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Rencontre en eaux troubles

Flou artistique...

Kanbei ramait depuis quelques heures. Ses bras l'élançaient de toutes parts. Mais il savait exactement où elles se dirigeaient. Ses rames. Le navire n'était plus très loin. Le doux clapotis de l'eau et l'air frais le faisaient presque trembler mais il en avait vu de plus dures. Oui. Les nuits de North Blue étaient des nuits sans fin. Il ne voyait aucune activité sur le navire. Mélancolie quand tu nous tiens... Une larme avait failli rouler sur sa joue mais il l'avait tuée dans l'oeuf.

Les gréements de l'appareil venaient de se dessiner, émergeant par magie d'un halo brumeux. La nuit allait être longue. Très longue. Ses bras puissants continuaient de ramer encore et encore. Son souffle laissait naitre une tendre buée qui se perdait dans l'air, témoin du froid impitoyable.

Et les rames avançaient sans un bruit.

Si longtemps. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas pu revenir sur cet appareil. Tout cela lui manquait. Toute l'ambiance lui manquait. Et maintenant il était de retour. Cela risquait de lui faire un choc mais pas grave... Il allait de l'avant. La coque n'était plus qu'à quelques mètres. Il y était enfin. Le nom apparaissait en lettres pâles sur la proue. Le Galahad. Navire des Avalons. La dernière surprise de leur capitaine. Il leur avait ramené ce navire après un passage sur l'île familiale et le bâtiment ne les avait pas quitté. Kanbei en revanche si... Mais il allait se rattraper. Se hissant sur le pont avec une corde, il descendit dans les entrailles du navire, ancien sanctuaire du second.
Le cadre était plutôt joli. Les boiseries de la cale du Galahad rendaient une atmosphère des plus étranges. Les sons paraissaient creux et les voix claires. Un environnement des plus oniriques du navire s'il en était.

Ses mains frôlaient la surface de ce qui avait été le bâtiment sur lequel il officiait en tant que second. Il voulait revenir. Il ne restait plus qu'à aller voir Lloyd et tout lui dire. La bougie qu'il venait d'allumer conférait à la pièce un aspect oppressant. Un peu flippant pour les gens normaux. Heureusement pour lui, le Khan n'était pas quelqu'un de normal. Cet endroit n'était autre que son repaire. Et il lui paraissait désormais tellement vide. Ses affaires avaient disparu. Il n'avait plus sa place ici. Non... Il ne savait plus quoi y faire. Pourquoi y revenir? Il n'en savait rien. L'envie l'avait pris tout entier et il avait ramé comme un fou. Fou oui. Il savait qu'une partie de lui serait toujours vue comme folle. Il n'y pourrait jamais rien.

Un bruit derrière lui.
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Rencontre en eaux troubles. [Antélog]


La nuit est d'un calme oppressant, si angoissant que même moi, le grand Lloyd Barrel, j'ai du mal à fermer l’œil. Malgré mon imposante majesté et ma force extraordinaire, je n'ai pas de ridicule sixième sens comme tous ces héros d'histoires stéréotypées qui pourrait m'affirmer que cette nuit en particulier, il va se passer quelque chose. Mais ce soir, impossible de dormir. Je quitte ma cabine (la plus belle du navire, naturellement, pour seoir à ma grandeur et à ma prestance) et me dirige vers le pont. Je monte ensuite sur la fière figure de proue du Galahad, et y reste immobile pendant quelques minutes, à contempler une inintéressante mer d'huile. Rien à faire. Je ne me souviens pas de l'idiot qui m'avait dit que c'était agréable et relaxant de se poser là et d'observer la mer... Ah, si... C'était Kanbei.

