernière édition par Elinor Lafayette le Lun 5 Nov 2012 - 12:09, édité 1 fois
            Elle se laisse emporter par l’absurdité de notre conversation et me réponds avec tact. Bienvenue dans le jeu de la fée verte, où le seul qui canalise les premiers signes d’alcoolémie, gagne la partie. Pour couronner le tout, la jeune femme fait une finition en apothéose. Elle se classe d’ailleurs parmi la catégorie des « journées de merde ». Etrange, elle prend la peine de rentrer dans le délire. Haha ! Je comprends. L’une des règles est de ne pas tourner le dos à la déesse verte, sous peine de recevoir un revers de médaille digne d’une grande gueule de bois d’après fête. Je repose la bouteille féerique sur le comptoir et remarque qu’le barman me regarde. Cet instant que tout le monde connait. Celui qui te fait comprendre que les degrés grimpent les échelons. Ce moment où tu te rassures de n’être pas encore bourré qui résulte par une méfiance vis-à-vis des autres. Une méfiance sur la sobriété de ton comportement. Oui, pour moi je suis encore de ce monde. Pour vous ? Peut-être pas.

            On ne joue pas pour perdre et encore moins pour fuir. Je reprends un p’tit coup de boisson verte. Un p’tit, histoire d’oublier l’attention qui se porte sur moi. J’suis bientôt aux « un-quart » du récipient. Il va me falloir une liqueur de substitution d’ici « un-quart » d’heure. Quelques mots sortent de la bouche de la demoiselle. Je tourne ma tête vers elle et hausse le sourcil gauche tout en fronçant le sourcil droit. Elle parle à la bouteille en s’apitoyant sur le destin qui s’abat sur elle, aujourd’hui. Elle me qualifie de bateleur et espère en trouver un meilleur après la nuit. J’ai vraiment une allure de bouffon du roi ? Artiste de rue ou acrobate de cirque ? Qui d’autre que la reine Verdâtre peut me juger lors d’un tournoi de boisson ? Erreur de discours ou l’heure du râteau ? Il faut corriger le tir.

            Je ne suis pas batelier.


            Un vrai dialogue de sourd, entre le mélange des mots ainsi que la compréhension, c’est tout bonnement chaotique. Il faudrait qu’un traducteur vienne à notre secours, je crois l’avoir trouver. C’est une traductrice, de couleur émeraude. Je lui fais signe d’entrer en moi pour une durée approximative de quelques heures. Vœu exaucé, me voilà plus apaisé. Je me reprends tout de suite pour reprendre le contrôle de la conversation.

            Vous vouliez dire batelier, n’est-ce pas ? Vous n'êtes pas à bon port c'est ça ?

            Ca passe ou ça casse mais actuellement nous sommes sur la même longueur d’onde, l’alcool se propage dans le sang à une vitesse folle. Il pousse comme du chiendent. En y réfléchissant à deux fois, j’ai plus l’impression d’être dans un salon VIP où les nuages sont des fauteuils qu’une taverne miteuse où les tabourets de bar font mal au cul.
              Oups...Voila que la langue de la jeune fille partait de travers. Elle commençait à inverser les mots, maintenant. Mauvais, mauvais, ça...Allez, une petite goutte et ça ira mieux. Ah.....Voila qui redonnait du vocabulaire !

              - Ben oui, je voulais dire batelier. Pas bateleur.

              Elle afficha une mine boudeuse qu'elle lança à la bouteille, comme si c'était elle la responsable de son état. En fait, si bien sûr, elle était responsable, la fée. Mais Elinor aussi. Comment avait-elle pu se faire avoir aussi bêtement ?

              - Et je parle pas de vous....Je pars du batelier, l'armateur qui m'a fait arriver ici alors que je voulais aller sur l'ile des pirates qui ont marqué l'histoire. Je lui ai dit que je voulais me rendre au Royaume de la Veine. Il m'a dit que c'était bon...

              Elle quitta la bouteille des yeux pour les poser sur son compagnon de boisson.

              - Je m'imaginais déjà entourée de pirates qui me parlaient de l'histoire de cette île, des pirates célèbres qui ont influencé leur époque...

              Elle poussa un soupir et mit ses coudes sur le comptoir. Elle fit glisser son index le long de la bouteille d'alcool.


              - Depuis le temps que j'attendais ça...Que je vois ça en vrai et pas comme les contes de pirates que me narrait ma mère quand j'étais petite.


              Elle hésita à se resservir et renonça. Elle décidait de cuver un peu avant de reprendre une lampée.


              - Et v'la que je débarque ici, toute contente. Et qu'on m'apprend que je ne suis pas dans le bon royaume. Que je suis à Saint Urea.

              Le barman la regarda avec circonspection. Elinor répliqua en silence en fronçant les sourcils, et en jetant un regard noir. De ceux qui signifient :"qu'est-ce que tu as ? Tu veux te battre ?" Évidemment, ce serait étonnant qu'un homme tel que lui soit effrayé par une minette de 25 ans déjà bien éméchée. Cependant il devait avoir l'habitude de ne pas se mêler des affaires des autres, puisqu'il retourna de suite à son office sans insister.

