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[FB - Duo] Entre comédiennes



INFORMATIONS HORS RPS


Rappel des couleurs des dialogues

Aoi D. Nakajima, Capitaine. Darkred
Le sous-directeur. Olive
Gabriel, le metteur en scène. Purple

©odage by Hathor



Dernière édition par Aoi D. Nakajima le Jeu 6 Fév 2014 - 13:41, édité 3 fois
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Situé sur la place de l'obélisque, le théâtre "Garnier" est un bâtiment éclectique pouvant contenir plus de 500 spectateurs. Le directeur est ouvert à toutes sortes de pièces théâtrales du moment qu'elles sont destinées à un public sérieux. Généralement, les clients sont plus des bourgeois aisés à défaut d'être des nobles. On trouve évidemment beaucoup de personnes de la classe moyenne également.

Aoi aime bien passer du temps dans ce bâtiment quand elle ne trouve rien à faire en mer. Elle connait le dirigeant presque personnellement. Aoi n'est pas une comédienne comme la plupart des salariés présents. En effet, elle n'est pas ponctuelle. Elle aide plus souvent à réaliser des œuvres importantes qui demandent une figure connue comme Aoi pour le rôle principal. Et cela fait depuis le début de la semaine qu'Aoi et ses collègues du moment répètent rigoureusement leurs jeux. Le spectacle est pour le Week End, non pas qui vient, mais pour le suivant. Et il se trouve qu'il manque encore une actrice pour tenir un rôle secondaire, mais important.

L'équipe est dans la salle des représentations. Aoi est seule sur scène. Elle prend beaucoup à cœur son rôle. Le reste de ses camarades sont assis sur les sièges en velours du premier rang et l'observe. Aoi imagine une jeune adolescente face à elle. Elle parle alors dans le vide, laissant aux autres toute l'imagination de croire à la scène. C'est la dernière tirade. Les gens applaudissent. Ce n'est pas la pièce entière qui est terminée, mais juste le passage qu'Aoi a révisé. Elle descend de l'estrade. Elle remercie ses collègues tout en cherchant ses clopes.

Rah! Où sont ces maudites cigarettes?

Après quelques secondes, elle parvient à les trouver. Elle boit un coup, puis salue l'assemblée en disant qu'elle revient. Elle s'accorde une pause, car elle a travaillé déjà toute la matinée. Elle met son fume-cigarette à la bouche et commence à partir. La porte en face d'elle s'ouvre alors, laissant apparaître deux personnes. Un monsieur en costume accompagne une jeune adolescente. Il semble à la fois surpris et content de tomber sur Aoi.

Ah, vous tombez bien, madame Nakajima. J'arrive au bon moment.
Monsieur le sous-directeur. Un problème?
Non, non. Du tout. On a enfin trouvé une personne pour le rôle de votre fille. Je vous présente... Il se retourne près de l'adolescente. Hm, j'ai déjà perdu votre nom, mademoiselle.

Il pivote ensuite pour être face à Aoi.

Je vous laisse la briefer. Je suis désolé, mais je dois vous laisser.

Aoi aurait voulu être seule pour sa pause et que le sous-directeur parle un peu plus. Mais tant pis. Elle fait avec. Elle demande à la jeune fille de l'accompagner. Elles se dirigent alors vers le bistrot d'à côté pour boire un verre. Dans une demi-heure, il faudra qu'elles retournent au théâtre.

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D'après les testaments de la Reine des Masques, dit Hathor.
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Dernière édition par Aoi D. Nakajima le Jeu 6 Fév 2014 - 10:50, édité 2 fois
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Elie avait tout sauf envie de se retrouver coincée avec l’interprète du rôle-titre de la pièce pour laquelle elle venait d’être engagée. Non pas que la dame ait eu l’air hautain ou quoi que ce soit du genre, non ; mais c’était un peu embarrassant de se retrouver en tête-à-tête avec quelqu’un qu’on ne connait que de réputation et avec qui on a été présentée seulement cinq brèves minutes. Elle aurait largement préféré manger avec le reste de la troupe –certes, elle aurait été au centre de toutes les attentions durant quelques minutes mais ça en serait resté là. Elle redoutait désormais le dialogue qui allait arriver.

Malgré tout la jeune fille ne se laissa pas décontenancer. Elle regardait son interlocutrice depuis le début et la femme qui se tenait devant elle ne faisait pas du tout la quarantaine que le descriptif qu’Elie s’était procuré lui accordait. Elle était d’une beauté surprenante, rien ne semblait lui faire défaut. Elle écoutait d’une oreille distraite son aînée lui raconter sa vie, se rendant compte à quel point sa vie avait dû être banale pour une actrice. En tout cas, c’était ce que ce qu’elle lui disait.

« Et toi ? Finit par lui demander Aoi.
-Moi ce n’est pas aussi intéressant que vous, répondit Elie. Je suis encore à l’aube de ma vie, je n’ai rien vécu. Je viens juste de quitter North Blue. C’est la première fois que je pars sans l’un ou l’autre de mes parents et encore, c’est grâce à ma mère que je suis ici. Je suis encore novice.
-Tu dois tout de même te débrouiller correctement, notre metteur en scène n’a pas l’habitude d’engager des gens qui jouent mal, lui répliqua-t-elle moqueuse. Je crois que c’est bientôt l’heure de reprendre, tu viens ? »

Elie acquiesça d’un signe de tête, elle finit rapidement le thé qu’elle avait commandé puis se leva et suivit Aoi Nakajima. La rencontre s’était mieux passée que ce qu’elle aurait pu croire. Contrairement au ressenti qu’elle avait pu avoir avec d’autre femmes de la génération de l’actrice, celle-ci semblait avoir bien moins de difficultés pour s’adapter aux situations diverses. Elle avait déjà eu affaire avec un groupe de femmes plus âgées qu’elle et elles étaient beaucoup plus fermées aux autres générations. Elle n’avait su gérer la situation que pour une seule raison, celle pour laquelle elle leur tenait compagnie : elle désirait obtenir un rôle par l’intermédiaire de ces dames. Tandis que là, la seule chose qu’elle désirait avec l’actrice c’était bien s’entendre avec elle ; ou du moins ne pas avoir des relations conflictuelles. Et ça semblait plutôt bien parti.

