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Chienne de vie || PV Ciara


- « Hoy Monsieur, vous devriez arrêter de boi… »

- « Ooooh TA GUEULE ! Tu veux m’énerver p’être ? HEIIIIN ?!!!! »


Le barman se mit à trembler légèrement. Mon manteau de la marine et les quelques médailles accrochées dessus ne laissaient place à aucun doute. J’étais un brillant officier de la marine. Un mec à ne pas emmerder somme toute. Pis, le regard très flippant que je lui avais décoché n’était pas pour le réconforter. Encore une intervention et il était bon pour se faire défoncer la tronche en bonne et due forme. Il était néanmoins inquiet de voir un gars de mon calibre partir autant en vrille. Deux bonnes heures maintenant que j’enfilais bouteille sur bouteille. Je devais être à la cinquantième. Quelque chose comme ça. Et j’étais presque ivre. Presque. Devant sa mine apeurée, j’eus un soupir puis je sortis une importante liasse de billets que je lui balançai à la figure. De quoi couvrir largement ma consommation. Largement je vous dis. Devant tant d’oseille, le tenancier du bar se hâta de récupérer les billets qui volaient un peu partout, oubliant complètement l’état presque lamentable dans lequel j’étais. Dans ma décadence, j’eus un fou rire. Du genre moqueur. Tous pareils ces barmans. Pas un pour rattraper l’autre. Le gars faisait mine de s’inquiéter pour ma poire, mais au final, c’était son blé qui comptait le plus. Halala…

- « S’il ne s’agissait que de ça, tu pouvais me réclamer ton argent, hein… »

Le gars s’immobilisa, l’air ennuyé, presque paniqué, puis recommença à ramasser son argent éparpillé un peu partout sans piper le moindre mot. Un deuxième rire tonitruant éclata dans le coin miteux et attira l’attention des autres clients qui se trouvaient là. Certains clients  s’amusèrent de voir un marine paumé s’esclaffer autant, d’autres un peu moins. Y’en avait même qui me regardait d’un œil torve depuis un moment et qui finit par taper du poing sur la table, occasionnant ainsi un silence presque religieux. Une bonne rasade de cognac plus tard et je tournai ensuite ma gueule en direction du haineux. Chauve, barbu, brute. Du genre campagnard. Un charpentier, peut-être. Une énième montagne de muscles même. Stéréotype vous me direz. Mais on s’en fou un peu : « LES MARINES SONT PAS LES BIENVENUS DANS L’COIN ! » Pa’d’joie. Cette putain d’île au beau milieu d’East Blue s’appelait Pa’d’joie. Destination toute indiquée pour moi quand on savait ce qui m’arrivait depuis un moment. Le coin portait bien son nom. Mais pourquoi diable ce con me sortait pareille phrase ? C’était pas comme si l’île était bourrée de pirates ou de bandits. C’était même tout le contraire de ce que je savais. Que d’honnêtes bosseurs ici qu’on disait. Mais peu importe…

- « Toi, tu m’aimes pas beaucoup… Si tu veux te battre au lieu de raconter des conneries, faut m’le dire tout d’suite… »

A la fin de ma phrase prononcée avec une voix plus ou moins lasse, j’eus un petit rire moqueur. Un peu gogol sur les bords, tout ça. Avec tout l’alcool que j’avais ingurgité, j’avais plus trop de lucidité. Juste un p’tit peu pour assener des piques, placer des répliques histoire de me défendre voire même provoquer de potentiels emmerdeurs. Comme le chauve qui se leva automatiquement, l’air colérique. Je savais pas trop quelle mouche l’avait piqué, mais il souhaitait vraiment se battre, le bigre. Se battre contre un officier de la marine régulière… Un commandant qui plus est, et pas n’importe lequel ! Le fils de l’illustre Fenyang ! Quoiqu’on ne me connaissait pas trop encore. Juste à Logue-Town et ses alentours, ainsi que dans les rangs de la marine. Je faisais partie d’une génération qu’on qualifiait de prometteuse… M’enfin bref. Là n’était pas vraiment le plus important. Le plus urgent là, c’est que le gars avait chopé une grosse massue avec un sourire dégueulasse et s’avançait vers moi, d’un pas décidé. Les suppliques du barman ne semblaient pas l’atteindre. A entendre les autres gars parler, il avait trouvé son défouloir : « Il a essayé de draguer Lux, mais il s’est pris un râteau, le pauvre. » Des phrases qui provoquèrent l’hilarité de l’assemblée.

- « Ouais ouais ! Causez toujours ! J’vais régler votre compte une fois que j’aurai réglé le compte de ce con ! »

Sauf qu’en à peine trois minutes, je lui avais réglé son compte. Sans même sortir ma lame de son fourreau. La p’tite correction que je lui avais infligée malgré mon été d’ébriété força le respect des témoins, au point qu’ils m’applaudirent. Carrément. Le grand chauve (Et tout amoché au passage) était dans les pommes. L’un de ses potes vint renverser une bouteille sur lui, mais rien à faire. Il ne se réveillait pas. Bien fait pour sa gueule que m’étais-je dit en haussant les épaules comme un gamin. Il l’avait bien cherché. Alors que le barman revenait à la hâte avec une bassine d’eau, j’avais profité pour choper le reste de mes bouteilles pour aller me terrer au fin fond du bar crasseux, dans la pénombre. Après avoir disposé mes bouteilles sur une table devant moi, je sortis tout le nécessaire pour rouler un joint digne de ce nom. L’image d’Aisling me revenait en tête et il me fallait l’oublier. Oublier qu’elle était morte. Qu’elle avait quitté ce monde à jamais. Qu’elle m’avait quitté. Elle et le gosse qu’elle attendait de moi. Chienne de vie ! Je fus à deux doigts de chialer, mais la première taffe de mon joint que j’avais fini de rouler et que j’avais allumé m’apaisa aussitôt. J’eus rapidement un sourire béat et un petit rire sec, encore. C’était bon…

Très bon même.

Adossé à un mur, torse nu -Seul mon manteau d’officier était à peine accroché à mes larges épaules-, empestant l’alcool, la chevelure ébouriffée et le regard perdu dans le vague, j’étais tout simplement méconnaissable.

Derrière ce spectacle désolant, mon cœur, lui, continuait de saigner.

Inlassablement.
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“Chienne de vie”

T
u l'avais éconduit, sans douceur, quand il s'était mis à devenir un peu insistant. S'il était divertissant, auparavant, il devenait franchement lourd à mesure que les jours passaient.  Tu l'avais fais mariner, appréciant de voir jusqu'à quel point il était entiché de toi, curieuse de savoir jusqu'où il pourrait aller pour te faire plaisir, et puis ça t'avais lassé. Il était comme les autres. Balourd, manquant de finesse et assurément pas passionnant. Le seul avantage que tu as pu lui trouver, c'est qu'il faisait enrager ton père. Oui, tu aimais parader ainsi, au bras d'hommes différents pour énerver ton paternel. Tes frères aussi, en même temps. Tu les sais très protecteur, et si ça te touches, tu aimes aussi tester leurs limites. Les pauvres, ce ne serait pas étonnant qu'ils fassent une syncope un jour. Tu ne comptes plus le nombre de fois où ils ont débarqué dans ta chambre pour virer le malotru qui allait poser ses "sales pattes" sur toi. Tes prétendants n'en menaient pas large, quand ils se faisaient prendre sur le fait. En même temps, quand tu vois six colosses débarquer dans une toute petite chambre, tu commences à te sentir à l'étroit. D'autant plus s'ils ont l'air furax et que de la fumée sort presque par leurs oreilles.
T
oute cette protection, ça te fait te sentir comme une déesse. Tu les aimes, tes frères, évidemment. Comme tu aimes ton père, et même ta belle-mère. Mais le fait qu'ils prennent soin de toi comme de la prunelle de leurs yeux, ça te monte un peu trop à la tête parfois. Et puis tu aimes tester leur dévotion, à l'instar de celle de tes soupirants. Mais, avec tout ça, tu as du mal à nouer de vraies relations amoureuses. Tu joues la diva, et les habitants de l'île s'y sont habitués. Tu sais qu'il y a même un pari -sois-disant secret- qui traîne quelque part : Quel est l'homme qui fera chavirer ton coeur ? Tu t'en amuses. Tu es certaine de ne pas le trouver sur cette île. Tu voudrais voyager, découvrir du pays et peut-être rencontrer celui qui deviendra ton époux. Mais cette dernière option n'est pas des plus importantes, à l'heure actuelle.
É
poussetant ton pantalon de cuir -celui qui moulait tes formes et rendaient les hommes amorphes-, tu pousses la porte de la taverne. Tu sais que tes frères sont occupés à aider ton père sur un gros chantier, et que tu as donc le champ libre pour un moment. Tes prunelles outremer parcourent la salle animée, s'arrêtant brièvement sur l'homme étendu au sol que le barman s'efforçait vainement de ranimer avec de l'eau fraîche. Tu soupires un instant en reconnaissant -tant bien que mal- ton dernier ex en date. Levant les yeux au ciel, tu t'avances d'un pas souple, écartant sans ménagement les personnes qui se mettent sur ton passage, et tu te penches le temps de ramasser la bassine d'eau. Le barman avait un linge humide qu'il appliquait sur le front de l'inconscient. Tu le repousses du bout de ta botte et tu renverse la bassine dans son intégralité. Une trombe d'eau fraîche lui tombe sur le coin de la gueule, à ton ancien flirt. Il se réveille en sursaut tandis que tu laisses tomber la bassine sur le parquet dans un bruit sourd. Sans plus t'occuper de lui, tu passes une main dans ta crinière tressée et tu cherches une table de libre.
M
alheureusement, il n'y en a plus des masses. Ignorant superbement les balbutiements de remerciement du barman, ainsi que les suppliques du blessé pour que tu le reprennes, tu t'écartes d'eux sous les rires de quelques uns. Tu allais jouer de ton charme pour demander à deux paysans de te laisser leur table quand ton regard accroche une silhouette à l'écart. C'était un homme, à l'air débraillé, dont les vêtements ne te disaient rien. Tu reconnaissais, bien sûr, le manteau qui couvrait à peine son torse. C'était une mouette, comme dirait ton père. Mais contrairement aux soldats et aux officiers qui passaient de temps à autres sur Pa'd'joie, tu ne reconnaissais pas celui-ci. Et il ne semblait pas vraiment être en service, étant donné les bouteilles alignées sur la table face à lui et le joint entre ses doigts.
D
édaignant les paysans, qui s'étaient arrêtés de jouer aux cartes en te voyant approcher, tu infléchis ta direction et tu vas au fond du bar, près de cet homme qui ne t'évoque rien. Au passage, tu captes des bribes de discussion, et tu comprends qu'il est responsable de l'état de Kerry, ton ex. Un sourire amusé étire tes lippes tandis que tu t'approches, en roulant des hanches comme à ton habitude.
« J'imagine que vu que tu restes debout, je peux prendre la place assise, lâches-tu sans fard en tirant le dossier du-dit siège. Joli travail, avec Kerry. »
T
u interpelles alors le barman pour qu'il t'apporte une chope de rhum. Tu es peut-être sans-gêne, mais tu n'en es pas rendue à piquer dans les bouteilles des autres sans invitation. D'ailleurs, pour continuer sur la lignée "sans-gêne", tu retires ta veste, défroissant rapidement le chemisier légèrement bouffant au niveau de ton décolleté, et tu ajustes tranquillement ce corset qui souligne ta talle et ta poitrine. Tu n'as aucune honte à te mettre à ton aise avec un inconnu, comme toujours.
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- « LUX ! TU VAS PAS T’ASSEOIR AVEC CE TYPE ! IL EST DANGEREUX ! »

