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Pyrologie


-Gnyufufu hu hu ! C’est incroyable, de voir de jeunes gens comme vous. Accepter de donner de votre temps comme ça… admirable, vraiment ! Vous pouvez être fiers. Qu’est-ce qui vous a décidé à tenter votre chance ?
-Haylor mourait d’envie de voir des incendies de très près. Et d’apprendre à les contrôler. Et j’la soupçonne aussi de vouloir approcher les beaux gosses qui rodent dans les casernes. Tout le monde sait que les pompiers, ça a une côte monstrueuse auprès des filles, hein. J’peux aussi vous dire que c’est aussi pour ça qu’elle bavait littéralement devant certains officiers, dans la milice et devant la marine de Panpeeter….
-Euh je… quoi ?
-Oubliez ça, ricana Sigurd sans prêter attention au regard assassin de sa partenaire. Les incendies, ça l’intéresse, c’est tout. Et moi, baaaah… j’fais partie des bagages, quasiment.
-Nous avons décidé de consacrer notre temps libre à faire quelque chose d’utile et de formateur, rectifia la concernée. Pour changer. Et je suis convaincue qu’une expérience de ce genre fera le plus grand bien à mon imbécile de partenaire.
-Mwarharharh. Certainement pas. Dîtes plutôt que vous vouliez pas venir ici toute seule, ça serait plus honnête.
-Sérieusement ?
-Youhou ? L’armée elle-même n’a pas réussi à me conditionner. Je suis une loque. Pire qu’un je-m’en-foutiste, hein. Chuis un pur indépendant. Si je m’en fiche, je m’en fiche, point. Et y’a rien à faire. Même vous, vous ne parvenez plus à me faire marcher au pas, alors franchement...
-Continuez à leur dire que je suis une arsoniste, et vous vous verrez courir au pas de course.
-Donc vous admettez bien être une pyromane ?
-Une pyro-mancienne. Une Sorcière.
-Vous devenez folle… mis c’est rigolo.
Et le pire, c’est que ça marche quand même, votre truc. Mwarharharh.

On pouvait remettre en doute la véracité d’une telle situation. Pourquoi diable une simple petite comptable aurait-elle décidé de jouer aux apprenties sorcières ? Mais la réponse était simple. C’était quelque chose d’incroyable qui s’offrait à elle. De la même manière qu’une enfant décidait d’apprendre des tours de magie, Haylor avait décidé de se lancer dans ce qui relevait à son sens de la maîtrise des arts occultes. C’était une personne morne et ennuyeuse à qui l’on venait de donner l’équivalent d’un Komodo 3000 en termes de feu d’artifices. Sans surprise, elle n’avait pas perdu un instant pour chercher à en apprendre le plus possible, tant sur ses coquillages que sur le reste du monde.

Mais elle n’avait rien trouvé. Restait tout de même qu’elle pouvait déjà apprendre à utiliser les outils en sa possession. Et pour ça, il lui fallait…

-C’est quand même chouette, d’organiser des sessions de formation-volontaires comme ça. Dire que suffit juste de se pointer en réservant un poil avant pour le faire… on dirait pas comme ça, mais les gens savent vraiment pas ce qu’ils ratent, mine de rien. En plus, formation payée aux frais de la boîte, c’est le top. Remarque, encore heureux qu’il nous paye au moins ça, en fait.
-Gnyuhuhu ! Et même de cette manière, on fait toujours salle comble, en général. Ne sous-estimez pas ce que l’humain peut souhaiter de bien pour son prochain. Même si seulement trois personnes parmi dix prises au hasard décident d’apprendre à sauver les autres, c’est amplement suffisant.
-Eh. Dommage que y’en ait aussi trois autres pour les mettre en danger.
-Nyu hu hu ! Vous savez ce qu’on dit ? Quand on met dix personnes dans une pièce, deux d’entre elles dissimulent un très noir secret. Qu’elles tueraient pour protéger. Et vous savez quoi ? Vous serez dix, pour cette session !
-Haha. Ouais bah cherchez pas plus loin, je sais où se trouve notre pyromane de service. Haylor ?
-…

Restait donc à savoir ce que Sigurd lui-même faisait ici. Et à vrai dire, il s’était invité sur un coup de tête, comme toujours. Il savait saisir les opportunités en plein vol, et remarquer quand un de ses amis s’apprêtait à faire quelque chose de potentiellement bien intéressant. Comme à son habitude, il avait la curiosité de se pencher sur les lubies des autres pour essayer des nouveautés. Et en l’occurrence, la nouveauté serait plutôt extrême.

L’idée venait de lui, pourtant. En quelque sorte. En voyant son amie ériger d’énormes brasiers en pleine nature pour s’exercer, il n’avait pas pu s’empêcher de lui faire remarquer à quel point elle était dangereuse pour tout le monde. Une véritable catastrophe en puissance. Et qu’il ne valait mieux pas se mettre à jouer avec le feu sans pompier à proximité.

Et c’était ça.

Devenir pompier. Il n’aurait jamais cru qu’une si petite phrase aurait fait un si long chemin dans les neurones psychorigides d’Evangeline. Et pourtant, c’était bien ce corps de professionnels endurcis qui avaient la plus grande expérience pratique de ce qu’était la gestion des flammes. Avant cela, Haylor avait immédiatement consulté des manuels de sécurité portant sur le sujet ; deux jours plus tard, elle feuilletait des encyclopédies pour découvrir toujours plus de choses incroyables sur la grande alchimie que pouvait être un incendie. En moins de deux semaines, elle s’était mise à rêver de s’y essayer, absolument pas pour sauver des vies, mais bel et bien pour être initiée aux milles et unes petites compétences dont elle aurait besoin pour véritablement dompter ses coquillages. Et tout bien réfléchit, Sigurd avait décidé de l’y encourager. Plus elle en saurait sur son sujet, moins elle serait susceptible de provoquer une catastrophe. Lui-même pourrait apprendre de nombreuses choses utiles : en bon officier de bord, le capitaine Dogaku était un secouriste confirmé et éprouvé, mais il avait encore beaucoup de choses à apprendre.

Et aujourd’hui ? Le voilà qui était maintenant en uniforme de volontaire novice, équipé de tout un fatras désespérément lourd, face à un homme qui était visiblement ravi de pouvoir partager son expérience avec un public d’intéressés. Son engouement sa décupla lorsqu’ils lui avouèrent avoir déjà été militaires par le passé. A tort ou à raison, le formateur avait d’eux l’image de personnes qui savaient donner d’eux-mêmes pour contribuer au bien commun, mais aussi d’individus qui avaient l’habitude d’être confrontés à de terribles difficultés.

Ca n’était pas quelques petits tas de braises qui les paralyseraient, loin de là.

Ce qu’il ignorait pourtant, c’est que ce serait encore moins le cas avec les coquillages magiques qu’ils avaient à leur disposition. Car les nouveaux jouets préférés d’Haylor ne se contentaient pas de vomir des trombes et des torrents de flammes meurtrières. Ils pouvaient également les faire disparaître en les absorbant. Et rien que ça, songeaient-ils, pourrait se révéler sensiblement plus utile que n’importe quelle lance à incendie.

Mais pour en être sûrs, il ne fallait qu’une chose.

Apprendre.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Dim 14 Déc 2014 - 14:15, édité 1 fois
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Ils n’étaient pas seuls à s’être portés volontaires. En tout, c’était bien une dizaine de personnes qui s’étaient déplacées jusqu’à cette île pour suivre cet entraînement. Tous venaient d’horizons divers ; par ci, on pouvait voir une jeune chasseuse de primes au grand cœur, qui se targuait de ne prendre en chasse que de dangereux criminels, et de porter efficacement secours à qui de droit dès qu’un danger se présentait. Et c’était bien pour cette seule raison qu’elle était ici.

Rapidement, cette jeune adolescente tout juste émancipée s’était liée avec un commandant de la marine d’élite, un carriériste convaincu, un guerrier d’exception qui n’avait guère développé d’autres compétences au cours de son parcours dans l’armée, et qui ne visait pas moins que de rejoindre le cercle fermé des colonels d’élites. Cet homme était là pour une raison qui pouvait aussi bien relever de que de la sagesse que de l’idiotie. Il avait tout simplement entendu des rumeurs sur la route de tous les périls, spécifiant qu’un pirate porteur du fruit démoniaque révélant tous les pouvoirs du logia du feu avait fait son apparition. Et lui avait vu là une aubaine. Les porteurs de fruits du démon, et à fortiori les logias, étaient réputés pour être des cibles incroyablement dangereuses, compte tenu des pouvoirs insensés qu’ils en recevaient. Mais la hauteur du risque encouru ne faisait que relever la gloire, le poids et le prestige qu’il pourrait tirer de la capture d’un tel monstre ; il s’agirait peut être même d’une étape capitale pour son avancée jusqu’à l’élite de l’élite. Et cet homme était convaincu qu’apprendre à lutter contre le feu serait un atout indéniable pour capturer son démon. D’où sa présence.

Peut être pare qu’ils étaient les seuls à évoluer constamment dans un univers de violence, ces deux individus avaient rapidement su trouver l’autre au sein du petit groupe, et sympathisé presque aussitôt. Ou alors, peut-être était-ce la jeunette, énergique et idéaliste, qui avait eu la curiosité d’approcher le malabar patibulaire de l’armée. Peut être que l’autre s’ennuyait seul, et appréciait la compagnie de sa cadette qui menait largement la conversation pour deux. Tant mieux pour lui. Il préférait écouter. Il aimait écouter, en vérité.

Loin de ces deux là, on reconnaissait des profils sensiblement moins atypiques. De simples civils, variant de la ménagère habitant au beau milieu d’une large cité florissante, au bucheron d’Endor souhaitant pouvoir protéger ses terres. Un marin, ayant récemment échappé de peu à un naufrage dû à un incendie non maîtrisé, et qui s’était juré de ne plus jamais traverser une telle horreur. Et quelques autres.

Tous n’avaient pas les aptitudes physiques ou la solidité psychologique nécessaire pour pouvoir devenir de vrais soldats du feu. Qu’importe, répéta le formateur. Aujourd’hui, il ne faisait que tester son nouveau programme d’entraînement, une session spécifique qui devrait idéalement être accessible au grand public, et permettre à tout un chacun, non pas de devenir un véritable professionnel, mais de pouvoir amplement survivre et sauver des vies en leur absence. Aujourd’hui, il ne formerait pas des héros, mais bien des civils.

Pour un professionnel parfaitement formé, un enseignement complet équivalait à près de sept semaines d’entraînement. Pour des sauveteurs d’appoint, le tout se résumait à un peu moins d’un mois. Et pour ces apprentis, il s’agirait de condenser l’essentiel du nécessaire en seulement deux semaines. Un projet de longue date, que lui et ses partenaires préparaient avec impatience.

Il avait hâte de faire face à ses nouveaux élèves.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mar 28 Avr 2015 - 21:58, édité 1 fois
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Comme cadre d’apprentissage, les professionnels avaient décidé de jouer au maximum sur le théâtral. Le feu, c’était avant tout un état d’esprit, selon eux. En conséquence, la salle de classe n’était rien d’autre qu’un vieux hangar désaffecté qui avait été incendié pour l’occasion. Le bâtiment n’était plus qu’une large ruine de suie et de cendres, insalubre et inhabitable, au sein de laquelle avait tout de même été aménagé un espace de vie utilisable. Mais même ainsi, les élèves portaient tous une combinaison de survie intégrale, lourde, poisseuse et entravante, faîte d’un épais tissu qui se voulait aussi isolant que possible. Particulièrement résistant, et surtout, ignifugé.

Même en cet instant, dans le hangar, la température était sensiblement plus élevée que ce qu’un humain avait l’habitude de tolérer. Et pour cause. Tout autour des volontaires, chacun installé sur sa table, c’étaient de véritables brasiers qui avaient été érigés, ça et là, un peu partout sur les abords du hangar. Ainsi que face à eux, juste à coté de l’instructeur, qui comptait bien se servir de ces tas de flammes pour illustrer ses propos, tout du long de son enseignement.