Kanbei Wanajima. Un ingénieur de vingt-deux ans qui habitait à Tanuki, lorsque je l'avais rencontré. Au début, c'était qu'un abruti normal qui ne me respectait pas. Mais il s'était vite révélé être plus que ça, se laissant dominer par des pulsions meurtrières et psychopathes provenant d'une histoire personnelle assez tourmentée. En fait, il était carrément devenu petit à petit un fou dangereux. Oui... Un fou dangereux, mais un fou qui était devenu mon ami, à moi, le grand Lloyd Barrel, bien que cela semble incroyable. On avait eu une dette l'un envers l'autre, on s'était entraidés, et surtout, on avait monté un équipage ensemble. Même si je suis quelqu'un d'exceptionnel, de fabuleux, de grandiose, je ne peux pas constituer un équipage tout seul. Et Kanbei Wanajima m'avait épaulé pour fonder mon empire. Il avait même dit qu'il me seconderait jusqu'à ce qu'on atteigne Rough Tell et que je récupère le One Piece qui me revient de droit. Et puis il m'avait trahi.

Je serre les poings et les dents. Bordel, Kanbei. Pourquoi t'es-tu barré comme ça de la prison ? Pourquoi, comme ça, d'un coup, tu as perdu les pédales et tu t'es enfui, après t'être intercalé entre Yskino et moi ? Il y a bon nombre de choses que je ne comprends pas, malgré mon intelligence supérieure. J'ai des questions plein la tête et j'ai besoin d'explications. Mais je suis sûr que ce n'est pas ça qui m'empêche de dormir. Je suis au dessus de tout ça, moi, le grand Lloyd Barrel. Kanbei n'était qu'un larbin. Il m'a bien servi, mais il a fait son temps. Je n'ai plus besoin de lui, plus besoin de son amitié. Je n'ai pas besoin d'amis. Et pourtant... Je décide de retourner me coucher. Il faut tout de même que j'essaie de me reposer, au moins un peu. Sinon, si je ne suis pas là pour les recadrer, mes serviteurs vont encore faire n'importe quoi. Je passe devant la porte de la cabine qu'occupait Kanbei, et ne peux m'empêcher d'être un peu nostalgique. Je suis arraché de mes souvenirs lorsque je me rends compte que la porte est ouverte. Je rentre dans la pièce et aperçois une grande silhouette blonde, que je reconnaîtrais entre mille.

"Kanbei...", murmuré-je.
"Lloyd...", m'imite t-il presque en même temps. Je serre les poings à m'en faire mal aux mains.
"Comment tu nous as retrouvé ? Et qu'est-ce que tu fous là ? Tu oses reposer un pied sur ce navire après nous avoir lâchement abandonné à Inu Town ?", lâché-je férocement. Le départ de Kanbei m'a fait beaucoup de mal, c'est vrai, mais je suis toujours le grand Lloyd Barrel, capitaine des Avalons, et je dois agir en tant que tel. Je ne tolère pas la mutinerie et la trahison, et je compte le faire comprendre à mon ex-second, qui ne dit pas un mot. Je me retourne et, par dessus mon épaule, lui lance :

"Je veux des explications, bordel ! Viens sur le pont, on sera plus à l'aise pour "discuter". J'espère que tu auras au moins le courage de m'y rejoindre."

Et je pars. Je monte les quelques marches en bois qui me séparent de l'air libre. Une fois arrivé tout en haut, j'inspire une grande bouffée d'air pur et l'expire lentement. Kanbei... J'espère que tu as une bonne excuse pour justifier tes actes. Parce que moi, l'exceptionnel Lloyd Barrel, je ne pourrai pas te pardonner si aisément d'avoir humilié ma fabuleuse personne de la sorte...
    Le doux roulis du navire et les grincements du bois sont apaisants. Et pourtant... Il est tendu. Si tendu. Cette voix. Ce timbre. Il aurait cru ne plus jamais l'entendre. Sa poitrine entière s'est soulevée au son de ses mots. Chacune des syllabes s'est incrustée en lui. Il frissonne comme face au blizzard. Mais il n'a pas froid. Il est juste ému. Lloyd. Son capitaine. Enfin... Ex-capitaine. Celui qui lui a permis d'essayer de réaliser son rêve. Son ami... Son seul ami. Et voilà qu'il se met à lui parler. Ses lèvres lâchent son prénom et les siennes ripostent dans un souffle de crainte. Il a peur. Oui. Pas de l'imbuvable Lloyd Barrel, fils d'un richissime propriétaire terrien et personnage hautain et ô combien insupportable. Il a peur de ce qui va se passer. De ce qu'ils vont se dire.