Le dénommé Kerry tremblait. De dégout et de peur surtout. Sa lux l’avait à peine calculé pour s’asseoir avec un mec pas net. Un mec qui l’avait défoncé en deux temps trois mouvements d’ailleurs. Il se sentait sale, ridicule et il savait que dans peu de temps, il allait être la risée de tous sur cette ile pourrie ! Chienne de vie ! Il serra ses poings et se mit alors à grogner alors que la rousse ne daignait toujours pas se retourner vers lui. Cette meuf le rendait baba, fou, dingue ! A chaque fois qu’il la voyait, il badait comme un pauvre con. Ce corps-là, c’était un bijou. Ou plutôt la personnification même de la luxure ! Allez-y comprendre quelque chose ! Un beau minois, une longue chevelure flamboyante et des formes affriolantes tant au niveau du buste que de cette croupe saillante qui s’était effrontément agité tantôt sous ses yeux ahuris. Comment une broussarde pouvait-elle être aussi bien foutue, très franchement ? Il se posait maintes fois la question, mais il ne trouvait pas réponse. Elle était plus que parfaite, la Lux. Si bien qu’au-delà d’une partie de jambes en l’air, c’était sa vie qu’il voulait faire avec elle. Ouais. Des femmes comme elles, on les traite comme des reines, on les chouchoute, on les cajole et rien de moins. Elle méritait que ça, qu’il se disait naïvement…

- « Combien pour la nuit ? »

Sauf que ma voix chaude et impérieuse l’extirpa de ses pensées utopiques, folles et complètement insensées. Là encore, il bada. Il avait la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés. Au plus profond de lui-même, il était choqué. Certes, il n’était pas le plus galant des hommes ici et il  avait plusieurs fois voulu peloter la p’tite rouquine, mais de là à aller lui proposer du fric pour la nuit, comme s’il s’agissait d’une vulgaire putain… Non… Il ne pouvait pas le croire. Il ne voulait pas le croire. C’était pas possible qu’un homme puisse « oser » ça. Ce qui le perturbait encore un peu plus, c’était l’air blasé que j’affichais comme si de rien était, et ce regard de mâle dominant plein de condescendance que je portais à la gamine. Elle avait dû le comprendre d’ailleurs : Avec moi, on n’la faisait pas. Si j’avais cru à une illusion lorsqu’elle s’était dirigée vers moi d’un pas plus qu’aguicheur, j’avais rapidement pris conscience que je ne rêvais pas du tout et qu’une bombe s’était sciemment assise en face de moi malgré mon état quelque peu lamentable. Comme si l’alcool que j’avais avalé s’était déjà dilué, j’avais eu la lucidité de capter ce à quoi elle aspirait. Pas besoin d’avoir fréquenté les bancs ou d’être super intelligent pour comprendre son comportement. Encore une salope que m’étais-je dit.

- « COMMENT TU OSES LUI PARLER COMME ÇA ?! CHIEN DU GOUVERNEMENT !!! » Hurla le chauve en se ruant sur moi une deuxième fois.

Y’a pas que Red Bull qui donne des ailes faut croire. Il y a aussi l’amour. Sauf que la réalité fut cruelle pour le pauvre Kerry. Bien trop cruelle cette fois. Son amour niais n’avait pas d’écho, mais surtout, mes poings lui rectifièrent le portrait une seconde fois. Avec beaucoup plus de force et de volonté. Résultat des courses : Le pif ensanglanté, des dents en moins et une nouvelle fois à terre, dans les vapes. Cette fois-là, ma prouesse imposa le silence et le bar se vida de moitié en un clin d’œil. Je faisais peur. Kerry était l’une des pointures de cette île question baston, mais il s’était fait rétamé comme un gosse par deux fois. Pas rassurant pour les gars. Le barman ne savait plus à quel saint se vouer pour sa part. Il remuait sa tête de gauche à droite et faisait mine d’astiquer ses verres, avec fébrilité ceci dit. Pour ma part, je commençais à avoir la tête lourde. L’alcool, la fumette, ce gars chiant qui savait pas quand s’arrêter… D’ailleurs : « Qu’est-ce que t’as pu bien lui promette pour qu’il devienne aussi fou ? » J’avais prononcé distinctement cette question en me massant une tempe les yeux fermés. J’étais plus que pompette, mais pas ivre mort. Le joint n’avait pas encore vraiment fait effet, mais la venue de cette bimbo m’avait fait oublier Aisling. Temporairement.

- « Et puis merde hein ! Oublie mes questions. Barre-toi. Il y a assez de places libres maintenant. Va allumer ailleurs ! J’en veux pas de ton cul ! »

Depuis la mort d’Aisling, de mon fils et le départ de Rachel, je partais en vrille. Ma vie n’avait plus aucun sens. J’avais perdu mes deux trésors et j’avais replongé dans la pire des dépressions. Alcool, drogue, sexe… Tout y passait, sans succès. Je cherchais un exutoire, une porte de secours, quelque chose qui m’aiderait à dépasser ce deuil et cette tristesse qui m’accablaient… Mais rien à faire. Du coup, je coulais. Je m’enfonçais dans la débauche sans aucune solution… Sans aucune aide. Sans aucun soutien. Vraiment risible comme situation. Tellement que j’avais décidé de quitter mon poste sans prévenir et de partir loin de mes proches, loin de mes pairs. Je ne voulais pas leur imposer cette situation. Je ne voulais pas qu’ils me voient dans cet état. Quel exemple aurais-je été pour mes hommes ? Sur ce constat, je me mis à rire comme un dément, avant de tirer vers moi une chaise inoccupée dans un bruit insupportable. J’y posai mon derche, m’envoyai une lampée d’alcool, avant d’entreprendre de refaire un joint. A côté, il devait y avoir encore la rouquine, mais je ne me préoccupais plus d’elle. Elle pouvait aller tortiller son gros cul ailleurs. Y’en a qui seraient ravis. Comme tous ces porcs restants qui louchaient encore vers nous. Vers elle surtout.
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Q
ue Kerry t'interpelle ne t'émeus pas plus que ça. Tu l'ignores superbement, attendant que le barman ramène la chope que tu as demandé. Tes prunelles se posent sur l'officier, en face de toi. Un instant, tu te demandes ce qui lui est arrivé pour qu'il soit dans cet état. Ton esprit s'échauffe immédiatement, et imagine une féroce bataille contre des pirates, un équipage de Marines débordé, et un bain de sang : Les pirates gagnent et déciment l'équipage des mouettes. L'officier le plus gradé, qui commande le navire, réussit à s'échapper in-extremis. Tu l'imagine nager, blessé, affrontant mille et un périls sous l'eau. Des requins, des monstres aux tentacules énormes, des dragons même ! Et puis, tes pensées te montrent la mouette qui arrive à dompter une tortue géante. Tu le vois, cheveux au vent, débraillé et couvert d'ecchymoses, en train de dominer l'animal, de tenir les rênes pour se diriger vers une île déserte. Ton imagination est vraiment débordante. Tu le vois ensuite survivre tant bien que mal sur l'île, affrontant des indigènes cannibales et coupeurs de têtes qui paradent devant lui, le menaçant avec leurs têtes réduites -prises sur d'autres infortunés naufragés- brandies au bout de piques. Tu l'imagine sans peine terrasser ses ennemis, jouant de son sabre avec maestria, décapitant aisément les sauvages autour de lui.
T
on fantasme s'arrête au moment où la vision de l'homme adossée au mur de la taverne, et celle du héros en train de souffler après avoir défait ses ennemis, se rejoignent et qu'il lâche quelques mots d'une voix ardente. Combien pour la nuit ? Qu'il lance. De surprise, tu hausses un sourcil. Non, l'homme en face de toi et l'homme de ton fantasme ne sont clairement pas les même personnes. On ne te l'avais jamais faite, celle-là. Combien pour la nuit ? Sérieusement ? Tu hésites sur la conduite à tenir. Ou bien tu lui envoies une de ses bouteilles dans la tronche, pour lui faire payer l'affront, ou bien tu joues le jeu. Tu as toujours aimé te frotter au danger, et cet officier respirait littéralement le danger.
P
our finir, alors que tu sondais encore le regard du Marine, indécise quant à la conduite à tenir, Kerry décida pour toi. Il prit la mouche et voulu voler à ton secours, en mode prince charmant sur son cheval blanc. De ton point de vue, c'était plutôt bouseux assommant sur sa monture alcoolisée. Mais ce n'était que ton avis. Circonspecte, tu observes alors ton prince improvisé foncer sur le Marine, droit vers son enfer personnel. Parce que tu ne doutais pas un instant du résultat de l'affrontement -si affrontement était le terme convenable.
E
t tandis que le Kerry se faisait une nouvelle fois mettre au tapis, tu reportais tes prunelles sur le reste de la salle. Ils étaient tous fascinés par la correction que l'officier infligeait à ton ancien prétendant. Le barman ne semblait pas vouloir intervenir, malgré les signes répétés que tu lui avais lancé pour avoir -enfin- ta chope de rhum. Décidément, le service ne méritait pas de pourboire, ce soir. Finalement, tu laisses ton regard effleurer la silhouette de Kerry qui fait serpillière alors que la moitié des courageux de la taverne se tire ventre à terre.
T
u hésites un instant sur la réponse à donner à l'officier. Qu'est-ce que tu avais bien pu lui promettre, effectivement ? Tu ne savais plus. Lui avais-tu seulement promis quelque chose ? Tu ne te souvenais plus. Et alors que tu hausses les épaules, te préparant à lâcher l'air de rien que tu n'avais pas souvenir de lui avoir promis quelque chose, le débraillé te coupe dans ton élan. Tu pinces les lèvres alors qu'il râle sur ta présence. Tu ne réagis pas. Ça n'en vaut pas la peine, que tu te dis. C'est juste un délire d'ivrogne, n'est-ce pas ?
C
ela dit, il est quand même vachement lucide pour un ivrogne. La correction qu'il a infligée à Kerry -sans efforts d'après ce que tu as vu- est encore fraîche dans ton esprit. Alors tu hausses les épaules une nouvelle fois, et tu tires une bouteille vers toi. Tu n'as pas l'intention de bouger. Tu es bien là, tu as chauffé ta place. Et puis tu as vraiment envie de voir l'expression de Kerry, quand il se réveillera, à te voir rester là sans sourciller. Il va l'avoir mauvaise, mais peut-être qu'il te lâcheras finalement la grappe, après ça.
T
u te mets donc à ton aise pendant que le soldat se met à rire comme un dément. Il n'est décidément pas net, celui-là. Tu envisages un instant de reconsidérer ta position, alors qu'il se tire une chaise pour s'installer également, avant de secouer la tête.
« Pas envie. Je suis bien là. »
E
t comme pour illustrer tes propos, tu remontes tes jambes pour te mettre en tailleur sur le siège en bois. Les coudes sur la tables, tu gardes la bouteille que tu as fauchée à proximité. Ton regard ne lâche pas l'officier alors que ton esprit bourdonne de mille questions à son propos. Etait-il mentalement instable ? Ou bien juste ivre et défoncé ? La première hypothèse pourrait expliquer qu'il soit là, sur une île paumée, sans son équipage, en train de se saouler la gueule. La seconde hypothèse expliquerait le malentendu qu'il y avait sur ta présence à sa table. Mais, dans tous les cas, tu devais lui reconnaître une chose. Même fou ou défoncé, il avait l'art pour mettre les gens au tapis.
« Au moins, je suis certaine de ne pas me faire emmerder par les ivrognes en chien. Tu leur fais bien trop peur pour ça. »
U
n sourire amusé étire tes lippes, et tu finis par boire au goulot de la bouteille que tu t'es appropriée. Tu ne doute pas que les paris sur ton compte lancés ce soir concernent l'officier débraillé. Combien de temps avant qu'elle s'enfuit en courant, lançaient certains. Non, moi je dis : Combien de temps avant qu'elle ne lui passe la corde au cou, contraient d'autres. Ils chuchotaient tous, derrière ton dos, mais tu en avais tellement l'habitude que tu n'y faisais plus attention. Tu ne les entendaient plus. Lux n'est pas comme ça. Moi je dirais plutôt : Combien de temps avant qu'elle ne le ramène dans sa piaule et que son paternel ne débarque ? Les paris allaient bon train, chez les quelques courageux qui étaient restés dans le bar -bien loin de la table de l'officier cela dit- et ils dardaient tous un regard curieux, de temps à autre, dans votre direction.
« Pourquoi t'es tout seul, ici ? D'habitude, quand les mouettes arrivent, et qu'il y a un officier, il y en a minimum tout un équipage. »
T
u ne perds rien de ta curiosité, malgré le désintérêt de l'homme. Alors, tenace, tu continueras de lui faire la conversation, quitte à faire les questions et les réponses toi-même s'il ne réponds pas, jusqu'à ce qu'il soit lassé. Ou que tu sois lassée.
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Ils l’emmerdaient, qu’elle disait ? Parce qu’elle croyait qu’elle me faisait quoi, là ?