-Pour apprendre à combattre le feu, vous devez d'abord apprendre à comprendre le feu. Il vous faudra savoir lire, écrire et parler son langage, à cerner sa psychologie, à mémoriser ses habitudes et ses sales manies, tout ceci afin de pouvoir l'approcher, le dompter, le maîtriser et l'éteindre en toute sécurité. Règle numéro une du sauvetage! Pour pouvoir sauver des vies, il faut savoir préserver la sienne! Sachez que vous n'êtes que des hommes et des femmes! Vous ne pouvez pas être plus forts que le feu! Car le feu est aussi prudent qu'il peut être fourbe. Quand il se prépare, encore au stade infantile, c'est au plus profond de sa retraite, caché à la vue de tous! Et ce n'est qu'une fois en force qu'il se révèle à la vue de tous, suprême et prédateur, prêt à envahir vos lieux de vie!

Une bien étrange description, mais qui avait l'avantage d'être expressive. Plusieurs des élèves ici présents purent dresser une comparaison avec des éléments de leur quotidien. Pour l'une des ménagères, ce comportement était digne d'un rat, ou d'une tâche particulièrement robuste. Pour le lieutenant de la marine d'élite, il évoquait l'image d'un pirate, la lie de l'humanité, assez fourbe pour ne pas disparaître dans ses instants de faiblesse, et assez traître pour prendre avantage de la moindre opportunité qu'on lui laissait.

Le feu. Un ennemi véritable. Ceci était aussi vrai en pleine ville, ou un incendie pouvait aisément se propager sur des quartiers entiers, que sur un navire, où le moindre incident avait une sinistre tendance à se traduire par la fin de tout l'équipage.

Et malgré cela, la majorité des marins restaient vastement impuissants face à ce mal. Sans surprise, parmi les équipages de hors la loi de bas étage, composé à la hâte de bannis et d’ostracisés, c’était déjà une chance de pouvoir compter sur des marins expérimentés afin de guider les moins habiles qui formaient les lots. Même dans la marine, il semblait bien que les soldats de seconde classe n’étaient aucunement préparés à ce genre de chose ; et chez leurs ainés, la chose n’était en rien systématique.

C’était pour cette raison que les instructeurs tenaient à diffuser leur savoir-faire.

-Pour notre première session, nous allons commencer par les bases. Et en l'occurrence... le triangle du feu! Quelqu'un ici serait capable de se souvenir de ce que c'est?

De la physique de base, mais de la physique tout de même. Pour faire du feu, il fallait du comburant, du carburant, et un activateur. C'est-à-dire, de la matière, de l’air, et assez d’énergie pour enflammer le tout. C’était du moins ainsi que Dogaku synthétisait sommairement la chose lorsqu’on le lui expliqua.

Sans surprise, sa partenaire prenait ses notes avec un sérieux qui frôlait le cérémonial. Des notes complètes, propres, impeccables. Lui même était bien plus partisan du moindre effort, et se contentait de ne relever que l'essentiel du discours en format condensé. Le plus important était surtout de savoir se faire tout petit lorsque le moment venait pour les intervenants de vérifier le degré d’attention de leurs élèves.

-Vous! Savez-vous pourquoi l'eau est traditionnellement employée pour combattre le feu?
-Baaah... parce que ça mouille?
-HOHO! Monsieur nous apprend que l'eau, ça mouille! Eh bien non, mon ami. Ça n'est pas pour ça. Mais bien essayé. Autre chose ?
-...
-Ca n’est pas en jouant la loi du silence que je vais donner la solution. Cherchez un peu.
-J’ai eu le mérite d’essayer.

-Allez. Réfléchissez. Je viens de vous parler de triangle du feu. Combustible. Comburant. Énergie. Et c'est seulement là dessus que ça se joue. Alors?

Un autre aspirant leva. C’était le marine, l’officier supérieur, la grande armoire à glace. Malgré son uniforme intégral de sauveteur aguerri, sa très forte carrure le rendait aisément reconnaissable. Il n’était pas si grand que ça, à mieux y regarder. Plutôt trapu. Mais même ainsi, sa voix restait étonnamment douce, si ce n’est un peu hachée. C’était comme s’il s’exprimait avec une grande considération pour ses interlocuteurs. Car il ne s’adressait pas qu’à leur formateur du moment : sa réflexion était destinée à toute l’assemblée.

-Euhm... l'eau est froide... et le fait de rafraîchir le feu... contribue à l'éteindre. Ce serait donc une question de perte d'énergie. Il n'en resterait plus assez pour permettre aux flammes de se renouveler. Ou bien... quelque chose comme ça. Non? Vous en dîtes quoi ?
-Mmmh. Ça c'est des mots un peu plus sympas. Et la piste est intéressante. Mais faux! Ça n'est pas ça! La déperdition d’énergie sous forme de chaleur transférée à l’air libre n’a rien à voir avec tout ça. Ca se passe ailleurs !
-Oh. Bon. Dans ce cas… euh… quelqu’un ?
-Vous venez de dire que ça n’était pas une histoire d’énergie, intervint une voix de femme ; la ménagère citadine. Dans ce cas, c’est probablement une histoire de comburant, non ?
-Ooooh ! J’aime beaucoup, oui !, s’exclama l’instructeur. Madame a vu juste. Sauriez-vous pourquoi ?
-Euhm…

Tout le monde y songea un instant. Pour sa part, Sigurd essaya d’abord de se rappeler de la différence entre comburant et carburant. Carburant concernait la matière qui se consumait. Comburant, c’était l’air. Restait donc à savoir pourquoi l’eau pouvait priver le feu de son air.

-Euhm… l’eau empêche le feu de recevoir de l’air en le recouvrant ?, essaya une autre voix, masculine cette fois.
-Pas vraiment, non, monsieur Von Gard. Mais je ne pense pas que vous pourrez trouver. Voyez vous, la raison pour laquelle l’eau éteint le feu, c’est parce que…
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Ils en étaient arrivés au sixième soir. Aujourd’hui encore, la matinée avait été largement consacrée à l’enseignement théorique. Un peu plus tard, c’avait été les exercices physiques qui furent mis à l’honneur ; un ensemble d’épreuves dont se serait largement passé le capitaine Dogaku. Epuisé, courbaturé, le jeune homme avait pourtant abandonné le confort de son petit lieu de vie personnel, un espace spartiate et confiné au sein de la caserne des apprentis, pour se mettre à errer dans le complexe d’apprentissage improvisé. Un petit ensemble de huit bâtiments, recelant chacun leurs lots d’installations diverses, installés à l’écart de tout.

La cour centrale était pratiquement déserte, à cette heure. L’endroit évoquait immanquablement un camp d’entraînement militaire, mais la discipline y était sensiblement plus relâchée. Il fallait certainement respecter des horaires, car ils n’étaient pas en vacances. Mais on ne s’attachait pas vraiment à l’étiquette : tous étaient civils.

En traversant le terrain, Sigurd jeta un coup d’œil au très large monticule de charbon cendreux qui fumait calmement au cœur de l’esplanade. Trois heures plus tôt, ç’avait été un gigantesque brasier qu’on avait érigé pour l’assemblée.

Car ce jour là, ils n’avaient pas seulement mis à l’épreuve leurs aptitudes physiques. Ils avaient également étés confronté à l’exercice des flammes, de très loin, avec des spécialistes en guise de démonstrateurs.

Un spectacle qui avait fait une très forte impression sur les apprentis. Pas un seul d’entre eux n’avait raté la moindre miette des tours de force qui avaient été accomplis devant leurs yeux.

Il n’y avait pourtant qu’une seule personne qui les avait observé avec une intensité toute religieuse. Une seule personne, un peu folle, qui les avait dévoré du regard, comme pour enregistrer le moindre de leurs mouvements, et écouté leurs explications avec une ferveur toute religieuse.

Et cette personne s’affairait bruyamment dans le bâtiment que venait de regagner Dogaku.
Miss Haylor se tenait au beau milieu du laboratoire, emmitouflée sous une combinaison de protection intégrale qui masquait entièrement ses traits et brouillonnait sa silhouette. Même ainsi, Sigurd la reconnu sans mal à sa carrure, à ses deux coquillages, et aux ricanements inquiétants qu’elle laissait parfois échapper lorsqu’elle ne se parlait pas distinctement à elle-même.

Face à elle, on trouvait divers barils de métal et quelques autres ustensiles inquiétants qui avaient vu plus que leurs lots d’expériences. Les barils hébergeaient des flammes, et l’un d’eux crachait même des gerbes roses qui n’avaient définitivement rien de naturelles. En passant devant elles, le jeune homme ne put s’empêcher de siffloter en s’esclaffant.

-Et là c’est le moment où vous m’expliquez ce que vous fichez encore ici à dix heures du soir. Les douches ferment dans trente minutes, et vous sentez probablement aussi mauvais que moi un peu plus tôt.
-Mmmh. Bah. Je m’amuse. J’apprends des choses. Tant pis pour ça.
-Vous rateriez une douche juste pour ça ?
-Vous plaisantez ? C’est le meilleur terrain de jeu qu’ils auraient pu me laisser. Bien sûr, que je reste.

Evidemment. L’endroit ne s’appelait pas le laboratoire pour rien. A ceci prêt que le local n’était pas grand-chose d’autre qu’une salle spécifiquement conçue pour ne pas prendre feu, peu importe ce que l’on faisait à l’intérieur. Et c’était précisément pour ça que le support technique des vrais professionnels s’en donnait lui aussi à cœur joie en temps normal.

-Euh... et si quelqu'un vous surprend en train de faire vos trucs?
-J'ai prévenu l'instructeur de mes intentions. Il m'a donné son autorisation... et sa bénédiction. Il aime les personnes motivées.

Motivée.

Sigurd n’était pas sûr que l’instructeur aurait dit la même chose s’il avait su ce qu’elle manigançait vraiment.

-Et pour les coquillages ?
-Je lui ai tout expliqué. Il approuve entièrement.
-Guh ? Vraiment ?
-A ses yeux, ces coquillages sont l’un des meilleurs outils qu’un sauveteur peut utiliser pour combattre le feu. Et il n’a pas vraiment tort.
-Et vous lui avez aussi expliqué que vous êtes une psychopathe pyromaniaque en puissance qui cherche à s’accomplir?
-Mmmgh.
Il m'a même conseillé quelques exercices à titre indicatifs. Ludiques. Et pédagogiques. Regardez donc.

Haylor se retourna en direction d’une petite table de métal sur laquelle était installé un réchaud. Et sur ce réchaud, il y avait…

-Marmite d'huile bouillante. Un classique des accidents domestiques. Oubliée sur le feu trop longtemps. Et tout juste à point pour la petite démonstration.

A point. Ce qui, en langage commun, signifiait qu’elle crépitait joyeusement en salivant jusque sur les alentours. La miss en souleva le couvercle, et trois longues mèches enflammées se dressèrent aussitôt.

-Au delà du raisonnable. L'huile est en feu. Très dangereux.
-Hun hun. Et?
-Cette histoire d'eau pour éteindre le feu. Comme quoi il ne s'agirait pas de température, mais de vapeur d'eau dégagée. Il m'a proposé de la vérifier.
-Ah ah. Et?
-Reculez. Loin. Contre le mur. Encore plus loin. Là.

La jeune femme s’approcha précautionneusement, avec un bidon d’eau entre les mains. Elle s’empressa d’en déverser la moitié du contenu dans la marmite, avant de se retirer très, très rapidement de la déflagration qu’elle venait de créer.

C’était comme si l’on avait allumé un feu d’artifice à l’intérieur du pauvre récipient métallique. Sans attendre, des centaines et des milliers de gerbes enflammées s’élevèrent à la verticale dans un déluge de vapeurs, allant jusqu’à s’écraser contre le plafond situé six mètres plus haut. Haylor s’exclama sous la surprise, impressionnée par son geyser bouillonnant d’huile.

Et finalement, dix secondes plus tard, la pauvre petite marmite cessa de cracher ses étincelles.

-Intéressant, déclara sobrement la testeuse.
-Aw. Vous êtes sérieusement venue ici pour apprendre à transformer des cocottes-minutes en bombes artisanales ?
-Mmmh. Entre autres.

Et sur ce, elle s’essaya à d’autres artifices. La miss ressortit ses dials, et commença à arroser généreusement ses environs.

C'était une chose de voir cette sombre figure humaine perdue au milieu d'un tel brasier, en train de coordonner les remparts ardent qui l'entouraient en ondulant ses bras à la manière d'un chef d'orchestre. Son attention était mobilisée en permanence, et il ne faisait aucun doute que, au moindre faux pas, les conséquences pourraient être terribles.