              - Bah...de quoi je me plains ? Peut-être qu'ils n'avaient rien à dire, là-bas, sur le sujet. Ici, il y a beaucoup de malfrats aussi qui seraient capables de me parler de ça. Après tout, certains qui ont commencé leur carrière sont morts dès leur premier voyage. Alors je ne peux pas me plaindre, n'est-ce pas ?

              Tant pis pour la bonne volonté de laisser le taux d'alcool dans le sang baisser. Elinor se resservit une fois de plus. La bouteille était presque vide. Elle se disait qu'elle devait avoir une conversation typique des piliers de bar. Elle ruminait sa journée et essayait de se persuader que la vie n'était pas si minable alors qu'elle se labourait l'estomac à coup d'absinthe. Comment allait-elle finir la nuit ? Noyée dans le port pour avoir couru dans les rues à moitié débraillée ? Au dessus d'une cuvette de sanitaire ? Mise dehors à coup de balai ? Superbe perspective pour une fille certes habituée aux bitures mais qui avait jusque là supporté la boisson sans tomber si bas. Elle était bien élevée, pourtant, et l'on aurait dit un comportement de catin des bas fonds.
              La Fée verte avait gagné, cette fois. Étrange, elle en avait pourtant déjà bu sans avoir de problème. Elle scruta l'étiquette et comprit qu'il s'agissait d'une vieille bouteille, parmi les premières de la famille Lafayette. Elle venait de derrière les fagots, celle-là. Comment se faisait-il que le tenancier avait conservé un si vieux produit et qu'il n'avait jamais été consommé ? Et pourquoi il avait fallu que cela tombe sur ELLE ?


              - Oui, ce n'est pas gravissime, ce qui m'arrive. Mais quand même, un pirate qui se trompe de chemin, c'est un peu la honte.


              Dernière édition par Elinor Lafayette le Lun 5 Nov 2012 - 12:13, édité 4 fois
                V’là qui est rassurant, un malentendu. On mettra ça sur le compte de l’al.. la fatigue. Soudain une vision prémonitoire me parviens, non, plutôt un souvenir flou. Une marchande d’il y a quelques heures qui me lance un sourire béat. Pourquoi j’pense à ça moi ? P’tain. J’me frotte les yeux avec l’index et le pouce histoire d’atténuer l’impact de ma pensée sur l’expression de mon visage. Avec l’aide de madame « je-bad », j’réussis à m’évader de la phase de transition entre les rêves du sommeil et ceux de la réalité. Elle me parle d’ailleurs de quelque chose de super intéressant, pas autant qu’une histoire de « deal », de trafic ou de magouilles ; mais assez pour susciter mon attention qui divaguais il y a quelques secondes de là. En trois mots : Le Royaume de la Veine. Ca fait cinq là ? Bref on s’en fout. Une femme aussi ivre que mon chien à trois yeux voulant rejoindre « cette île » ? Je contiens mon rire comme je peux. Mais il y a une limite à tout et sans perdre une miette, je ricane un instant. Sous la peur d’être surpris comme un enfant qui ne doit pas rire en pleines funérailles, je baisse la tête vers mes pieds.

                Voilà maintenant qu’elle exprime son envie d’être entourée de brutes malfamées et d’pirates assoiffés de sang. Quel intérêt à ça, jeune femme ? Une preuve de plus que les bad-boys dégagent un charme irrésistible. C’est pas blanche neige et les sept nains là-bas. Avant de finir sa phrase, je remonte la tête et vois que j’ai été pris en flagrant délit de foutage de gueule. Elle n’a pas du voir grand-chose, je suis si discret, si intelligent, si… J’pourrais faire vingt lignes avec que des « si ». Complexe de supériorité ? J’crois aussi. Bref revenons à nos moutons, elle veut de l’histoire ? ‘Faut pas se soucier de ces gens là ma p’tite dame.

                J’prends une gorgée d’alcool verdoyant tout en écoutant la mistinguette. Bon je récapitule, plus simplement, tu t’es fais avoir par ton commandant de bord. C’est bien les femmes ça, trois tonnes de discussion pour une information lambda. Qui a dit que j’suis sexiste ? J’aime bien les formes des femmes, c’est tout. Là, tout d’un coup, j’me rends compte que j’suis totalement à l’aise, j’ai passé le cap de la méfiance. D’ailleurs, j’fais un doigt discret au barman qui s’intéresse de près à la conversation tout en lui faisant un sourire niais. N’allez pas m’demander pourquoi, mon cerveau n’agît plus très bien.

                Elle continue sur sa lancée et me fait comprendre implicitement qu’c’est une pilleuse des mers. J’laisse entrevoir un sentiment de surprise. Ah ça pour être surpris ! Il faut que j’tombe sur des bandits à chaque fois ! J’peux pas échapper à mes relations, ne serait-ce qu’une fois dans ma vie ? Oh mais attends Justino ! Si elle veut savoir comment ça se passe la piraterie, c’est qu’c’est une débutante ! Rien à craindre, a l’aaaaise. J’lorgne sa fée pour évaluer son niveau, elle l’a bien descendue quand même, bientôt un cadavre c’te bouteille.

