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#Regression

Cette année n'était pas celle du Tigre, ni même celle du Rat. A vrai dire, nous n'avions tout simplement aucune idée de l'année que nous étions. Nous ? Papo, Mamo et moi, Anton. Il n'y avait rien de bien étonnant à ce que je ne sache pas la date précise en tant qu'ancien esclave mais cela semblait tout de même bien étrange de la part du couple de vieux qui m'hébergeaient. Mais après tout, ils vivaient dans une béatitude ambiante qui faisait qu'on en oubliait un peu tout autour de soi. Perdu entre bienséance et désir de toujours s'entraîner un peu plus, je me remettais petit à petit des blessures que j'avais subit lors de ma chute de RedLine. Déjà ne restait plus que les hématomes sur mon corps et une simple entorse au niveau du coude droit. Bien heureusement, je n'avais pas à me servir de ce bras pour exercer mon art du combat et pouvait donc petit à petit reprendre mes entraînements. Papo était là, lui aussi, pour m'aider à s'en sortir.

J'avais toujours été étonné de voir ce couple de retraités m'aider comme ça, m'héberger et me nourrir gratuitement, alors qu'ils ne connaissaient pas le moins du monde la personne qu'ils avaient sous leur toit. Pourtant, ils faisaient tout cela gracieusement, comme si laisser une personne à la rue leur semblait un sentiment bien plus insurmontable que le risque d'être tués par un pirate un peu trop désireux de richesse. Car après tout, Papo et Mamo n'étaient pas en manque d'argent non. Le vieux, en tant qu'ancien marin, touchait une prestation de retraite assez élevée et Mamo rapportait encore un peu plus d'argent en vendant aux quelques voisins des broderies de sa confection. Ils ne roulaient donc pas sur l'or mais pouvaient très bien subvenir aux besoins d'un nouveau pensionnaire sans forcément être ruinés de quoique ce soit.

A cette époque, je n'avais pas encore de réelles ambitions. Je venais tout juste de m'évader de mon esclavagisme et je ne comprenais pas encore tout à ce qui m'entourait. Perdu entre découvertes et énigmes, je commençais d'ailleurs à me demander d'où je venais réellement. Car après tout, comme Papo et Mamo me l'avaient fait remarquer, j'avais bien du avoir une vie avant de devenir esclave. Mes parents étaient-ils morts ? Que faisaient-ils auparavant ? Je n'en avais tout simplement aucune idée mais je me remettais sans cesse en question à cette époque : qu'allais-je faire de ma vie future ? Je ne pourrais pas rester éternellement reclus sur cette île, je devrais bien un jour me trouver un emplois. Ce qui était sûr cependant, c'était que je ne deviendrais jamais pirate : ces sales bandits m'avaient menés la vie dure durant trop de temps pour que je puisse un jour vouloir leur ressembler.

Les jours passèrent, le vie continua son court et je me remettais petit à petit sur pieds. Les entraînements devinrent petit à petit beaucoup plus intense, beaucoup plus que tout ce que j'avais pu faire jusqu'à maintenant. Usant de ma célérité, j'arrivais à prendre de vitesse Papo - qui s'était porté volontaire pour diriger chacun de mes entraînements - mais je ne pouvais rivaliser face à son sabre de marin encore bien trop effilé pour que je puisse espérer le bloquer avec ma jambe. Je ressortais donc chaque soir avec des taillades au niveau des mollets.
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Anton, je peux te poser une question ?

Cela ne me paraissait pas anormal de la part de Papo, lui qui était un grand philosophe dans l'âme et qui aimait se laisser aller avec moi à diverses divergences en tout genre. Cependant, le fait qu'il me pose la question à la fin de notre entraînement quotidien m'étonnait, lui qui habituellement se contentait de me questionner durant la séance afin de me déstabiliser par tout les moyens.

Oui Papo, qu'est-ce qu'il y a ?

Es-tu en paix ?

La question sortie de sa bouche comme une étrange libération de sa part. Pourquoi me posait-il une telle maxime ? Avais-je l'air de tant me questionner sur ma vie au point que tout le monde autour de moi le remarque ? J'hésitais à répondre. Après tout, peut-être attendait-il que je lui mente pour que tout se passe pour le mieux ? Je n'en avais aucune idée, mais je ne pouvais me résoudre à mentir à la seule figure paternelle que je n'ai jamais eus.

N-N-Non, pas vraiment...

Tu sais Anton, on m'a une fois rapporter un proverbe qui pourrait convenir à ton état intérieur en ce moment : "Si vous vous sentez dépressif,c'est que vous êtes encore dans le passé. Si vous vous sentez anxieux, c'est que vous vivez dans le futur. Si vous êtes en paix, c'est que le présent est la place idéale dans laquelle vous vivez". Je crois bien que cela te correspond en ce moment non ? Tu te demande ce que tu pourrai faire plus tard n'est-ce pas ? Et tu as peur que ton passé te bloque dans tes ambitions c'est cela ?


Comment avait-il réussit à savoir tout cela ? Après tout, je ne lui avais jamais parler de telles choses et il ne pouvait faire que s'en douter. Pourtant, il avait vu tout juste. Depuis un petit moment déjà, j'avais eus la prétention de croire que j'aurais pu entrer dans cette organisation que l'on appelé la Marine. Instance du gouvernement, je souhaitais devenir un bon soldat comme Papo, en vue d'anéantir toute forme de piraterie sur les mers du globe. Pourtant, cette idée n'était resté qu'à l’état de fantasme dans ma tête et je n'avais jamais pu concrétiser mes projets pour le moment. Conscient que mon passé d'esclave me bloquerait la voie à de nombreuses formes de métiers, je m'étais même résolu à - pourquoi pas - entrer chez ceux que l'on appelé les révolutionnaires, dans le but de faire un peu changer les choses. Cependant, les ambitions de ce groupuscule ne me convenaient pas puisque leur but était de faire changer le gouvernement. En réalité, j'aurai pu les rejoindre sur certains points puisque je souhaitais également faire évoluer la Marine, mais seulement dans le but de renforcer l’étau autour des pirates que trouvais encore un peu trop lâche. Non, je m'étais donc résignais à vivre comme un reclus, un rejeté de la société, forçais à vivre comme un éternel exilé.

C-C'est vrai. En fait, ce que je veux, c'est intégrer la Marine, comme toi. T'as toujours été un exemple pour moi et je voulais que les pirates payent pour ce qu'ils m'ont fait et ce qu'ils continuent de faire à d'autres innocents. En plus...


Je vois très bien ce que tu veux dire Anton, ça sert à rien de tergiverser plus longtemps. Tu pense que le gouvernement ne laissera pas un ancien esclave entrer dans la Marine ? Mais tu sais, nous avons un tous nos petits secrets. Bien sûr, le tien est un peu plus lourd à porter que la majorité des autres, mais cela ne t'empêche en aucun cas d'intégrer les rangs de notre Marine nationale. Il te suffit de rester assez discret sur le sujet et tout se passera pour le mieux, crois-moi.

Ces mots. C'était ceux que je voulais entendre, plus que tout au monde. Enfin, mes rêves voyaient une chance, même légère de se concrétiser. Comment donc pouvoir penser que tout ne pouvait pas qu'aller pour le mieux ? J'étais refais, repeins, finis. Tout ce que je pensais irréalisable allait enfin devenir peut-être réalité. Le futur me permet de dire que ce fut le cas, mais les péripéties qui s'en suivirent ne me rendraient pas la tâche simple, contrairement à ce que je pensais.
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