    Ses mains tremblent tout comme ses lèvres. Son capitaine est là. Face à lui. Poings serrés. Le taux d'hormones masculines dans la pièce vient d'atteindre son seuil critique. Tout peut se produire. Même un combat de catch dans la boue sans boue. Mais pour le moment non. Ils se dévisagent, s'observent. Et le Barrel rompt le silence. Des mots qui sonnent comme des coups dans l'esprit de Kanbei. Sa colère monte. Ses veines saillissent sur son cou. Ses pupilles se dilatent. Sa machoire se crispe. Mais il ne dit rien. Non. Il doit contenir toutes ses émotions. Les enfouir au fond de lui comme les monstres marins au fond des abysses. Son visage ne laisse échapper nulle émotion, nulle sensation. Il est le Khan. Et il réfléchit à une stratégie. A un plan.

    Il s'était laissé à penser des milliers de fois à cette situation. Et pourtant il ne trouve pas ses mots. Tout son lexique se perd dans son abîme neuronal. Il n'est plus qu'une gelée crânienne. Un pudding bien crémeux. Et pourtant il garde sa contenance. Hmmm. Succulent. Son sang circule de manière pulsée. De plus en plus vite. Il veut parler. Il faut qu'il y arrive. Et puis ce n'est pas si difficile. Il n'a qu'à se justifier. Mais ici... Dans ce qui était son antre... Il n'y arrive pas. Tout son environnement se retourne contre lui. Les grincements boisés se font oppressants. Le clapotis de l'eau ne cesse de résonner dans sa tête comme un tempo mal battu. Il n'arrive déjà plus à se contenir. Ses mains se ferment et se rouvrent en cadence. Il retient les larmes qui montent comme des geysers dans son canal lacrymal. Il ne doit pas perdre la face.
    Il n'a pas le droit de perdre la face.
    Certes il avait rencontré de graves problèmes mais il ne pouvait absolument pas se permettre de moments de faiblesse. Même ici. Là où tout pouvait déraper en un instant. Son corps est raide. Ses muscles bandés. Il est prêt à tout. Et voilà que son ancien capitaine frappe de nouveau. Là où ça fait mal. Il réclame des explications. Kanbei se doit de lui en donner. Il est venu pour ça. La colère de son ami est palpable. On pourrait presque la sentir enrober chaque pan de la pièce. Et c'est pourquoi ce dernier lui propose de monter sur le pont. De l'air. Oui.

    Chaque brin d'air est une délivrance. Il revit. Ce qu'il va se passer est dur à vivre et il est prêt à l'affronter. Il a attendu ce moment depuis une éternité. L'occasion de s'expliquer. Il ne la laissera pas passer. Non. Ca jamais. Sa voix tremble mais il parle.
    "Je suis venu pour m'excuser quant à ce que j'ai fait."
    Trahir son équipage. Jamais il n'eut fait chose plus horrible en pleine possession de ses moyens et pourtant... Il veut nettoyer tout ça. Réparer ses erreurs. Mais son capitaine garde une mine renfrognée et déformée par la colère et l'incompréhension. Il n'a pas l'air de comprendre. Il faut qu'il le lui explique pourtant.
    "Il fallait que je parte. Que je parvienne à accepter mon passé. Est-ce que c'est trop demander?"

    Chacun de ses mots est soigneusement emballé, pesé. Il ne laisse rien au hasard. Il veut juste faire ça simplement. S'expliquer et voir ensuite. Et quelque chose lui dit que cela risque de ne pas se passer comme prévu. Il s'attend à une réponse cinglante mais préfère couper court à toute tentative de Lloyd.
    "Tu veux essayer de me châtier pour ça?"
    Huit mots. Huit putain de mots qui risquent de faire basculer cette rencontre à tout jamais. Kanbei est sûr de lui. Il ne veut pas passer pour un faible. Il n'est PLUS faible. Il est le Khan.