Mais elle n'avait pas peur. C'était tout le contraire. Elle s'amusait.
Elle s'amusait énormément.

Elle était là, perdue au milieu des flammes, et en faisait ce qu'elle voulait. Avec ses accessoires, il ne lui fallait qu'un geste de la main pour les effacer, les modeler, et les déplacer au gré de ses envies. C'était comme une enfant qui découvrait l'art du château de sable, et qui apprenait tout juste à se servir d’une pelle. C'était facile. C'était agréable. C'était plaisant. Elle jouait avec le feu, et c'était très certainement dangereux. Mais elle n'en avait cure ; elle savait ce qu'elle faisait, et avait pris ses précautions. Elle contrôlait son nouveau jouet, et le trouvait fascinant.

C'était une chose de la voir s'essayer à l'architecture pyrotechnique.

Et c'en était une autre de l'entendre fredonner joyeusement en bichonnant maternellement son incendie.

-Et voilà qui conclu notre présentation, s’exclama-t-elle en éteignant ses flammes. Vous avez d’autres questions ?
-Euh… nan. Vaut mieux pas.
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-Au fait, Capitaine. Avez-vous remarqué ?
-Hum ?

Huitième jour. Pour la quatrième fois, on les avait invités à se familiariser avec la majorité des équipements utilisés dans le cadre de la lutte contre le feu. Il pouvait aussi bien s’agir d’instruments accessibles au grand public, et idéalement disponibles dans toutes les zones utiles, que du matériel spécialisé et exclusivement réservé aux grands professionnels.

En l’occurrence, ils employaient un genre de pompe artisanale de grande envergure qu’ils n’avaient jamais vue, mais qui était, aux dires des instructeurs, disponibles en plusieurs exemplaires dans les hôtels de ville de n’importe quelle localité un tant soit peu concentrée. La machine n’avait rien de pratique, même si elle restait indéniablement efficace. S’en servir nécessitait tout de même de nombreux efforts ; pour simplement activer la pompe, il ne fallait pas moins de trois personnes.

-Notre coéquipier… n’est pas n’importe qui.
-Ffff… ah ouais ?, répliqua l’autre en poussant. Dans quel genre ?
-Hihi. Non, ça n’est pas ce que je voulais dire. Mais… c’est quelqu’un que vous connaissez. Quelqu’un que vous avez déjà vu. Deux fois, en fait.

Le concerné ne pouvait pas les entendre : il était bien trop occupé à surveiller et actionner la multitude de manivelles qui lui faisait face, à trois mètres de là. Le vacarme produit par la machine de génie couvrait tout ce qu’ils auraient pu se dire. Ils ne se gênaient pas.

-Ludwig Van Ghost. Nous faisons équipe avec Ludwig Van Ghost. Un autre Ludwig.
-Guh ?

Comme d’habitude, la multitude de grimaces qui se succédèrent sur le visage de Sigurd exprimèrent très efficacement le cours de ses pensées. De la surprise, de l’incompréhension, du doute, de la crainte, et de la méfiance. Avant même qu’il n’ouvre la bouche, l’autre entreprit de le rassurer.

-Hihi. Ne le prenez pas comme ça. Je l’ai observé, j’ai aperçu son visage, je me suis rendue compte… il se fait appeler Ludwig Von Guard, mais ça n’est qu’une invention. Von Guard. Van Ghost. C’est vraiment maladroit, vous ne trouvez pas ?

Même s’il avait déjà vu son partenaire à plusieurs reprises, Sigurd se retourna pour lui jeter un nouveau coup d’œil. Cet homme… ne ressemblait aucunement aux Ludwig qu’il avait déjà croisés. Ni au Ludwig dont le visage trônait avantageusement sur la multitude d’avis de recherches éparpillés de par le monde. Son nom était peut être bien malhabilement maquillé, mais son visage, son physique, sa posture et son tempérament avaient tous été incroyablement bien grimés. Sigurd avait beau avoir rencontré et sympathisé avec deux Van Ghost, il n’avait aucunement reconnu celui-ci.

D’un autre coté, maintenant qu’elle le mentionnait… oui. Oui. C’était parfaitement vraisemblable, à mieux l’observer. Même si, sans surprise, le double du pirate faisait de son mieux pour se faire invisible.

-Je pensais lui demander ce qu’il faisait ici, reprit-elle. Est-ce qu’il est comme les autres ? Qu’est-ce qui l’intéresse, lui ? Je suis curieuse.

Pour mieux comprendre leurs réactions, il fallait se souvenir de leur rencontre préalable avec les deux Ludwig qui s’étaient dirigés vers la Santagricole. Leur statut de simples civils affirmés et convaincus jouait également là dedans. Ils avaient entendu les rumeurs, comme tout le monde. Ils connaissaient son histoire. Leur histoire, à tous ces Ludwig. L’homme qui s’était ridiculisé aux yeux du monde en laissant son ambition commettre l’une des plus vastes absurdités de ce siècle.

Un véritable conte de fées. Et une histoire dont ils ne voulaient pas vraiment voir la fin.

Pour sa part, la jeune femme trouvait l’affaire véritablement incroyable. Il y avait là dedans un quelque chose de fantasque qui l’émerveillait sincèrement. C’était une question de sensibilité ; ça n’était pas pour rien, qu’elle avait décidé de se faire apprentie sorcière le jour où elle avait mis la main sur ses coquillages infernaux.

L’autre affichait sensiblement plus de retenue, même s’il allait globalement dans la même direction. A son sens, le mieux était de les laisser tranquilles, pour qu’ils mènent simplement leurs propres vies.

Au-delà de tout enjeu politique ou militaire relatif à l’avènement d’un nouvel empereur qui gouvernerait une mer lointaine et inaccessible, ils étaient simplement curieux de voir ce que pouvaient être et devenir ces Ludwig. Les dispositifs de capture mis en place par chacun des deux camps, les mises à prix qui se surenchérissaient successivement pour faire pencher la balance dans une direction spécifique, rien de tout cela ne les avait alpagué. Au contraire, au vu de la menace qui planait sur eux, ces pauvres doubles attiraient surtout la compassion.

-Je crois que je vais lui poser la question, reprit Haylor. Un peu plus tard.
-Eh ?
-Oui. Pourquoi pas ? On ne lui veut pas de mal. Et ça ne coute rien. Vous ne pensez pas ?
-Bah euh… nan… j’imagine que nan. Au pire ça le dérange et il vous envoie balader et… c’est tout. Ouais.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mar 28 Avr 2015 - 21:56, édité 1 fois
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-YAHA ! Fini ! TROP FORTE !

Autre jour, autre peine. En l’occurrence, il s’agissait d’une véritable course d’obstacle improvisée dans un vieil entrepôt reconverti, partiellement englouti par les flammes, et qui se prolongeait jusque dans les champs environnants. Une série d’exercices répartis sur un parcours d’endurance qui mettrait le jeune Dogaku bien à mal ; son amie, plus athlétique, s’en tirerait sensiblement mieux. Et pourtant, ça n’était pas d’eux dont il s’agissait aujourd’hui.

Le premier aspirant à avoir pris part à l’épreuve était une aspirante. La jeune chasseuse de prime avait traversé l’épreuve comme un coup de vent, triomphant sans peine de tous les obstacles, et récupérant ce qu’elle pensait bien être le maximum de mannequins qu’elle avait à sauver. Elle était bien entraînée, et avait su prendre le temps de se poser pour bien s’assurer que rien ne lui échappe. Le tout lui avait semblé facile. Un vrai jeu d’enfant. Pratiquement amusant, en fait. Elle avait bien envie de le repasser, juste pour ça.

Mais, allez savoir pourquoi, sa bonne humeur s’affaissa de quelques crans lorsqu’elle vit la large figure de son compagnon la rejoindre, moins de deux minutes plus tard. L’officier de la marine d’élite avait reçu le top du départ dix minutes après elle, ce qui signifiait qu’il avait été plus rapide de huit. Et l’homme avait beau être plus âgé, plus expérimenté d’une douzaine d’années, la miss s’en offusqua.

-BRAHAHA ! Bah alors, Bréa ? Déçue ?
-…

La jeunette, Bréanine, avait retiré son masque, et afficha sa moue dépitée. En voyant ça, l’autre en revint à de meilleures dispositions, et s’installa à ses côtés.

-Eh, c’est normal je que parvienne à bien mieux que toi, tu sais ? T’es encore jeune. ‘Fin, moi aussi, hein, j’ai juste trente-deux ans.
-Les jeunes, c’est-à-dire les gens AVEC QUI JE TRAINE, ne disent généralement pas ça, pour info. Le vieux.
-Erf.


Bréa s’installa plus à son aise, pour s’allonger dans l’herbe. La miss roula paresseusement sur le vendre, sans trop savoir que faire pour tuer le temps. D’ici à ce que le prochain arrive, il s’écoulerait bien un quart d’heure, peut-être plus. Ils étaient seuls, tous les deux. Personne à l’horizon.

-Au fait, reprit-elle, j’ai remarqué tout à l’heure… t’as vu comment les deux autres zigotos se sont mis à sympathiser avec le Ludwig ? Tu crois qu’ils lui veulent quelque chose ?
-Qui ça ?
-Les deux civils, là, les péenegies.
-Péennes… ?
-Ah, non. Si tu connais pas les expressions à la mode, t’es vraiment vieux, gros. J’entends ce mot depuis la cour de récrée. T’as quel âge, en vrai ?
-Euh… oh… je ne vois pas de qui tu parles.
-La gamine aux coquillages, et le blondinet qui la suit partout. Qui s’entendent bien avec l’instructeur. Quoi, tu les as pas percutés ? Les deux purs péennegies, quoi !
-Ca veut dire quoi, péenegie ?
-T’es sérieux ?
-S’il te plait ?

-Rhaaaa. Ils font partie du décor, quoi, ils sont pas importants.
-Oh. Et donc ?
-Et donc, ils traînent vaaaaachement avec le Ludwig, j’te dis. Ils sont suspects. Chuis sûre ils magouillent quelque chose. Ils veulent sa prime. Ils veulent nous doubler.
-Sa prime ? Pffeheheh. Un million. Un pauvre petit million. Ils valent rien, les Ludwig. L’aurait fallu mettre cinq fois plus pour avoir un effet de masse. Minimum.
-Bah, tu parles. Tu connais des gens qui cracheraient sur un million ? Ca permet de bien vivre pendant quelques mois. Ou de se faire bon cadeau bien fat. Nan, nan. Moi j’dis, faut passer à l’attaque AVANT eux. Sinon on fa se faire sucrer bien profond. Et puis, eh ! Imagine ils le tuent ! Ca serait n’importe quoi ! Il faut le capturer, pas le tuer !
-Non. Ils ne peuvent pas être assez idiots pour faire ça. Ils n’ont aucun intérêt à le faire. La prime pour capture est plus élevée, et plus facile à faire reconnaître, et elle ne pose pas de problème niveau légalité. Au contraire, ça permet de se faire bien voir. Alors que si tu le tues, tu contribues à rendre un pirate dangereux beaucoup plus puissant. Et tout le monde le sait. Et ça serait terrible. Non, ils ne le feraient pas.
-Bien sûr que si, ils pourraient le tuer ! Capturer quelqu’un, c’est beaucoup plus dur que de l’éliminer ! Surtout quand on est un pauvre péenejie à dix rikis !
-A dix rikis ?
-A deux balles. T’es vraiment un vieux, tu sais ?
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-Excusez-moi… vous deux ? J’aimerais bien que l’on parle. Tous les quatre.
-Oh ?
-‘Sûr, reprit Dogaku. Allez-y, hésitez pas. Vous voulez jouer aux cartes ?
-Euhm… pas vraiment, non.

Bienvenue en ce début de soirée. Enfin, l’apprentie sorcière s’était lassée de jouer aux savants fous. Elle continuait à jouer avec le feu, à s’entretenir joyeusement avec l’ensemble de leurs informateurs, à traînasser dans son laboratoire, mais plus au point de se priver de douches. Une bonne nouvelle que son partenaire de longue date avait accueillie en se réjouissant. Enfin, il pouvait se remettre à tuer le temps avec elle pendant leurs temps calmes.

Et même s’ils ne s’étaient pas refermés sur leur petit duo, passant souvent du temps avec Ludwig ou d’autres aspirants, c’était la première fois que ces deux là vinrent s’adresser à eux. Le gros bras de la marine, et la jeunette à la licence de prime qui le suivait partout comme une ombre.

