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[Port d'Esperanza, pas loin du QG] Bad Company [FB 1603]

Fin 1603, quelque part, un lit que deux corps réchauffent.

Ah !
Hm !
C’est pas bientôt fini, oui ?!

J’me sors, de partout. M’essuie la sueur d’une manche absente, avec les poils de bras. Ouvre la porte à la volée parce que je sais que ça mettra dans l’embarras le patron de l’auberge qu’est derrière. Ca loupe pas, il se force à me regarder dans les yeux mais fatalement a les iris qui lorgnent. Sa peau devient livide, sa moustache frétille, alors il use de la technique du faible : mater un point dans le vague derrière moi. Sauf que derrière moi y a la madame en fleur. De blanc, il devient transparent. Marmonne les deux-trois excuses sous lesquelles la prudence lui conseille de camoufler son "putain d’impudiques, pourraient pas faire moins de barouf ?", me tire la sonnette d’alarme un peu façon de pouvoir regarder sa bourgeoise en face quand il lui dira qu’il m’a dit que j’étais qu’un sale petit con imbu de lui-même. Puis se taille direction le rez-de-chaussée après deux ou trois phrases balancées aux colocataires que j’entends se plaindre dans le couloir. Même et surtout dans un petit pâtelin comme ici, on emmerde pas un caporal qui vient trombiner les rouquines qui lui paient la chambre.

Deux pas de gardien de vaches et un regard complice avec la satisfaite sous la couverture plus tard, je saute dans le baquet d’eau chaude de la salle d’eau. Pas qu’y caille dehors, mais j’me sens pas encore l’envie d’adopter une pneumo et j’ai pas encore la place pour un nénuphar dans mes poumons. En barbotant, j’repense à la journée si bien commencée. Ca doit être la première que j’ai pas ferrée moi-même, si je me plante pas. Ca me change, me faire mener comme ça. Bah. J’ai pas d’illusion et ça m’arrange, je la reverrai pas. Et ça m’arrange. Mais bon, mignonne quand même. Triste, mais jolie. Timide aussi, sinon pourquoi elle aurait voulu rester cachée comme ça ? J’ai bien senti ces trucs dans son dos mais ça peut pas être si moche que ça… Enfin bon. Profitons, la vie est belle jusqu’à demain où je rentre de perm. Le soleil du début d’hiver et cette partie fine, que demander de plus pour être comblé ? Un bon bain bien chaud ? J’ai ça aussi, ouais, trouve autre chose.

Allez, j’me pique un somme tellement j’suis bien. On f’ra revenir les pierres pour lui réchauffer ça quand j’aurai fini. Songes, songes glorieux venez à moi, venez à Bibi…

Ca me vient. Je vois des trucs qu’existent et des trucs qu’existent pas. Je vois des bateaux noirs et des gens rouges, du sang qui pique et des croupes qu’on pique. Des rousses, pas mal de rousses aux visages indistincts. Je vois même un gnome qui s’appelle Concepción. Le rapport est évident, je me dis que hinhin, ça va bien avec le nom du bled. Esperanza. Et puis après je nettoie ma mémoire vive en ouvrant les paupières, je me souviens de rien mais ce que je sais c’est que là j’ai les miches et les bouts de doigts fripés. Une serviette plus tard en mode beau gosse qui sort de son hammam, j’avise que la blondinette foncée s’est barrée en me laissant rien d’autre que son reflet dans la glace. Un battement de cils et même lui s’est cassé. Ha. Je le sentais bien. J’essaie de me souvenir de son nom pour l’ajouter sur le carnet noir de mes relations extraconjugales mais même pas je peux noter ça. Tant pis, ce sera la rouquine de fin 1603 à l’air triste et aux roucoulements amers.

Spoiler:

Fini de jouer, vu la gueule du soleil qui commence à trembler dehors il va commencer à se faire tard, je devrais me mettre en route pour choper une bonne table au spectacle dansant de ce soir au Bonnap O’litain. Non, c’est pas avec les deux cents plaques de ma solde mensuelle que je peux me permettre ce genre de folies, mais faire le gigolo ça a pas que ses inconvénients. Si je la revois pas elle, l’anonyme, peut-être que je reverrai celle qui m’a filé les entrées. Moins tendre, mais rien de si horrible que ça en vaille pas la peine. Bref. Fringues, bottes, veste pour le froid, et hop, jsuis dehors.

Pas la peine d’admirer le centre-ville quand j’y pénètre, je sais déjà que y a rien de transcendant dans le coin à part du calme et la vieille salle des fêtes construite y a bien deux siècles dans laquelle je me rends. Peux pas m’empêcher tout de même de baver sur ce petit costume en velours noir que mes yeux captent contre mon gré dans une vitrine pour riches endimanchés. Un jour peut-être… Le videur me fait les gros yeux sous prétexte que j’ai pas de cravate, je lui dit que la madame dont le nom est sur l’invit’ me la filera à l’intérieur, il voudrait pas que je la fasse attendre. Il déglutit, me dit que non bien sûr pendant que je note ça sur la liste de mes achats futurs, puis je rentre sous son regard jaloux. Encore un jeune qui donne son corps avant son nom, qu’il doit se dire. Pas grave, mec. Je le vis bien.


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Fin 1603, quelque part, un lit que deux corps réchauffent aussi.

Ah !
Hm !
Dis moi t’as bientôt fini, oui ?!



Je termine ce que j’ai commencé et j’me sors, de partout. J’ai pas encore l’expérience, elle a pas encore la patience. Après tant d’efforts, on a bien besoin d’un peu de repos et d’un bon bain.

Deux bons mois qu’on s’est posé dans ce p’tit bled accueillant. Enfin accueillant, dur dur de paraître normal quand on décide d’emménager alors que j’ai pas encore seize balais et que ma dulcinée vient juste de leur dire bonjour. Mais on s’est même fait aider par des voisins, on a réquisitionné une ruine qu’on retape petit à petit. Un cocon tranquillisant où pas grand monde aurait l’idée de venir nous chercher.
Le « on », c’est Marisa et moi. Marisa c’est un mètre soixante-deux de pures courbes, cinquante kilos de violence et d’envie. La seule chose qui me donne une raison de pas foutre un terme à mon existence de merde, à basculer dans une folie qui m’conduirait à la potence.
Son grand atout, c’est qu’elle cultive la haine et la vengeance, mais de manière maîtrisée. Elle casse la gueule des grandes gueules quand elle sait que personne viendra nous faire chier derrière. Une belle traîtresse qui possède un seul présent qu’elle chérit, moi. Est-ce qu’elle pourrait se lasser d’moi ? L’idée devrait être ancrée dans ma tête, mais m’effleure pourtant même pas. Non, y’a un truc que j’explique pas mais qui me pousse à penser que ça arrivera jamais.

Nous voilà donc dans notre chez nous, un trou juste colmaté dans la toiture, un autre bien épanché sous la couverture.
L’hiver arrive à grands pas. En ce moment le grand défi c’est la récolte d’bois. Pour l’instant on en a pas assez, mais on travaille dur. Surtout moi. Elle a voulu échanger quelques tronçons avec le voisin, mais c’qu’elle pouvait lui offrir me plaisait pas trop, ni à moi, ni à la gonzesse de l’intéressé. Donc on trouve d’autres manières, et on fait tout à la main. Enfin à la hache. J’ai pas de don particulier pour la bûcheronnerie alors mon dos m’supplie bien souvent de lui offrir des vacances méritées. Mais j’ai pas à réfléchir, j’ai pas envie d’avoir mon mot à dire, j’veux juste m’endormir une fois de plus au chaud, et pas seul.

Lorsque le vent souffle assez fort pour couvrir les sons, on migre vers la jetée, dans un coin où personne ne nous voit pour nous adonner à nos petites joutes explosives. On teste, on reste, on peste. Les grenades sont pas encore au point, va falloir que je surveille la préparation.
Je m’entraîne aussi avec Simon. Non seulement parce que je suis l’meilleur au tir, mais surtout parce que ma brune, même si elle aimait bien notre ancien pote, veut plus le toucher depuis un p’tit moment. Doit symboliser la lâcheté à ses yeux, ou la ramener à un temps qu’elle préfère oublier. Grâce à lui j’ai quand même réussi à plomber un capitaine pirate sur East Blue. Et on nous a vu, je connais pas les termes exacts pour le coup mais apparemment nos deux noms sentent pas la rose aux narines des fédéraux. Bah c’est bon, ici on fait de mal à presque personne, on a le temps de grandir, on nous oubliera, c’est sûr.


