Les Avalons - Arc I : L'ascension sur North Blue. Retour au bercail. [Log I-4]Je ne sais pas vraiment où je me trouve. Peut-être dans une sorte de clairière, de champ. Une chose est sure, une grande tâche d'encre parsemée de blanc recouvre le ciel : c'est la nuit. Je me déplace, tel un spectre, à travers les épais branchages et les buissons, vers ce qui semble être une lumière. Une lumière d'une grande intensité, qui me guide vers elle, comme un phare. J'ai l'impression d'être un papillon de nuit, attiré par une lueur qui peut me brûler les ailes. Brûler ? Oui, ça sent d'ailleurs le brûlé. L'odeur du bois qui flambe, du sang qui s'évapore. L'odeur de la mort et du carnage, comme j'avais pu la sentir hier soir. Je m'approche, et commence à discerner des habitations. Trois bâtisses. J'ai un sentiment bizarre, l'impression de connaitre cet endroit. Mais pas de le connaître dans le sens d'y être déjà allé. Non, non, plus que ça, c'est le genre d'endroits où il s'est passé quelque chose de traumatisant. Une expérience difficile, une blessure de l'âme qui ne se referme jamais, et qui laisse une profonde balafre cicatrisée sur le coeur. Et quand bien même ce n'est pas quelque chose qui se voit, c'est quelque chose qui se sent, quelque chose qui ne s'oublie jamais. Quelque chose avec lequel on doit vivre, un fantôme de honte et de regret qui nous hante. Il s'est passé quelque chose comme ça ici. Il m'est arrivé quelque chose ici. Sur ma peau courent les frissons, me donnant la chair de poule. Mais qu'est-ce que c'est qui m'arrive ? J'ai comme l'estomac noué, le coeur qui veut s'en aller en courant a toutes jambes. Le corps qui tremble, et la sueur qui tombe à grosses gouttes de tout mon corps. Et ce froid intense qui m'envahit, me recouvre, me dévore... Est-ce que je suis malade ? Est-ce de la fièvre ? Et où suis-je ? Et pourquoi suis-je tout seul, abandonné ? Est-ce que... C'est ça...? La peur...?
Un grand et beau jeune homme passe devant moi. Sa silhouette est fine, élancée, pleine de grâce. Rien qu'à apercevoir son corps, je remarque qu'il a une classe et un charisme naturels. Ses vêtements, quoique basiques sont impeccables, et il les porte plutôt bien. Je me rapproche de lui, et examine son visage. Fin, beau, doux. De magnifiques yeux bleus, un sourire impeccable, et une superbe chevelure blonde qui se termine en trois nattes parfaitement tressées. Mais, je le reconnais ce jeune homme. Je le connais bien, très bien même. Parce que c'est moi. Mais qu'est-ce que c'est que ce délire ? Comment est-ce que je pourrais être là... Devant... Moi-même ? C'est insensé, improbable, incohérent, impossible... Et pourtant, ça semble si réel, si vrai. Ce type... C'est mon double en tout point. Ha, je comprends mieux pourquoi il est si beau, si grand, si parfait. Je sais maintenant à quoi je ressemble vu de l'extérieur, et c'est magnifique à voir, un véritable régal pour les yeux. Je tourne la tête vers moi. Oula, c'est bizarre à dire, ça, mais bon, c'est pas ma faute si c'est un peu ce qui se passe. Je m'apprête à ouvrir la bouche, mais mon "double" le fait avant moi, prenant la parole :
" Bonjour capitaine Lloyd. Ça va ?"
"Euh... Oui ça va... Et... Euh... Toi, capitaine Lloyd...?"
"Moi ? Je ne me suis jamais senti aussi bien. Je suis radieux, tout comme toi. Ma splendeur est tout simplement sans limites.", dit-il lentement. Il parle exactement comme moi. Inquiétant. Je ne dis mot. Il continue : "Et tu sais pourquoi ?"
"Qu'est-ce qu'il y a ?"
"En fait, si je me sens bien, c'est parce que j'ai tué quelqu'un. J'ai enfin assouvi ma soif de meurtres. Je suis rassasié.", laché-je. Lache t-il. Enfin, je ne sais plus. Cette situation est vraiment bizarre, et étrange.
Soudain, sa bouche s'ouvre en grand, laissant couler un véritable flot, un déluge, une cascade de sang. Ses yeux sont rouges comme des rubis. Je jette un coup d'oeil à ses mains : elles sont complètement tâchées d'écarlate, et tremblent. Je me rends alors compte que des cadavres appairassent autour de nous. Des cadavres, des cadavres et encore plus de cadavres. Toujours plus de cadavres. Et c'est toujours le corps de la même personne. Il s'agit de Westlake, dont le visage figé par la mort et défiguré par mes poings. Mais qu'est-ce que c'est que ce délire ? Qu'est-ce qui peut bien m'arriver ? Je suis le grand Lloyd Barrel... C'est dans ma tête tout ça ? Cette tête que je prends entre mes deux mains ?
"Et toi, t'es comme moi, "capitaine" Lloyd. Un meurtrier."
"Non... Non... Non... Je ne suis pas comme ça... Pas comme toi..."
"Je serai en toi pour toujours, Lloyd, à tes cotés. Je donnerai de l'élan à tes poings lorsqu'ils voudront à nouveau prendre la vie d'un homme."
"Non... Ta gueule... Ta gueule !"
"Tu as peur... Tu te chies dessus en fait... Tu serais jamais capable de recommencer une chose pareille, avoue-le."
