22h50...
- Raaaah mais pousse pas derrière !
- T'es marrant, c'est pas toi qui doit t'trimballer ces foutues grenades.
- C'est pas une raison pour me piquer les fesses avec ton sabre.
- C'est toi qu'y a commencé en m'foutant tes gros pieds dans la figures !
- Tu sais c'qu'ils te disent mes gros pieds ?
- Chuuuuut... On est bientôt juste au d'ssus.
- ...
- ...
Aussitôt, la dispute presque ritualisé qui résonne dans les conduits d'aérations se stoppe net, tandis que les deux Sea Wolves reprennent l'air concentré et déterminé que nécessite leur entreprise périlleuse. Car après d'innombrables minutes à se faufiler dans les défenses révolutionnaires et les innombrables pièges et fausses trappes dressée par les ingénieurs, les voilà sur le point de remplir leur objectif principal : prendre le contrôle de la salle d'opération C-27. Le sergent d'élite Gustav et les deux marines d'élite qui l'accompagnent se concentrent donc pour faire les derniers mètres les séparant de la bouche d'aération convoitée. Ramper dans ce conduit, bloquer les pales des ventilateurs et éviter les innombrables pièges qui y été posé n'avait pas été une mince affaire, mais le jeu allait en valoir la chandelle.
Mais remontons un peu dans le temps... Car pour parvenir là, le trio de Sea Wolves avait dû traverser bien d'autres épreuves mortelles. La Gueule de Requin ne manquait pas d'occasion de trépasser, ni de défis à relever.
21h35...
Une vingtaine de têtes émergèrent lentement de l'eau sombre, perçant la fine pellicule d'écume en silence. Sans un son, camouflé par le ressac des vagues et de la pluie, la troupe de commando se rapprocha lentement des pontons de débarquement les plus éloignés du port de Novgorod... Quelques signes furtifs et autant de coups d’œil alertes suffirent alors à organiser le déploiement des différentes escouades dans les ombres des poutres et entreponts... Le plan avait été parfaitement mémorisé par le petit groupe de vétérans, notamment grâce aux renseignements cruciaux offerts par l'agent du CP déjà sur place. Ça leur avait au moins permis d'établir un plan grossier des lieux afin de se repérer facilement dans la pénombre de la tempête. Vitesse et furtivité devaient être les maitres mots de l'opération "J'ramène des copains à la maison", du moins tant que les officiers infiltrés n'en décidaient pas autrement.
Mais pour le moment, ce qui importait surtout aux yeux du sergent Gustav, c'était la sentinelle révolutionnaire qui guettait avec un zèle étonnant la zone où lui et ses hommes devaient s'engouffrer. Décidément, les révo présents n'avaient pas grand chose à voir avec les utopistes mal entrainés affrontés jusqu'ici. Celui-là était prudent, aux aguets... Inutile d'espérer qu'il s'assoupisse ou aille se réchauffer avec ses copains. Une seule solution donc... Le couteau de lancer jaillit ainsi des ténèbres, avant de se planter dans la gorge du pauvre homme, qui n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait avant d'mourir. Alors de crier je n'vous en parle même pas. Son corps chuta alors à la renverse... directement dans les mains tendues des deux autres marines qui amortirent alors son impact dans l'eau du port, afin d'éviter que le bruit des éclaboussures n'alerte les autres gardes. Le corps coula ainsi sans un bruit à l’abri des regards, tandis que les trois marines sortaient de l'eau à tapinois, avant de se fondre dans les ombres du port. Leurs dix-sept collègues en faisaient de même, s'infiltrant par petits groupes de trois à cinq hommes pour remplir leur cahier des charges : s'infiltrer au cœur du complexe en attendant les troupes régulières, et préparer le sabotage des postes de défense et des sas de sécurité.
22h03...
Séparés depuis près d'une demi-heure du reste de l'équipage, le sergent Gustav et les deux hommes qui l'accompagnaient se frayaient lentement un chemin dans les méandres de la base révolutionnaire. Le trajet jusqu'à leur premier objectif était long, difficile, mais surtout périlleux. Pour parvenir jusque là, il leur avait fallu esquiver pas moins d'une demi douzaine de patrouilles, et en éliminer deux autres. Un pauvre cuistot révo venait donc de compléter son propre garde manger dans un grand congélateur, tandis que deux sentinelles tenaient maintenant compagnie à leur copains manches à balais et serpillères. Mais toujours est-il qu'ils étaient enfin parvenu à la cafétéria principale de la base, heureusement presque vide à cette heure tardive. De toutes façons, en état d'alerte les cuisines ne représentaient qu'une zone secondaire à défendre. Et puis le "presque vide" était maintenant pendu à un croc à boucher entre deux carcasses de porc, à l'abri des coups d’œil rapides.
