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La goutte qui fait déborder le verre ...

Las Camp ... Agglomérat d'immondices, de mauvaises odeurs et de personnes peu fréquentables. C'était vraiment le genre d'endroit que Malégor n'aimait pas. On avait l'impression de n'être jamais en sécurité, même si la Marine y était plus présente depuis quelques temps. On pouvait encore déceler les quelques vestiges de l'ancienne époque, celle où les gangs étaient les maîtres du coin, dans les rues. Quelques regards effrayés jetés en arrière, des vitres ou des murs marqués d'impacts et de traces de brûlures ... L'ambiance n'était guère à la fête dans les environs. Non, Malégor serait définitivement ravi de rentrer sur North Blue.

Un homme était venu le trouver à Leevw. Il lui avait demandé de le transporter à Las Camp le plus rapidement possible. Une « affaire urgente » avait été le motif évoqué. Sur le coup, le chauffeur n'avait pas vraiment réfléchi à ça. Il s'en moquait. Ses clients pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient, tant qu'ils alignaient la monnaie derrière. Il avait juste besoin de quoi s'approvisionner en boisson. Mais cette fois, les faits étaient légèrement différents. Il avait conduit son client jusque dans les bas-fonds de la ville-poubelle, un endroit bien précis qui devait échapper aux yeux de la Marine. Une saleté de bouge où même la boue vous donnait l'impression d'être votre ennemie.
L'homme avait sorti les berries et avait donné à Malégor ce qu'il fallait, et il était entré en hâte dans une bâtisse sur le point de s'écrouler, sans même un petit au revoir ou un remerciement. Et Malégor était désormais planté là, stupide, sans savoir quoi faire ni où aller.

Il avait soif, d'un côté. Mais, d'un autre, Las Camp ne le rassurait pas vraiment. Est-ce que s'attarder ici valait le coup ? Leevw était relativement loin, quand même ... Un cruel dilemme se présentait à lui. Alors qu'il y réfléchissait depuis une bonne minute, des bruits de pas cadencés se firent entendre derrière lui. Un régiment de soldats, armes au poing et mines patibulaires rivées aux faciès, était en pleine patrouille. Les badauds s'écartaient vivement sur leur passage, de peur de les gêner. Rigueur et puissance émanaient du contingent, tant et si bien que Malégor prit rapidement sa décision.
En voyant les marines tourner au bout de la rue, il se dit qu'un petit verre en ville ne lui ferait aucun mal. L'appel du saké était le plus fort. Il suivit le groupe de soldats et chercha du regard un bar qui lui faisait de l'œil. Il en trouva un, "L'Arsouille", qui lui promettait de beaux verres bien remplis.

Quand il poussa la porte d'entrée, une cacophonie de conversations hilares, de rires de gorge bien profonds et de bruits de verre qui s'entrechoquent l'accueillit. L'endroit était bien rempli, en majeure partie par des gens du petit peuple au vu des vêtements et des visages. Tout ce beau monde était éclairé par une petite lueur jaunâtre, qui émanait d'une lampe accrochée au plafond et pendouillait mollement de droite à gauche dans un grincement de métal rouillé. Un vieil escargophone, dans le fond de la pièce, chantait des musiques démodées qu'on n'entendait presque pas à cause de la faune locale et de ses exclamations répétées.
Un barman nettoyait des verres derrière son comptoir poussiéreux, qui redressa brièvement la tête à l'entrée de Malégor. Celui-ci se dirigea vers le bar d'un pas rapide. Même s'il avait soif, il était pressé de rentrer et plus vite il aurait vu, plus vite il serait prêt à partir. Il percuta quelqu'un, pas bien méchamment, et s'excusa rapidement, dans un souffle inaudible. Mais savoir si l'inconnu l'avait entendu ne l'intéressait pas.

Il commanda un verre de whisky qu'il engloutit dès que le barman le lui tendit. Apaisé, il se relaxa quelque peu. Il avait sa dose et pouvait demander un deuxième verre, qu'il allait savourer un peu plus.
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Mon parcours était assez lugubre depuis le début. Je me laissais porter par la vie tel une méduse se laisse bercer par la mer. Mon destin avait voulu que j'eusse l'idée de visiter tout West Blue. Oui c'était assez bête comme occupation surtout que je ne touchais pas un rond. Travailler ne m'avait jamais attiré. Mais après tout un philosophe disait bien " Le travail est l'opium du peuple et je ne veux pas mourir drogué " ... Et puis entre nous, l'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve ça le fatigue.

Quoiqu'il en soit, je ne sais pas vraiment quel mouche m'avait piqué de venir sur cette île craignos. Je n'avais pas été conscient à ce moment là, c'était sûr. Ma passivité me jouait des tours. Les ruelles étaient sombres tellement les habitats étaient resserrés et puis la tombée de la nuit devait aussi y contribuer. Ça sentait à plein nez la criminalité ici. Bon sang, qu'est-ce qui m'avais pris de ne pas me renseigner d'abord sur la prochaine destination. Un réverbère clignotait au loin. Je m'en allais ainsi dans la nuit, faisant sonner mes talons en mesure sur les pavés. Grandes rues ou ruelles, j'avais soin de tenir toujours le milieu de la chaussée, excellente mesure de précaution qui vous permet de voir venir le danger et surtout d'éviter ce qui, le soir, dans les rues de Las Camp, tombe quelquefois des fenêtres. A me voir autant prudent, n'allez pas croire au moins que j’eus peur... Non ! Mais on n'est jamais à l'abri d'un accident, hein ...