- « Sérieux… »

Ma voix avait traduit de la lassitude, quelques secondes seulement après sa dernière intervention. J’avais pas tout compris, mais une chose était sûre : Cette meuf voulait pas me lâcher la grappe. J’avais même dû arrêter de me rouler mon deuxième joint et me faire un facepalm, carrément. Lux me commençait à me taper sur les nerfs et pas qu’un peu. Lorsque je retirai ma main de mon visage, je consentis à poser mes yeux sur sa tronche. Et là, je compris sans trop de problèmes que j’avais affaire à une gamine. Une gosse, ouais. Avide d’histoires rocambolesques voire même de sensations fortes, vu qu’elle prenait son pied à jouer l’allumeuse pour faire fondre les mecs. Le chauve à terre était un exemple concret. D’ailleurs, j’l’avais bien vu, sa mine, lorsque je lui avais proposé des sous pour qu’elle passe la nuit avec moi : J’devais l’avoir blessé dans son amour propre, quelque chose comme ça. Première fois qu’un mec avait dû la prendre pour une pute. Normal, vu qu’elle avait jamais dû quitter son île pourrie pour aller dans les grandes villes/iles où les mœurs étaient plus que légères. Sinon, on avait pas idée de se laisser mener par le bout du nez par une gosse pareille. Sérieux, ils avaient quoi, les mecs de cette île ? Tous des demeurés j'vous jure.

- « Mon équipage a été décimé par des pirates, mais j’ai réussi à m’échapper à la nage non sans avoir buté certains, on s’entend. Pis j’ai dû taper sur des requins, des monstres aux tentacules énooooooormes, avant de réussir à dompter une tortue et à atterrir ici ! »

On appelle ça le hasard. Mais mon mensonge était tellement gros que j’me surpris à rire comme un con. Ouais, clairement, je me foutais de sa gueule. Mais en même temps, je me voyais pas expliquer à une chaudasse que j’étais dans cet état parce que j’avais perdu ma femme depuis plusieurs mois maintenant et que je n’arrivais pas à faire mon deuil. Aisling était ma vie. Ni plus, ni moins. Des femmes, j’en avais connu, mais elle, c’était quelque chose. Je m’étais vu vieillir avec elle avec une ribambelle d’enfants, mais la vie était une grosse putain qui m’avait fait un gros doigt d’honneur, sourire aux lèvres. Qu’avais-je fait pour mériter ça ? A cette question, ma mine s’assombrit et des larmes faillirent me monter aux yeux. Manquerait plus que je chiale devant cette p’tite pisseuse. D’ailleurs, c’était à cause d’elle et de son Kerry à la con si j’avais pas fini mon premier joint qui avait malheureusement fini au sol, écrasé par l’un de mes talons, lorsque je lui foutais de grosses baffes. Il me fallait me débarrasser de cette pute et vite. Du coup, pendant que je finissais la préparation de mon deuxième pétard, je profitai de mes derniers instants de lucidité pour réfléchir à un plan. Une seule solution s’imposa à moi, finalement : Celle du gros bœuf, macho et connard…

- « Mais à bien te regarder, c’est que t’es pas mal, toi… »

Vu que j’tapais pas les femmes -J’ai été bien élevé, namèho !- et vu que je sentais du fond de mes tripes que si j’voulais me barrer, j’allais finir étalé au sol quelques mètres plus loin, mieux valait opter pour cette solution, histoire qu’elle s’en aille et me lâche définitivement les baskets. Du coup, le revirement était peut-être brutal, mais elle allait sans doute mettre ça sur le compte de l’alcool et de la drogue. Les hommes sont aussi versatiles que les femmes quand ils boivent. Je lui fis un sourire le plus charmant malgré ma sale gueule, avant de me lever une nouvelle fois. Mes 2m50 passaient pas du tout inaperçus et interpellèrent les quelques parieurs qui mataient la scène avec prudence mais beaucoup d’attention : « Viens plus près, bébé… » Sans même lui donner le temps de réagir, j’avais posé mes énormes paluches sur ses épaules avant de la soulever comme si elle ne pesait même pas deux grammes. L’instant d’après, j’étais tranquillement rassis sur mon siège, avec la petite sur l’une de mes cuisses. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait un putain de derche. Pas étonnant que Kerry et les autres soient pâmés d’admiration. La garce avait tout pour plaire. Du reste, le fameux Kerry finit par revenir à lui et lorsqu’il se redressa complètement, la vue devant lui brisa le cœur :

Moi en train d’embrasser Lux, les mains plus que baladeuses sur son corps plantureux.

A son tour, Kerry faillit pleurer. Mais dignité oblige : Il serra ses dents (restants), se leva tant bien que mal et quitta piteusement le bar en claudiquant. Pour le reste de l’assemblée, la scène relevait de l’irréel : Quelqu’un avait réussi à peloter grassement les formes de Lux et la bécoter en moins d’une heure. Prouesse nationale. Pour ma part, mon plan fonctionnait comme sur des roulettes : Avec ce comportement de profond connard et vu comment je lui pressais le derrière avec mes mains, y’avait pas moyen qu’elle reste sur place. D’ailleurs, mon haleine de chacal (Combo d’alcool et de drogue) devait pas tellement lui faire plaisir. Mais faut dire qu’elle l’avait cherché ! Et puis, c’était pas comme si je ne lui avais pas dit de dégager le plancher. Elle aurait beau me traiter de profiteur, de pervers ou de gros porc que j’en aurais strictement rien à foutre. Là, tout ce que je voulais, c’était qu’elle s’en aille et que je puisse me laisser aller jusqu’à ce que sommeil, coma ou mort s’en suive. J’étais arrivé à une période de ma vie ou plus rien n’avait d’importance. Absolument rien. Je finis par rompre le baiser, avant de recommencer à rire, tout en lui administrant une grosse tape sur le derrière. Restait plus qu’à assener le fameux coup de grâce :

- « Allez, tu m’as charmé poupée. J’reviens à ma proposition : Combien pour la nuit ? »

Histoire de boucler la boucle.
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“Chienne de vie”

