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Onzième Epoque: Les Hommes de bien naissent à quarante ans.

1621 – Escape from Zartacla

- Coupable !

Foi de Bibi, les foies jaunes, ça me connaît. J’en ai masse rencontré dans ma carrière d’écumeur des mers, assez pour savoir que si j’en étais un je le saurais, et que donc j’en suis pas un. Mais là, à voir ces enflures qui une par une se lèvent et débitent chacune leur part du chapelet de ma condamnation à mort, j’ai quand même un filet froid ascendant sueur âcre qui se met à me couler dans le dos. Et sur leurs dix faces lisses et chauves de pourris instruments d’une justice pure pour les pas assez justes comme moi, je lis toutes leurs bonnes pensées de bien-pensants pour mon âme noire devant les éternels. Coupable, je suis coupable. Je suis un traître.

Et les traîtres on les pend, on leur coupe la tête pour être sûrs et on en fait des omelettes pour les poissons les moins herbivores de la baie des cochons, juste à l’arrière du QG. La présidente de la cour martiale abat son marteau sur mes dernières pensées optimistes et brise mon regard en donnant la sentence. Pas le temps de me dire une dernière fois que ce monde était plein de belles plantes, mon avocat commis d’office échappe à mon courroux et laisse les quatre gorilles qui nous entouraient se rabattre sur moi, coucou. Leurs pattes lourdes me broient les épaules et le goût de l’action désespérée, je me laisse faire, et on m’emmène directos à l’ombre dont je viens.

- Salauds de riches ! Crevez tous !

Je sais pas pourquoi les riches plus que les autres, mais j’avais envie et on en veut pas à un criminel déclaré pour ses derniers mots d’homme incompris par ses pairs. Enfin ça c’est dans les livres mais dans la pratique on lui casse les genoux, à l’homme incompris, et quand leurs un, deux, trois... huit grosses pattes velues me lâchent sur la paillasse miteuse et pleine de puces de mon cachot sous l’échafaud, je lutte et grince et grogne pour me relever. Du soupirail, parce qu’il y a forcément un soupirail dans un cachot pour vermines futurement exterminées, je vois les serpents rouges qui déjà aiguisent leurs crocs et lèchent de leurs langues fourchues les bois de la machine à la corde de laquelle j’éclabousserai le monde de ma grande mort demain. Je dis le monde parce que tout le monde viendra me voir pendu… sauf les bigleux, bien entendu. Bien entendu sauf par les sourds, cela va de s... Serpents rouges ?

Un rêve, un putain de rêve ?


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Pas un putain de rêve, non, mais un bruit familier, désormais familier, hélas désormais familier, me sort de mon activité. Je repose ma plume avec un soupir. Ce n’est pas spécialement que j’aime écrire, ça ne me procure en réalité pas un plaisir plus important que quand je me suis essayé avec les Saigneurs au journal de bord sur la Santa Roja. Ou bien était-ce l’Écume des Jours déjà ? J’étais capitaine alors et je suis prisonnier désormais. Deux activités propices à consigner ses pensées, sans doute. Et, quoi qu’il en soit, poser des mots sur un parchemin plonge dans cette espèce de transe, que peut-être je recherche d’ailleurs, car elle apporte confort ou quiétude par l’insensibilité à l’extérieur. Le pas d’Ela seul, ou celui de Glinglin, ont ces temps-ci la faculté de m’en tirer. Le premier par sa cruauté, le second par son caractère primesautier.

Non, pas l’inverse.

Je reconnais derrière la porte, qui s’approchent, les coups de talons légers du dragon, amortis par des bottes qui ne peuvent qu’être celles de Glinglin des Cadenhead. Sa démarche, sanctifiée à défaut de saine ou sainte, qui ne tolère aucun obstacle, aucun contretemps à l’accomplissement de son but : s’approcher du captif, de moi qui ne suis plus que sien. Et s’activent les esclaves et s’activent les mécanismes, tous automates à ses yeux de sa volonté divine. Le temps d’arrêt derrière le panneau de pierre qui garde ma cage n’est pas dû au temps d’ouverture de la porte. Il savoure simplement son entrée future, de la même manière que je la prévois en mon esprit. Elle sera autant qu’elle est déjà triomphale, celle d’un maître en territoire conquis, celle d’un démiurge vers sa chose.

Enfin la pierre glisse. Les trois pas vers le nouveau point d’arrêt, à quelques toises de la jarre. Le claquement de doigts traditionnel. Et vite les mains serviles se meuvent sur le col de l’amphore géante où je gis, croupis, prépare ma fin. Du noir physique là-haut jaillit la lumière. Je n’ai que le temps de camoufler plumes, encrier et écrits sous ma couverture. Le treuil descend le harnais. Comme d’habitude, je refuse de le mettre moi-même. Comme d’habitude l’esclave Paul, quinzième au moins du nom, descend me demander de le mettre, puis me le met sans que je le tue. Au début il était craintif, ma réputation me précédait. Désormais il œuvre assez professionnellement, ses gestes sont très efficaces. Une ou deux fois, il s’est laissé aller à se présenter, lui, son passé perdu, son avenir certain. Les boucles du harnais sont serrées, la poulie me remonte en silence, une belle poulie qui me laisse froid. Toute cette routine est très bien huilée, tous les acteurs y compris moi-même en sont parfaitement familiers. Je descends vers le sol, mes pieds nus et noircis de crasse et de torture mêlées touchent le carrelage froid. Mes ongles sont dix lunes, orangées comme un crépuscule nuageux.

Si mes calculs et mes comptes ne sont pas trop erronés, je suis dans les geôles de Saint Glinglin depuis maintenant trois mois.