Et puis ma nature paranoïaque me faisais imaginer des bruits de pas, des chuchotements, et même quelques ombres traîtres que je n'apercevais qu'à chaque réverbère. A ces moments je me retournais et faisais des gestes repoussants comme s'il y eut réellement quelqu'un près de moi. Pas question de rester une minute de plus dans ces ruelles glauques. Je prenais à droite, vers une des rues principales et là je cherchais les bars les plus populaires. C'était facile de mesurer le niveau de popularité, il y avait juste à écouter quel bar causait le plus de bruit depuis la rue. J'hésitais mais finalement j'entrais dans un bar pas trop assourdissant. Quoiqu'en entrant, je pensais le contraire. Ces éclats de rire, ces parties de cartes, ces grognements, je sais pas pourquoi mais tout ça arrivait à me faire oublier l'angoisse au fond de moi. Bon, j'avoue que j'étais un peu trouillard à l'époque m'enfin laissez moi continuer.

Je scrutais du regard chaque table pour voir s'il n'y avait pas une place. Oui, il en restait une au bout la-bas. Mince, quelqu'un venait d'y prendre place. Il restait trois places, pour une fois je m'asseyais à la même table que quelqu'un.

- Dégage d'là, bouffon ! ... Hein, t'es encore là ?

- Gloups... Je m'en vais, vous inquiétez pas ... Connard !

Je quittais la table naturellement pour ne pas que quelqu'un puisse deviner à quel point je suis pitoyable. Le comptoir poussiéreux était la seule place restante. Je m'assis sur un des hauts tabourets et nettoyais d'un geste circulaire la poussière devant moi. J'attendais poliment que le barman d'apparence nonchalante vienne à moi ; je pouvais attendre longtemps comme ça. Je l'appelais alors, c'était comme ça qu'on devait faire dans ce genre d'endroit pourris.

- Ce sera quoi l'étranger ?

Comment savait-il que j'étais pas de Las Camp ? Ça se voyait tant que ça ? Ah oui, bien sur : mon costard. Je comprenais pourquoi l'homme n'avait pas voulu que je m'assois à sa table. Maintenant que j'y pense, ça devait être sacrément mal vu d'être habillé comme ça ici. Pas d'importance, je n'étais la que pour cette nuit.

- Un verre de rhum, un verre de vin, un verre de vodka, un verre de l'alcool local et un verre de saké. J'veux m'bourrer la gueule et oublier que je vais dormir dans la rue cette nuit. J'ai tout juste de l'argent pour vos verres, vous inquiétez pas.

Mélanger plusieurs types d'alcool ça défonce encore plus, c'est bien connu. C'est pour ça que j'avais décidé de prendre plusieurs boissons différentes.

- Et bah, il sait profiter de la vie l'étranger marmonnait le barman en me servant mes cinq verres.

J'en enfilais trois, cul sec, ça suffisait déjà à me foutre dans un état pas très " normal ". J'étais d'une nature pas résistante et devenais très vite bourré. Très vite ? hahaha, dix minutes tout au plus. Soudain l'envie d'uriner me prenais, je cherchais les toilettes puis m'extasiais en pissant.

- Tiens c'est marrant j'ai deux, non trois zizis.

Puis je me lavais les mains que j'oubliais d'essuyer et reprenait ma place. J'enfilais le quatrième verre qui m'attendais bien sagement depuis que je l'avais quitté mais rien ne coula dans ma gorge. Je ne m'en rendis compte que cinq secondes plus tard.

- QUI A BU MON ALCOOL, QU'LUI PETE LA GUEULE !!

L'alcool me faisais oublier que j'étais un trouillard. Conscient j'aurais eu trop peur de toutes ces têtes qui se retournaient contre moi, l'air furax. Le silence prenait place. Tous me défiaient du regard, me considérant comme un petit blanc-bec. Rien à faire, j'allais leur faire voir qu'on ne boit pas dans mon verre comme ça. Je renversais une table, précisément la plus proche.

- C'EST TOI L'ENCULE QU'A BU MON VERRE DE VODKA ET MON VERRE DE SAKE ? ..... NON, C'EST TOI LA-BAS, J'SAIS.

Et tour à tour, j'accusais chacun des types de la salle, me les collant à dos lorsque soudain j'aperçus un homme qui était tout à l'heure à coté de moi au comptoir. C'était lui, j'en étais sûr !!

    En avalant son deuxième verre, Malégor s'accorda un peu plus de temps pour observer les environs. On pouvait compter pas loin d'une cinquantaine de personnes, la plupart âgées de 40 à 50 ans - approximativement. Au final, l'ambiance était pareille à n'importe quel bar de North Blue. Si les rues ne payaient pas de mine au premier abord, il suffisait de rester paisiblement installé sur son tabouret sans faire de vagues et on pouvait presque se sentir chez soi.
    Les activités étaient les mêmes : poker, dés, concours de cul-sec ou de rôts, chants à tue-tête, salutations un peu trop cordiales vis-à-vis des serveuses et de nombreuses autres encore que le chauffeur n'avait pas le courage de nommer.
    Alors qu'il était occupé à observer deux malabars en plein bras de fer avec un ou deux spectateurs autour, il vit un homme débarquer de nulle part et s'installer à leur table. Moins de cinq secondes plus tard, l'étranger quittait la table pour se diriger vers le bar. Malégor hoqueta et replongea dans son verre, tout en entendant bien malgré lui la commande de l'homme. Cinq verres d'alcool pour oublier ses malheurs ? À part lui, le pilote ricana. Mais bon, tous n'étaient pas comme lui, aussi résistant à la liqueur.