    Et sur le pont, le vent souffle.
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    "Tu veux essayer de me châtier pour ça ?", prononce Kanbei pour seule réponse. Tu voulais t'excuser ? M'expliquer ? A quoi bon si tu le prends comme ça ? Les ténèbres de la nuit se déforment. Ces instants d'attente et de tension entre nous semblent durer une éternité, tandis que les vagues frappent inlassablement la coque du navire qui accélère de plus en plus. Mais vers où ? Sa vitesse s'accroît au fur et à mesure que les battements de nos cœurs s'intensifient et que nos gouttes de sueur et nos larmes tombent sur les planches du pont et résonnent comme si elles frappaient des gongs. Tout ceci doit cesser. Un fantôme de mon père apparaît brièvement derrière Kanbei, à mes yeux. Cette vision délirante, cauchemardesque même, me rappelle la promesse que je lui avait fait, et que je m'avais fait également : je ne serai plus jamais abattu par quoi que ce soit. Je suis le grand Lloyd Barrel, je ne peux pas agir comme un faible. Je dois donner tout ce que j'ai, si je veux un jour pouvoir accomplir ce que mon incroyable destin me réserve ! Et surtout... Je ne dois plus regretter et aller de l'avant. On dit que qui aime bien châtie bien, hein Kanbei ? Tu es et a été mon seul ami. Je ne pourrai pas te châtier. Et je ne peux pas non plus te demander de me pardonner pour ce que je m'apprête à faire. Le grand Lloyd Barrel ne s'excuse plus.

    Mes yeux s'injectent de sang. Mes muscles se contractent. Un cri retentit alors que mon poing part, imbibé de force, en direction de la face de Kanbei. Où est le reste de l'équipage ? Comment peuvent ils encore dormir avec tout ce bruit et cette atmosphère qui trempe l'air ? Je ne sais pas. Et je n'en ai rien à faire pour le moment. Mon poing est arrêté in extremis par mon ex-second, qui le dévie du bras. Mais le coup est si appuyé qu'il le fait tout de même reculer. Rien ne pourra effacer ce que l'on a vécu, mon ancien ami. Tout ce que je peux encore faire pour toi, c'est t'honorer en ne retenant aucune frappe.

    "Le grand Lloyd Barrel n'essaie pas Kanbei, tu devrais le savoir... Il fait et réussit !", hurlé-je. Je réitère mes assauts, encore et encore, au rythme des vagues que la carène du navire fend, et qui se font maintenant entendre comme des tambours. Les phrases fusent au même rythme que la sueur et des larmes que je ne peux refréner.

    "Je voulais pas que ça se passe comme ça, bordel !"

    Encore un coup. Je suis clairement sur une offensive bâtie sur la haine et la peine.

    "Tu dis que tu veux accepter ton passé ?! Mais merde, on l'a fait à Tanuki ! J'ai buté un homme pour ça ! Je me suis souillé pour rien, c'est ça que tu veux dire ?"

    ... Frappe. Frappe au visage. Uppercut. Balayage. Il ramasse. Il a du mal à me contenir et encaisse de moins en moins bien. Et je prends aussi un coup, d'une riposte. Il est fort. Il tape lourd. Mais j'ai plus mal dans mon cœur qu'ailleurs, même si cela me fait grincer des dents de l'avouer. Je suis le grand Lloyd Barrel, pourquoi est-ce que je ressens tout ça ?

    "Tu t'excuses ? Tu t'excuses ?! Tu t'excuses ! Mais je peux pas oublier ! Rien me ramènera mon honneur ! Rien me ramènera mon ami ! Tu t'es barré comme ça, alors que pour la première fois de ma vie j'avais confiance en quelqu'un ! TU M'AS TRAHI, PUTAIN !"