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- Bonjour, chose.

Avant j’étais Tahar Tahgel mais trois mois, fussent-ils prouvés, font des merveilles d’intimité dans une relation. J’ai encore les nerfs de ne pas m’abaisser à lui donner la satisfaction qu’amènerait une absence de réaction.

- Glinglin,
Lis sur mes lèvres la haine
Intimée par ton nom glorieux,
Née de ta seule existence.
Glinglin !
Loue tes démons créateurs,
Initiateurs de tourments très exquis, très neufs,
Néanmoins rendus, bientôt

Trois mois ne taisent pas la crainte du faible envers le fort. Noyée dans la démence, j’aperçois une lueur de méfiance dans le regard gris du saint des saints. Il flagorne, essaie de persifler sur mes talents jamais revendiqués, pour regagner le dernier mot que je lui laisse.

- Un acrostiche carré ?

Je le jauge encore mais mes jambes faiblissent déjà. Dans la jarre, je suis désormais assis la majeure partie du temps. Les repas consentis par mon hôte sont généreux mais insuffisants. Je pense que c’est lié à la façon dont ils me sont servis depuis la dernière quinzaine. C’est là que les maux ont commencé. Les genoux tremblants, les cuisses gémissantes. C’est à peine si je peux bouger quand je les vois, elle ou lui. Glinglin est malsain mais il est brillant. Mon trait d’esprit ne lui a pas échappé. Il s’en émoustille, et de son génie à l’avoir relevé.

- Bravo, chose, tu m’accueilles avec respect et j’apprécie. En récompense...

La crainte change de camp. Ma dernière récompense a été trente coups de fouet. Sur le dos d’Ela. Acérée, la mire du dragon savoure mon appréhension soudaine, dont mes tentatives pour la dissimuler ne peuvent le priver. Il sait, il se souvient. C’est ainsi qu’il me torture depuis les débuts, depuis que j’ai eu le malheur de réagir à l’une de ses piques à son encontre. Ce jour où ses mercenaires nous ont conduits dans sa salle du trône, elle était encore Ela Quelquechose, chasseuse de primes qui n’avait que cherché à le priver, au profit du Gouvernement Mondial ses subalternes, de sa proie à lui et à lui seul, depuis trois ans. Tahar Tahgel le vil, le sanguin, l’homme à avoir osé lui voler deux fruits du démon destinés à ses petites expériences personnelles sur les membres de sa milice.

Ah, combien de fois je vous aurais revendus depuis, Alexander "Doc" Bishop et Jack Sans Honneur, vous qui avez gobé ces bananes, depuis cette entrevue... Très volontiers revendus, et à Glinglin en personne s’il avait fallu, pour m’être de compagnons de chambrée avec plaisir, si ç’avait pu faire revoir à ce gosse de quarante ans, avec le sort du monde pour hochet, sa considération pour sa captive. Si je suis devenu "chose" en trois mois, Ela est devenue "chose qui fait crier la chose".

Le fou qui marche devant moi, dos offert à ma faiblesse qui ne peut le détruire comme ultime insulte, ultime défi, s’est bien vite rendu compte de mon attachement pour celle qui pourtant me convoyait à ma mort pour désertion, trahison, meurtre et pirateries diverses. Il a bien vite réalisé l’anomalie et toute l’étendue des possibilités pour lui qui en découlaient. Les tortures physiques qu’on m’imposait jusqu’à notre comparution devant lui, pour attendrir la viande sans doute, ont bien vite cédé le pas à une autre forme de sévices. Et quand, après des couloirs molletonnés déjà fréquentés, après d’autres au sol de roche déjà arpentés aussi, notre petit convoi dépasse le niveau des chambres des supplices déjà pénétrées pour entrer dans un sous-sol encore plus profond, vierge de mon sang comme de mes cris, je me cambre.

Et quand le maître a claqué ses gants de cuir pour que ses laquais lèvent le rideau masquant le spectacle à venir, je rugis sur le trône de fer auquel ils m’ont rivé. La prescience du monde n’est que salmigondis fantasmatoire quand le vain espoir que les choses vont survivre l’obscurcit.

Je rugis, mais le monde demeure tel qu’il a toujours été. La somme des péchés de ceux qui peuvent sur ceux qui subissent.


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La salle est creusée à même la roche de Red Line et, au milieu de ces pierres laissées brutes, aux arêtes encore tranchantes, sur la scène, il y a Ela intégralement nue à l’exception de ce collier explosif qui m’empêche de fuir à peine de la tuer, comme elle l’est en ma présence depuis deux huitaines sur la nouvelle lubie du Maître. Attiser mais jamais donner. Désirer mais ne jamais avoir avant ta mort, chose. La dernière femme que tu voudras, et tu as beau te défendre, crois-moi tu la voudras, t’échappera. Elle est assise est repliée sur une sorte de pupitre, de façon que ne nous soit visible que son dos déjà marqué des sévices passés. Elle est silencieuse. Tendue mais muette.

Bien que je sache que c’est impossible, pour avoir déjà essayé et essayé et essayé toujours, je tâche de m’extirper du fauteuil du parfait spectateur où je suis logé, ma tête impossible à détourner, mes yeux impossibles à fermer à la mode de ClockWork Island. Je suis contraint à regarder, à mémoriser chaque courbe pour les avoir vues cent fois déjà, à conserver, encore et encore, l’image du bourreau qui s’approche, passe sa main sale et grasse et rêche sur la peau dont je ressens en plus chaque pore frémir en réaction. Pudeur, température, simple sens du toucher, peur. La peur sans nom, perverse, sans objet, celle de la douleur inconnue qui va venir.