    L'inconnu descendit trois verres très rapidement et, la démarche déjà entamée, s'éloigna du comptoir. Malégor ne put s'empêcher de remarquer que c'était bien imprudent. Laisser son alcool traîner comme ça, à la vue de tous, c'était du suicide éthylique. Il termina son deuxième verre et partit pour un troisième. Maintenant qu'il était plus à l'aise, autant continuer dans sa lancée.
    Le barman lui apporta donc sa boisson et, au même moment, un loustic à peine majeur prit place non loin de lui, devant les verres abandonnés de l'étranger. Et il but les deux verres restants sans plus de remords que ça avant de s'enfuir en toute hâte. Un requin de bar, comme aimait à les appeler Malégor. Il avait fait ça dans sa jeunesse, avant de pouvoir s'acheter son alcool lui-même. Rester tapi dans l'ombre en attendant une occasion et bondir dessus avant de disparaître le plus vite possible.

    Et voilà pourquoi faut pas laisser traîner ses verres n'importe où ... pensa-t-il en prenant une bonne lampée de whisky.

    Le barman soupira et haussa les épaules. Tant qu'il était payé, il s'en moquait, devinait Malégor. Il se frotta le menton en retournant à ses verres. Alors qu'il avait encore le nez dans son verre, le cri de l'étranger revenu de sa pause le fit sursauter.

    « QUI A BU MON ALCOOL, QU'LUI PETE LA GUEULE !! »

    Malégor risqua un coup d'œil vers lui, voir comment il réagissait. Comment pouvait réagir un idiot qui laissait ses verres sans surveillance quand ils avaient disparu ? Il pointait tous ceux qu'il voyait du doigt. C'était lui, puis la seconde d'après c'était lui, et trois secondes plus tard, il avait déniché quatre autres coupables. Quand, tout doucement, presque sournoisement, il se tourna vers Malégor.
    Ce dernier le regarda cinq bonnes secondes dans les yeux avant de comprendre. Pour être sûr, il regarda derrière lui, de manière totalement innocente. Il avait juste bu ses verres, pas ceux d'un étranger. Trop respectueux pour ça. Comment pouvait-on l'accuser ? Ou même le suspecter ? Il rendit un regard indifférent à l'étranger.

    « Je sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais si y a un souci quelconque, exprime-toi. »

    Il acheva son verre puis le posa bruyamment sur le comptoir, sous les yeux intéressés de tout l'établissement. Malégor lui-même le sentait : l'ambiance était tendue. Il se mit debout, tituba légèrement, se remit d'aplomb et continua de toiser le nouveau.
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    J'étais d'humeur écrasante à cause de ces fichus verres. Qui aurait su que mon ivresse me ferait oublier ma nature légèrement peureuse. En tout cas, je ne manquais pas de toupet et accusais chacun des consommateurs de la salle jusqu'à que je me souvienne d'une personne qui était à coté de moi au comptoir. Je me retournais et le regardais fixement avec un regard défiant. Était-ce lui ? Il ressemblait aux hommes fêtards et malins. Quoique venir seul dans un bar c'était parfois les démarches de ceux qui dépriment, ceux qui n'ont rien à faire. Moi en quelque sorte. Et voilà que le menaçant du regard, il essayait une feinte, regardant derrière lui pour marquer son innocence.

    Gredin, je les connais les fourbes dans ce genre. Cruel, prêt à tout pour de l'alcool. Mais moi Molokost premier du nom n'allais pas me laisser faire, c'était contraire à l'image du superhéros courageux que je m'imaginais de moi-même. Ma part de conscience me suggérais de réfléchir. Était-ce ce drôle de méchant homme qui m'avait volé mon bien, mon amour, mes deux verres d'alcool ? Il paressait innocent pourtant. Soudain, un tout petit personnage tout rouge se posa sur mon épaule. Il avait une queue et des cornes, mais aussi ma tête. Il me tirait une oreille puis me chuchotait tout un tas de choses.

    * Vas tu te laisser faire Molokost ? Tu es grand, tu es super musclé, tu fais trois mètres de large sur quatre mètres de haut, qui peut te battre ? Allez, montre lui qu'on ne se moque pas de toi comme ça. Fais lui comprendre qui dirige ici. Le gredin pense pouvoir t'entourlouper, il va le payer. Allez du nerf, montre nous ta vrai nature Molokost, fais toi respecter à ta juste valeur. *

    Après avoir chuchoté tous ces mots, le petit diablotin se volatilisait. Je ne savais pas alors que j'étais victime de ma propre ivresse, quoique ce genre de situation arrivait même quand j'étais lucide. Mais j'étais bien bête de croire aux âneries que me racontait mon mauvais moi. Trois mètres de large sur quatre mètres de haut, si seulement je ne m'étais pas persuadé que c'était vrai ... Mais je continue de vous raconter ce qui s'est passé ce jour là. Figurez-vous que j'étais à fond dans mon nouveau corps imaginaire de trois mètres de large sur quatre mètres de haut et je me sentais tellement puissant que je renversais tables et chaises devant moi pour me frayer un passage jusqu'au cruel et avide homme qui avait bu mes chope d'alcool. Je poussais un grognement que seul une cage thoracique énorme pouvait faire et poussais les types sur mon passage. Enfin en réalité le grognement ressemblait plus à un miaulement mais étant convaincu d'être un mastodonte, je ne pouvais pas faire grand chose.