« Chéri, ce soir y’a un spectacle musical à la salle Borsalino. Ça peut être sympa, ça te dit ? »


Ça c’est un des problèmes des gonzesses. Elles aiment c’qui est doré, c’qui fait penser à la haute classe de ce monde. De toute façon elle me l’a déjà dit, d’ici quelques temps, quand on aura grandi et qu’on sera plus fort, on fera en sorte d’être connu sur toutes les mers. M’enchante pas tellement cette idée mais soyons fous, faisons lui plaisir.
En parlant de plaisir, y’en a un qui en prend sacrément trop en reluquant ma donzelle, c’est un espèce de mariachi qui sous prétexte qu’il a été pirate il a la classe. Et que je t’aime les mineures, et qu’en plus la loi sur le principe est sacrément coulante à notre époque. Y l’est devenu un type notable de la ville, arnaques, magouilles et Bad Company. Bref il lui a offert deux places. Sauf que la deuxième elle est pour lui. Moi ça m’fout les boules, mais bien sûr, comme tout fugitif qui s’respecte pas j’dois fermer ma gueule de pré pubère pour pas qu’on s’penche trop sur mon casier.

Le soir arrive donc, avec son lot de vent frais et de lumières blafardes. Tandis que la demoiselle retrouve son salopard d’Roméo, j’me cale derrière pour avoir un petit angle de vue. J’sais bien qu’elle fera rien, ou alors ce sera par pur intérêt, mais j’ai toujours ce p’tit pincement d’orgueil qui me titille la bouche chaque fois qu’elle s’approche d’un peu trop près d’un enfoiré. On appelle ça la jalousie ? Moi j’appelle ça la ferme.
Ce connard en manque pas une. À peine assise que déjà y lui tripote les épaules. Faut qu’je fasse quelque chose.
J’arrive devant le videur qui vient d’faire passer un jeune pseudo beau gosse, de ceux qu’en général y finissent avec un plomb dans la tête made in Layr. Et alors qu’on m’arrête virilement et qu’le même pseudo beau gosse s’retourne, j’plonge mes yeux grisâtres de sale gosse dans les siens en espérant qu’il soit un tant soi peu compatissant. Et j’sors comme un coup d’poker, en esquissant un mouvement de tête:


« J’suis avec lui. »


N’est-ce pas ?


Dernière édition par Rimbau D. Layr le Ven 23 Nov 2012, 11:26, édité 1 fois
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Connais pas.

Con, j’ai tellement les accents de la sincérité par rapport à tout à l’heure et cette histoire de cravate que la panthère qui m’attend censément doit me refiler à l’intérieur que cette fois le gorille pense que je déconne et rigole en laissant passer le gamin. Genre, tu crois que c’est mon frère ? Où t’as vu qu’un frère était prévu sur l’invitation ? Tu sais pas lire, c’est ça ? Elle est belle la sécurité, tiens. Heureusement que c’est moi le militaire dans le coin, ouais… Yeux gris, cheveux en bataille, le jeunot est un traîne-savates comme je l’ai été avant d’enrôler, avec le même genre de taille de sous-vêts pour l’avoir joué tapis devant monsieur gros bras. Mais bon, moi la vie m’a rendu dur et j’me sens pas compatissant pour deux ronds alors, après deux remerciements d’homme à homme, je le laisse se démerder dans le grand hall en pierre de la salle qu’elle est jolie.

Qu’il aille tirer à bouffer plus une ou deux bourses garnies s’il y arrive sans se faire choper, et qu’il se taille, il est pas chez lui. Moi non plus tu me diras. Un regard alentour suffit à me faire prendre conscience de ma médiocrité. Pas que je veuille plus, ça fait bientôt vingt piges que je fais sans rien et j’ai besoin que de mes pattes pour tracer mon chemin, mais eux sont largement au-dessus en termes de flagorneries autant que de budget fringues. Une autre classe. Pas la mienne. La sienne.

La sienne à elle, la féline. Comme prévu, pas de mignonne avec les cheveux roux et l’air mignon des femmes tristes. Mais au moins la régulière est là, me fait de la compagnie et vas-y que je te présente au notaire machin et au maire truc et à la fille du noble machin en visite sur l’île et vas-y que je te mets du Colonel Tahgel. Colonel ? Tu trouves que j’ai une tête de colonel ? Voyons ma mie, tu vas nous foutre la honte, là, je sais bien que caporal c’est pas top mais j’ai encore des boutons sous ma barbe, tu sais. Pas la classe pour le sommet du monde marin du coin, pas la classe…

Heureusement un mec en queue-de-pie interrompt tout ce beau sirupeux pour nous annoncer que mesdames mesdemoiselles messieurs le spectacle va bientôt commencer, si vous voulez bien rejoindre vos places merci et bonne soirée. Brave type, usé à quarante balais à force de faire la courbette aux talons hauts. Jpense à mon avenir en le voyant, je me dis que je finirai pas comme ça. Je sais pas que j’ai tort et je le vis bien, ça me fait sourire et je déleste sans qu’elle s’en aperçoive ma bonne amie d’un de ses colliers de perles, pour le lui mettre dans sa poche à lui, pauvre intermittent du spectacle sans le sou. Lui non plus s’en rendra pas compte avant de tirer le mouchoir de sa honte cette nuit, à la fin de la représentation pour s’en éponger le front, mais qu’il ne sache pas m’arrange.

J’ai le triomphe modeste.

Et à propos de modeste, je revois passer sous mes yeux étincelants d’homme de grand bien l’autre rigolo qui détone dans la faune locale avec son absence de chromes et d’invit’. Il jongle entre les arrière-trains bien charnus des notabilités locales en quête de… en quête de quoi, d’ailleurs ? Ca semble pas être le pain qui l’intéresse même s’il a pas l’air de cracher sur la becquetance, et les gars des buffets pourraient lui servir une cuisse de chien qu’il la boufferait vu ce qu’il regarde ce qu’on lui tend. Ca semble pas être le beurre non plus parce qu’à sa place j’aurais déjà mis la main sur un ou deux bibelots un peu trop bling bling pour qu’on les laisse filer. Alors ? Je cherche et je trouve, en la personne, charmante personne, de la crémière au joli c.minois, qu’il fixe depuis quinze ans et je crois pas si bien dire, ça m’étonnerait à leurs gueules et à leurs airs qu’ils se connaissent depuis moins.

Oui, j’ai un esprit déductif et je le vis bien aussi. Dans la cohue civilisée jusqu’aux places et loges de chacun, j’arrive bon dernier pour cause que j’aime encore bien taper dans les restes des gueuletons mondains. Un reste de mes années à daller comme… comme lui, là. J’ai perdu le bras un peu gras de ma rombière en chef, et lui reste tout seul dans son coin sans entrer dans la salle alors que sa mijaurée fait la belle aux doigts bagués du truand qui lui sert de cavalier. Seule différence entre nous : moi j’ai une place assise et lui non. Je sais pas ce qui me prend ce soir, j’ai la tête en folie et l’envie de jouer au con. Sûrement tout ce clinquant qui me monte au bulbe. Trop tard. Je lui dis en passant de garder ma cravate (elle m’en a vraiment filé une, tu le crois ?), bouge pas je reviens.

Et deux minutes après, nous voilà assistés par la duchesse pour trouver un siège au frère du colonel, invité sur le tard. Dans la bien-penserie il fait pas bon poser des questions, alors ils en posent pas. On trouve un siège, et le crasseux en cravate s’installe à ma droite, tandis qu’à ma gauche je trifouille les jupons de ma receleuse. Dans le noir qui se fait tandis que les trois coups du sort retentissent, j’y chuchote alors qu’il regarde plus vers sa tendre que vers la scène.