« Je vais te présenter au reste de la troupe, tu verras ils sont charmants, reprit Aoi une fois qu’ils eurent quitté la café. Certains sont un peu moins faciles à vivre que d’autres, mais tu t’habitueras vite.
-Et le metteur en scène, comment est-il ? Demanda Elie.
-Oh, lui, il est… Tu verras bien, je ne vais pas te gâcher la surprise. Mais dépêchons nous avant qu’il revienne, sinon tu n’auras pas le temps de rencontrer vraiment tout le monde ! »

Il ne restait plus que quelques minutes avant la reprise quand les deux femmes franchirent les portes du théâtre. Comme annoncé, l’actrice lui présenta un à un les différentes personnes présentes, s’attardant plus avec ceux qu’elle semblait apprécier et donnant à chaque fois leur personnage de la pièce. Elie avait lu dans son intégralité le texte qu’elle aurait à apprendre et fut satisfaite de se souvenir de chacun des rôles. Elle eût à peine fini d’échanger un mot poli avec le dernier comédien qu’Aoi lui présenta qu’un homme rentra dans la salle. Les bavardages cessèrent et tous se tournèrent dans sa direction.


Dernière édition par Elie Jorgensen le Mer 14 Mai 2014 - 9:43, édité 1 fois
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Je lui présente donc les cinq acteurs. Albert interprète le rôle de Ludwing, père d'Elie et mon mari, Charlène, celui d'Hélène, l'amie d'Elie, Annabelle, celui de l'institutrice d'Elie qui porte son propre nom, Vincent, celui de Dimitri, le petit ami d'Elie, et enfin, Victor, celui de William, mon amant. Elie joue ma fille qui se nomme Anna. Et moi je joue la femme d'Albert et la mère d'Elie. Je me nomme Elisabeth. Le metteur en scène vient d'arriver. Tout le monde le regarde. Il s'exprime.

Ah, la nouvelle est enfin là.

Le metteur en scène se nomme Gabriel. Plutôt normal, cet homme est bien habillé et élégant. Il a du goût. Une bonne impression de bien être se dégage de lui. Il connaît également le directeur aussi bien que le sous-directeur. Après avoir refermé la porte, il retire son chapeau noir un peu en melon de ses cheveux bruns mi-longs. Des mèches passent de temps en temps sur ses yeux foncés et pleines de vie. Après avoir déposé sa canne et sa veste sur le porte-manteau, il s'avance vers nous. Sa barbe carré est bien taillée.

Voilà ce que je propose les enfants. On va faire un tour de présentation et on va enchaîner sur le passage où Anna va voir en cachette Dimitri. On pourra voir ce que tu sais faire. Tu es d'accord, mon enfant?

Pendant qu'Albert explique à Gabriel que les présentations sont déjà faites, je murmure à Elie.

Alors lui, Gabriel, c'est un ours en peluche. Et il n'arrête pas de nommer tout le monde "enfant".

Du coup, tout le monde regarde Elie et attendent sa réaction. Surtout Vincent, en fait. En attendant de trouver une personne pour jouer le rôle d'Anne, il s'entraînait avec Annabelle. Cette dernière, très gentille soit-elle, a 29ans, ce qui le dérangeait un peu. Lors d'une pause il pourra faire plus ample connaissance avec elle, je pense. Elie va sur la scène. On la regarde et on attendant sa prestation.

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D'après les testaments de la Reine des Masques, dit Hathor.
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Dernière édition par Aoi D. Nakajima le Lun 24 Fév 2014 - 10:21, édité 1 fois
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Un ours en peluche mon œil, il m’énerve déjà, songea Elie. Si les présentations avec les comédiens s’étaient plutôt bien passées, elle ne supportait pas l’attitude du metteur en scène. Comme si faire le grand protecteur de ses petits acteurs faisait de lui quelqu’un de confiance. Enfin, elle devrait bien finir par s’habituer un peu à lui.

« Concernant le texte, si j’ai des trous… Commença Elie.
-T’en fais pas mon chou, je sais que tu viens d’arriver et que tu commences sans doute à peine à l’apprendre, pour l’instant, si tu as un trou, tu ne te déconcentres pas, tu le dis et on te souffle.
-D’accord, acquiesça-t-elle. Donc la scène 5, Acte II ?
-C’est bien ça, donc Dimitri et Anna en scène, les enfants, vous restez calmes, je ne veux pas vous entendre chuchoter. »

En vérité, Elie connaissait déjà le texte sur le bout des doigts, mais elle préférait ne pas passer pour une imbécile si jamais un trou survenait.
La scène commença, elle se déroulait dans la chambre de Dimitri et Anna rentrait doucement dans la pièce côté jardin, surprenant le jeune homme assis à son bureau écrivant quelque chose qu’il tente de cacher dès qu’il l’aperçoit.

« Qu’est-ce donc que vous étiez en train d’écrire, mon cher ? Commença Anna.
-Oh, trois fois rien, de la paperasse à envoyer à mon père.
-Et pourquoi donc que vous le cachiez ?
-Je le cachais ? Non, je l’ai rangé dans ma poche pour ne pas perdre un instant de votre présence, fit Dimitri un brin rieur.
-Vous vous moquez ? »

Le dialogue continua ainsi jusqu’à la fin de la scène. Lorsqu’ils eurent fini, les autres applaudirent. Plus pour marquer le coup que pour vraiment la féliciter de sa performance, pensa Elie. Elle nota toutefois que le bisounours qui leur servait à la mise en scène n’avait quasiment regardé qu’elle depuis qu’ils avaient fini. Et s’il avait ouvert la bouche, c’était pour la laisser bée sans pour autant faire un seul commentaire. Ce ne fut que lorsqu’Aoi fit un signe de tête un peu gêné dans sa direction qu’Elie se rendit compte que son décolleté était descendu un poil trop bas pour être décent. Elle rehaussa discrètement le haut de sa robe, adressant un regard furibond à Gabriel. Elle se dépêcha d’aller voir Aoi.

