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Mafia-llait que j'agisse, ou ils allaient me massacrer

"Désolé monsieur, une carte de chasseur de primes ça ne se donne pas comme ça."
...
"Monsieur ?
-Comment ?"

Ah, mince. Je m'étais endormi. Encore. Je serais bien allé voir un docteur, mais je haïssais les médicaments. Résultat, je n'ai pas bien entendu ce qu'elle m'avait dit. Je lui demandais poliment de répeter sa phrase, à cette quarantenaire un peu en surpoids. Elle soupira longuement, et marmonna un "J'vous jure" à peine audible. Au-dessus de son uniforme bleu trop serré pour elle (d'ailleurs, je n'étais pas sûr qu'il existait une taille qui lui convenait), ses sourcils froncés surmontant ses lunettes rondes continuaient d'accentuer des rides déjà trop marquées pour son âge. Elle posa une pile de papiers derrière son bureau et me sortit une feuille, avec une légère exaspération. Le monde administratif était d'une joie.

Elle m'expliqua alors qu'il fallait remplir la feuille avec mes coordonnées, et y ajouter un million de berrys. Un million, rien que ça. Je ne pris même pas la peine de me poser la question si je les avais ou pas : les vêtements que je portais actuellement (les plus classes, c'était un entretien avec le bureau des primes tout de même) m'avaient été offerts grâce à ma dernière mission au sein de la révolution. Bon, d'accord, je les avais pris dans un vestiaire inutilisé. Et oui, j'étais certain que ce vestiaire était inutilisé. Bref, j'avais beau m'habiller à peu près correctement à ce moment, je n'avais décidément pas le million de Berrys demandé. Haaaa, la vie de moine était riche spirituellement, humainement, psychologiquement... mais c'était toute la richesse auquelle j'avais droit.

Je me mis à frotter avec mes gants le côté droit de ma capuche grise, derrière mon masque. J'étais désemparé face à une telle somme. La secrétaire s'éclaircit la voix volontairement, de manière légèrement irritée. Il n'y avait personne derrière moi pourtant. Et je ne lui avais pas dit de choisir ce travail pour commencer. Pourquoi tout le monde ne sortait pas de la société, si celle-ci ne leur convenait pas ? Ah, si j'étais un punk baraqué (du genre roux et cyborg), je lui aurait déjà mis une rouste en pleine face. Mais je ne l'étais pas. Et même si je l'étais, je n'aurais déjà jamais mis les pieds ici. Le moine calme que je représentais la remercia chaleureusement, et sortit du bureau.

Mes getas heurtaient le sol bétonneux et sale de la ville de Las Camp alors que je commençais à errer sans but. Où est-ce que j'allais trouver ce million ? J'écrivis même un haïku pour l'occasion :

Une petite carte
Pour le rêve d'un monde meilleur
Elle est vachement cher

Bon, bah au moins mon inspiration était toujours aussi balèze.


En effet, depuis ma dernière mission à Saint-Uréa, la Révolution ne m'avait pas sollicité. D'ailleurs, depuis que je l'avais rejoint, je n'avais eu droit qu'à une poignée d'agissements sur le terrain. C'était compréhensible : avant toute action, une organisation aussi importante que la Révolution se devait de réfléchir, de planifier à l'avance et au bon moment ses agissements, qu'il s'agisse de manipulation médiatique ou d'opération "coup de poing". D'autre part, mes missions avaient été intense : j'avais eu droit à une bonne dose d'action à chaque fois. Certaines avaient même failli me coûter la vie. Mais ce n'était pas suffisant pour moi.

Je savais pertinemment que la hâte et l'empressement, le désir d'évolution ou de reconnaissance, ces sentiments qui faisaient de nous des êtres humains, je savais qu'ils étaient opposés à ma doctrine. Je savais qu'ils pouvaient être des poisons pour l'esprit qui méditait, pour celui qui cherchait le calme et l'ataraxie. Mais dans la situation actuelle des choses, beaucoup d'interrogations me frappaient. Pourquoi me battais-je, si ce n'était pour agir sur ce monde qui pourrissait de jour en jour ? Quelle était le sens de cette doctrine qui était mienne, si elle ne restait que sous la forme de pensées et d'idéaux ? Comment pourrais-je me sentir bien dans mon corps, propre à tenter d'atteindre le Nirvâna si tout ce que je faisais, c'était fermer les yeux sur la laideur du monde ? Et puis surtout...