Tiens-toi tranquille, Ferm, t’auras pas meilleure vue qu’ici.

Ferm, c’est le nom le plus sympa auquel j’ai pensé en l’incrustant dans les conversations. Ferm Tahgel, oui oui madame la marquise. Et en même temps, avec sa gueule des temps de disette, j’allais pas lui donner du Ferdinand. Oui, ça fait un truc rigolo aussi, mais plus upper-classe déjà, tu vois.


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Je comprends plus rien. Moi qui voulais tenter le tout pour le tout juste pour aller foutre un pétard dans l’cul du salaud qui s’fout de mon intégrité, j’me retrouve au milieu des pontes de ce taudis à m’apprêter à regarder des homosexuels se dandiner au rythme d’un gros piano.
Le mec qui apparemment m’a fait entrer me présente comme un frangin, alors qu’on a décemment pas la même dégaine, et franchement pas la même gueule.

J’détonne au milieu de ces pseudos aristos et je vois bien dans leurs regards qu’y doivent penser qu’je suis...différent dans ma tête. Y z’ont pas forcément tort. Mais les cocos, j’vous le dirai pas mais moi ma famille elle rachète quand elle veut l’intégralité de votre bourgade de pouilleux. Alors les remarques hein, elles m’passent au dessus du chibre.
Le prétendu Tahar à côté de moi m’inspire étrangement une certaine forme de sympathie. À sa manière de faire, j’reconnais mes propres mouvements, à sa manière de parler, j’reconnais ce que j’aimerais bien balancer parfois sans avoir la rhétorique suffisante. Mais y’a un truc que j’comprends pas, ce type est un militaire ? La bonne blague.

Alors que l’spectacle va commencer, je jette des coups d’œil incessants vers Marisa, trop occupée à tenter de relâcher l’attention du gus vers sa paire de loches. Héhé, y’a que moi qu’y ait droit. La lumière s’éteint, le bal des horreurs commence. J’suis un poète moi, j’aime l’art, enfin, ça m’emmerde pas. Mais là, ce qui se passe, c’est un simulacre de torture visuelle. Une troupe médiocre qu’a à tous les coups eu la possibilité de se représenter par pur piston. Ça c’est le genre de truc qui m’brise ma bonté. Au moins je vais pouvoir faire un p’tit test sympa, ça égaiera la séance.
Mon voisin me voit m’agiter, non non j’suis pas l’autiste qui veut aller jouer aux cubes, mais celui qui va faire péter les succubes. J’sors trois grenades fumigènes que j’ai mis au point récemment. Avec ces joujoux, la salle va vite ressembler au laboratoire du grand schtroumpf après une expérience ratée. T’as vu je l’ai bien écrit, j’peux recommencer si tu veux : Apprenti schtroumpf, soupe au schtroumpf, schtroumpf à lunettes, schtroumpf à quéqu... Bref.

Et voilà que je susurre une prévention inutile à mon frérot.


« Tu m’diras merci plus tard, j’vais tous nous libérer. La murette en face de la place voisine, d’ici cinq minutes si ça te branche. »


Sur ce, aussi discrètement qu’un mec d’ma trempe peut l’être, j’fais rouler mes grenades dégoupillées aux trois coins d’la salle. D’abord, rien de bien méchant, juste un son de roulement couvert par une musique atroce. Puis d’un coup d’un seul un grand pschitttt qui résonne avant qu’une fumée compacte envahisse la salle. Haha, et c’est pas fini.
Alors qu’un semblant d’indignation monte dans les rangs j’suis déjà à hauteur du loustic qui voit plus assez ma belle pour tenter ses approches supersoniques. Chose promise chose due, un joli pétard sous le siège, son cul va bientôt pouvoir décoller pour aller rejoindre les étoiles.


« Désolé. »


Que je murmure à ma muse. Elle va pas être contente ça c’est sûr. Lui voudra se venger sans doute. Bah, ça vaut le coup.
Alors qu’tout le monde est en panique, j’suis déjà loin. Sorti par une fenêtre que j’ai pris le soin de refermer, ni vu ni revu.


Quelques centaines de secondes plus tard, une bière au gosier et l’autre posée à côté d’mes belles gambettes, j’avise au loin le précédent possesseur de ma nouvelle cravate au milieu de la mêlée formée devant la salle. Débrouille toi monsieur, mais dans ton regard j’ai vu quelque chose qui m’a interloqué, t’as réveillé mon inspiration portée disparue. Je viens de faire un truc juste pour moi, ça me change vraiment tu sais.

Douce soirée qui commence.
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Mon frérot débarqué Ferm se tient pas tranquille, j’aurais dû m’en douter. Je sais pas trop pourquoi je l’ai incité à jouer les quatre cents coups en l’installant au premier rang. Il a pas trop la gueule de l’emploi, normal qu’il ait pas la patience pour apprécier l’Art. Majuscule, carrément. Peut-être que je voulais voir ce qu’il avait dans le bide, peut-être que je voulais qu’il me pourrisse la soirée, peut-être que je voulais qu’il pourrisse celle de mes bons samaritains de compagnons et que moi ça me fait la mienne de les voir en panique. Peut-être, sûrement, un peu de tout et un peu de rien.

Les grenades, je dois dire, je m’y attendais pas. L’avait l’air un peu trop sur la paille pour savoir et avoir de quoi en construire. Pour dire, même moi je saurais pas. Trop impersonnel comme machin, un peu comme les flingues. Ca fait un beau ramassis de fumée à la sortie en tout cas, un beau parterre de pintades et poules et faisans et paons transformés en vulgaires piafs de bas étage qui se volent les uns dans les autres comme pour mieux éviter la serpe du fermier qui vient en buter un au hasard pour le repas de la fête du remerciement pour avoir donné (Thanksgiving si t’as pas suivi). Et que ça crie et que ça pleure et que ça se lamente. Ceux qui se lamentent c’est surtout les artistes ou pseudos tels qui craignent que ça ne ruine à jamais leurs réputations. Mais quelle réputation, gars ?

Moi je monte sur la scène et je fais un meilleur jeu que toi. Bof, ces mecs sont bizarres. Mecs et girls, hein, mais surtout les mecs. Aimer se farder la gueule pour monter raconter une histoire devant des cons en tenue de soirée, j’ai jamais bien compris le concept. Ca me rappelle trop ce que mes supérieurs sont obligés de faire quand ils vont dans le bureau du colonel au QG, et ça déjà j’ai du mal. La musique, passe encore, ça flatte l’âme et adoucit les mœurs, qu’y paraît, mais le spectacle… Pour les enfants y a le cirque, et ça devrait bien suffire. Non ? Bon. J’aperçois ma mijaurée au bras du comte de Montezcristalquenouspassionsunebonnenuitvousetmoiànousraconterlavie, je me dis qu’elle survivra bien et je m’éloigne pendant que les pompiers entrent pour vérifier que comme je le leur ai dit cette fois y a bien seulement de la fumée, et que le seul feu qu’y ait c’est celui que ce monsieur a au cul, ce même monsieur qui traînait avec la crémière du jeune con pas beaucoup plus jeune que moi.

Faut pas jouer avec la femme des autres monsieur le bourgeois, surtout si elle est du bas peuple. Ces gens-là ont la rancune tenace et les idées originales, quand il s’agit de se venger. Et le pétard qui t’a échauffé le derrière, c’aurait pu être un truc plus gros, tu pourras pas t’asseoir le mois prochain mais tu devrais être content : tu l’as échappé belle. Bref, les mirant les uns les autres, je vomis un peu parce que les volutes piquent un peu quand même, et puis parce qu’ils me débectent tous un peu à vouloir un colonel pour les sauver. Eh non, jsuis qu’un caporal en fait, connasse. Et je me tire.

A côté y a donc le petit con avec sa poupée qu’a l’air de lui en vouloir un peu, je peux pas trop te la décrire parce que je vois encore un peu flou et je me repère plus qu’aux silhouettes et à l’odeur. L’odeur c’est celle de la binch’ de la victoire, ouverte aux pieds de mon fraternel qu’attends que moi en contemplant son œuvre au noir, là-bas un peu plus loin sur la rue. Esperanza est jolie la nuit avec toute cette animation. Manquent plus que les flambeaux à intervalles réguliers pour poser une ambiance un peu mystique, et on se croirait aux temps des processions rituelles avec les cris des pleureuses et la musique silencieuse du noir qui passe. Poésie, quand tu nous tiens.