« J’étais comment ? Demanda-t-elle pour éviter de parler de ce gênant incident.
-Plutôt bien je trouve, j’ai hâte de jouer avec toi. C’est une chose que j’adore ! Jouer avec des gens qui jouent bien est une jouissance pour une comédienne, mais tu dois le savoir… s’enthousiasma Aoi.
-Et on joue bientôt toutes les deux ? Continua la jeune fille.
-Je pense qu’on devrait attaquer une scène ensemble juste après ! »


Dernière édition par Elie Jorgensen le Mer 14 Mai 2014 - 9:42, édité 2 fois
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Et je pense bien. Aussitôt la petite conversation terminée, aussitôt Gabriel nous met en scène. Je quitte alors mon strapontin avec joie et je me dirige à grande enjambée vers l'estrade. Elie me suit juste derrière moi et se cache directement dans les coulisses. Je me place debout face à une table banale qui imite le plan de travail dans une cuisine. Je suis tournée vers l'un des côtés des coulisses et je commence déjà à faire semblant. Je coupe des légumes invisibles: je prépare un repas que les autres comédiens arrivent largement à imaginer. Dans ce théâtre, on est capable de travailler avec très peu de décors pour éviter de perdre du temps à tout changer à chaque acte. Je suis prête. La nouvelle aussi.

Attention les enfants, c'est parti pour la scène 6, acte II.

Immédiatement après le top-départ de Gabriel, Elie simule d'ouvrir et de refermer une porte dans les coulisses. Le public, ici absente, ne peut pas voir cet espace, mais il peut très bien comprendre grâce au bruit. Et moi en tant que mère, je réalise que la porte qui grince est celle qui donne dans notre jardin. Dans l'histoire il se fait tard pour rentrer de l'école. En principe, ma fille termine son école à 17h. Elle ne met qu'une demi-heure en temps normal pour rentrer à la maison. Or, il est 18h30.

Anna?

Je prolonge volontairement le dernier "A". Je coupe toujours mes ingrédients pour mon potage. Mon enfant m'ignore volontairement, pensant que je n'ai rien entendu. Vilaine fille qu'elle fait. Je m'adresse à elle sans pour autant qu'elle soit encore sur scène.

Tu es encore allée voir Dimitri? Je te l'ai déjà dit que je ne voulais pas que tu le fréquentes.

Anna ne peut que venir dans la cuisine, la tête baisée.

Tu sais bien que sa famille et la nôtre ne sont pas vraiment en bon terme. Que dirait ton père s'il apprenait ça?
Mais...
Il n'y a pas de "mais" qui tienne. File faire tes devoirs dans ta chambre. Sinon, tu ne manges pas.

Seulement, Elie apporte le contre-argument. L'histoire est bien compliquée. Plusieurs relations amoureuses s’emboîtent les uns dans les autres. Et c'est la scène où la petite fille s'entretient avec sa mère sur un sujet compromettant. Moi, dans le rôle de la mère, je joue la maîtresse qui se joue de son mari, ce qui rend la vie de famille assez délicat. Surtout que la fille sait que sa mère n'aime pas vraiment son père et qu'elle préfère voir ailleurs. Alors forcement, elle ne peut pas accepter ça, surtout quand on lui interdit de voir son amour. Ainsi, le dialogue poursuit encore et encore, jusqu'à ce que le père d'Anna rentre de son travail. Bien sûr, Elie et moi continuons de parler...

C'est parfait les lapins. On va faire un petit break pour que la petite nouvelle prenne un peu plus confiance en elle. N'oubliez pas de boire un coup. Ça va être l'entrée en scène de Ludwing.

Toujours sur l'estrade, Elie en profite pour me parler et savoir comment elle était pour cette partie. On enchaîne ensuite la scène 7 de l'acte II dans peu de temps.

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Les répétitions avançaient plutôt bien. Même si Gabriel l’énervait au plus haut point, il semblait être apprécié des autres comédiens. C’était presque ça le pire. Heureusement, elle s’entendait plutôt bien avec les autres et s’était désormais totalement intégrée à la petite troupe. Elle passait le plus clair de son temps libre à répéter avec tel ou tel comédien mais préférait la compagnie des femmes. Vincent n’avait cessé de lui faire des avances malgré la détermination de la jeune actrice à lui faire comprendre que leurs relations ne seraient jamais que professionnelles.

Elie s’entendait bien avec Aoi, même si certaines de leurs conversations la mettaient un peu mal à l’aise. Sous son masque de « mère protectrice » qu’elle avait perçu les premiers jours, ressortait en quelques occasions une attitude plus perverse : Elle était somme toute moins gentille que ce qu’elle voulait bien faire croire. C’était tout de même avec elle qu’elle passait le plus clair de son temps, Annabelle ayant une attitude beaucoup trop austère pour lui plaire et Charlène passait son temps à se remaquiller ou à insulter dans leur dos toutes les personnes qui lui passaient sous le nez.

Ce soir-là, Elie se retrouvait seule pour la première fois. Aoi avait des affaires à régler et les hommes étaient partis boire un coup. Ils l’avaient certes invitée à se joindre à eux mais la proximité de son « prétendant » la rendait nerveuse, en plus de celle de Gabriel. Quant aux deux autres comédiennes, l’une était partie se coucher et l’autre avait été rejointe par l’un de ses multiples amants. Bref, Elie avait donc quitté le théâtre à pied en solitaire. Elle ne savait pas vraiment où elle allait mais cet isolement lui faisait du bien.