Mon maître était sûrement décédé à ce moment. Je lui avais fait un vœu, celui de changer ce monde. Que me dirait-il si je me contentait de fuir ? Comment pourrais-je le rejoindre au Nirvâna quand mon âme quittera mon corps, si la seule chose qu'elle avait pu faire avec, c'était de la contemplation inutile ? Non, non, non. Je voulais changer les choses, qu'il s'agisse de renverser un roi ou bien d'arrêter les malfrats qui empoisonnaient le monde. Diantre, même aider un vétéran à traverser une rue était déjà un début ! Il fallait que j'agisse. Je lui devais ça. Je me devais ça.


Je devais faire honneur aux masques que je portais. Ceux-ci n'étaient pas un simple vêtement, non. Ils représentaient mes idéaux, ma volonté. Ils me représentaient. Et je deviendrais le chien céleste de Bouddha. Je serais l’exécutant de la justice de ceux qui n'y croient plus, la voix de ceux qui étaient muets. Je deviendrais le Tengu de ce monde.
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Et alors que je me perdais dans ces aspirations, ces élans de volonté noble, quelque chose me heurta violemment. Je tombai alors sur le sol, et ce ne fut qu'à ce moment que je pus voir l'obstacle qui me fit barrage. Je vis alors devant moi un homme avec le visage en sang.

Mafia-llait que j'agisse, ou ils allaient me massacrer Yakuza10

Le visage rond, un peu gras, de grosses lèvres, des petits yeux, sur lesquels s'agitaient des sourcils froncés et inquiets... Bouddha, pardonnez mon langage, mais la tronche de ce type était invraisemblable. La gueule complètement irréelle, incroyable. Mais par contre, dans son costume simple mais tâché, il avait l'air vachement en panique.

"Kusooo ! Bakemonooooo ! Kisamaaaa ! Uzaiiii ! (Afin de ne pas choquer le lecteur, les insultes ont été restituées dans leur langue d'origine. Aussi, les sites de traduction et moi-même ne sommes en aucun cas responsables en cas de recherches approfondies.)
-Restez poli, nom de Bouddha."

Je vis son visage se crisper suite à ma remarque. Il allait encore dire une bêtise, je le sentais. Quoi qu'on pouvait en dire, il n'avait pas l'air d'un homme recommandable. Mais bon, Bouddha ne jugeait jamais, alors moi non plus. D'autant plus que le pauvre homme avait de nombreuses traces de sang sur le corps. Il paraissait mal en point.

Ses grosses lèvres allaient encore me balancer quelque chose, mais elles se figèrent soudain quand des bruits de bas se rapprochaient. Nous nous relevâmes tout les deux en trombe, et il me tendit... Non, il me jeta presque dans les bras une valise noire qu'il transportait.

"Kusokusokusokusokuso ! Toi ! Prends-moi ça, et vite !
-Mais je...
-Damare ! On a pas le temps, ils vont nous faire la peau ! Sur le troisième quai de la côte ouest, à 19h30 ! Ike !"


Je pris alors la valise, sans trop comprendre ce qui se passait. Et alors que je me fixait dans un semblant de torpeur, les bruits de pas se rapprochaient. Ils semblaient être nombreux, et on pouvait entendre des cris et insultes. Ça ne sentait définitivement pas bon du tout. La gueule d'ange me pressa.

"IkeikeikeikeiikeikeikeIKEIKEIKEIKE !"

Et on se mit alors à courir.


La course-poursuite dura dix bonnes minutes. Je courrais aussi vite que je pouvais, du haut de mes getas. Peu de gens le savaient, mais une fois qu'on si était habitué, les getas étaient plus efficaces que des chaussures de sport : des impulsions plus fortes, un pas de course plus rapide, des sauts vertigineux... et tout ça, sans faire bobo aux patounettes. Géniales, franchement. Pourquoi je pensais à ça ? Pour éviter de stresser et pour m'occuper l'esprit, tout simplement. Parce que j'étais en train de courir avec une mallette importante (certainement illégale), en compagnie d'un mec grossier doté d'une tronche mémorable que je connais depuis vingt secondes, tout ça pour échapper à une bande d'inconnus que je n'avais pas encore vu et qui voulait déjà ma peau. Et vu comment ma narcolepsie faisait des siennes, il fallait que je pense. Autrement, je risquais de me vautrer dans un sommeil qui allait devenir éternel.

Après ces intenses dix minutes, je n'entendais plus ces pas qui se rapprochaient. J'avais visiblement réussi à les semer. Ou alors autre chose les avait occupé. Enfin bref, il semblait que j'étais tiré d'affaire. Je m'arrêtai alors, et me retournai pour rendre la valise à son propriétaire-à-la-tête-bizarre. Mais je ne vis personne. Perplexe, je me figeai un instant. Que lui était-il arrivé ? C'était peut-être un piège, un coup monté. Cette valise me visait peut-être moi depuis tout ce temps. Ce qui semblait être un accident ne l'était peut-être pas, et j'étais devenu mainten...