Ben alors frérot, tu me présentes pas ?

Comme lui il sait déjà puisqu’il a dû entendre la baronne gémir mon nom pendant que je la tripotais en attendant l’entracte, mais qu’elle non, je déclame mon blaze à la donzelle en rogne, parce que je suis un mec poli. Moi c’est Tahar, caporal et bien plus encore.

Non non, crains rien, je viens pas coffrer ton Jules…

Enfin Jules… C’est ton nom, gars ? T’as pas vraiment plus une tête à t’appeler Jules que Ferdinand.

Moi j’arrête pas trop les artistes qui m’offrent des bières.

Ouais, un vrai artiste que t’es, mon pote. Même que si j’avais une escaméra dans la poche, là, ben y aurait un putain d’instantané à prendre. Un cliché de folie qui se vendrait sans doute à assez de mille et de cents pour que je puisse prendre ma retraite avant même d’avoir tiré un coup de fusil sur un pirate. Une foule en émoi dans la pénombre, ça a vraiment une sacrée gueule…


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Je prends quelques secondes pour admirer le spectacle. Rien de tel qu’une bonne bière après avoir fait chier les pontes du coin.


« Je sais pas quoi te dire Layr, je t’ai jamais vu faire des choses pareilles. »



Voilà Tahar, toi aussi tu sais comment je m’intitule. Alors certes tu me sembles moins antipathique qu’la moyenne des péquenauds qu’j’ai eu la malchance de rencontrer, mais pour avoir l’autre partie faudra attendre un peu, j’suis bien jeune mais quand même un brin prudent.
J’sens dans la voix de Marisa de l’inquiétude et une sacrée dose de fierté. Vrai que c’est rare que je me bouge le derche sans qu’elle m’y ait poussé avant, vrai qu’a part mes rimes j’suis pas le mec qui prend le maximum d’initiatives. Même au pieu.


« Tahar, Marisa. Et t’as beau lécher les miches des baronnes, celle-ci a un tampon fédéral sur le cou. »



J’lui dis pas qu’au passage j’ai le même en plein entrejambe. Y se rendra sans doute compte assez vite que la culotte c’est pas moi qui la met à sécher tous les jours.
On passe un p’tit moment à discuter, Marisa fait preuve de son opiniâtreté habituelle, mon nouveau pote a l’air d’aimer ça. Bon je les laisserai pas seuls dans une même chambre mais il a pigé sans doute.
La voilà d’ailleurs qui préfère rentrer, elle a quand même raté quelque chose et ça lui fait tout drôle. Je te rejoins, quelques minutes, mets toi au lit confortablement.

Entre mecs, on sirote, on parjure, on plaisante, j’lui raconte pas trop mon passé, sauf depuis qu’on est sur l’île. Ouais ouais, tu le sais pas mais tu pourrais te prendre dix années sabbatiques si tu me coffrais mon cher. Il est pas con, il se doute de quelque chose. Mais pose pas de questions là dessus, chacun a son jardin à lui, vaut mieux pas qu’il foule les ronces du mien.
Il est pas banal ce Tahar. Des mecs comme lui y’en a pas beaucoup, ou en tout cas pas que j’ai croisé. Il croit en pas grand chose hormis lui, suit un chemin dont il doit sans pas connaître le bout, sans panneau pour le guider. Et on sent dans sa manière concise de présenter les choses qu’il a plus de bouteille que moi. Bop, moi j’passerai jamais par la case mouette alors ça fait au moins une grande différence.

On se laisse alors que les lieux sont à nouveau vides et que la lune nous paraît plus proche que jamais. La scène pourrait même être romantique si on avait pas tous les deux un bonus dans le pantalon. J’lui donne rendez-vous le lendemain pour lui montrer un autre de mes rares talents.


« Près de la côte, près du clocher. »



Derrière la butte où le vent souffle assez fort pour couvrir le murmure des fantômes.





BANG



La bouteille éclate en sept morceaux. Ouais sept tous justes.
L’endroit est sympathique. La relative cuvette où on se trouve nous protège du vent qui dévierait les balles. J’ai ramené un fusil scié et mon Simon à moi. Le petit matin, quand on est pas en train d’décuver c’est quand même l’moment le plus frais de la journée.

J’sais pas si c’est pour faire le show mais en même temps qu’on continue à papauté sous un soleil blafard qui réchauffe pas, on tire pour pas perdre la main. Enfin surtout moi, lui c’est plutôt pour la prendre la main.
Me semble assez impressionné par mon pourcentage de réussite. Faut dire que j’en rate quasi pas une, et que quand ça arrive c’est que je me donne des angles improbables ou des positions inopinées.


« Les flingues me détendent. Comme les vers. Le tout en restant hétéro frangin. »



Ça c’est le p’tit jeu de la veille. On continue à s’donner du frérot, brother, hermano ou toutes les déclinaisons que tu veux.
Pendant que je m'applique à lui filer des conseils qui lui seront p’tet utiles si un jour il doit dézinguer du mauvais bougre, j’avise l’heure du repas qui s’rapproche. Faut que j’aille donner un coup de pouce que j’lui dis, mais quand il en aura eu assez, qu’il vienne à la maison que je lui ai montré tout à l’heure, casser la croûte c’est plus nourrissant que casser du verre.

Me voilà donc près de ma sweet home, un sourire débile sur mes lèvres. Moi qui me mettait dans la catégorie des imbuvables, je viens de trouver un type avec qui j’ai envie de faire un bout d’chemin, avec qui j’ai envie d’partager un bout de mon existence de merde.
La cheminée fume, ça sent bon les épices, les patates et le sang. Le sang ?
Mon sang sans doute au vu du poing qui rugit sous mon menton près de la porte d’entrée.

Le cher cul pété de la veille se tient devant la maison, assis sur une chaise spéciale que je croyais que c’est que quand tu chiais que tu l’utilisais, et encore si vraiment t’es un mec pas trop rustique. C’est un gros bonhomme à côté de lui qui m’a mis à terre.
Marisa est pas loin, un filet vermillon près des lèvres. La gifle qui lui a fait ça devait être salée. Avant même que je me demande comment il a su que c’était moi, j’ai la réponse à ma question qui sort de sa bouche pincée.


« Tu as oublié une goupille. Le même type que t’avais déjà utilisé deux semaines plus tôt pour aider à dégager la route principale. Elle est rare dans le coin. Dommage moucheron. »



La suite est plus conventionnelle, avec ses menaces, ses remarques sur le fait qu’il l’aura sa gente demoiselle et qu’elle apprendra à l’aimer. Mais que moi je fais pas partie du bouquet, qu’une vermine pareille doit juste apprendre à se cacher dans le trou puant que la vie a daigné lui donner. Puis demi-tour, deux porteurs courageux et le bataclan se vide. Sauf les trois molosses qui m’entourent et qui vont passer à la phase deux, celle qui se passe en coulisses, celle que personne ne voit jamais. J’ai laissé toutes mes armes à Tahar.


Quand celui-ci arrive, il voit d’abord la porte entrebâillée, il sent d’abord l’odeur de cramé caractéristique d’un plat qu’a trop attendu. Jusque là rien de grave. C’est ensuite qu’il voit un nouveau pote par terre, la gueule en sang. Avec une forte odeur de pisse planant juste au dessus de lui. Et enfin qu’il se rend compte que dans les yeux d’un jeune homme, y’a pas de douleur mais une envie froide de récupérer quelque chose qui lui appartient. C’est à ce moment là qu’il doit se rendre compte qu’avant d’arriver sur cette île le brave Layr était pas bénévole pour une association caritative.