    L'infâme voleur était vêtu d'une gabardine blanche serré par une épaisse ceinture rouge comme s'il avait peur qu'on lui vole son habit à capuche. Son teint de peau était foncé, comme s'il était assombrit par tous les méfaits qu'il avait commit. Je ne prêtais aucune attention à ses cheveux blancs qui m'auraient attirés si j'avais toute ma tête, je fonçais sur lui comme animé soudainement par une haine. Puis je donnais un coup de toutes mes forces de mon bras droit qui emporta même mon corps faire un tour sur moi même. Je n'étais pas sur de l'avoir touché, décidément l'alcool me jouait des tours. Je m'élançais une nouvelle fois vers lui pour le plaquer au sol.


      Malégor pressentit l'attaque bien avant qu'elle n'arrive. L'alcool avait mises à genoux les dernières pensées rationnelles de l'homme. Le phénomène était connu du pilote, qui esquiva le premier assaut, beaucoup trop balourd pour être efficace. L'assaillant pirouetta inutilement dans les airs, sa veste verte suivant ses mouvements disgracieux, et s'immobilisa. Puis, sans crier gare, il se rua sur Malégor. Ce dernier esquissa un mouvement de recul, mais trop tard. Il fut projeté au sol avec force, renversant tables, chaises et verres dans un fracas assourdissant. Il sentit un morceau de bois lui pénétrer les côtes, entamant sa chair de manière assez brutale.
      Dans un gémissement de douleur, Malégor se servit de l'élan de son agresseur et roula au sol pour projeter l'inconnu plus loin. Il se remit ensuite debout, parmi les décombres de bois et de verre. Les clients les plus proches avaient bondi en arrière, de peur d'être happés dans le combat qui venait de démarrer.

      Machinalement, la main de Malégor se porta à sa ceinture, où sa fiole d'alcool traînait, mais en jetant un coup d'œil à son adversaire, les remords l'assaillirent. Il ne pouvait décemment pas utiliser ses techniques de combat pour une bagarre d'ivrognes. Il se passa néanmoins distraitement une main sur sa côté blessée. Il saignait. Ronchon, il regarda son opposant se relever aussi.

      « Ça va pas, ou quoi ? T'as failli te faire mal ! » lâcha Malégor en se mettant en position de combat.

      Il ne cherchait pas nécessairement l'affrontement, mais bon ... Il fallait bien ce qu'il fallait, hein. Il s'approcha donc du belligérant et lui décocha une droite en plein visage, se retirant légèrement pour voir sa réaction. Pas la peine de le rouer de coups si une seule patate lui suffisait.

      Par mesure de précaution, le chauffeur se plaça néanmoins à côté d'une chaise qui traînait par là. Son adversaire ne transpirait pas la maîtrise du combat au corps à corps et, de toute façon, il était complètement beurré.

      Autour de l'échauffourée, le silence s'était installé. Tous s'étaient tus et regardaient les deux combattants, l'un au sol, l'autre le flanc bien amoché.

      « Si tu te relèves maintenant, j'aurai pas le choix et je devrai m'énerver pour de bon. » continua Malégor d'un ton ferme. Malgré tout, on pouvait sentir une petite pointe d'excitation dans sa voix. Il aimait bien se battre, ça pimentait toujours un peu la soirée et ça rendait les choses trépidantes.
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      Mon premier assaut fut inutile, effectivement l'élan de mon bras me fis faire un tour sur moi-même. Le deuxième assaut était tout aussi bestial. Emporté pleinement par mon imagination, je me laissais entrainer par la vague de puissance qui parcourait mon corps. Les bagarres n'étaient pas mon point fort et ce plaquage était loin d'être parfait. J'avais mis ma tête devant au lieu de la mettre à coté d'une de ses hanches, et j'avais réussis malgré une mauvaise position à le projeter à deux mètres plus loin, brusquement et fortement sur le sol. Le seul avantage dans mon assaut est qu'il avait été imprévisible. C'est dur de deviner un homme saoul parce que ses mouvements et ses réactions sont incertains et parfois très brusques.

      C'est ainsi que j'arrivais donc à projeter quelqu'un au sol malgré ma nature peureuse. Comme j'aimerais revoir cette scène dans un escarméra. Enfin je corrige, pour plaquer le bon gaillard sur le plancher il avait fallu qu'on brise verres, qu'on casse une table et qu'on renverse quelques chaises d'abord. Et le malheureux s'était retrouvé meurtri par un bout de bois qui avait pénétré sa peau et qui s'était assez enfoncé pour ne pas continuer le combat. Comment Diable avait-il fait pour être aussi maladroit ? Peut être qu'il avait fait exprès pour ne pas avoir à faire à moi, me dis-je sur le moment. Ah si seulement...