                Il y a un début à tout.


                J’rigole et je bois la dernière goutte de la ‘teille, histoire de bien faire passer ça. Qu’il n’y ait pas de quiproquo quoi.

                J’pourrais vous en parler moi si vous l’voulez, j’suis pas « officiellement » un pirate. J’me considère plus comme un trafiquant de bas fond. C’est pas l’tip top comme histoire, mais ça se rapproche. On côtoie le même style de gens. Par contre, ça n’sera pas aussi joyeux qu’les contes pour les gosses.

                Le barman semble s’intéresser lui aussi à la conversation, encore une fois. Comment j’vais pouvoir lui faire comprendre ? En l’occupant, pardi ! J’l’interpelle comme un vrai gentleman.

                Du bon vin siouplé. Un bon rouge de 1619 si c’est possible.


                Bien sûr m’sieur !


                Et v’là, c’est parti pour une quinzaine de minutes à chercher dans les tréfonds de son armoire, la bouteille miraculeuse. J’me retourne vers la pirate d’eau douce tout en souriant jusqu'aux oreilles.

                Votre nom ?
                  Alors qu'Elinor racontait ses petits problèmes, qui peuvent paraitre vains aux yeux de certains, voila qu'elle capte des signaux de son interlocuteur qui prouve certes qu'il s'intéresse à son discours vaseux. Se moquait-il ? Elle eut un petit soupçon, avant de réaliser qu'il n'avait pas vraiment cillé. Nouvel effet des vapeurs : elle voyait des choses inexistantes.
                  Pourtant, elle aurait aimé constater une réaction à sa remarque. Mis à part ses parents, personne n'avait pris sa décision au sérieux, jusqu'à son départ de l'île. Il fallait reconnaitre que le choix de carrière de la jeune fille tenait plus du roman feuilleton qu'à la réalité de la vie. Pourquoi une future cuisinière et mixologue de talent quittait une famille géniale pour rejoindre un groupe de fous assoiffés d'argent et de sang, poursuivis par la Marine et condamnés à mort ? Le tableau était peu idyllique. Pourquoi être pirate, en somme ?
                  Elinor avait une raison valable, mais dont elle ne souhaitait pas vraiment faire part à quiconque, ce malgré l'alcool.

                  Lorsqu'elle était sur ce bateau qui l'amenait dans le mauvais Royaume, les autres voyageurs lui avaient demandé la raison de son voyage. Lorsqu'elle leur livra son explication, le silence se fit à bord. Les personnes s'écartèrent un maximum d'elle, comme si elle avait annoncé qu'elle avait la lèpre.
                  Le comportement humain échappe souvent à la compréhension. Elinor avait-elle été élevée dans la grotte de Platon, et était-elle à présent en train de découvrir la réalité après avoir cru la lire dans les livres ou entendue par les récits de visiteurs ?Elle aurait pu rentrer chez elle, mais autant voir ce qui est vrai de ses propres yeux, même si cela ne devait pas plaire. Elle n'allait pas faire marche arrière maintenant : elle s'était fixée un objectif. Elle n'en dévirait pas. Même si elle devait en mourir. Enfin, bon, si elle pouvait rester en vie et éviter de souffrir, c'était valable aussi !

                  Sortons de cette longue parenthèse. La jeune fille aurait en effet aimé une réaction de son partenaire de boisson. Avoir l'avis d'une personne qui ne la connaissait pas. Puisque ses parents, ses amis, et les voyageurs du bateau savaient qui elle était. Et lui, l'autre victime de l'Eden Green, qu'en pensait-il ?
                  Enfin...si on pouvait se baser sur l'opinion d'un esprit sérieusement embrumé.
                  Finalement, après s'être éclairci la caboche grâce aux ténèbres liquides, il prit la parole.
                  Elinor hésita à prendre des notes. Quand on en arrive à ce point de l'alcoolémie, peut-on faire conscience à ses neurones, si toutes n'ont pas été fusillées sans sommation ? Elle chercha un calepin mais ne trouva rien sous la main. Ah, si, sa bouteille ! Elle termina la bouteille, prête à tout prendre en note.  

                  Elle avait affaire à un pirate pas pirate. Rien de pire qu'un pirate qui passe pour un pirate et pis rate. Bah, au niveau de la définition (trafiquant), c'était le même topo. Il n'était pas fréquentable. Donc, une personne idéale pour en savoir plus sans la déformation d'un militaire de la marine ou d'une victime de flibustier. Il serait même peut-être plus ... objectif ? En tout cas, il n'allait pas enjoliver son récit. Tant mieux, il était temps pour la petite Lafayette de sortir de la grotte.

                  Pour soutenir son discours, il fallait à ce monsieur un allié digne de ce nom. Mais étonnement, il s'orienta vers du vin. Elinor, en tant que professionnelle des métiers de bouche (alimentation et boisson), aurait évité ce mélange des genres. Bah, chacun sa liberté. S'il n'y avait plus d'Eden Green...

                  Le compagnon de beuverie demanda à ce que mademoiselle décline son identité. Elle se mit à rire et tendit une main ferme (preuve qu'elle pouvait encore supporter des degrés supplémentaires sans problème).