« Tahar... J’suis vraiment... J’suis vraiment un sale gosse. »

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Tu m’en diras tant…

Début de soirée à l’avenant pour une journée passée à démontrer qui a la plus grosse, mais façon saine émulation tu sais. En vrai on sait tous les deux que celui qui l’a, la plus grosse, c’est nous. … Je m’attendais pas trop à cette vision après m’être exercé le petit doigt tout le saint aprèm sur une gâchette plus froide que ta sœur, mais bon, la vie, ça va, ça vient. Je l’aide à se redresser assez pour qu’il puisse se récurer les ongles sur la nappe bouffée à cœur par les mites, puis je lui fous un verre sous le nez. Je fais comme chez moi, hein. C’est comme ça qu’on fait chez les gens bien. L’ex-repas du soir finit de caraméliser l’atmosphère pendant que je le regarde se tasser sous l’effet de la colère contenue, difficilement contenue, puis quand je sens que l’alcool a fait son petit effet sur mon très cher ego et que j’ai bien oublié toute la subtilité des armes à feu maniées plus tôt, je me lève.

Tirer des coups à longueur de temps, ça me crispe les mains. Et mes mains, je préfère qu’elles soient détendues, ça permet de tirer des meilleurs coups quand t’as besoin. Du coup si je sais me servir d’une pétoire avec pas trop mal d’instinct je préfère me réserver pour tes tâches plus nobles, genre la voie du coupe-coupe et celle de la main dans lahgel. C’est pas ce que je dis quand je me lève, mais fallait que je le case, que je finisse mes réflexions sur le sujet. Après ce moment de latence où on se regarde en chien de faïence, surtout lui, je lui dis qu’elle est trop jeune pour moi, mais que si elle lui plaît, on va la trouver, la prendre, la récupérer, dans l’ordre qu’il voudra, et que justice soit faite.

Que justice soit faite.

Je répète l’idée, pour bien qu’il comprenne que moi je bosse pas gratos, que c’est toujours dans l’intérêt de l’équité et de toutes les conneries humanistes que je bosse, pas de vengeance gratuite mon frère, hein ? Tout vient à point à qui sait le prendre et rien ne sert de ruser, il faut pourrir à poings.

Avant de gambader joyeusement dans la campagne déserte, surtout moi parce que lui il boite un peu, on échange un regard complice sous le soleil noir de la lune qui se cache. Complice, j’ai dit, juste complice. Il comprend et va chercher de quoi faire voler l’île jusque dans le jardin de la dragonne céleste sur les hauteurs de Marie-Joa. Un vent se lève comme pour avertir les barons d’Esperanza que ce soir c’est spectacle sons et lumières. Surtout sons, lumières on verras sur place ce qui reste.

Il nous faut pas bien longtemps pour arriver au bled, faut dire que tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise et, mon nouveau meilleur pote avec ses yeux de fou fiévreux, je sens qu’il a bien envie d’en briser quelques unes, des cruches. J’avais déjà une idée d’où et quand, mais je me fais confirmer le domicile du méchant scatophile après avoir attaché le collègue enragé à un arbre pour pas qu’il arrache la jugulaire de trop de passants en m’attendant. J’ai une réputation à garder et je bosse pour la justice des pauvres et des indigents, j’ai dit. Enfin indigents faudra voir, ces gens sentent, quand même… On décanille quand j’ai fini direction le manoir et je me retiens de mettre une avoine au bon frérot qui m’en veut, je sais pas pourquoi. Soi disant que les chaînes que je lui ai foutues aux pattes pour le bien du peuple lui auraient arraché des morceaux de peau, je sais pas quoi.

Bon.

Le manoir, c’est un bled à lui tout seul, avec murs dont on se débarrasse facile, on a grandi dans la rues ou on y a pas grandi, avec molosses dont on se débarrasse facile, on a grandi dans les cages où t’apprends à taper dans les boules pour calmer les hormones ou on y a pas grandi, et avec vieille taupe gouvernante et complice à l’entrée du bâtiment proprement dit. La mère ? Possible.

Bonsoir madame le majordome, le colonel Tahgel souhaiterait parler à Monsieur de ******

Je mets des étoiles, c’est parce qu’on m’a payé très cher pour ne pas mentionner la famille des Valenpré. Oups… La daronne me regarde comme si j’étais pas colonel, et un doute me vient : avec sa carrure, si ça se trouve, elle a été mouette, en son jeune temps. Ou alors c’est les bigoudis de mon assistant le sergent Layr qui lui fait peur avec ses deux yeux au beurre noir. Les femmes, même les plus revêches, sont si sensibles…

Oui, c’est pour quoi ?
C’est pour une urgence.
Oui, c’est pour quoi ?
C’est pour une urgence.
Oui je comprends bien mais c’est pour quoi ?

… Finalement les ovaires ça marche à peu près aussi bien que les noix, niveau calmage d’hormones. Mais je me surprends à constater que, quand même, il faut qu’on l’encastre deux ou trois fois dans l’horloge de maître pour qu’enfin des gars un peu sérieux s’annoncent. Quand je commence à réaliser que je vais avoir du mal à garder un casier vierge après ça et que même le "non Tahgel, on vous croit que vous y êtes pour rien, mais juste deux-trois semaines de mitard, ça peut pas vous faire de mal… pour la forme, comprenez" va être dur à négocier, je fais signe à mon cher et tendre, je veux dire mon frère. Du doigt dans l’œil du méchant qui fait ma taille plus une pastèque et qui me menace mon intégrité physique de représentant de l’ordre roi, je lui signe la seule règle du dance floor pour la soirée.

Okay pour être juste ton wing-man et te rabibocher avec la belle du soir, bro’, mais l’addition c’est tout pour ta gueule.

Et pendant qu’il checke son portefeuille pour vérifier qu’il a le liquide pour payer la note qui se profile salée, je lui en tape five sur le crâne du mec derrière lui. Moi aussi je suis vraiment un mauvais garçon, Layr. Après tout, j’ai buté mon frère à dix ans…


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J’ai ce qu’on peut appeler la colère sourde. Mon instinct qui parle, comme celui des lionnes quand leur petit est allé jouer juste un peu trop loin et qu’un braconnier a cru bon de passer par là. Ouais le fauve maintenant c’est moi. J’sens bouillir en moi une rage insondable, comme si mon foutu sang était devenu un messager d’adrénaline. J’ai plus mal, je suis plus en état de sentir la douleur. Je tremble. Violemment. J’ai beau souffler un peu je peux pas m’arrêter, je dois faire quelque chose, je dois faire quelque chose.

Ouais j’ai pris un réservoir que j’ai engouffré dans mes poches ou accroché à ma ceinture, ouais j’ai descendu un demi-litre du whisky qu’on avait pu s’acheter. On me la prend pas à moi, on me la prend pas comme ça.
Le crépuscule est passé. C’moment délicieux où toute la noirceur du monde fond sur le jour pour l’empoisonner, pour le priver de son éclat naturel. J’voulais faire de mal à personne moi, j’voulais juste qu’on me laisse tranquille. Un foyer, une femme, quelques petits plaisirs sans conséquences. Je suis encore un gosse et même si toute ma vie on a pas arrêté de me rabâcher que je ferais jamais rien de bien si je continuais à ce rythme, ben je pensais pouvoir passer au travers des balles. Mais là, on vient de me priver de ma vraie nicotine. Plus pour longtemps.

Tahar veut bien m’aider. Qu’il soit là ou pas de toute manière ça change pas grand chose à ma volonté. Mais faut bien avouer qu’la force de frappe est du coup légèrement différente. Si Marisa pouvait m’voir en ce moment même, elle m’dirait sans doute de pas faire le con, de pas foutre en l’air le p’tit coin de paradis qu’on a fini par se trouver tous les deux. Mais là elle est avec un porc, et les porcs ils finissent toujours dans la boue à manger leur merde. Alors j’vais pas faire dans la dentelle, j’vais pas essayer d’être le brave garçon en polystyrène qui fait un grand sourire tandis qu’tu le ligotes insidieusement. J’ai déjà tué, j’lai déjà fait, je peux recommencer.

La bonne femme est au tapis. En même temps la beigne qu’elle vient de se prendre était pas là pour faire joli. Le grillage a pas supporté mon ensemble trifouille-merde-cliquetis-ouverture-gueulante. Alors qu’mon collègue tente d’être le cerveau d’une opération acide, j’vois devant moi le premier chapitre de la nouvelle aventure que j’vais écrire avec mon sang. Et le leur.