Elle emprunta une ruelle qu’elle avait coutume de traverser pour se rendre à l’Hôtel. Un coup de vent la fit frissonner et lui sortit un sourire. Elle préférait cette fraîcheur à la fournaise qu’était le théâtre de Saint-Uréa. Elle appréciait aussi le silence autour d’elle. Bien contente d’avoir évité les bourdonnements de la place de l’obélisque en faisant un détour immense mais revigorant, Elie avait choisi l’un des quartiers les plus discrets de la ville.

Soudain, dans la pénombre…

***

Elie se réveilla en sursaut, elle se trouvait dans son lit à l’Hôtel. Elle se souvenait avoir rêvé, mais ça avait paru très réel. Seulement, bien qu’elle se remémora sa balade dans la ville, la fin du songe lui manquait. La seule chose dont elle était sûre c’était du rapport avec la pièce qu’elle était en train de répéter. Et avec la première représentation qui aurait lieu moins d’une semaine plus tard. Elle se leva tout de même, elle avait rendez-vous à dix heures pour le début des répétitions. Gabriel désirait faire un filage et si elle ne se dépêchait pas, elle allait être en retard.

Après s’être habillée, pomponnée, chouchoutée et avoir rangé dans son grand sac toutes les affaires dont elle aurait besoin pour la journée, Elie sortit de la chambre en vitesse, dévala l’escalier et franchit la porte de l’hôtel, prenant tout de suite la direction du théâtre. Elle avait tellement de fois fait le chemin qu’il lui paraissait désormais instinctif. Elle tourna à droite, puis à gauche, salua une jeune femme qui ne manquait pas de lui souhaiter le bonjour à chaque fois qu’elle la voyait. Quand enfin elle arriva devant les portes du théâtre, celles-ci étaient closes. Aoi attendait qu’on vienne lui ouvrir.

« Comment ça va aujourd’hui Elie ? Demanda-t-elle.
-Je me sens bizarre… Je ne me souviens plus trop ce que j’ai fait hier soir et j’ai fait des cauchemars toute la nuit. C’était à propos de la pièce. Rien d’important de toutes façons… Et vous ?
-Je t’ai déjà dit de me tutoyer. Je vais bien, j’ai réussi tout ce que je comptais faire hier soir. Je suis super excitée, la première se rapproche et ce que nous faisons est de mieux en mieux.
-Oui, moi aussi j’ai les tripes qui se resserrent en y pensant, fit-elle avec un rire nerveux. C’est le trac. »

Quand on vint finalement leur ouvrir, les deux femmes avaient été rejointes par Annabelle et Vincent. Gabriel arrivait toujours un bon quart d’heure en retard et cette fois-là ne fit pas exception. Toutefois, il ne fut pas le dernier, Charlène arriva quelques minutes après lui, la mine inquiète et désorientée.

« Ça ne va pas ? Demanda Aoi.
-Je ne sais pas, j’ai mal dormi, j’ai l’impression d’avoir fait des cauchemars toute la nuit. C’est peut-être à cause du fait que je me suis disputée avec Thomas hier, expliqua-t-elle.
-Thomas, c’est le charmant jeune homme qui est venu te chercher hier ? La taquina Elie. En tous cas, c’était la nuit des cauchemars, j’ai passé une nuit épouvantable également. Peut-être la pleine lune, qui sait ?
-Bref, je suis fatiguée et bien que je ne sois pas superstitieuse, j’ai de mauvais pressentiments pour la première représentation… C’est la première fois qu’il m’arrive autant de malheurs avant de jouer au théâtre. »


Dernière édition par Elie Jorgensen le Mer 14 Mai 2014 - 9:42, édité 2 fois
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Curieux de voir Charlène dans cet état. Autant, je peux comprendre le stress d'Elie vu son manque d'expérience, autant, ma collègue de travail aussi jeune soit-elle, certes, c'est étrange. Même si elle reste une adolescente encore à la découverte du métier, je trouve que Charlène a un avenir prometteur, je la connais depuis un an et je sais qu'elle arrivera à faire carrière. En ce qui concerne Elie, le peu que j'ai vu d'elle, me donne une bonne raison de croire en ses capacités incroyables. Je sens qu'elle est capable de devenir une excellente comédienne pour son âge, elle peut avoir une vie prestigieuse si elle se donne à fond et qu'elle le désire vraiment au plus profond de son âme. Elle a la possibilité de jouer tous les rôles sans exception sans éprouver la moindre difficulté, c'est certain, seulement, elle manque encore d'assurance et semble avoir de la timidité. Avec de la pratique et du temps, elle arrivera un jour à se prendre en main, gagnant ainsi le cœur de la populace. Le mien est déjà conquis. J'espérais pouvoir l'utiliser à mes fins, mais son esprit semble être destiné à quelque chose de beaucoup trop pure pour qu'elle se laisse avoir par les désirs terrestres. Je dois donc faire une croix sur mon espérance d'avoir une fille qui puisse reprendre mon rôle, mais ce n'est pas pour autant que je cesse d'être soucieuse pour le bien-être d'Elie. Disons que mon côté maternelle que j'ai à l'égard de mes enfants me donne l'envie d'aider cette jeune femme.

Pour ma part, pour revenir au début, je trouve que le filage n'a rien de bien méchant et qu'il s'agit tout bêtement d'un jour comme un autre. C'est grâce à mon expérience et aux enseignements de mon professeur que j'ai pu prendre de l'assurance et savoir me tenir sur la scène. J'arrive à évacuer la peur et devenir le personnage que je veux jouer sur le moment. Je vois la comédie plus comme un jeu qu'un métier technique et difficile. Il faut avoir le don dès le départ pour tenir un rôle à la perfection, chose que j'arrive merveilleusement bien depuis des années, surtout quand on a un pied dans des affaires sombres. Avec mon esprit diabolique tel que le mien, un acteur aussi doué qu'Elie est capable de faire de grandes choses, c'est une évidence. Bref, je m'éloigne du sujet. Là, Gabriel veut juste calculer le temps qu'on va mettre concrètement durant notre prestation en plus des personnes chargées d'installer les décors entre chaque scène, voir notre coordination avec l'équipe entière et finaliser les différents détails. Bien sûr, tout ceci se déroule sans la présence d'un quelconque public, il n'y a donc aucune raison d'avoir le trac. Je pense que cette histoire de mauvais rêve n'est qu'une simple coïncidence.