-On l'a bien r'froidit c'uis là hein ?
-Ouais.
-Héhéhé.
-Huhu.
-Hoho.
22h20...
Se hisser dans les conduits d'aération des hottes de la cuisine n'avait pas été une mince affaire, mais cela représentait hélas le trajet le plus sûr et le moins exposé pour rejoindre le secteur C-27, leur objectif du jours. Car bien que les plans anciens de la base, données par les services de renseignement de la marine devaient être crédibles il y a un moment ; ça ne faisait aucun doute que les révolutionnaires y avaient apporter leur lot de changements. Restaient donc les bases inaltérables des fondations comme repères sûrs ; et encore. Par deux fois déjà la petite troupe avait dû improviser une dérivation pour palier à un obstacle imprévu. Le troisième était d'ailleurs face à eux : ces damnés révo ayant cloisonné la vieille conduite bétonnée avec une grille aux barreaux aussi gros que des bras d'bébés. Impossible à contourner ou à scier, il allait falloir traverser ça. Et en toute discrétion évidemment.
- Heinz, fais moi passer les explosifs. Les charges légères "Raznik".
- Ok serg', les voilà. Fais passer Klauss.
- Aïe ! Fais gaffe où tu m'les donne merde... Voilà, tenez sergent.
- Commencez à reculer pendant que j'installe le tout, et prenez contact avec l'adjudant chef Xan.
A grands renforts de gestes mesurés, les deux Sea Wolves en file indienne rampent alors à reculons, afin de se mettre à l'abri dans un angle de la conduite. Et tandis que le sergent Gustav bidouille sa mèche, les deux hommes allument leur escargo-phone portatif avant de tapoter en code sur le combiné. Quand on fait péter des explosifs dans un conduit d'aération, mieux vaut gérer son timing niveau boucan. Quelques minutes après, Gustav arrive à son tour à reculons, déroulant une mèche sur son trajet. Signes de tête, quelques mots échangés... le trio s'immobilise et attend.
22h26...
BOOM !
Première déflagration qui ébranle toute la structure de la Gueule.
BOOM !
Mandrake riposte, et une nouvelle fois c'est l'île toute entière qui tremble sur ses fondations. Le métal mal riveté vibre en symphonie, la pierre du plafond laisse tomber son lot de poussière, et Gustav décide d'allumer sa mèche. Perdues dans le chaos du choc de titan qui vient de commencer entre leur capitaine et et le célèbre Mandrake, quelques déflagrations minimes de plus auront toutes leurs chances de passer inaperçues.
Voilà donc le trio qui se bouche les oreilles du mieux qu'il peut, tout en se recroquevillant comme des moules au soleil. Y en aura même un qui -plus prudent que les autres- se cramponnera fermement à son entre jambe.
SBOOOOOOM !
L'onde de choc mariée au mur de poussière et de débris déboule en trompe le long du conduit, traversant les marines qui encaissent tant bien que mal le choc. Les oreilles sifflent, on tousse dur, mais on est en vie. Momentanément sourd mais en vie. Bordel, heureusement que Gustav a été doux sur la quantité de matos... pour un peu leurs dents se déchaussaient d'elles-même. Keuf keuf... Mais bon, l’essentiel était que la voie soit libre, et qu'ils puissent arriver à temps sur la zone d'action qu'il leur avait été octroyée. Les voilà donc qui repartent en rampant au travers de la grille éventrée, se dépêchant de quitter la zone au cas où les révo proches n'aient pas été dupes.22h53...
Nouveaux tapotement discret en code sur le combiné de l'escargo-phone, et Gustav tend l'oreille en attendant la réponse de l'adjudant chef Xan. Hors de question de parler directement dans le combiné, on risquerait de l'entendre. En tous cas, confirmation de dernière minutes, les voilà informés de l'étendue de la situation actuelles avec tout ces rebondissements. Mandrake en fuite, Chuck maitrisé, la moitié des Sea Wolves infiltrés près du cocon ont pu s'y rendre directement sans soucis pour contrôler la zone, tandis que le reste des équipes dispersées sont sur le point de passer à l'action. Seule la troupe du sergent Kampars semble avoir eu des difficulté et a dû se séparer. Tsss... au fond de lui Gustav espère alors que son camarade Kampars va bien... il lui doit encore 100 000 berrys de leur dernière perm'.