                  - Moi, c'est Eli.

                  Elle prit la précaution de ne pas décliner son identité entière. Le prénom d'Elinor ne figurait pas sur les bouteilles de la cave familiale. En revanche, nul ne pouvait ignorer jusqu'à la Red Line de cette partie du monde le nom des Lafayette. Sur certaines choses, il fallait savoir être discret. Et si besoin, abattre une carte au moment opportun.
                  - Puis-je connaitre votre nom ?

                  Elle montra du doigt au tenancier une bouteille contenant un liquide d'un bleu aussi beau que les fonds marins. Encore une production de l'entreprise parentale, une liqueur à base d'orange.


                  - Et une Calm Belt pour la demoiselle !

                  C'était Milo, un charmant cousin d'Elinor, qui avait trouvé le nom pour ce curaçao bleu d'exception. Il avait les yeux de la même couleur que la boisson. Alors qu'il était aux cuisines avec elle, il but une goutte et sentit une vague de chaleur arriver sans prévenir, le faisant chavirer. Il déclara que cette boisson, c'était comme la calm Belt. A première vue, cette mer  était calme, magnifique et d'un bleu pur. Mais dès qu'on s'y aventurait un peu plus, elle se dévoilait plus animée !


                  Dernière édition par Elinor Lafayette le Mer 17 Juil 2013 - 20:14, édité 2 fois
                    Un, deux, trois, quatre … Vingt secondes de réflexion ; j’crois bien l’avoir perdu pour de bon. And the winner is… Eli. Non ! J’me suis trompé dans ma narration. C’est pas « Eli » la gagnante, c’est juste qu’à ce moment là, elle me donne son prénom. Attends, ça arrive des erreurs d’inattention. Bon bref, le prénom m’évoque quelque chose, ça me fait penser à un comique très connu. Enfin, juste dans son île natale grosso modo. Eli Sa… Eli Se… Eli Semoule ! Voilà. Hey Justino ? Tu pars où là ? Oh ! Reprends toi merde ! Dans un élan de bonté, je tourne l’œil vers la poitrine de la jeune demoiselle et aperçois sa main bien tendue. Dans les manières de se comporter, quand tu serres la main après avoir donner ton identité, c’est que tu es enchanté. Perspicace n’est-ce pas ? Tu m’en diras tant.

                    J’ai vraiment l’impression qu’le barman est parti chercher mon vin au fin fond du monde. Il doit faire exprès de n’pas l’trouver l’enfoiré. Agacé par l’attente, j’me dis que c’est peut-être le moment de faire passer ce lapsus de temps en serrant la main de la jeune femme, qui est raide comme la justice. Pas de chance, elle me devance en me demandant mon nom. Quel nom d’emprunt j’vais bien pouvoir prendre ? François Delauneaux ? Non trop noble, surtout avec l’accent. Un truc un peu sympa, un truc passe-partout. Hotoyo ? Trop louche ce nom. Tiens un truc mafieux, ça devrait bien l’faire. Silvio ? Trop gangster. Bon au final, un nom que tout l’monde possède en lui. Alexandre ? Ca sonne plutôt bien. On va l’ « mafieux-isé » maintenant, un p’tit « -o » à la fin pour que ça soit cool. Alexandro ? Le « -x » me pose problème, j’devrais peut-être le changer en une autre lettre. Alerandro ? Quelle phonétique ! Mais le « -r » fait vraiment tâche. Bon aller j’pioche au pif dans l’alphabet et ça me donnera mon nom.

                    Alejandro, enchanté. Il faut rouler le « -j ».


                    Je rigole un peu à mon nouveau prénom. C’est vrai, en tant que professionnel, quand on dévoile sa fausse identité ; il faut bien la donner avec le mode d’emploi. Du coup, il serait peut-être temps de lui serrer la main non ? Restons gentleman et comportons nous tel quel. Au moment de lui attraper la main, cette dernière dévie vers l’attirail de bouteilles. Cette sensation que tu as quand tu t’es pris un vent, c’est assez énorme. En général t’essaies de te rattraper, donc tu cherches où caler ta main qui est seule dans le vide, au regard de tous. Bref, vu qu’la jeune ivrogne est occupée à choisir une nouvelle victime pour son foie ; j’ordonne à ma pauvre main de retourner à la maison et de faire un salut comme lorsqu’on ôte un chapeau invisible. Vu ou pas vu, rien à battre.

                    Voilà qu’le tavernier apporte D’ABORD à ma camarade de beuverie son alcool qui reflète la galaxie étoilée. Un bleu si profond qu’on arrive à s’y perdre. Voilà l’topo. Le topo ? C’est que je n’suis pas l’premier servi alors que pourtant… Bref, ça m’énerve. Et après on dit que j’suis sexiste ? Même ma grand-mère elle ne l’est pas. Silence absolu, pas de réponse pendant quelques secondes. Ah c’est vrai, j’dois raconter mes péripéties ou en inventer, au choix. L’débouchage brutal d’une bouteille met mes sens en éveil.

                    Et l’vin pour m’sieur ! J’n’ai qu’du 1620.