*PAN*

Un coup de feu avait retenti. Il semblerait que Gueule-d'ange n'avait pas réussi à les semer lui... Paix à son âme. Sans perdre un moment, vu que j'allais sûrement être le prochain, je rejoins rapidement une ruelle sombre et abandonnée pour m'y cacher. Je soufflais alors un instant.


Je m'assis contre le sol, et déposai la valise près de moi. Je pris ma gourde en main et en tirai une gorgée. Ensuite, je me mis à allumer ma pipe. J'étais un peu secoué par tout ce qui venait de se passer. Une valise, une poursuite... et surtout un mort. Qui que ça pouvait être, cet homme nous avait quitté aujourd'hui. Je ne connaissais pas son nom, ni son métier. Je ne savais pas s'il avait de la famille, ou s'il avait des amis. Il y avait sûrement dans cette ville quelqu'un à qui il allait manquer. Et peut-être qu'il ne sauront jamais ce qui lui était arrivé. A ces tristes pensées, je décidai d'écrire un Haïku pour ce pauvre homme.

Pauvre homme inconnu,
Des gens regretteront toujours
Ta tronche bizarre


Ouais. Bien celui-là. J'étais sûr qu'il aurait aimé l'entendre, qu'il l'aurait adoré. Je vendrais mes recueils, mais ce serait contre ma mentalité. Les gens se l'arracheraient, et mon livre se vendrait comme des petits pains, devenant un best-seller. Je me retrouverais alors englouti dans une montagne de Berrys, à ne savoir qu'en faire. Et l'argent risquerait de me monter à la tête, de corrompre mon âme. Et je n'atteindrais jamais le Nirvâna. Je ne voulais pas prendre ce risque. Ahlàlà... Tant de talent, et pourtant si dangereux... C'est bien dommage.

Je décidai de rester là quelques instants, le temps de finir ma pipe. Et je me rendis alors compte que j'avais toujours la valise de cet inconnu. 19h30, quai numéro trois, à l'ouest... Tant de mystères. Et si c'était un traquenard ? Il allait sûrement m'arriver des bricoles si j'y allais, à ce rendez-vous douteux. D'autant plus que ce n'était pas moi le livreur à la base... Mais je repensai alors à ce pauvre homme décédé aujourd'hui. Ce rendez-vous consistait tout de même son dernier vœu. Je devais au moins faire ça pour lui. C'était la moindre des choses après tout.

Je vérifiai alors l'heure. 19h20. Sitôt que ma pipe fut éteinte, je me remis en route vers le quai numéro trois.
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J'arrivai bientôt au quai désigné. Je me tins près d'un lampadaire, au bord de l'eau. La vue était franchement magnifique : le reflet de la lune sur cette mer d'huile, qui était ironiquement sur le rivage d'une île bien trop houleuse. J'écrirais bien un autre haïku, mais il ne fallait pas user tant de talent en une journée. Donc je profitais calmement de la vue, sans un mot, sans rien faire d'autre. Parce qu'il n'y avait en effet que le paysage à voir : il n'y avait personne. Mais bon, je pris mon mal en patience. Peut-être était-ce une amie intime, et que la mallette contenait un bouquet de fleurs ? Peut-être était-ce un membre de sa famille, et que la mallette contenait un bouquet de fleurs ? Peut-être était-ce un associé d'une méga-compagnie dans laquelle l'inconnu travaillait, et donc un rendez-vous très important ? Dans ce cas, la mallette contenait sûrement un bouquet de fleurs. D'ailleurs, quel était le contenu de cette malette ?

L'idée me traversa soudain pour la première fois depuis que cet objet était tombé en ma possession. Mais elle passa et fit son chemin : ce n'était pas mes affaires après tout. Un homme, même mort, n'aimerait pas que l'on fouille dans ses affaires. Il s'agissait sûrement de quelque chose d'important pour que cet homme donne sa vie pour la protéger, et la confie héroïquement à un inconnu. Tout cela était tentation, mais je n'y cédais pas : je n'ouvrirai pas cette mallette. En plus, j'étais allergique aux fleurs.

Et alors que je ne m'apprêtais pas à ne pas céder à la tentation de ne pas ouvrir la mallette, une ombre s'approcha de moi, discrètement.

"Hey, Kazu. T'es sûr que personne ne t'as suivi ?"

Je me retournai alors, et l'homme sursauta en hurlant des tonnes de jurons.