      Revenons en à moi. L'ennemi profitait de l'élan de mon attaque pour me faire voltiger un peu plus loin. J'avais bien essayé de me rattraper pour ne pas tomber mais vous aurez compris qu'avec l'alcool dans le sang c'était pas si facile, surtout pour un faiblard comme moi. Tandis que je trainais à me relever, cherchant un bon appui qui ne cèderait pas sous mes mouvements imprécis, l'homme à la peau sombre mettait une main sur sa côte blessé. Du sang ? Mon Dieu, est-ce moi qui avais fait ça ? Non, je n'avais rien à me reprocher après tout. Quelqu'un qui buvait et volait la boisson des autres ne méritait aucune pitié.

      - Ça va pas, ou quoi ? T'as failli te faire mal ! s'écria le gaillard qui m'apparaissait encore plus méchant qu'avant.

      C'était peut être un effet de cette fichue lampe, accroché au plafond, qui vacillait lentement. Sans compter l'horloge qu'on entendait maintenant dans le silence des témoins qui pariait secrètement sur un de nous deux. Tic tact tic tac tic tac... BAM, celle-ci je vous avoue que je n'avais pas eu le temps de l'esquiver, en fait j'eus à peine le temps de l'apercevoir. Un poing, du noir, le sol, puis du sang. Je reculais vivement et me tenais le nez avec mes deux mains.

      - Moooooooooon nez, putaaaaaaain, tu m'as cassé mon nez !!

      - Si tu te relèves maintenant, j'aurai pas le choix et je devrai m'énerver pour de bon.

      Quoi ? Sapristi, ça faisait mal. Mais avec un corps de trois mètres de large et quatre mètres de haut, il m'était impossible de perdre face à un voyou. J'enlevais mes mains de mon nez et je passais ma langue sur ma main gauche pour lécher le sang, puis je gardais l'autre recouverte de ce liquide exprès pour qu'il goutte à ma Justice. Enfin je me levais doucement, silencieux et cette fois-ci plus concentré. Je cherchais dans ma tête des moyens de le vaincre mais je n'en trouvais aucune, j'étais pas si intelligent que ça. Il ne me restait plus qu'à fuir... Fuir ? NON, combattre me reprenais-je.

      - Hey Peau Rouge, je gagnerais ce combat vivant pour l'honneur de mon alcool que tu m'as volé, même si je dois en mourir...

      Sur cette phrase épique que je ne pouvais sortir qu'en étant bourré, je saisissais une bouteille en verre et la lançais sur l'ennemi qui avait bien l'air de l'avoir évité. Ou non, peut être se l'était-il pris, je ne sais vraiment pas en fait. C'était très très flou et en plus j'en voyais trois des adversaires. Milles tonnerres !! Bon, au corps à corps j'étais sur et certain que je ne pouvais pas le manquer et encore moins perdre avec ma carrure balèze d'homme des cavernes. Pendant un moment je me tapais les énormes pectoraux qui tapissaient mon torse à la manière d'un gorille en colère et courais vers lui. Je sautais au dernier moment lorsque je trébuchai contre une chaise que je n'avais pas vu.

      D'un point de vue externe ça donnait plus le blanc-bec qui tapait sur ses touts petits pectoraux mêmes pas développés et qui courait pour se vautrer au sol à cause d'une chaise.

      Je braillais, dingue de m'être fait ridiculisé et je m'avançais plus que d'un pas pour tenter de l'envoyer valser d'un coup de pied chassé.  
        Après sa première sommation, Malégor crut que tout allait rentrer dans l'ordre. L'autre avait l'air hésitant, se relevant doucement, la face rouge d'hémoglobine. Il s'essuya rapidement le visage, apparemment plongé dans ses pensées. Est-ce qu'il envisageait vraiment de se battre dans son état ? Jusqu'à présent, il s'était contenté de tourner sur lui-même, emporté par sa propre force, et de foncer dans le tas comme un dératé. Sa bonne étoile devait le surveiller, il aurait pu s'empaler de lui-même sur un des meubles, au lieu de blesser Malégor. Le sang continuait de couler le long de son flanc, d'ailleurs. La blessure, bien que large, n'était pas très profonde. Il s'était simplement arraché un peu de peau et, malgré les petits picotements désagréables qu'il ressentait, l'alcool et l'adrénaline auraient tôt fait d'annihiler toute trace de douleur. Alors que lui ...

        « Hey Peau Rouge, je gagnerais ce combat vivant pour l'honneur de mon alcool que tu m'as volé, même si je dois en mourir... »


        L'inconnu s'était relevé et lui faisait face, l'air furieux. Il avait mauvaise mine, vraiment, avec sa face barbouillée de rouge.

        « C'que tu dis a aucun sens, vieux » jugea utile de préciser Malégor. Gagner un combat vivant et en mourir... C'était bien une phrase d'ivrogne, ça. Il avait l'habitude, le pilote.

        Il vit alors une bouteille voler dans sa direction. Encore un coup de sa bonne étoile, le projectile suivit la direction voulue. Malégor eut cependant le réflexe de protéger son visage avec ses bras. Dans un bruit de verre brisé, la bouteille vola en éclats. Plusieurs morceaux restèrent fichés dans sa chair tandis que le reste s'éparpillait aux alentours.
        Malégor serra les dents et se préparait à contrattaquer. L'étranger se mit alors à frapper contre sa poitrine, tout comme ces grands singes au zoo, qui essaient d'impressionner les passants avec leurs muscles gonflés. Et la seconde d'après, il s'élançait, avant de s'étaler violemment contre une chaise. Mais, pas déstabilisé pour un sou, il se releva une nouvelle fois et s'en prit à Malégor en l'attaquant directement avec un coup de pied latéral.
        Le mouvement, trop imprécis et trop maladroit, état facile à prévoir. Le pilote se laissa frapper et en profita pour bloquer la jambe du belligérant avec son bras. En guise de représailles, il lui envoya un nouveau coup de poing en plein dans le nez et se retira aussitôt, son genou droit relevé à hauteur du ventre, les bras prêts à frapper une nouvelle fois en cas de besoin.