L’ainé du duo commença :

-En fait. Il s’agit d’un sujet dont j’aimerais parler ailleurs. Juste entre nous.
-Aw. C'est-à-dire ?
-…
-Quel genre de sujet ?
-Je… c’est particulier, voyez-vous ?
-Nan.
-…
-Hum. Je préfèrerais vraiment ailleurs.

Un long silence gêné s’installa. Sigurd dévisagea intensément le commandant d’élite, qui resta impassible, malgré la gêne que l’on pouvait ressentir dans sa façon d’amener les choses. Il était calme, et bien posé. Mais il était évident que s’exprimer en toute subtilité n’avait pas sa place dans sa zone de confort. Il prenait son temps.

Derrière lui, la chasseuse resta muette. Elle aussi semblait loin d’avoir l’expérience des subtilités sociales. A ceci près qu’elle ne semblait même pas avoir le bagage nécessaire à la conversation. Elle préférait rester en retrait, et observer en laissant son compagnon se charger de ça.

Sigurd compléta le tableau en jetant un coup d’œil à sa collègue, qui sirotait son thé sans réagir, avant de prendre sur lui de combler le vide.

-Euh… vous êtes bizarres, vous savez. C’est l’anniversaire de quelqu’un et vous voulez faire une surprise ?
-Ca n’est pas ça, non.
-Oh. Alors voyons… j’ai fait un truc horrible contre vous par accident et vous m’en voulez à mort au point de vouloir me casser la gueule dans un duel derrière les dortoirs ? J’espère vraiment que c’est pas ça.
-Certainement pas, non. Rassurez-vous. Je ne vous veux rien.
-Vous ne me voulez rien ?
-Rien de tout ça, voyons, corrigea-t-il.
-Aw. Des devinettes. Alors okay. Dans ce cas… la réponse que je sors toujours… hamburger.
-…
-Bon. La couleur rouge ?
-S’il vous plait…
-Aaarh. Vous m’aidez pas. Je ne peux pas m’empêcher de dire des conneries si vous me laissez faire, vous savez ?
-Je confirme qu’il ne s’arrêtera pas, glissa Haylor.
-Ouais, sauf que vous aimez bien ça, la miss.
-C’est amusant.

-Mais ça ne nous avance pas. Alors dans ce cas… ah ah ! Peut être que je sais. Vous êtes tombés sous le charme de miss Haylor et voudriez lui demander sa main à part ?
-Capitaine…
-Alors pour info, elle adoooore les uniformes militaires avec des médailles bien lustrées, les musculatures minces aux contours secs et bien dessinés, les beaux gosses sombres et ténébreux à la barbe de trois jours faussement bien entretenue, et j’l’a soupçonne d’avoir un méga faible pour les types qui s’éclatent à…
-CAPITAINE.
-Mwarharharh… okay, cui-là j’le dirais pas. Mais chuis juste hyper déçu de pas du tout coller à la description que j’viens de faire, hein.
-Mon dieu. Mais qu’est-ce que vous racontez ?
-Boah. Je fais la discussion à moi tout seul, cherchez pas. Personne ne m’aide, j’veux dire, c’est vraiment nul.

-Ca serait plutôt à propos de notre petit ami commun, décida finalement d’intervenir le marine. Je vous parle de ce Ludwig. Vous devez comprendre, non ?
-Oh. Ah merde. Ah oui.

Sans surprise pour le marine, l’atmosphère se refroidit sensiblement. L’expression neutre et expectative d’Evangeline se raffermit aussitôt en un mélange incisif d’hostilité mêlée d’observation. Sigurd lui-même décida de retourner ses plaisanteries au placard, et redressa sa posture écrasée sur son fauteuil en quelque chose de raide et réactif.

La même réaction qu’un homme pris en défaut, nota le marine. Le blondinet qui lui faisait face se tenait physiquement sur ses gardes. Il y avait des signes qui ne trompaient pas. Et c’était précisément quelque chose qu’il aurait aimé pouvoir prévenir. L’éloquence, ça n’était décidément pas son domaine, rumina-t-il.

-Je crois au contraire qu’on va préférer vraiment rester ici, s’assombrit Dogaku. Vraiment vraiment.
-Bon, bon. Nooon, faîtes pas cette tête. Ne le prenez pas comme ça. Je ne vous veux vraiment rien de mal. N’allez pas croire que c’est parce que je suis de la marine que… et puis… oh et puis zut. Ecoutez. On a besoin de savoir. Et on aimerait savoir. Alors on vous demande. Qu’est-ce que vous comptez faire avec lui ?
-Eh ?
-…
-Que voulez-vous dire par là ?, questionna l’autre jeune femme.
-Je vous demande ce que vous comptez faire de ce Ludwig. A qui vous comptez le livrer. Est-ce que c’est à la marine, et à sa prime de un million et demi, ou bien le tuer pour le compte de Ravrak, pour toucher un bon million ?
-Ni l’un ni l’autre, merci, répondit Sigurd.
-Hu ?
-Nous ne comptons absolument pas jouer aux chasseurs de primes avec Ludwig. Que ce soit pour rendre service à un putain de pirate, ou bien à la super marine.
-Vous vous fichez de nous ?
-Absolument pas, rétorqua Evangeline.
-C’est quoi cette question, franchement ?
-Haha. Sans déconner, ricana la chasseuse. Vraiment. Rien ? Vous pourriez vous faire deux mois de salaire facile chacun et vous ne faîtes rien ?

A ceci, Haylor lui adressa un regard empli d’acide, doublé d’une large moue dédaigneuse. Pour sa part, Sigurd se contenta de ricaner méchamment en la fixant droit dans les yeux.

-Haha, nan, du tout. Je crois que tu te plantes méchamment, petite. Et même comme ça. Sérieusement. Si vous croyez que un million, c’est suffisant pour inciter des gens à se fouler pour ça, vous déconnez. D’autant plus quand vous commencez à essayer de discuter avec eux, et à voir ce qu’ils veulent faire. Les Ludwig, je parle. Ce type est pas le premier Ludwig qu’on croise, alors on a eu le temps de voir ce que ça donne. Ces gars sont dans leur trip, et ils y sont à font. Et ils le font très bien. Cherchez pas à vous fatiguer. Le corps des instructeurs sait que Ludwig est ici. Il n’est pas con. Il leur a tout expliqué d’entrée de jeu, quand il a voulu tout postuler. Parce qu’il voulait être tranquille, et faire son truc jusqu’au bout. Et qu’il savait bien qu’avec sa tronche sur toutes les affiches, il lui faudrait leur aide. Il a beau s’être méga bien grimé, ça ne suffisait pas. Alors vous savez quoi ? On a décidé de l’aider. Pas de le capturer. Tous les deux. Et si vous n’êtes pas d’accord, alors je vous préviens tout de suite. Si vous voulez le capturer, on ne vous laissera pas faire.

Le duo de représentants de la loi se dévisagea brièvement, curieux. Ca, ils ne s’y attendaient pas. Et ils ne parvenaient pas à y croire, en fait. C’était peut être vrai… et c’était peut être un mensonge rudement habile pour se retrouver au-delà de tout soupçon.

-Eh ouais. Y’a encore des crétins dans l’monde qui considèrent que jouer franc jeu est et restera la meilleure des solutions, peu importe le nombre d’assassins et de pirates qui traîneront dans le coin pour les poignarder. Et le crétin vous dit bonjour.
-Mais C’EST un pirate, voyons !
-Erreur, objecta cette fois Haylor. C’est le clone d’un pirate. Mais lui, c’est un sauveteur. Allez savoir pourquoi. Ces Ludwig sont des stéréotypes frôlant le monomaniaque. Mais c’est dans le bon. Il a ça dans le sang. Il a ça dans l’essence. Et il est là pour ça. Et vous voudriez l’enfermer ? Ca n’est pas juste.
-Vous avez une idée du danger que représente ce type ? Ca n’est même pas une question de juste ou pas.
-Boah, un super méga pirate de plus ou de moins, ça changera quoi, franchement ?, la retoqua Sigurd. C’est pas comme si ça allait changer la face du monde en permettant à la marine d’éliminer tous les empereurs pirates, hein. Parce que dans ce genre là, ça aurait été depuis des lustres, hein. M’enfin c’est pas plus mal. Et c’est pas un reproche, hein. J’veux dire, les gens en ont strictement rien à carrer de se qui se passe sur l’équateur ou dans le nouveau monde. Tant que les méchants pirates restent dans leur petit bac à sable et qu’ils nous laissent peinards sur les mers bleues, on s’en carre. Complètement.

Cette fois, c’en était trop pour Bréanie. Le nouveau monde, la route de tous les périls, des endroits sans intérêt ? Ludwig Van Ghost, un pirate primé à près de 300 millions, un homme négligeable ? Ces deux là étaient complètement dingues à ses yeux. Mais son compagnon de la marine les soupçonna d’être bien pires. Ils étaient des civils qui ne savaient pas rester à leur place dans l’ordre des choses. Et il commençait à les soupçonner d’en avoir les moyens.



Une impression qui lui fut bien vite confirmée par ses souvenirs. Sigurd Dogaku. Il avait déjà entendu ce nom. Il s’agissait d’un nouveau projet dans la marine. Une arme. Ou un instrument, il n’avait pas vraiment compris. Le Programme Dogaku. Voilà ce que c’était. Une ligne de recherche initiée par un commodore récemment promu, visant à développer des chars d’assaut pour la marine, inspirée de leur usage fait par des civils au sein d’une affaire récente.

Une affaire qui attiré l’attention de North Blue sur une histoire bien particulière. Et c’est ainsi que le commandant d’élite parvint à boucler son raisonnement.

-Attendez… vous êtes des Chevaliers de Nowel ? Vous deux ? Vous êtes des Nowel, c’est ça ?
-Ooooh !, sourit le blondinet. Donc presque personne ne connait nos têtes, mais pas mal de monde connait nos noms, et visiblement plein de monde connait Nowel. Pas trop sale, comme score. Plutôt même chouette.

Cette fois, le militaire les reconsidéra un moment. Des idéalistes ? S’ils étaient bien les gens qu’ils disaient être, alors leur histoire de sympathie envers le Ludwig se tenait… même si c’était vraiment idiot.

Si c’était vrai, en tout cas, voilà qui les arrangeait. Ce n’étaient que deux civils. Et chevaliers de Nowel ou pas, tant pis pour eux. Tout ça ne changeait rien. Lui avait la marine, la justice, et le gouvernement mondial pour justifier ses actes. Ils n’étaient que de simples citoyens. S’ils essayaient de faire obstruction à sa mission, ils en paieraient le prix.

C’était aussi simple que ça.
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-Vous n’êtes pas obligés de faire ça, vous savez ?, appuya Ludwig. Je veux dire… Eva… je pense que vous exagérez… un peu… beaucoup… énormément ?
-Moi ? Oh, non. Je ne compte pas rester ici, ne vous en faîtes pas.
-Ah ?, s’étonna Sigurd. Mais vous aviez dit que…
-Vous allez passer la nuit avec lui, Capitaine.
-Guh ? Eééééh, j’ai pas du tout signé pour ça…

Le couvre-feu ne tarderait plus. Quelques heures plus tôt, ils avaient eu leur petite entrevue avec les deux chasseurs de Ludwig. Mais la pression était maintenant largement retombée, et s’il avait passé la suite à pester au nom d’une indignation juste et révoltée, Dogaku en était revenu à ses humeurs bon enfant. Sa partenaire avait donc reprit les commandes, lui laissant juste le soin de rebondir sur toutes ses suggestions.

En l’occurrence, le duo avait décidé qu’il faudrait maintenant qu’ils servent de garde rapprochée à leur nouveau petit protégé. Avec deux menaces aussi dangereuses que celles-là, c’était bien la moindre des choses. Aussi l’avaient-ils rejoint tous deux dans sa petite cabine au confort tristement spartiate pour occuper les lieux.

A ceci près que par « ils », on entendait plutôt « il », visiblement.