    La même rage que lorsque j'avais fait la peau à Westlake et quand j'avais menacé Yskino m'envahit. La rage qui donne la force de prendre la vie d'un homme. Mais lui c'est mon ami... Je peux pas faire ça ! Ma volonté, que je croyais inébranlable, invincible, infinie... Elle se révèle moins forte que ma colère et ma tristesse alliées.

    Ce soir... En cette nuit délirante et oppressante, alors que l'eau semble maintenant se faire entendre comme des coups de feu ou des tirs de canon, le grand Lloyd Barrel... S'abaisse à essayer de tuer son premier et seul ami. Et de tout mon être, pour la première fois de ma vie, j'espère... Échouer...

      La mer gronde et les ténèbres se font plus épaisses. Ils sont plongés dans le noir. Dans l'écume de leurs entrailles. Ils ne sont plus des hommes mais des bêtes. Des bêtes déchaînées l'une sur l'autre comme pour se jauger. Des rugissements de fauves se propagent dans l'atmosphère. Le tonnerre gronde dans chacun de leurs coups. Leur fureur est sans pareille. Jamais le Khan n'avait frappé de la sorte. Le pont tremble sous leur colère.  Il se tord dans un grondement barbare. Ses mains sont lourdes. Il cogne fort. Terriblement fort. Jamais il n'aurait cru aller si loin. Il avait fait tant de chemin depuis le jour où l'homme en face de lui avait craché sur son travail. Il n'était plus le même. Il était moins faible. Oui. Bien moins faible. Les coups de Lloyd le font certes chanceler mais il ne plie pas. Il est le Khan. Et dans chaque regard qu'il porte à son adversaire, il revoit son passé. Ses parents. Ludmilla. La famille Westlake. Lloyd. L'équipage. Son oncle. Il les voit tous chacun leur tour. Des âmes en peine. Ils ont pitié de lui. Qui sont-ils pour le juger? Ils n'ont aucun droit sur son esprit.

      Et les larmes perlent à torrent sur son visage déformé par la colère. Il n'est pas châtié. Chacun de ces coups le libère peu à peu de ces esprits. Le soulage. Et au fond de lui... Il sait. Il sait que son ami va lui pardonner. Mais pas encore. Il faut aller au bout de ce qu'ils ont commencé. Et Kanbei commence à frapper. Le sang coule déjà sur son corps. Il n'est pas trop tard pour montrer ô combien il a changé. Ses mains battent la cadence sur le poitrail de son adversaire à un rythme démoniaque. Il est le Khan.

      Et un cri de rage déchire le battement de tambours généré par la lourde pluie qui tombe sur eux comme une chape de plomb. Le clapotis de l'eau s'est transformé en hurlement des profondeurs. Leur univers se meut. Et tout se met à tourner. Pourtant, ils sont seuls... Deux esprits acharnés au milieu du tourment des limbes. Ils y sont. Les limbes. Mais il n'a pas peur. Son esprit est rompu. Son corps est roc. Il est le Khan.
      ...
      Il a peur. Une peur à s'en geler les entrailles. Il veut être pardonné. L'air est chaud. Irrespirable. Et son ami frappe comme une giboulée de grêle. Et il riposte. Chaque coup est rendu. C'est à celui qui lâchera le premier. Les souffles sont courts, les regards se croisent et personne ne cille. Et Lloyd crache d'autres frappes. Orales cette fois. Brutales. Décisives? Chaque lettre marque la poitrine du Wanajima au fer. Ces mots sont indélébiles. Ils sont une malédiction pour lui. Il a trahi. TRAITRE. Quelque chose qu'il n'oubliera jamais. Qui restera gravé toute sa vie et au-delà. Et ses coups se font plus faibles. Ses blocages moins précis. Il est un traître. Jamais il ne l'oubliera. Sa gorge se serre. Il pose un genou à terre.
      "Je... Je m'excuse. Je... Je veux revenir."
      Ses poings se resserrent. Il ne doit pas échouer. Il n'en a pas le droit. S'il échoue, sa vie ne suffira pas à racheter le salut de son âme. Il ne faut pas qu'il faiblisse. Et il frappe. Dans un élan bestial. Une droite à faire pâlir les plus grands cogneurs. Une droite pleine de colère et d'amertume. Il ne peut pas perdre. Il est le Khan.