"Si... Je me le suis promis à moi-même... Je ferai tout pour survivre... J'ai pas peur... Jamais..."
"Tu as peur... Peur... Peur... Peur ! PEUR !", hurle t-il avant de se jeter sur moi, les poings en avant.
Manshon. North Blue.
"Aaaaaaaaaaaaaaah !!!"
Je me réveille en sursaut, hurlant à la mort comme un chien qui pleurerait le décès de son maître. Complètement trempé de sueur, je suis sur d'avoir de la fièvre, et je tremblote dans mon lit. Où est-ce que je suis déjà ? Mon regard vide scrute la pièce, mes paupières lourdes difficilement ouvertes. Ouf, quel soulagement : je suis toujours à l'auberge. Tout ce qui s'est passé au domaine Westlake s'est terminé hier soir, et ce que je viens de vivre n'était qu'un cauchemar. Ce n'était qu'un mauvais rêve, oui. Mais pourquoi ça me hante comme ça, bordel ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à oublier tout ça ? Ma période de naïveté est terminée, et j'ai fais le choix de ne reculer devant rien désormais. Peut-être que mes craintes s'envoleront quand j'aurai plus tué. Je frissonne à cette idée. Je ne pourrai jamais prendre du plaisir, me sentir soulagé en tuant quelqu'un. Jamais.
Je m'assieds sur le lit. Le matelas grince et crachote un petit nuage de poussière. Cette chambre est vraiment miteuse, à la hauteur de l'établissement dans lequel elle se trouve. Je laisse s'échapper un soupir, blasé par cette abondance de crasse. Mais qu'est-ce que je fais ici ? Putain, j'avais tout sur mon île... Gloire, fortune, serviteurs... Et je me retrouve à écumer une mer inintéressante, accompagné par des monstres de foire, logeant dans des chambres de plus en plus minables. Bref, tombant chaque jour de Scylla en Charybde. Mais qu'est-ce que je raconte ? Putain, c'est que le début de mon aventure, de mon fabuleux destin. Bientôt les Avalons seront crains sur toutes les mers de ce globe, et quand nous aurons conquis le Nouveau Monde, plus personne ne sera en mesure de nous arrêter. Et le One Piece sera à moi.
Je m'habille, revêts mon manteau, sors de la chambre et descends les escaliers pour rejoindre la salle à manger de l'auberge. J'aperçois alors Kanbei, attablé, mangeant une sorte de purée immonde qu'on nous avait déjà servi la veille. Une vraie boue cette purée. Tellement terreuse qu'elle en avait été immangeable. Je me demande comment il peut avaler ça de bon matin. Je m'approche de lui, et me pose sur la banc à ses cotés.
"Salut, capitaine. Bien dormi ?", me lance t-il, se forçant a avaler la bouillie atroce.
"J'vois pas trop comment on peut bien dormir dans un établissement aussi minable... Et la bouffe est... Innommable."
"Fais gaffe à ce que tu dis sur la bouffe, toi."
"Me dis pas que tu as finalement accepté ce que la patron t'avais proposé hier soir ?! Me dis pas que t'es allé les aider en cuisine pour pas payer la chambre ?!"
"Si ! Et cette purée est un vrai délice !"
"Tu assumes ta purée ?"
"Complètement !"
"Dire que tu fais partie de mon équipage... Heureusement que t'es ingénieur et pas cuisinier..."
"Ta gueule... Bref, il nous reste un jour avant qu'on se retrouve avec les autres. Tu as prévu quoi maintenant que mes... "Ennuis" sont finis ?"
"Je ne relèverai même pas ce manque flagrant de respect envers ma splendide personne. Eh bien, je comptais peut-être retourner à Barrel Island. C'est juste à coté d'ici."
"Ton île natale ? Pourquoi faire ? Je croyais que ton père t'avais déshérité quand tu étais parti..."
"Oui, c'est bien ça. Mais on a besoin d'un bateau plus grand pour l'équipage, ma barque ne nous suffira pas éternellement, surtout vu qu'on est quatre maintenant. Et justement, j'en ai un là-bas, un superbe cotre. Je pense que ce serait bien pour les Avalons de le récupérer. Et puis, peut-être que je pourrais récupérer un peu d'argent aussi..."
... Et revoir ma famille aussi. Cela fait longtemps que je ne les ai plus vu. Je me demande s'ils vont bien...
"D'accord. C'est une bonne idée. Tu veux que je vienne avec toi ? Tu m'as aidé pas plus tard qu'hier... C'est à mon tour."
"Non, ne t'inquiète pas. C'est quelque chose que je dois faire seul."
"C'est comme tu veux. Tu pars maintenant ?"
"Ouais. Je mettrai surement la nuit à rentrer. On se retrouve demain avec les autres, pour le "vrai" départ des Avalons."
"Longue vie à nous !", dit Kanbei en portant son verre d'alcool à ses lèvres. Je l'imite.
"Aux Avalons."
"Aux Avalons."
Je me lève et quitte l'auberge, me dirigeant vers le port en faisant profil bas. C'est vrai que maintenant que je ma tête est mise à prix, même pour une somme injustement dérisoire, je me dois de faire un peu plus attention. J'arrive finalement à l'emplacement où ma petite barque mouille, monte à bord et commence à ramer vers Barrel Island. L'île ou je suis né. Où j'ai vécu tant de bons moments. Et où je ne suis plus retourné depuis bientôt plus d'un an. Comment vais-je y être accueilli ? Seul le futur me le dira...
Dernière édition par Lloyd Barrel le Lun 25 Mar 2013 - 20:05, édité 1 fois