Je ne fais pas que voir, je vis avec elle, et je m’en maudis, et c’est ce qui me fait hurler si fort à chaque fois malgré moi, et c’est ce qui plaît tant à Glinglin toujours à mes côtés. Il exulte, il attend que je craque encore, que j’assomme de mon aura toute tournée vers le meurtre de ce cafard qui gravite autour là-bas de cette femme, réduite comme moi, pire que moi, à rien, au néant de toute résistance pour le plaisir d’un seul grand malade. Oh, pas besoin de fauteuil spécial, pour Saint Glinglin des Cadenhead, non... Il est tout ouïe, il est tout vue, il ne perdra pas une miette.

Et comme à chaque fois je veux mourir d’abord plutôt que de choisir entre deux options toutes aussi cruelles. Entre essayer de ne rien faire et laisser une main neutre accomplir le méfait, ou céder à la haine, assommer le neutre, et permettre au monstre parmi les monstres de monter lui-même près du chevalet, où il pourra laisser libre-court à ses tares les plus infâmes. Et je brûle, et de la voir elle brûler de honte et de fierté impotente et bafouée, et de le voir lui trépigner à m’observer, et de brûler à ressentir dans mes chairs et dans mes esprits leurs émois tous deux insupportables. Et les douze enfers s’ouvrent sous nous quand le bras armé, d’un fer porté au rouge cette fois et non d’un fouet, là-bas se lève puis redescend vers la peau claire, si claire, luisante déjà du chaud qui va la cuire. Je bous, la pupille de Glinglin est dilatée à ma gauche, sa narine frémit, sa langue bave sur son col mais il n’a d’yeux que pour moi, pour elle, pour

- ELA !

Les chaînes qui me maintiennent ne cèdent pas plus que les menottes de granit, qui me contraignent en permanence même dans la jarre. Les maillons gémissent mais ne rompent pas, résonnent dans mon cerveau comme autant de cloches funestes annonçant la suite. Sur l’autel l’anonyme s’est effondré et de sous sa cagoule perlent les glaires de ses nerfs grillés par ma rage exacerbée. Il est mort autant qu’Ela et Glinglin pantèlent.

- Chic, chic !

Je l’ai vue qui baissait la nuque un peu plus après le soulagement très, trop momentané. J’en suis certain. Et en plein contraste avec ce fatalisme jaillit l’éclat de joie, si clair que la bulle de verre ne l’étouffe même pas, alors que mes muscles, après s’être contractés au sang contre les entraves, retombent sans force. Encore un peu tremblant mais déjà tourné droit vers son but, le Diable a quitté le fauteuil de cuir où il était assis pour pleinement préparer cette suite, prévisible, prévue et fatidique. Il grimpe sur l’estrade avec la souplesse d’un chat, replonge le fer avec trop d’habitude dans la lave de la forge, sur un côté de la cave, et se retourne vers moi, l’œil mouillé des larmes du plaisir bientôt extatique.

- Merci chose, de m’offrir ce délice !

Et au tour désormais de son gant reconnaissant de lécher les peaux offertes d’Ela, tandis qu’il se penche à son oreille pour lui murmurer quelques mots que, contrairement à l’accoutumée, je perçois.

- Et toi, n’oublie pas ta promesse.

Quelques instants encore, infernaux à m’en faire défaillir presque, et la patte du dragon s’abat sur les chairs de celle qui souffre pour moi. La fumée s’élève, et ses beuglements mêlés des miens et des rires du tortionnaire.

- NOOON !!!


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1604 – A few good Men

- Coupable !

Un rêve, que ce soit un rêve... Les têtes sévères une par une se lèvent et débitent chacune leur part du chapelet de la condamnation à mort. Un filet froid ascendant sueur âcre se met à couler dans le dos de celui qui n’est plus qu’un pauvre hère sans défense dans la cour des hyènes. Et sur les dix faces lisses et chauves des pourris instruments d’une justice pure, il peut lire toutes leurs bonnes pensées de bien-pensants pour son âme noire devant les éternels.

Coupable, il est coupable. Traître à son rang et traître à l’honneur.

Et les traîtres on les pend, on leur coupe la tête pour être sûrs et on en fait des omelettes pour les poissons les moins herbivores de la baie des cochons, juste à l’arrière du QG. La présidente de la cour martiale abat son marteau sur les dernières pensées optimistes et rend la sentence. L’avocat commis d’office échappe par prudence au courroux de son client et laisse les quatre gorilles qui les entouraient se rabattre sur lui, coucou. Leurs pattes lourdes broient les épaules et le goût de l’action désespérée, il n’est pas de fuite possible et il ne reste qu’à se laisser faire.

- Salauds de riches ! Crevez tous !

On n’en veut pas à un criminel déclaré pour ses derniers mots d’homme incompris par ses pairs, et ceux-ci ne cillent même pas quand on l’emmène. Quand les bras puissants le lâchent sur la paillasse miteuse et pleine de puces du cachot sous l’échafaud, se relever a son prix en sang, en eaux et en douleurs. Enfin redressé près du soupirail, parce qu’il y a forcément un soupirail dans un cachot pour vermines futurement exterminées, c’est sans un mot qu’il observe les serpents rouges qui déjà aiguisent leurs crocs et lèchent de leurs langues fourchues les bois de la machine à la corde de laquelle il éclaboussera le monde de sa grande mort le lendemain. Un petit air chantonné lui vient du fond des prisons que dans un passé récent il alimentait, lui, en vermines, quand soudain une impression fugace que quelque chose cloche l’étreint.

Serpents rouges ?