      Et sur le pont, le sang coule.
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      Mes poings se resserrent. Je ne dois pas échouer. Je n'en ai pas le droit. Si j'échoue, je perdrai toute raison d'être. Il ne faut pas que je faiblisse. Et je frappe. Dans un élan bestial. Une gauche à faire pâlir les plus grands cogneurs. Une gauche pleine de colère et d'amertume. Je ne peux pas perdre. Je suis le grand Lloyd Barrel.

      Nos poings se brisent l'un sur l'autre, dans un contact des plus parfaits et dans un bruit de grondement de tonnerre. Os contre os, phalanges contre phalanges, volonté contre volonté. Et ça craque, des deux côtés. Ma frappe, pourtant capable de découper l'acier net, est repoussée par Kanbei. Mais non sans sacrifice de sa main droite. Et ça pisse le sang, des deux côtés. Je dois bien avoir deux ou trois métacarpes d'explosés, et ça fait mal. Mais toujours moins qu'à l'intérieur. Je serre fort mon poing gauche, pour le garder chaud : le combat n'est pas encore terminé et doit continuer, jusqu'à la toute fin. Le temps des panses et des plâtres viendra après. Je reste concentré mais... Bordel... Depuis quand est-il devenu si fort ? Pourquoi est-ce que malgré ma magnificence, je n'arrive pas à le submerger, à prendre le dessus ? Est-ce que je suis si faible que ça ? Non, tout ceci n'est que mensonges. Je suis le grand Lloyd Barrel. Je suis invincible. Je laisse mon bras gauche ballant le long du corps, et continue à l'attaquer du bras droit. Mais j'ai arrêté de le frapper. Maintenant, je cogne de tout mon poids et de toute ma rage alimentée par la tristesse la douleur, et le désarroi.

      La foudre tonne au rythme de nos attaques qui ne cessent de se compenser, nous blessant tous les deux un peu plus à chaque impact. La douleur physique enfle, gonfle, grossit de plus en plus. Mon corps est de plus en plus difficile à diriger, et malgré les nombreux grondements d'orage, il fait de plus en plus noir. Comme une masse grouillante de tentacules, les ténèbres me recouvrent peu à peu, elles voilent mon regard comme si j'allais m'évanouir. Seule l'image de mon ex-second et ami ne m'apparaît pas floue. Mes membres sont tout engourdis, ankylosés, comme transis de l'intérieur. J'aimerais de tout cœur que cet affrontement stérile s'arrête, et que la vie reprenne son cours. J'aimerais tellement pardonner à Kanbei et qu'il revienne m'épauler pour que notre équipage passe Reverse Mountain et atteigne Grandline. Mais je ne peux pas : c'est quelque chose de plus fort que moi, qui vient du plus profond de mes tripes et de mon cœur. Un mélange exagéré de la tristesse et de l'amour que j'ai éprouvé pour Erina et de la rage que j'ai eu envers Westlake. Il faut que je mette un terme à ce combat, avant qu'il ne me brise. Moi, le grand Lloyd Barrel, commence à approcher de ma limite. Et je ne suis pas fait, dans ma suprême essence même, pour atteindre mon maximum. Il est infini. Je suis le grand Lloyd Barrel. Je ne perds pas. Je tuerai Kanbei de ces mains déjà pleines de sang.

