Permission à la Nouvelle Ohara!

Une brise légère soufflait, poussant le navire lentement vers sa destination qui se découpait de plus en plus dans l'horizon: la Nouvelle Ohara. Tenko, adossé au mat de misaine, regardait les flots s'écarter au passage de l'étrave du navire. A ce moment précis, il se rappelait des longues heures qu'il avait pu passer à cet endroit lorsqu'il travaillait encore pour la flotte marchande qui lui avait tout appris. Il s'écarta enfin de sa position pour laisser passer des matelots affairés et regagna sa cabine. Après sa difficile mission, il avait obtenu une permission et l'avait accepté, heureux de pouvoir aller se documenter un peu à Ohara. Selon l'idée que s'en faisait les gens, la bibliothèque qu'elle abritait accueillait des milliers d'ouvrages divers et variés sur tous les sujets qu'il était possible d'aborder. Néanmoins, tout le monde préférait garder sous silence ce qui s'était passé là-bas un siècle plus tôt. L'île avait été rasée par un Buster Call, autrement dit un déluge de feu précipité par la puissance de feu incroyable des flottes de la Marine. Tenko s'assit sur son lit et jeta un coup d’œil au sabre qu'il avait acheté juste avant de quitter sa garnison. Le fourreau était blanc, orné de motifs floraux rouges. Sur le tsuba, une rose écarlate dévoilait ses pétales. La lame était de bonne facture et l'arme dans son ensemble trouvait un bon équilibre. Il avait eu le temps de s'entraîner avec les matelots durant le voyage et avait nettement perçu la différence de facture entre sa nouvelle arme et les armes classiques distribués aux soldats de la Marine.

Tenko enfila ses vêtements de civil et monta sur le pont. Son supérieur avait été clair, s'il avait été envoyé là, c'était pour se reposer avant de recevoir sa prochaine affectation. Durant ses classes et surtout au vu de la mission qu'il avait accompli avec l'aide de son ami Jarod, il s'était distingué de la masse. Il recevrait certainement très prochainement une promotion et avec elle une nouvelle base où être cantonné. Il lança un regard au timonier. C'était un jeune homme, fraîchement recruté. Il était accompagné d'un vétéran qui lui donnait des astuces pour manœuvrer le navire avec plus d'aisance. Tenko était resté avec ce vieil homme pendant une bonne partie du voyage, observant ses gestes pour s'instruire autant qu'il le pouvait de ce marin aguerri. Il se sentait bien en compagnie de ces hommes de la mer, véritables statues impassibles face à la brutalité des éléments. Peut être qu'un jour lui aussi aurait cet air déterminé sur son visage creusé par des années de voyage? Il détourna son regard du château et le promena sur le pont. Les hommes s'affairaient aux manœuvres d'accostage. Différentes voiles devaient être abaissées pour diminuer la vitesse au maximum. A proximité du quai, les amarres furent jetées et le navire s'immobilisa doucement. Puis la passerelle fut jetée entre le pont et le quai. Un flot de soldat se déversa alors au sol. Tenko laissa le gros des troupes s'échapper de l'embarcation avant de lui même poser pied à terre.

En face de lui s'étendait quelques habitations éparses plus ou moins amoncelées autour d'un simple sentier qui s'enfonçait plus avant dans un monceau de forêt. En levant les yeux, il pouvait apercevoir le feuillage de l'arbre qui trônait au centre de l'île. Majestueux, il semblait pousser inexorablement le ciel pour se frayer un chemin vers les astres. C'était en son sein qu'était censée se trouver la bibliothèque qui selon les rumeurs accueillait à nouveau des milliers de livres sur tout les sujets possibles. Cet arbre était jeune mais déjà incroyablement fort. Après le Buster Call qui avait ravagé l'île un siècle plus tôt, les habitants qui avaient repeuplé l'île avaient planté une jeune pousse d'arbre. A présent, elle dominait le ciel de ce qui s'appelait maintenant New Ohara. Naturellement, les locaux se méfiaient de la Marine malgré la faible présence de ces derniers. Un an auparavant, des pirates avaient attaqué leur foyer et même si l'action des révolutionnaires présents sur l'île avait permis de contenir l'ennemi, c'étaient bien les mouettes qui avaient renvoyé les forbans à la mer, ou en prison, et qui avaient remis de l'ordre sur l'île. Néanmoins, les soldats du Gouvernement Mondial préféraient ne pas faire de vagues dans ce qui restait un bastion, au moins symbolique, du mouvement révolutionnaire sur les Blues. C'était l'une des deux raisons qui poussait la Marine à envoyer des hommes sur l'île de temps en temps. Il fallait constamment rappeler que l'Ordre et la Loi régnaient toujours en maîtres sur les quatre mers. Tenko s’engagea sur le chemin sinueux qui s'enfonçait vers la plaine.

