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Jeune naïf


L’île n’est pas si mal, en effet. Un désert interminable en guise de plage et une forêt tropicale pour seule verdure. Trois coquillages se battent en duel pour désigner celui qui s’agglutinera le plus rapidement à un bout de mon vieux radeau. Tu parles d’une embarcation, quelques rondins de bois attachés par une multitude de boyaux humain. Je t’ai pas prévenu, ouais. Ça remonte à une petite semaine, un soldat de la marine s’est porté volontaire pour me servir corps et âme, surtout corps. C’est grâce à lui que j’suis toujours de ce monde, hein ; en plus de m’servir d’accessoires, il m’a aussi servi de nourriture. Je me retourne vers l’océan, vers l’horizon. Le ciel orangé se retrouve envahit de nuages sanguins, c’est le paysage parfait pour un repas copieux. Du moins, c’est à en croire les vautours qui « rôdent » aux alentours. Je laisse tomber ma pagaie de fortune, la colonne vertébrale de mon sauveur enlace le sable chaud. J’me demande s’il y a de la viande fraîche par ici, l’estomac commence à travailler à blanc.

J’prends la marche en direction de l’orée de la forêt, ma vue se fige sur les quelques arbres desséchés par l’climat littéralement insupportable, insupportable, vraiment. Les quelques branches mortes dessinent un endroit morbide, de la même manière que chaque fémur recouvert de sable laisse présager l’arrivée de belles hordes de hyènes affamées. Ce n’est pas le moment de se plaindre, surtout si les prédateurs du dimanche viennent directement dans la gueule du prédateur de l’année. Pouah, quelques coyotes, l’estomac fulmine déjà à l’idée de dévorer des sous-chiens. Parce que d’après moi les chiens, c’est plus intelligent. Ouais, ça à beau avoir une tête de con, ce n’est pas pour autant que ça n’réfléchit pas.

WARF !

Tiens, en parlant du loup. Je me retourne vers l’aboiement pour dévisager un petit chiot, mignon. J’m’attends à un peu plus d’aliments nutritionnels quand même, bordel. On a quoi, une île complètement dépravée et quoi ? Un foutu clébard ? Même pas une quelconque troupe d’indigènes du même régime alimentaire que le mien ? Avis aux mangeurs d’hommes, sachez que vous n’pourrez pas vous planquer éternellement.

WOUF !

C’est que la brochette de viande s’approche de plus en plus, j’applaudis cet excès de courage. J’le toise du regard, l’genre de comportement qui met en rogne ces petits canidés.

- Doddy ! Doddy, reviens !


Ce n’est pas que le sujet pourrait faire tomber le roi de son trône, non, il est seulement proche de le faire basculer d’un côté. En effet, je m’attends à toutes sortes d’atrocités mais pas à un jeune gamin aux allures innocentes. C’est bon signe, il doit y avoir de la vie ici, de la civilisation. J’imagine déjà la tête du gosse à la vue de ma gueule ensanglantée ; un visage effrayé que je croquerai à pleines dents dans la seconde d’après. Le molosse accoure soudainement à ma position le plus inutilement possible, c'est-à-dire en zigzaguant de la même façon que lorsqu’ils décident d’en faire qu’à leurs têtes. C’est dans la logique des cabots de n’pas obéir, c’n’est pas plus mal.

- Doddy ! Do…


Le petit bout d’humain s’arrête brusquement dans ses mots, l’intonation de sa voix embrasse celle de sa peur. Quoi de plus jubilant que de voir un mioche rencontrer le cauchemar de ses rêves et faire connaissance avec les ombres sous son plumard. Ouais c’est un peu comme les comtes pour enfants, qui peut se douter une seconde que les monstres peuvent sortir des illustrations ? Personne. L’histoire de Danzel, c’est une page blanche déchirée et couverte de sang qui n’attend plus que le retour de son protagoniste.


Dernière édition par Danzel le Mar 7 Juin 2016 - 16:29, édité 2 fois
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- Shahaha, bienvenue petit.

Un rire carnassier effleure le sable, laissant une empreinte rougeâtre à mes pieds. On va faire la causette, toi et moi. Doddy aussi, vu qu'il a l'air de m'apprécier à ma juste valeur. Le grognement du courage, grrrr ! J'aime ça. En guise de pourparlers, j'lève ma paluche, grosse comme un immeuble qui fait de l'ombre aux passants. Action rapidement contestée par l'aboiement du chiot, un cri immédiat dont ses entrailles imprègnent ses graves. Résultat, j'tourne vivement mon regard, participant au concours des plus belles canines.

- Do... Doddy, pas bouger ! - crie-t-il en me regardant, en m'envoyant sa détresse en plein dans la gueule.

Le cabot s'exécute, seule sa truffe s'agite ; la brise lui ramène l'odeur des boyaux en plein dans les nasaux. Derrière moi, mon raffiot. Une scène de culte fanatique dont le niveau du sacrifice se jauge plus à la peinture pourpre qu'à l'élévation spirituelle. Quelques morceaux de viscères scotchées aux rondins de bois, une subtile touche morbide avec un crâne humain en guise de proue. De l'art moderne, c'est ça. Alors évidemment, on n'a pas tous la même notion de l'art. N'est-ce pas ?

- Vous... vous êtes qui ?

Le dragon du royaume de pierre, l'araignée du royaume des feuilles. Le roi déchu qui ne passe que par les cases noires et ce, obligatoirement pour finir par te mettre en échec. C'est bien moi, Danzel. Viens donc te perdre dans ma mâchoire, le grand labyrinthe des dents.

- Un sommelier, petit.
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