Maintenant, tous les employés du théâtre se retrouvent dans la salle du spectacle, tous sans exception. Acteurs, chef cintrier, chef d'atelier de décor et son équipe, le chorégraphe, les coiffeuses, le concepteur de costume, l'assistant qu'on ne voit jamais du metteur en scène, le metteur en scène et même le sous-directeur se rassemblent dans la pièce, se mettent à leur poste et se préparent avec agitation. C'est un grand jour, on a l'impression d'être le soir même où se déroulera le spectacle, sauf que ce n'est pas le cas. Je regarde Elie et Charlène du coin de l'œil, la nouvelle semble toujours aussi stressée. Je me tourne alors face à mes collègues comédiens, mais plus en particulier aux jeunes femmes.

Allez, courage les amis. Et ne vous en faites pas les filles, tout va bien se passer. Dites-vous qu'on a juste deux heures à tenir, ce n'est vraiment rien d'extraordinaire. Dans le pire des cas, si vous oubliez votre texte, le souffleur est là pour ça.

Avant même que l'un de mes camarades remuent les lèvres, je m'empresse d'ajouter une dernière chose pour redonner du courage et de l'assurance, un peu comme une récompense pour se stimuler.

Vous savez quoi? Je vous paye le repas de ce midi après le filage, ça vous dit?

Étant nouvelle, Elie n'a pas pu rencontrer les autres employés du théâtre, et en particulier, les maquilleuses, les coiffeuses et ceux qui s'occupent du décor. Il faudra bien qu'elle se familiarise, car on est tout de suite envoyé auprès d'eux pour qu'on puisse ressembler à quelque chose de potable. Certes, l'habille ne fait pas l'acteur, mais il faut un minimum quand même. Hors du théâtre, le maquillage et le déguisement permettent de bluffer plus d'un! Alors, se mettre dans la peau d'un personnage, ça multiplie les chances de se faire passer pour un autre aisément!! Ainsi, dans les coulisses, on s'installe pour se changer. Une fois tout le monde vêtu de la tête aux pieds, il est temps de passer à l'esthétique. M'asseyant près d'Elie, je lui demande si elle va mieux pendant que des femmes s'empressent de modifier l'apparence de mon visage et me bichonner.

Il reste 5min avant que j'entre en scène. Contrairement à d'autres, je suis toute excitée, ce qui peut intriguer certain. Elie se demande même comment je peux déborder d'énergies et être en joie dans un moment pareil. En fait, je suis la première comédienne à jouer la première scène de l'acte I et j'adore simplement mon travail. Installé dans un siège en velours du cinquième rang, Gabriel débite ses dernières recommandations à d'autres membres du personnel comme s'il répétait lui-même un numéro. Il est sur le point d'annoncer le feu vert. Et même si on demeure caché par les rideaux des coulisses, il n'hésite pas à nous encourager une dernière fois.

Et n'oubliez pas, souffler un bon coup, profitez de cet instant pour faire le vide dans votre esprit et évacuez-moi tout ce stress, mes lapins. Il n'y a aucune raison d'avoir peur.

Du côté de Charlène et d'Annabelle, elles me font un peu la tête suite à mon encouragement, car il faut le reconnaître, j'assure mieux mes rôles que n'importe qui et elles me trouvent un poil arrogante à cause de cette vérité. Je suis connue pour mon talent certain. Je n'ai pas fait d'étude dans le Grand Théâtre Royal d'Alabasta pour rien et je remercie pour cela mon professeur Miyazaki Watanabe qui reste un formidable et un excellent mentor. Bref, je m'emballe, mais je ne préfère pas parler de mon passé, il y a tellement d’événements sombres à cette époque qu'il est plus judicieux que je me concentre sur l'instant présent. Je n'ai pas le temps de reprendre mes esprits et de savoir si le cauchemar d'Elie ne va pas la perturber que notre metteur en scène donne sans attendre le top-départ.

Totototototoc!! Toc! Toc! Toc!

Aussitôt ayant le feu vert, je marche sur place pour imiter le pas dans la rue, puis, au bout du quatrième, je sors des coulisses par le rideau du fond et je me retrouve devant le public que j'imagine sans peine. J'ai une expression joviale non pas pour le plaisir de voir une foule inexistant venu pour me voir, mais parce que la scène le demande. En effet, mon personnage commence dans la rue toute contente. Elle est tellement ravie qu'elle se parle à elle-même à voix haute, mais c'est surtout pour que les spectateurs entendent et comprennent la situation de départ. Puis, après cela, mon perso prend place sur une terrasse d'un bistro populaire, car elle a un rendez-vous amoureuse. Ainsi, le premier acte met en avant chaque personnage dans son univers propre. Moi en tant qu'Elisabeth avec mon amant, Hélène avec Anna, etc...

J'exécute mon rôle parfaitement sans le moindre tracas, je ne regarde même pas le souffleur caché dans son soupirail tellement je connais mon texte par cœur. Il faut dire que j'ai l'expérience, vu mon âge. J'ai bien peur que Charlène ou Elie bafouille un peu à cause de leur stresse. Elles sont jeunes, elles peuvent encore éprouver de la difficulté, surtout si elles prétendent avoir mal dormi cette nuit... D'ailleurs, c'est au tour d'Elie et de Charlène d'entrer en scène maintenant. On ferme aussitôt les rideaux, je me retire avec Victor illico, le chef d'atelier change le décor en deux deux et la nouvelle se place au centre de l'esplanade avec sa camarade en un instant.

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Les filages s’étaient bien passés. Comme d’habitude, le stress rendait les choses plus compliquées que lorsqu’il n’y avait aucune pression. Ils jouaient le lendemain devant public. La générale aurait lieu peu avant vers 16 heures, pour pouvoir vérifier que tout était bien en place. La crise passagère due aux songes communs de Charlène et Elie était passée. Elles en avaient discuté toutes deux pour parvenir à se dire que ce n’était vraiment qu’un rêve et que c’était une coïncidence qu’elles en aient fait un semblable la même nuit.