        Spoiler:

        Il n'avait rien contre cet homme, mais il se montrait plutôt têtu et un brin énervant.

        « J'ai pas touché à ton alcool, vu ? » lui fit Malégor, sur la défensive.

        Des chuchotements résonnaient derrière lui. Les éternels badauds, communs à tous les bars qui se respectent, étaient d'ores et déjà en train de parier. Beaucoup le voyaient sortir vainqueur. Son ennemi était de toute évidence troublé par l'alcool et n'avait pas une forte expérience du combat. Il était aussi plus malingre. Mais d'autres affirmaient qu'un homme imbibé était capable de soulever des montagnes.

        *Heureusement que je suis pas une montagne,* songea-t-il en jetant un coup d'œil furtif en arrière.

        « Dernier avertissement, c'est pas encore trop tard pour toi. Tu sais que tu fais pas le poids, et je trouverais dommage que tu finisses avec des dents en moins. »

        Fallait pas déconner, non plus. Le mec arrivait et l'agressait. Il avait à peine eu le temps de boire quelques verres que sa soirée s'annonçait déjà terminée. Le barman le virerait sans doute une fois la rixe achevée, sans se soucier de lui proposer une petite mousse pour la route.
        Malégor patienta donc une dernière fois, accordant une ultime tentative au pauvre bougre. La réponse du bonhomme serait déterminante, à n'en pas douter.
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        Mon coup de pied chassé n'avait pas eu l'effet que je voulais. L'adversaire l'avait paré et bloqué à l'aide de son bras. Celui-ci saignait et on pouvait voir malgré ma vue flouée, sa chair percée par quelques morceaux de verres. C'était donc que ma bouteille que je lui avais jeté l'avait touché. Soudain, pendant que je regardais une seconde de trop son bras écorché, je devinais alors un coup de poing en ma direction. Bien que je l'avais deviné, le coup m'atteint en pleine face sans que je n'eus le temps de m'écarter. Il laissa ma jambe et se retira tout de suite après. Mauvaise idée, c'est à ce moment qu'il aurait dû finir le combat tant que je n'étais pas prêt à tout pour gagner. Le voleur se mît quand même en position de combat, à un ou deux mètres devant moi.

        - Dernier avertissement, c'est pas encore trop tard pour toi. Tu sais que tu fais pas le poids, et je trouverais dommage que tu finisses avec des dents en moins.

        - Veille fiotte de mes deux couilles ! Tu crois que tu vas me baiser !? Faudrait toute une armée pour m’enculer !


        Le type pensait vraiment m'intimider, moi, Molokost 1er du nom ? Mon sang se chauffait, la tension montait. Je balançais une personne à côté de moi sur l'homme à la peau foncé et courais vers lui, sautant juste avant pour lui infliger un des ces jolis coups de genoux de muai thay. J'enchainais sans attendre avec un crochet dans la tempe suivit d'un puissant low kick dans sa cuisse. Vu la puissance, ça allait sûrement le faire boiter les jours prochains. Ensuite, je me reculais jusqu'à l'entrée des toilettes quelques mètres derrière, et criait :

        - Pouce !

        Je n'arriverais pas à continuer longtemps comme ça. Je me plaçais un coup à moi même dans le ventre afin de me faire vomir. Un deuxième. Voilà, je me sentais mieux maintenant. Je m'essayais la bouche sur une manche de ma veste verte et la déshabillait de mon corps. Je la jetais sur le comptoir, prenais un verre d'eau encore plein et le j'était dans ma figure. J'étais un peu plus réveillé mais pas assez. Je me frottais les yeux et secouait ma tête, plongeant ensuite ma tête sous le robinet du comptoir pour être plus sobre.

        - À nous deux, connard !

          Et la réponse fut effectivement déterminante. Concentré d'insultes et de rage, de violence, d'envie de se battre, ce que l'autre dit à Malégor indiquait clairement qu'il allait se battre. Le pilote n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que c'était déjà reparti.

          Le belligérant attrapa un badaud qui avait eu le malheur de ne pas s'éloigner et le projeta contre Malégor. Ce dernier le réceptionna et le fit bouger sur le côté le plus rapidement possible. Trop tard, il vit un genou lui fuser en plein dans le ventre. Malégor se courba pour accuser le choc mais, non seulement le genou s'était logé assez profondément dans ses entrailles et en plus de cela, sa côte écorchée lui arracha un cri de douleur.
          La seconde d'après, l'ivrogne lui colla une droite en plein visage. Malégor recula, la tempe endolorie par le coup, percuta une chaise sous les cris enthousiasmés des spectateurs, se retourna, énervé. Il vit le kick de l'inconnu lui arriver dessus et le frapper au niveau de la cuisse. Le chauffeur voulut répliquer mais l'autre s'était déjà reculé d'un bond.