Il marcha pendant une bonne heure au moins dans une forêt plutôt dégagée. A son passage, les animaux se taisaient et l'observaient avant de fuir dans le sous-bois. Il aimait bien l'ambiance de ce lieu. Tout était paisible et harmonieux, on trouvait l'ordre dans le désordre. Quand il franchit la lisière, une vue différente s'offrit à lui. Une vaste plaine s'étendait jusqu'au pied de l'arbre central. En bordure de la forêt se trouvaient champs et pâturages, dans lesquelles se reposaient quelques troupeaux de bétail. Des paysans s'affairaient dans les cultures. Il continua de marcher et arriva à l'entrée du village. Des enfants jouaient autour d'une marre, sous le regard attentif de leur mère. Les regards se posaient sur Tenko alors qu'il traversait la ville. Qui était-il? La méfiance était de mise dans un endroit qui avait subi un si terrible traumatisme. Au centre se trouvait la place. Bordée par les plus gros bâtiments, on y trouvait la mairie et la garnison des défenseurs qui encadraient le chemin vers la bibliothèque. Quelques commerces se trouvaient également là, et notamment des librairies. Il entra dans la plus proche. Le propriétaire, un vieil homme bedonnant affublé d'une longue barbe grise constellée de miettes de son dernier repas, sursauta quand la sonnette lui signala l'arrivée du jeune soldat. Il se redressa sur sa chaise et salua le jeune homme. Il se leva et s’étira le plus discrètement possible avant de s'approcher de son client qui furetait du côté des manuels de combat.

"Pourrais-je vous aider à affiner votre recherche? Voyez-vous, je connais particulièrement bien les références de ce genre de manuels. Si j'avais pu spécialiser ma boutique, vous n'auriez trouvé que cela à vous mettre sous la dent. Je vois que vous portez un sabre... Peut-être devriez-vous lire ceci alors!"

Il attrapa un livre et le tendit à Tenko qui le feuilleta en écoutant les explications du vieillard.

"C'est un traité écrit il y a de cela longtemps par un samouraï invaincu de l'île de Wanokuni. Il y expose les principes fondamentaux de son école de combat au sabre, mais aussi les rudiments de tactiques nécessaires pour se sortir de la plupart des situations. Ce livre ne pourra que vous être bénéfique."

"Combien en voudriez-vous?"

"Oh, je ne peux pas vous le vendre, seulement vous le céder si vous vous en montrez digne. Ce serait un déshonneur pour son auteur que de brader l'oeuvre de sa vie. Vous devrez mener un combat au sabre et le remporter si vous souhaitez repartir avec cet ouvrage. Le choix est votre, repassez demain à la même heure si vous voulez tenter votre chance."

Tenko avait passé la nuit à réfléchir à la proposition que le vieux libraire lui avait fait la veille. Si le livre qu'il lui avait montré revêtait une grande valeur pour n'importe quel sabreur, l'idée d'un combat pour l'obtenir rebutait le jeune soldat. Depuis son arrivée sur l'île, il avait remarqué le regard que les gens lançaient sur lui à son passage: ils savaient pertinemment qu'il faisait partie de la Marine. Le Gouvernement Mondial essayait de reconstruire son image ici, et le jeune homme ne se voyait pas détruire ces efforts pour un gain personnel. Il se redressa sur son lit, abandonnant tout effort pour dormir. Quelque chose d'autre le tracassait. Et si cet "Autre Lui" qui s'était déjà manifesté auparavant faisait de nouveau surface à l'occasion de son affrontement? Que ferait-il si il perdait le contrôle et massacrait des habitants? Non c'était bien trop risqué. Il se leva et tenta de se distraire en se préparant. Quand il descendit dans la salle commune de l'auberge, les habitués du coin étaient déjà à leur poste. Il commanda une assiette d’œufs et s'assit à une table. Deux hommes assit un peu plus loin semblaient le regarder. Il fit mine de ne pas les avoir remarqués et mangea son déjeuner. Quand il passa la porte de l'établissement, il entendit deux chaises racler le sol et il s'éloigna en suivant bien le chemin central. Il ne serait pas accosté si il restait droit sur la route. Qui étaient ces hommes? Que lui voulaient-ils?