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Dans le noir de ma jarre, le craquement de la plume sur le parchemin est une douce comptine, que j’aimerais pouvoir écouter jusque la fin, la fin de tout la fin de moi la fin de nous et de lui et du monde... J’ai dépassé le stade où mon poignet geignait, presque désossé, et il n’y a plus que la glissade de l’encre sur le support, et ça résonne dans le volume clos et dans le noir, dans le tout noir hermétique où je vois tel un félin pourtant, où je lis les lignes que je verse peu à peu et qui raconteront au monde ma fin et mon début, mes débuts, à Zartacla il y a cinq ans, d’abord, pour moi et à Esperanza ensuite il y a vingt ans pour ce benêt de soldat, ma geste très héroïque, zéroïque. J’ignore par où ils font rentrer l’air, tiens, il faudrait que je demande à Paul numéro quinze s’il sait, une fois. Mais si je me suis interrompu dans l’écrit, c’est que...


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Elle pense encore à gratter avant de monter l’escabeau, comme si j’avais besoin qu’elle s’annonce. La cire qu’ils rescellent chaque soir au niveau du goulot se tord, éclate en fines échardes longues comme des bâtons, qui tombent à mes pieds avec les premiers rais du jour. Je cligne des yeux tandis qu’ils dégagent encore l’ouverture mais, quand j’entends le treuil manœuvrer, je détourne la tête vers le côté. Abrité sous ma couverture, dans le renfoncement de la circonférence de cette cellule hors-sol faite de granit marin toute entière, je la laisse descendre sans la regarder. Je ne peux pas affronter ça. Comme un clochard qui se voile la vie sous son porche, je me masque la mort à petit feu d’Ela. Ses orteils gauches touchent en premier. L’index et le pouce en même temps, l’un puis l’autre puis le petit dernier où il n’y a pas d’ongle.

Maudite empathie.

Elle s’affaire, je l’entends qui dépose son plateau-repas, qui dresse ma table de misère, j’entends ses yeux se faire à l’obscurité, le bruit de ses cils peut-être un peu embrumés quand elle plisse les paupières puis quand sa pupille se dilate, s’ajuste au noir, me cherche, me trouve, moi forme informe qui se cache d’elle. J’entends son soupir qu’elle retient, sa respiration qui s’accélère si légèrement quand elle aperçoit le coin de feuille qu’elle a apporté la fois précédente, avant la dernière torture. Quand elle prend la décision de regarder, quand sa peau se plisse aux hanches et au coude et sous l’épaule quand elle se baisse pour le saisir de ses doigts fins et pâles dans la nuit, comme squelettes. Le dessous de son talon corné à force de marcher pieds nus qui glisse sans qu’elle sache pour garantir l’équilibre global en station penchée.

Ma présence l’enveloppe encore malgré moi, son monde devient mon monde. Maudite empathie. Je suis le vide entre nous deux, j’accompagne son bras qui tient le papier, le remonte, ses doigts suivant les lignes, son épaule gardée tendue pour assurer la force nécessaire au serrage, léger mais continu, contenu comme elle toute. Je suis dans sa nuque, entre ses mèches éparses, dans ses cheveux toujours propres mais raccourcis, entre ses omoplates, je descends. L’encre séchée se révèle sous mon regard, la peau meurtrie, brûlée à cœur. Tatouage d’ignominie. Infamie paroxystique. J’ai un haut-le-cœur et je sais qu’elle sait que je le sens.

- Le parallèle entre les deux débuts de chapitre est intéressant... Pourquoi écrire celui-ci à la troisième personne ?

Elle maintient sa voix, murmure pour que les autres du dehors n’entendent pas, mais moi j’entends. Chaque brisure, chaque fausse note, la douleur encore fraîche entre chaque mot, lancinante. La cambrure exagérée de ses reins tremblants, qui ne devraient pas être debout. Je me force

- Cet homme que j’étais jusqu’à ce que tu me rencontres, il n’est pas moi.

à rester tourné, à ne pas bouger. La toucher serait céder à Glinglin, même un peu.

- Il est plus vous que celui que vous écrivez en je. Le pirate.
- Assieds-toi, Ela. Couvre-toi. Tiens, prends ma couver
- Non ! Paul ! Remonte-moi.

Avec un temps de retard, quand je sais que ce sera vain, le bout de mes doigts tuméfiés effleure l’endroit dans l’air vide où ses orteils étaient l’instant auparavant. Je vole l’image de ses mollets juste avant que le couvercle ne retombe.

Sous mon assiette il y a quelques nouveaux feuillets vierges.

Pas d’encre, je ferai avec mon sang.


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- Chose !

Panique de la surprise, mon cœur s’affole. Je savoure en même temps que je subis cette sensation d’imprévu, trop rare depuis Thriller Bark et les enseignements de Shri Parama. Paul est près de moi, je n’ai pas pu cacher mes mots cette fois, je me suis endormi dessus, mais lui ça ne le concerne pas, il ne dit rien, peut-être même n’a-t-il pas remarqué. Glinglin s’impatiente à l’extérieur. Paul me passe le harnais. Treuil, montée, poulie, descente. Le Maître est là. Attend.

J’ai rêvé de Maman. Mina, Terminus. Mundan. Rêve-mémoire. Mon moral n’est pas au beau fixe pour se laisser aller à ces, à ses extrémités. Eh. Rictus vide. Je suis revenu à Impel Down. Je garde mon silence face au ver dans sa parure de cuir et sa bulle de verre. Je n’ai même pas le cœur à le haïr. Je tangue déjà, il le note, un petit haussement de sourcil déçu en plus de sa grimace satisfaite.