          « Pouce ! » cria l'autre en approchant des toilettes. Malégor le regarda alors se frapper dans le ventre pour vomir tout ce qu'il avait bu, se rafraîchir le visage avec de l'eau du bar, le scruter férocement avant de rajouter, venimeux : « À nous deux, connard ! »

          Cette fois, Malégor se rembrunit, attrapant une bouteille qui traînait sur le bar. De la bière bien mousseuse.

          « Tu l'auras voulu, espèce d'enfoiré. Te permettre de me taper dessus, de m'accuser de crimes contre l'humanité et en plus de gaspiller de l'alcool tout en "pouçant" le combat... grogna le pilote en avalant la bouteille de bière d'un trait. Nomisuke "Pub Fighting" Style ! »

          L'alcool lui creva aussitôt la tête. Il lâcha un rôt bien gouleyant et s'essuya la bouche avant d'expédier la bouteille vide sur son adversaire. La douleur de son corps s'amenuisait doucement, il sentait juste l'écorchure de son flanc qui le tiraillait encore.

          Sans attendre que le premier projectile atteigne sa cible, Malégor mit son pied sous une chaise et, comme s'il shootait dans un ballon, l'expédia à son tour sur son adversaire. Il s'empara ensuite d'un verre et, tout en suivant la course aérienne de la chaise, se rua sur sa proie. Il essaya ensuite de lui porter un coup au niveau du torse, le verre récupéré contre la paume de façon à l'éclater directement sur l'inconnu. Lorsque ce dernier se retrouva acculé contre le mur, Malégor lui colla un coup de bras en plein visage - le bras dans lequel étaient restés enfoncés des éclats de verre.

          Malégor attrapa ensuite un plateau qui traînait sur le comptoir et frappa une nouvelle fois son opposant au niveau du visage. Il se recula et lança son "arme" à la manière d'un frisbee, sans viser une zone en particulier. Et avant de repartir à l'attaque, il attrapa deux tabourets, un dans chaque main.
          Il tangua faiblement, se servant de ses meubles pour rester debout.

          « Buuurp ! Ch'fais t'péter la tronche ! »
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          Je m'étais passé de l'eau sur mon visage. J'étais beaucoup plus sobre maintenant mais... Plus mon état d'ivresse partait plus mon courage s'en allait avec lui. Je redevenais petit à petit le poltron, le trouillard, le petit blanc-bec qui avait peur des guêpes et des araignées. Ah, si seulement...
          Ma carrure à laquelle je croyais incarner n'était que l'illusion de l'alcool mais maintenant j'avais peur. J'avais peur de tous ces malfrats du bar qui me regardaient d'un œil emporté, amusé, et même quelques uns effrayés. Moi ? C'était moi qui avait effrayé quelques de ces types ?

          - Tu l'auras voulu, espèce d'enfoiré. Te permettre de me taper dessus, de m'accuser de crimes contre l'humanité et en plus de gaspiller de l'alcool tout en "pouçant" le combat...

          Non c'était sûrement lui. Lui, la source de mes problèmes. Celui qui m'avait volé mon alcool, celui auquel j'étais confronté. Mon Dieu mais qu'avais-je pu bien faire pour l'énerver autant ? Il saisissait la bouteille qu'il venait de s'enfiler cul sec. J'avais juste à m'excuser, m'agenouiller devant lui pour me faire pardonner et tout serait fini... KRAAAK Je parlais trop vite. Je venais de me recevoir sa bouteille en verre en pleine figure. Le sang me coulait du front, de l'arcade et de ma lèvre du bas qui était ouverte. Des bouts de verres étaient encore coincés dans mon front et un peu partout sur mon visage. C'était très douloureux, trop.

          - OUAïlïE ! AïïïE !

          Je criais de douleur, portant mes deux bras sur ma tête. Une chaise se fracassa contre ceux-ci, j'allais sûrement avoir des gros bleus sur mes bras et des blessures sur tout mon visage. Cependant j'eus la chance d'éviter l'attaque suivante du type à la peau foncé en me reculant contre le mur. Il en profita pour me faire goûter ses bras parsemés de bouts de verres. Je peux vous dire que je la sentis celle-ci. Ma bouche était écorché, mes lèvres ouvertes, mon front saignant. Même si j'avais peur, il fallait que je réplique et m'excuse dans un de ses instants de retraits. Je me pris en pleine face un coup de plateau qui trainait par là puis je me profitais qu'il recule enfin pour m'agenouiller devant lui afin de me faire pardonner. Par chance en faisant ça, j'avais esquivé le plateau qu'il venait de me lancer.

          L'agresseur repartait déjà à l'attaque. Il choppait deux tabourets. En fait, j'allais peut être me les prendre ces deux tabourets si je restais agenouillé en boule. Je me relevais et courais derrière le barman. Puis je le suppliais d'arrêter ce massacre. Tout compte fait, j'avais peut être une dernière chance de m'échapper de ce bar. Mais ça n'allait pas être très loyal. Je prenais un couteau à coté et menaçait le barman à la gorge. Ensuite je m'adressais à mon adversaire.

          - Lai... Laisse moi m'en aller ou... ou je le tue !

            Malégor ne chercha même pas à savoir si ses attaques avaient touché. Il voulait simplement faire comprendre à cet impudent qu'on ne pouvait pas s'en prendre à n'importe qui n'importe quand et n'importe comment. Après avoir balancé le plateau en direction de son adversaire, il trébucha et tomba par terre mais, avec la grâce et l'élégance d'un mec torché, se releva en mimant un semblant de saut carpé.

