3 ans plus tôt, sur une île pômée...
Parfois, les poches se font vides. Peut-être est-ce pour forcer les gens à faire quelque chose de leur vie, ou serait-ce pour plonger dans le désarroi les pauvres affamés? Bien que pour le moment son ventre soit plein, il était évident qu'un jour cet estomac redeviendra ce qu'il était : un trou béant. La flemmardise ne peut avoir sa place dans un monde comme celui-ci, et elle n'avait aucun endroit où revenir. Quel est le moyen le plus simple de remédier à ce problème? Se trouver une cible. C'était pourquoi la jeune femme pénétrait à présent dans ce bar délabré. Cette pièce était aussi remplie que la ville entière, un seul vieillard était accoudé au comptoir. Les meubles brisés et poussiéreux gisaient sur le sol, diverses tâches décoraient les murs, tandis que le barman nettoyait ses verres à l'aide d'un chiffon sale. Les deux regards se tournèrent vers la nouvelle venue avant de se plonger l'un dans l'autre, sceptiques. Ces hommes n'avaient plus l'habitude de voir du monde, encore moi devant le panneau d'affichage presque vide. Seul deux avis de recherche y étaient accrochés, les autres ayant brulés la nuit précédente. Devant ce choix, l'orientale resta immobile un moment, laissant ses yeux violets dériver d'un papier à l'autre. Il n'y eut pas vraiment d'hésitation, la prime la plus basse faisait l'affaire, il s'agissait de plus d'un homme poisson, une drôle de bête. Pour elle, il était inutile de prendre un risque trop grand, de plus sa force restait un mystère pour son esprit, la surestimer serait une erreur. Voyant la main de l'étrangère arracher la feuille, le propriétaire s'approcha. Le parquet grinça sous ses pas lourds, attirant ainsi l'attention d'Adrija.
" - C'est eux q'ont dét'uit not' ville... "
Levant la tête vers le visage de son interlocuteur, elle remarqua alors plusieurs cicatrices récentes. N'ouvrant pas la bouche pour autant, sa tête s'actionna pour lui faire comprendre son rôle. Ce nouvel informateur soupira. Ce n'était sans doute pas cette belle demoiselle qui irait tuer tous les pirates, mais il avait appris que les apparences étaient trompeuses. Et puis, après tout, ce n'était pas à lui de l'empêcher de s'attaquer à plus fort. Sa voix grave ponctuée par un étrange accent s'éleva de nouveau, attirant l'intérêt du vieux marin bossu.
" - Y s'planquent pas t'ès loin... Dans l'g'ange du vieux Tod'. D'un signe de tête il désigna l'autre être vivant de ce lieu. Y s'sont installés c'matin pou' pa'ler, s'vous voulez j'vous indiqu'... "
Toujours silencieuse, la jeune femme répondit pourtant positivement à cette proposition. Au moins, elle n'aura pas à chercher bien loin. L'homme commença alors à baragouiner encore et encore, à en croire que ce bâtiment se situait à 500 kilomètres! Retenant tant bien que mal les différentes directions qu'elle devait prendre, notre amie fut bien rapidement déçue par une remarque du seul client. Le jeune racontait n'importe quoi, et l'envoyait à l'autre bout de la ville! Il lui suffisait de remonter l'allée principale et de rentrer dans le premier bâtiment où il y avait de la discutions. Les pirates ne s'étaient pas cassés la tête à trouver un endroit caché, estimant que l'état du village suffirait à faire fuir. Heureusement, ils avaient tord. Reposant son baluchon sur son épaule, et remerciant vaguement son second informateur, la chasseuse partit sur les traces de sa proie. En l'espace de cinq minutes seulement, elle découvrit le bon établissement. Un brouhaha était perceptible depuis l'entrée, laissant deviner qu'un certain nombre de personne y discutaient vivement.
Durant une dizaine de minutes, la jeune femme resta plantée devant la porte, se demandant comment s'y introduire sans se faire remarquer. Diverses suggestions ou hypothèses trottaient dans son esprit, se battant pour être celle choisie. Les pours et les contres se listaient petit à petit pour déterminer enfin la bonne solution. Il lui fallait tout d'abord trouver une fenêtre pour dénombrer les pirates. Ensuite, elle devra repérer sa cible et trouver un moyen de l'isoler pour éviter des combats qui la mettrait en mauvaise posture. Enfin, son but pourra être atteins si la surprise joue son rôle de déstabilisateur. Reculant alors de quelques pas pour observer la bâtisse, Adrija repéra une ouverture idéale: pas vraiment difficile à atteindre silencieusement, assez élevée pour faire passer inaperçue l'espionne improvisée.
Pourtant, ce fut à son tour d'être étonnée... Peut-être aurait-elle dû écouter un peu plus attentivement ce qui se disait à l'intérieur car, avant que ses jambes ne puisse l'orienter vers les caisses adjacentes, la porte s'ouvrit. Un petit homme, qui sortait pour aller faire le plein de boisson, se tenait à présent devant elle, les yeux écarquillés. L'orientale, tout aussi déstabilisée ne put que contempler les quelques pirates visibles. Bon d'accord, la discrétion ne pouvait plus vraiment servir, et le fait de s'enfuir ne lui plaisait pas... Mais son geste premier fut totalement stupide. Apercevant un bout de peau jaune munie de branchies dépassant d'un vêtement, une sorte d'impulsion l'emporta. Profitant que le nain restait bouche bée devant l'étrangère, un pivot rapide lui permit de l'éliminer. Le corps bascula alors vers l'intérieur, servant à présent de paillasson. Sa nouvelle utilité fut immédiatement constatée alors que la jeune femme se précipita à l'intérieur. Tout en cirant idiotement " Je te tiens homme poisson! ", sa lame se dirigeait déjà vers ce qui semblait être sa cible. Cependant, un nouveau détail lui sauta aux yeux parallèlement: il n'était pas le seul gars avec une teinte dorée... Prise par une hésitation soudaine, ses enjambées diminuèrent sans stopper pour autant son attaque. Alors que l'orientale se demandait lequel était sa cible, son sabre adoré percuta quelque chose de résistant.