T
u es restée pétrifiée de stupeur tout le temps qu'il faisait son numéro. Tu n'es pas habituée a autant d'audace. Les gens d'ici te traitent tous avec déférence. Par égard pour tes frères et ton paternel, ou parce qu'ils ont été élevé comme ça, tu l'ignores. Mais aucun de tes anciens soupirants ne s'est amusé à la jouer comme le faisait actuellement le débraillé. Tu entends d'ici l'agitation que cela créé, et ton esprit finit par se reconnecter à ton corps. Combien pour la nuit ? Qu'il redemande. Tu fais la moue, et tu fronces les sourcils. Tu as encore le goût de son haleine dégueulasse sur ta langue. Tu pinces les lèvres.
D
ans ta tête, tu comptes jusqu'à trois. Pour ne pas agir précipitamment. Tu garde tes prunelles fixées sur les siennes, sans émotions. Autour de toi, en voyant ton expression neutre, l'agitation reprends. Tu le sais, les paris sont de nouveau lancés. Un. Tu essaies de te dire qu'il a agit comme ça à cause de l'alcool, et/ou de la drogue. Tu essaies d'empêcher ton coeur de s'emballer méchamment en prétextant qu'il ne se rendait pas compte de ce qu'il faisait. Deux. Malgré toi, tes poings se resserrent. Les excuses ne servent à rien, ton sang s'échauffe. Il t'as quand même prise pour une prostituée. Il garde ses grandes mains sur tes formes sans l'air de regretter le moins du monde. Et ça, ça ne passe pas. Trois.
T
u prends -calmement- la bouteille la plus proche de toi sur la table. Tes doigts se resserrent autour du goulot et, d'un geste vif, tu la diriges vers le crâne du débraillé. Marine ou pas, tu t'en fiches. On ne prends pas de pareilles libertés avec toi. Tu n'as aucun remord à briser le récipient d'alcool sur la tête d'un homme aussi peu galant. Tu ressens même cette petite pique d'excitation, d'adrénaline, alors que te le toise d'un regard satisfait. Masquant le léger sourire qui voulait s'incruster sur tes lèvres, tu préfères te glisser habilement jusqu'au sol, hors de son étreinte, et attraper la bouteille à laquelle tu avais déjà bu au goulot pour en avaler une grande rasade. Histoire de chasser le goût qui s'attardait sur tes papilles.
« Au cas où tu ne l'aurais pas compris, je ne suis pas à vendre. Ni pour une nuit, ni pour plusieurs. »
T
u te laisses tranquillement tomber sur ta chaise, bien décidée à ne pas céder devant son humeur de chien ou ses attentions grivoises. Tu n'es pas celles qu'on effarouche facilement. Tu n'as peut-être pas autant d'expérience que ce que tu aimerais, mais tu n'es pas tout à fait innocente.
« Et si tu penses m'effrayer en jouant au goujat, tu es bien mal tombé. Alors : Pourquoi t'es tout seul ici ? Et viens pas me ressortir l'histoire des pirates, des requins et des tortues, je sais bien que tu te foutais de moi. »
M
ais, si jamais il ne s'était pas fichu de toi, ça aurait été à peu de choses près le contenu du fantasme qui t'es passé en tête tout à l'heure. Il était tombé étonnamment près de ce que tu avais songé. Au point où tu te demandais presque s'il n'était pas devin, ou quelque chose comme ça.
T
u sais pertinemment que tu l'emmerdes, à rester là, à le saouler avec tes questions. Et tu aurais peut-être pu envisager de le laisser en paix et de juste rester boire un coup. Mais qu'il cherche à te faire dégager avec autant d'empressement, ça attise ta curiosité. Qu'est-ce qu'il vient foutre dans un trou perdu ? Se saouler ? Oublier quelque chose ? Les deux ? Tu veux savoir. Ton esprit imagine toujours mille et une probabilités, certaines d'ailleurs plus improbables que d'autres. Sérieusement, qui croirait qu'il est venu ici en tant qu'agent secret pour démanteler un complot mené par des révolutionnaires-reptiliens qui ont pour but de renverser le Gouvernement Mondial et d'instaurer une tyrannie grâce au pouvoir du chocolat ?
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- « Ça fait mal… »

Un chouia. Sans plus. Parce qu’elle devait le deviner à la façon dont elle avait repris parole comme si de rien était, que ce n’était clairement pas une bouteille brisée sur mon crane qui me ferait grand-chose. Par contre, elle m’a saigné, cette putain. Je sentais le liquide chaud couler le long de ma face gauche. C’est qu’elle n’y était pas allée de main morte. Là où j’aurai dû m’énerver, j’eus un sourire. Un vrai cette fois. Cette scène me rappelait la première fois où j’avais connu Aisling et qu’elle m’avait fait manger son poing en pleine figure lorsque j’avais « osé » la draguer lourdement. Autant dire qu’elle m’avait encore plus impressionné. Au-delà de sa plastique similaire à celle de la petite rouquine devant moi (Plantureuse à souhait, quoi) c’était son tempérament qui m’avait bluffé et charmé de plus belle. Elle avait été authentique et franche. Pas comme ces autres filles à papa qui roucoulaient pour un rien à vos bras. Je finis par rigoler encore. Décidément, j’étais tombé sur un numéro et pas des moindres. Par contre, j’allais un peu calmer les ardeurs de la petite. Il me restait juste assez d’énergie pour. Je le sentais clairement et j'allais en profiter largement.

- « Je suis pas ton grand-père pour te conter des histoires, tu sais… »

Sur cette phrase, je dégainai lentement mon meitou qui était toujours accroché à ma taille, avant de viser la table qui était entre nous. L’instant d’après, elle se fendit en deux et renversa toutes les bouteilles d’alcool qui se brisèrent en plusieurs morceaux au sol. Le barman eut un cri horrifié, alors que les autres clients étaient crispés sur leurs sièges à la limite de faire dans leur froc. J’assenai ensuite un second coup de sabre en direction de la gamine, comme un balayage. Evidemment, la lame ne l’avait pas atteinte puisque j’avais frappé dans le vide, mais l’impact du mouvement provoqua une bourrasque qui lui déchiqueta complètement les vêtements. En l’espace de moins d’une seconde, ils furent en lambeaux. Même Zorro ne faisait pas mieux… « Eh bien, t’es bien foutue toi… »  Les autres étaient complètement sur le cul. La rouquine était quasiment nue. Les haillons qui lui restaient cachaient bien évidemment les parties sensibles/intimes de son corps tant le geste fut calculé et millimétré ; mais même pas le temps de la laisser comprendre ce qui se passait que j’avais pointé le bout de ma lame sur sa gorge…

- « Et t’es bien plus intéressante quand tu fais pas ton allumeuse… »

Malgré les mèches collées à mon front trempé de sueur et de sang, elle pouvait distinguer mon regard qui allait de pair avec mon sourire : Vrai et sincère. Elle n’avait pas besoin de faire l’allumeuse en dandinant du cul un peu partout. Une approche sobre m’aurait sans aucun doute rendu un peu moins froid et grognon… Ou pas. Mais peu importe. Du plat de ma lame, je relevai son menton pour qu’elle m’observe bien. Avec ce que je venais de faire, je devais l’avoir effrayé un minimum. Faut dire qu’un mec saoul qui sait taper les emmerdeurs et dénuder les chieuses à coup d’estocs, y’en a pas masse ici : « Ma femme était aussi farouche et têtue que toi lorsqu’elle s’y mettait, elle aussi… » Sur cette déclaration, je retirai mon précieux meitou de sa gorge avant de le laisser tomber dans un cliquetis métallique. J’avais finalement perdu toutes mes forces et ma conscience ne pouvait plus suivre. Je m’effondrai alors au sol, inerte. Le reste de la clientèle, angoissé à mort, finit par déstresser, au même titre que le barman, qui lui, se dépêcha tout de même de venir vers moi. Mais alors qu’on pourrait croire que j’étais dans les pommes et tout…

Je me mis à ronfler. Bruyamment en plus.
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“Chienne de vie”

T
u es clairement en train de te demander si, tout compte fait, il n'est pas un peu fou, ce Marine. Alors que tu viens de lui casser une bouteille sur le coin de la gueule, et qu'il saigne, il se met à rire. Quel genre d'homme ferait ça, sinon un psychopathe complètement dérangé ? Mais en même temps, il ne serait pas dans la Marine si c'était un psychopathe. Ils avaient certains critères, quand même, non ? Tu fronces tes sourcils alors que ton esprit cogite. Et si jamais c'était un imposteur ? Un type qui aurait pillé les affaires d'un honnête officier de la Marine afin d'usurper son identité ? Tu ne sais pas quoi en penser, en fait. Tes pensées vont dans tous les sens, mais tu ne parviens pas à en trouver une cohérente.
A
lors qu'il se lève soudain, tu te rends compte que tu n'as même pas écouté ce qu'il a daigné te répondre, tant le mystère qu'il représente t'intrigue. Tu ne réagis pas tout de suite en le voyant sortir son épée, mais tu ne tardes pas à faire un saut en arrière, renversant la chaise au passage, alors qu'il tranche d'un seul coup la table sur laquelle reposaient tes coudes peu avant. Les bouteilles se brisent, inondant le parquet et éclaboussant le cuir de tes bottes. Tes prunelles se posent sur les débris de la table tandis qu'autour de toi tu entends les murmures d'affolements des autres clients, entrecoupés du cri du tenancier.
L
'instant d'après, sans que tu ne comprennes trop comment, tu te retrouvais avec du métal sous la gorge, te forçant à relever légèrement la tête, alors que tes vêtements n'étaient plus que de l'histoire ancienne. La caresse de l'air sur ta peau mise à nue te fais frissonner et, lentement, la peur vient aiguillonner ton palpitant qui se met à battre la chamade. Kerry avait peut-être raison sur un point : Il était dangereux, ce type-là. Tu ne t'offusques même pas de son petit commentaire sur ta plastique, concentrée sur la pointe de l'épée qui menaçait ta gorge. Tu n'oses même pas déglutir, de peur que le débraillé ne décide de trancher purement et simplement ton cou gracile.
M
ais, même en ayant peur, tu ne perds rien de ton attitude farouche et désinvolte. Tu plantes fermement tes iris outremer dans ceux de l'homme, pleine de défi malgré ta situation peu enviable. Et pourtant, tu ne notes aucune intention belliqueuse au fond de son regard. Poussée par la lame, tu relèves encore le menton. Tu ne sais pas vraiment quoi ressentir. De la peur, peut-être, mais il ne semble pas vouloir te faire de mal. De la curiosité, certainement. De l'incrédulité, également.
T
u t'apprêtais à lui demander ce que sa femme venait faire au milieu de toute cette histoire quand il retira la menace de l'arme. Il s'effondra juste après, à côté du sabre qui venait de tomber au sol. Quelques secondes passèrent avant que tu ne puisses réagir de nouveau. Ton esprit tournait à nouveau furieusement. Qu'est-ce qui se passait dans sa tête d'ivrogne débraillé ? Était-ce ce coup de bouteille qui l'avait finalement, et à retardement, achevé ? Une pointe de culpabilité se glisse insidieusement dans ton coeur, alors que le barman approche. Et le soulagement ne tarde pas à t'envahir quand tu entends le ronflement qui s'échappe soudain de l'officier à terre. Tu soupires, contente de ne pas l'avoir tué, et tes prunelles se lèvent vers le barman.
« Tu faisais bien auberge, avant, non ? Il doit sûrement te rester un ou deux piex que tu n'as pas vendu pour éponger tes dettes.
Ouais. Il m'en reste un. Le seul que j'ai pas pu vendre parce qu'il faut le démonter pour le sortir de la piaule. C'est ton paternel qui me l'a vendu.
Super. Alors tu devrais le monter là-haut, lâches-tu en désignant la masse ronflante du bout de ta botte -ou bottine, vu ce qu'il en restait.
Ouais ouais. Polly, Marv, venez m'aider. »
T
u en as presque oublié l'état dans lequel tu étais, avec tout ça. C'est la brise nocturne qui s'engouffra dans le bar après la sortie d'un client qui te le rappela, te faisant brusquement frissonner. Alors que le barman, Polly et Marv prennent l'officier à bras le corps -deux s'occupant des bras et un s'occupant des jambes- pour le monter à l'étage, tu fixes le manteau qui est resté au sol après que l'encombrant débraillé ait été déplacé. Il est vachement grand, comme manteau. Mais ça ferait l'affaire le temps de rejoindre les hommes en haut. Tu ramasses également le sabre avant de leur emboîter le pas.
T
u ne sais pas vraiment pourquoi tu les suis, au juste. Tu aurais pu les laisser se débrouiller avec les affaires du Marine et rentrer chez toi pour enfiler une tenue décente. Au lieu de ça, tu te retrouves à observer l'effort conjugué de trois hommes pour installer un colosse de plus de deux mètres dans un plumard qui était tout juste à sa taille. Tu reconnaissais d'ailleurs la patte de ton paternel dans la façon dont était sculptés les pieds. Et dans les dimensions aussi. Ce lit était plus grand que ceux qui étaient présents à l'auberge autrefois. Ton père ne faisait pas dans la demi-mesure. Tu comprends mieux ainsi qu'il aurait effectivement fallu démonter le meuble pour le sortir de la pièce.
« Tu devrais rentrer, maintenant. Ton père va s'inquiéter. »
T
u jettes un œil peu convaincu au barman. Haussant les épaules, ce dernier fit signe aux deux autres hommes qu'ils pouvaient redescendre.
« J'disais ça comme ça, hein. M'fait pas ton regard hautain.
Il est en déplacement, il s’inquiétera pas.
Et tes frangins ? Et ta mère ?
Mes frères sont avec mon père. Et ma belle-mère sait que je suis assez grande pour m'occuper de moi comme je le veux. »
L
evant les mains en signe de reddition, le barman n'insista pas plus comme il avait l'intention de le faire. C'était vrai, après tout. A vingt ans, tu étais assez grande pour t'occuper de toi. Il n'aborda même pas le sujet du "T'es sûre de vouloir rester là ?" et il redescendit s'occuper de son bar et nettoyer le bordel laissé par le débraillé.
T
es prunelles se portent sur ce dernier, d'ailleurs, alors que tu t'installes dans un fauteuil non loin, emmitouflée dans le manteau dix fois trop grand qu'il portait. Il est installé en diagonal sur le pieu, les bras en croix, et il ronfle encore comme un bienheureux. Tu secoues la tête, incrédule. Tu ne sais même pas pourquoi tu te sens obligée de le veiller, pour vérifier qu'il ne meurt pas dans son sommeil. Peut-être à cause de cette idée sournoise selon laquelle ton coup de bouteille sur le crâne aurait causé tout ça. Haussant de nouveau les épaules, tu ramènes tes jambes contre toi, quittant lestement tes bottes qui ne ressemblaient plus au modèle original, et tu poses ton coude sur le bras du fauteuil, soutenant ta tête grâce à la paume de ta main.
A
présent qu'il est dans les vapes, ton esprit continue de s'interroger sur son cas. Ce n'est pas tous les jours que tu tombes sur un type pareil. Tes connexions neuronales s'enflamment tandis que tu passes d'une idée à une autre. Pirate, escroc, Marine, révolutionnaire, agent secret, psychopathe, malade mental... Tout y passes. Sauf les explications les plus rationnelles, comme le chagrin d'un amour perdu.
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Vertige, mal de crâne, vue floutée…