-Nous avons maintenant la certitude, monsieur Van Ghost…
-Von Guard, rectifia le clone en insistant.
-… qu’un commando de la marine d’élite surentraîné tient à vous capturer. Il n’en veut pas à votre vie, certes. Mais vous risquez votre liberté. En ce moment même, ils vous surveillent. La petite traîne autour de la chambrée.
-Eh. Vous ne m’apprenez rien. C’est comme ça depuis le premier jour. Ils se relaient. Marrant. Mais j’ai l’habitude, indiqua le pirate.
-On se calme quand même, tempéra Sigurd. Ils ont expressément dit qu’ils se contenteraient de te surveiller H24 pour être sûrs que tu t’enfuirais pas, hein. A côté de ça, ils tiennent à suivre la formation jusqu’au bout et savent très bien que les formateurs interrompront tout si un incident a lieu. Ils feront rien, j’vous dis.
-Vous n’en savez rien. On ne sait jamais.
-Je pense qu’il a raison, essaya Ludwig. C’est le marine, qui commande. De ce que j’ai pu voir de lui, cet homme est droit. Un homme qui fait ce qu’il dit, et qui dit ce qu’il pense. Il ne magouille pas. Et la petite lui est complètement inféodée. Et heureusement, parce qu’elle, je la sens rudement sournoise.
-Conclusion : vous vous faîtes toujours des délires pour rien, la miss, et chuis trop bonne pâte pour vous dire non. CQFD.
-Je maintiens que nous ne devons pas vous quitter d’une semelle. Ils auront plus de mal à vous enlever si vous n’êtes pas seul. Ce qui inclut la nuit.
-Ils vont juste nous massacrer avant de l’emmener si l’envie leur prend, vous savez ?
-Capitaine, s’il vous plait. Taisez-vous.
Reste donc à savoir comment nous nous débrouillerons pour vous sortir de là sans qu’ils ne passent à l’action. Et pour ça…

Les deux hommes protestèrent vigoureusement. La demoiselle pouvait leur imposer certaines lubies, mais pas à cette heure tardive. D’autant plus qu’elle était systématiquement celle ayant les pires idées, tandis qu’eux-mêmes avaient une longue expérience dans l’art et la science de la planification. Sigurd avait été capitaine dans la milice, et Ludwig n’était rien de moins que le bras droit de l’un des hommes les plus dangereux de la planète. Ce qu’ils lui expliquèrent à l’unisson en la poussant jusqu’à la porte. Un peu vexée, la miss leur lâcha un simple « bonne nuit » avant que l’obscurité ne se referme sur eux. Il était temps de dormir.

-J’te préviens, je ronfle, indiqua le pirate.
-Et moi j’me retourne pendant des plombes avant de trouver le sommeil.
-Et moi je risque de me faire enlever par un commandant de la marine d’élite dans mon sommeil.
-Et moi je risque de me faire égorger pour qu’on puisse te kidnapper peinard. On échange quand tu veux.
-Hahaha. Bonne nuit, oui. Fais de beaux cauchemars.
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-Et donc, pour l'exercice du jour, je vous propose de vous répartir en équipes de trois. Uh? Quelqu'un sait où se trouve Dogaku?
-Toilettes, précisa sobrement Ludwig. Il sera en retard.
-Oh. Bon. Dans ce cas... et où est Derring, au fait?
-Euhm. Pareil, répondit sa partenaire, surprise.
-Ah? Bon, dans ce cas... j'imagine que vous allez faire équipe pour aujourd'hui.

Échanges de regards. Von Guard pouvait sentir de la malice dans celui de la jeune chasseuse de prime qui s'avançait. Evangeline était aussi mal à l'aise à cette idée, mais ne lâcha pas un mot à ce sujet. Derring était le nom du partenaire de la petite, le commandant d'élite de la marine. Et cette dernière avait l'air agréablement joviale à l'idée de les rejoindre tous deux pour un tel entraînement.



-Pendant ce temps, dans les toilettes...-



-ARGH! CA PUE! MAIS C'EST INFECT!
-QU'EST CE QUE T'AS MANGÉ POUR QUE ÇA AIT UN TRUC PAREIL?
-LA MÊME CHOSE QUE TOI, CONNARD!
-'TAIN, QU'EST CE QU'IL ONT MIS DANS LEUR RAGOÛT POUR QUE ÇA FASSE UN TRUC PAREIL?

Le ragoût de rataupin était un plat étonnamment goûtu, surtout lorsqu'il était bien épicé. L'animal avait beau être une vermine vecteur de maladies, une préparation rigoureuse permettait de le rendre parfaitement propre à la consommation. Pour peu que l'on puisse se faire à l'idée de manger l'équivalent d'un rat hypertrophié.

Il se trouvait que miss Haylor, ainsi que la chasseuse Bréa, s'étaient toutes deux avérées incapables de s'en résoudre à ça. Manger du rat, c'était répugnant. Impensable. Les deux demoiselles avaient chacune de leur coté décidé de prendre une triple dose de salade pour se caler l'estomac, et attendre le repas du soir pour faire une vraie bombance.

Leurs compagnons respectifs en avaient donc profité pour s'accaparer leurs délicieux ragoûts. Et avaient très visiblement ingéré quelque chose que leurs systèmes digestifs n'approuvaient pas.

Tout bon cuisinier savait que la cuisson n'éliminait pas la totalité des germes contenues dans le rataupin. Seulement celles qui s'avéraient dangereuses. Et qu'à trop grandes doses, ce genre de désagréments arrivaient.

Voilà pourquoi Derring et Dogaku s'étaient précipités vers la salles des trônes, en tenues ignifugées, seulement quelques minutes avant le début de l'entraînement du jour. Tous deux s'étaient battus avec leur équipement pour s'en délester et le jeter par terre ; ils avaient rejoints leurs cabinets dans la précipitation. Et ça n'était qu'alors qu'ils se rendirent compte que non, ils n'étaient pas seuls, et qu'ils étaient même vissés aux premières loges pour bénéficier de l'intimité de l'autre.

Une situation qui les écœurait mutuellement.

-MÊME AUX CHIOTTES VOUS V'NEZ M'EMPOISONNER LA VIE?
-J'ÉTAIS LÀ AVANT TOI, DUGNOUL!
-D'UNE SEULE FRACTION DE SECONDE, ET J'AI DU MÉRITE D'AVOIR TALONNÉ UN COMMANDO, MOI!
-TU VAS SURTOUT AVOIR LE MÉRITE DE M'AVOIR FAIT ASPHYXIER, MEC!
-QUOI, VOUS AVEZ PAS DES ENTRAÎNEMENTS DE SURVIE EN ENVIRONNEMENT HOSTILE DANS LA MARINE D'ÉLITE?
-AH! JE RIGOLERAI PRESQUE SI TU SCHLINGUAIS PAS AUTANT!

Il fallait les comprendre. Tous deux avaient perdu leur bonhomie habituelle, mais leur hostilité réciproque n'y était pas pour grand chose. C'était les convulsions de leurs systèmes digestifs respectifs qui en étaient la cause. Littéralement pliés de douleur, les deux hommes avaient fini par arrêter de s'insulter tant leurs estomacs se contractaient.

Un triste spectacle que nous ne développerons pas davantage.

Toujours est-il que trente minutes plus tard, après quelques faux départs qui les avaient contraints à regagner leurs trônes, les deux apprentis sauveteurs avaient enfin regagné le terrain d'entraînement.

Ils ne le comprirent pas tout de suite, mais...
Une mauvaise surprise les attendait.
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À l'intérieur, les choses avaient assez vite dégénéré. Les hostilités furent ouvertes dès le début de l'exploration. Regards en biais, expressions courroucées, remarques acides et dénigrements sarcastiques s’étaient échangés avec une voracité toute féminine.

C’était une chasseuse de prime d’un âge bien trop précoce, une gamine aussi traîtresse qu’opportuniste, une jeune bécasse à la voix trop haut perchée, une Bréanine au nom bien ridicule. C’était un clone d’utilisateur de fruit du démon, une parodie d’être humain, le résidu insipide d’un des pirates les plus pourchassés de la décennie, doublé d’un stéréotype ambulant au profil de sauveteur de l’extrême. C’était une pauvre civile sans la moindre importance, une jeune femme morne, austère et ennuyeuse, une grabataire dotée d’un fort penchant pour les robes complètement passées de mode, une vraie folle encore habitée par des rêves de gamine qui jouait aux apprenties sorcières.

Et ainsi de suite.

-Tu ne vas pas essayer de nous attaquer ou de le capturer pendant que nous sommes seuls tous les trois, n'est-ce pas?
-Bien sûr que non, con@&%#.
-Ecoute-moi, pauvre idiote. Je te promets que si tu m’appelles comme ça encore une seule fois…
-Gniagniagnia. Tu vas faire quoi, froncer les sourcils et me faire la morale ?

Encore qu’en vérité…

C’était extrêmement tentant.

Ils étaient dans un vieil entrepôt désaffecté, partiellement rongé par les flammes pour le besoin de l’exercice. Elle n’avait pas d’épée sur elle, c’était vrai. Mais Bréa’ faisait partie de ces sabreurs assez expérimentés pour savoir transformer en arme n’importe quel outil vaguement susceptible de faire l’affaire. Même une baguette de pain, affirmait-elle. En l’occurrence, la demoiselle n’eut qu’à se dérouter légèrement pour dénicher une barre de fer. La chose était trop lourde et encombrante pour être efficacement maniée dans un duel à mort, mais tout à fait utilisable pour assaillir quelqu’un par surprise.

Et elle connaissait sa cible.

Ludwig.

L’homme avait un tempérament discret et réservé, certes. Il tenait la violence en horreur ; ça n’était pas pour rien, qu’il s’était fait sauveteur. C’était sa vocation. Mais même ainsi, il ne fallait pas oublier qu’il était conçu sur le modèle du plus proche lieutenant d’un empereur du nouveau monde.

Alors, sans hésiter, la petite décida d’en faire sa première cible. Elle l’assommerait par surprise, et en ferait de même pour l’autre. Pas par nécessité, songea-t-elle. Juste parce qu’elle en mourrait d’envie.

Allez savoir pourquoi, mais Evangeline s'attendait à quelque chose du genre. Et c'était bien pour ça que la jeune femme avait conservé sur elle toute sa panoplie d'apprentie sorcière, soigneusement dissimulée sous son lourd uniforme de soldat du feu. Elle n'avait ni baguette magique, ni balais volant, mais bien davantage encore au sein de ses manches: plusieurs sets de coquillages surnaturels, dont elle avait déjà fait usage précédemment pour discipliner les flammes. D'autres de ces coques de poche lui permettaient de manipuler tout à sa guise de véritables colonnes de gaz de nuages solides ; on les nommait des milky dials. Et une fois là, il restait à mentionner ce qui devenait progressivement le plus terrible de ses accessoires surnaturels.

Elle les appelait ses liens, ses rets et ses serpents. D'aucun considéraient son art comme une variante particulièrement personnelle d'un Rope Action, et ils ne se trompaient pas. Mais faute d'être une experte en corderie, les liens de chanvre ne constituaient qu'une fraction du matériel employé par miss Haylor.

-EH, C’EST QUOI CE TRUC ?

Déjà, plusieurs chaînes d’aciers se déployaient depuis Haylor jusqu’à l’indésirable, ondulant paresseusement à même le sol ou dans les airs en essayant d’occuper un maximum d’espace possible. Etendues de la sorte, elles séparaient les deux ennemies d’une bonne dizaine de mètres.

-Les jouets d’une folle qui joue aux apprenties sorcières, répliqua Evangeline en reprenant les mots de Bréanine. Et puisque tu as l’air de ne pas tenir en place…

D’un geste de la main, la civile intima à ses liens de passer à l’attaque. Ce qui n’arracha rien d’autre à la gamine qu’un énorme éclat de rire.

-JE VAIS TE DEFONCER, PROU@&%#*$£)#!§§!
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-Mmmmh… désolé. On a raté quoi ?
-Pas grand-chose, leur répondit l’instructeur. J’ai juste envoyé les équipes les unes après les autres sur le parcours, il ne manque plus que vous.
-Euh… et mon équipe ?, demanda Sigurd.
-J’ai comblé les trous comme je pouvais en votre absence. Vous partirez dans cinq minutes.
-Qui ça ?
-Mais vous deux, voyons.