Il atteint l'arbre sans se précipiter en une dizaine de minutes et pénétra par la lourde porte de bois. Dedans, un spectacle incroyable s'offrait à lui. Taillée à même le bois, une bibliothèque immense s'élançait vers le faîte de l'arbre. Des échelles munies de coursives permettaient de parcourir les milliers d'ouvrages qui étaient entreposés là. Des bibliothécaires s'affairaient dans tout les sens, accueillant les nouveaux ouvrages, s'occupant de les classer, de réparer les anciens. Une vraie fourmilière s'étalait sous ses yeux. Il fit le tour rapide du cercle que formait l'arbre avant de se lancer à l'assaut des hauteurs pour feuilleter quelques livres. Un véritable puit de savoir était là à la disposition de tout un chacun. Tenko se laissa absorber par la lecture pendant quelques heures. Il pensa qu'aucun homme n'aurait assez de temps dans sa vie pour lire tout ces ouvrages. Quand il décrocha son regard des centaines de lignes qu'il avait parcouru pendant sa lecture, il remarqua par une persienne que le soleil avait atteint son zénith. Refermant délicatement l'ouvrage, il se leva et sortit de l'arbre-bibliothèque. Il discerna alors une foule massée autour de la place centrale. Il se hâta et arriva pour assister au spectacle qui prenait place. Un soldat, à peine plus jeune que lui, était au sol et tentait tant bien que mal de se protéger des coups de pieds qui atteignaient ses côtes. En apercevant Tenko, il tendit la main vers lui et la foule se fendit, comme apeurée par ce geste.

Il courut rejoindre son collègue au sol, tandis que ses assaillants s'étaient écartés. S'agenouillant, Tenko tenta de s'assurer de l'état de santé du soldat. Il avait du sang sur le visage et œil au beurre noir commençait à se dessiner. Il tenait dans sa main crispée une lettre, que Tenko attrapa et lut. Elle concernait sa nouvelle affectation. Le jeune soldat semblait avoir perdu connaissance. Il aida son compagnon à se mettre debout, et regarda les deux hommes qui l'avaient attaqué. Il l'amena contre un mur et le laissa se reposer là, non sans le féliciter de son courage. Il se tourna alors vers les deux hommes qui le surveillaient tantôt, agrippant la poignée de son sabre d'une main. Il les jaugea d'un coup d’œil. Ils ne ressemblaient pas à des civils ordinaires, ils semblaient aguerris par une certaine expérience des combats. Une cicatrice parcourait le visage de l'un deux. Ce n'étaient visiblement pas des pirates, malgré leurs méthodes brutales. Tenko s'avança et le cercle des villageois se referma derrière lui. Il pensa que cela ressemblait trop à un combat organisé pour que ce n'en soit pas un. Le jeune coursier avait-il servi de prétexte à l'embuscade? Et le vieil homme était-il responsable de tout ce qui se tramait? Une chose était sûre: il ne pourrait pas se dérober au combat à présent. Il commença à parler.

"En attaquant ce soldat, c'est à la Marine que vous vous êtes attaqués. Maintenant, je vous somme de vous rendre pour épargner à ce village des violences qu'il ne souhaite pas voir arriver. Jetez ces sabres que vous portez à la ceinture au sol et rendez-vous!"

"Qu'est-ce qui te permet de dire ce que ce village désire? C'est bien un truc du gouvernement ça! Toujours à se mêler des affaires des autres... Quel est ton nom Marine, que les frères Jons l'inscrivent à la liste de leur victimes?"

Ils se mirent à rire à gorge déployée et tirèrent leurs armes de leur fourreau. Il dégaina alors son sabre et se mit en garde.