      Je lui porte un coup de pied dans les côtes, qui lui en brise sûrement une ou deux. Profitant de son temps de récupération, je me jette sur lui, concentre toutes mes forces dans mon poing droit, et vise sa tête. M'étant rapproché au plus proche des contacts, je ne peux pas esquiver son coup de coude bien placé qui me détruit mon beau nez. Au moment ou nous frappons, la lune se teinte de rouge, les éclairs tombent, et l'eau bouillonne. Les planches du pont se craquellent. Nos visages aussi.

      "C'est fini Kanbei ! Fini ! Tout est fini ! Tout est mort ! C'est terminé !", hurlé-je en puisant dans mes dernières forces, attrapant de ma seule main valide le morceau de cartilage sanguinolent qu'il reste de mon nez. Kanbei titube en reculant, la face écrabouillée par le coup le plus féroce que j'ai jamais porté. Il se heurte au bastingage, chancelle, et tombe dans les eaux hurlantes. Je parviens à rester quelques instants après débout, puis je m'effondre au sol, blessé dans tout mon corps et dans toute mon âme. Je sens mon sang qui s'en va et descend sans arrêt et sans pitié. Mon regard devient écarlate, puis noir, puis tout blanc. Je ne bouge presque plus. Est-ce la fin du voyage pour le grand Lloyd Barrel ? Je parviens à me retourner sur le ventre. Je crache de l'hémoglobine. Je vomis. J'ai mal. Mais je suis toujours en vie. J'ai gagné. Et les eaux se déchaînent. Un tourbillon se forme. La foudre frappe le pont du navire, dont le bois s'envole et tournoie autour de mon corps quasi inerte. Les voiles se déchirent et leurs lambeaux s'enflamment sous la pluie battante, tandis que le ciel s'obscurcit de seconde en seconde. Je lévite au dessus du maelstrom qui vient de se former.

      Et c'est la chute. Et c'est la fin. Le vortex aspire ma vie. Il suce mon âme et la vide de tout sentiment et de tout ressenti, physique comme moral, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien que les ténèbres. Ma lueur s'éteint. C'est la fin pour le grand Lloyd Barrel.

      Il parait qu'on ne peut pas rêver de sa propre mort. Au moment ou mon corps sans vie effleure l'eau, je me réveille paniqué, haletant, en sueur, dans mon lit à bord du Galahad. Je tourne la tête partout autour de moi, mon cœur battant si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va l'exploser et en sortir. Il fait nuit noire. Seule une bougie est allumée à côté de moi, il n'y a aucune trace de Kanbei. Je sors de mon lit, faisant craquer les planches sous mes pas. Mes draps sont trempés, et le sol de ma cabine également, la faute à la fenêtre de ma cabine qui s'est ouverte pendant que je dormais. Dehors, l'orage fait rage. Je frotte ma main gauche et mon nez : ils n'ont rien. Tout ceci n'était qu'un affreux cauchemar. Un cauchemar délirant et dans lequel je suis mort.

      Il parait que lorsqu'on rêve de sa propre mort, c'est parce qu'on est en train d'accomplir une transformation intérieure, une évolution, que l'on passe à autre chose, une nouvelle étape dans notre vie.
      Il parait que le rêve d'une noyade est le signe du sentiment d'abandon, d'impuissance devant des difficultés. Cette nuit, dans le royaume onirique, j'ai perdu, moi, le grand Lloyd Barrel. Je me suis senti mourir, impuissant, par un ami qui m'a abandonné. J'ai failli. Mais cela n'arrivera jamais plus.
      Je ne serai plus abandonné : je trancherai mes liens d'amitié avant de l'être.
      Je ne serai plus impuissant : je ferai ce qui doit être fait pour ne plus jamais perdre.

      "Je te retrouverai Kanbei... J'en fais le serment sur mon nom, Lloyd Barrel, et sur mon honneur et ma majesté. Et le jour où je te retrouverai...", commencé-je sans finir ma phrase. Oui. Le jour où je te retrouverai, Kanbei, les cauchemars deviendront réalité. Ce cauchemar. Mais je triompherai. Je te tuerai, Kanbei, j'en aurai la force... Parce que tu a été mon seul et premier ami...