« Si tu restes avec moi ton blase va en prendre un coup. J’vais leur payer ma rançon. »


On s’élance aussi furtivement qu’on peut. Sur la route y’a quelques gardes. Ah non, avait, me suis gouré de temps, scuzi.
On arrive près des portes du manoir. La douce lumière qui provient de l’intérieur contraste avec la déchirure du ciel qui nous éclaire faiblement. J’ai tout c’qui faut sur moi pour faire une entrée remarquée. Des fils accrochés à des goupilles, des mains reliées aux fils, un morveux furieux au bout des mains. De quoi faire assez de boxon pour dégager un peu notre chemin.


« J’passe par le haut. »


Et la façade extérieure s’transforme en un splendide phare qui éclaire tellement bien que si on était Noël ça choquerait même pas. L’est temps de s’engouffrer. Mes mains tremblent d’excitation, la fureur emplit mes yeux, la rage déforme mon visage pré pubère. Il est temps.
J’entre. Deux trois types auraient mieux fait de prendre leur tour de garde un peu plus tard. Je vois une immense porte dans l’fond, le genre que derrière y’a un type pas commode en train de simuler un gros caca sur une chaise percée. Plus très loin, plus très loin ma belle, je vais te montrer, je vais te montrer. J’suis un homme maintenant, tu m’as fait devenir un pur mâle, racé et bondissant. C’est à moi d’assurer maintenant, j’vais pouvoir être ton pygmalion l’espace d’un instant.

Mon enthousiasme s’heurte à une rasade de phalanges et à une explosion de mâchoire. Je vole sur plusieurs mètres avant même de me rendre compte que mes deux bourreaux de la journée viennent de me barrer la route. J’vais avoir du mal à parler maintenant, j’risque de devoir manger de la panade pendant un bon moment. Pourtant, alors qu’un liquide visqueux rougeoyant s’écoule de ma bouche, j’esquisse l’ombre d’un sourire. Les mecs, je suis heureux. Je vais pouvoir vous remercier pour tout à l’heure.


« Va faire beau. Oui. »


J’entends Tahar qu’est sans doute pas bien loin. J’sors un joli poignard, le préféré d’ma dulcinée. Vous avez fait d’moi un homme dur les gars, va falloir qu’mon cadeau d’échange soit à la hauteur de votre beau geste.
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Moi j’ai pas de colère, c’est pas ma pétasse qu’on veut tringler en douce sans que je sois d’accord, c’est pas mon pif qu’a pris tout le bonheur du monde quatre fois dans les bajoues, et c’est pas ma gueule qu’était sur la cible à fléchettes du connard mal baisé au fondement décati par l’âge et un coup de pouce nommé Layr. Moi je suis juste un gars de passage, avec deux barrettes d’un grade minable sur les épaules, un habit de civil et un reuf de substitution, qui veut venger ledit frangin juste parce qu’on touche pas à la famille, les branquignols, compris ? Chez un Tahgel, la famille c’est un peu le point de départ de tout, on vous a pas prévenus ? Bref, moi je suis juste là pour casser et me tirer avant que mes copains maréchaux du logis Esperanza se ramènent et embarquent les coupables qui resteront sur place. Ouais, c’est écrit dans le code : quand y a du grabuge de proximité, c’est toujours ceux qui restent à la fin qu’on arrête, c’est plus simple et ça évite les enquêtes à rallonge.

Peu importe l’état dans lequel ils se trouvent. Les blessés ont toujours tort.

On casse. Lui, moi, je sais pas trop dans quel ordre ni dans quelle trogne ni dans quelle graisse, mais on casse. Parfois on nous casse, aussi. Je me sens devenir céciteux d’un coup, avec l’œil droit qui se ferme le sourcil tout froncé par un 44 fillette. Je dis rien et je fais avec, ou sans. D’expérience, y a pas beaucoup plus susceptible qu’un œil poché, à part une rate à la rigueur, mais ça c’était toujours les autres dans les cages, moi je me suis toujours démerdé pour qu’on me casse au maximum une côte.

En même temps j’avais un destin, j’allais pas clamser dans une cage pendant mon adolescence.

Attrape.

Je balance un reste de gars sur le faux Ferm qui me le renvoie façon balle au prisonnier, avec le débris humain dans le rôle du ballon et le mur derrière moi dans le rôle de la cible à faire prisonnière. Au passage ça fait un heurgl pas très sonore mais franchement crade et je crois bien qu’on en est au premier vrai mort du soir… La lame qui brille dans la patte de mon nouveau brother in arms me confirme l’impression et m’appelle à un peu moins de retenue. Après tout c’est tous des méchants et je suis un représentant de la grande justice. Et foi de caporal Tahgel, ça en jette hein, il sera pas dit que je serai resté impassible face aux crimes impunis de cette bande de sagouins.

Je toque à la porte avec le crâne du second macchabée qui l’est pas encore tout à fait puisqu’il fait aïe, et on entre dans la pièce principale sous le regard pusillanime du grand con qui se croyait à l’abri. Je sais pas ce que ça veut dire pusillanime, toi peut-être pas non plus, mais je trouve que ça colle bien. En fait il est en confiance le salaud, et la tige noire qui nous vise depuis son fauteuil tout confort m’agresse la rétine valide. Je gueule à Layr de se coucher et m’effondre sous le désormais cadavre de mon bélier humain. Le maître a tué le valet en voulant coucher les importuns, drame quotidien…

On se relève pendant que le maître fout de la poudre partout en essayant de recharger sa pétoire à un coup, quel con, faut toujours prévoir une cadence de tir suffisante. Mon fieffé cousin par alliance surtout, se relève, et il fonce vers le pas beau qui a enfin la présence d’esprit de poser sa lame de vicieux sur la gorge de la douce et belle Marisa (mais non, frérot, je la toucherai pas) qui est ligotée comme un rôti prêt à passer à la casserole à ses genoux. Le temps de la violence gratuite n’est plus et on passe à la phase où les regards noirs se répondent. Moi je me dis que c’est pas mes oignons, surtout parce que je crois que la balle du fusil de chasse de l’enculé m’a perforé l’épaule après avoir passé l’aorte du garde du corps paix à son âme. Entre ça et la cyclopitude, je crois que j’ai bien rempli ma part du contrat. Je le dis à mon copain, qui me dit qu’il gère.

Si tu le dis… Tiens, t’as fait tomber ça au fait.

Je lui refile sa pétoire au mauvais éclat, qu’avait chuté pendant son conciliabule à bâtons rompus avec les deux gorilles avant qu’ils ne trépassent, abattus par notre enthousiasme commun à tous. Ca tangue soudain, je vais m’asseoir auprès du super bureau en bois laqué au moins daté du vingtième siècle avant notre ère, à moins que ce soit juste un de ces éternels trucs m’as-tu-vu qu’aime bien avoir les hobereaux de province et d’ailleurs, mais ce serait vraiment dommage… Quoique, mon sang a tendance à dégouliner sur les papiers qui s’y trouvent, alors pas sûr que ce soit pas mieux en fait.

Ca me ferait si mal au cœur d’abîmer une œuvre de collection véritable. Moi j’aime les antiquités.

Oups…

Je fais mon plus beau sourire et un clin d’œil à la Marisa bâillonnée là-bas en attendant que la fin du duel de regards se profile entre les deux héros du soir, mais ça a pas l’effet escompté, peut-être parce que je suis mal arrangé mais quand même. Elle me rend de la haine et de la mésestime de moi avec ses yeux pas doux pour un sou, et ça ça me blesse encore plus que tout le reste. On est si fragile quand on est jeune et encore con… Allez, little brother, finis-en donc, je commence à voir flou…


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J’peux globalement dire que j’suis niqué. Parce que cet enfoiré sait bien que je suis venu pour elle, pour elle, pour elle. Et que donc là j’ai les mains liées. Merde. Il m'a demandé de jeter sur le bureau le flingue que je venais de récupérer. Il veut la tuer avec les restes de celui qu'elle a occis y'a quelques temps, c'est assez cocasse.
Tahar a l’air calme. Ouais j’dois faire pareil, la fureur me servira à rien dans cette situation, juste à accélérer une erreur qui me coûterait bien plus encore.
Merde.