"C'est dommage, j'étais supposé profiter de cette permission pour me reposer. Mais vous ne me donnez pas le choix. Tenko Sozen, pour vous servir. Ou du moins pour servir ceux qui en ont besoin."

Sans attendre, ils chargèrent le soldat qui leur faisait face. Individuellement, ils ne faisaient pas le poids, mais à eux deux ils devraient être capables de le vaincre. Tenko resta sur la défensive. Le premier homme arriva, et il para son coup en le déviant, profitant de l'élan de son adversaire pour le propulser derrière lui. Puis il lança une série de coups au deuxième homme, ce qui eut pour effet de briser sa course. Ce dernier, conscient de la différence de niveau, tenta de se sortir des coups du lieutenant et en réchappa avec une entaille sur le bras. Le premier revint à l'assaut et lança des coups puissant pour briser la garde du soldat. Tenko tint bon, et repoussa violemment son adversaire avec son sabre. Les deux hommes lui firent face, visiblement énervés par la passe d'arme qui les avait ridiculisés. Ils se concertèrent discrètement, élaborant une stratégie pour attaquer leur adversaire avec plus d'efficacité la fois suivante. Le jeune soldat, quand à lui, resserra sa prise sur la poignée de son sabre. Il commençait à transpirer, et même s'il avait dominé le combat jusqu'ici, il ne tarderait pas à fatiguer à force de rester sur la défensive. Viendrait le moment où il porterait lui même le combat jusqu'à ses adversaires. Il devrait alors les défaire rapidement.

Spoiler:

Les frères Jons s'écartèrent de quelques pas et commencèrent à tourner comme pour délimiter une zone de combat. Tenko jaugea les deux adversaires séparément pour déterminer lequel était le plus fort. S'il parvenait à en mettre un hors d'état de nuire, il pourrait suffisamment impressionner l'autre pour qu'il se rende. Restait maintenant à déterminer lequel supporterait le moins la pression. Celui qui lui avait parlé semblait très imbu de sa personne et il montrait une confiance en lui spectaculaire. Le second, visiblement épuisé par les assauts violents du jeune officier, avait une lueur d'appréhension dans le regard. C'était celui-là qu'il fallait épater. Le Marine changea sa garde, décalant légèrement sa lame vers sa droite, et rapprochant ses mains de son corps. Il chargea ce qui semblait être l'aîné de la fratrie. Ce dernier maintint sa position, partant étonnamment sur une position défensive. Mais alors que le soldat arrivait au niveau de son ennemi, le plus jeune qui s'était rapproché, lança un coup puissant de son sabre. Tenko para le coup, et les sabres se bloquèrent. Il se recula de justesse pour éviter un coup qui venait de sa première cible. Les deux hommes se protégeraient mutuellement maintenant qu'ils avaient compris la force de leur ennemi. La mouette recula de quelques pas et se remit en garde. Il avait dépensé beaucoup d'énergie pour rien. Son endurance était visiblement à revoir. Il devait trouver une solution pour couper la symbiose qui l'empêchait de s'en prendre à l'un ou à l'autre des deux bougres.

Il réfléchit rapidement pour trouver une solution. Le terrain ne lui offrait aucun avantage mais était en revanche très favorable à ses ennemis qui pouvaient s'épauler à merveille. Il lui fallait renverser la tendance pour pouvoir mener des attaques individuelles sans risquer d'être interrompu. Il trouva alors la solution et s'élança en perçant la foule. Les deux révolutionnaires s'empressèrent de le suivre, alors persuadés qu'ils l'avaient mis en fuite. Ils ne tentèrent pas de le rattraper et se contentèrent de le suivre alors qu'il courait sur le chemin en direction de la plage. Comptait-il les ramener droit dans la gueule de la garnison de soldats qui se trouvait là-bas? Si c'était le cas, il fallait le stopper dans la forêt. Tenko se retrouva seul entre les arbres et sourit en entendant les deux frères arriver. Il s'était glissé dans un espace où les arbres étaient nombreux et assez rapprochés pour empêcher toute forme de manœuvres coordonnées. Lui avait l'habitude de se battre dans ces conditions. Sur le pont des navires qui l'avaient accueillis, les combats ne pouvaient être qu'individuels. L'aîné surgit alors et écarquilla les yeux en apercevant le soldat qui le chargeait. Il encaissa le choc tant bien que mal, recula et trébucha sur une branche avant de s'étaler de tout son long. Le jeune homme lui bloqua le bras en posant son pied sur son poignet et lui asséna un coup de pommeau dans le visage. L'effet de surprise fonctionnait toujours.