                    J’attrape le pinard avant qu’il ne touche le comptoir. Parfait pour raconter ses récits, une nuit pleine d’aventures imaginaires. J’attrape la bouteille tout en posant mes lèvres contre le goulot. Libre à… Attends, j’vois une lueur verte derrière les bouteilles. Une petite fille aux ailes de papillon, elle à l’air d’agiter son bras. Je laisse en pause la beuverie puis je cligne des yeux pour mieux apercevoir la gamine d’émeraude. Elle me fait signe d’arrêter de boire. Qu’est-ce que… ? J’suis concentré sur ce phénomène étrange et j’vois qu’elle se rapproche de plus en plus de moi. Elle est maintenant assise sur le bar.

                    Z’avez d’la chance, il m’reste de l’Eden Green les d’jeuns.

                    Woah c’est quoi ce délire, j’ai des hallucinations. Je repose ma bonne vinasse sur l’bar pour regarder à tour de tour, Eli et la fée verte. J’suis dans un rêve ? J’suis en train de dormir là ? Oh putain, ça se trouve c’est le résumé de ma journée qui se mélange dans mon cerveau. C’est quoi ce… ? Putain de bordel de merde. Restons calme, si c’est un rêve, alors j’peux faire ce que j’veux. Si c’n’est pas joli –joli ça. J’ai juste à me bourrer la gueule, m’amuser comme je peux et j’me réveillerais sur l’banc de la place marchande. Restons dans le thème du rêve et surtout, allons dans son sens.


                    Si vous voulez partager la liqueur, ça n’me dérange pas. Vous voulez que j’vous raconte quoi ? Parce que les pirates c’est vaste, hein.



                    Voilà deux p’tites phrases qui passent crème. J’pourrais lui parler des corsaires, des fruits spéciaux, de leurs pouvoirs, de leur style de vie et… de mon envie de prendre la mer.
                      Alejandro. Sympa, le nom. Elinor trouvait que ça faisait classe. Et que cela collait bien au personnage. Un peu trop bien peut-être. elle doutait de la véracité de ce nom. Après tout, le dit "Alejandro" ne s'était-il pas désigné comme étant un trafiquant des bas fonds ? Il n'allait sûrement pas se désigner sous une véritable identité. Même sous l'effet de l'ivresse, il savait sûrement ne pas tomber dans un piège aussi grossier. Donc il ne s'appelait sûrement pas Alejandro. Bah, de toute façon, quelle importance, me direz-vous ? Elle s'en fichait totalement. Ce qui était important....c'était quoi, déjà ?

                      Elinor constata, malgré son taux d'alcoolémie, que le tenancier avait pris soin de servir d'abord la jeune fille avant son compagnon de beuverie. Or, il avait bien commandé avant elle. Elle fronça les sourcils. Il était évident que le propriétaire de ce tripot n'avait pas eu la même éducation qu'elle. Dans le restaurant de sa mère, cela ne se serait pas passé ainsi. Elle allait présenter ses excuses quand elle comprit qu'elle était aussi un peu responsable de cet état de fait. Après tout, elle avait la main tendue vers la bouteille comme une assoiffée. Alors que ...peut-être que "Alejandro" qui roule son "J"
                      voulait lui serrer la main, tout à l'heure. Ah ben flute, cette politesse élémentaire avait fait défaut à la jeune fille. Sa mère ne serait pas très fière d'elle.

                      Le mastroquet avait retrouvé une Eden Green dans sa réserve. Il en proposait pour continuer la soirée en beauté. Alejandro abandonna son vin pour s'alanguir dans les bras de la Fée verte. Il invita la jeune fille de partager sa prise. Elinor secoua la tête.


                      - Non, merci. Si vous voulez continuer votre valse en compagnie de cette vilaine enchanteresse. grand bien vous fasse. Elle m'a un peu tourné la tête. Je vais rester sur la Calm Belt. Pardonnez-moi ma traitrise.

                      Elle lui accorda un petit sourire en coin et fit pour la première fois entièrement face à Alejandro.

                      - Je sens que je vais peu à peu retrouver mes moyens si je m'éloigne d'elle. Et laissez-moi faire les présentations mieux que ce j'ai fait. Elinor. C'est mon vrai nom.

                      Elle lui tendit une main très franchement, en espérant qu'il ne se venge pas du coup précédent. Tout en conservant la main tendue, elle entreprit de parler.

                      - Et si vous voulez bien me parler des pirates, je paierais toutes vos consommations. Je vous en donne ma parole.

                      Elle fit une pause, gardant la main toujours en l'air, dans l'attente.