Autant dire que les gueules de bois, c’est jamais facile. Lorsque je m’étais réveillé et que j’avais redressé mon torse, j’ai dû prendre plusieurs minutes pour que ces sensations désagréables passent plus ou moins, les mains sur ma tête et les yeux fermés. Mon haleine ne me donnait même pas envie d’ouvrir la bouche et mon corps était tout lourd. D’ailleurs, il me semblait avoir tâté ce qui semblait être une plaie qui avait séchée au beau milieu de mon crane. Comment m’étais-je fais ça ? Mystère et boule de gomme ! Impossible de se rappeler des évènements d’hier. Chienne de vie ! Mais le pire fut lorsque je recouvrai la vue et que je la vis recroquevillée sur elle-même. Qui était cette meuf ? Qu’est-ce qu’elle faisait à moitié nue enveloppée par mon manteau ? Et c’était quoi cette pièce ?! Autant de questions qui affluèrent en un coup, mais qui embrumèrent encore un peu plus mon esprit, au point d’accentuer ma grosse migraine qui s’était pourtant estompée quelques minutes auparavant. Je finis donc par me calmer et faire le vide dans ma tête, avant de me lever un quart d’heure plus tard pour installer la gamine pratiquement à poil, sur le lit à ma place en prenant soin de la recouvrir de mon manteau. Ensuite ? Je suis simplement sorti avec mon arme.

Profiter d’elle ? Non merci. Sans façons. J’avais pas le cœur à ça.

- « Oooh, vous êtes réveillé. Vous allez mieux ? »

- « Mouais… » Maugréais-je, une fois en bas et tout près du barman que je reconnus tout de suite. « Il s’est passé quoi hier ? Et c’est qui cette gamine dans la chambre ?! »

Le barman soupira et arrêta d’astiquer ses verres. Là-dessus, il me raconta grosso modo toute la merde que j’avais foutu et me montra même des débris restants de mes bêtises. Même si je fus stoïque tout le long de son récit, j’étais quelque part gêné. Ça commençait à partir loin, toute cette histoire… Si seulement Rachel et mon père étaient restés près de moi encore plus longtemps, j’aurai sans doute pu dépasser ce deuil avec plus de sérénité. Je présentais alors mes excuses à ce brave gars qui finalement me fit un sourire. Il s’en fichait un peu le gars. En plus d’avoir vu pire, il me rassura que l’argent que je lui avais refilé hier dans mon délire couvrait toutes mes conneries. Il fut plutôt honnête puisqu’il voulut me rendre même la « monnaie ». N’ayant rien à foutre avec, je lui rétorquai qu’il pouvait le refiler à la rouquine que j’avais maltraité s’il le voulait bien. Avec ça, il y avait moyen qu’elle se refasse une p’tite garde-robe. C’était la seule chose que je pouvais faire pour elle, n’ayant pas envie de remonter la réveiller histoire de lui présenter des excuses. Ça servait à rien. Et pas dit qu’elle me croit sur parole vu ce que je lui avais fait. J’eus donc un soupir et je pris la direction de la sortie, malgré le fait que j’étais crasseux, blessé et un tout petit peu mal en point.

- « Mais… Où allez-vous dans cet état ? »

- « J’ai un bateau au nord de l’île. »

- « Vous avez accosté au nord ?! Mais il faut traverser une petite forêt qui grouille de dangereux animaux ! Et c’est une plage abandonnée… Enfin… Vu ce que vous avez montré hier, je ne m’inquiète pas trop. Sinon, vous comptez quitter l’île ? Mais… Lux ? Qu’est-ce que je dois lui dire à son réveil ? Elle s’est inqui- »


- « Que je me suis cassé de l'île. » Coupais-je net. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ? Je ne la connais pas plus que ça. C’est qu’une gosse en plus. Allez, merci pour tout. »

Le barman voulut me retenir, mais je lui fis un signe de main tout en continuant quittant le bar. L’instant d’après, j’étais à l’extérieur. Le soleil déjà haut dans le ciel fit vite de m’éblouir pendant un petit moment, puis je me mis à marcher comme si de rien était en direction du nord de l’île, là même où j’avais foutu mon petit navire. Dans les rues de la p’tite ville du coin, les passants me regardaient curieusement : Les femmes étaient plus ou moins charmées malgré mon sale état et les hommes étaient plutôt impressionnés par le charisme inexplicable que je dégageais malgré moi. Quelques parieurs de la veille me reconnurent et me pointèrent du doigt en chuchotant, mais je ne fis attention à personne. J’avais autre chose à faire que de m’occuper de ces rapporteurs pareils. Ces gars avaient l’air con, d’ailleurs. Pas étonnant que la petite Lux se jouait d’eux comme si de rien était. Elle pouvait se le permettre, d’autant plus que sa famille était assez crainte/respectée sur l’île de ce que m’avait dit le barman. Je chassai néanmoins son image de mon esprit pour penser à autre chose, tout en empruntant un sentier qui menait à l’extérieur de la petite cité. Bien avant d’accéder à la plage nord, il fallait tout d’abord traverser une petite forêt. Sauf que…


« GROOOOOIIIIINN !!! »


Un sanglier sortit brusquement des fourrées pour me faire face. Et putain, quel sanglier ! Trois mètres de haut avec des défenses hors du commun ! Une grosse bête quoi. Prête à m’attaquer et me bouffer. Devait peut-être faire des dégâts dans le coin. Ou pas… Vu qu’il lui manquait une oreille, un œil et toute sa queue. Quelqu’un l’avait bien tabassé. Les parents de cette Lux ? Ou bien celui que j’ai amoché hier… Kelly ou machin chose… ? Enfin bon. Là n’était pas le souci. Le blem, c’était que l’animal me chargea avec férocité. Mais un coup de poing plus tard de ma part et il fut au tapis, hurlant de douleur. Pauvre bestiole. Même pas la peine de le buter. Sauf qu’en voulant le dépasser, mon ventre cria famine. Je n’avais rien mangé depuis des jours, passant mon temps à fumer et à boire comme un con. Du coup, je me dirigeai vers l’animal en dégainant calmement mon meitou. L’animal qui me vit venir voulut fuir mais une lame de vent bien placé mit fin à son existence. Là-dessus, je le chargeai tranquillement sur mes épaules et je continuai ma marche jusqu’à mon bateau. Une fois sur la plage nord, je dépeçai le sanglier, puis je le fis rôtir pendant une bonne heure ou deux. Mais ce ne fut que lorsque je m’installai sur un gros rocher pour commencer à le déguster que…

- « Qui est là ?! »

J’avais senti une présence. Et je tournai ma tête vers les arbres de la petite forêt qui encadrait le rivage, là même où j’avais accosté hier, sans doute défoncé. Si c'était le même emmerdeur qu'hier, il allait passer un sale quart d'heure.
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“Chienne de vie”