Mafia-llait que j'agisse, ou ils allaient me massacrer Ore_ya10

Il saisit un pistolet de sa poche et le pointa dans ma direction, tout tremblant.

"T'es qui toi ?! Et t'as fait quoi de Kazu ?!"

Diantre, ce qu'il pouvait trembler. C'en était incroyable. Derrière ce look détaché, ces lunettes de soleil d'aviateur même en pleine nuit, je jurerais pouvoir voir ses yeux qui tremblaient en même temps que tout son corps. Même avec une arme pointée vers moi, il n'était pas du tout convaincant. Je me retins de rire, et lui répondit calmement.

"C'est Kazu qui m'envoie. Il... a eu un accident."

Je vis l'homme froncer des sourcils, grâce à la lumière du lampadaire. Il semblerait que me voir parler l'ait rassuré. Il avait dû me prendre pour une apparition ou autre avec ce masque de Tengu. Hmmm, vu les jurons en japonais, il devait sûrement connaître un peu cette culture. Et en conséquence, il avait dû me prendre pour un vrai Tengu. Ce détail m'amusait. Cela confirmait ma théorie que les Tengu effrayaient les gens louches. Je serais terrible en chasseur de primes. Si seulement j'en avais les moyens...

Le blond aux lunettes d'aviateur m'interrogea sur la vérité de mes dires. Je rigolais intérieurement de la question : même si je mentais, je lui aurait de toute façon répondu que c'était la vérité. Tellement apeuré... Je lui confirmai alors ma version de l'histoire. Il s'éloigna alors à reculons, à tout petits pas, n'osant pas baisser le pistolet d'un pouce. Une fois à quelques mètres plus loin, je le vis qui utilisait un DenDenMushi portable. Je l'entendais à moitié, mais la conversation paraissait simple : il racontait ce qui était arrivé, et désormais répondu "Oui, patronne" à tout bout de champs. Ce n'était pas dur de deviner ce qu'il se passait.

Quand il finit l'appel, il se rapprocha doucement de moi, avec la même aisance qu'un alligator dans un arbre, le pistolet toujours à la main. Il m'indiqua alors de le suivre. Même s'il tentait de faire une grosse voix, j'entendais presque le "s'il vous plaît" à la fin de ses phrases. Il m'amusait bien, ce gars-là. J'aurais voulu déposer la mallette et partir. Mais il ne fallait pas oublier qu'il avait un pistolet braqué sur ma tronche, et visiblement, des nouveaux ordres. Alors je décidai de ne pas tenter ma chance sur ce coup.
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Je suivis le blond, calmement, tout en réfléchissant à la situation. Un homme louche mort, poursuivi par un groupe de personnes louches, à cause d'une mallette louche. Et quand je déposai la mallette, un homme louche apparut avec les ordres d'un patron (ce qui était louche), et qui m'emmenai désormais vers un endroit louche. Je ne savais pas à quoi ça tenait, mais je trouvais cette situation très... louche. Mais bon, j'avais une dette envers un mort. Bon, d'accord je me l'étais fixé tout seul. Donc disons plutôt que c'était un cas de conscience.

Le blond n'avait pas arrêté de trembler une seule seconde. D'ailleurs, dans des situations comme celle-ci, je m'attendais à être traîné de force, un bandeau sur les yeux et lui derrière moi, pas devant, histoire de me maintenir en joue. Je ne savais pas qui c'était, mais il n'était vraiment pas doué. On arriva enfin à un bâtiment : un casino. Le videur nous arrêta, et il reconnut le blond. Il lui parla alors en japonais, pensant que je ne comprendrais pas. Mais ils ne disaient rien d'intéressant : qui j'étais, ce que je venais faire ici, si la patronne était au courant, et quelques remarques sur l'incompétence du blond. Je n'étais pas le seul à penser ça, alors. Le bloc de glace chauve nous laissa finalement passer, et nous atteignâmes bientôt une salle spéciale, au fond du bâtiment.

A ce moment, le blond m'arrêta et me dit de rester là. Pas de menaces, pas d'obligations... C'était plus une demande qu'autre chose. C'en était presque mignon tellement il était incompétent. Il disparut bientôt derrière une porte en papier drille. Je décidai d'observer les alentours. Un style japonais très visibles, des gens louches, un symbole de dragon qui revenait souvent... Ouaip. J'étais chez les Yakuzas. Des Yakuzas pas très malins pour certains, mais des Yakuzas quand même. Je m'étais dit un instant que j'étais stupides de ne pas m'en être rendu compte plutôt, mais en même temps, vu le niveau du blond et de la Gueule-d'ange... Je soupirai alors, et soudain, une cinquantenaire en kimono sortit de la porte en papier drille.

