Le premier jour fut le plus difficile.
Non pas tant à cause de la barque qui avait chaviré que la peur de l'inconnu qui se profilait à l'horizon. Un horizon aussi vide que ce que le futur promettait à la jeune Louve. Un horizon effrayant qu'elle chercha par tous les moyens à fuir la première journée, et ce malgré le blessure qui lui zébrait la cuisse. Pas grand chose. Dans deux jours, elle n'aurait plus mal. La barque, elle, devait plus se plaindre car le trou que les récifs et rochers lui avaient infligé était bien plus inquiétant pour eux-deux que la simple entaille de la jeune Louve. Une feuille de palmier et de quoi la fixer avec un bout de vêtement, des bouts de bois ou tout ce qui lui tombait sous la main et déjà elle n'y pensait plus. Or pour la barque, s'en était fini d'elle.
Fuyant donc l'horizon et cette mer qui dorénavant, pensait-elle, ne lui voulait que du mal, elle s'enfonça dans une végétation assez sauvage et habitée uniquement d'insectes pullulants, des petits rongeurs et de singes bruyants, dans l'espoir de trouver une autre échappatoire, une issue plus resplendissante que de rester croupir là pour le restant de ses jours. Et puis en pleine forêt, elle sut observer, apprendre et s'imprégner d'une nature d'ordinaire hostile. Faisant fuir les mammifères inoffensifs pour s'approprier leurs rations de groseilles et mures, imitant les singes, tant bien que mal, pour se nourrir comme elle le pouvait de quelques bananes, pommes et autres grappes de fruits aux allures étranges et au goût fade quoique extra-ordinairement nourrissants.
Malgré tout, elle tomba sur un singe un peu plus protecteur et agressif que les autres qui lui fit faire une chute d'au moins trois mètres dans un buisson plein d'épines ; elle rencontra un lapin qui en cachait onze autres et qui démontrèrent à la jeune pirate, qu'en effet, l'union fait la force ; ainsi qu'un mignon petit tamanoir duquel elle s'éprit, du moins jusqu'à ce que sa mère prenne Louve pour un repas plutôt coriace.
A ce rythme, il lui fallut deux jours pour s'y habituer, mangeant peu, dormant moins encore, constamment sur le qui-vive. Et puis ses rêves étaient depuis peu devenus cauchemars...
Elle découvrit ainsi le lait de coco, la sève d'un arbre au goût de miel et même une fougère géante qui se refermait la nuit et dans laquelle Louve put passer une nuit tranquillement.
Puis vint la pluie. Les pluies tropicales.
Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle s'était échouée, n'avait aucunes connaissances climatiques, aucun savoir sur les mers, mais elle apprit à ses dépens que la fougère géante ne s'ouvrait pas du tout par temps de pluie. Et que les feuilles de palmier, dans le coin, se rétractaient lorsqu'on les touchait et que s'en faire un abri relevait de l'exploit. Heureusement pour notre petite poupée de porcelaine, il ne faisait pas bien froid et elle finit par trouver une cavité à peine assez large pour elle dans une roche calcaire non loin du rivage.
C'est là qu'elle comprit le concept de territoire dans un lieu inhospitalier.
Et c'est également là que Maman Ours qui n'avait rien demandé à personne autre qu'un endroit pour sécher le poil de son fils, apprit que la jeune Louve qui occupait la cavité n'était pas partageuse et qu'elle constituait un adversaire de taille. Fière de son exploit, la jeune ex-pirate s'endormit d'une nuit complète et uniquement brouillée par la marée en furie contre les falaises un peu plus loin.
Dans ce contexte, elle arrivait à faire abstraction de tout ce qu'elle venait de vivre. La perte de son équipage, la mort de son père, son naufrage et ses trois jours d'errance sur une mer désespérément vide pour finalement arriver jusqu'ici. Elle ne savait plus comment elle était passée de l'état prostrée et morte de peur contre le bastingage de son navire à celui d'unique rescapée, mais son esprit, la nuit, faisait le lien, tissant des souvenirs de ce qu'il lui manquait pour garder un semblant de stabilité -mentale. Échec diraient certains. Mais plus elle se passait et repassait sa propre version en tête, seule dans sa cavité, transie de froid, les yeux dans le(s) vague(s), plus elle lui paraissait logique et immuable. De toute façon, à part elle, qui aurait pu tuer cette monstruosité qui se disait être son père ?