Le petit groupe continue ensuite sa manœuvre furtive... se rapprochant du point d'accès qui leur permettra d'arriver directement au cœur de la salle C-27. Un dernier ultime piège repéré et désamorcé en silence plus tard, Gustav est sur la zone. Vraiment sur. A quelques mètres au dessus d'une joyeuse bande de révo en panique qui tente tant bien que mal d'endiguer la marée blanche en verrouillant les divers sas qui cloisonnent le secteur. Depuis les fentes de la grille d'aération, les Sea Wolves peuvent aisément entendre les rebelles s'activer dans tous les sens, tandis que leur bastion est pris d'assaut par les troupes de la mouette. Étrangement, les coups de buttoir semblent avoir soudainement cessé... Une trêve de la marine régulière ? Non, la désinformation qui fonctionne et donne le temps au petit groupe d'accomplir leur objectif en premier.
22h55...
Les trois Sea Wolves ont fini calmement leurs préparatifs, dévissant sans un bruit les attaches de la grilles qu'il ont alors mis de côté. Dernier coup d’œil pour voir s'ils sont tous près, et trois grands sourires carnassiers qui se dessinent. Les loups passent à l'attaque ! Un chapelets de grenades fumigène se laissent ainsi tomber sur le sol depuis la conduite d'aération, explosant à l'unisson tandis que les révolutionnaires présents posent à peine les yeux sur elles. Aussitôt la pièce exigüe est saturée d'une fumée opaque qui n'a de cesse de bruler les yeux des pauvres soldats sans défenses et pris par surprise. L'instant d'après, trois masses sombres se laissent tomber coups sur coups dans la pièce, avant de tailler dans le tas à grands coups de poignards, de hachettes et de coups de poings américain. Les trois loups se divisent comme convenu dans autant de directions différentes afin d'être sûr de ne pas se taper dessus dans la fumée, et s'attaquent alors avec une sauvagerie extrême à tout ce qui bouge, et aussi à ce qui ne bouge pas parfois. Eux-même protégés par leurs masques, le trio de vétérans à vite fait de massacrer les défenseurs paniqués et aveugles. Rapides, implacables, sauvages... les loups ont laissé parler leurs crocs.
Quelques tâtonnements plus tard, un des marines parvient enfin à actionner la poignée d'urgence en cas d'incendie, mettant en marche instantanément la soufflerie qui a tôt fait d'aspirer tout le gaz présent. Les trois hommes en sueurs ôtent alors leurs masques avec soulagement, avant de se regarder, les visages éclatant d'un sourire heureux. Il y a que dans ce genre de moment qu'ils se sentent pleinement en vie. Ils ricanent, fiers du travail accompli et d'être encore en un seul morceau... Puis se remettent aussi-sec au boulot !
Gustav et un des deux autres marines se ruent donc sur les commandes, afin de prendre le contrôle des allées et venues du secteurs. Quelques pianotages adroits plus tard, plusieurs troupes de rebelles seront condamnés dans des impasses soudainement apparues, tandis que l'accès de la marine sera facilitée par endroit, ou au contraire freinée pour donner du temps à d'autres équipes de Sea Wolves de remplir leurs objectifs avant les troupes régulières.
- Mushi mush... Ici L'sergent Gustav. Bloc C-27 sous contrôle.
De son côté, le troisième Sea Wolf s'en ira tranquillemment vers la porte d'entrée de la salle, avant de l'ouvrir d'une traction sur la poignée de la porte blindée.
Clic.Clic.Clic.Clic.Clic.Clic.Clic.Clic !!!
Un concert d'arme qu'on épaule lui fait alors face, ainsi que les bouches de tout autant de fusil qu'on lui braque juste sous le pif. Il sourit, fait un petit salue de la main, avant de lancer en direction de l'assistance :- Salut les collègues. Juste pour vous dire que la salle est sous notre contrôle.
Le vieux marine sourit alors de ses vingt dents en or aux autres marines ébahis... avant de leur lancer d'un ton goguenard :
-Par contre, si vous pouviez nous apporter trois cafés ça s'rait sympa. Merci les filles.
Et avant que le lieutenant présent n'ai fini d'avoir le rouge qui lui monte au visage et ne commence à lui hurler dessus, l'homme réactive la porte blindé qui se referme d'un bloc devant la bande de marines toujours figés. Ils pourront cependant toujours entendre les rires gras et sincères des trois Sea wolves qui se marrent comme des Hommes-poissons-baleines derrière.
22h56...
- Mission accomplie patron, on attend les ordres.
Et dire que la soirée n'est pas encore finie.