- Tu faiblis, chose. C’est bien. Viens avec nous.

Nous ? Les articulations en feu, je sonde la salle. Glinglin penche la tête. Derrière lui, Ela. La composition de marbre indifférent, l’œil tourmenté par l’ultime agonie.

Ça y est, ma haine revient.

Ses mains et mon respect seuls la couvrent dans les couloirs. Les esclaves habitués ne regardent pas non plus, mais certaines œillades ne lui, ne me, n’échappent pas à Glinglin non plus.

L’air fait la conversation pendant que nous traversons la propriété. Depuis la rencontre avec Glinglin en personne, c’est la première fois que je retourne à l’extérieur. Nous passons les jardins avant que la lumière du Soleil me rende complètement aveugle. Il n’y a pas un chat à part la garde habituelle. Notre hôte explique.

- Je dois te garder une surprise, chose. Personne que ces muets qui ne savent pas même écrire leur nom s’ils en ont un, ta garde et Paul, ne savent que tu existes encore. Quant à celui que tu vas rencontrer, sa discrétion est assurée. J’en sais bien trop sur ce qu’il veut garder secret lui aussi...

Je ne réponds rien, les mastards me portent presque, un bras sous chacune de mes aisselles.

Cour intérieure, salon, cour, terrasse. Vue sur la ville. Je suis à quelques pas de la balustrade. Un bruit sur le gravier, une présence approche. Veste blanche sous le Soleil. Un amiral ? L’astre brûlant donne de nouveau en plein, me le masque. Je m’appuie contre le roc du balcon, m’y adosse et glisse. Je n’aurais même pas la force de me jeter dans le vide si j’avais assez de résolution pour ça. L’ombre caresse la joue d’Ela en s’annonçant à Glinglin qui me fixe encore.

- Seigneur...
- Ah, Sengoku ! Enfin.

Pas un amiral. Je n’ai pas reconnu le timbre de Shiro ni celui de Kindachi, mais ça n’aurait non plus pu être celui de Kenora Makuen ou celui du big boss.

- Bonjour mon chou, on m’a parlé de toi.

Le ton est différent avec moi, plus doucereux. Les pas s’approchent. Une face se baisse et un nez pointu touche le mien, me renifle. Okama. Le Docteur Vegapunk me scrute attentivement. Il m’évente avant que je m’évanouisse.

- Dans combien de temps est la fameuse soirée, Seigneur ?
- Plusieurs huitaines peut-être.
- Il lui faudra de l’air plus régulièrement si vous voulez qu’il survive jusqu’à la... surprise.

Je ne le vois pas, je ne vois qu’un voile rouge et j’étouffe, mais je sens Glinglin se raidir comme un enfant pris en faute. Il doit hésiter à faire exécuter le Docteur sur le champ, se ravise, ne dit pas qu’il obéira.

- Et pour le reste ?
- Il faut lui retirer un de ses fers.
- Un seul ?
- Un seul suffit, mais c’est bien sûr plus simple à déterminer si on les lui retire tous. C’est à vous d’apprécier les risques, Seigneur...

Glinglin agite le menton derrière le brouillard, des bras velus s’activent sur mes entraves. Il y a un clic, mais je suis trop faible pour esquisser quelque geste. Je sens des mains plus douces me tâter pendant ce temps. Palper mes côtes, mes cuisses, mes...

Un appareil large comme un ballon est posé sur mes jambes, un tuyau un peu souple glissé sur mon poignet libre. Ça serre. Ela regarde par-dessus l’épaule du Dragon je crois. Elle est sur les pointes, les graviers meurtrissent ses coussinets, ils rougissent, blanchissent, dérapent. Elle maintient la position vacillante. Les couleurs défilent. Glinglin est blanc, Vegapunk est blanc. Ela est rouge sous le Soleil, rouge. Rouge...

- Ça va piquer un peu, chou. Si ça marche.

Je ne comprends pas encore, trop atteint par le simple fait d’être dehors.

- Et si ça ne marche pas ?

SMAC !

- On ne pose pas de questions dont je ne connais pas la réponse !
- Ahem...

Glinglin ne partage pas ses jouets. Vegapunk transpire un peu, comme un serpent.

- Pardon, Seigneur.

L’appareil contre moi tressaute, il y a des claquements, des bruits de roulement, un peu de fumée même je crois dans la brume. Mes doigts tirent assez vite, mes pupilles se dilatent, m’aveuglent, les couleurs sombrent encore. Un vide aspire ma peau, le reste de ma chair, mes os.

- Arrêtez ça...

Mon épaule tire à son tour, et jusque mon omoplate. Au début ça tire simplement, puis l’appareil tousse, couine, semble peser plus lourd sur mes cuisses. Quelque chose mugit.

- Arrêtez...

Et la douleur jaillit, soudaine, brutale, infinie.

- ÇAAAA !


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 29 Juin 2015 - 10:37, édité 1 fois
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- Il est cassé ?
- Chou ? Chou, tu m’entends ?
- Est-ce qu’il est cassé ?
- Chou ?

Tahar ?


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Ela ?


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- Ah, il ouvre les yeux. Je vous avais prévenu qu’il y avait des risques, Seigneur.
- G...
- Et je t’avais prévenu que ça allait piquer, chou. Ne regarde pas ton bras.
- Mon... br...
- Pourquoi faut-il toujours qu’ils regardent...


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- Qu’est-ce que ça veut dire, Sengoku ?
- Eh bien, en toute probabilité, que...
- Que fais-tu ? Sengoku ! Laisse-lui ses fers !
- Non, ne tirez pas !
- Qu’est-ce que c’est que c... une arme ? Seng
- Ne tirez pas !
- AHHH !
- Ah, il était conscient... Désolé chou, mais ce n’est pas bien de mentir, tu sais.