Le second homme se glissa par derrière et lança un coup de sabre que Tenko ne put éviter. Une longue estafilade se dessina dans son dos. Par chance, les obstacles sur le trajet de la lame l'avaient empêché de toucher avec puissance. Se retournant, il lança un puissant coup d'estoc au jeune révolutionnaire. La lame passa à côté de sa cible, qui leva alors son sabre avec un grand sourire avant de soudainement afficher une expression crispée. Une longue plaie s'ouvrit en diagonale sur son torse tandis que Tenko essuyait sa lame avant de la ranger. Il entendit cependant celui qu'il avait chargé se relever et de deux coups de sabres il l'envoya de nouveau au tapis. Il soupira alors et rangea son sabre. Comme il avait pu s'en douter, la forêt avait été à son avantage. Il menottait les hommes quand soudain une voix résonna derrière lui. Il se tourna en attrapant son sabre... et se retrouva nez à nez avec un homme d'une taille impressionnante. En un seul coup d'oeil, le jeune troisième classe sut qu'il ne faisait pas le poids face à un tel homme. Était-ce le supérieur des deux bleus qu'il avait capturé? Sans aucun doute. Que lui voulait-il alors? Il relâcha la prise sur son arme, conscient de l'inutilité d'un tel geste. Si ce colosse avait décidé de le tuer, il l'aurait fait avant même qu'il ne puisse sortir sa lame de son fourreau. Impassible, le surhomme se tenait droit, fixant ses deux subordonnés au sol. Il secoua la tête d'un air désolé.

"Jeune soldat, n'ayez crainte je ne vous veux aucun mal. Je tenais simplement à faire passer un message à ces deux hommes que vous voyez là. Dorénavant, ils ne font plus partie de notre mouvement. Ils n'ont pas compris l'essence de notre lutte, ils causeront certainement plus d'ennuis qu'ils n'en résoudront. Veillez à les informer de cela."

Le temps d'un instant, avant même que le jeune soldat n'ai pu prononcer un mot, il était parti. Tenko sentit alors la douleur qui lui tenaillait le dos. L'adrénaline était retombée. La douleur s'était propagée rapidement de sa blessure à son cerveau. Il dénoua son écharpe et tenta de l'appliquer sur sa plaie. Il entendit un bruit de course au niveau du chemin et se précipita là-bas pour intercepter ce qui était probablement une patrouille de la Marine. Une heure plus tard, il se trouvait au port, sur le point d'embarquer à bord du navire qui l’emmènerait à sa nouvelle garnison. Les deux criminels avaient été mis en cale et solidement enchaînés. Après s'être entretenu avec l'officier en charge du navire, il avait réussi à négocier un détour en direction de l'île qui allait maintenant l’accueillir. Alors qu'il allait monter à bord, une voix enfantine l'interpella. Un jeune garçon se tenait derrière lui, un air effrayé. Un soldat accourut pour le chasser, mais Tenko le stoppa d'un geste de la main. Il se pencha au niveau du garçon et lui demanda ce qui l'amenait ici. Il sortit un livre de sous sa veste. Le jeune homme reconnut l'ouvrage que le vieil homme lui avait promis et il le prit dans ses mains. Il le feuilleta en le manipulant délicatement, comme s'il s'agissait d'un trésor ancien. Il le rangea dans sa poche et observa les mains de l'enfant qui les avait positionné en creux. Il sourit et tira quelques pièces de sa poche. L'enfant s'éloigna, avant de se retourner et de lui lancer:

"Le monsieur a dit que vous n'aurez qu'à revenir le jour où vous aurez compris le sens de cet ouvrage!"

Il galopa vers son village en faisant sauter les pièces dans sa main, tandis que Tenko observait cette île fascinante.

"Sozen, le navire va bientôt lâcher les amarres!"

"J'arrive..."