Un mauvais pressentiment parcouru l’échine de Dogaku. Et du marine aussi. Car si eux deux allaient devoir collaborer, cela signifiait que…

-Et la petite ?, questionna à son tour Derring, hésitant.
-Envoyée aussi. Avec les coéquipiers habituels de Dogaku.
-Eeeeeeeh ?! Vous les avez fait partir ensemble ?
-Uh. Oui. Ecoutez. Je sais bien qu’il y a des tensions entre vos deux groupes, mais il n’y a aucune raison que cela affecte votre…

Le sauveteur s’interrompit. Et pour cause. Dans un vacarme assourdissant, ce qui ressemblait à une gigantesque lame d’air en forme de tenailles venait de transpercer l’un des murs de l’entrepôt. Et à travers la faille ainsi formée, on pouvait voir que de véritables rivières de flammes avaient commencé à engloutir certaines zones du bâtiment.

-Oh putain.
-Oh putain de bordel de dieu, compléta le marine. Qu’est-ce qu’il s’est pass…
-EH, REVENEZ, C’EST DANGEREUX !!

Ces derniers mots provenaient de l’instructeur, et s’adressaient directement à Dogaku. Il n’avait fallu que d’une seconde au jeune homme pour intégrer ce qu’il se passait à l’intérieur de l’entrepôt, peser le pour et le contre, et décider de ce qu’il allait faire. En l’occurrence, courir comme un dératé jusqu’à l’entrepôt pour essayer de…

-BIEN SUR QUE C’EST DANGEREUX, C’EST MEME POUR CA QUE J’Y VAIS !

Aucune idée. Mais il était hors de question qu’il laisse sa partenaire aux prises avec une chasseuse de primes à l’intérieur d’un bâtiment en flammes.
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-PUTAIN DE PROU%&*#$)+%+^#?@!

Bréanine ne pouvait s’empêcher de pester. Jamais elle n’avait affronté quoi que ce soit de plus… frustrant à combattre. Elle ne se sentait pas plus faible que la sorcière d’opérette qui lui faisait face, bien au contraire ; l’adolescente était convaincue qu’il lui suffirait d’une seule attaque bien placée pour pulvériser son opposante. Et une fois là, elle pourrait la malmener tout à loisir, pas parce que c’était le genre de choses qu’elle faisait habituellement, mais parce qu’elle en tremblait vraiment d’envie.

Mais pour y arriver, il lui faudrait déjà réussir à l’atteindre, et même à l’approcher. Et là, c’était une autre paire de manche.

Elle n’avait pas attendu une seconde avant de passer à l’attaque : avec des chaînes d’acier qui se déployaient tout autour d’elle, elle n’allait sûrement pas laisser à la mégère le temps de faire ce qu’elle voulait. Mais à peine avait-elle commencé à s’avancer que tous les liens s’étaient aussitôt resserrés sur elle, faisant de leur mieux pour au moins l’empêtrer, sinon l’immobiliser. La chasseuse avait réussi à rejeter le premier d’un coup de barre à mine, s’était débarrassée d’un autre en remuant vivement, mais avait bien manqué d’être ligotée sur place par la dizaine de chaînes restantes.

Pratiquement prise au piège, elle s’était débattue avec la férocité d’un animal en cage pour s’échapper de l’amas de câbles hostiles. En cet instant, elle avait déjà compris qu’elle ne pourrait pas s’approcher si facilement. Qu’importe, elle n’aurait qu’à ruser.

Une nouvelle fois, Bréanine fit mine de charger, attirant par là même l’attention des maillons métalliques qui bifurquèrent en tenaille pour l’encercler. L’adolescente se propulsa alors sur sa gauche pour se repositionner très avantageusement, et enchaîna deux autres à coups pour contourner allègrement les chaînes d’acier. Quelques autres se déployèrent depuis Haylor pour interrompre son avancée et la contraindre à reculer, mais la petite ne s’en offusqua pas, et lâcha même un petit ricanement satisfait. Elle pourrait prendre l’avantage, finalement. Car la petite Bréa venait de comprendre quelque chose de très avantageux.

Contrairement à ce qu’elle aurait pu croire, les chaînes vivantes n’avaient rien d’indépendantes, et encore moins d’insurmontable. Elles étaient prêtes à l’attaquer immédiatement, mais s’adaptaient extrêmement mal au moindre de ses déplacements. Et à mieux les observer, il devenait évident que leurs mouvements nécessitaient un effort conscient et régulier de leur propriétaire, qui devait en plus de cela composer avec un temps de réaction bien assez lent pour révéler son manque total d’expérience dans les combats.

Elle ne se battait pas contre les chaînes, mais bien contre Haylor. Si elle rusait un minimum, l’autre ferait n’importe quoi avec ses liens. Et de ce qu’elle avait pu voir, il suffisait de quelques déplacements rapides pour la confondre. Si elle se mettait à zigzaguer, l’autre serait finie.

-YAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !

Et la troisième fois fut bien la bonne. Effectuant plus de six accélérations détonantes en une douzaine de secondes, la petite était parvenue à s’esquiver du sac de nœuds et se trouvait maintenant à quelques mètres de sa victime. Qui avait l’air troublée, sans pour autant céder à la panique. Un regard que la jeune chasseuse de primes connaissait bien : une expression typique d’un adversaire en difficulté qui gardait encore plusieurs atouts dans sa manche.

Et elle avait raison. Une nouvelle fois, Evangeline tendit le bras dans sa direction. Prévisible, songea la petite. A ceci près que cette fois ci, la sorcière ne tendait pas la main pour désigner son agresseuse à ses filets. Elle la pointait droit vers le sol, sur l’espace qui les séparait. Et elle tenait quelque chose dans le creux de sa paume.

Un coquillage.

La chasseuse s’autorisa une grimace horrifiée en plongeant sur le coté, anticipant de justesse l’énorme boule de feu qui déboulait sur sa position. Parce que la gratte-papier pouvait faire ça, bien sûr. Elle ne s’était pas privée de le faire savoir à l’instructeur, ni à s’en servir à quelques reprises au cours des exercices. Bréanine n’aurait pas dû l’oublier.

-MAIS C’EST VRAIMENT DE LA MERDE !!
-Attends de voir ça avant de crier…

Poursuivant sur sa lancée, Evangeline prolongea son long jet de flammes afin d’en arroser copieusement l’espace qui les séparait, de manière à enflammer durablement cet emplacement. De sorte que quelques secondes plus tard, c’était un véritable rempart de flammes qui séparait les demoiselles.

-Et maintenant… qu’est-ce que tu fais ?
-PUTAIN DE PROU%&*#$)+%+^#?@!

La jeune chasseuse articula plusieurs atrocités dont on n’avait jamais connu d’équivalent. Un mur de flammes, rien que ça. Evidemment. Qu’à cela ne tienne, car Bréanine n’était pas pour autant à court d’options. Ignorant les tentacules d’acier qui s’agitaient au travers du rideau de feu, la petite se campa sur ses jambes, tendit le bras en dressant son arme bien derrière elle, et la projeta de la même manière qu’on aurait pu le faire pour un boomerang.

Un boomerang qui relevait presque du boulet de canon, vu la facilité avec laquelle il avait pulvérisé la paroi du hangar lorsqu’il manqua sa cible. Apercevant tout juste le projectile de mort fuser vers elle, Evangeline avait tenté de l’attraper avec ses appendices en vain, avant de s’écraser à même le sol pour être sûre d’être à l’abri de la chose.

Et c’était ça, la simili-lame d’air que Dogaku avait pu voir en s’approchant du bâtiment.

Qu’est ce qu’il faut pas se faire chier pour contourner les prérequis en dorikis pour les trucs flashy, hein ? Genre j’vais faire combattre du 3500 à ma sorcière… EH BAH J’M’EN CARRE MWARHARH HAR HAR !!!

-QU’EST-CE QUE C’ETAIT QUE CA ?, hurla Haylor
-UNE SIMPLE PUTAIN DE BARRE DE FER ENTRE LES MAINS D’UNE VRAIE BRETTEUSE, PET%&*#$)+%+^#?@! ET ATTENDS, Y’EN A PLEIN D’AUTRES QUI ARRIVENT !

Ca n’était pas bien dur pour elle : outre son projectile initial qui ne tarda pas à revenir s’écraser non loin d’elle, Bréanine avait à sa disposition, tout autour d’elle, des tas de barres de fer à charogner pour s’en servir comme projectiles. En temps normal, la bretteuse se battait de la sorte avec des sabres, qu’elle maniait ave une habileté proprement déconcertante. Utilisant jusqu’à six lames, et parfois plus lorsqu’elle en récupérait sur ses adversaires du moment, elle avait appris à se battre en jonglant avec celles-ci, s’en servant comme de boomerangs ou en les envoyant en l’air tout en étant capable de visualiser leur position en permanence. En plus des deux qu’elle empoignait continuellement, elle pouvait ainsi tenter de terrasser ses adversaires avec des lancés directs, des retours à l’envoyeur, ou même des bombardements différés. Tout un ensemble de manœuvres très exigeantes qui collaient mal avec le caractère hargneux et emporté de la petite, mais qui lui permettaient –qui la forçaient- très précisément à conserver un certain calme et une grande concentration sur ce qu’elle faisait.

Une particularité que son mentor, peu importe qui il puisse être, avait eu l’intelligence de lui apprendre.

Da la même manière, même si c’était pleinement accidentel, Evangeline fonctionnait elle aussi sur ce principe. D’ordinaire calme et mesurée, la miss n’aimait pas faire de vagues. Et paradoxalement, ses agressions à elles étaient ridiculement démesurées.

-ET PRENDS CA !!, beugla Bréanine. ET CA ET CA ET CA !!!! ET PUIS… OUAIS, CE TRUC AUSSI FERA L’AFFAIRE !!!, continua-t-elle en balançant une planche de bois.
-BON, MAINTENANT CA SUFFIT !!!

De prime abord, Haylor se protégeait. C’était pour ça que ses chaînes maintenaient autant que possible une zone impénétrable sur une dizaine de mètres tout autour d’elle. C’était aussi pour ça qu’elle avait prit l’habitude d’enflammer ses alentours avec ses coquillages lorsque ses agresseurs devenaient trop ambitieux. En général, ces éléments suffisaient à refroidir les ardeurs de quiconque avait la mauvaise idée de s’en prendre à elle.

Mais quand on la poussait trop loin, elle ne connaissait qu’une seule façon de répliquer.

-MOI AUSSI, JE PEUX FAIRE CA !! ET CA ET CA ET CA !!

Des boules de feu à profusion, toutes orientées vers la petite, sans qu’aucune ne soit vraiment cadrée pour percuter sa cible. Non pas que ça soit possible, Evangeline n’ayant jamais réussi à arranger un tir correctement. Non pas que ce soit nécessaire, également : Haylor n’avait aucun besoin d’un coup direct.

Si elle mettait le feu partout, la petite chasseuse de primes n’aurait aucun moyen de s’en tirer.

Tout simplement.
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-PUTAIN HAYLOR VOUS M’AIDEZ PAS LA !

Un entrepôt en flammes, c’était un grand classique. C’était d’ailleurs pour cette raison que Dogaku avait retenu une assurance tous risques pour les locaux d’HSBC et de la Santagricole : avec la quantité de pirates, de révolutionnaires, et -pire encore- de marines qui écumaient le monde, c’était bien là le minimum pour s’assurer que ses affaires ne disparaitraient pas du jour au lendemain, sur le coup de tête d’un personnage mal avisé à qui le sort aurait confié bien trop de pouvoirs.

Mais des flammes roses, des boules de feu capables de forer les murs de tôle d’un entrepôt et de creuser la terre où elles s’échouaient en rongeant joyeusement le sol sur un cratère de plusieurs mètres, c’était encore trois crans au-delà de ce que Sigurd avait l’habitude de redouter.

Il s’agissait de flammes chimiques, sans aucun doute. Certainement du même genre que celles que son amie lui avait montré moins d’une semaine auparavant.

Et entre ça et les barres de métal qui jaillissaient régulièrement de la façade du bâtiment, le chevalier de Nowel était servi. C’était comme parcourir un champ de tir où il serait bombardé au mortier par des personnes n’ayant aucune idée de ce qu’ils faisaient.