Mafia-llait que j'agisse, ou ils allaient me massacrer Chines10

Ah, elle au moins, en imposait. Elle me regardait avec des yeux fins et sournois, presque aussi tranchants que le katana sur sa taille. C'était sûrement elle la patronne en question. Mais bien qu'elle imposait le respect, je ne m'agenouillais pas. Je n'avais aucune obligation envers elle et, même si j'étais très poli, je ne voulais rien avoir à faire avec la mafia. Je voulais juste déposer la malette et m'en aller. Mais je supposais, et sûrement à raison, qu'il était déjà trop tard pour ça.

La matronne m'interpella alors d'une voix grave, et pourtant stridente. Elle me demandait mon identité, puis ce qui était arrivé à Kazu. Je me présentai en tant que "Tengu" et lui répondit que c'était une vieille connaissance à moi et qu'il m'avait chargé de leur transmettre la malette, vu qu'il était en difficulté. C'était un mensonge, mais autant gagner des points dès maintenant. Elle m'observa et marqua quelques secondes de silence, avant d'envoyer un laquais me prendre la malette. Une fois en sa possession, elle l'ouvrit, puis la ferma sans un mot. Elle la redonna au même laquais, qui la rangea plus loin. Elle m'adressa la parole encore une fois.

"Je vais être directe, toi qui emprunte le nom de Tengu : je ne te fais pas du tout confiance."

Si on m'avait donné un Berry à chaque fois que j'avais pu entendre cette phrase... j'aurais sûrement pu me payer cette carte de chasseur de primes, tiens. Je m'apprêtai à répondre, quand soudain, je ne vis plus rien.

Plus de matronne, plus de paysage, plus de dojo bizarre avec des portes en papier drille. Et encore... Je savais ce qu'il se passait. Et ça tombait vraiment au mauvais moment. Je m'agitai intérieurement pour pouvoir m'agiter de l'extérieur. Allez, plus vite, plus vite. Saleté de narcolepsie. Tu vas te réveiller oui ?!

"Comment oses-tu m'ignorer ainsi ?!"

La voix stridente et en colère de la matrone me réveilla. Quand je revins à moi, trois guerriers m'entouraient, avec chacun une lame près de ma gorge. La matrone, elle, se préparait à s'en aller, toute rouge. Elle essayait de garder son calme, visiblement outragée par l'affront que je lui avais fait. Elle se retourna alors, avec toute sa dignité.

"Eliminez-le."
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Dès qu'elle en donna l'ordre, je sentis presque les muscles de mes opposants se contracter. Deux d'entre eux me tenaient en joue, la pointe de leur katana de part et d'autre de ma gorge, tandis que le troisième rengaina son arme et se mit en position. Il allait sûrement me décapiter en Iai, comme une éxecution. Simple, rapide, propre. Moi, je ne pouvais plus bouger. Chaque mouvement brusque que j'aurais pu faire me rapprocherait d'une lame ou d'une autre, et finirait par m'ôter la tête au final. D'un autre côté, si je restais immobile, le troisième en face me toucherait à coup sûr. J'étais vraiment dans un concours de circonstances exécrable sans solution apparente. Oui, oui, j'étais dans la mouise, si vous voulez. Et je sus que le coup allait être porté alors que j'entendais la matrone signaler qu'il faudrait nettoyer la salle ensuite.

Le temps s'arrêta un instant pour moi, alors que mon âme se préparait à quitter mon corps pour le prochain. "Diantre" fut le premier mot qui arriva dans mes pensées. Et dire que toute cette situation, j'y étais à cause de ma trop grande naïveté. Quelle idée de vouloir venir en aide à un inconnu aussi louche... Non, non. Non, voyons. Je ne regrettais pas d'avoir aidé mon prochain, comme mes principes le voulaient. Je ne devais pas juger, je devais donner le meilleur de moi-même, pour tous mes frères et soeurs que je rencontrais sur mon chemin. Oui, c'était très noble et candide comme pensée, et je ne savais toujours pas comment celles-ci venaient à moi alors que j'allais perdre ma vie. Mais bon, mes convictions étaient fortes, comme le signifiait ce collier. Il était sûrement temps de réciter un soutra...

Et soudain, une nouvelle idée vint à moi. Certes, j'étais sur le tranchant de la lame, sur le rasoir de mon existence. Mais justement : mes convictions le supportaient encore. Alors pourquoi ne pas me contenter, comme les enseignements de Bouddha l'indiquaient, d'être moi-même ? D'utiliser toutes mes qualités, pour servir ces convictions miennes ? Mes yeux s'ouvrirent alors, pleins de détermination et d'entrain. Plutôt que de résister, j'allais plier. J'allais m'en sortir, et grâce à la chose que je savais faire le mieux. Ma faiblesse allait être ma force. J'allais m'endormir.

