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La pêche sera fructueuse !

Accompagné de ma bouteille et de mon ami imaginaire, j'étais en pleine promenade dans Nanohana, ville aux milles couleurs, aux milles odeurs, et aux mille et une nuit qui comptent autant de conte. La chaleur insoutenable et le soleil me cognant dessus malgré qu'il commence à se faire tard, rendait les effets de l'alcool un peu plus difficile à supporter, mais c'était plus agréable que jamais d'un point de vue économique, puisque j'étais pauvre et ne possédais rien, et ne pouvais même pas m'offrir de quoi manger pour accompagner mon breuvage. C'était la vie que j'avais choisi, une vie de bon hors-la-loi, qui m'obligeait à vivre dans l'ombre, je n'avais pour vivre que les dons des âmes généreuses que je rencontrais quotidiennement, à défaut de voler ce qui  me donne envie comme un mauvais hors-la-loi. Car pour moi la distinction se faisait, et de la même manière que je souhaitais renverser le gouvernement, je voulais arrêter ces sales pirates qui foutaient la merde partout où il passait.

Mais ce soir, l'heure n'était pas à la réflexion ! Et cette ville plus qu'active m'avait tapé sur le système toute la journée. C'était enfin l'heure de l'apéro : le coucher de soleil. Comme à mon habitude, je me rendais au bord de la mer, là où les bruits et les passages d'étrangers ne pourraient me déranger. J'avais à la fois besoin d'être seul et d'être accompagné. Mais je préférais être seul que mal accompagné. C'était sans doute la raison pour laquelle j'avais tendance à parler tout seul. Sur la plage, j'avais pour habitude de me rendre sous un rocher. Il ressemblait au grand bloc dans "le Roi Lion" ;  et je me planquais souvent dessous pour ne pas qu'on vienne me déranger au cas où je finisse par m'endormir dehors. En chemin, je me mis à chantonner, à sautiller et à m'exclamer, conscient que de toute manière personne ne me verrait. Je levais les bras au ciel et me mis à gambader, la mine plus réjouie que jamais.


- DU RHUM, DES FEMMES ! ET D'LA BIÈRE NOM DE DIEU !

Prenant un accent "beauf", je m'amusais à chanter cet hymne de pirate, voulant les tourner en dérision. Mais si quelqu'un me voyait, il serait loin de comprendre la caricature et me prendrait sûrement pour un vrai pirate... et merde, n'était-ce pas une personne que je voyais plus loin, qui me regardait avec des grands yeux ébahis ? Soudainement, je m'arrêtais. J'avais une sale pokerface sur la tronche. J'avais dû abuser de l'alcool. Le type qui me regardait avait une tête de poisson. Triste en plus. Il avait une tête de poisson triste. Sur le coup, j'pensais que j'en avais trop pris. Ou alors, le rhum artisanal qu'on m'avait offert était plus corsé que je ne l'aurais cru. Quoi qu'il en soit, je m'approchais de l'Homme-poisson, titubant légèrement, avant de lui tendre ma bouteille en lui adressant un sourire à pleine dent.

- À la tienne Etienne ! Bienvenue sur mon petit bout de paradis. Mais pour une visite complète y'a besoin d'se mettre sous alcool !

Je n'étais pas conscient du mal-être dans lequel mon interlocuteur pouvait se trouver, mais je sentais en lui une détresse dans son regard, un appel à l'aide qui m'avait poussé à partager ma boisson avec lui. Parce qu'en plus d'être pauvre, j'avais un grand cœur, ouais. C'était souvent ceux qui en avaient le moins qui partageaient le plus, dans ce bas-monde. Lorsque l'Homme-Poisson aurait pris ma bouteille, je me serais posé à ses côtés, fouillant mes poches pour sortir les plantes séchées à l'odeur très fruitée que j'avais sur moi, les roulant dans une feuille de tabac séchée en profitant d'un beau coucher de soleil.
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J'étais assis là, sur ce petit bout de plage, au bord de l'eau. Mon corps était comme celui de quelqu'un qui s'était fait rué de coups, et c'était bien le cas. Je venais de me faire battre à mort par un équipage de pirate il y a peu, équipage qui avait d'ailleurs emporté ma mère et tout le reste du village où j'était né. Bien sur il ne restait que quelques Sirènes dans l'équipage de ce vil pirate, mais assez pour m'énerver, car je savais très bien ce qui allait se passer. Je ne tarderais pas à bientôt savoir que les Sirènes et ma propre mère ont été vendus au marché noir. Mais moi, j'étais là, dans ce pays crevant de chaleur, où l'on avait l'impression que le sable ornait la totalité du pays. Ce pays où j'avais dû rester là à regarder l'océan pendant des jours sans voir personne. J'entendis un bruit qui me fit bouger pour l'une des premières fois depuis un moment, c'était un homme. Allait-il lui aussi me frapper à mort ? Je le vis se rapprocher de moi, sautillant et chantant, comme quelqu'un qui n'avait aucune peur de ce monde. J'ai vu la tête qu'il avait faite quand il me vit, mais je vis aussi la bouteille qu'il avait dans sa main et sa démarche titubante. Cela me rappelait les fêtes de mon village et me fit sourire. Premier sourire depuis plusieurs années déjà. Voyant sa main partir d'un coup vers moi, je sursautai et vis la bouteille devant mes yeux.

- À la tienne Etienne ! Bienvenue sur mon petit bout de paradis. Mais pour une visite complète y'a besoin d'se mettre sous alcool !

Voilà ce qu'il me dit et ce qui me surprit. Jamais un Humain ne lui avait offert quelque chose en dehors des coups et des insultes. Sans même hésité, je pris la bouteille pour ne pas vexer la personne qui venait de se poser à mes côtés, visiblement sans aucun préjugé envers moi où même envers ma race. Je regardai la bouteille et me dis qu'un peu d'alcool soignerait un peu mon mal-être. Je pris une gorgée cul-sec à la bouteille et sentit l'alcool passé dans ma gorge. Celle-ci venait de me brûler et de me faire tousser. C'était bien la première fois que je goutais quelque chose d'aussi horrible mais attirant par la même occasion. Je le vis sortir une feuille faisant la taille de sa main et quelques herbes d'une petite pochette. Regardant bizarrement la pochette, je mis la main sur ma bouche et regardai le jeune homme.


- Oups, désolé. Merci pour la bouteille. Qu'est-ce que tu fais ?


Je venais de regarder ça avec un œil méfiant, il venait de rouler l'herbe dans la feuille. Il allait faire quelque chose avec donc, mais s'il me le tendait sans l'avoir goûté avant, une chose est sur, je refuserais. Bizarrement, je me sentais à l'aise à côté de se jeune homme.
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