Comme promis ce soir-là, Hathor leur offrait le repas. Pas à tout le monde bien entendu, seules les quatre comédiennes dinaient ensemble. Annabelle, toujours droite au visage fermé, dans son éternelle rigidité de vieille fille, mangeait avec une certaine régularité qui en aurait fait frémir certains. C’était comme un robot, répétant immanquablement le même geste. Elie ne voulait certes pas vieillir de cette façon. Elle reporta son regard sur les deux autres. Charlène avait repris ce petit air distant de celles qui se placent un peu au-dessus des autres. Elle l’avait momentanément perdu le matin même alors qu’elles se racontaient leurs rêves respectifs. Elie avait alors trouvé que la jeune femme était bien plus agréable. Hathor quant à elle affichait toujours ce sourire bienveillant qui lui hérissait les poils du dos. Quoi qu’elle fasse, la jeune fille n’arrivait pas à être à l’aise avec son aînée.

« En tous cas, merci beaucoup pour ce repas, fit Elie à l’attention d’Hathor.
-Ce n’est rien, vous savez, avec le temps j’ai un peu d’argent de côté et je peux me permettre d’en faire profiter mes amis de temps à autres, répondit l’intéressée.
-Demain, ça y est, nous jouons enfin, j’ai un peu hâte il faut le dire, et vous ? Demanda Charlène. »

Elie aussi voulait jouer. L’excitation montait au fur et à mesure que l’échéance arrivait. Hathor répondit qu’elle était pressée elle aussi. Même le regard d’Annabelle s’alluma un instant pour signifier son intérêt. Les jeunes femmes discutèrent de tout et de rien pendant près de deux heures, avant qu’elles se rendent compte qu’il était déjà tard et qu’il fallait être en forme pour le lendemain. Elles se séparèrent pour se diriger toutes vers leurs lits respectifs.

***

Quand Elie se réveilla, le lendemain, toute recouverte d’une sueur froide signe d’une nuit plutôt agitée, elle se sentait de nouveau mal. Elle mit cette sensation sur le compte du trac et alla se préparer. Si elle prit à peine le temps de se coiffer cette fois-ci, c’était qu’elle savait que le travail serait refait un peu plus tard dans la journée. Le maquillage et les essayages de costumes devaient être terminés peu après midi pour tous les comédiens. À quatorze heures, ils se retrouvaient tous au théâtre pour une ou deux italiennes et pour retravailler certaines scènes que Gabriel souhaitait améliorer. Du point de vue du travail, Elie respectait le metteur en scène. Il était d’un professionnalisme à toute épreuve et tiquait au moindre détail qui le perturbait. Si un déplacement était malvenu, un regard mal placé, il le corrigeait. Ce qu’elle ne supportait pas, c’étaient ses manières, toujours enrobées d’une couche de miel gélatineuse. Comment pouvait-on être aussi horripilant et être adoré de tous ? Tous sauf elle bien sur…

Elie arriva au théâtre vers onze heures, tous y étaient déjà sauf le metteur en scène. Il avait toujours un certain retard et c’est pourquoi Elie se permettait une petite marge. Elle n’aimait pas se presser le matin. Il lui fallait prendre son temps pour être sûre de ne rien oublier. Ainsi, la jeune fille avait revu plusieurs fois son texte, répété la mise en scène pour que ses déplacements paraissent les plus naturels du monde le moment venu. Et à ce moment de la journée, onze heures précises exactement, elle était devenue, dans son intégralité, Anna. Elie n’existait momentanément plus. Elle savait qu’elle se devait d’être la jeune fille de la pièce dès maintenant. Elle ne la jouait plus, elle était Anna, elle pensait Anna, elle se souvenait Anna.

Ainsi, quand elle aperçut Elisabeth, elle s’approcha avec un grand sourire, et dit bonjour à sa mère. Celle-ci lui rendit un sourire affectueux. Le lien avec sa mère était fort. Elles partageaient énormément de choses. Quand elle avait rencontré Dimitri, elle lui en avait aussitôt fait part, lui racontant leur rencontre, leurs disputes, ce qu’il lui offrait, ce qu’elle éprouvait pour lui, presque tout… Elle-même savait que sa mère avait un amant, elle l’avait découvert par hasard. Elle n’avait pas osé lui faire part de sa découverte, s’étant plutôt confiée à Hélène, sa meilleure amie. Elles avaient trouvé toutes deux ce secret terriblement excitant bien qu’Anna ait de la peine pour son père, lui toujours si gentil et passant tout le temps où il n’était pas en déplacement à s’occuper de ses « deux femmes » comme il se plaisait à dire.

***

Gabriel était un peu en retard. Plus que d’habitude. Il avait certes tendance à prendre son temps, mais il avait été retenu. Le jour de sa première, rien de plus normal, il devait organiser les places qu’il comptait attribuer aux quelques personnalités publiques qui étaient conviés. Le métier de metteur en scène était sans doute plus ardu qu’il n’y paraissait. Certes il fallait un certain talent pour le travail avec les comédiens, mais la partie la plus pénible relevait de l’administration. Et cela, Gabriel le gérait avec brio. La plupart déléguaient les diverses tâches auxiliaires à des gens plus qualifiés pour celles-ci. Gabriel, lui, faisait absolument tout. Il s’occupait de trouver ses comédiens, de les chouchouter, de gérer les demandes de salles, de s’occuper des spectateurs et tout ça avec un véritable doigté. Bien entendu, il le savait, ses manières parfois trop amicales pouvaient en gêner plus d’un, mais il n’en avait cure, il contentait au mieux tout le monde par ses choix, non pas par sa personne.