Et alors que la lame fendit l'air près de ma gorge, mon corps perdit toute rigueur, tout maintien : je chutai magnifiquement. Ma tête passa entre les deux lames, tout en éviter la troisième. Mon corps s'affala et s'aplatit contre les tatamis mous, devant le regard étonné de mes trois ravisseurs. Et soudain, je me mis à combattre.

"Hôzan !"

Je m'appuyai alors sur mes mains pour projeter mon pied dans l'abdomen du troisième malabar. Avec sa garde ouverte (suite au Iai) et la surprise de mon coup, il tomba lamentablement quelques mètres plus loin. Il se releva bien vite, et se remit en garde. Ses compères, eux, s'éloignèrent d'un pas et tinrent la même position. Ils m'encerclaient désormais, alors que je me préparais également. Mon bâton à la main, derrière mon dos, l'autre ouverte devant moi, je me tenais sur la pointe des pieds, ondulant doucement. Ces guerriers paraissaient entraînés : mon poing ivre aura donc raison d'eux.


Mes assaillants paraissaient éberlués, mais reprirent bien vite leur sérieux. Un silence se fit sentir, entre mon ondulation et leurs poses on ne pouvait plus fixes. Et le premier craqua, ne pouvant rester stoïque plus longtemps.

Il courut sur moi, hurlant à pleins poumons. Calmement, dès qu'il arriva à ma portée, je me baissai, fis un pas en avant et utilisai mon bâton pour le balayer.

Le second vint à son tour, plus prudent. Il tenta de jouer la carte de la portée avec moi, et plusieurs échanges de coups se firent entre mon bâton et son katana. Mon allonge eut finalement raison de lui quand il perça sa garde en un coup sec sur l'estomac. Je fis une rotation sur moi-même pour que mon arme heurte violemment sa joue.

Le troisième, avec un excellent timing, réussit à me désarmer. Mon bâton hors de portée, je dus esquiver ses coups rageurs mais précis. Il parvint cependant à me toucher au torse, me faisant trébucher quelque peu. Saisissant l'opportunité, il voulut abattre sa lame sur moi.

"Samehada Shoutei !"

Je déviai alors son coup à mains nues, devant ses yeux écarquillés. Je lui portai alors un coup de pied volant gauche en pleine face. Et un opposant groggy.

Les deux autres s'étant relevés, ils chargèrent de nouveau sur moi, ensemble cette fois-ci.

"Hisagomaru !"

Je lançai alors ma gourde de thé devant eux. Se heurtant à leurs armes, elle explosa et provoqua un temps mort, en raison d'un aveuglement au gingembre (j'adorais le thé au gingembre). Vite, j'en profitai pour prendre mon bâton. Je pris alors appui sur un mur pour me projeter vers l'un des deux sabreurs.

"Tengen !"

J'effectuai un salto avant et abattit mon arme sur son crâne. J’atterris ensuite en position de Souten Enshi Rambu.

Seul et surpris de l'être, le dernier sabreur était désemparé. Il me regardait avec des yeux apeurés. Moi, le Tengu accroupi en haut de son bâton, au visage impassible (et surtout très masqué). Je le fixais alors sans relâche, je maintenais l'impression. Et quand je le vis trembler, je me penchai en arrière. Mon bâton me transforma alors en masse vivante : me renvoyant en avant, mon crâne dégomma celui du peureux.

Mes trois adversaires sur le sol, je descendis de mon bâton et le rangeai derrière mon dos. J'en profitais pour remettre une gourde à ma taille. Je finissais à peine mes mouvements quand la matrone entra à nouveau dans la pièce, avec un sourire satisfait. Il semblerait qu'on ait enfin un marché.
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Mon entretien avec celle qui se présenta comme Sinhg Yin Fu se passa très rapidement. Elle me fit un compliment sur ma façon de me battre, me donna une mallette à livrer parce que je devais maintenant remplacer son "imbécile de commis", elle me dit clairement qu' "elle n'avait plus le choix vu que ses hommes étaient des incapables qui n'étaient pas foutu d'exécuter un pauvre type comme moi correctement" et que je n'avais pas moi non plus pas le choix, de toute manière. Elle avait parlé d'une légende, une sorte de super guerrier aux aiguilles, qui me ferait la peau si jamais je n'obéissais pas, ou quelque chose comme ça. Elle voulait me tester sur cette mission.