                      - Parlez-moi des pirates. Qu'est-ce qu'un pirate ? Sont-ils des gens mauvais ? des idéalistes ? Pourquoi tout le monde me regarde d'un sale œil quand je dis que je veux être pirate ? Je ne sais rien d'eux que des histoires lues dans les livres, les récits d'ivrognes et les contes de ma mère. C'est pour ça que je voulais aller sur l'autre île. Je voulais savoir qui était Barbe-Blanche...Ou Portgas D. Ace. Deux grands pirates d'après l'Histoire.
                        J’suis vraiment trop stocky ! Plus résistant à l’alcool que moi tu crèves. J’ai gagné ! Yes j’ai gagnééé ! Mais pour combien de temps Justino ? Une soudaine nausée m’envahit le corps. J’ai peut-être parlé trop vite. La chaleur, la sueur, la sensation de mal-être parcourt tout mon organisme. J’vais gerber ! Calme, respires. La pression descend doucement, je m’aperçois qu’Eli l’écumeuse des mers est complètement face à moi. Encore sous la peur de relâcher la fée verte qui est sous mon joug, j’essaie désespérément de me concentrer sur… sur les yeux de ma partenaire. Une demi-seconde après, la jeune femme reprend la discussion et me donne sa véritable nature, sa véritable identité. Je lève un sourcil, c’est la minute réflexion. Eli…nor… Elinor, Nor…eli, N’aurélie, aurélie ? Oh putain j’suis à l’ouest là. J’préfère Eli, c’est plus court et plus facile à prononcer.


                        .. .. …. …… …. .. …… … ……. , .. paierais toutes … consommations. .. …. .. ….. ma parole.


                        L’affaire en or ! Il y a le COD, le verbe et le nom. La phrase parfaite, la phrase qui montre à quel point… je passe pour un vieil ivrogne sans travail.

                        Je remarque qu’elle me tend la main. Sur ce coup-là, je n’réfléchis pas et je laisse l’alcool agir sur mes capacités de raisonnement. Je fais l’mouvement pour lui serrer la main puis au moment de l’effleurer je passe ma main sur mon crâne tel un vrai… tel un gros beauf ! Merde la déesse d’émeraude s’approprie mon âme. Il est temps de se rattraper comme un gentleman. J’ricane tout doucement histoire de ne pas réveiller les habitués de la taverne, mais surtout pour éviter que la jeune femme me tourne le dos. Je lui attrape la main avec une assurance à toute épreuve ; histoire de lui faire ressentir le peu de « charisme » que je possède en ce moment. Mais entre toi et moi, c’est plus pour lui faire comprendre que le deal est accepté.

                        Eli enchaîne tout de suite, elle sait ce qu’elle veut, comme toutes les femmes au final. Quoique, il y a les éternelles insatisfaites mais la jeune alcoolique se contentera de mes dire. Il est temps de laisser passer une petite quinte de toux « volontaire ». Maintenant, place à l’histoire, prends note car ma philosophie pourrait devenir célèbre et ramener beaucoup de berrys.

                        Qu’est-ce qu’un pirate ? C’est très vaste, chacun a sa vision des choses, chacun a son vécu. Pour moi, être un pirate c’est vivre libre, c’est ne pas être soumis à des règles. Certains sont des brutes, d’autres des pacifistes. Il ne faut pas mettre tout les pirates dans le même sac, comme je l’ai dit, chacun à sa propre opinion de qu’est-ce qu’un pirate. Il faut le vivre pour se forger un avis, c’est comme ça que ça marche. J’en ai connu, certains luttant pour leurs libertés, d’autres pour imposer la leur. Certains voulant une fortune qui permettrait de dominer le monde, d’autres voulant juste connaître l’adrénaline des combats, l’adrénaline d’être un hors-la-loi. Certains pirates sont des rêveurs et d’autres ont les pieds sur terre.

                        J’pourrais me qualifier de rêveur ? Prendre la mer et piller toute les fortunes du monde ? J’crois bien, continuons.

                        En général, les rêveurs ne connaissent pas leurs limites et les autres connaissent les leurs. Pourquoi on vous évite comme si vous aviez la peste quand vous dites que vous voulez devenir pirate ? C’est comme si un homme lambda crie dans un repaire de gangster, qu’il souhaite appartenir à la marine. Les pirates ont mauvaise réputation car les plus sanguinaires pillent des villes, rasent des villes, tuent des innocents, violent femmes et enfants. Ce n’est pas joli-joli « être un pirate ». Il n’y a qu’a prendre comme exemple Baterilla, enfin l’île s’appelle maintenant Le royaume de la Veine. Elle a été réduite à néant par un seul homme, un pirate. Alucard. Il a anéanti toute existence humaine de ce petit îlot. Comme quoi, c’n’est pas fait pour les chochottes cette voie là.

                        J’attrape l’Eden Green et j’en bois une gorgée pour que le taux de salive revienne à la normale.

                        Barbe Blanche, Portgas D. Ace ? Je connais pas mal de choses là-dessus. Mais la question est : Vous, qu’est-ce que vous connaissez d’eux ? Comment connaissez-vous ces noms là ?
                          Vu la tête de Monsieur "Alejandro-ça se prononce RRRRRandro", ce dernier avait de plus en plus de mal à supporter l'effet centrifugeuse de la Farandole de Miss Absinthe. Étrangement, depuis qu'Elinor était passée à la Calm Belt, elle se portait mieux. A vrai dire, elle n'avait pas touché à la liqueur d'orange. Elle faisait semblant. Elle avait juste trempé les lèvres. L'absinthe l'avait trop dominée, il était temps qu'elle absorbe et qu'elle reprenne ses esprits. Vu qu'elle avait payé la bouteille bleue, elle se l'emporterait sous le coude pour la cuisiner. Pas pour boire. Il n'y avait qu'à voir l'état de son interlocuteur pour redescendre sur terre et freiner la bibine.