Tahar ?!


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La douleur me réveille encore. Depuis l’épisode du balcon je n’ai eu que des flashs. Mon bras. Je n’ai plus de fers, mais mon crâne... Ah, un casque...

- Vous ne pouvez pas l’enlever. Seul Vegapunk a l’outil qu’il faut. C’est pour votre Aura.
- Ela ?

Je ne suis plus en sous-sol mais dans une chambre. Elle n’a toujours aucun vêtement comme un regard aussi malavisé qu’hâtif me l’apprend. Je me détourne. Il fait grand jour, j’ai tout vu. Les cicatrices sur sa beauté, son tressaillement sous mon regard, mais elle reste stoïque, assise sur sa chaise de simple bois à mon chevet. Dans mon mouvement de tête, peut-être à cause de mon heaume de modestie, j’ai senti mon épaule me lancer curieusement. Je me redresse et baisse les yeux vers mon bras droit. Il n’y a que des bandages.

Avec l’autre main je veux les enlever mais Ela s’interpose. Elle retient de ses deux mains affaiblies mon poignet gauche pas plus fort. J’y note un bracelet, nouveau.

- Explosif ?
- Peut-être en prime... il dissipe votre énergie en permanence.
- Et comme le casque je ne peux pas l’enlever ?

Elle hoche la tête, je retourne à mes bandages avant qu’elle réagisse.

- N !

D’abord l’odeur.

- Ça fait combien de temps ?
- Une huitaine. Le Docteur Vegapunk dit qu’il peut le sauver, qu’il a besoin de temps, mais...

Ensuite la couleur.

- Mais ?
- Glinglin veut maintenir la date de sa soirée.

Mon bras est mort.


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- Qu’est-ce qui s’est passé ?

Silence.

- Ela ?
- Pardon ?
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu ne veux pas te couvrir ?

Elle a un geste vague du bras, que je vois en diagonale quitter sa poitrine. Petit haussement d’épaule. Je suis moins précis dans ce que je vois, sens. En tâchant de ne pas la regarder, pas évident bien sûr, j’examine la pièce. Rien. Des meubles, quelques-uns, mais ouverts et vides, scellés aux murs ou au sol, une fenêtre, mon lit, la chaise, Ela, moi. Seuls mobiliers.

- Prends ma couverture, tiens...

Elle accepte mais le grain de sa peau marquée se tend et son visage rougit brusquement quand le tissu quitte ma seule main valide. Désormais moi non plus je n’ai pas droit de pudeur, semble-t-il décidé. Je suis moins qu’une chose, ça y est. Tout ça en contrepartie d‘une chambre avec vue sur la ville. Nous restons quelques instants ainsi, un bras tendu chacun en l’air, la couverture entre nous qui pèse, jusqu’à ce que le mien n’ait plus de nerf et retombe. J’essaie de camoufler ma faiblesse sous un hoquet de rire douloureux.

- Jolie vue n’est-ce pas ?

Elle acquiesce, détruite un peu plus peut-être par ma déchéance et pourtant complice, ô combien complice... de mes infortunes. Marie-Joie s’étale sous nos yeux, insouciante, active, vivante, totalement inconsciente des horreurs réalisées par les sommets sous lesquels elle vaque. Les Cinq Étoiles, l’Amirauté, les Vingt familles. Un monde dominé par des monstres. Et nous deux chez eux là-haut.

- J’y suis plus habituée que vous.
- Prends-la.

Elle allait pour étendre sans plus dire un mot la couverture sur moi, mais mon ton péremptoire et un geste vif de mon bras gauche l’en fait démordre. J’ai achevé de défaire mes bandes et mon bras inerte repose là. Pas noir en vérité, mais brun. Pas mort en réalité, mais endormi. Pas gangréné mais sale et bien tyrannisé malgré tout. Ela explique en se détournant sur sa chaise qu’elle n’a pas eu autorisation de me voir avant aujourd’hui. Glinglin devrait venir plus tard d’ailleurs.

De ce qu’elle a compris pour l’instant des interventions de Vegapunk, car je ne l’ai pas rêvé, c’était bien lui, il préparait sur ordre du Saint une machine pour un "spectacle" dont j’étais la pièce maîtresse, et donc le public sera composé d’autres familles. Et ce qui est arrivé sur la terrasse devait être un test pour savoir si j’étais prêt. Ma nourriture, comme je m’en doutais, avait été altérée pour induire cet état de faiblesse chronique où j’étais et suis encore, pour faciliter ce test.

- Et maintenant ils savent que je ne suis plus le Sang.
- Que... ?

Après un instant de silence Ela se retourne, juste assez pour ne pas voir autre chose que mon visage braqué sur elle, et me fixe sans oser comprendre. J’explique avec un maigre rictus.

- Tu avais raison. Je suis moins proche du moi pirate que du Colonel Tahgel. Je ne suis plus un dé

Je crois que c’est pour la forme qu’elle m’a giflé. Pour lui avoir menti tout ce temps, ou ne pas l’avoir détrompée plus tôt, plutôt. Son bras a tellement peu d’énergie, même dans ma condition je n’ai pas senti grand-chose. Ou alors elle ne m’en veut pas vraiment. Vraiment pas. Sans doute tout à la fois. Elle réajuste le tricot à carreaux.

- Ça n’aurait rien changé ?