            Spoiler:

            Il se réceptionna sur un pied, vacilla dangereusement puis parvint à se stabiliser tant bien que mal. Ses yeux rouges d'alcool se posèrent sur le mur contre lequel son agresseur se trouvait quelques secondes plus tôt, sans parvenir à le retrouver. Il le trouva alors derrière le bar, une lame sous la gorge du brave aubergiste qui venait de lui servir à boire. Sa mâchoire se crispa, ses poings se fermèrent, une veine commença à palpiter sur sa tempe. Voilà que le bonhomme s'enfonçait encore un peu plus dans sa lâcheté et sa stupidité.

            « Tu grois vrai - hips - ment qu'tu'vas t'en sortHICr comme ça ? J'vais t'allumer !
            - C... Calmez-vous, s'il vous plaît, se mit alors à supplier le barman, des sueurs froides sur le front, complètement paralysé par la terreur. Si tout le monde se calme, je... je... je vous paie autant de tournées que vous voulez ! À tous les deux ! »

            Malégor se détendit instantanément. Les personnes bourrées sont très souvent sourdes aux conseils, aux avis et aux requêtes d'autrui, sauf s'ils concernent un peu plus de liqueur alcoolisée.

            « Zi tu lâches ton jouet, c'est bon » fit Malégor à l'attention du preneur d'otage.

            Il vint s'installer au bar en reposant ses deux tabourets et, tout en continuant de toiser l'autre d'un regard noir, demanda un verre de whisky au miel. Pour des verres d'alcool, Malégor était prêt à tout pardonner. Par contre, si jamais l'inconnu venait à blesser le barman, sa vengeance serait terrible.
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            Ma phrase n'était pas tombé sur la bonne personne, le chantage ne semblait pas marcher une seconde. Ça ranimait même plus son envie de me refaire le portrait. Sacrebleu ! Il répondait qu'il allait me casser la tronche avec le fameux charme des alcooliques : le hoquet. Mince, comment allais-je faire pour m'enfuir d'ici en un seul morceau si même le chantage ne marchait pas ? J'hésitais quelques infimes secondes et rentrais ma main de libre dans mon caleçon pour y sortir mon arme à feu, tant pis, j'emploierais les grands moyens. Tout à coup, le barman, trempé de sueur du front aux joues, eût l'excellente initiative de nous proposer un marché qu'on ne refuse pas comme ça ; si on se calmait, il nous payait autant de tournées qu'on voulait. C'était-il pas génial ça ?! Mais l'autre voleur ne put s'empêcher de me lancer une pique.

            - Zi tu lâches ton jouet, c'est bon

            JOUET ? Il osait appeler ça un jouet !! Ce magnifique revolver noir à canon long ? ce neuf coups avec une des meilleures puissances de tirs de ce type de calibre ? Fallait vraiment être dépendant de l'alcool pour comparer cette arme à un jouet mais qu'est-ce que ça pouvait m'énerver... Quoi qu'il en soit, c'était l'occasion pour moi de me sauver de cet endroit glauque et malfamé et d'aller dès l'aube à la prochaine île, qui serait je l'espère plus accueillante. Mais tant que nous y étions, pourquoi ne pas s'enfiler gratuitement les verres que le Barman nous offrait le plus gentiment possible ? Ah si seulement...

            - Allez, buvez ce verre pour la paix... Tiens un autre, c'est la spécialité du coin... Et celui-là on ne le sert qu'ici alors goutez le... Allez, encore un verre pour oublier tout ça... Non, ne me dites pas que vous êtes déjà sou ? ... Le dernier des derniers, pour moi, allez ne fais pas ta femmelette.

            Ce barman était vraiment sympathique. Dire que je lui avais collé un couteau sous la gorge, c'était honteux de ma part. Il était tellement aimable, tellement serviable. On en voyait pas deux comme lui. Il me servait verre après verre avec un grand sourire, je peux vous assurer que ça le faisait plaisir de me voir boire. Il trouvait toujours quelque chose pour me rajouter un verre, et tout ça gratuitement. J'en oubliais même ce qui s'était passé, normal, j'étais de nouveau sous l'emprise de l'alcool mais cette fois-ci bien trop sou pour remuer mes pattes. Soudain je remarquais une troupe de dix marines, juste derrière moi.

            - Vous êtes en état d'arrestation, vous pouvez garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous...

            Sur ces mots tant malheureusement connus, ces sales soldats me passaient les menottes sans se soucier d'un quelconque geste de révolte. J'étais bien trop mou pour ça. Mais j'arrivais quand même à ouvrir ma bouche et à sortir des âneries.

            - Ouzètes n'état d'arisatioooon..HIPS..z'peu garrrder le zilence mais zi zai pas envie ? Ooh et meerde, NiiqUe la ..HIPS... Niquee la marine.

            - Je vous conseille de pas jouer au con, vous pouvez encourir une peine très grave pour ce que vous venez de dire.  

            - Z'veux pas zouer au con M'sieur l'marine, vous z'êtes sûr d'gagner !

            Tiens, mais quand j'y repense... C'était louche tout ça. Le barman qui me faisait boire le plus possible, son si grand sourire..Il avait dû appeler la marine en allant chercher une autre bouteille, l'enflure. Ah si seulement je n'avais pas bu d'alcool.


            FIN DU RP