Il entrouvrit la grande porte et la referma aussitôt qu’il fut rentré. Un rapide coup d’œil lui permit de voir que toute sa troupe était là et répétait de manière on ne peut plus professionnelle. Ses maquilleuses ne devraient elles non plus pas trop tarder et déjà s’affairaient les techniciens. Leur tâche était, non seulement de vérifier chacun des projecteurs, mais aussi d’en connaître l’exact fonctionnement. C’était eux qui se chargeaient de tous les effets de lumière et de son et il fallait qu’ils soient au point. Il leur avait déjà donné quelques directives quant à ses intentions, mais c’était maintenant que les réglages devaient se faire. Tout devait être prêt pour la générale.

***

Anna ouvrit les yeux. Elle inspira quelques secondes, puis regarda sa mère dans les yeux. Celle-ci la regardait l’air contrit. Elle venait d’apprendre que sa fille l’espionnait en cachette. En fait, son sentiment n’était pas vraiment de la colère. Elle essayait tout simplement de savoir si sa fille avait pu toucher quelques mots de cette relation adultère à son mari. Certes, crier sur sa fille n’était pas la meilleure solution à son problème, mais elle ne voyait pas d’autre moyen de lui tirer les vers du nez. Elle n’avait pas non plus la tête à réfléchir plus que ça.

« Pourquoi es-tu fâchée ? Demanda la jeune fille. Ce n’est pas moi qui ai fait en sorte de trahir ta confiance. Je vous ai découverts par hasard, toi et William, je n’étais pas en train de t’espionner.
-Je pense plutôt que ce n’est pas la première fois que tu nous observes, lui rétorqua sa mère d’un ton dur. Et je vois à ton expression que je n’ai pas tort.
-Et bien…
-Ah, tu vois que j’ai raison.
-Ce n’est pas de ma faute…
-Ce n’est jamais de ta faute. »

Elle finit par déballer son sac, par lui parler de la première fois où elle les avait vus, de ses discussions avec Hélène à ce propos. De leur mutuel accord de n’en parler à personne et de le garder pour elles. Même de ce sentiment honteux de triche qu’elle avait ressenti quand, la première fois, elle avait regardé son père en face et avait prétexté des maux de ventre. Encore récemment, elle avait du mal à discuter avec lui dès qu’il nommait sa mère en encensant tel ou tel acte de sa part. Anna restait persuadée, que lui, n’était jamais allé voir ailleurs. Quand elle eut finit son récit, elle fondit en larmes dans les bras de sa mère, malheureuse que celle-ci la gronde pour ses propres écarts.

***

Gabriel regardait la scène du premier rang. Tout s’était jusqu’ici passé à merveille. Ce soir allait être un grand soir. Pas une seule fois ses comédiens n’avaient décroché. Et les quelques trous de texte avaient été rattrapés assez vite pour que personne ne s’en rende compte. Il ne lui restait plus qu’à attendre la fin du dernier acte pour pouvoir tous les féliciter. Ses techniciens avaient parfaitement assimilé où et quand ils devaient faire lumière et les musiques se déclenchaient à la seconde près au moment où il avait décidé de les placer. Tout était réussi.

Quand enfin, le rideau s’abaissa, le metteur en scène frappa dans ses mains. Ne restait plus que le salut, et c’était chose aisée, ils l’avaient répété deux ou trois fois, et cette dernière pirouette à l’attention du public était un franc succès. Son œil pétillait. Son œuvre était prête et dans moins de deux heures, les spectateurs iraient s’asseoir un à un sur les sièges qu’ils avaient réservé. Puis, le hourvari de la foule laisserait place à un silence poignant et enfin, Aoi, dans sa robe somptueuse rentrerait sur scène après qu’aient retenti les trois coups rituels que Gabriel comme quelques metteurs en scène de son entourage se plaisait à faire lui-même.

***

Anna  rentra sur scène. Elle sentait le regard de sa mère sur elle. Elie sentait le regard des spectateurs pointer dans sa direction, un rapide mais malheureux coup d’œil vers le public lui fit entrevoir un visage étrangement familier. Elle ne put s’empêcher de le fixer de nouveau et pâlit. C’était l’homme de son rêve… La soirée ne pouvait pas commencer plus mal.
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Actrice le jour, pirate la nuit. Est-il étonnant que je fasse encore de la comédie malgré ma vie de débauche? Non, car j'ai besoin de perfectionner mon art dans un premier temps, et dans un second temps, j'aime bien me changer les idées en me comportant en honnête citoyenne quand je suis fatiguée de la piraterie. La comédie est un métier difficile. Très peu d'acteurs parviennent à entrer dans les hautes sphères et gagner véritablement leur gain de pain. Je me considère comme une personne connue, mais d'un niveau disons moyen. Je suis surtout populaire dans mon pays natal, à Alabasta. Je gagne un salaire modeste, ce qui me suffit. Bien sûr, quand je joue la pirate, c'est une autre paire de manche.

Aujourd'hui, je suis d'humeur à partager mes moments avec ce que je considère ma famille de comédiens. Mes collègues de longue date tout comme la nouvelle Elie sont des personnes avec qui je partage de délicieux moments, surtout à l'opéra pendant les répétitions. On a appris à se connaitre chaque jour un peu plus. Bien sûr, n'importe qui ici, tout mon entourage, même Gabriel, ignore ma réelle identité. Le monde ne connait qu'une actrice Aoi D. Nakajima. Si je fais des coups avec mon équipage, le monde entend le nom de Rei Kimura, un personnage que j'ai crée spécialement.

Ce soir, à cet instant précis, je suis quelqu'un d'autre. Je joue la mère d'Anna. Je pense Elisabeth, je raisonne Elisabeth, je vis Elisabeth, je suis Elisabeth. Aoi ou Rei n'existent pas pour moi.

Derrières les coulisses, j'entends le brouhaha dans la salle principale. J'imagine sans peine les clients s'installer sur les fauteuils en velours, s'asseoir sur un strapontin grinçant et chuchoter entre eux sur la pièce. Gabriel nous fait un tout dernier briefing et nous donne un dernier encouragement toujours avec sa voix mielleuse.