Après une semaine, la survie lui semblait moins difficile.
Elle avait retrouvé la barque, maintenant éventrée, et l'avait utilisée pour se faire un feu, comme elle le pouvait et après une trentaine d'essais et une douzaine de crise de nerfs infructueux. D'une branche particulièrement solide, elle s'était faite une lance pour la douzaine de lapins. Elle ne reçut qu'une bonne dizaine de blessures supplémentaires, et décida qu'un harpon serait plus évident. Et moins dangereux. Et pour la première fois depuis une bonne semaine, elle mangea de la chair cuite et si c'était le pire des repas qu'elle ait pu mangé dans toute sa vie, elle en pleura de soulagement et de plaisir.
Le feu, elle l'entretint sans cesse, l'empêchant de mourir, le ravivant toutes les heures s'il le fallait et ce comme si ce modeste brasier représentait la propre flamme de sa volonté. Après tout, elle était en vie et s'en tirait pas trop mal. Même seule. Même terriblement seule. Et effrayée par ce qui l'attendait.
-C'est l'histoire d'un gentil garçon et d'une prison toute blanche... se répétait-elle le soir pour se rassurer.
Ce qui ne manquait pas d'échouer.
La deuxième semaine passa trop vite et trop bien.
Louve prit enfin sa revanche sur le singe trop protecteur en le passant à tabac à coup de bois mort. Et de coups de pieds.
Les Lapins, elle finit par avoir les douze à la broche en trois repas. Accompagnés de quelques fruits, ils constituaient sa victoire la plus glorifiante à ses yeux émeraude, plus encore du haut de ses douze ans. Ainsi que le repas le plus calorifique qu'elle ait eue depuis déjà trop longtemps à ses yeux.
Bref, cette vie lui aurait convenue jusqu'à ce qu'un navire passe non loin des côtes qu'elle ne quittait plus du regard. Jusqu'à ce qu'enfin une voile blanche lui apporte un salut demandé, chéri et souhaité.
Comme par exemple ces trois mâts à l'horizon.
Non pas tant à cause de la barque qui avait chaviré que la peur de l'inconnu qui se profilait à l'horizon. Un horizon aussi vide que ce que le futur promettait à la jeune Louve. Un horizon effrayant qu'elle chercha par tous les moyens à fuir la première journée, et ce malgré le blessure qui lui zébrait la cuisse. Pas grand chose. Dans deux jours, elle n'aurait plus mal. La barque, elle, devait plus se plaindre car le trou que les récifs et rochers lui avaient infligé était bien plus inquiétant pour eux-deux que la simple entaille de la jeune Louve. Une feuille de palmier et de quoi la fixer avec un bout de vêtement, des bouts de bois ou tout ce qui lui tombait sous la main et déjà elle n'y pensait plus. Or pour la barque, s'en était fini d'elle.
Fuyant donc l'horizon et cette mer qui dorénavant, pensait-elle, ne lui voulait que du mal, elle s'enfonça dans une végétation assez sauvage et habitée uniquement d'insectes pullulants, des petits rongeurs et de singes bruyants, dans l'espoir de trouver une autre échappatoire, une issue plus resplendissante que de rester croupir là pour le restant de ses jours. Et puis en pleine forêt, elle sut observer, apprendre et s'imprégner d'une nature d'ordinaire hostile. Faisant fuir les mammifères inoffensifs pour s'approprier leurs rations de groseilles et mures, imitant les singes, tant bien que mal, pour se nourrir comme elle le pouvait de quelques bananes, pommes et autres grappes de fruits aux allures étranges et au goût fade quoique extra-ordinairement nourrissants.
Malgré tout, elle tomba sur un singe un peu plus protecteur et agressif que les autres qui lui fit faire une chute d'au moins trois mètres dans un buisson plein d'épines ; elle rencontra un lapin qui en cachait onze autres et qui démontrèrent à la jeune pirate, qu'en effet, l'union fait la force ; ainsi qu'un mignon petit tamanoir duquel elle s'éprit, du moins jusqu'à ce que sa mère prenne Louve pour un repas plutôt coriace.