T
out le monde le sait, sur l'île, que tu as un sommeil de plomb. Quand tu dors, tu ne fais pas semblant. Il pourrait y avoir un Buster Call à côté que tu n'entendrais rien. De toute façon, tu serais morte dans ce cas-là. Donc le problème ne se poserait même plus.
C
ela étant, pendant que tu roupillais comme une bienheureuse, le débraillé -lui- se réveillait. Et ce n'est qu'une bonne heure après que tu t'éveilles enfin, aussi perdue qu'il l'était. Tu te demandes ce  que tu fiches dans ce lit, et la mémoire te revient. L'ivrogne débraillé, la soirée, et le grand final. Tu soupires en constatant qu'il est déjà parti. Tu ne sais même pas son nom. Mais tu as son manteau, par contre. Balançant tes jambes dans le vide, tu descends prestement du lit. Tu hésites un instant, mais tu finis par enfiler à nouveau le manteau dix fois trop grand pour toi avant de descendre. Vu l'état de tes vêtements, il vaut mieux. Pas que tu te soucies de ta pudeur, mais il y a déjà assez de ragots comme cela.
L
e barman a cessé d'essuyer ses verres pour passer un coup de balais rapide dans la salle. Tu le salues vaguement avant de tracer ton chemin vers la porte. Mais, au moment de sortir, tu fais demi-tour. D'un pas assuré, malgré l'absence de tes bottes (devenues bottines puis laissées pour comptes sur le plancher de la chambre), tu te diriges vers le tenancier.
« Il est parti quand, le débraillé ?
Un peu plus d'une heure. Il ne voulais pas te réveiller.
Et, par hasard, tu ne sais pas par où il est parti ? Je crois que ce manteau est à lui, lâches-tu innocemment.
Il a accosté au nord de l'île.
Il est sérieux ? Mais il faut traverser la forêt pour venir ici et en repartir... »
M
ais en même temps, ce n'est pas les bêtes sauvages de la forêt qui risquaient de lui faire peur. Étant donné la manière dont il maniait son sabre, tu pouvais presque être certaines que c'étaient les bestioles qui traînaient dans la forêt qui avaient peur de lui. Haussant les épaules, tu remercies vaguement le tavernier de la main et tu files, ignorant son exclamation pour te retenir, comme s'il avait quelque chose à te donner. Tu rentres chez toi, pieds nus, tout en ignorant les murmures sur ton passage. Tu as l'habitude, tu n'y fais même plus attention à force.
T
a belle-mère pousse une exclamation de stupeur en voyant l'état de tes fringues, mais tu agites nonchalamment la main en grimpant à l'étage pour te changer. Tu as laissé le manteau de l'officier sur le dossier d'une chaise, dans la cuisine où ta belle-mère faisait du thé. Tu ne tardes pas à redescendre, les cheveux encore humide de la douche rapide que tu as pris, et portant cette fois des vêtements non-déchiquetés. Le même style que la veille, sauf que la chemise blanche était noire.
« Tu ne vas pas sortir comme ça, tout de même ? Tu viens à peine de rentrer, s'exclama la nouvelle femme de ton père en se postant entre toi et la sortie.
Je dois aller rendre ce mant-
Tu vas me faire le plaisir de manger un morceau d'abord, jeune fille. Et tu vas te changer aussi. Tu sais très bien que c'est la fête des fleurs aujourd'hui. Tu ne peux pas te montrer ainsi attifée. Il faut que tu te fasses jolie, apprêtée, te coupes-t-elle en te poussant vers la table de la cuisine.
Mai-
Pas de mais, Lux. Je veux bien que tu découches, que tu rentres débraillée, mais il est certaines choses sur lesquelles je serais intransigeante. »
A
vec un soupir, tu poses tes fesses sur le siège où tu as déposé le manteau de l'officier, et tu acceptes à contrecœur le thé que ta belle-mère pousses vers toi. Elle te présentes des biscuits sec également, que tu repousses d'un mouvement de la main. Pendant que tu sirotes ton thé pour lui faire plaisir (tu aurais préféré un chocolat), elle traverses la cuisine pour se rendre dans sa propre chambre. Elle ne tardes pas à en revenir avec une pièce de tissue blanche. En y regardant plus attentivement, et comme elle la brandit victorieusement devant toi, tu comprends qu'il s'agit là d'une robe. Une robe, pour la fête des fleurs. Ton expression se ferme et tu t'apprêtes à refuser fermement, mais elle ne t'en laisses pas le temps.
« Je l'ai faite exprès pour toi, et je serais vraiment heureuse de voir à quel point elle te mets en valeur. Files la mettre. »
T
e retenant de lever les yeux au ciel, tu t'exécutes pourtant. Tu as fais la promesse (ou du moins tu as accepté le défi) d'être plus sage et aimable avec elle, alors tu t'efforces de ne pas trop grommeler en montant te changer. Et puis, au fond, tu l'aimes bien quand même. Elle rend ton père heureuse, et elle s'occupe bien de toi et de tes frères. Mais une robe quoi...
Q
uant tu redescends finalement, tu tires la tronche. Cette robe t'enlève tout ce qui fait de toi la fille que tu es. Tu as l'air plus sage, plus convenable. Très loin de ce que tu aimes que l'on pense de toi. Tu n'es pas sage, tu n'es pas convenable. Tu es Lux Torelli, la gamine imprudente du charpentier, la jeune femme qui collectionne les prétendants, mais tu n'es pas sage. Pourtant, ta belle-mère s'extasie. Elle t'observe sous toutes les coutures, et sourit de toutes ses dents. D'un signe, elle t'autorise à aller te changer. Il ne faudrait pas abîmer la belle robe de ce soir, quand même. C'est ainsi que tu retrouves avec plaisir ton pantalon de cuir et le corset qui plaque le chemisier contre ton corps. Tu enfiles une nouvelle paire de bottes, moins usées que celles que tu portais la veille, et tu reviens dans la cuisine.
« C'est bon, je peux y aller maintenant ?
A condition que tu me promettes que tu vas aller te trouver un cavalier pour le bal, ce soir.
Ma-, commences-tu à protester. Bon, très bien. A ce soir. »
T
u t'es ravisée en la voyant commencer à plisser les paupières, à te faire son regard de matrone intransigeante. Tu ne comptais pas aller au bal ce soir. Tu avais plutôt envisagé de te balader au clair de lune. Mais te voilà coincée.
A
ttrapant le manteau d'une main, et le pliant en deux sur ton bras, tu sors de la maison. En grommelant, tu te diriges vers le nord. Tu espères que le Marine n'est pas encore parti. Tu aimerais lui rendre son manteau, et aussi savoir son nom. Parce que tu n'as rien contre l'appeler "le débraillé", mais tu aimerais bien mettre un nom sur son visage.
T
u n'as pas peur de mettre les pieds dans la forêt, malgré les bêtes sauvages. Tu réussis toujours à les éviter, en temps normal. Mais aujourd'hui, pour quelque raison que ce soit, tu en oublies tes précautions habituelles. Si dans un premier temps tu n'es pas embêtée, tu finis malgré tout par tomber nez-à-nez avec un loup. Famélique, et l'air épuisé, ce dernier n'en reste pas moins féroce. Et vu son regard braqué sur toi, il doit avoir la dalle. Tu recules prudemment, et contournes légèrement le loup en passant par le sous-bois, quittant ainsi le sentier. Il n'est pas bête, et il te suit. A pas lent, comme pour t'effrayer encore plus. Tu recules, vers le Nord cette fois, en sentant ton coeur battre la chamade.
« Tout doux mon grand, je n'ai rien à manger pour toi, souffles-tu d'une voix mal assurée. »
L
e loup se fiche de ce que tu lui dis comme du dernier lapin qu'il a bouffé. L'odeur de ta peur excite même son appétit. Tu recules toujours doucement, manquant de trébucher sur des racines apparentes. Tu n'es pas loin de la plage, mais tu ne cours sûrement pas assez vite pour semer le loup. Ton dos heurte ce qu'il te sembles être une branche et tu fais prestement un pas sur le côté. Tes prunelles accrochent l'obstacle, aussi brun qu'une branche. Mais la langue fourchue qui darde soudain te détrompes rapidement.
« Oh merde. Merde, merde, merde. »
T
u crispes tes doigts sur le manteau, et tu prends une grande inspiration. Une seconde après, tu cours loin des deux bestioles. Tu entends le loup réagir, et le serpent siffler. Tu espères pouvoir arriver à découvert assez vite. En général, les bêtes sauvages ne s'aventuraient pas sur la plage. Tu pousses un cri en manquant de trébucher quand le serpent commence à s'enrouler autour de ta jambes droite. Tu arrives à la lisière de la forêt quand le loup se jette sur ton dos. Tu n'entends même pas le débraillé demander qui est là. Tu tombes en avant contre le sable. Le manteau amorti ta chute, et tu roules sur le côté en espérant te débarrasser du loup. Mais ce dernier est tenace, et tu dois tendre les bras, les mains plaquées sur son cou qui vibrait dans son grondement, pour empêcher ses mâchoires de se refermer sur ta gorge.
L
e serpent, lui, ne se décroche pas de ta jambe. Tu ne sais pas s'il est venimeux ou pas, mais il est vachement grand en tout cas, et ressentir ses anneaux se serrer autour de ta chair ça te plaît moyennement. Surtout quand tu le sens remonter, petit à petit, jusqu'à ce que sa langue chatouille ta joue. Occupée à retenir le loup -qui bavait allègrement-, tu ne peux rien faire pour le serpent.
« Nom de- Arg ! Saleté ! »
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Dernière édition par Lux C. Torelli le Lun 6 Nov 2017 - 19:50, édité 2 fois
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Pourquoi ?

Ou plutôt, pourquoi moi ?

La question tournait et retournait dans ma p’tite caboche, mais je n’arrivais pas du tout à obtenir la moindre réponse. Parce que la scène qui s’offrait à moi était plutôt… Sidérante. Qu’est-ce qu’elle faisait-là ? Pourquoi était-elle là ? Comment, d’ailleurs ? La question d’origine en appelait d’autres qui n’étaient pas pour arranger mon cas. Le tout me donnait déjà un semblant de mal de tête. Mais avais-je le loisir de faire ma mijaurée en réfléchissant trop ? C’est qu’elle allait clamser là. Pour peu, j’aurai pu la laisser se démerder, sauter dans mon bateau avec ma viande rôtie et déguerpir de cette île, mais j’étais pas un connard jusqu’à la moelle épinière. Autant dire qu’elle avait de la chance. Du coup, c’est silencieusement que je m’approchais d’elle, ou plutôt d’eux. Hormis le loup qui y mettait toute ses forces, le serpent, lui, s’en donnait presque à cœur joie. C’en était presque écœurant. J’aurai voulu me débarrasser de lui en premier, mais vu la façon dont il était enroulé autour d’elle, j’allais devoir la jouer fine. C’est pour ça que celui qui clamsa en premier fut le loup. Une lame de vent balancée en rase-motte et hop, plus de tête. Le sang gicla avec force et imbiba la rouquine comme le serpent à deux doigts de vouloir l’avaler. D’ailleurs…

- « C’est à ton tour, c’est ça ? »

Le serpent fut interpellé par ma voix, se tourna vers ma gueule et se figea d’un seul coup. A la vue de ma face, de la mine que j’avais adoptée et surtout de la lame que je brandissais, il n’eut pas à chercher bien loin qui était coupable de la mort de son compagnon d’infortune. On a beau dire que les animaux attaquent quand ils sont effrayés, que lui restait tétanisé sur le coup. Il avait les chocottes et pas qu’un peu. Je m’étais tranquillement accroupi à leur niveau, avant de m’autoriser un sourire. Presque charmant même. Le serpent, lui, commença à desserrer lentement sa prise sur la chair pleine de la pauvre petite et recula lentement. Je pouvais le découper en petits morceaux, mais il me faisait presque pitié avec son air que je pourrais qualifier d’apeuré. Pauvre bête. Au bout de quelques secondes, il se sépara complètement du corps de la gamine et glissa silencieusement sur le sable pour rejoindre la forêt. Je le regardai s’enfuir, un brin rêveur, avant de finalement tourner mon regard sur elle. Le sang du loup avait bien dégueullassé ses vêtements et je ne parlais même pas de toute la bave sur son visage, le sable et les feuilles mortes emmêlées dans sa longue chevelure rouge. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle était vraiment dans un sale état…

- « Imbécile. »

Et là, une baffe enflamma sèchement l’une des joues de la gosse, sans aucune pitié. La claque fut sonore. Très violente. Mais j’avais fait en sorte de ne pas lui arracher de dents en dosant ma force. Malgré mon coup, j’étais plutôt calme. Mon visage montrait seulement à quel point j’étais sacrément blasé. Je n’étais pas en ce moment un exemple, mais je n’arrivais pas à comprendre à quel point on pouvait être aussi immature. Qu’est-ce qu’elle avait dans la tête cette gamine, sérieux ? J’eus par la suite un soupir avant de l’ouvrir : « T’as pensé une seule seconde à ta famille ? Tes amis ? Tu penses qu’ils auraient été heureux de découvrir les restes de ton cadavre dans cette dangereuse forêt, si je n’étais pas là ? Tu vas me dire quoi ? Que tu es venue pour me rendre mon manteau, c’est ça ? Au prix de ta vie ? Elle vaut moins qu’un manteau d’officier de la marine ? T’es vraiment conne toi… » Ma voix avait été étrangement placide et mes yeux fixaient le minois de la rouquine d’un air si vide qu’on aurait dit que j’avais affaire à un déchet. Si d’un point de vue extérieur, j’étais trop serein, il n’en était pas de même intérieurement. Faut dire que je bouillonnais. Elle méritait bien plus de gifles et une bonne fessée bien sentie pour la remettre au pas.