Personnellement, je ne tremblais pas devant les menaces et les délires d'une cinquantenaire mafieuse presque sénile. Mais ce qui était sûr, c'était que j'étais déjà dans une spirale assez vicieuse. Donc pas la peine d'en rajouter. J'hochai la tête et prit la mallette. Elle envoya le blond pour me suivre, vu qu' "'il ne lui restait plus que lui sous la main". Vu qu'il tremblait, elle envoya également un autre guerrier de confiance, pour nous surveiller de loin.

Mafia-llait que j'agisse, ou ils allaient me massacrer Image10

Je ne savais pas qui était la cible de la mallette, mais il ne devait pas, quoi qu'il puisse arriver, voir trop de membres de la mafia. Je décidai de ne pas prendre en compte ce détail, et nous repartîmes ailleurs.

Le roux nous suivait à cinq mètres à peu près, avec un fusil à la main. Il avait pour ordre de tirer à vue s'il y avait problème : je devais faire attention à mes actes. En revanche, le blond, caché derrière ses lunettes de soleil (en pleine nuit, toujours) et sa cigarette, n'osait même pas me regarder. Il tremblait toujours, ayant assisté à ce que j'avais fait de ses trois camarades. Derrière mon masque, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire. C'était ça, la mafia de South Blue ? Ce poltron-là ? Ce n'était juste pas possible.  Encore les guerriers de tout à l'heure, je voulais bien. La matrone ? Evidemment. Mais lui ? Sérieusement, je n'arrivais pas à voir les qualités dont il disposait. J'en profitais alors pour réfléchir à ce qui allait se passer.

Si la mission se passait bien, j'obtiendrais la confiance de la Triade. Mais ce n'était pas du tout mes intentions. Coincé sur Las Camp, du mauvais côté de la loi ? Non merci. Mais d'un autre côté, peut-être que gagner des alliés criminels pouvaient être prometteur : prendre quelques avantages à gauche, puis à droite, et se tirer d'ici pronto ? J'y renonçai après quelques secondes de réflexion : trop de temps perdu, trop de pas éloignés du droit chemin vers le Nirvâna. Alors qu'allais-je faire ? Si la Marine me trouvait, elle m'embarquerait aussi. Et j'avais intérêt à partir très vite, ou la mafia allait me faire la peau.

Il me fallait donc un moyen de saboter la mission, d'échapper à la Marine, et une échappatoire. Je regardai alors autour de moi. J'avais une valise, le blond devant moi, une blessure au torse. J'allais où avec ça ? Et quand j'entendis des bruits de pas synchronisés au loin, la réponse m'apparut clairement.


Continuant notre chemin silencieusement, nous dûmes bientôt traverser une grande rue, d'ordinaire très fréquentée. Une rue large, qu'on pouvait voir de tous les angles. Un carrefour obligatoire pour n'importe quel piéton qui passait dans la ville. Le blond passa devant, en tremblant, traversant le premier. Je tendis la main vers le roux, mais il se contenta de charger son arme pour seule réponse. Je traverserai le second, entendu. Je marchais rapidement, un pas devant l'autre, régulièrement, quand bientôt j'arrivais au milieu de la rue. Il était bientôt l'heure de mettre mon plan à éxecution.

"Aaaaaaaaaaaaaaargh !"

Feignant une douleur à l'estomac, je lâchais alors ma valise sur le sol. Je fis un petit tour de passe-passe en prenant discrètement ma gourde, et en la plaquant contre la blessure de mon torse. Et je me mis à chuter volontairement, sur le ventre. Les bras bien écartés, tête la première, lourdement. Quand j'heurtai finalement le sol, la gourde éclata, et mon thé aux fruits rouges s'étala doucement sur le sol, peignant ce dernier d'un rouge sombre et profond. Bon, il était sûrement clair et brillant, mais il faisait nuit. Donc il était sombre et profond, point. Je fermai les yeux et fis le mort. Je m'y connaissais bien grâce à ma narcolepsie. Pour une fois que ça servait à quelque chose. Ce n'était pas le meilleur plan que j'avais pu avoir, en effet. Mais vu l'état de stress de ces deux-là, j'osais parier là-dessus.

Je ne pouvais peut-être pas les voir, mais je pouvais les entendre : je devinais le blond suant de panique, vu son débit rapide des mots, et son vocabulaire presque uniquement composé de jurons. Il bougeait dans tous les sens, ses pas heurtaient frénétiquement le sol. Le roux lui, je ne l'entendais pas beaucoup. Il s'était rapproché et gueulait maintenant à l'autre de se calmer. Il tentait lui aussi de conserver son calme. Il doutait sûrement de ma feinte. Le saligaud... J'espérais juste qu'il... oh-oh.