« Merde. »


C’est ce que j’ai laissé échapper de ma bouche. J’veux dire, en plus du sang et d’la bave qui résultent d’une mâchoire un tantinet abîmée. Sauf que c’que sait pas le monsieur en face, c’est que c’est pas le « merde » du type qu’est baisé et qui sait qu’il a perdu la partie. C’est pas celui du fier héros qui peut pas se résoudre à faire un choix, qui doit laisser filer le méchant mais qui finira par s’en sortir parce que oui le budget qu’on a mis dans cette foutue production mérite une happy-end ou un final en fanfare.

Non.

Non mon « merde » c’est celui qui veut dire que j’ai la haine en c’moment même de pas être un fin négociateur. Que la rhétorique c’est bien beau de pouvoir la plâtrer sur un morceau de parchemin mais s’en servir en vrai en plein cœur d’une situation inextricable c’est bien plus utile. Là en ce moment je dis « merde » à mon don miséreux, à mon lyrisme inefficace, à cette vocation qui m’aura jamais permis d’aller un tant soi peu chercher du réconfort chez les autres. Si je me sers du mot en verbe conjugué, on peut dire que j’ai merdé sur toute la ligne. Et voilà ma belle vengeresse qui me regarde avec son regard pénétrant, avec son air fier et galbé qui suppliera jamais son futur bourreau.

Je peux pas mentir en finesse donc, je sais pas faire. Ce qui me reste, ce que j’vais essayer, c’est de sortir mes pensées comme ça, balancer ce que j’pense comme un faux bourgeois que j’suis et provoquer l’Apocalypse dans un sourire.


« Quoi qu’arriv... »


Je fais des efforts démentiels pour articuler. Sans y tenir plus que ça, je CLOCK ma rangée de dents. C’est à peu près remis, ça fait un mal de chien mais c’est à peu près remis.


« Quoi qu’il arrive, tu nous laisseras pas en vie. Et si doit y avoir qu’une seule victime, ça sera pas Marisa. »


Pour mister ennemi-pot de chambre, c’est comme une victoire. Sauf que je choisis mes mots avec soin, et qu’il a pas entendu la deuxième partie.


« Me sert à rien de vivre sans elle. Donc on va partir. Tous ensemble. »


Une de mes dernières grenades passe dans ma main gauche. Pas celle qui a récupéré Simon tout à l'heure, mais l’autre qui attendait gentiment de pouvoir servir après les petits remerciement létaux que j’ai pu proposer.
Ouais on va tous péter ensemble, dans un beau feu d’joie qui marquera les esprits de l’île pendant un sacré moment. J’ai pas le temps ni l’envie de penser à c’qu’aurait pu être ma vie si j’avais suivi la trajectoire familiale. Un ponte de merde que je serai devenu, trop chauve pour parader, trop gros pour courir, trop mou pour bander.


« Désolé Tahar, t’as peut être le temps de t’éloigner. »



Je sais pas trop mentir à l’oral c’est vrai. C’que je dis en ce moment, j’le pense vraiment. C’est la dernière solution, j’suis prêt à amener le chaos et tout le tintouin. Mais bon, disons que si j’arrive pas à embobiner par la parole, j’suis pas trop mauvais pour le faire à l’intérieur de ma tête. Ouais, le plan du ça passe ou ça casse, le plan du on va voir s’il essaie de m’arrêter, s’il détourne son canon de ma protégée quelques dixièmes de secondes. Je suis le raté de ma famille, mais le prodige des moins que rien.


« Motherfuck... »


Que commence le visage pâle qui me vise soudain. Le coude à peine libre de la brune s’enfonce dans le cou de la brute, la détonation embaume la pièce, la balle transperce la chair et passe pas loin d’un poumon. Y’a plus de méchant, y’a jamais eu de gentil.


« Layr ! Layr ! Qu’est-ce que tu as fait ? »


Le tableau pourrait être immortalisé en ce moment. Deux solides garçons à moitié crevés qui se marrent en se regardant. Ok moi j’suis celui qu’est par terre, qui admire la tâche de sang qui se forme autour de moi. Mais putain la haine est partie, cette merde va se terminer, j’ai mon ange qui me prend dans les bras une nouvelle fois. On peut rentrer chez nous.

On peut se barrer aussi sans doute. Parce que le big boss a beau avoir passé l’aorte à gauche, reste encore quelques clébards dans le coin qui ont faim. On s’enfuit par l’autre côté, la porte de droite. Et on arrive devant un spectacle édifiant. Une salle entière...remplie de femmes. De femmes enchaînées, bâillonnées, ligotées. Le coquin était pas si respectable teh, si la marine voyait ça. D’ailleurs, la voilà qui rapplique, en tout cas, qui approche de l’édifice en même temps que des gardes côtes. Mais ça, on peut pas le savoir, surtout pas moi. en ce moment les seules choses auxquelles je peux penser se résument à un groeofjzkzh incompréhensible.
Me faut du repos. Et un toubib aussi, j’ai un taux de fer un peu trop élevé dans l’organisme. D’accord c’est du plomb, j’te l’accorde Red, mais c’était pour la métaphore.
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Boum, y a plus de méchant. Y a jamais eu de gentil.

C’est pas vrai, pas vrai little bro. Moi, moi je suis gentil.

Si.

Enfin c’est ce que croient les pelés qui arrivent dans le coin. Caporal ? Caporal ! Ils me causent, s’affolent, trouvent les filles encore enchaînées et mon collègue me demande avis et conseil. Mais moi, moi je suis déjà évanoui, à l’ouest, sur la neuvième planète du septième ciel. Mon charisme et mon sourire crâne s’en vont par mes chakras ouverts aux quatre vents mais j’ai assez de conscience encore pour espérer que t’es loin, Rimbau, loin d’ici déjà dans ta ferme, avec ta copine qui te lèche les plaies pour te remettre d’aplomb. Tiens bon, je pique un roupillon et je t’envoie quelqu’un…

Caporal !
Mon commandant ?!
Deux nuits que z’êtes à pioncer mon petit Tahgel, va falloir que vous commenciez à…
Deux nuits…

Mon sens du timing me stupéfiera toujours. J’ai comme un mauvais truc dans la gorge, et un bras qui refuse de bouger quand je me redresse sur mon paddock de l’infirmerie. Devant moi mon supérieur me scrute de son traditionnel air bonhomme, mon petit coup de panique me passe un peu mais j’ai toujours un doute. Je lui demande des détails, il me dit qu’avec le scandale et le témoignage des esclaves retenues dans les chambres de la villa machin, je m’en tire avec un blâme pour n’avoir tenu personne au courant de mes actions et deux mois de retenue de solde. Et rien pour avoir buté ce porc infâme. Une sorte de compromis, qu’il me dit. Je veux bien le croire, j’ose pas lui annoncer qu’en fait s’ils ont pas retrouvé le flingue qui a tiré le gibier c’est parce que c’est pas moi qui le tenais.

Je m’en sors bien, je proteste pas. Ah, et on m’envoie traquer le terrible pirate Rafaëlli Mezzrahý aux frontières de West dès que je suis sur pied, c’est-à-dire après demain sans faute selon les docs. Putain d’eux, ils sont gonflés. Je devrais avoir une médaille pour ce que j’ai fait, pour avoir défendu le presque veuf et l’orpheline comme je me suis démerdé, et ils m’envoient crever comme un galeux ?! Mais là encore je fais profil bas parce que niveau carrure il me manque une éclanche sur les deux, et c’est un peu juste pour péter les rotule à l’administration. Et c’est visiblement pas comme si je pouvais compter sur les témoignages de mes petits copains d’infortune pour m’assurer la crédibilité devant un tribunal. Y a rien dans ce que je me souviens des discours du Layr qui pourraient me laisser penser qu’il soit du genre respectable par un quelconque scribouilleux voire juge. Bien ma veine, tiens.