J’opine. Ça n’aurait rien changé. Ils l’auraient saisie lors d’une de ses sorties pour reprendre contact avec Shiro, et avec elle en otage je me serais rendu de toute façon, avec ou sans menottes. Seul le fait d’avoir ou non mes pouvoirs a joué. Si je les avais eus, les hommes de Glinglin seraient morts, et lui avec.

- Le voilà.
- Reprenez la couverture...
- Garde-la.
- Non reprenez-la, vous.
- Hm. Rassieds-toi alors, c’est que tu es belle vêtue par la colère.


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- Titutitutu
Allons, marins de toutes les mers...
Hardi !
Allons, marins de toutes les mers...
Ramez !

Massez-vous, marins !
En la plus belle place du port,
Unissez-vous, devant la scène éternelle,
Régalez-vous, et vos capitaines, car
Tahar Tahgel meurt à la fin.

Allons, marins de toutes les mers...

La fin est proche.
Allons, marins de toutes les mers...

Festoyez enfin des plus belles chères,
Ici mourra Tahar,
Nu comme un ver, seul face aux sept mers...


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C’est un Glinglin tout guilleret qui pénètre sur son dernier vers raté dans la pièce.

- Tahar Tahgel, mon bon ami, tu es remis, quelle joie !
- Glinglin ?
- Saint Glinglin, Tahar, Saint Glinglin, Saint ou Seigneur, comme toi autrefois je crois. Mais parce que je suis si heureux de te voir sur pied, je te pardonne. Ne suis-je pas bon ? Qu’y a-t-il ?
- Allez vous faire foutre. Mais poliment, hein. Allez-y.
- Ah ! Oui ! La rébellion, à nouveau ! La rage du vieux lion ! Magnifique ! C’est comme ça que je te veux le huit prochain au soir ! Parfaitement comme ça ! Et je serai parfait si tu l’es ! (Si tu ne l’es pas non plus, bien sûr.)

Rien ne semble pouvoir l’arrêter, alors que j’ai mis toute ma rage dans ma saillie. C’est peu. Soudain, la femme nue qu’est Ela, esclave de ses désirs, atteint son regard. Elle s’est retirée dans un coin de la pièce, silencieuse comme le veut la coutume. Elle a pâli quand j’ai alpagué le saint homme, et il l’a senti aussi. Peut-être que sa race, sa caste dégénérée, a ce genre de pouvoirs. Ça expliquerait que malgré sa stature de feuille morte il résiste aussi bien à mon Aura. Et un peu de légitimité ne fait pas de mal, pour un dragon...

Il la regarde, comme si elle était une tenture. Il me regarde. Il aperçoit la bande retirée de mon bras, note que la couverture a été remise à la hâte, déduit, feint la réflexion longue et intense de ses doigts contre ses tempes, et encore une fois éclate avec bonne humeur.

- J’interromps, peut-être ? Mille excuses, je ne veux pas casser la parade nuptiale d’une espèce en voie de disparition...

Dégénéré. Cette fois je tiens ma langue, il a changé d’humeur.

- Enfin peut-être pas tant en voie de disparition. On m’a rapporté qu’une Tahgel se prendrait pour un dragon sur des îles célestes. Je n’aime pas trop ça.

Petit silence d’orateur, ses mots doivent percer mon crâne dur.

Il parle d’Izya.

- Qu’en penses-tu, très cher invité ? Devrais-je la convier en mon humble domaine ? Le père et la fille, réunis pour toujours et à jamais ? Ce serait follement amusant, je vais y songer ! Oh oui ! Le clou du spectacle ! Hahaha !
- GLINGLIN !

Il est déjà près de la porte, je tombe à terre et non sur lui. Mon bras ne sent rien mais la douleur en mon épaule et dans mes genoux est démultipliée.

- Glinglin...

Il a déjà disparu dans le couloir, son rire sonore et dément est déjà loin. J’essaie de me calmer en repoussant Ela qui veut m’aider à me relever. Je dois marcher tout seul. Je dois retrouver mes forces. Je dois quitter cet endroit et éloigner Izya.

- Surprise ! J’étais derrière la porte. Et comme je pensais, tu pourras noter que tu es bien vite oubliée quand la fille est en jeu. Si tu veux reconsidérer ta promesse, c’est possible. Je suis généreux, profites-en. Toi libre, humaine encore, tout de suite ? Le veux-tu ?

Tout ça depuis l’entrebâillement de la porte, m’ignorant et en direction d’Ela, qui serre les dents. Ma concentration revient à ce qui m’entoure, au collier autour de son cou, au tatouage maudit dans son dos, à ce qu’elle endure pour quoi, pour qui, pour moi.

- Alors ? Je ne suis généreux que jusqu’au prochain quatrième top. Top top top t
- Allez... mourir...
- Après vous deux ! Hahaha !"Le clou du spectacle" ! Hahaha ! Je suis excellent !

Clap de fin, la porte se referme et cette fois il s’éloigne même dans mon hyperception.

- Que viens-tu de refuser, Ela ?


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- Si je ne fais pas tout ce qu’il veut, vous mourez immédiatement.
- Ela...
- Je vais vous chercher encre et feuilles. Vous y avez officiellement droit désormais.

Ela.


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Odieux Tahar,
Un message t’arrive...

Paie ta dette,
Assassin.
Saigne !


Rouge. Pour autant que je me souvienne, ma couleur préférée a toujours été le rouge. Le rouge du soleil couchant à Troop, F et moi regardions depuis les falaises derrière la ferme, près de la baie des Porcs. Le rouge du sang, Mundan battait Maman, nous battait nous, battait le vent et se battait lui-même. Le sang sur la terre battue du rez-de-chaussée, le sang sur les poutres à l’étage. Le rouge du feu dans l’âtre quand tout était terminé le soir et que rien du lendemain n’était encore commencé. Le rouge des femmes. Viper, Lilou, Izya. Red. Le sang revenu, jamais parti sous l’un ou l’autre uniforme, héros autant que monstre, monstre héroïque, héros monstrueux. Encre rouge, quand Glinglin s’ennuie de mes écrits, du récit de ma vie qu’il m’impose de poursuivre, quand j’essaie d’écrire sans qu’il sache, comme aujourd’hui.