- « Bon, je t’embarque. Et tu la boucles. J’veux pas t’entendre. »

Ni une ni deux, je soulevai la gamine, la balançai sur l’une de mes épaules façon sac à patates avant de me diriger vers ma p’tite caravelle. Mon cerveau l’ignora complètement, comme s’il fut déconnecté de la réalité. Si elle se débattait, se plaignait ou criait, c’était pas du tout mon problème. Toujours est-il que je la maintenais fermement sur mon épaule tout en avançant rapidement vers mon navire. On pourrait penser que je voulais la kidnapper, mais j’étais persuadé qu’elle avait un peu de jugeote pour savoir que je n’avais aucune mauvaise intention, surtout après le savon que je lui avais passé. On pouvait pas faire le moralisateur et l’instant d’après, le profond salaud qui en profite. A regrets, je dépassai la viande que j’avais pourtant bien rôtie. Les senteurs faillirent me clouer sur place, mais dans l’immédiat, il fallait s’occuper d’elle. C’est ainsi que je finis par monter dans le navire et me diriger dans ma cabine. Une fois dedans, j’ouvris la porte de ma salle de bain plutôt bien foutue avant de balancer la gamine dedans. La pauvre tomba sur ses fesses -Elles étaient de toute façon assez grosses pour amortir sa chute- et je profitai pour fermer la porte derrière moi avec fracas, sans la boucler dedans ceci dit. L’intention était plutôt claire :

- « T’as le nécessaire dedans pour une douche. Ensuite, tu te démerdes pour trouver des vêtements à ta taille dans le placard de ma chambre. Et t’as pas intérêt à foutre le boxon, sinon J'TE DÉFONCE ! »

Pour le coup, ma voix fut on ne peut plus criarde. Elle me tapait sur le système cette gamine. Saoul ou pas, c’était pareil : Je pouvais pas la voir en peinture ! Je grognai en jetant un coup d’œil au placard dans lequel elle allait sans doute trouver des trucs pour meufs. Des vêtements qui appartenaient à ma défunte épouse, en vérité. Dans le temps, il m’arrivait d’utiliser cette caravelle pour passer du temps avec elle, loin de tout. Une embarcation chargée d’émotions. Je m’adossai à la porte pendant quelques instants avant de finalement quitter la chambre non sans avoir emporté deux trois vêtements. Dans une autre salle, je pris moi aussi une douche très rapide, avant de m’habiller en vitesse et d’aller choper ma viande restée à l’extérieur. Par chance, aucun animal ne s’y était approché. Je remontai ensuite dans le salon du petit navire, lorsque ma respiration se précipita brusquement. Une douleur lancinante au niveau du ventre me fit grogner de douleur, mais je réussis tout de même à disposer ma bouffe dans un plateau que je posai sur la table basse du coin, en plus d’une bonne bouteille de vin à côté. Je me laissai tomber sur un divan, avant de respirer bruyamment. Ma peau sans que je ne m’en rende compte était devenue plus pâle :

- « Merde… »

Malgré la nécessité pour moi de bouffer, -Ce que je n’avais pas fait depuis plusieurs jours maintenant-, mon appétit s’envola comme par magie. Pire… L’odeur de la bouffe me flanqua carrément la nausée. Au fur et à mesure que les minutes s’égrenaient, je me mis à trembler, les yeux presque exorbités et les dents serrés. Aucun doute possible. Ça recommençait… Mais cette fois-ci, le manque était du genre violent. Très violent. Je me mis à regarder autour de moi d’un air angoissé, avant de trouver le nécessaire pour une injection. Je me ruai dessus, préparai une seringue rapidement, avant de débusquer en deux temps trois mouvements une veine salvatrice… Le reste se passe de commentaires, n’est-ce pas ? Toujours est-il que j’eus un sourire béat lorsque tout fut terminé. Je m’avachis complètement sur le sofa, la respiration bruyante et le corps encore couverts de spasmes. Ça passait… Et j’étais plutôt heureux. Je savais au plus profond de moi-même que je courrais à ma ruine, mais dans cet état, plus rien n’avait de l’importance. Je finis par fixer le plafond d’un air absent, ignorant complètement la bouffe à mes côtés. J’avais même oublié que je n’étais plus seul dans mon petit bateau durant ce petit laps de temps…Mais encore une fois, qu’importe.

J’étais bien dans mon coin et je n’avais besoin de rien ni de personne.
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Ft. Salem
“Chienne de vie”

O
kay La gifle était méritée. C'était pas vraiment à lui de te la donner, mais ouais. Tu râleras pas là-dessus. Par contre, il t'a pas loupée ce con. La douleur explose dans ta joue, comme si tu t'étais ramassée lamentablement, gueule contre terre. Il n'y avait pas mis toute sa force, cependant. Tu es sûre que ta tête aurait roulé à quinze mètres sinon. Elle aurait rejoint celle du loup, qui gisait à quelques pas de là. Dans le même état. Mais il n'y avait pas été de man morte non plus. La douleur cuisante faisait chauffer ta peau pâle (ou ce que l'on apercevait d'elle sous les éclaboussures), joliment rougie d'une empreinte de battoir à présent. Tu meurs d'envie de l'incendier, mais tu te retiens. C'est vrai que tu aurais pu être plus prudente. T'aurais pu emprunter un de ces pistolets de ton père, aussi lourds que galère à charger, mais aussi efficaces qu'une épée. Plus dégueulasse, peut-être. Quoiqu'avec le sang et la bave qui t'inonde le visage...
T
u n'as pas le temps de réfléchir plus que ça. Tu n'as pas le temps de de redresser, ou même de songer à le faire. Déjà, après t'avoir remonté les bretelles d'une voix neutre (même si tu sentais l'irritation que ta présence lui procurait), le voilà qui te ramassais et te jetais sur son épaule. Comme un sac. Tu n'essaies pas de gigoter. Tu n'aurais aucune chance de lui filer entre les doigts. Sa poigne est puissante, et tu es sûre que ce n'est même pas un quart de sa force. Ça ne servirait à rien. En plus, mesquinement, tu es ravie de voir la crasse qui te couvre venir se coller à lui. Il t'as sauvé la vie, il t'as engueulé, et maintenant il lui faudra prendre une douche. Non, ce n'est pas bien de se réjouir. Ce n'est pas digne d'une petite fille sage. Mais, bordel, tu n'es pas sage ! Alors ça te réjouis.
T
oute mesquinerie te déserte, par contre, quand tu te retrouves le cul par terre, dans la salle de bain de son rafiot. Tu grimaces, mais tu te relèves d'un bond, prête à lui montrer que ce n'est pas parce que tu n'as rien entre les jambes que tu vas te laisser faire de la sorte. Tu n'as pas le temps, malheureusement. Et tu manques de te cogner le nez, ton si joli nez, contre le bois dur de la porte qui se referme. Et puis, ouais. T'as bien besoin d'une douche. Tu lèves les yeux au ciel quand le débraillé te met en garde à propos du désordre que tu pourrais mettre. Juste par esprit de contradiction, tu es tentée de tout laisser en vrac à ton départ. Mais tu es bien élevée, alors tu ne le feras pas. Peut-être pas.
O
uais, tu verras ça après. La douche d'abord, pour se débarrasser autant du sang et de la bave du loup que des feuilles, des branches et du sable mêlé à la terre qui te colle à la peau après ton p'tit rendez-vous contre le sol. L'eau, chaude, te purifie. Une fois tes fringues nettoyées, c'est au tour de ta peau. Tu resterais bien un moment à savourer, à te frictionner, à souffler sur la vapeur qui envahit l'espace, mais t'as à moitié peur de t'en manger une autre. La gifle de tout à l'heure t'as rassasiée pour des années.
E
nfin propre, tu chopes une serviette pour t'enrouler dedans et aller examiner les placards du géant. Tu grimaces d'avance en imaginant la dégaine que tu auras avec ses fripes trois fois trop grandes pour toi. Tu fermes même les yeux en ouvrant un premier placard, comme pour ne pas voir l'horreur que tu imaginais. A ta grande surprise, cependant, la pulpe de tes doigts effleure un tissu doux, souple, d'où s'échappe un subtile parfum. Féminin, le parfum, indéniablement. Tu ouvres un œil, curieuse, et le second suit bien vite. Au bout de tes bras, tes mains tiennent une robe qui se déploie dans l'air quand tu la soulève. Jolie. Et plus ou moins à ta taille. Mais tu fais la moue. Tu n'aimes pas vraiment les robes. Tu es plus le style sauvageonne, avec ton pantalon de cuir, ton chemisier et ton corset... Tu réfléchis rapidement, pesant le pour et le contre. D'un côté, tu peux enfiler cette robe, et avoir l'air au moins aussi belle que d'habitude. D'un autre, tu peux toujours piocher dans ses fringues à lui, et avoir l'air d'un épouvantail.
L
e choix est vite fait. En moins de temps qu'il n'en a fallu pour que tu te décides, tu enfiles la robe. Tu es tentée de rajouter le corset par-dessus, mais ça ruinerait l'élégance de la tenue. Alors, même si tu te sens nue, tu le laisse accroché dans la salle de bain pour qu'il sèche, comme le reste de ta tenue. Avec les doigts, tu te coiffes comme tu peux. Tes mèches, encore humides, ne se laissent pas faire. Tu grondes doucement, agacée, avant de laisser tomber. Il va être temps de sortir de là. Sinon, l'autre débraillé risque de faire irruption. Tu trouves d'ailleurs étrange qu'avec tout le temps que tu as passé à t'observer dans le miroir, à évaluer si la robe te mettait en valeur ou pas, il ne soit pas déjà intervenu.
P
resque timidement, ce qui est un exploit pour toi, tu sors de la cabine. Le tissu souple se froisse contre tes cuisses, et tu regrettes un court instant d'avoir abandonné ton pantalon dans la salle de bain. Mais tu te reprends, tu jettes un regard mauvais à la dentelle qui borde le bas de la jupe et qui te chatouille les genoux, et tu reprends ta progression. L'odeur de la viande grillée chatouilla tes narines, et tu te dirigeas en fonction de ton odorat. Il devait être en train de manger. Et ça tombe bien, tu avais un petit creux. Juste un thé, en rentrant chez toi, ça n'était pas très nourrissant. Tu salives d'avance en pensant au sanglier que tu avais vu sur la broche, mais tu te figes en entrant dans la pièce d'où vient l'odeur.
L
e débraillé est là, comme attendu. Mais... Comment dire. Tu avais du mal à croire tes yeux. Tes prunelles qui observaient l'officier enfoncé dans le sofa. Qui détaillaient sa posture détendue, relâchée. Qui notèrent la seringue tombée du bras étendu. Qui revenaient à l'expression presque béate du visage de l'homme.
« Bordel de merde, lâches-tu soudain.
Q
uittant ton immobilité, tu t'approches de la mouette aux anges. T'es pas conne, tu sais très bien que ce qu'il vient de s'injecter, ce n'est pas des paillettes. Il est peut-être au pays des licornes, mais c'est tout sauf inoffensif. Tout en jurant à mi-voix, tu te penches vers l'emplumé stone.
« Eh, le débraillé ! T'es toujours parmi nous ? »
D
'un geste peut-être un peu trop enthousiaste (mais, vraiment, peut-être), tu le gifles. Juste retour des choses, non ? Non. Tu as moins de force que lui. Mais ça n'empêche pas la petite pointe de satisfaction de venir gonfler ton cœur. Avant de céder le place à de l'inquiétude, tout de même.
« Tu viens me faire la morale, mais toi, par contre, tu plonges à pieds joints dans un océan de risque, hein ? Typiquement masculin. Machos, égocentriques, crétins... Tous les mêmes, apparemment. Et être une mouette haut-gradé, ça n'empêche pas la connerie de se répandre... »
T
u continues à le traiter de tous les noms alors même que tu te penches vers la viande qui a refroidi. Sans prendre de gants, ou de couverts, tu te saisis d'un morceau que tu approches des lèvres du débraillé.
« Maintenant, tu vas bouffer ce foutu sanglier et te remettre sur pieds, d'accord ? J'sais pas comment gérer les drogués, mais s'il y en a besoin, j'pourrais te botter le cul pour que tu reprennes tes esprits. Tu m'as compris l'emplumé ? »
L
'inquiétude, et ton franc-parler, te font lâcher des bordées de jurons quand le morceau de viande glisse de tes doigts, venant tâcher la chemise propre du gradé. Tu le récupères rapidement, et le porte à sa destination initiale. Tu es prête à forcer la barrière de ses lèvres pour le lui faire manger. Tu as tendance à penser qu'une fois le ventre plein, la drogue n'agira sans doute pas aussi bien que maintenant. Tu ne sais pas si tu as raison, mais tu te sens obligée de faire quelque chose. Après tout, il t'as sans doute sauvé la vie tout à l'heure, avec le loup et le serpent. Ce serait la moindre des choses que de ne pas le laisser s'enfoncer dans le tourbillon infernal de la drogue. Non ?
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- « Tu parles trop… »