La situation ne devint plus aussi marrante dès que je sentis un cylindre froid et métallique se poser contre ma capuche. Le roux me tenait en joue, à bout portant. Au moindre faux mouvement, à la moindre goutte de sueur qui perlait du bout de mes doigts, il tirerait. Il restait toujours aussi silencieux alors que le blond essayait de me sauver la mise, vu qu'il ne "voulait pas être responsable de ça". Le Yakuza tireur ordonna à l'autre de se taire avant qu'il ne devienne sa prochaine cible. Un silence de quelques secondes se fit, avant que je ne sente des contractions au niveau de l'arme...

"HEY ! VOUS LA-BAS !"

J'entendis une batterie de bruits de pas qui courraient vers nous, alors que mes deux Yakuzas proféraient quelques derniers jurons. Ils tentèrent d'extirper la valise de mon soi-disant cadavre, mais en vain. Ils filèrent alors, comme les criminels qu'ils étaient, en multipliant encore les insultes. Sauvé. Vive la providence. Waw. Quand mes agresseurs furent à assez longue distance, la patrouille n'était pas encore arrivée sur moi. Il était alors temps de lancer la seconde partie de mon plan : me réveiller et courir. Simple et efficace.

Malheureusement, quand je voulus bouger mes jambes et me redresser, elles ne répondirent pas. D'ailleurs, aucun de mes organes ne le fit : mes bras, mes paupières, et même mes nageoires sub-temporales. Rien ne voulait obéir. Je réalisai soudain ce qu'il se passait : j'avais une fois de plus succombé à ma narcolepsie. Je haïssais la providence.

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Quand je me réveillai, j'étais dans un hôpital, et le jour s'était déjà levé. J'étais menotté au lit, et deux Marine vinrent bientôt m'interroger. Je décidai de coopérer. Fallait dire que j'avais pas trop le choix. Et vu qu'ils m'avaient quand même accordé le bénéfice du doute, je me décidai à leur dire la vérité : un homme était mort, il m'avait confié une valise, un homme blond, grand et furieux vint ensuite me trouver pour me ramener à sa patronne. Elle voulut me tuer, j'avais pu me défendre et ils m'avaient obligé à continuer la mission. C'était bien la vérité, non ? Non ? Pas grave. Parce que pour appuyer mes dires et prouver mon innocence, je leur donnai les coordonnées du casino corrompu, ainsi que les portraits-robots des gens que j'avais vu. Ils me remercièrent et partirent.

Ils me libérèrent quand ils revinrent, quelques heures plus tard. Ils avaient coincé le blond (quelle surprise !) grâce à mes renseignements. Ils me laissèrent tranquille, en me disant de faire attention à moi. Une fois sorti de l'hôpital, j'arborais un sourire narquois aux lèvres. Une fois dans un coin tranquille, je fis mouvoir ma gorge, comme si je la raclais. Et au bout de quelques minutes, une liasse de billets en sortit. En effet, j'avais profité de mon cri de détresse factice la veille pour insérer dans mon estomac un paquet que j'avais pris de la valise. A mafieux, mafieux et demi.

Certes, je n'étais pas très fier d'avoir volé. Mais voyons les choses comme elles étaient : un séjour gratuit à l'hôpital, des blessures pansées, un criminel arrêté et maintenant, un million cent mille berrys à ma disposition, afin de combattre le crime en toute légalité. Mine de rien, c'était une belle journée.

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"Tenez.
-Merci. Passez une bonne journée !
-Mmmmh."

Je sortais pour la dernière fois (du moins, je l'espérais) de ce bureau des primes sale et mal rangé, à l'image de la ville. La vieille était toujours aussi irascible mais ça, je ne comptais vraiment pas sur le fait que ça allait changer. Plusieurs heures étaient passées depuis ma sortie de l'hôpital, et je n'avais plus un sou : du thé, des nouveaux vêtements et ma carte de chasseur de primes. Ces dépenses pouvaient paraître capricieuses, mais elles étaient faites exprès. Un moine ne pouvait pas s'encombrer d'argent, au risque de trop s'y attacher. Et il y avait également le fait que je devais partir de cette île pronto.

Chose que je fis à peine quinze minutes plus tard. Bigre, ce voyage à Las Camp était quelque chose. Et pas seulement pour moi : la Triade du Lotus Pourpre devait maintenant vouloir ma tête. D'ailleurs, je ne savais pas à quoi c'était dû, mais de temps en temps, je jurerais entendre un cliquetis derrière moi.

Comme si quelqu'un jouait avec des aiguilles.
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