Le patron me dit encore bravo, se tire. J’apprends en sortant avec mon écharpe, auprès d’un pote du régiment, que si le cher gradé était aussi reconnaissant et si j’ai échappé au cachot pour prise d’initiatives extrêmes sans en avoir référé aux autorités compétentes, c’est parce que sa fillette chérie était dans le lot des violées en silence par le grand troufion défuncté. Une brunette pas laide, je m’en souviens pas ? Non. Bien ma veine, tiens, le monde sera sûrement meilleur ce soir…

Merde.

Je taille la causette au sergent Gudule quelques plombes encore quand soudain le Layr dont je viens de me souvenir me revient à nouveau dans la mémoire. Deux associations d’idées plus tard je retourne à l’infirmerie quérir l’aide de l’infirmière M’as-tu-vuavecmestalonsetmablouseblanche. Je lui raconte nos ébats de y a deux jours en y mettant un peu du mien et sa bonne âme décide de m’accompagner dans le plus grand secret, ça tombe bien elle a fini son service et en plus si elle cause je connais un coin comme celui que je viens de démanteler mais encore en activité. On l’y retrouverait pas avant un an de sévices. En trois pas on est dans la cour du QG, en douze au débarcadère, et après faut ramer jusqu’à Esperanza qu’est pas loin mais quand même un peu. Mon bras valide sur ma rame et ses deux mimines trop fines pour tenir un manche aussi gros sur la sienne, on arrive à avancer, un peu en crabe mais on y arrive, et on accoste dans la grisaille du crépuscule, sous le tocsin qui annonce la nuit dans les bleds paumés. Cinq baisers, volés mais d’occasion, et trente jambes en l’air plus tard, on atteint la maison où. Là, c’est une Marisa vachement moins belle que la dernière fois qui nous accueille, qu’a pas l’air d’avoir autant dormi que moi sur les derniers jours.

Mademoiselle est infirmière, laisse-la faire et prends-toi une sieste. C’est pour son bien.

Elle m’aime plus que dans le bureau de son ravisseur, les mondanités lui conviennent et elle devait même n’attendre que ça puisque je l’entends ronfler à peine ma petite copine ausculte le gamin pas si gamin qui sue sang et eau sur sa couche merdique de raclure à peine pubère et déjà en fin de vie. Il a des airs de gangrène, j’attends le verdict en sifflant la seule bouteille qu’il a réussi à épargner jusqu’ici entre la désinfection à la sauvage et la neutralisation des douleurs à la cuite pas propre.


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Je sais pas c’qui me fait le plus mal en ce moment même : les trois trous en plus que j’ai dans le corps ou les trois claques que Marisa m’a collé dans la gueule. Sur le papier y’a pas photo certes, mais non contente de savoir bien remuer le tranchant d’sa main, ma p’tite barbare arrive à lui coller une bonne dose de honte et de culpabilité. J’ai sans doute trop merdé, au final c’est toujours ma faute. Mais elle s’occupe de moi comme elle peut, elle me veille la nuit tandis que j’hurle en tentant d’écarter avec mes bras des assaillants que personne d’autre ne peut voir. Elle ne se permet de pleurer que quand je finis par tomber d’épuisement, assez ivre pour pas avoir envie d’en finir. Ça va aller mieux, c’est ce que j’arrive à lui baragouiner, ça va aller mieux. Après tout elle est libre, l’essentiel est sauf. Et puis être le martyr d’une jolie dame, y’a pire comme fin pour un gamin un peu trop turbulent.

Alors quand j’ouvre les yeux et que je vois que c’est d’autres mains qui s’appliquent à éponger mon mal, je balise. Si j’arrive plus à la reconnaître, c’est que vraiment c’est la croisée des chemins. Un peu derrière, je vois...Tahar. Putain, sacré bonhomme, il est assez con pour penser à quelqu’un d’autre que lui. Et merde, si j’m’en sors je vais lui en devoir une. C’est qu’il a ramené une stripteaseuse en habit de nurse pour que mes derniers instants soient orgasmiques. Brave homme.



...




Ah. Ah putain j’ai juste envie de me briser les os pour que cette foutue douleur s’arrête.



...




Ah. Je crois les entendre vaguement parler de chance, de séquelles et encore de chance. C’est que je serai pas complètement foutu que ça serait bizarre. Seize ans après tout si on remonte à y’a quelques siècles c’était une espérance de vie pas si dégueulasse. Mais non, mon absence de volonté s’accroche à la vie de mécène qu’elle a jamais autant chéri qu’à présent.
Bas toi Layr, bas toi.
Je sais plus si une voix niaise m’a répété ça dans ma tête ou si c’est Marisa qui supplie la divinité des staphylocoques de me laisser encore jouer une partie.


Finalement ma conscience revient, elle fait un ou deux bonds dans ma poitrine, un petit tour pour checker que tout est encore là et là voilà qui remonte sur la piste. Marisa est apparemment allé préparer à becter, l’infirmière à talons et ballons s’en est allée et Tahar me regarde avec cet air mi-amusé mi-rien du tout. Si j’parle de frangin ou de frérot on va retomber dans notre jeu de rôle de mec ultra viril qui s’tape sur le dos pour se montrer un semblant d’affection. J’ai quand même conscience qu’il vient de sauver une misérable vie et que même s’il aura cette responsabilité sur la couenne pendant tout le restant d’ses jours, il faut savoir faire profil bas parfois.


« Merci...frérot. »



Arghl, c’est pas facile, allez ducon t’as bien quelques forces qui te restent. D’accord en y repensant celle qu’a achevé à bout portant monsieur sérail c’était ta gonzesse, mais les couilles elles sont au dessus de tes jambes à toi.



« Merci, ami. »



OH putain c’est dit, c’est marqué, j’peux m’évanouir en paix.



« Maintenant qu’on est potes, tu peux aller voir ma famille sur les mers de l’est si tu veux. Z’ont les titres et la thune. Mais à part vouloir t’plomber, tu gagneras pas des masses. »




Fallait bien que je rattrape ce moment de gêne par une belle connerie. Y sait que j’suis noble maintenant, pas en odeur de sainteté dans le coin là bas mais quand même normalement pété de thune. Bop, après avoir fait tout ça faudrait qu’il soit vraiment abruti pour me livrer.

Il est parti assez vite après mon réveil. Depuis cette période j’ai une douleur vive à chaque fois que je bois quelques chose de trop froid mais sinon globalement je m’en suis bien tiré, faudra juste éviter la course à pied pendant quelques temps. Il m’a ramené une bière du troquet le plus proche pour trinquer une dernière fois avec moi vu qu’mes réserves ont pas fait long feu. Je lui rendrai, sûr, j’sais pas quand mais je lui rendrai.

Trois semaines au lit, c’est l’ultimatum. On plaisante pas avec les femmes, surtout quand elles vous battent au bras de fer. Je vais me faire dorloter sans ménagement en me concentrant sur l’écriture, je m’en tire pas si mal. Même que les mois qui vont suivre vont être les meilleurs d’ma vie, même qu’elle va arrêter de vouloir me forcer à repartir à l’aventure. Cet évènement nous a calmés, et si personne est remonté jusqu’à nous on a pas envie de le crier sous tous les toits cette fois-ci. Non, on est bien là, on fait une petite pause avant de s’envoler à nouveau. Et qui sait Tahy, p’tet bien qu’un jour Marisa, toi et moi on se retrouvera et qu’on fera un petit bout de chemin ensemble. Ouais, ça va être bien, on se donne allez, deux ans pour partir, et après promis je chercherai à reprendre des nouvelles. Deux ans ouais, t’auras sans doute des choses bien crasseuses à me raconter d’ici là.

Ce que j’sais pas encore, c’est que dans deux années tout aura changé. Le temps des loups et des ténèbres sera arrivé, et je serai en train de fuir pitoyablement sous un ciel voilé, la gueule dans la boue, laissant derrière moi une âme éteinte et une autre pas complètement terminée.
Ce que j’sais pas encore, c’est qu’il me reste plus que deux ans à vivre avant de basculer dans la crasse et l’obscurité. Alors je m’extasie comme je peux de ma clope fumée en cachette et je profite de la becquée qu’on m’octroie à chaque repas. Ouais, en y repensant à cette époque, la vie, elle était franchement chouette.
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