Ma main gauche avait dégagé le morceau qu’elle me présentait tandis que ma main droite avait violemment chopé sa chevelure. Mon air était peut-être paisible, mais la lueur qui illuminait mon regard n’annonçait rien de bon pour la jeune femme. J’eus même un sourire avant de faire parvenir sa gueule jusqu’à la mienne pour qu’un baiser s’en suive. Pauvre chose prise au dépourvu, encore. La surprise avait dû être grande. Surprise dont je profitai pour faire durer un peu le baiser. De longues secondes de supplices pour elle, sans aucun doute. Viol buccal bien désagréable pour la rousse. Qui finit par s’interrompre. Brutalement. Histoire d’anticiper sur une potentielle morsure. Cette meuf était une vraie vipère quand elle le voulait. Ensuite ? J’avais lâché sa chevelure pour lui flanquer une baffe. Toute aussi violente que la première. Le tout sous un rire un peu con même. Un peu pour lui rappeler qui j’étais. Qui était le chef ici. Et pour asseoir cette impression désagréable qu’elle avait des hommes. Oui, j’étais un macho. Oui, j’étais égocentrique. Oui, j’étais crétin. Et j’assumais. J’assumais parce que j’avais perdu celle-là même qui faisait de moi un gars bien sous toutes ses coutures. Celle-là même qui donnait un sens à ma vie. Celle-là même qui m’encourageait à aller de l’avant. Oui, j’avais perdu l’amour de ma vie. La seule. L’unique. L’irremplaçable. A croire finalement que les effets de mon injection étaient passés plus vite que prévu si j’avais ce genre de réflexions. Putain de vie de merde. Mon corps apprivoisait la substance… C’était ça que d’être surhumain en fin de compte…

- « Y’a une différence entre risquer bêtement la vie et saloper sa santé… »

J’étais revenu à moi. Petit à petit. Les sensations de manque avaient disparu, heureusement. Mais voilà que je retombais bêtement dans ce spleen qui me taraudait. "Bravo salope !" Que m’étais-je dit en la toisant presque du regard. Puis je soupirai avant de la tirer une énième fois pour la poser à califourchon sur moi. Puisqu’elle me collait comme une sangsue et qu’elle lâchait pas l’affaire depuis hier, autant profiter d’elle non ? Mêler l’utile à l’agréable quoi. En plus, j’devais avouer que cette robe qu’elle avait portée lui allait bien. Elle ressemblerait presque à Aisling, tiens. J’eus un sourire en la plaquant contre mon torse, comme s’il s’agissait d’une gamine. Ou d’une poupée vu comment je la manipulais comme un odieux connard. Je passai ensuite un bras sur son dos que je me mis à frotiller doucement. L’autre paluche, elle, partit se perdre dans sa chevelure que je me mis à caresser tendrement en fermant même les yeux. « Reste tranquille. » Ma voix avait été à la fois impérieuse et douce. Histoire de la rassurer qu’elle ne craignait plus grand-chose si elle ne faisait pas de bêtises. Je la cernais petit à petit au fil du temps. Rapide ? Oui. Mais les pimbêches de son genre, j’en avais tellement connu que je savais comment les calmer comme il fallait. Celle-là remportait néanmoins la palme de la chiantise. Jamais vu une casse-cou pareille, c’était pas possible ! N’empêche qu’elle était jolie, la salope. Et qu’elle sentait bon. Ces détails à première vue insignifiants faisaient tout de même leur petit effet puisque j’étais redevenu totalement calme. Presque serein même. Quoique…

- « Je t’ai remboursé la gifle par une autre gifle. Maintenant, place aux insultes… »

Contradiction quand tu nous tiens. Mais il devait pas y avoir eu masse d’hommes qui l’aient tapé. D’où le fait qu’il me fallait la remettre au pas. Du coup, une autre claque s’en suivit. Mais sur l’une de ses grosses miches écrasées contre mes cuisses. L’impact de mon coup fit un tel bruit que celui-ci se fit entendre à des kilomètres. « J’suis p’être macho, mais c’pas à une garce de ton genre d’me le dire… » La main qui caressait précédemment sa chevelure comme celle d’une enfant était celle-là même qui lui flanquait une très grosse fessée. Mon bras gauche, lui, la coinçait contre mon torse sans qu’elle ne puisse bouger. D’ailleurs, si elle gigotait trop, cela renforcerait le caractère indécent de notre position. C’était presque sale et j’étais dans une grosse phrase borderline, mais elle n’avait rien à craindre. Du moins pour ce qui était de sa survie. Pour le reste… « J’suis pas égocentrique salope, sans quoi t’serais entrain de te faire bouffer ! » Deuxième grosse baffe. Sur la même fesse on s’entend. Pour bien lui faire mal et bien chauffer celle-ci. Et le coup fut tout aussi fort que le premier. Ça avait dû pénétrer son âme, carrément. Bien sûr, je dosais de telle sorte à ce qu’elle ne se bouffe pas une fracture, sait-on jamais. Mais toujours est-il qu’elle les sentait passer. J’eus un sourire plus que malsain avant de lever ma main une troisième fois. Et une nouvelle gifle s’en suivit. La plus meurtrière peut-être. De quoi bien enflammer la partie sur laquelle j’m’étais acharné. Devait être drôle de voir son cul. Une fesse toute rouge tandis que l’autre devait être encore blafarde…

- « Et de quel droit tu me traites de crétin ? C’est l’hôpital qui se fout d’la charité quand on sait que t’as risqué bêtement ta peau pour je ne sais quoi… »

Rebelote. J’usai une fois de plus ma main coupable pour lui tirer la chevelure vers l’arrière. Histoire qu’elle puisse me regarder. Histoire qu’elle puisse voir la gueule presque condescendante que je tirais. Histoire aussi qu’elle comprenne qu’il y avait des raisons en dessous. Au bout de quelques secondes et pour ne pas abimer son cuir chevelu, je desserrai ma prise. Mieux même. Je fis passer ma paluche dans sa chevelure comme pour recommencer mes caresses et comme si de rien n’était. Mon instabilité émotionnelle n’avait jamais été aussi marquée. Des rires aux pleurs. Du calme à la colère. Du blanc au noir, et tout ceci sans crier gare. Mon manque d’affection me poussait à la choyer. Son sale comportement m’obligeait à la punir comme une sale chienne. La rousse avait malgré elle cette odeur typique des femmes faciles d’où mes pensées, paroles et actes insultants. La situation était surréaliste. Il y avait une certaine logique dans ce trop-plein d’absurdités. Mais tout allait maintenant s’éclaircir. « J’ai perdu ma femme enceinte de huit mois quasiment. Tuée par un révolutionnaire. Ma femme et mon futur bébé. Alors que je me donnais corps et âme pour protéger la population. Des gens comme toi. Des ingrats de ton genre… » Ma poigne se resserra brièvement sur sa chevelure, mais je finis par continuer mes  douces attentions. Cette fois comme un maitre et son chien. Oui. Elle était une chienne pour moi. Rien de plus, rien de moi. Un long soupir se fit alors entendre. J’étais fatigué. Fatigué de cette meuf et de la vie en général. Tout ce que je voulais ? Rejoindre Aisling.

- « J’pense que t’es pas conne et que tu commences à capter hein… Du coup, évite de me faire chier. Et pas de réactions à deux balles sur le souvenir de ma femme et sur la vie en général. Ça va deux secondes. Si tu veux te rendre utile…  Sois belle et tais-toi… »

Qu’avais-je dis en reniflant bruyamment…

Parler de mes malheurs me rendait toujours aussi triste et pleurnichard…
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