                          Elle ne s'offusqua même pas du coup foireux qu'il venait de lui faire. Peu importait qu'il lui serre la main ou fasse le clown, c'était le cadet de ses soucis. Elle voulait recevoir le plus sainement possible les informations sur les Bandits des mers. Et puis c'était mérité, elle l'avait laissé tout à l'heure avec la main tendue pour rien - sauf qu'elle n'avait pas fait exprès. Au moins justice était rendue.
                          Malgré l'influence éthylique, il parvint à rattraper son coup. Quel réflexe inattendu ! Il s'empara de ses mains. Elinor ne s'attendait pas à ce type de toucher. Ma foi, cet homme avait de la ressource : il n'avait pas les mains moites, sa poignée était ferme, suffisante pour prouver sa présence, mais ne cherchait pas à écraser ou se défiler.
                          Alors qu'elle établissait ses constatations, Elinor remarqua avec plaisir qu'elle digérait enfin le sortilège de la Fée. L'assimilation n'était pas totale, mais au moins, elle resterait raisonnable pour pouvoir avoir toute sa tête et écouter les propos de l'homme dégarni qui l'accompagnait à petites gorgées.

                          Elle but littéralement - quoique finalement, cela restait métaphorique - les paroles d'Alejandro. Le début de la définition correspondait à l'idée que la jeune femme se faisait sur le sujet. Vivre libre, pas de règles, sous les pavés la plage....
                          Les mots du pilier de bar alimentaient l'imagination d'Elinor. Enfin elle allait dans son sens. Si l'on avait voulu la décourager, l'objectif aurait échoué. Alejandro continuait à faire vivre le mythe. Embarquée par la voix du conteur, elle se laissait mener en bateau avec plaisir. Où étaient les discours alarmistes de son cousin ou des voyageurs sur le bateau, qui décrivaient les pirates comme des fous et des assassins ? Des batailles sanglantes contre la Marine ?
                          Stop là, la miss, et écoute la suite. La mauvaise réputation des pirates n'est pourtant pas usurpée. On attribuait aux pirates une étiquette faussée à cause d'une minorité de brutes. Minoritaires, certes, mais ce sont ceux qui marquent les esprits dans le sang qu'on retient. Injuste...
                          Minute...minute...minute...Quoi ? Qu'entendait-elle ? Le pirate Alucard, qui a détruit le Royaume de la Veine ? Elle n'avait en mémoire de cette île que les noms de deux autres pirates, mais non celui-là. Trop ancrée dans la belle histoire pour enfants, elle avait la mémoire sélective. Elle ne voyait les pirates que comme de braves rêveurs ?


                          - Je ne connaissais pas l'histoire d'Alucard, mais celles de Barbe Blanche, Portgas D. Ace, Gol D. Roger...Ils n'étaient pas comme ce Alucard....N'est-ce pas ?Ils étaient de courageux pirates, à la recherche d'aventure et de gloire ?

                          Elinor sentit un nœud dans son estomac. Et si les héros de sa jeunesse n'étaient pas conformes à ce qu'elle connaissaient d'eux ? avait-elle été trahie par des contes de bonne femme ?
                            Après avoir fait un bref résumé de ma belle vision des choses, Eli à l’air de vouloir se rassurer. Elle donne toute sa hargne dans la formulation de sa dernière question. Comme d’habitude, avec les femmes, c’est une question -hélas- rhétorique. Un petit rire forcé avant de reprendre la conversation.

                            Quel pirate n’est pas à la recherche d’aventure et de gloire ? Tous le sont. C’est juste que chacun d’entre eux utilisent leurs propre chemin : Violence, sagesse, fourberie et j’en passe…


                            J’ai l’impression d’être sur scène, de me donner en One Man Show. Ma camarade aux cheveux étincelants qui acquiesce de la tête à chacune de mes paroles ; système ingénieux pour ne pas s’endormir. Quant à la fée verte, elle retient sa tête avec ses avant-bras, les coudes posés sur le comptoir et les ailes qui battent à la vitesse de mes mots. Le tavernier juste à sa droite, se tient pareillement. Enfin, il n’a pas le corps en apesanteur. Quoique, j’en ai vachement l’impression.

                            Barbe blanche, Portgas D. Ace et Gol D. Roger… Des légendes, rien de plus que des pirates qui ont fait leurs temps. Je n’suis pas un adepte des anciennes histoires. Ce qui appartient au passé, appartient au passé. Je connais autant de choses que vous, sur ces grands pirates. Tous les récits et les rumeurs qui alimentent leurs mythes, je les connais.


                            J’imagine qu’Eli n’a pas encore pris conscience de la chose, les histoires peuvent être fausses, vraies ou déformées. Les trois noms qu’elle m’a cité, c’est les trois noms des pirates « les-moins-pire ». Il faut redescendre de sa planète, il y a de tout dans ce monde. Je lui touche deux mots, enfin, un petit peu plus quand même.