A ce rythme, il lui fallut deux jours pour s'y habituer, mangeant peu, dormant moins encore, constamment sur le qui-vive. Et puis ses rêves étaient depuis peu devenus cauchemars...
Elle découvrit ainsi le lait de coco, la sève d'un arbre au goût de miel et même une fougère géante qui se refermait la nuit et dans laquelle Louve put passer une nuit tranquillement.
Puis vint la pluie. Les pluies tropicales.
Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle s'était échouée, n'avait aucunes connaissances climatiques, aucun savoir sur les mers, mais elle apprit à ses dépens que la fougère géante ne s'ouvrait pas du tout par temps de pluie. Et que les feuilles de palmier, dans le coin, se rétractaient lorsqu'on les touchait et que s'en faire un abri relevait de l'exploit. Heureusement pour notre petite poupée de porcelaine, il ne faisait pas bien froid et elle finit par trouver une cavité à peine assez large pour elle dans une roche calcaire non loin du rivage.
C'est là qu'elle comprit le concept de territoire dans un lieu inhospitalier.
Et c'est également là que Maman Ours qui n'avait rien demandé à personne autre qu'un endroit pour sécher le poil de son fils, apprit que la jeune Louve qui occupait la cavité n'était pas partageuse et qu'elle constituait un adversaire de taille. Fière de son exploit, la jeune ex-pirate s'endormit d'une nuit complète et uniquement brouillée par la marée en furie contre les falaises un peu plus loin.
Dans ce contexte, elle arrivait à faire abstraction de tout ce qu'elle venait de vivre. La perte de son équipage, la mort de son père, son naufrage et ses trois jours d'errance sur une mer désespérément vide pour finalement arriver jusqu'ici. Elle ne savait plus comment elle était passée de l'état prostrée et morte de peur contre le bastingage de son navire à celui d'unique rescapée, mais son esprit, la nuit, faisait le lien, tissant des souvenirs de ce qu'il lui manquait pour garder un semblant de stabilité -mentale. Échec diraient certains. Mais plus elle se passait et repassait sa propre version en tête, seule dans sa cavité, transie de froid, les yeux dans le(s) vague(s), plus elle lui paraissait logique et immuable. De toute façon, à part elle, qui aurait pu tuer cette monstruosité qui se disait être son père ?
Après une semaine, la survie lui semblait moins difficile.
Elle avait retrouvé la barque, maintenant éventrée, et l'avait utilisée pour se faire un feu, comme elle le pouvait et après une trentaine d'essais et une douzaine de crise de nerfs infructueux. D'une branche particulièrement solide, elle s'était faite une lance pour la douzaine de lapins. Elle ne reçut qu'une bonne dizaine de blessures supplémentaires, et décida qu'un harpon serait plus évident. Et moins dangereux. Et pour la première fois depuis une bonne semaine, elle mangea de la chair cuite et si c'était le pire des repas qu'elle ait pu mangé dans toute sa vie, elle en pleura de soulagement et de plaisir.
Le feu, elle l'entretint sans cesse, l'empêchant de mourir, le ravivant toutes les heures s'il le fallait et ce comme si ce modeste brasier représentait la propre flamme de sa volonté. Après tout, elle était en vie et s'en tirait pas trop mal. Même seule. Même terriblement seule. Et effrayée par ce qui l'attendait.
-C'est l'histoire d'un gentil garçon et d'une prison toute blanche... se répétait-elle le soir pour se rassurer.
Ce qui ne manquait pas d'échouer.
La deuxième semaine passa trop vite et trop bien.
Louve prit enfin sa revanche sur le singe trop protecteur en le passant à tabac à coup de bois mort. Et de coups de pieds.
Les Lapins, elle finit par avoir les douze à la broche en trois repas. Accompagnés de quelques fruits, ils constituaient sa victoire la plus glorifiante à ses yeux émeraude, plus encore du haut de ses douze ans. Ainsi que le repas le plus calorifique qu'elle ait eue depuis déjà trop longtemps à ses yeux.
Bref, cette vie lui aurait convenue jusqu'à ce qu'un navire passe non loin des côtes qu'elle ne quittait plus du regard. Jusqu'à ce qu'enfin une voile blanche lui apporte un salut demandé, chéri et souhaité.
Comme par exemple ces trois mâts à l'horizon.
Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Ven 12 Avr 2013 - 17:37, édité 1 fois