Heureusement, aucun projectile n’eut la mauvaise idée de lui tomber dessus. Malgré sa lourde combinaison ignifugée, Dogaku était rapidement parvenu jusqu’à l’entrée du bâtiment, jusqu’ici épargnée par le combat. C’était une énorme salle désaffectée, encore remplie de grands caissons de stockages vides ou remplis de détritus, auprès desquels s’était réfugié…

-Eh !, l’interpela Sigurd. Vous pouvez m’expliquer ce qui se passe ici ? Qu’est ce qu’elles sont en train de faire, les deux autres folles !?
-La petite a essayé de m’avoir par derrière… sans surprise… et miss Haylor s’est alors mise à… faire plein de choses que je n’avais jamais vues auparavant, s’étonna le clone pirate, encore confus par la situation.
-Bienvenue chez les civils, ouais. Vu comment elles sont en train de démolir la zone de l’atelier, j’imagine que c’est là dedans que ça se passe ?
-C’est bien là que tout a commencé, oui.
-Bon, bah c’est parti, lâcha Sigurd en s’avançant.
-Et qu’est-ce que vous allez faire ?
-Ce que je… euh ben… très bonne quest…tttsssssssaaaaratatah que non, ça ne marche pas comme ça. Aucune idée, comme d’hab. Mais si je le fais pas, je vais le regretter.

Ludwig resta pensif. Le chevalier de Nowel avait raison, oui. Et c’était tout aussi valable pour lui. Il n’était peut être que l’ombre fractionnée d’un des plus puissants pirates de la décennie, ça ne l’empêchait pas d’être un individu plein de ressources. Il avait bien réussi à survivre à ses traqueurs jusqu’à ce jour, après tout.

Et comme ces deux civils avaient fait de leur mieux pour l’aider face à ses prédateurs… il devait les aider, oui. En partie parce que rien de tout cela n’aurait eu lieu s’il n’était pas venu. Mais surtout parce qu’il en avait envie, tout simplement.

-Je viens avec vous, annonça-t-il à Dogaku.
-C’est bien sympa, parce que je vais avoir besoin de bras.
-Ah ? Mais vous n’avez pas répondu à ma question. Qu’est-ce que vous allez faire ?
-Un truc idiot. Encore indéterminé, mais tant pis. Ca marche souvent, avec moi.
-Ca n’est pas vraiment la bonne réponse que j’espérait…
-Attendez, j’ai ptêtre une autre idée. Si je leur dis que vous avez pris la fuite, vous pensez que la chasseuse se calmera et qu’elles arrêteront de se battre ?
-Vu comment elles ont commencé à tout détruire… je crois qu’il en faudra bien plus pour les calmer.
-Erf. Pas faux. Bon. Bah on y va et… on va trouver.
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Sigurd n’était pas le seul à s’être précipité vers l’entrepôt. Outre la majorité des apprentis pompiers qui se mobilisaient avec leurs instructeurs pour venir sauver le bâtiment, il y avait également le commandant Derring, de la marine d’élite, qui avait un rôle à jouer là dedans.

En bonne partie parce que c’était la jeune chasseuse, avec laquelle il s’était allié, qui était vraisemblablement à l’origine de cette pagaille. Mais aussi parce que la situation qui avait lieu en cet instant était on ne peut plus contraire à ses principes. Pour beaucoup de ses collègues de la marine d’élite, on ne faisait pas d’omelettes sans casser des œufs, alors si en plus on pouvait faire sauter deux trois maisons dans la foulée histoire d’en mettre plein les mirettes aux supérieurs, on ne se privait pas. C’était toujours de la faute aux pirates et aux révolutionnaires, de toute manière.

Mais pas pour lui.

De la même manière qu’il avait voulu s’entretenir avec les deux civils, de la même manière qu’il avait fait de son mieux pour canaliser les habitudes brutales de sa complice, il cherchait encore une fois à calmer le jeu.

Mais même ainsi, il restait un officier supérieur des commandos de la marine, un commandant d’élite digne de ce nom. Même s’il avait mis plus de temps à réagir que Dogaku, Derring avait traversé le terrain extérieur à une vitesse ahurissante. Et loin de se contenter de la porte d’entrée de l’entrepôt, le militaire s’était tout simplement élancé contre la paroi de la zone des ateliers, passant à même le mur pour rejoindre les deux jeunes femmes dans un vacarme assourdissant.

C’est qu’il fallait soigner ses entrées, dans la marine d’élite. Derring eu d’ailleurs la satisfaction de voir qu’elles avaient immédiatement arrêté leur combat suite à son arrivée.

-MADEMOISELLE HAYLOR !!! BREA !!! ARRETEZ MOI TOUT DE SUITE VOTRE FOLIE, SINON… !!!

L’officier avait utilisé son ton le plus terrible, celui habituellement réservé aux recrues les moins disciplinées, et seulement lorsque celles-ci s’aventuraient à faire des choses idiotes. Sans surprise, son ton autoritaire, son expression ferme et impérieuse, ses paroles dignes et raisonnables, son allure d’armoire à glace de commando surentraîné, avait paralysé les deux jeunes femmes. C’est qu’on pouvait être un commandant d’élite raisonnable tout en restant impressionnant, tout de même.

A ceci près que les recettes qui fonctionnaient dans la marine n’étaient pas forcément très adapté au cas des tempéraments les plus indépendants. Bréanine était une chasseuse de primes doublée d’une forte tête qui appréciait la liberté. Et miss Haylor, non contente d’être une femme intransigeante, était une sorcière réellement épouvantable lorsqu’on la remontait.

-ET SINON QUOI !? VOUS ALLEZ ENCORE VENIR AVEC VOS GROS GALLONS POUR ABUSER DE VOS POUVOIRS, C’EST CA§ ?
-SINON, JE VAIS DEVOIR SEVIR ET APPLIQUER JUSTICE. AU NOM DE LA MARINE ET DU GOUVERNEMENT MONDIAL, VOUS ALLEZ ARRETER VOS CONNERIES, ET TOUT DE SUITE.
-ELLE A BON DOS, VOTRE JUSTICE, POUR ATTAQUER LES GENS EN TRAITRE ! C’EST VOUS ET VOTRE PETITE CHIEUSE QUI AVEZ CAUSE TOUT CA !
-QUOI !? TU SAIS CE QU’ELLE TE DIT, LA PETITE CHIEUSE ??!!
-QU’IL EST GRAND TEMPS DE TE RABATTRE LE CAQUET EN T’ECRASANT LA TETE CONTRE LE SOL, tempêta Haylor.
-MISS HAYLOR, BREA, JE VOUS PARLE !
-ET ON S’EN FICHE.
-NE M’OBLIGEZ PAS A…
-PFRAHAHAHTSEHEH !!! DE TOUTE MANIERE TU FERAS RIEN, GROS TAS, beugla Bréa.
-SINON JE VAIS SEVIR ET… appliquer… justice… aaargh, pourquoi c’est toujours aux mecs sympas qu’ils refusent tous d’obéir ?

Tant pis pour la bonne figure négligée de la marine, songea Derring. Ni une ni deux, le commandant s’élança depuis sa position jusqu’à…

Bréanine, en fait. Il avait d’abord voulu attraper la frêle Evangeline pour l’inciter à se calmer sous la menace de ses poignets dignes d’un ours, mais la grande rivière de flammes derrière laquelle elle se tenait l’avait vite fait changer d’avis. Une chose à la fois.

Le militaire contourna donc tous les obstacles jusqu’à la petite, qui ne resta pas sans réagir. Comme si elle allait se laisser faire, voyons. Bien sûr que non.

-DEGAGE DE LA, DERRING !
-TOI, ARRETE MOI CA ET… AIE !

Ni une, ni deux, la petite empoigna une autre barre de fer qu’elle propulsa droit vers son partenaire, qui s’était bien assez rapproché pour être une proie facile. Incapable de l’esquiver, le marine se contenta de repousser l’attaque d’un coup de manchette, non sans gémir de douleur lors de l’impact.

Rien de bien nouveau pour un monstre de guerre tel que Derring.

A ceci près que Bréanine prenait maintenant du recul, et s’éloignait autant que possible de son ainé tout en continuant à lui jeter régulièrement tout ce qui passait à sa portée. Et là, ça n’allait plus : le militaire avait beau être largement plus rapide que la chasseuse sur les lignes droite, il n’avait pas l’agilité et la souplesse nécessaire pour progresser aussi vite qu’elle sur un terrain aussi accidenté que ce hangar. Ce qui permettait précisément à la petite de

S’ensuivit alors un genre de course poursuite qu’on aurait jamais cru possible de voir ici.

-JE TE SIGNALE QUE CA N’EST PAS LE MOMENT DE JOUER, ON EST DANS UN HANGAR EN FLAMMES.
-ALORS DEGAGE ET LAISSE MOI REGLER SON COMPTE A CETTE FR%&*#$)+%+^#?@!
-QUI EST-CE QUE TU OSES TRAITER DE… ESPECE DE MISERABLE PETITE, INFAME, REPUGNANTE, MALHEUREUSE… RHAAAAAAA !!

Merveilleux, songea le marine. Maintenant que la chausseuse l’avait asticotée, c’était Haylor qui s’y remettait en reprenant son arrosage de boules de feu. Comme s’il avait besoin de ça.
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Les choses auraient pu durer très, très longtemps, à ce train. Mais heureusement, il était temps de mettre un terme à cette grande farce.

Derring ne savait pas trop comment, mais Bréanine interrompit immédiatement sa course pour s’écraser contre le sol. L’adolescente avait été renversée par… un long jet d’eau ininterrompu qui la plaquait en continu face contre terre.

-TATATATATAH DUN DUN !!!  LA FETE EST FINIE, MAINTENANT ON REMBALLE, MERCI !

Derring connaissait ces voix. Quant à ce qu’ils venaient faire ici, c’était encore autre chose.

Il s’agissait de Sigurd et de Ludwig, bien évidemment. Porteurs d’une lance à incendie armée et activée, les deux apprentis pompiers utilisaient leur savoir faire fraîchement acquis et leur matériel  de haut vol pour maîtriser les deux furies. Qu’un simple jet d’eau puisse maintenir une femme à terre pouvait paraître surprenant à première vue, mais il ne s’agissait que d’un préjugé idiot. Pour qui prenait la peine de se renseigner, la lance à incendie était régulièrement utilisée comme matériel anti-émeute dans les polices de plusieurs cultures, et s’avérait même particulièrement efficace dans ce rôle là. Bien pire encore, son usage devait se faire ave précaution, car une mauvaise rencontre avec un canon à haut visant le tronc ou le visage à bout portant pouvait très bien tuer un homme.

-Allez Choupi, on continue comme ça, c’est bien !, encouragea Sigurd.

Choupi, c’était la mascotte de l’équipe des pompiers formateurs qui encadraient le camp. C’était surtout un hamster pur-sang de Luvneel, un animal au pédigree soigneusement protégé, et dont les aptitudes de course et l’endurance se révélaient tout simplement ahurissantes.

A titre d’exemple, on considérait qu’il suffisait d’un seul pur-sang pour actionner une pompe à eau capable d’alimenter une lance à incendie, et ce pendant près d’une vingtaine de minutes. Voilà pourquoi les pur-sang de Luvneel étaient particulièrement prisés dans le petit monde de la lutte contre l’incendie, et ceci depuis près de trois cent ans. C’était aussi pour cette raison que les hamsters de North Blue étaient régulièrement associés aux valeurs de courage et d’héroïsme, même si les médias et racontars préféraient régulièrement éclipser ces petites bêtes en faveur des grands pontes bardés de médailles de la marine. Près d’un tiers des pompes à eaux présentes sur le marché de cette mer bleue étaient dotés d’une petite roue à hamster, pour accueillir cette adorable petite source d’énergie en cas de besoin.

Dans tous les cas, voilà que Ludwig et Dogaku avaient fait un détour dans l’étape-réserve dédiée à l’épreuve pour s’emparer de l’équipement.

Leur arrivée et leur initiative en ravit d’ailleurs bien plus d’un :

-BRAVO, EXCELLENT, MERCI !!, s’exclama Haylor. MAINTENEZ LA COMME CA AFIN QUE JE PUISSE LA CADENASSER, ET… BLEEEEEEEEEHHHHHH… BLAAAAAAAAIIIIIIIII…. BLOOOBLOOOBLOUARGH… BLAIS BLEST-FE QUE VOUS FAITES BLON SANG ? BLOURQUOI EST-FE QUE BLOUS M’ARROSEZ MOI !?
-PARCEQU’ON ATTAQUE LE FOYER DE L’INCENDIE !!
-BLAIS BLOUS ETES IDIOTS !?
-PAS DU TOUT ! VOUS ETES AU MOINS AUSSI DANGEREUSE QUE L’AUTRE, ET SUREMENT PLUS !
-BLAPITAINE BLIGURD BLOGAKU, JE BLOUS JURE QUE FI BLOUS N’ARRE… BLBLBLBLBLBLBLBL…
-DESOLES, MAIS C’EST POUR VOTRE BIEN !!, s’exclamèrent Sigurd et Ludwig à l’unisson en arrosant généreusement les deux ennemies.