Premier Acte, première scène. C'est ma fille et moi qui ouvrons le bal. On joue notre rôle à la perfection jusqu'à la fin de la scène. Juste avant que le rideau ne se baisse, j'ai le temps de voir le public et constater que nous avons des invités de marques. Gabriel m'étonnera toujours pour dégoter des personnalités importantes. Je sais que le théâtre "Garnier" accueil des nobles et de riches citoyens, mais je n'imaginais pas jouer devant toute la famille royale de Saint-Uréa! La dernière fois que j'ai joué devant la Princesse Vivi, c'était peu de temps avant de quitter mon pays. Je garde ce que j'ai vu pour ne pas stresser Elie. En ce qui me concerne, ça peut aller. Je me dis que ça va aller.

Ainsi, la pièce continue aussi merveilleusement bien  que Gabriel souhaiterait. D'habitude, je ne ressens pas les regards se poser sur moi, même pas celui du metteur en scène. Mais cette fois-ci, j'avais l'étrange sensation d'être évaluée. J'ignore si ce sont les yeux du roi et de la reine ou celui de mon ancien professeur de théâtre, ce qui m'étonnerait fortement. Cela dit, je me concentre davantage pour oublier cette pénible sensation. Je suis Elisabeth, rien autour de moi doit me perturber.

La scène que j'interprète maintenant est celui où Anna et Hélène tombent par hasard sur Victor qui vient me voir discrètement à mon travail. Dans l'histoire, les deux petites adolescentes sont de retour de l'école et préfèrent faire des détours avant de rentrer chez elles. Le couple adultère ne devine pas qu'il se fait épier à ce moment-là. Et pour montrer les deux événements simultanés, Gabriel a décidé de mettre une cloison sur une terrasse d'un restaurant. Et comme pour répondre à l'un des personnages opposés, les dialogues se suivent alors que les deux duos jouent presque séparément. Ce qui peut créer une scène comique.

Hélène: ▬ Hé, mais...
Elisabeth: ▬ Tu n'aurais pas dû venir...
Hélène: ▬ C'est...
Elisabeth: ▬ ...embarrassant que...
Anna: ▬ Ma mère? C'est son lieu de travail.

La scène se termine. Retour avec Elie dans les coulisse. C'est au tour de Victor de faire un solo. Après son solo, se sera une scène entre lui et moi. Je profite qu'il joue seul pour m'entretenir avec la nouvelle. La scène qu'on vient juste de jouer est la plus pénible de toute la pièce, car on doit suivre deux conversations qui se déroulent en même temps et ne pas se mêler les pinceaux. Une erreur ou une discrétion est c'est le clapotage assuré. Heureusement que ça ne s'est pas trop mal passé. Il fallait dire que j'ai été tendu pendant un court instant. Buvant au litre une bouteille d'eau, je demande à Elie si elle va bien. Il reste encore deux tiers d'histoire à jouer...

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D'après les testaments de la Reine des Masques, dit Hathor.
©odage by Hathor

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Et Elie d’être complètement malade, sortie d’un rôle au début de la pièce pour avoir croisé le regard d’un homme, pour avoir effleuré ses yeux, pour avoir senti immédiatement qu’elle le connaissait, ou du moins qu’elle l’avait déjà vu, en rêve. Elle tenta d’oublier ce regard pour le reste de la représentation, se raccrochant tant bien que mal à son rôle. Ce n’est que quand le salut fut terminé, quand le rideau retomba sur la scène qu’elle put enfin libérer son angoisse et se dire que finalement, tout s’était bien passé. Elle n’avait pas été si mauvaise. Elle avait même plutôt bien joué.

« Tu as vu dans la salle ? Lui demanda Hathor, la mine réjouie.
-Oui, il était là…
-Il ? Ils étaient là, le roi et la reine de Saint-Uréa, c’est formidable, non ?
-Ah, je ne les avais pas remarqués, j’étais concentrée sur le mec bizarre à lunettes noires et à l’air totalement froid.
-Palourde Smith ?
-Peut-être, j’avais l’impression qu’il allait se passer quelque chose de grave avec ce bonhomme, du genre un meurtre ou un enlèvement…
-Tu dis des trucs bizarres parfois Elie, c’est le chef de la sécurité de Saint-Uréa, évidemment qu’il se charge des meurtres et des enlèvements.
-Mouais… J’ai l’impression de l’avoir vu en rêve en plus.
-Ah ? Tu fais des rêves prémonitoires maintenant ?
-Te moques pas de moi…
-Je me moque pas. »

Elie quitta Hathor pour accéder à sa loge, elle quitta son costume pour enfiler une tenue plus seyante, une robe couleur crème ainsi qu’une paire de sandales en cuir. Puis évitant de repenser à tout ce qui s’était passé, elle quitta la chaleur du théâtre pour s’engouffrer dans les ruelles de la ville, éclairée seulement par la lune et quelques torches. Elle frissonna et repensa à l’homme-là, le chef de la sécurité. Peut-être seraient ils amenés à se revoir ? Elle n’espérait pas que ce serait de sitôt.

***

Elie se réveilla le lendemain matin sur son lit avec une impression de vide. Elle était de nouveau au chômage, son contrat n’ayant été signé que pour une représentation. Pfff. Il fallait absolument qu’elle retrouve du travail et qu’elle reprenne plaisir à jouer. La pièce de la veille s’était trop mal passée pour qu’elle en fût satisfaite. Allez, on se remotive et on repart.

La comédienne fit un saut par le théâtre pour aller récolter sa paye. Ne restait que le gros directeur, Gabriel le metteur en scène qui l’accueillit sans un commentaire et la pressa dans ses bras. Ils lui avaient trouvé une place sur un navire dans l’après-midi, ils s’étaient mis à chercher dès qu’elle leur avait annoncé son désir de ne pas reconduire l’expérience, ou en tout cas, pas dans l’immédiat, elle leur promit de revenir jouer, un jour. Puis se retourna et partit.
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