An de grâce 1626, ceci est le premier et unique testament de Tahar Tahgel, né sur Troop Erdu en l’an 1585. Sain de corps et d’esprit, autant qu’il est possible en la garde de Saint Glinglin des Cadenhead, et ma fin se rapprochant, je pose en guise de dernières volontés :

Article Un : Izya fille de Séléna, reine de Stymphale, est ma fille unique. À toi, fillette, ce petit pied-à-terre cosy, très authentique, pittoresque, sur l’île de Troop Erdu, quand Maman et Mundan s’en dessaisiront par force d’âge.

Article Deux : Mina, ma sœur, et tes affidés les hommes libres, recevez en compensation le petit magot dissimulé par mes soins dans les égouts de Goa en 1622. Il faut suivre les cadavres de petits mafieux pour le retrouver, et un peu de jugeote, mais tu y arriveras.

Article Trois : Ela Inboshassee, lieutenant-colonel de la marine indûment sanctionnée pour mes mauvaises actions, et qui me suivra bien assez tôt, doit être enterrée avec honneur et cérémonie.

Article Quatre : Le meurtre du colonel Taquin un soir de 1620 et quelques, ça doit être moi. Règlement de vieux comptes, il l’avait cherché. Il faudra libérer le pelé qui a pris à ma place.

Article Cinq : La baronne von de...

...

Article Dix-Huit : Le moulin en feu en 1594, l’année de la mousson, c’était moi. Salut Mundan.

...

Article Dernier : Monde de merde, crevez tous, et on verra qui rira bien.


Signé : Tahar Tahgel


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 29 Juin 2015 - 10:46, édité 1 fois
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Nous somme le trois.

Je n’ai pas revu Ela souvent depuis la fois où. Vegapunk est repassé quelques fois, pour remplacer mon bandage ou s’occuper de mon bras ou bricoler des machins avec un autre appareil plus classique de saignée. Il a rajusté ma coagulation, fait des tests, palpé des zones sans rapport, proximité du mieux qu’il a pu, avec généralement assez de prudence pour que je tolère, dans un limbe presque indifférent. Ne plus sentir un membre rend l’esprit gourd, comme s’il se tournait tout vers la motion de ce tas de chairs que l’œil perçoit, qui est toujours là, qui peut marcher, qui pourrait marcher. Je n’ai pas tellement envie de finir manchot. Pourtant je le suis, et je vais finir. Et rien ne présage d’une amélioration dans les cinq jours prochains.

Je ne sais pas si elle n’est pas beaucoup revenue sur ordre de Glinglin ou si elle se réfugie dans le strict minimum auquel elle est contrainte par ces mêmes ordres, elle aussi devenue gourde à tout l’extérieur, moi compris, après toutes ces douleurs. Trois huitaines de sévices extrêmes, bien plus que les dix premières, paraissent un délai raisonnable pour craquer enfin. Je soupçonne Glinglin, tout de même. Il a dû voir, ce soulagement à la voir entrer dans ma jarre, dans ma chambre désormais. Elle est le seul visage non-indifférent à ma mort, à sa mort à venir, à l’inverse de tous les ectoplasmes serviles qui courent les couloirs et les pièces de la propriété Cadenhead.

C’était sans doute son plan depuis le tout début, d’ailleurs. Me la rendre peu à peu indispensable, puis me la forcer désirable en l’humiliant, en la soumettant à mes six sens à vif dans toute sa splendeur bafouée, puis tirer sur ce nouveau nerf que je me suis créé, développé petit à petit, à force de patience et de besoin et de solitude, entre elle et moi. Un nerf qu’il a déjà foudroyé toutes les fois, chaque fois un peu plus, où il l’a torturée devant moi. Et un nerf que maintenant il chatouille avant son grand final où je mourrai deux fois probablement.

Le grand final...

Je n’ai pas revu Glinglin du tout, pour sa part, depuis. Mais Vegapunk a semblé ravi d’annoncer et développer sa participation à mes supplices, bien qu’un peu déçu de devoir à terme perdre un potentiel d’étude comme moi, alors que lui m’aurait gardé un tout petit vivant jusqu’au plus loin physiquement, biologiquement, pas du tout élégamment, possible.

Mais Glinglin, non. Oh non.

Glinglin voulait m’exsanguiner. Exsanguiner le logia du sang, avec la participation des sciences de Vegapunk, donc, d’où le fameux test qui m’a coûté la moitié de mon ambidextrie. Ela avait bien entendu. Voulait et puis veut encore. Après tout, quel besoin de révéler que je ne suis plus démon ? Je le suis toujours un peu, légalement, de toute façon, avec mon demi-milliard de prime. C’est assez pour terroriser une foule de spectateurs satisfaite de mon sort funeste.

Une foule, la foule convoquée par Glinglin, s’entend. Une partie fine orgiaque entre pervers suprêmes de ce monde, avec pour clou du spectacle un vieux loup de sang crucifié et vidé comme un goret, goutte à goutte jusque la dernière.

La Passion de Tahar. C’est le titre sur l’affiche, m’a confié le Docteur.

- Sengoku ?
- Oui, chou ?
- C’est mon bras que tu es venu ausculter.


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