                            Il faooot sii avantuuuré… *hic*

                            Ma bouche subit actuellement une anesthésie locale, merci de patienter.

                            Pardon, il faut s’y aventurer pour se faire une idée mais, oubliez les rêves de pacifisme, d’un voyage tout beau, tout joli. Vous souhaitez vraiment prendre la mer ? Sans connaître, ne serait-ce qu’un bout de « comment se déroule une vie d’hors la loi ?». Je respecte votre choix, moi-même, je compte m’aventurer dans cette vie hostile.


                            Je jette mon regard sur la déesse d’émeraude. Je renonce, ce sera la limite d'alcool à ne pas dépasser pour cette partie du rêve.
                              S'accrocher à des illusions, telle est l'un des défauts des êtres vivants capables de penser. Se dire que les choses sont comme ça et qu'il peut en être autrement. Cela peut se transformer en qualité, c'est en effet concevable. Mais entre temps, il faut savoir transformer l'illusion en rêve. Et selon l'ampleur de la déconvenue, il est difficile parfois de repartir.
                              Elinor avait réussi à se maintenir à l'idée de l'aventure et de liberté que sous-entendait la vie de pirate. Quoique dise Alejandro sur les héros de son enfance ne la ferait pas revenir en arrière. Néanmoins, elle sortirait de ce bouge avec un goût amer dans la bouche. Et pour une fois, l'alcool n'y serait pour rien.
                              Elle était suspendue aux lèvres et aux mots de son interlocuteur. Il fallait lui reconnaitre qu'il avait le sens du spectacle. Il prenait son temps, ménageait le suspense, allait nettement plus loin dans l'élocution que n'importe quelle outre à bibine qui tentait d'aligner deux syllabes. A croire que la fée lui donnait des ailes et qu'ils partaient dans les cieux ensemble. Les veinards...

                              Elle s'attendait à des portraits déprimants des grands pirates du siècle passé. Elle s'imaginait Portgas D. Ace boire le sang des enfants dans une coupelle en or, Gol. D. Roger qui faisait fondre de l'or et obligeait ses victimes à l'ingurgiter. Des trucs du genre. Comme ça, elle serait prête au pire.
                              Il n'en fut rien, et même fut surprise au point presque de tomber de son tabouret. Hein ? Quoi ? Il refusait d'en dire plus ? Il ne lui apprenait rien, là ! N'avait-il pas dit quelques minutes plus tôt qu'il en connaissait un rayon sur ces pirates ? Non, il avait opté pour une remarque moralisatrice sur le passé et les légendes. Rien qui ne puisse casser trois pattes à un canard. Elle afficha une petite moue réprobatrice, sans cacher sa déception, avant de réfléchir un peu et de changer d'attitude. Elle se mit à sourire, puis à rire discrètement...

                              ...elle écouta les dernières paroles du pilier de bar avec un silencieux religieux...

                              ... avant de partir d'un fou rire joyeux digne des géants d'Erbaf. Bon, d'accord, ce n'est pas très raffiné pour une belle jeune fille comme elle, mais cela a le mérite d'être sincère. N'oublions pas qu'elle était encore sous influence spiritueuse... Ce n'était pas tant l'attitude engourdie du dégarni qui avait provoqué cet état euphorique qui déchaine les zygomatiques, mais plus le contenu de ses paroles...

                              - D'accord, j'ai bien compris le message, Alejandro.


                              Elle repoussa la bouteille afin d'envoyer un message clair :"ce que je vais dire signifie que je ne suis (presque) pas sous une influence quelconque".

                              - Il n'y a que moi et moi seule qui peux décider de ce dont sera fait ma vie de pirate...Je verrais bien de quoi demain sera fait...Vous avez beau être complètement imbibé, vos paroles sont les plus sages que j'ai entendu depuis des années. Je vais pouvoir prendre la mer l'esprit tranquille. Merci à vous. Et bon courage à vous si vous partez dans cette voie.

                              Elle nota qu'Alejandro avait décidé de mettre un terme à sa séance de boisson. Avait-il compris que la fée Clochette allait bientôt le sonner ? Afin d'abréger ses souffrances, la jeune femme paya, comme elle l'avait promis. C'était la moindre des choses, après ce qu'il venait de dire. Elle aurait aimé faire un geste plus fort, mais après tout, Alejandro était un inconnu, elle ne pouvait pas tomber dans l'excès. L'alcool n'excuse pas tout. Le remerciant encore, elle quitta les lieux avec un nouvel entrain.

                              La nuit était fort avancée tandis qu'elle prenait la direction du port. Elle n'aurait pas de bateau avant le matin. Cela lui laisserait le temps de cuver tranquillement. Et pas question de se rendre à sa destination d'origine. Elle n'avait plus besoin de se rendre au Royaume de la Veine.
                              L'esprit embrumé, elle chercha de quoi se reposer dans un coin douillé. Allant d'une rue à l'autre, elle arriva au port et à la plage. Elle s'allongea sur le sable, et s'apprêtait à savourer le silence nocturne et la douce berceuse du reflux de la mer.

                              Des pêcheurs commençaient leur journée de travail et saluèrent leur départ en déclenchant le klaxon de leur bateau.