On n’était jamais trop prudents, après tout. Avec de telles harpies en liberté, mieux valait prendre ses précautions.

-PARFAIT !, s’exclama le marine. MAINTENANT LES EN PLACE, AFIN QUE JE PUISSE… BLBLBLBLBLBLBL… BLOOOOON PAS MOI BLOYONS BANDE DE BLEEEEBLBL !!!!!

Comme on l’avait dit : on n’était jamais trop prudent, après tout.

S’ils maintenaient tout le monde en place, tout en redirigeant régulièrement les jets afin de contenir et d’amenuiser l’incendie qui rongeait le hangar avec force gloutonnerie, tout devrait bien se passer.

Ceci d’autant plus que les secours ne tardèrent pas à arriver. Il n’avait fallu qu’une poignée de minutes pour que l’ensemble du personnel soit sur l’affaire.

Ils étaient saufs, maintenant.

C’était du moins fini pour aujourd’hui.




*
*     *
*


-J’espère que vous vous rendez compte… à quel point vous avez tous été… COMPLETEMENT. DEBILES !, articula Dogaku avec une hargne qu’on ne lui connaissait pas.

Face à lui, ils étaient trois, tous trempés de la tête aux pieds, l’air mal à l’aise. On reconnaissait très facilement Bréa, vu comment parmi les trois fauteurs de troubles, elle était la seule à être camisolée par une bonne dizaine de chaînes qui émanaient toutes d’Haylor. Même si elle avait l’air repentissante, l’adolescente restait assez imprévisible pour qu’on ne prenne pas de risques. On lui avait tout simplement libéré un bras afin qu’elle puisse boire dans sa tasse de boisson chaude, un chocolat au lait préparé avec les moyens du bord, pour l’aider à se réchauffer.

Pour sa part, Derring avait opté pour un café bien noir, avec un sucre et demi, comme à son habitude. Haylor complétait sans surprise le tableau avec un thé à la bergamote qu’elle s’était préparée on ne sait comment.

Et tous étaient parqués au sein la zone de soin des secouristes, en tant que rescapés de l’incendie dont ils avaient eux-mêmes favorisé le développement.

-Il absolument raison !, renchérit le formateur. Vous avez été tellement irresponsables que…
-Vous AUSSI, vous avez eu un coup de génie aujourd’hui, l’interrompit sèchement Sigurd.
-Moi ?
-Nan mais sans déconner ? On vient vous dire expressément que notre Ludwig est sur les dents avec le marine et la chasseuse de primes, et le meilleur truc que vous trouvez à faire, c’est de le coller en espace clôt avec la furie miniature ?
-Euh… oh, ça. Oui.
-Comment ça, oui ? Tchaaah, c’débile.

Le formateur resta pantois. Il avait beau être plus âgé, plus sage, plus fort et entraîné, plus expérimenté que Dogaku, il se sentait ratatiné devant sa sombre humeur.

-Euh ben… d’accord, j’ai peut être un petit peu complètement merdé sur cette affaire, oui.
-PLUS QU’UN PEU BEAUCOUP, OUAIS.
-…
-Tchaaah. N’empêche que… et vous alors, miss ? Vous vous souvenez de ce qu’on avait dit, sur les super pouvoirs de sorcières dont faut vraiment pas abuser ? C’est pas parce que vous pouvez balancer des boules de feu à toutes les sauces ou faire des trucs franchement dangereux que faut en profiter pour TOUT DETRUIRE COMME UNE MALADE MENTALE.
-Sigurd, pas maintenant, s’il vous pl…
-Carrément que si, maintenant ! Vous êtes folle ? Pour une fois que chuis assez en rogne pour vous rouler dessus et que vous savez pertinemment que vous avez merdé, je vais me faire une JOIE d’en profiter ! Imaginez il vous arrivait un truc dangereux face à la petite, avec les flammes, ou n’importe quoi d’autre ! Je faisais quoi, moi !?
-…
-Sur le plan de base, quand vous disiez que vous alliez jouer à la sorcière, c’était super génial, ouais ! Mais dans le sens tour de magie, passe-temps, loisir sympathique-original-et-agréablement-rafraichissant-hein, un peu comme « oooooh, et si je me mettais au jardinage, tiens ? ». Pas dans le sens « oh bah maintenant que chuis un vrai monstre de machine de guerre, j’vais en profiter pour aller casser la gueule à tout ce que j’aime pas parce que c’est fun, wouhouuuu ! ».

Sigurd disait n’importe quoi, comme à son habitude. Ce qui comptait était toutefois la façon dont il le disait ; et au ton qu’il employait, il aurait tout aussi bien lui asséner des coups de poings en plein visage tant il était abrupt. Il était en colère, mais surtout, il avait eu vraiment peur. Et ça, il fallait bien qu’il le fasse savoir.

Alors, Evangeline fit quelque chose de particulièrement inhabituel: l'intraitable jeune femme baissa la tête sans rien répondre, presque abattue. Elle se savait pertinemment en tort, et n'avait pas besoin qu'on insiste sur le sujet.

Encore que, peut être bien que si, en fait. Qu'on le lui mette bien en valeur, en espérant qu'elle en tire les leçons qui s'imposent. Malheureusement, Sigurd était quelqu’un de beaucoup trop doux et empathique pour s’en tenir à une pareille résolution.

Il lui suffisait de voir l’expression fermée de son amie, sa posture nerveuse, tendue, son teint rose et ses oreilles cramoisies, son regard vague et humide, la façon dont elle se mâchonnait méthodiquement la lèvre…

-Rhooo... allez, faîtes pas cette tête, j'ai l'impression d'être le pire charognard du monde, à profiter comme ça de vos faiblesses. Vous êtes bien d’accord que vous avez complètement déconné, nan ?

Et pour couronner le tout, ces expressions de pitié émanant de son compagnon achevèrent de la miner durablement.

-Haylor? Vous êtes d'accord que vous ne m'écoutez jamais en temps normal, quand je vous dis des trucs raisonnables et que vous...
-...
-Rhooooo, je laisse tomber, j'ai pas le coeur à ça. Bon, déclara-t-il en se détournant d’elle. Voyons voir. La petite. Bréanine, c'est ça?

Elle non plus, n’était pas dans son assiette. Fini la hargne combative et l’assurance de la chasseuse : elle n’était encore qu’une adolescente, après tout. Rien qu’en entendant son nom, la petite explosa en pleurs, au grand dam de Dogaku qui se sentait pire qu’un bourreau d’enfant.

-‘Tain, mais j'ai encore rien dit et… okay, je laisse tomber, continua-t-il en se tournant vers le marine.
-J’espère que vous n’espérez pas me faire la morale, grommela ce dernier.
-Nan, j’aurais trop peur de vous faire pleurer, vous aussi.
-Tss, sourit Derring.
-Plus sérieusement, je vous laisse faire pour la petite. Oh, et pas la peine de vous fatiguer pour Ludwig, vous deux. Il s’est barré à peine l’incendie éteint. Parce qu’il a bien compris que tant qu’il serait là, ça serait pas tenable ici. A mieux y réfléchir, c’est un peu fou qu’il ait pas tenté de se tirer avant, mais comme il tenait vraiment à son truc… pfff. J’espère que ça ira très bien pour lui. Chouette gâchis, tout ça.

Derring accueillit la nouvelle sans réagir. Un échec, considéra-t-il à demi-mots. Un échec qui n’aurait vraisemblablement jamais eu lieu sans la présence de ces deux civils… mais qui, et c’était bel et bien terrible, avait pourtant été provoqué par sa jeune partenaire.

-Bon, sur ce j’file me poser, hein. Autant profiter des fauteuils de la salle commune aussi longtemps que possible, parce que j’ai aucune idée de si les formateurs vont juste vouloir nous hurler dessus ou s’ils vont simplement tous nous éjecter de la formation à grands coups de hache dans l’arrière train. Encore que z’avez probablement les moyens de truander le truc en mettant votre statut en avant, monsieur le commandant d’élite. Ou de chier allègrement sur les civils que vous pourrissez, on commence à avoir l’habitude.
-Monsieur Dogaku. Un instant.
-Uh ?
-La dernière fois… je vous ai fais savoir que si vous faisiez obstruction à ma mission, vous en paieriez le prix.
-Je m’en souviens bien, ouais.
-Vous persistez ?
-Mwarharharh. C’est l’heure des conséquences, hein ?
-J’apprécierais que vous cessiez de faire l’idiot.
-C’est un peu plus fort que moi, désolé. Mais si je devais essayer d’être sérieux… j’dirais que vous n’êtes pas en mission, mais en vacances. Ou en congé formation. Qui fait peut être partie de votre temps de travail, okay. Mais vous n’êtes pas en mission dans tous les cas. Donc ça ne relève vraisemblablement pas de l’obstruction aux institutions militaires internationales.
-…
-Et puis, de ce qu’on a tous compris parce qu’elle l’a très expressément avoué, c’est la petite qui a cherché à attaquer, et c’est ce qui a causé la fuite de notre ami. Haylor était en légitime défense contre elle et par extension, contre vous. Et les chasseurs de primes n’ont pas le droit de s’en prendre à des civils. Ca serait salaud de ma part de faire jouer ça, hein.
-…
-Ouais, ça serait vachement salaud, donc mettons que je ne le ferais pas. Chuis trop gentil et un peu con, hein, y’a pas vraiment à s’inquiéter à mon sujet, z’en faîtes pas. Pis y’a toujours la possibilité que vous puissiez dire qu’elle était avec vous et donc qu’elle avait le droit.
-…
-Bon, on va dire que je vais m’exprimer comme ça, alors. Vous avez des kilotonnes de mecs hyper dangereux en libertés et qui sont fiers d’être pirates. Vous avez une cité flottante sur la route de tous les périls qui s’est déjà transformée en plateforme financière, et z’avez visiblement un potentiel nouvel empereur qui fait mumuse à tout plein de trucs et il s’en tire comme un pacha. Vous avez quatre guss appelés empereurs pirates qui jouent dans leur bac à sable du nouveau monde et vous n’y faîtes rien… et vous avez bien raison tant qu’ils y restent dans leur coin, haha. Par contre y’a un sacré paquet de gars qui se font appeler mafieux ou pirates sur les océans et z’avez super raison de vous occuper d’eux. Vous êtes payés pour ça, vous êtes appréciés pour ça, vous êtes honorés pour ça… et ptêtre un peu tellement beaucoup que ça vous monte à la tête… et c’est très bien comme ça. Mais au final, vous avez beaucoup mieux à faire que d’emmerder des putains de civils ou des crétins idéalistes comme le Ludwig. Des trucs comme ça dans le monde, ça serait chouette qu’il en arrive plus souvent, je trouve.
-…
-Rhooo, okay, okay. Ouais, j’ai dit que j’étais prêt à en payer le prix, alors faîtes vous plaisir. Evitez juste de me caller une prime sans crier gare hein, chuis un gars raisonnable et chuis tout à fait disposé à payer une amende, faire des travaux d’intérêt généraux ou même ma petite peine de prison si… rhaaa nan mais sérieusement, vous épargnez volontairement les pires ordures du monde pour les entasser dans des prisons high tech qui coûtent une mégablinde à partir de nos impôts, et tout ça pour qu’ils s’en échappent régulièrement en s’éclatant à démolir ladite prison dans la foulée pour qu’on s’éclate à en construire d’autre encore plus cher par derrière, là désolé mais alors non, moi je dis que ça serait vraiment infect de me faire ça.
-…
-Pfff. Bon bah vous faîtes ce que vous voulez et bonne soirée, hein.

Et il parti, vérifiant simplement si sa partenaire toujours silencieuse allait accompagner le mouvement. Celle-ci lui emboîta le pas suite à l'invitation muette, avec une expression curieuse qui arracha un léger sourire à Dogaku. Elle avait toujours l'air gênée et abattue, mais le monologue du chevalier de Nowel lui avait étrangement remonté le moral. La miss lui paraissait plus sereine, et presque... satisfaite.

Quant à Derring... l'homme était insondable. Lui même ne savait pas quoi faire avec ces deux civils qui n'en faisaient qu'à leur tête.

Pas encore, du moins.
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